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FAAE Rapport du Comité

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L’IRAN D’AHMADINEJAD : UNE MENACE POUR LA PAIX, LES DROITS DE LA PERSONNE ET LE DROIT INTERNATIONAL

INTRODUCTION

À l’été 2009, les Canadiens et le reste de la communauté internationale ont observé avec inquiétude et un sentiment de déjà vu la répression, par les forces de sécurité iraniennes, des manifestations suscitées par les résultats de l’élection présidentielle du 12 juin. Ces événements constituaient à de nombreux égards un nouvel exemple éloquent du manque de respect des autorités iraniennes pour les droits de la personne. Ils ont aussi fourni l’occasion d’un rare coup d’œil sur les tensions internes qui agitent le pays. En septembre, un diplomate canadien de longue date, Jeremy Kinsman, faisait remarquer à ce propos : « Le drame iranien de cet été a été tout à la fois édifiant, déprimant, éclairant et décevant. L’Iran est à la une[1]. » Si les membres du Sous-comité et tous les Canadiens espèrent que, à terme, ces événements aboutiront à une évolution constructive de la société iranienne, il reste que les abus perdurent et que le régime iranien applique encore des politiques dangereuses et parfois des politiques de déstabilisation illégales, dont la création d’un arsenal nucléaire et l’incitation au génocide sanctionnée par l’État. Toutes ces questions seront traitées dans le présent rapport.

Les manifestations spectaculaires de l’été et la réaction des autorités iraniennes et de la communauté internationale ont contribué à focaliser l’objet d’une étude qu’avait déjà entamée le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes. En effet, le Sous-comité avait commencé à examiner le dossier des droits de la personne en Iran en 2008, après avoir tenu une réunion le 27 mars 2007 au cours de la première session de la 39e législature. En 2008, il a tenu deux audiences spécifiquement sur le traitement de la minorité bahá'íe en Iran. M. Mario Silva, membre du Sous-comité, a rédigé le rapport sur la question et en a proposé l’adoption. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a approuvé le rapport, lui aussi à l’unanimité, puis l’a déposé à la Chambre des communes le 5 mars 2009. M. Silva et l’honorable Irwin Cotler, aussi membre du Sous-comité, ont demandé l’adoption du rapport à la Chambre des communes le 30 mars 2009.

 Par la suite, préoccupé par la détérioration de la situation des droits de la personne en Iran, le Sous-comité a décidé d’effectuer une étude non seulement sur la violation des droits de la personne en Iran, mais aussi sur les répercussions régionales et internationales de la quête de l’arme nucléaire en Iran et d’un mécanisme d’exécution, de même que de l’incitation au génocide par le régime[2]. Entre le 10 mars et le 29 octobre 2009, le Sous-comité a consacré 16 audiences à l’étude de ces questions. Il a entendu des témoins experts, notamment des personnes témoignant en leur propre nom, des défenseurs des droits de la personne représentant des organisations non gouvernementales, des universitaires et des avocats.

Même si le gros des témoignages reçus portait sur les événements d’avant l’élection présidentielle de juin, le Sous-comité est convaincu que toutes ses conclusions seront utiles dans les mois à venir quand le gouvernement du Canada et la communauté internationale détermineront leur politique à l’égard de l’Iran. Le portrait que les témoins traçaient avant la présidentielle du 12 juin — celui d’un régime qui viole systématiquement les droits de ses citoyens — reste valable sauf que les témoignages troublants que le Comité a reçus par après montrent que les circonstances de l’élection ont aggravé la propension à violer les droits de la personne en poussant le régime à réprimer l’opposition interne à ses politiques. M. Abbas Milani, directeur des études iraniennes à l’Université Stanford, a conforté cette opinion en parlant d’un régime qui « bafoue constamment les droits de la population. » Il a ajouté cependant que depuis les élections de juin, « les droits des Iraniens sont de plus en plus bafoués. Le régime se sent isolé et affaibli, et son côté brutal prend le dessus — c'est toujours ainsi que les choses se passent quand un tel régime se met à avoir peur[3]. » De l’avis du Sous-comité, des éléments de preuve convaincants permettent de conclure que la violation des droits de la personne va s’intensifier en raison de la légitimité précaire du mandat du président Ahmadinejad dans la foulée de l’élection présidentielle. Nous avons de sérieuses préoccupations à l’égard des circonstances entourant le processus électoral. Le président Ahmadinejad et le régime font face à un contexte politique délicat, qui englobe les questions de légitimité nationale et internationale, et doivent gouverner un pays en proie à des tensions internes.

Il est encore trop tôt sans doute pour tirer des conclusions sur les répercussions des événements de l’été dernier sur les relations internationales de l’Iran, mais ceux-ci pourraient fournir au Canada et au reste de la communauté internationale l’occasion de renouveler leurs relations et leur leadership diplomatiques avec l’Iran, des dossiers particulièrement sensibles. Un grand nombre des témoins qui ont comparu devant le Sous-comité ont dit espérer des changements en Iran, en particulier grâce au dynamisme de la jeunesse iranienne.

Il reste que toute initiative diplomatique risque fort d’échouer sans l’établissement de sanctions exhaustives, mesurées et conséquentes, comme l’a recommandé le Sous-comité dans son rapport, étant donné la réponse hostile de l’Iran à l’engagement de bonne foi de la communauté internationale dans le dossier nucléaire et les actes généralisés de violation des droits de la personne en Iran, mis au jour par l’élection du 12 juin 2009. La veille de l’élection présidentielle en Iran, M. Houchang Hassan-Yari, un Canadien d’origine iranienne qui dirige le département de science politique et d’économie au Collège militaire royal du Canada, a comparu devant le Sous-comité et expliqué ceci :

La question du respect des droits humains a toujours été une source de tension entre l'État et la société en Iran […] Cela n'est pas quelque chose de nouveau en Iran; cela existait avant la révolution; cela existe depuis plusieurs centaines d'années[4].

On a mentionné au Sous-comité qu’après l’élection du président Khatami en 1997, des observateurs avaient soutenu que l’Iran semblait s’engager dans une voie plus réformiste ou modérée. Or, depuis l’élection présidentielle de 2005, la situation s’est à nouveau détériorée et les tenants de la ligne dure au sein du régime ont pris les moyens pour isoler les éléments modérés. D’ailleurs, un des arguments troublants avancés par de nombreux témoins est que la situation des droits de la personne en Iran, depuis longtemps problématique, s’est en fait grandement détériorée depuis l’arrivée au pouvoir du président Ahmadinejad en 2005.

En effet, des témoins ont dit au Sous-comité qu’à l’approche de l’élection de juin 2009, les arrestations de journalistes, de militants politiques, d’étudiants et d’universitaires au nom de la « sécurité nationale » se sont multipliées[5]. Malheureusement pour les Iraniens, nombre des inquiétudes qu’exprimaient les témoins avant l’élection étaient prémonitoires. Aux réunions d’octobre, ils ont décrit au Sous-comité la répression des manifestations et la violence des agents du régime contre les manifestants. Ils lui ont rappelé le nombre de personnes qui ont été arrêtées et qui auraient même dans certains cas été violées, torturées et tuées. À ce propos, M. Payam Akhavan, professeur de droit international à l’Université McGill, a déclaré : « Je pense qu'il est important de ne pas réduire cette histoire à des abstractions et à des statistiques, afin de comprendre l'horrible brutalité avec laquelle le gouvernement iranien a réprimé ce qui était essentiellement un mouvement pacifique et non violent en faveur des droits fondamentaux de la personne et de la démocratie[6]. »

Tout au long des audiences, les témoins ont soulevé d’autres préoccupations au sujet du régime iranien en abordant les dimensions internationales de ses politiques des droits humains, notamment son soutien à des organisations terroristes, sa belligérance envers Israël et l’orientation de son programme nucléaire.

Le présent rapport est divisé en six parties. La première résume les témoignages entendus au sujet des violations systémiques des droits de certains groupes de la société iranienne. Dans la deuxième, le Sous-comité traite des obligations de l’Iran envers ses citoyens aux termes du droit international et indique quelle attitude le Canada devrait adopter à cet égard envers l’Iran. La troisième résume les témoignages sur le rôle de l’Iran dans l’exportation de la violence, lui qui soutient le terrorisme, incite au génocide envers Israël et les juifs et exécute un programme nucléaire qui pourrait présenter des applications militaires. Dans la quatrième partie, le Sous-comité traite des obligations de l’Iran relativement au maintien de la paix et de la sécurité internationales et indique comment le Canada devrait amener l’Iran à faire face à ces obligations. La cinquième partie résume les témoignages que le Sous-comité a reçus au sujet de la situation des droits de la personne en Iran dans les mois suivant la présidentielle du 12 juin 2009. Le rapport se termine par les conclusions du Sous-comité sur l’Iran postélectoral.

Sur la foi des témoignages qu’il a reçus et d’informations publiques, le Sous-comité convient de faire rapport des observations et recommandations qui suivent au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

I. LES DROITS DE LA PERSONNE EN IRAN : RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

Il n’est pas simple d’étudier la situation des droits de la personne en Iran parce qu’il est bien difficile, pour plusieurs raisons, d’obtenir des comptes rendus justes et complets de la situation. Les témoins que nous avons entendus affirment que, en Iran, les militants font régulièrement l’objet de harcèlement et de mesures d’intimidation. Les risques d’arrestation, d’expulsion et même de mort sont élevés. Les bureaux des organisations de défense des droits de la personne et des journaux indépendants sont souvent forcés de cesser toute activité. Depuis plusieurs années, les organisations internationales de défense des droits de la personne comme Human Rights Watch n’arrivent pas à entrer en Iran pour y faire des recherches. On observe aussi de nombreux cas où le gouvernement omet de diffuser publiquement de l’information sur des arrestations et des exécutions.

Ainsi, la communauté internationale doit souvent s’en remettre à des militants et des journalistes vivant en Iran qui, à leurs risques et périls, signalent les violations des droits de la personne et assurent le suivi des cas tout en réclamant par ailleurs du gouvernement iranien qu’il soit plus ouvert, transparent et juste. C’est grâce à leur persévérance que cette information cruciale parvient à leurs collègues du monde entier, aux médias internationaux et jusque dans les salons des Canadiens. Mme Renee Redman, directrice générale du Iran Human Rights Documentation Center, a fait état des difficultés auxquelles se heurtent les organismes comme le sien quand ils essaient de rendre compte de façon complète et preuves à l’appui de ce que le gouvernement a fait depuis la présidentielle du 12 juin : « Les journalistes étrangers sont essentiellement interdits sur le territoire iranien. Les journalistes du pays sont arrêtés et nous avons appris qu'un grand nombre d'entre eux tentent de quitter le pays. Certains y sont déjà parvenus. Ce n'est pas bon signe[7]. »

Aux réunions d’avant la présidentielle du 12 juin, le Sous-comité avait entendu des avis divergents sur le point de savoir si la situation des droits de la personne en Iran s’était améliorée depuis la révolution de 1979 et la création de la République islamique.

M. Hassan-Yari en a brossé un tableau historique et comparatif quelque peu optimiste. D’après lui :

Si on jette un regard global sur la société iranienne depuis 1979, on voit un certain mouvement encore positif dans la bonne direction, malgré la répression et tout ce qu'on entend dans les nouvelles et les anecdotes. C'est un signe très encourageant d'une société qui essaie de revenir aux valeurs de la révolution, c'est-à-dire l'indépendance, la liberté et son rôle comme source de la légitimité.
Évidemment, cela ne signifie nullement qu'il n'y a pas de répression; il y en a. Si on compare la révolution iranienne de 1979 à 2009 aux révolutions les plus connues dans le monde comme la révolution bolchevique en Russie en 1917 et la Révolution française, qu'on appelle souvent la mère de toutes les révolutions, à ce qui s'est passé au Nicaragua vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, aux événements qui se sont produits aux Philippines lors du départ de Marcos, on constate que durant les 30 années de la révolution iranienne, l'Iran a fait des pas énormes que les Français ou les Russes n'ont pas fait pendant plus de 70 ans.
Il s'agit simplement de comparer la situation actuelle, y compris dans le domaine des droits humains, aux excès qui se sont produits juste après la révolution. Cela signifie qu'il y a une lutte continue entre la société civile et le pouvoir iranien. À mon avis, le pouvoir recule. Autrement dit, le pouvoir cède devant les avancées de la société civile, d'où effectivement cet optimisme relatif que j'ai à l'égard de l'évolution de la société iranienne[8].

Par ailleurs, d’après les chiffres de nombreux témoins, certains types de violations des droits de la personne affichent une tendance à la hausse et d’autres une tendance à la baisse. M. Milani soutient qu’au cours des 30 dernières années, « il y a eu des moments de répit et des moments de terreur sans égal ». Le moment peut-être le plus sombre de l’histoire de la République islamique, selon lui et d’autres témoins, c’est en 1988 quand on a exécuté environ 4 000 prisonniers « accusés de crimes d’une autre nature » afin de vider les prisons des personnes « susceptibles de s’opposer au régime[9]. »

Dans l’ensemble cependant, les avis exprimés tendent à confirmer que la situation des droits de la personne s’est encore détériorée en Iran ces dernières années. Suivant les informations recueillies, les violations graves et systémiques des droits de la personne atteignent un niveau à la fois inquiétant et intolérable. Puis, beaucoup sont commises en toute impunité quand elles ne sont pas carrément encouragées par le gouvernement ou par ses agents. Quels que soient les microtendances ou les indicateurs choisis, la situation globale à long terme a de quoi inquiéter. Les actions que le gouvernement a menées dans la foulée des manifestations contre le résultat annoncé de la présidentielle du 12 juin le soulignent abondamment. Il faut également signaler que les évaluations les plus positives de la situation des droits de la personne en Iran ont été fournies à l’occasion de réunions tenues avant l’élection présidentielle.

Le Sous-comité a été informé de la gravité, de l’étendue et du caractère systémique des violations des droits de la personne en Iran. Sont visés les minorités ethniques, les minorités religieuses, les femmes, les militants, les étudiants, les journalistes, les chefs syndicaux et les dissidents; on s’en prend aussi aux gens pour leur orientation sexuelle. On a signalé aussi des exécutions de mineurs sanctionnées par l’État et décrit la situation particulièrement difficile des personnes qui appartiennent à plus d’un des groupes précités. Au sujet des violations des droits de la personne en Iran, M. Milani a déclaré qu’il y en avait deux types : « D'une part, il y a les actes de violence que commet le régime au grand jour, comme emprisonner des gens ou exécuter des mineurs pour avoir commis un crime à l'âge de 15 ans. » D’autre part, a-t-il ajouté, « il y a les sévices et les inégalités qu'on fait subir quotidiennement à la société iranienne, aux jeunes Iraniens, et qui les écrasent peu à peu[10] ».

1. Le traitement des minorités religieuses

En Iran, les autorités religieuses, appuyées par les Gardiens de la Révolution islamique iranienne, exercent une grande influence au sein du gouvernement. Ce pouvoir explique pourquoi les minorités religieuses n’y jouissent pas toutes et toujours du même respect et des mêmes protections. Théoriquement, certaines minorités religieuses sont reconnues dans la Constitution iranienne et jouissent de droits légalement protégés, mais d’autres, comme les bahá'ís, n’ont aucune protection. Le Sous-comité a entendu de nombreux témoignages faisant état de discrimination (interdiction d’accès aux études supérieures ou à l’emploi dans la fonction publique), d’entraves à la liberté de religion et à l’expression religieuse, linguistique et culturelle et même de répression directe (arrestations, attentats, condamnations et exécutions).

i. Les bahá’ís

Les bahá'ís sont environ 300 000 en Iran[11]. Ils sont victimes d’une forme de persécution particulière étant donné qu’ils ne jouissent d’aucune protection dans le système judiciaire iranien[12]. L’article 13 de la Constitution reconnaît comme légitimes certaines minorités religieuses et leur confère des droits[13]. Ainsi, les membres de certaines confessions religieuses ont un statut juridique et jouissent des droits qui en découlent. Si les « gens du livre » — c’est-à-dire les chrétiens, les juifs et, par dérogation, les zoroastriens — appartiennent aux minorités religieuses officielles, ce n’est pas le cas des bahá’ís. M. Payam Akhavan a dit au Sous-comité que, « selon les tenants de la ligne dure au sein de la République islamique, les bahá'ís iraniens sont des infidèles qui ne sont pas visés par la protection juridique[14] ». Des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) ont parlé de la discrimination invétérée dont est victime la communauté bahá'íe en Iran. M. Jeffrey McLaren, directeur, Direction du Golfe et du Maghreb, MAECI, a déclaré : « Leur situation en Iran est probablement aussi grave que celle de n'importe quel groupe identifiable en Iran. Même les Iraniens d’allégeance réformiste qui croient que les politiques de leur pays ont besoin d’être corrigées ont des œillères à l’égard des bahá'ís[15]. »

On a dit au Sous-comité que les autorités iraniennes s’en prenaient systématiquement aux bahá’ís, lesquels sont privés de protection aux termes de la loi. Les témoins ont aussi rappelé qu’un bon nombre de dirigeants bahá’ís ont été exécutés dans les années 1980. Ces dernières années, cependant, on emploie d’autres moyens pour marginaliser les bahá’ís en Iran :

Plus récemment, on a assisté à une forme plus subtile de répression qui vise à causer la mort civile des bahá'ís. Ils sont systématiquement éliminés des activités économiques : le droit à l'éducation, à la pension, à l'emploi dans le secteur public. Toutes ces formes de répression constituent différents moyens d'atteindre la même fin que celle visée par le gouvernement dans les années 1980 par l'entremise de l'exécution systématique. Les documents qui ont été divulgués par des membres du gouvernement iranien indiquent très clairement que l'objectif avoué du gouvernement est d'éradiquer la minorité religieuse des bahá'ís[16].

On a dit au Sous-comité que le gouvernement iranien encourageait activement la stigmatisation des bahá'ís. M. McLaren (MAECI) a déclaré au Sous-comité : « On les appelle des apostats, et l’on considère qu’ils représentent une menace pour la société islamique. Comme nous le savons tous, ces préjugés sont absurdes. Ils sont très loyaux, peu importe le pays où ils vivent[17]. » Il a aussi parlé de leur manque d’accès aux universités iraniennes. Mme Suzanne Tamas, de La communauté bahá'íe du Canada, a donné lecture de deux traductions de documents témoignant de ces pratiques. Le premier, une pétition de 2008 affichée à l’extérieur d’une mosquée dans laquelle l’ayatollah Khamenei prêchait et que les fidèles étaient invités à signer portait ce qui suit :

Le bahaïsme est une secte organisée dont la direction se cache sous l'aile protectrice de l'occupant farouche de Jérusalem. Elle s'est bâtie en proférant des mensonges à propos de l'Islam et de l'Iran, et en s'employant ouvertement et sans crainte à l'avancement des objectifs politiques, culturels et économiques du sionisme mondial. Non seulement cette organisation sioniste-bahá'íe a fait de l'Islam la cible de ses lâches attaques, mais elle fait fi des besoins de l'humanité et de ses principes. Nous, les soussignés, nous acquittant de notre devoir en tant qu'êtres humains et envers l'Islam, demandons que l'estimé procureur général de ce pays poursuive en justice tous les éléments de cette organisation et qu'il en dissolve la direction[18].

Deuxièmement, Mme Tamas a présenté au Comité l’extrait suivant d’une lettre adressée par le procureur général d’Iran au ministre du Renseignement :

La direction de cette secte égarée des bahá'ís est illégale à tous les niveaux et bannie, les liens des bahá'ís avec Israël ainsi que leur opposition à l'Islam et au régime islamique sont clairement établis, le danger qu'ils représentent pour la sécurité nationale est documenté et prouvé, et par conséquent il est nécessaire que toute entité visant à remplacer la direction originale soit traduite en justice[19].

Non seulement les autorités iraniennes s’efforcent manifestement de diaboliser les bahá'ís mais, d’après les témoins entendus, ces activités s’intensifient[20]. La discrimination dont sont victimes les bahá'ís est aggravée du fait que ceux-ci n’ont pas accès aux médias ni ne peuvent créer leurs propres entreprises de communications. Les bahá'ís n’ont donc aucun moyen de contester le discours des autorités[21].

D’après le même témoin, Mme Tamas, parmi les accusations portées par l’État contre des membres de la foi bahá'íe figurent « espionnage pour le compte d’Israël », « insulte au caractère sacré de l’Islam » et « propagande contre le régime », des crimes passibles de la peine de mort[22].

M. Akhavan est d’avis que les autorités iraniennes se servent de la stigmatisation des bahá’is pour distraire la population des problèmes sociaux pressants qui amènent la société iranienne à contester la légitimité du régime[23].

ii. Les gens du livre : les chrétiens et les juifs

On a observé que les gens du livre jouissaient d’un statut juridique différent des bahá'ís, car ils bénéficient d’une forme de reconnaissance aux termes de l’article 13 de la Constitution iranienne. Ils bénéficient donc d’une certaine mesure de protection juridique et leurs activités religieuses quotidiennes sont souvent tolérées par le régime. En outre, les chrétiens et les zoroastriens ne semblent pas faire autant que les bahá'ís l’objet d’une persécution active.

M. McLaren du MAECI a déclaré au Sous-comité que la population juive de l’Iran était la plus nombreuse au Moyen-Orient à l’extérieur d’Israël. Il a expliqué qu’en tant que minorité religieuse officielle, elle « est libre d'accomplir ses cérémonies et ses rites religieux. Ses membres ont le droit d'occuper des postes au sein de la communauté, ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour les bahá'ís. Cela dit, elle forme une minorité au sein d’une population qui ne traite pas toujours bien ses minorités. » Il a évoqué des incidents « où la communauté juive a fait face à un certain nombre d'accusations et d'arrestations pour avoir prétendument espionné pour Israël. Certains des accusés ont été incarcérés » au début du millénaire. Somme toute, M. McLaren estime que les agents de l’État et la société iranienne dans son ensemble ne traitent pas les juifs de la même façon que les musulmans. Il reconnaît qu’ils font face à des pressions supplémentaires à cause de leur statut minoritaire et que « beaucoup quittent le pays ». Il précise toutefois qu’« ils ont le droit d'administrer des synagogues, de remplir leurs fonctions et d'exercer leurs activités religieuses. Ce n'est pas facile d'être juif en Iran. Il y a un certain niveau de discrimination, ou des périodes difficiles, mais la communauté juive ne fait pas face aux mêmes types de pressions que la communauté bahá'íe[24]. »

Même si les juifs et les chrétiens ne sont pas maltraités autant que les bahá'ís, ils ne jouissent pas pour autant de protections complètes, a-t-on dit au Sous-comité. Il y a trois problèmes. D’abord, certains chrétiens ont été arrêtés, apparemment pour des motifs liés à leur foi[25]. Ensuite, la discrimination serait monnaie courante. D’après M. Stanton, président de Genocide Watch :

Il est vrai qu'il existe une communauté juive en Iran. Il y a aussi une communauté chrétienne. Par contre, il est inexact de dire qu'elles ont les mêmes droits que les chiites. Juifs et chrétiens sont victimes de discrimination dans le domaine de l'emploi, sur le plan juridique et dans bien des domaines. Il n'est pas vrai qu'ils ont des droits égaux[26].

Enfin, certains témoins ont soutenu que les juifs, un peu comme les bahá'ís, étaient l’objet de campagnes de dénigrement et de déshumanisation. Le présent rapport, qui traite aussi de l’incitation au génocide, fait ressortir ce que des témoins ont qualifié de propos insidieux des plus hautes autorités de l’Iran au sujet du peuple juif, d’Israël et des sionistes. Si l’incitation au génocide semble cibler la plupart du temps les juifs israéliens, les juifs iraniens sont quand même affectés par ce discours incendiaire. Enfin, comme l’a laissé entendre M. Stanton, le fait que la plupart des juifs iraniens se soient exilés en dit long sur la manière dont ils sont traités dans leur pays[27].

iii. Autres minorités religieuses

Les témoins ont dit au Comité que d’autres groupes religieux ont du mal à pratiquer librement leur foi en Iran.

Ainsi, on a dit au Sous-comité qu’on s’en prenait aux religieux sunnites, souvent harcelés et arrêtés[28]. D’après Sharif Behruz, membre du parti démocrate du Kurdistan iranien, « on promeut et on encourage vivement l'établissement et la création de mosquées shiites dans des régions non shiites, comme les régions kurdes. Toutefois, la création et la construction de mosquées sunnites, particulièrement dans une ville comme Téhéran, qui compte un million de sunnites, est interdite en Iran[29]. »

Le 18 octobre, un attentat suicide a été perpétré au sud-est de l'Iran dans la province du Sistan-Baloutchistan, attentat d’ailleurs condamné par le gouvernement canadien. L’explosion aurait tué cinq commandants des Gardiens de la Révolution islamique iranienne et fait des dizaines de blessés. L’attentat a été revendiqué par le groupe radical Jundallah. La majorité des habitants du Sistan-Baloutchistan sont sunnites — les Baloutches — et forment un groupe minoritaire en Iran.

Tous les témoins ont condamné cette violence politique, mais certains y voyaient un symptôme des frustrations profondes que le régime fait subir aux minorités religieuses et ethniques. M. Milani a déclaré : « C'est la tentative de la part des éléments radicaux des deux camps, les chiites et les sunnites, de mettre le feu aux poudres. » Il a ajouté toutefois que le régime réservait aux Baloutches le même traitement qu’aux Kurdes de l’Iran. Les Turcs, les Turkmènes et les Iraniens arabophones sont « autant de minorités qui vivent à la périphérie de l'Iran, et dont les droits ont été bafoués d'une façon ou d'une autre. Leur droit à une part équitable du budget gouvernemental, leur droit de célébrer leur culture locale et leur droit d'enseigner dans leur langue ont tous été bafoués. » Selon M. Milani, « l'appartenance à la fois à une ethnie « différente » et à une religion « différente » a fait en sorte que ces régions qui se trouvent à la périphérie, particulièrement la région du Baloutchistan, sont laissées pour compte et sont maintenues, à toutes fins utiles, sous l'emprise militaire des Gardiens de la Révolution islamique iranienne[30] ».

À propos de ces tensions, M. Akhavan a établi un lien direct entre les défaillances des structures de gouvernance et le traitement que l’Iran réserve à ses minorités ethniques et religieuses et indiqué comment les pratiques de gouvernement contribuaient à fomenter les tensions entre les minorités et la majorité. Il soutient que l’Iran (et l’empire perse avant lui) a toléré pendant des siècles une diversité de confessions religieuses, que la communauté juive compte 4 000 ans d’existence et qu’un Iran démocratique tolérerait sans doute à nouveau cette mosaïque de confessions et de pratiques religieuses. Selon lui : « C'est la politisation de l'identité qui crée ces problèmes. Un Iran démocratique ne politiserait pas l'identité. Les Kurdes, qui sont sunnites, veulent un Iran démocratique. Les Baloutches, qui vivent à la frontière avec le Pakistan et qui sont également sunnites, veulent un Iran démocratique. Dès que l'on établira cette séparation entre l'État et la religion et que l'on mettra fin au régime autoritaire et à l'utilisation de la propagande haineuse comme instrument de pouvoir, beaucoup de ces problèmes seront résolus[31]. »

Enfin, M. Ahmed Batebi, porte-parole de Human Rights Activists in Iran, a parlé des mauvais traitements dont sont victimes les Derviches, aussi appelés Soufis :

L'autre cas concerne les derviches. J'ignore si vous êtes au courant de cette question ou non. Derviche s'applique aux Soufis. Cent trois Soufis ont été arrêtés et 19 d'entre eux ont été jugés et condamnés à mort[32].

iv. Au sein de la majorité chiite

Même des personnalités religieuses appartenant à la foi dominante, les chiites, sont arrêtées et traduites en justice quand elles contestent le discours officiel et l’autorité de l’État. M. Akhavan a dit à ce sujet :

Il y a plus d'ayatollahs en prison aujourd'hui en Iran qu'il n'y en a jamais eu sous le gouvernement laïc du Shah. En 1987, on a établi un tribunal spécial dans le seul but de poursuivre les dissidents du clergé. L'ayatollah Montazeri, dont a parlé Mme Tamas, qui avait émis une fatwa déclarant que les Bahá'ís devraient jouir des mêmes droits que tout autre citoyen iranien, devait succéder à l'ayatollah Khomeini. Il est détenu à domicile depuis 20 ans[33].

2. Le traitement des minorités ethniques

L’Iran, on l’a vu, est une véritable mosaïque de groupes ethniques. Le groupe ethnique le plus nombreux, les Persans, représente la moitié de la population totale de l’Iran, laquelle totalisait quelque 70 millions d’habitants au dernier recensement (2006). Les Azéris, les Baloutches et les Kurdes figurent parmi les grands groupes ethniques considérés comme des minorités en Iran.

La Constitution iranienne protège certains droits des minorités ethniques. L’article 15 de la Constitution porte que la langue officielle de l’Iran est le persan, mais que l’usage des langues régionales et tribales dans la presse et les médias ainsi que dans l’enseignement de la littérature dans les écoles est aussi permis. En outre, aux termes de l’article 19, les Iraniens jouissent de droits égaux, quel que soit l’ethnie ou le groupe[34]

D’après les témoins que le Sous-comité a entendus, il semblerait cependant que ces garanties soient tout à fait théoriques. M. Behruz a résumé la situation dans les termes suivants : « En dépit des garanties constitutionnelles de façade du droit à l'égalité et des promesses juridiques internationales trompeuses de l'Iran, la discrimination persiste et les communautés minoritaires qui revendiquent le respect de leurs droits culturels et politiques continuent à être victimes d'actes de répression[35]. »

Comme il a été dit précédemment, le Sous-comité a entendu des témoignages sur les difficultés des Azéris, des Baloutches et des Kurdes qui vivent en Iran. D’après M. Joe Stork, directeur adjoint de la Section du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord de Human Rights Watch, les minorités ethniques font l’objet de discrimination, leurs activités culturelles et politiques sont assujetties à des restrictions et, dans certains cas, leurs membres sont carrément persécutés et parfois poursuivis pour menace à la sécurité nationale[36].

Pour ce qui est des cas particuliers, Mme Fakteh Zamani, présidente de l’Association de défense des prisonniers politiques azerbaïdjanais en Iran, a dit au Comité que les Azéris sont privés de nombreux droits, bien qu’ils soient pourtant un groupe nombreux, car ils représentent environ 24 % de la population de l’Iran[37] : ils n’ont pas droit à l’instruction dans leur langue et n’ont pas accès aux moyens qui leur permettraient de transmettre les traditions et l’histoire de leur communauté[38]. Mme Zamani a cité plusieurs cas où des Azerbaïdjanais ont été arrêtés, détenus et condamnés et dans au moins un cas torturés, simplement pour avoir cherché à défendre leurs droits linguistiques par des moyens pacifiques[39].

Quant à la situation des Baloutches, Mme Zamani a dit au Sous-comité :

Selon ce que les Baloutches m'ont dit, le gouvernement nomme un juge spécial pour statuer sur ces cas. Ils soutirent des confessions en soumettant les prisonniers à de terribles tortures, et ces derniers sont jugés dans leurs cellules en 10 à 15 minutes, sans pouvoir se prévaloir des services d'un procureur ou d'un avocat de la défense. Simplement en raison de la situation particulière des Baloutches, le juge se présente, pose quelques questions à un pauvre bougre qui s'est fait torturer, puis le condamne à mort. Il y a des centaines de Baloutches qui attendent d'être exécutés[40].

Par ailleurs, rappelant le sentiment de M. Milani au sujet de la marginalisation des minorités de la périphérie de l’Iran qui sont traitées comme « autres » ethniques et religieux, Mme Zamani a dit aussi au Sous-comité que beaucoup de violations des droits de la personne commises à l’endroit de membres de minorités ethniques en Iran, en particulier en dehors des grands centres comme Téhéran, ne sont pas rapportées aux autorités et passent donc inaperçues. On manque de ressources et l’accès aux médias est limité, a-t-elle ajouté[41].

Le Sous-comité a entendu le témoignage suivant au sujet de la situation des Kurdes, qui représentent environ 17 p. 100 de la population iranienne[42] et vivent surtout dans l’ouest et le nord du pays :

La guerre de huit ans avec l'Irak, dans les années 1980, et l'état d'urgence proclamé dans les régions kurdes au cours des trois dernières décennies ont entraîné des exécutions extrajudiciaires, des expulsions et des réinstallations forcées ainsi que la destruction d'édifices et de villes. Les parents ne peuvent donner à leurs enfants certains noms kurdes et se voient dans l'obligation de choisir des noms persans ou islamiques. L'usage de la langue kurde et d'autres langues nationales est interdit dans le système d'éducation.
[...]
Le système discriminatoire du tri, ou gozinesh — une procédure de sélection qui exige des futurs fonctionnaires, employés ou étudiants qu'ils démontrent leur allégeance à l'Islam et à la République islamique d'Iran — dénie aux Kurdes un accès équitable à l'emploi, à l'éducation et à la vie politique[43].

3. Le traitement des militants, des étudiants, des journalistes et des dissidents

Il y a de nombreux centres de pouvoir en Iran, mais il semblerait que tous les intervenants sociétaux qui pourraient constituer une menace pour le régime soient traités avec une grande méfiance par les autorités iraniennes. La société civile et ses organes sont considérés comme des menaces. Par conséquent, les institutions et les dirigeants de la société civile sont la cible de diverses mesures de répression dont certaines constituent clairement des violations des droits de la personne, en particulier des droits civils et politiques.

Les étudiants, journalistes, dissidents, syndicalistes et autres militants sont privés du droit à la liberté d’association et à la liberté d’expression. Le gouvernement prend pour prétexte la « sécurité nationale » pour museler les critiques[44].

On a communiqué au Sous-comité des chiffres et des faits sur ces violations des droits de la personne. Parlant des journalistes et des journaux, M. Batebi a dit :

Premièrement, parlons de la fermeture des journaux. Au cours de la dernière année, il y a eu 29 cas de fermeture de journaux. Il y a eu 16 cas de congédiement de journalistes, 26 cas de journalistes qui ont subi un procès, 73 cas de journalistes qui ont été convoqués devant la cour ou cités à comparaître, 21 cas des journalistes qui ont été jugés et trouvés coupables et 17 cas de journalistes et de reporters qui ont été arrêtés[45].

Le cas troublant de Mme Zarah Kazemi témoigne des mauvais traitements que peuvent faire subir aux journalistes les autorités iraniennes. Il montre que la politique étrangère et la politique consulaire du Canada doivent tenir compte de l’attitude des autorités iraniennes à l’égard des droits de la personne. Le fils de Mme Kazemi, Stephen Kazemi, a comparu devant le Comité et a expliqué : « Ma mère était une photojournaliste professionnelle. À travers son art, elle voulait informer, rejoindre et sensibiliser les gens. Elle donnait une voix au peuple des pays sur lesquels elle focalisait, et même de l’espoir[46]. » Mme Kazemi avait la double citoyenneté, canadienne et iranienne. Pour avoir simplement effectué son travail de photojournaliste, elle a été arrêtée par les autorités iraniennes et accusée d’espionnage alors qu’elle tentait de prendre des photos d’une manifestation devant une prison iranienne. Mme Kazemi est décédée en prison dans des circonstances suspectes. Il a été révélé peu de temps après qu’elle était morte des suites de tortures. Aucun membre ou agent du gouvernement iranien n’a encore été inculpé pour ce meurtre[47].

En ce qui concerne la situation des étudiants, les chiffres suivants ont été communiqués au Sous-comité :

En 2007, on comptait plus de 600 sommations à comparaître devant les tribunaux ou les comités de discipline universitaires. Elles visaient les étudiants qui avaient exercé leur liberté d'expression en formulant, en exposant ou en déposant des griefs. Jusqu'à présent, cette année, il y a eu 155 arrestations, 26 sommations à comparaître et 17 cas d'emprisonnement. Dans les universités, on compte 164 sommations, 76 expulsions et 70 suspensions[48].

Apparemment, l’intolérance des autorités iraniennes vis-à-vis toute forme de manifestation est si vive que les autorités interviennent même quand les manifestants appuient en fait le gouvernement. M. Keith Rimstad, d’Amnistie internationale, a déclaré ce qui suit :

Dans un cas précis, au mois de janvier, alors que des étudiants manifestaient contre les attaques d'Israël contre Gaza, et que l'on pourrait imaginer que le gouvernement n'y serait pas opposé, il s'y est opposé en fait car les étudiants avaient décidé eux-mêmes de manifester. La police est intervenue, a mis fin à la manifestation et a procédé à l'arrestation d'un certain nombre d'étudiants[49].

Et d’ajouter :

Donc, même lors d'une manifestation que le gouvernement iranien pourrait soutenir, il intervient. Précisément, parce qu'en Iran toute action indépendante prise par un secteur quelconque de la société civile est perçue comme une menace[50].

M. Batebi a raconté au Sous-comité ce qu’il lui est arrivé alors qu’il manifestait de manière pacifique contre le gouvernement iranien. Son histoire témoigne éloquemment de la réalité de la répression en Iran et du courage de ceux qui y résistent. M. Batebi a décrit ce qu’il a enduré en ces termes :

J'ai été enfermé pendant 17 mois, seul dans une pièce minuscule, qui n'était rien de plus qu'une salle de bain. Cette situation a entraîné des problèmes de santé. Mes geôliers m'ont conduit deux fois à l'exécution. Une fois, j'étais accompagné d'autres prisonniers. Évidemment, je n'ai pas été exécuté. Je me tenais au milieu, avec un homme à ma gauche et un autre à ma droite. Ils nous ont bandé les yeux et nous ont obligés à nous tenir debout sur une chaise comme s'ils allaient nous pendre. Ils ont légèrement repoussé mon bandeau pour que je puisse voir ce qui arrivait aux deux autres. C'était des gens détenus dans de petites cellules à côté de la mienne. J'ai assisté [à] leur exécution.
Une fois, ils m'ont empêché de dormir pendant 72 heures. Ils m'ont infligé des coupures et ont mis du sel sur mes plaies[51].

Les personnes qui défendent les droits des travailleurs aussi sont maltraitées. M. Jared Genser, maître de conférences en droit à l’Université de la Pennsylvanie, a rapporté l’incident suivant :

Finalement, le 18 février 2009, deux Iraniennes militantes des droits dans le domaine du travail, Sousan Azadi et Shiva Kheirabadi, ont été flagellées à l'intérieur de la prison centrale de Sanandaj, la capitale de la province du Kurdistan iranien, après avoir été reconnues coupables d'avoir participé à des célébrations du Premier Mai. Mme Azadi a reçu 70 coups de fouet, et Mme Kheirabadi, 15. Les travailleurs Iraniens luttent pour former des syndicats indépendants, mais sont continuellement confrontés à la répression de l'État. Le gouvernement et la magistrature ont régulièrement abusé du système de justice pour emprisonner et réduire au silence les militants syndicaux. Ces droits sont garantis en vertu de l'article 22 du PIRDCP, et l'Iran, en tant que membre de l'Organisation mondiale du Travail, est tenu de respecter et de mettre en œuvre ces droits[52].

Enfin, un dernier cas illustre la politique systémique du gouvernement iranien de museler les militants de la société civile. Mme Roya Boroumand, directrice générale de la Fondation Abdorrahman Boroumand, a saisi le Sous-comité de la situation du prix Nobel de la paix Sherin Ebadi, que le Sous-comité a eu l’occasion d’entendre en février 2008. Voici ce qu’elle a dit à ce sujet :

Vous avez peut-être aussi entendu parler de la fermeture du bureau de la Nobel de la paix Shirin Ebadi. Or, ce que vous ne savez probablement pas, c’est que Mme Ebadi et les avocats de son ONG siégeaient à un comité promouvant la tenue d’élections légitimes, libres et justes. Le comité a réclamé des réformes électorales en novembre 2008 en soulignant que les lois et les pratiques iraniennes n’étaient pas conformes aux normes internationales. La réaction particulière du gouvernement en ce qui concerne les détracteurs des lois électorales ou les partisans d’un boycottage des élections ne retient pas toujours l'attention qu'elle mérite. C'est pourquoi peu de personnes savent que le jeune Kurde qui a été tué par les forces de sécurité, Shivan Qaderi, avait activement encouragé le boycottage des élections présidentielles de 2005. De même, on mentionne rarement les notes que reçoivent les étudiants punis pour avoir critiqué les lois électorales ou réclamé des boycottages ou un référendum sur la constitution, et l'on intervient encore moins[53].

4. Le traitement réservé aux femmes

Les témoins ont longuement parlé des droits de la femme en Iran. Selon le portrait global donné par certains d’entre eux, le rôle des femmes dans la société civile iranienne évolue, mais le régime conserve la même attitude envers elles. On dit que les Iraniennes sont de plus en plus actives dans l’arène publique et font davantage respecter leurs droits et libertés, notamment le droit à l’égalité, une tendance positive. Par contre, on nourrit de graves inquiétudes en ce qui concerne le traitement réservé aux femmes dans le système juridique et la réaction du gouvernement face au mouvement en faveur des droits des Iraniennes.

Selon M. Rimstad, on constate certaines améliorations au chapitre des droits de la femme ces dernières années, mais d’importants progrès restent à faire :

[…] depuis la révolution islamique, le nombre de femmes s'est accru dans les universités, par exemple. Certaines lois, surtout celles qui sont discriminatoires, ont été modifiées — elles restent discriminatoires, mais ont été améliorées. Et je voudrais faire particulièrement ressortir toute la bravoure dont font preuve les femmes activistes en continuant d'exercer des pressions sur le gouvernement et sur les autorités, ainsi que sur les hommes en général, pour obtenir de nouveaux droits.
La situation des droits de la femme en Iran est encore loin d'être exemplaire, mais le mouvement de la femme a toujours lieu d'espérer tant qu'il y a des possibilités d'améliorations. Par exemple, une campagne de signature de pétition est en cours pour récolter un million de signatures afin de faire éliminer d'autres lois discriminatoires. Dans un contexte comme celui de l'Iran, c'est une démarche extrêmement brave qu'ont prise les femmes activistes. Il n'en demeure pas moins que celles qui dirigent cette démarche sont arrêtées et brimées de diverses façons. Je ne veux donc pas donner l'illusion que la situation est bonne, sans non plus faire fi des améliorations qui ont été apportées[54].

Des obstacles systémiques à l’égalité des sexes subsistent. Selon M. Genser :

On refuse aux femmes des droits égaux en mariage, divorce, garde d'enfants et héritage. Les preuves fournies par une femme devant un tribunal ont la moitié de la valeur de celles fournies par un homme, et une fille de moins de 13 ans peut être obligée de se marier à un homme beaucoup plus âgé si son père y consent[55].

M. Milani a évoqué le démantèlement des droits de la femme dans la foulée de la révolution de 1979 après que la loi islamique a commencé à s’appliquer aux femmes. Comme d’autres témoins, il a observé que, durant les décennies qui ont suivi, les femmes n’avaient plus le droit de divorcer alors que les hommes pouvaient avoir plus d’une épouse. En outre, les droits de garde étaient « dorénavant la propriété pratiquement exclusive des hommes » comme les droits d’héritage[56]. Mme Ebadi a fait part au Comité d’inquiétudes semblables au sujet des droits des Iraniennes : « La vie d'une femme vaut la moitié moins que celle d'un homme[57]. »

En revanche, a-t-il fait remarquer, les Iraniennes ne s’accommodent pas toutes de ces abus et de ces changements et défient courageusement le statu quo, s’élevant contre ces « inégalités structurelles » et certains aspects de leur régime juridique et social. C’est ainsi qu’après avoir été abaissé à neuf ans, l’âge de mariage des filles a été ramené à quatorze ans après que des femmes se sont élevées contre cette dégradation de leurs droits humains. Et M. Milani d’ajouter : « Quand on écrira l'histoire de la démocratie et des droits humains en Iran, on se rendra compte, je crois, que les femmes en ont été les championnes les plus indomptables. Ce sont, dans une large mesure, les réseaux sociaux des femmes mis sur pied au cours de la campagne pour recueillir un million de signatures qui ont été utilisés par l'opposition démocratique pendant l'élection pour organiser les manifestations massives et incroyablement bien organisées qui ont vu trois millions de personnes descendre dans la rue[58]. »

À l’instar de M. Rimstad, d’autres témoins ont cependant affirmé que des dirigeantes d’organismes non gouvernementaux qui défendent les droits de la femme ont été arrêtées et certaines ont été traduites devant les tribunaux ou même reconnues coupables pour avoir exercé leurs droits d’expression et d’organisation[59]. On a dit au Sous-comité :

En 2008, le gouvernement a sensiblement renforcé ses mesures de répression en détenant arbitrairement des douzaines de femmes, en leur interdisant de voyager et en les harcelant[60].

5. La persécution fondée sur l’orientation sexuelle

Mme Ebadi a exposé la situation à laquelle font face les gais et les lesbiennes en Iran :

C'est un acte criminel, aux termes de notre loi, que d'être gai ou lesbienne. Si une personne se contente de déclarer qu'elle est homosexuelle, elle n'enfreint pas la loi. On doit considérer qu'elle agit comme un gai ou une lesbienne pour que ses actes soient jugés criminels. Les peines sont très lourdes, surtout pour les hommes homosexuels, à qui on applique la peine de mort. Pour les femmes, la peine est moins sévère; elles ont droit à 100 coups de fouet[61].

En réponse à une question posée par M. Silva, membre du Sous-comité, au sujet de ce que pensait le public de la pendaison de deux jeunes gais en Iran, Mme Ebadi a indiqué qu'« en principe, la population iranienne n'est pas en faveur de ce type de réaction du gouvernement ».

Dans un document présenté au Sous-comité et intitulé La question de l’homophobie en Iran, l’Abdorrahman Boroumand Foundation indique que les autorités iraniennes nient publiquement, dans leurs déclarations officielles, l’existence d’homosexuels en Iran et que cela ne fait « qu’exacerber les problèmes auxquels font face les Iraniens dont l’orientation ou l’identité sexuelle n’est pas conforme à la norme[62] ». Il y est également indiqué :

« Les efforts des autorités pour régler la question en fournissant des attestations de troubles mentaux ou en encourageant les opérations pour changement de sexe ne sont ni utiles ni des signes de tolérance. Même si l’aide de l’État aux réassignations sexuelles chirurgicales est réservée aux personnes transsexuelles, un grand nombre d’homosexuels se tournent vers la chirurgie pour changement de sexe dans une vaine tentative pour être reconnus et échapper au cycle de violences[63]. »

Dans ce document, l’Abdorrahman Boroumand Foundation demande au gouvernement iranien de décriminaliser complètement l’homosexualité et de garantir l’égalité des droits aux minorités sexuelles qui sont prévus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie[64].

6. La peine capitale infligée à des personnes d’âge mineur

Le dernier type de violation systémique des droits de la personne, décrit au Sous-comité, est la peine capitale infligée à des personnes d’âge mineur. À cet égard, M. Stork a expliqué comment fonctionne le système judiciaire iranien :

Le droit iranien autorise la peine de mort pour les personnes ayant dépassé l'âge de la puberté, soit 15 ans pour les garçons et 9 ans pour les filles. En 2008, six personnes au total ont été exécutées pour des crimes supposément commis alors qu'elles n'avaient pas encore 18 ans. Depuis janvier 2005, l'Iran est responsable de 26 des 32 exécutions connues de délinquants juvéniles dans le monde.
Il faut noter que ces peines sont généralement issues de procès inéquitables et que les exécutions sont elles-mêmes souvent en violation du droit iranien, par exemple le fait de ne pas avertir les familles et les avocats 48 heures avant l'exécution[65].

D’autres témoins ont présenté des données semblables sinon identiques[66]. De plus, M. Batebi a indiqué que huit autres personnes ont été reconnues coupables d’actes criminels en tant que jeunes contrevenants et se trouvaient actuellement dans l’antichambre de la mort[67]. En mettant le Sous-comité au courant de la répression des manifestants par les agents du gouvernement après la présidentielle du 12 juin, Mme Redman a évoqué le traitement réservé par le gouvernement iranien aux délinquants juvéniles. Elle a noté à grandes lignes qu’après la Chine, c’est l’Iran qui exécute le plus de condamnés. Elle a déclaré qu’au début d’octobre 2009, « un jeune homme a été exécuté pour un crime qu'il a commis alors qu'il n'avait pas encore 18 ans. On a rapporté qu'en fait, il a été pendu par la mère du jeune homme qu'il avait tué dans une bagarre[68]. »

II. LES DROITS DE LA PERSONNE EN IRAN : OBSERVATIONS DU SOUS-COMITÉ

1. Les obligations envers sa population en matière de droits de la personne

i. Les obligations issues de traités

Selon des témoins, il ne s’agit pas d’établir de nouvelles lois en Iran, mais de faire respecter les lois déjà existantes. Les nombreux cas de violation des droits de la personne en Iran vont à l’encontre des propres lois et de la Constitution du pays. Les témoins s’accordaient pour dire que l’Iran est lié par une série de traités internationaux[69]. Il est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tous deux ratifiés par lui le 24 juin 1975. À titre d’exemple, voici une liste de droits garantis par ces traités : liberté d’opinion et d’expression (article 19 du PIRDCP); droit à la vie, dont nul ne peut être arbitrairement privé (paragraphe 6(1) du PIRDCP); droit de réunion pacifique (article 21 du PIRDCP); droit de s’associer librement avec d’autres, « y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts » (article 22 du PIRDCP); droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi sans discrimination, « notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » (article 26 du PIRDCP); droit de ne pas être soumis « à la torture ni à des peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants » (article 7 du PIRDCP), et ainsi de suite.

L’Iran a aussi ratifié d’autres traités internationaux relatifs aux droits de la personne qui portent sur des points plus précis. Il a ainsi ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale le 29 août 1968. Aux termes de cette convention, les États parties s’engagent à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation (alinéa 2(1)a)).

L’Iran a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant en 1994. En ratifiant cette convention, il a cependant formulé la réserve suivante : « Le gouvernement de la République islamique d'Iran se réserve le droit de ne pas appliquer les dispositions ou articles de la Convention qui sont incompatibles avec les lois islamiques et la législation interne en vigueur[70]. » Le Sous-comité prend acte que la Finlande, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, la Suède, le Danemark, l’Autriche et l’Italie ont contesté la validité de cette réserve, notamment au motif qu’elle est trop large et qu’elle s’oppose à l’esprit de même qu’à l’objet de la Convention.

Le Sous-comité constate que les cas de violation des droits de la personne dont l’Iran est responsable touchent plus précisément les droits sociaux, économiques et culturels ainsi que les droits civils et politiques. Sans accorder plus d’importance à une catégorie de droits plutôt qu’à l’autre, le Sous-comité fait observer que les droits entrant dans la dernière catégorie semblent particulièrement bafoués dans ce pays. Il prend note en particulier de la violation répétée et répandue du droit à la liberté d’expression, du droit à la liberté d’association, du droit à la liberté de culte, du droit de ne pas subir de torture et de mauvais traitements, des garanties procédurales d’actions en justice équitables et du droit de ne pas subir de discrimination fondée sur divers motifs.

À la lumière des témoignages présentés au Sous-comité durant les audiences et de la liste des garanties des droits de la personne que l’Iran a convenu de protéger conformément aux traités internationaux et à ses lois, force est de constater que le gouvernement iranien contrevient à bon nombre de ses obligations internationales et nationales.

ii. L’obligation de respecter, protéger et promouvoir les droits de la personne

Il existe trois formes d’obligations relatives aux droits de la personne, qui sont généralement considérées comme relevant du droit coutumier international : l’obligation de respecter, l’obligation de protéger et l’obligation de promouvoir les droits de la personne. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme :

Respecter les droits de l’homme signifie que les États évitent d’intervenir ou d’entraver l’exercice des droits de l’homme. Protéger signifie que les États doivent protéger les individus et les groupes contre les violations des droits de l’homme. Instaurer signifie que les États doivent prendre des mesures positives pour faciliter l’exercice des droits fondamentaux de l’homme[71].

La section précédente et les nombreux rapports provenant de diverses sources, notamment des organismes non gouvernementaux, des journalistes, des universitaires et des gouvernements, montrent que la violation des droits de la personne en Iran est grave, répandue et systémique. Qui plus est, elle touche les trois formes d’obligations indiquées ci-dessus. Il n’est pas rare que le gouvernement et les organismes d’État soient directement impliqués dans les cas de violation, faisant fi de leur obligation de respecter les droits de la personne. En refusant souvent d’intervenir ou en menant de fausses enquêtes, ils créent un climat d’impunité et contreviennent à l’obligation de protéger les droits de la personne. Le gouvernement et les organismes d’État s’abstiennent d’instaurer activement une culture du respect des droits de la personne au pays et contreviennent ainsi à l’obligation qu’a l’Iran de promouvoir les droits de la personne.

a) Manquement à l’obligation de respecter les droits de la personne

Les droits à la liberté, le droit de réunion et d’association, le droit à l’application régulière de la loi et le droit de ne pas subir de torture sont avant tout violés dans le cadre des activités des organismes d’État, qui ont la haute main sur l’appareil gouvernemental et qui recourent à la force en société. En outre, des organismes d’État violent le droit à un procès juste, le droit à un avocat, le droit de ne pas subir de discrimination, le droit à la liberté de culte et les droits collectifs de nature culturelle ou linguistique. À cet égard, M. Batebi a indiqué au Sous-comité ce qui suit :

 En Iran, les droits de la personne sont violés systématiquement par le gouvernement. Le problème n'est pas seulement la violation des droits de la personne, mais les lois qui permettent cette violation constituent également un problème énorme. Étant donné que le système judiciaire iranien utilise les lois de la charia et les règles islamiques, la violation des droits de la personne est enchâssée dans la loi et dans la Constitution[72].

Le gouvernement iranien est directement responsable des infractions commises par les agents de l’État. Dans certains cas, la responsabilité personnelle — criminelle et/ou civile — serait probablement en cause.

b) Manquement à l’obligation de protéger les droits de la personne — impunité répandue

L’Iran n’a pas respecté son obligation de protéger les droits de la personne, et ce, à deux égards. D’abord, puisque les organismes d’État iraniens sont souvent impliqués dans les cas de violation des droits de la personne susmentionnés, l’Iran manque à l’obligation de protéger les droits des citoyens.

Ensuite, l’Iran n’est pas intervenu de manière satisfaisante dans les cas de violation comme il aurait dû le faire en rectifiant la pratique en cause ou en infligeant une sanction. Il est ressorti nettement des témoignages que les droits sont souvent violés en toute impunité. Cette impunité revêt deux formes. Pour certains types de violation, les pratiques en cause sont autorisées en vertu de lois nationales. Autrement dit, la loi autorise de telles pratiques. Dans d’autres cas, bien que la pratique ne soit peut-être pas autorisée par la loi ou qu’elle soit expressément interdite, les institutions d’État et les mécanismes de reddition de comptes existants ne sont pas assez puissants pour offrir aux victimes un véritable recours ou pour infliger des sanctions aux contrevenants. C’est ce qu’a expliqué au Sous-comité M. Rimstad en ses propres termes :

L'impunité pour violations aux droits de la personne est pratiquement absolue. Les préoccupations d'Amnistie remontent au tout début de la République islamique, surtout en 1988 lors de l'exécution de milliers de prisonniers politiques pour vider les prisons. Ces prisonniers avaient été arrêtés durant les premières années de l'instauration de la République islamique. Bien sûr, dans le cas de Zahra Kazemi, bien que nous ayons vu quelques progrès du moins au niveau des accusations contre des fonctionnaires de bas niveau, une seule personne a subi un procès et a été jugée non coupable[73].
c) Manquement à l’obligation de promouvoir les droits de la personne

On a du mal à imaginer qu’un gouvernement puisse s’acquitter de son obligation de promouvoir une culture générale de respect des droits de la personne dans tout le pays quand il s’abstient d’intervenir de manière appropriée dans les cas de violation des droits de la personne et quand, de fait, il y participe ou en fait fi incessamment.

iii. La responsabilité du gouvernement iranien

Les témoins ont tous soutenu que le gouvernement iranien et ses agents sont responsables de la violation des droits de la personne envers les citoyens. On se demande cependant quels sont les intervenants ou organismes au sein de l’État iranien qui en sont responsables en définitive.

La structure politique du pays est à la fois complexe et singulière; elle se compose de représentants élus et non élus qui sont soumis à la surveillance étroite des autorités cléricales[74]. M. Mojtaba Mahdavi, professeur de science politique à l’Université de l’Alberta, a expliqué au Sous-comité que « c'est une combinaison de totalitarisme et d'autoritarisme, à laquelle s'ajoutent certains éléments quasi démocratiques[75]. » À la tête de la structure se trouve le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei[76]. Il a le pouvoir de nommer des figures importantes, tels le chef du système judiciaire, six membres du Conseil des gardiens, les commandants des forces armées, les responsables des prières du vendredi et le chef de la radio et de la télévision d’État. Il est choisi par l’Assemblée des experts. Le guide suprême jouit aussi d’un pouvoir décisionnel et exerce une grande influence dans les dossiers relatifs à la sécurité, à la défense et aux affaires étrangères importantes; il a la haute main sur les forces armées.

Le président joue un rôle de premier plan, quoique non suprême. Il est le chef du pouvoir exécutif et préside le cabinet. Bien que les candidats à la présidence fassent campagne les uns contre les autres aux élections nationales, il convient de signaler que même les candidats de l’opposition doivent préalablement obtenir l’autorisation du Conseil des gardiens d’entrer dans la course. Selon l’Economist Intelligence Unit, le Conseil « peut rejeter sans appel les candidatures qu’il juge inconvenables. Les conservateurs exercent donc énormément d’influence dans les élections »[77]. Le Sous-comité estime que, malgré la tenue d’élections contestées, on ne peut pas dire que le régime totalitaire iranien est véritablement démocratique.

Comme ils incarnent l’autorité dans la société iranienne et au sein du gouvernement, les plus hauts fonctionnaires iraniens, en particulier le président, Mahmoud Ahmadinejad, le guide suprême, l’ayatollah Khamenei, et de plus en plus les Gardiens de la Révolution islamique iranienne, sont tous responsables de la situation des droits de la personne en Iran, ayant participé à la création d’un climat où les droits de la personne sont sacrifiés à l’opportunisme politique et où les abus restent impunis.

Comme il est indiqué précédemment, une autre institution de premier plan est le Conseil des gardiens, qui se compose de six clercs islamistes nommés par le guide suprême et de six juristes laïques qui sont désignés par le pouvoir judiciaire et dont la nomination est confirmée par le Parlement. Le Conseil des gardiens dispose de pouvoirs non négligeables : il doit approuver tous les projets de loi adoptés par le Parlement et il peut exercer un droit de véto s’il considère qu’ils vont à l’encontre de la Constitution et de la loi musulmane. Il peut aussi interdire à des candidats de se présenter aux élections au Parlement, à la présidence et à l’Assemblée des experts[78].

En Iran, des figures plus modérées ont pu prendre place à l’intérieur du système judiciaire, qui demeure cependant l’une des institutions les plus faibles du pays[79]. Même s’il existe en théorie une séparation des pouvoirs, celle-ci n’est pas appliquée dans les faits. Selon M. Hassan-Yari, le pouvoir judiciaire est financièrement indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. C’est pourquoi les juges subissent des pressions extrêmes de l’extérieur et les citoyens iraniens n’ont pas accès à un système judiciaire indépendant. Il y a aussi une ingérence constante du pouvoir exécutif dans le système judiciaire; par exemple, on autorise la police à exercer plus de pouvoir que ne le prévoit la loi[80].

Les services de sécurité de l’État sont aussi des institutions sociales extrêmement importantes en raison non seulement de leurs responsabilités et de leurs relations au sein du gouvernement, mais aussi de l’ampleur de leur intervention dans la société comme dans l’économie iranienne. Les Gardiens de la Révolution islamique iranienne (GRI), qui représentent un corps distinct des forces armées régulières du pays, sont directement subordonnés au guide suprême de l’Iran, qui est actuellement l’ayatollah Khamenei. Ils ont été constitués après la révolution de 1979 pour protéger les dirigeants et les institutions de la République. Ils sont littéralement les gardiens du statu quo politique et social. En plus de maintenir l’ordre, ils en sont venus à jouer un rôle économique de premier plan en acquérant d’importants actifs. C’est ainsi que les membres des GRI exercent une influence considérable sur la plupart des sphères de la société iranienne et jouissent d’une énorme force de levier et d’un pouvoir en expansion au sein du régime gouvernemental. M. Akhavan a déclaré au Sous-comité en octobre qu’ils avaient « fait l'acquisition de la compagnie des télécommunications en Iran et acheté l’une des plus grandes mines de fer au Moyen-Orient ». Selon lui, l’Iran « se dirige vers un État militaire qui domine toutes les ressources du pays et les exploite à ses propres fins. Ils ont tout un réseau de favoritisme, ce qui fait que les gens sont contents[81]. »

Les Gardiens de la Révolution islamique iranienne ont sous leur autorité une nombreuse milice de volontaires, les Basij, qui ont joué un rôle clé dans la répression des manifestations contre les résultats de la présidentielle du 12 juin. C’est non seulement une milice progouvernementale souvent qualifiée de « paramilitaire », mais aussi un réseau social ayant des liens étroits avec les partisans de la ligne dure du régime. M. Akhavan a déclaré au Comité : « Les Basij ne sont pas une force rebelle. Je les comparerais aux chemises brunes du régime nazi. C'est une force de sécurité composée de voyous en civil[82]. » Même si cette milice est souvent décrite comme composée de volontaires, M. Akhavan a dit que les Basij étaient payés environ 200 $ par jour pour terroriser et intimider les Iraniens ordinaires.

Il convient d’indiquer qu’en règle générale, les témoins ne se sont pas prononcés sur la responsabilité des violations à grande échelle des droits de la personne. Quand ils ont parlé de la responsabilité des abus, il s’agissait surtout de l’incitation au génocide, dont traite la prochaine section, et d’incidents particuliers comme la répression des manifestations postélectorales, dont il est question dans la dernière partie du présent rapport.

2. Le rôle du Canada dans les discussions avec l’Iran sur la violation des droits de la personne

Bien que les relations diplomatiques entre le Canada et la République islamique d’Iran aient été rétablies en 1996, les gouvernements canadiens qui se sont succédé ont peu à peu limité l’engagement du Canada par suite des actions du gouvernement iranien. Les fonctionnaires du MAECI ont dit au Sous-comité qu’en 1996, le Canada a adopté à l’égard de l’Iran une politique d’engagement contrôlé en raison de son opposition au processus de paix au Moyen-Orient, de son soutien à des groupes qui se livrent à des activités terroristes dans la région, de son piètre bilan en matière de droits de la personne et de son programme nucléaire. Le Canada a resserré cette politique en mai 2005 « quand l'Iran a négligé de s'intéresser au meurtre de la journaliste photographe canadienne Zahra Kazemi[83]. » Ses contacts officiels se sont d’abord limités à trois dossiers : les droits de la personne en Iran, le programme nucléaire de l’Iran et, entre autres affaires consulaires, l’affaire Zahra Kazemi. Un quatrième dossier, celui de la sécurité régionale, a été ajouté en 2008 étant donné l’importance du rôle et des activités de l’Iran en Cisjordanie et à Gaza, en Iraq et en Afghanistan. M. McLaren, du MAECI, a expliqué au Sous-comité qu’aux termes de la politique d’engagement contrôlé, « l'Iran n'est pas autorisé à ouvrir des consulats au Canada, il n'existe aucune liaison aérienne directe entre Ie Canada et l'Iran, et des contrôles sont appliqués à I'exportation de marchandises de nature délicate. Tous les programmes de coopération avec Ie gouvernement iranien ont également été interrompus[84]. » Il a été mis fin en outre à toutes les activités de promotion des échanges commerciaux, y compris ceux d’Exportation et Développement Canada.

Lors de leur comparution devant le Sous-comité, les fonctionnaires du MAECI ont déclaré que le Canada avait « de sérieuses préoccupations en ce qui a trait à l'état des droits de la personne dans la République islamique d'Iran » et s’était constamment prononcé haut et fort en faveur d’améliorations à ce chapitre. M. McLaren a rappelé à titre d’exemple que pendant le discours du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l’Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2009, le ministre des Affaires étrangères du Canada, l’honorable Lawrence Cannon, était sorti de la salle en tête de la délégation canadienne « compte tenu de son refus systématique et enflammé de reconnaître l'Holocauste, de son antagonisme et de son hostilité à l'égard du peuple d'Israël et de son profond dédain pour les droits de la personne du peuple iranien[85]. »

M. McLaren a indiqué que, pendant six années de suite, le Canada a présenté de son propre chef des résolutions sur les droits de la personne en Iran qui ont été adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ces résolutions condamnent les violations des droits de la personne et indiquent les mesures concrètes que l'Iran doit prendre pour redresser la situation. Les initiatives, les déclarations et les résolutions du Canada à l’Assemblée générale ou au Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont toujours fait valoir que l’Iran devrait respecter pleinement les droits de ses citoyens bahá'ís. Bien que les résolutions signalent à l’Iran que ces violations préoccupent grandement la communauté internationale et maintiennent les droits de la personne à l’ordre du jour des délibérations internationales, tout en mettant le gouvernement iranien sur la défensive, les témoins soutiennent que, même si ces mesures sont vraiment utiles et nobles, le Canada pourrait faire beaucoup plus — et le Sous-comité est d’accord avec eux.

i. Continuer d’appuyer les Iraniens désireux de bâtir un pays juste et ouvert

La comparution et le témoignage de M. Batebi, qu’on voyait sur la couverture du magazine The Economist du 13 juillet 1999 tenant le chandail ensanglanté de son camarade décédé au cours de la répression de la révolution étudiante en Iran, n’ont pas manqué d’étonner les membres du Sous-comité. M. Batebi a décrit les graves sévices corporels, menaces, actes humiliants et fausses exécutions qu’il a subis pendant son incarcération. En général, les témoins étaient d’avis que le Canada doit continuer de soutenir les Iraniens qui luttent pour leurs droits et qu’il doit aussi tenir les représentants iraniens responsables de leurs actions.

Mme Boroumand a dit au Sous-comité que toute forme d’appui accordé par le Canada aux militants iraniens doit être orientée vers le long terme :

Les Iraniens qui font la promotion des valeurs universelles comptent sur votre appui. Leur lutte est neutralisée et leur moral miné s'ils ont l'impression que la communauté des défenseurs des droits de la personne et les démocraties ne font pas respecter les normes internationales. Nous avons les mêmes droits et les mêmes besoins[86].

Elle estimait que le Canada devrait se concentrer sur les « militants moins bien connus » ou sur ceux qui travaillent dans des régions éloignées et dont le travail est plus périlleux et dangereux[87]. M. Genser a également fait valoir la nécessité, pour le Canada et en particulier pour le Parlement, de fournir un soutien financier et moral aux groupes irano-canadiens et iraniens qui documentent les abus des droits de la personne par le régime iranien et qui en font rapport[88]. Même des organismes internationaux de défense des droits de la personne qui ont bonne presse comme Human Rights Watch n’ont pu entrer en Iran pour effectuer des recherches. Son représentant, M. Stork, s’est présenté devant le Sous-comité et a recommandé que le gouvernement du Canada exhorte publiquement l’Iran à ouvrir ses portes à des organismes comme Amnistie Internationale et à d’autres intervenants[89].

Mme Boroumand a également affirmé qu’il est important d’appuyer les militants et les journalistes en exil. Selon elle, l’Iran a tendance à exiler les dissidents pour les empêcher de répandre leurs points de vue dans la société iranienne. Les militants et les journalistes en exil accompliraient un travail plus efficace qui contribuerait peut-être à modifier les politiques iraniennes si on leur donnait les outils nécessaires pour poursuivre leur travail[90].

Selon le professeur Akhavan, les tentatives renouvelées de l’État pour anéantir la société civile révèlent le désespoir des tenants de la ligne dure au gouvernement qui comprennent que « la société iranienne prône l'ouverture et la collaboration avec la communauté internationale[91] ». Bien que le Sous-comité ait reçu ce témoignage du professeur Akhavan lors de sa première comparution devant lui avant l’élection présidentielle en Iran, il était évident pour les Canadiens et l’ensemble de la communauté internationale que les mesures de répression du gouvernement constituaient en grande partie un outil qu’utilisait l’État contre tous soulèvements ou protestations.

De l’avis de Mme Boroumand, le Canada devrait attirer l’attention sur ces mesures de répression de même que sur les facteurs à l’origine des protestations et des activités dissidentes en premier lieu. Elle a recommandé que le Canada

[…] transporte[z] le débat sur les motifs pour lesquels l'Iran arrête les militants. Concentrez-vous sur les lois concernant le droit de créer des associations et de propager les idées et concernant les partis politiques et les élections. Insistez sur les Iraniens exclus, y compris les musulmans pratiquants. Rappelez à la République islamique que les motifs qu'elle invoque pour justifier l'arrestation d'un défenseur des droits de la personne n'ont rien à voir avec des activités criminelles, mais qu'ils visent plutôt à masquer le bilan honteux de l'État et à boucher les yeux du peuple iranien. Ne laissez pas l'initiative à la République islamique sur ce que la communauté internationale a le droit d'appuyer ou de ne pas appuyer[92].

Selon M. Akhavan, de telles mesures contribueront à isoler les tenants de la ligne dure du gouvernement. C’est en habilitant la société civile iranienne et en soutenant ceux qui désirent une transformation démocratique en Iran qu’on transmettra clairement le message, au nom du Canada et de la communauté internationale, que les atrocités en Iran « auront des conséquences[93] ». Toutefois, lors de la comparution de représentants du MAECI en octobre 2009, M. McLaren a déclaré au Sous-comité : « Nous n'avons aucun programme actif pour travailler avec la société civile en Iran; si nous n'avons pas travaillé avec des groupes de femmes, des groupes ouvriers ou d'autres organismes, c'est parce que nous n'avons pas les ressources pour le faire. » Il a noté toutefois que le Canada soulève constamment ces questions de droits de la personne dans ses discussions avec les représentants du gouvernement iranien.

RECOMMANDATION 1

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de fournir un soutien moral et augmente, si c’est possible, son soutien financier aux organismes iraniens et canadiens de la société civile et à d’autres groupes de défense des droits de la personne qui recueillent de l’information au sujet de la violation des droits de la personne par le régime iranien, et en font rapport.

RECOMMANDATION 2

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada fournisse un soutien moral et diplomatique au mouvement démocratique en Iran.

RECOMMANDATION 3

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada exige, à toutes les occasions possibles, que l’Iran ouvre ses portes aux organismes internationaux de défense des droits de la personne et qu’il soustraie ses organismes nationaux de défense des droits de la personne aux restrictions ou au harcèlement.

RECOMMANDATION 4

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada envisage d’affecter des fonds à une chaire de recherche dans une université canadienne pour l’étude des relations canado-iraniennes, incluant les droits de la personne en Iran.

RECOMMANDATION 5

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada encourage Radio Canada International à envisager de diffuser des émissions en farsi au moyen de son service à ondes courtes à l’étranger et des réseaux conventionnels AM/FM dans la région du Golfe, ainsi qu’au moyen d’Internet.

RECOMMANDATION 6

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada prenne les mesures voulues pour s’assurer que le régime iranien n’utilise pas les bureaux de service extérieur ou les organes d’information iraniens situés au Canada pour menacer ou intimider la diaspora iranienne au Canada.

ii. Se concentrer sur les responsables de la violation des droits de la personne

Selon un témoin, le Canada pourrait utiliser les outils que lui offrent ses politiques en matière d’immigration et de visas pour faire savoir qu’il condamne les violations des droits de la personne en Iran et pour empêcher les membres haut placés du régime et de ses puissants services de sécurité de trouver un soutien direct ou indirect au pays.

Le Sous-comité a interrogé les fonctionnaires du MAECI qui ont comparu devant lui sur la visite que l’ancien vice-président d’Iran a fait au Canada cette année. Il leur a demandé pourquoi cette visite avait été autorisée malgré la politique d’engagement contrôlé qu’observe le Canada dans ses relations avec le gouvernement iranien. M. McLaren (MAECI) a fourni l’explication suivante : « Le vice-président de l'Iran a présenté une demande de visa pour entrer au Canada. Il respectait les dispositions relatives à l'autorisation de séjour au Canada. Il n'a rencontré aucun membre du gouvernement canadien. […] Il a rempli les conditions d'entrée au Canada comme tout autre citoyen. Il n'y a rien dans la politique d'engagement contrôlé qui parle de visas ou qui interdit l'entrée au Canada à des gens qui ont légitimement le droit d'y être admis[94]. » D’autres témoins estiment cependant que le Canada devrait y regarder à deux fois avant de délivrer à des membres influents du gouvernement iranien des visas, même pour une visite privée. Voici ce qu’a déclaré au Sous-comité le professeur Akhavan :

Nous savons que le vice-président de M. Ahmadinejad, nommément M. Mashaei, est venu au Canada en mars dernier et a rencontré les dirigeants du monde des affaires à Toronto et dans d'autres villes. Notre pays est donc important pour l'Iran et c'est également pourquoi il y a tellement d'informateurs et d'agents qui grouillent dans notre pays, et j'ai fait la connaissance de beaucoup d'entre eux. Tout cela pour dire que nous devons prendre très au sérieux le levier dont dispose le Canada[95].

Selon lui, le gouvernement du Canada pourrait envisager de modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de manière à interdire de séjour au Canada les membres des Gardiens de la Révolution islamique iranienne et de la milice des Basij : « Il n'y a aucune raison de permettre à un membre quelconque de ces forces de sécurité d'entrer au Canada, puisqu'ils sont coupables de si nombreux crimes[96]. » Il faudrait auparavant recueillir des renseignements sûrs pour éviter de cibler des Iraniens innocents, mais le jeu en vaut peut-être la chandelle.

Lors de sa première comparution devant le Sous-comité, le professeur Akhavan a soutenu que le Canada devrait faire plus que condamner verbalement les violations des droits de la personne en Iran et adopter des politiques plus coercitives, voire peut-être prendre des sanctions ciblées. Selon lui, le Canada pourrait prendre les devants en mettant au point

une politique de sanctions ciblées — que ce soient des interdictions de voyager, des saisies de biens ou des mesures judiciaires pour isoler ces individus qui violent les droits de la personne afin de rester au pouvoir, pour que ces purs et durs soient isolés sans isoler l'ensemble du peuple iranien. La plupart des Iraniens ne veulent rien savoir de ce genre d'incitation à la haine[97].

De nombreux témoins se sont dits mécontents de voir que des sanctions ont été imposées aux responsables du programme nucléaire en Iran par le Conseil de sécurité des Nations Unies, mais non aux individus qui violent les droits de la personne en Iran ou qui incitent à le faire. Les défenseurs des droits de la personne croient en général que la question nucléaire éclipse depuis quelque temps déjà celle des droits de la personne en Iran. Certains soutiennent même que cela pourrait expliquer pourquoi l’Iran ne dévoile pas les véritables intentions de son programme nucléaire sur la scène internationale : il veut éviter que la communauté internationale ne s’occupe trop de ses activités internes. Le Sous-comité croit que les deux questions sont extrêmement importantes et que la communauté internationale doit leur accorder autant de poids et les traiter avec la même efficacité.

M. Mahdavi a fait état des difficultés qu’il y aurait à prendre des sanctions contre des particuliers et des organismes en Iran, y compris les Gardiens de la Révolution islamique iranienne, les entreprises et les ressources financières qui appuient les membres. À une question sur l’utilisation de telles sanctions pour exercer des pressions contre ceux qui commettent ou tolèrent des violations des droits de la personne en Iran, il a répondu par une question : « Où obtenir les renseignements fiables nécessaires pour viser les bonnes cibles et personne d'autre? » M. Mahdavi a reconnu toutefois que si les gouvernements occidentaux pouvaient, « grâce à des sources d'information vraiment fiables, mettre le doigt sur le nom de certains individus ou de certaines institutions, alors là, nous pourrions peut-être avoir un certain effet sur le mouvement démocratique en Iran[98]. »

RECOMMANDATION 7

Le Sous-comité recommande que, pour faire savoir qu’il condamne la violation des droits de la personne du peuple iranien par le régime en place, le gouvernement du Canada :

  • utilise tous les outils que lui offrent ses politiques en matière d’immigration et de visas afin d’empêcher les membres haut placés du régime de trouver un soutien direct ou indirect au Canada;
  • réduise l’interaction avec les hauts fonctionnaires iraniens et précise que toute invitation leur est faite sous réserve que le gouvernement iranien prenne des mesures réelles pour améliorer la situation des droits de la personne en Iran.

RECOMMANDATION 8

Le Sous-comité recommande que, pour faire savoir qu’il condamne la violation des droits de la personne du peuple iranien par les services de sécurité de l’État, le gouvernement du Canada utilise tous les outils que lui offrent ses politiques en matière d’immigration et de visas pour interdire de séjour au Canada les membres des services de sécurité iraniens, y compris les membres des Gardiens de la Révolution islamique iranienne et de la milice des Basij.

RECOMMANDATION 9

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada veille à ce que le ministère de la Justice, l’Agence des services frontaliers du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada aient suffisamment de ressources pour prendre des décisions judicieuses concernant les recommandations 7 et 8.

RECOMMANDATION 10

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada établisse des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et des saisies de biens, à l’égard des membres du gouvernement iranien et des services de sécurité d’État qui violent les droits de la personne.

iii. Utiliser une approche multilatérale

Aux dires des témoins qui ont comparu devant le Sous-comité, le gouvernement iranien pourrait être sensible à l’opinion internationale, du moins jusqu’à un certain point. M. Stork a indiqué : « Surtout quand une coalition de pays se réunit pour adopter la résolution, bien sûr qu'il [le gouvernement] s'en soucie[99]. » Par ailleurs, dans le contexte des politiques et de la diplomatie canadienne, des témoins ont fait valoir que le Canada, qui représente notamment le pays d’émigration le plus important pour les Iraniens après Dubaï, jouit d’une « influence considérable » pour exercer des pressions sur le régime[100].

Malheureusement, un climat de division règne au sein de la communauté internationale relativement au bilan des droits de la personne en Iran. Ce climat donne un caractère politique aux débats sur la question de même qu’il limite et complique la plupart des engagements diplomatiques envers le pays. Les propos qui suivent de M. Akhavan décrivent l’état d’esprit qui caractérise l’un des pôles du débat sur la question :

L’Iran affirme que son bilan au chapitre des droits de la personne est acceptable, mais les pays occidentaux qui sont sous l'influence des modèles américains et sionistes se servent de cet enjeu pour dénoncer la République islamique d'Iran et la souveraineté du peuple iranien[101].

Des témoins ont dit au Sous-comité que le régime iranien actuel compte étonnamment de nombreux partisans en Amérique du Sud, dans les Antilles, en Afrique et en Asie, et qu’il est même allé jusqu’à accorder une aide globale à de petits pays, dont les Îles Salomon, pour s’assurer un vote favorable aux Nations Unies. Comme l’a expliqué M. Genser, certains pays qui appuient l’Iran ne seraient habituellement pas considérés comme membres de la « solidarité entre oppresseurs » pour employer l’expression de M. Stork. M. Genser a mentionné l’Afrique du Sud comme exemple. Même si depuis peu, le pays a fait en faveur de la réconciliation nationale après l'apartheid; pourtant, l'aide qu’il a pu accorder à d'autres peuples opprimés depuis qu'il s'est libéré de l'apartheid est « franchement pitoyable »[102]. L’Afrique du Sud, dit-il, a soutenu la junte birmane, au Myanmar, et elle a accordé son soutien au président Mugabe, au Zimbabwe – et cela à cause de la solidarité entre pays développés ou, plus généralement, du débat global des puissants contre les faibles.

De plus, on recourt souvent à une interprétation néocolonialiste pour expliquer à ces pays le débat international sur les droits de la personne en Iran; certaines figures en Iran accusent les pays occidentaux d’« exercer des pressions politiques sur les pays du tiers monde et en voie de développement » pour qu’ils transforment leurs systèmes[103].

Parallèlement, le Sous-comité croit que la question des droits de la personne doit encore être débattue à l’échelle internationale. De plus, comme l’a proposé un témoin, le gouvernement du Canada devrait intervenir activement dans les cas de violation grave en menant des activités diplomatiques au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale des Nations Unies, voire auprès de l’équipe chargée des droits de la personne du Secrétariat pour les pays du Commonwealth[104]. Il pourrait aussi faire pression sur le Conseil des droits de l’homme pour que soient rétablis les postes de rapporteur spécial, qui ont été abolis.

RECOMMANDATION 11

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada exprime encore son désaveu public du régime et des dirigeants iraniens et qu’il continue d’intervenir activement lors de rencontres bilatérales avec les hauts fonctionnaires iraniens et auprès du Conseil des droits de l’homme, de l’Assemblée générale des Nations Unies et d’autres organismes internationaux, dans le dossier peu reluisant des droits de la personne en Iran.

RECOMMANDATION 12

Le Sous-comité recommande que le gouvernement collabore avec d’autres États membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour que soit rétabli le poste de rapporteur spécial sur les droits de la personne en Iran.

iv. Mettre fin à l’immunité d’État accordée aux auteurs de crimes contre l’humanité

Des témoins ont indiqué non sans mécontentement que des citoyens canadiens victimes de torture, ou ayant des proches qui ont été torturés puis tués par un autre État, ne peuvent s’en remettre au système judiciaire canadien pour obtenir justice. La Loi sur l’immunité des États les en empêche, et c’est ce qui a amené le Comité contre la torture des Nations Unies, chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention contre la torture, à juger que le Canada manquait à ses obligations internationales en tant que signataire de la Convention.

L’immunité d’État repose sur la souveraineté étatique, un principe fondamental du droit international et de la Charte des Nations Unies. Ce principe a pour but d’empêcher les États de s’ingérer dans les affaires internes des autres. L’immunité d’État empêche donc les tribunaux de juger les mesures officielles ou « souveraines » d’un autre pays[105].

En 1982, quand la Loi sur l’immunité des États a été adoptée, le Canada a opté pour une approche « restrictive » face à l’immunité. Bien qu’il reconnût que les États et leurs représentants ne pouvaient être préservés de tout, cette approche visait principalement les activités commerciales. Jayne Stoyles, directrice générale, Centre canadien pour la justice internationale, a dit au Comité :

Certes, la loi part du principe que les gouvernements étrangers bénéficient d'une immunité de juridiction à l'égard des tribunaux canadiens, mais la loi énonce des exceptions où l'immunité ne peut être accordée. Par exemple, les États étrangers ne bénéficient pas d'une immunité en matière de responsabilité civile dans le cas d'activités commerciales ni ne bénéficient d'une immunité dans les cas de décès, de lésions corporelles ou de dommage matériel survenus au Canada. Ces exceptions découlent du fait que les activités sous-jacentes ne sont pas considérées comme étant de nature souveraine[106]>.

Mme Stoyles a indiqué que la communauté internationale considère actuellement que la torture « est un acte qu’il n’est pas approprié d’entreprendre pour un État souverain[107] ». Elle a ajouté que, dans la hiérarchie du droit international, l'interdiction des actes de torture arrive en tête et elle est l'équivalent, sur le plan international, d'une norme constitutionnelle, qui engage toutes les nations. À l’instar de nombreux autres témoins, elle a mentionné que la torture n’est pas un acte qui peut faire l’objet d’une immunité quelles que soient les circonstances[108].

Conformément à l’article 14 de la Convention des Nations Unies qu’il a signée, le Canada :

[…] garantit, dans son système juridique, à la victime d'un acte de torture, le droit d'obtenir réparation et d'être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de mort de la victime résultant d'un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont droit à indemnisation.[109]

Des témoins ont fait mention de quelques cas de torture notoires que les tribunaux canadiens ont rejetés au motif de l’immunité d’État. En 2004, Houshang Bouzari a accusé des fonctionnaires iraniens de l’avoir torturé pendant qu’il était détenu en Iran parce qu’il avait refusé un pot-de-vin du frère du président iranien alors qu’il travaillait pour l’une des compagnies pétrolières du pays. Il a été débouté par les tribunaux de l’Ontario, qui se sont fondés sur l’immunité même si l’instance aurait pu être rejetée pour un motif de compétence étant donné que M. Bouzari ne s’est établi en Ontario qu’après sa libération en Iran[110]. Le rejet de l’affaire pour un motif d’immunité a quand même créé un précédent.

Après que M. Bouzari eut été débouté, le Comité des Nations Unies contre la torture s’est penché sur l’observance du traité par le Canada. Selon les experts qui ont comparu devant le Sous-comité, ce comité des Nations Unies a rejeté l’argument du Canada voulant que l’article 14 porte seulement sur l’indemnisation des victimes torturées sur son territoire. Pour le Comité des Nations Unies, il est clair que l’article 14 exige que toutes les victimes de torture aient accès à un recours civil, que les actes de torture aient été commis à l’étranger ou non, et il a pressé le Canada de revoir sa position. Cela entraînerait la modification de la Loi sur l’immunité des États[111].

Malheureusement, selon des témoins, le rejet de l’action intentée par M. Bouzari a établi un précédent pour d’autres actions en justice, dont celle de Maher Arar. Les actions intentées par celui-ci contre les gouvernements de la Syrie et de la Jordanie ont aussi été rejetées pour des motifs d’immunité[112].

En ce qui concerne Zahra Kazemi, la famille a porté l’affaire devant les autorités iraniennes. Des dénonciateurs du gouvernement iranien ont révélé que Mme Kazemi était décédée par suite de la torture qu’elle avait subie, ce qui soulève des questions graves et troublantes au sujet de l’enquête menée par l’Iran sur ce qui s’était passé pendant l’emprisonnement. Or, comme personne n’a été reconnu coupable, la famille de Mme Kazemi cherche encore à ce que justice soit faite. L’affaire Kazemi est actuellement devant les tribunaux du Québec et, selon Kurt Johnson, avocat chez Irving Mitchell Kalichman, elle ne se heurtera à aucune restriction relative à la compétence puisque Mme Kazemi résidait au Québec depuis 1993. Reste à voir quel jugement sera rendu. Des témoins qui se sont présentés devant le Sous-comité craignent qu’une autre famille ne puisse obtenir justice en raison de la Loi sur l’immunité des États. Si l’affaire Kazemi est rejetée pour des motifs d’immunité, on craint que les tribunaux canadiens refusent à tout jamais la possibilité de demander réparation aux futurs survivants canadiens victimes de torture[113].

Mathieu Bouchard, également avocat chez Irving Mitchell Kalichman, a expliqué au Sous-comité comment le système juridique des pays de common law diffère du régime juridique des pays européens en ce qui concerne les accusations portées au pénal et au civil contre des représentants de pays étrangers. Ces différences donnent lieu à l’application non uniforme des lois internationales :

Notre système de common law fait en sorte que c'est l'État qui intente des poursuites contre les suspects dans les affaires criminelles. Dans le système juridique européen, des parties privées peuvent se joindre à la poursuite et réclamer des réparations civiles. C'est ce qu'on appelle en France la « partie civile ». Une victime de torture peut donc, dans les pays européens, devenir une partie poursuivante et demander une compensation aux dépens de représentants étrangers, alors qu'ici, en Angleterre et dans les pays de common law, nous n'avons pas cette possibilité[114].

François Larocque, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, a fait observer que même s’il existe des exceptions à la State Immunity Act des États-Unis, ce n’est pas ce qu’il recommanderait pour le Canada. Les États-Unis permettent aux citoyens d’intenter des poursuites uniquement contre des représentants des pays qui figurent sur la « terror list » (c’est-à-dire les pays promoteurs du terrorisme). Selon M. Larocque, cette mesure est trop restrictive et pose problème. Par exemple, la Corée du Nord, l’Iraq et la Libye ne figurent plus sur cette liste depuis que les relations diplomatiques ont été régularisées avec ces pays. Des poursuites peuvent être intentées uniquement contre les représentants des quatre autres pays inscrits sur la liste, soit l’Iran, le Soudan, la Syrie et Cuba. Parallèlement, seuls les citoyens américains peuvent intenter des poursuites au civil; ce n’est pas le cas des résidents permanents[115].

M. Larocque et les autres témoins experts qui ont comparu devant le Sous-comité ont recommandé que le Canada soustraie les pires cas de violation du droit international à l’application de la Loi sur l’immunité des États. En revanche, des personnes s’opposant à cette recommandation ont fait mention du tort possible qu’elle pourrait causer aux relations commerciales et diplomatiques du Canada, autant bilatérales que multilatérales. Elles craignent aussi que cette ligne de conduite n’ouvre les vannes et permette aux victimes de torture dans le monde de demander asile au Canada pour ensuite poursuivre les représentants étrangers en vue d’obtenir un dédommagement[116].

Comme l’a toutefois signalé Mme Stoyles, sur le plan des relations diplomatiques, les causes dont il est fait mention ici sont des causes au civil qui opposent une personne ou une famille au Canada et des représentants étrangers; il ne s’agit pas d’affaires pénales dans lesquelles le gouvernement du Canada poursuit des représentants d’un autre pays. Mme Stoyles a également soutenu que le système judiciaire canadien dispose de suffisamment de freins et de contrepoids pour distinguer les causes et retenir celles qui sont fondées :

Comme je l'ai dit, deux critères s'appliquent : il doit exister un lien véritable et substantiel avec le Canada et, en fait, il doit s'agir du meilleur cadre pour juger la cause[117].

Le 26 novembre 2009, le député libéral Irwin Cotler a déposé le projet de loi d’initiative parlementaire C-483 avec l’appui de députés de tous les partis, soit le député conservateur Scott Reid, la députée bloquiste Francine Lalonde et le député néo-démocrate Paul Dewar, visant à modifier la Loi sur l’immunité des États afin que les victimes canadiennes de torture, de crimes contre l’humanité et d’autres crimes internationaux puissent intenter des poursuites au Canada contre les gouvernements et les agents étrangers qui commettent ces violations flagrantes des droits de la personne. 

Le projet de loi C-483 prend en considération les recommandations et les préoccupations exprimées par les experts qui ont témoigné devant le Sous-comité. Ainsi, il  prévoit une importante protection des pays dotés d’un appareil judiciaire juste et impartial et exige que les victimes épuisent tous les recours internes de ces pays avant d’intenter des poursuites. Par conséquent, le Canada respecte ses relations internationales et s’en remet aux systèmes judiciaires des États qui rendent justice aux victimes. De plus, comme l’a expliqué l’experte Jane Stoyles, les mesures de contrôle mises en place par le système judiciaire de common law réservent déjà l’application des nouvelles dispositions aux causes ayant « un lien réel et important » avec le Canada et pour lesquelles le Canada constitue la meilleure tribune[118].

RECOMMANDATION 13

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada retire complètement l’immunité de la Loi sur l'immunité des États aux fonctionnaires étrangers en cas de violations flagrantes des droits internationaux de la personne, notamment en cas de torture, ce qui permettrait aux Canadiens victimes de ces violations d’intenter des recours dans le système judiciaire canadien.

III. L’IRAN ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES : RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

Des témoins ont indiqué au Sous-comité que le bilan des droits de la personne en Iran comporte des dimensions externes. Certains ont avancé que les dimensions externes des politiques iraniennes qui concernent les droits de la personne et qui méritent un examen approfondi incluaient le soutien accordé par l’Iran à diverses organisations terroristes, son attitude belliqueuse envers l’État d’Israël et les visées possibles de son programme nucléaire.

1. Parrainage de groupes terroristes par l’Iran [119]

Des témoins ont parlé en toute franchise du soutien accordé par l’Iran à des groupes terroristes actifs dans d’autres pays, en particulier le Hamas et le Hezbollah[120]. M. McLaren (MAECI) a déclaré au Comité que c’est l’Iran qui a d’abord appuyé la création du Hezbollah au Liban pendant les conflits des années 1980 et qui reste « probablement l'allié international le plus important du Hezbollah » en termes de financement et de soutien. À ce sujet, il s’est fait l’écho des préoccupations du gouvernement canadien en déclarant que « l'Iran est en train de jouer un rôle préoccupant à l'échelle du Moyen-Orient. Les activités de l'Iran dans la région, particulièrement à l'appui d'entités terroristes reconnues telles le Hamas, le Jihad islamique palestinien et le Hezbollah, constituent depuis longtemps de sérieux obstacles à la paix au Moyen-Orient. »[121]

M. Patrick Clawson, directeur adjoint à la recherche au Washington Institute for Near East Policy, a dit au Sous-comité que ce soutien à des réseaux terroristes constituait peut-être la pire menace que l’Iran fait peser sur la région :

[…] je m'inquiète personnellement non seulement des déclarations haineuses que l'Iran fait sur l'anéantissement d'Israël mais des centaines de millions de dollars que l'Iran dépense pour armer, former et financer les organisations qui cherchent justement à arriver à cette fin, comme le Hamas[122].

M. Clawson a ajouté que des indications inquiétantes portent à croire que l’Iran passe en contrebande au Hamas non seulement des armes légères mais aussi des armes plus perfectionnées. Pour montrer le danger qu’elles présentent, il a expliqué au Sous-comité que l’Iran avait soutenu de façon analogue le Hezbollah pendant un certain nombre d’années et que celui-ci s’était transformé au fil du temps en une « infanterie légère assez impressionnante[123] ». Ces armes comprennent des missiles de longue portée plus précis, des missiles antiaériens et des engins antichars[124]. Par ailleurs, M. Genser a soutenu que l’Iran représente une force déstabilisatrice dans l’ensemble du Moyen-Orient parce qu’il soutient et finance dans une large mesure les activités terroristes dirigées contre la population civile d’Israël[125].

Des témoins ont cité des sources du renseignement et des documents accessibles au public, notamment des aveux faits par des dirigeants du Hamas et du Hezbollah. Gregory Gordon, directeur, Human Rights and Genocide Studies, University of North Dakota, a mentionné au Sous-comité :

On n'a pas besoin de suivre le cheminement tortueux du financement. Ces gens ont admis volontiers l'existence de liens et de soutien externe et toutes ces choses. Alors c'est assez convaincant[126].

Des témoins ont dit au Sous-comité que l’Iran soutient des groupes, soit le Hamas et le Hezbollah, qui usent depuis plusieurs années de tactiques violentes non seulement contre Israël et sa population, mais aussi contre d’autres cibles civiles.

À la question de savoir si l’Iran pouvait être légalement tenu responsable du soutien accordé à ces groupes et s’il existe des précédents à cet effet en droit international, M. Gordon a répondu que, en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, « il faut qu'il y ait une attaque généralisée ou systématique contre une population civile. » À son avis, le financement et la formation que l’Iran offre au Hamas et au Hezbollah pour qu’ils s’en prennent à Israël constituent une attaque en ce sens[127].

Selon M. Gordon, des pays qui ont offert pareil appui ont été tenus responsables des agissements de certaines organisations parce qu’on a déterminé qu’il existait une relation « assez directe » entre eux et l’organisation ou pays client. Lui et d’autres témoins ont fait mention du cas des États-Unis contre le Nicaragua dont la Cour internationale de justice avait été saisie[128]. La Cour avait alors jugé, à douze votes contre trois, que les États-Unis avaient agi contre la République du Nicaragua en armant, en équipant, en finançant et en fournissant les forces d’opposition ou, par ailleurs, en encourageant, en soutenant et en contribuant aux activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre lui, et qu’il avait ainsi agi à l’encontre du droit international coutumier[129]. Ce dernier empêche l’ingérence des États dans les affaires des autres, le recours à la force envers d’autres États et la violation de la souveraineté des autres États.

Alan Dershowitz, professeur de droit, a dit au Sous-comité qu’un régime légal semblable à la législation américaine sur la conspiration pouvait être créé à l’échelle internationale[130]. La Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act, également appelée la loi Rico, a été promulguée aux États-Unis en 1970. Elle devait permettre de traduire en justice non seulement des membres de la mafia et d’autres groupes du crime organisé, mais plus particulièrement les dirigeants de ces groupes qui n’auraient peut-être pas usé personnellement de manœuvres frauduleuses, mais qui les auraient organisées ou ordonnées. Au fil des ans, cette loi s’est appliquée aux entreprises, aux groupes de protestation politique et aux organisations terroristes. En vertu de la loi RICO, le gouvernement américain pouvait par exemple poursuivre au civil une personne à la tête d’une entreprise qui se livrait à des manœuvres frauduleuses — activités criminelles, incluant l’extorsion, le commerce de drogues illégales et le meurtre. De plus, les victimes de ces activités criminelles pouvaient également intenter des poursuites contre le chef d’une entreprise devant un tribunal civil afin de recouvrer toutes pertes économiques subies[131].

Selon M. Dershowitz, l’enquête menée par l’Argentine sur la complicité de l’Iran dans l’attaque terroriste commise contre la plus grande communauté juive de l’Amérique latine devrait être considérée comme un exemple de l’application des lois contre la conspiration[132]. En 1994, dans le bombardement du centre communautaire juif, 85 citoyens argentins ont perdu la vie et des centaines d’autres ont été blessés. Il a été établi que le régime iranien et ses ramifications internationales, incluant le Hezbollah, avaient dirigé l’attaque. En octobre 2006, le service des poursuites argentin a sollicité l’aide internationale pour appréhender et extrader huit Iraniens, dont Ali-Akbar Hashemi Rafsanjani, président de l’Iran au moment de l’attaque[133].

Par ailleurs, en novembre 2006, le juge Canicoba Corral a déclaré crime contre l’humanité l’attaque contre le centre communautaire. Il a ensuite lancé les mandats d’arrêt nationaux et internationaux demandés par les avocats de la poursuite et adressé une demande officielle à INTERPOL. Il semble toutefois que, 15 ans plus tard, les accusés se trouvent en liberté dans des pays sûrs (Arabie saoudite et Syrie) et certains ont même voyagé; rien n’a été fait pour les arrêter et les extrader[134].

Bon nombre de ceux qui ont été formellement accusés lors de l’enquête menée par l’Argentine font également l’objet de mandats d’arrêt internationaux émis par d’autres pays. C’est le cas de l’ancien ministre du Renseignement iranien, Ali Fallahian, visé par deux autres mandats d’arrêt internationaux émis par l’Allemagne et la Suisse pour l’implication qu’il aurait eue dans le meurtre de dissidents iraniens dans ces pays[135]. Comme il a été mentionné, aucune autre action en justice n’a été intentée contre eux. En fait, beaucoup demeurent des figures influentes parmi les dirigeants iraniens. Par exemple, l’Iran a nommé ministre de la Défense, chargé de surveiller le programme nucléaire et le développement des armes, Ahmad Vahidi, pour son rôle dans le bombardement de Buenos Aires. Depuis que les ordonnances ont été rendues, ils ne semblent pas s’être déplacés dans des pays européens[136].

2. L’incitation au génocide

En plus d’appuyer des organisations terroristes responsables de violations des droits de la personne et de compromettre les perspectives de paix et de sécurité au Moyen-Orient, certains membres influents du gouvernement iranien font des déclarations qu’on peut considérer comme des incitations à la haine contre Israël. Selon certains témoins, ces déclarations ne relèvent pas seulement de la propagande haineuse, mais de l’incitation au génocide, que le droit international définit comme crime. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a condamné et menacé publiquement l’existence d’Israël. Le Sous-comité a reçu à ce sujet le témoignage de juristes et d’universitaires qui connaissent bien les dirigeants iraniens et leurs politiques.

Bien que la déclaration la plus troublante et la mieux connue qu’un dirigeant iranien ait faite jusqu’à présent ait pour auteur le président Ahmadinejad qui, à la conférence « Le monde sans sionisme » qui s’est tenue à Téhéran en 2005, a appelé à ce qu’Israël soit « rayé de la carte », les témoins en ont rapporté d’autres comme : « Il n'y a qu'une solution au problème du Moyen-Orient, l'annihilation et la destruction de l'État juif » et « si les juifs se rassemblent tous en Israël, cela nous évitera de les poursuivre partout dans le monde[137] ». M. Genser a noté que le 4 mars 2009, alors même que le Sous-comité se penchait sur ces questions :

Le leader suprême, Khamenei, a une fois de plus parlé d'Israël en tant que « tumeur cancéreuse », exhortant les personnes présentes à « résister », son euphémisme pour recourir à la violence comme seule solution. Et le président Ahmadinejad a réitéré une fois de plus son déni de l'Holocauste en disant « L'histoire de l'Holocauste, une nation sans territoire et un territoire sans nation […] sont les plus grands mensonges de notre époque[138]. »

Par ailleurs, M. Dershowitz a signalé au Sous-comité à quel point le régime iranien serait prêt à poursuivre ses objectifs stratégiques. Il a mentionné que Hashemi Rafsanjani, s’adressant à un journaliste américain, se serait « vanté » en disant :

« qu’une attaque nucléaire de l'Iran tuerait jusqu'à cinq millions de juifs. Rafsanjani estimait que, même si Israël larguait ses propres bombes nucléaires en représailles, l’Iran perdrait probablement seulement 15 millions de personnes, un petit « sacrifice », selon lui, sur le milliard de musulmans dans le monde[139]. »

Le Sous-comité s’est demandé ce que beaucoup de Canadiens se demandent sûrement : Quelle est la portée réelle de ces déclarations? L’Iran compte-t-il mettre à exécution ces menaces? Le Canada et la communauté internationale devraient-ils s’inquiéter et, le cas échéant, que devraient-ils faire?

M. Gordon a dit au Sous-comité : « Il y a une culture de haine contre Israël qui prend forme et qui est déjà devenue réalité[140] ». Les déclarations qui exhortent à l’anéantissement d’un pays souverain et à la mise à mort de son peuple ont été prononcées à de nombreuses reprises et devant divers auditoires, au vu et au su de la communauté internationale.

M. Stanton a soutenu que les déclarations faites par des autorités iraniennes, des « incitations, dans des médias financés par les Iraniens, comme la télévision palestinienne, à tuer des Juifs partout », ont une portée internationale. Par exemple, en 2005, le réseau de télévision dirigé par l’Autorité palestinienne prônait le « massacre de tous les Juifs où qu'ils se trouvent » dans un sermon du vendredi. Depuis, la propagande incitant à tuer des Juifs n'a fait qu'empirer[141].

Le 18 juin 2009, l’honorable Irwin Cotler, député, a déposé auprès du Sous-comité une pétition intitulée « Le danger d'un Iran génocidaire et nucléaire: Pétition sur la responsabilité de prévenir ». Il a expliqué qu’elle découlait des dangers que fait courir à Israël et à la communauté internationale la convergence de trois grandes dynamiques du régime iranien : le nucléaire, le génocidaire et la violation des droits. Dans sa présentation, M. Cotler explique que cette pétition a été lancée et approuvée par quelque 50 spécialistes du droit international et du génocide et victimes de génocide dont la juge Louise Arbour, ancienne haute commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Salih Mahmoud Osman, survivant du génocide du Darfour, et le prix Nobel de la paix Elie Wiesel.[142]

Selon M. Cotler, la pétition a ceci d’important qu’elle énumère les huit signes précurseurs du génocide qui, à l’en croire, se manifestent dans l’Iran du président Ahmadinejad, et présente pour chacun des preuves complètes et concluantes.

Toujours selon M. Cotler, cette pétition et le projet de loi C-412, Loi sur la responsabilisation à l’égard de l’Iran, qu’il a déposé à la Chambre des communes le 9 juin 2009, sont fondés sur « une constatation de fait et une conclusion de droit […] à savoir que l'Iran a déjà commis le crime d'incitation au génocide au mépris de l'interdiction qui figure dans la convention sur le génocide[143] ».

i. Les huit étapes du génocide

M. Stanton, président de l’International Association of Genocide Scholars, a dit au Sous-comité qu’il avait analysé la plupart des génocides commis dans un passé récent et qu’il avait décelé un schéma prévisible :

Le génocide n'est pas un accident. Il suit une évolution prévisible […] ce qui m'a amené à parler des huit étapes du génocide […] Jusqu'à maintenant, six ont été franchies [en Iran]. La prochaine étape, la septième, est le génocide proprement dit[144].

Voici une analyse faite par M. Stanton de ce qu’il considère une incitation au génocide par l’Iran envers Israël :

Voici, brièvement, les huit étapes.
D'abord, la classification. Toute culture doit distinguer des groupes : nous et eux. Dans ce cas, ce sont les Iraniens d'un côté et les Juifs et d'autres groupes de l'autre. Même dans la société iranienne, certains font partie des « autres » — les Bahá’ί, par exemple, les Azéris et beaucoup d'autres groupes qui n'ont pas les droits politiques normaux dans la société. Dans le cas des Juifs, par exemple, Ahmadinejad a dit que les Juifs, ces gens « fabriqués » ne peuvent continuer à exister. C'est l'altérité; c'est dire qu'ils n'ont pas de droits. Il a dit par exemple que les Juifs n'avaient pas de racines en Palestine.
Deuxième étape, la symbolisation. On donne des noms aux classifications. On peut même rattacher des symboles aux gens classés dans un certain groupe. Le symbole le plus connu est évidemment l'étoile jaune utilisée par les Nazis. Cela s'est fait aussi au Cambodge, soit dit en passant. Ben Kiernan et moi avons découvert qu'on se servait de foulards à carreaux bleu et blanc pour distinguer les gens de l'Est avant de les déporter pour les exterminer.
Dans ce cas-ci, les principaux symboles sont des mots, comme Juifs, sionistes, etc. Mais ils sont associés à la troisième étape, la déshumanisation. À cet égard, la rhétorique d'Ahmadinejad est pléthorique. Il a qualifié Israël de tache, de souillure, de cancer, de sale bactérie, et de bête sauvage. Selon lui, les Juifs sont des animaux, des barbares, des meurtriers. Il a repris le discours des Protocoles des sages de Sion, par exemple. Ce type de déshumanisation est caractéristique des régimes génocidaires. Par exemple, les Tutsis du Rwanda étaient qualifiés de blattes ou les Juifs étaient qualifiés de vermine pendant l'holocauste.
La quatrième étape, l'organisation, est celle où on met en place les organisations qui vont perpétrer le génocide. Dans ce cas-ci, je tiens à insister sur le fait que je suis d'accord avec le professeur qui témoigne avec moi : même si les armes nucléaires de l'Iran ne servent que de bouclier, elles protégeront des organisations comme le Hezbollah, le Hamas et d'autres terroristes aux idéologies génocidaires qui organiseront les tueries et continueront de terroriser Israël.
Cinquième étape, la polarisation. Les extrémistes séparent les groupes. C'est ce que nous observons dans certaines des déclarations du régime, par exemple celles qui disent que le régime sioniste ne peut continuer à exister. C'est une déclaration d'Ahmadinejad.
À la sixième étape, la préparation, les victimes sont identifiées et mises à l'écart à cause de leur identité ethnique ou religieuse. Dans ce cas-ci, c'est Israël ou les sionistes, comme il aime les appeler. Les victimes sont attaquées par des organisations terroristes comme le Hamas ou le Hezbollah ou encore, comme cette fois-ci, il y a un schème général d'attaques commanditées et payées par l'État iranien.
La septième étape, l'extermination, est le génocide proprement dit. C'est le début des massacres. Le génocide, ce n'est pas tout ou rien. Il peut être lent, très progressif, comme au Soudan. Je crois que ce que l'Iran envisage à long terme pour Israël c'est en fin de compte une élimination lente. À défaut, il aura des armes nucléaires pour tout faire d'un coup.
Enfin, la huitième et dernière étape de tout génocide est la négation. Tous les génocides sont niés par ceux qui y ont participé, et cette étape commence dès le début. Ceux qui vont le commettre nient qu'ils vont le perpétrer, ils le nient pendant la perpétration, et ils le nient après. Nous avons vu tout cela en Iran[145].

Le témoignage de M. Cotler devant le Sous-comité corrobore l’évaluation du professeur Stanton. Même si le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné les propos du président Ahmadinejad à l’appui de l’incitation au génocide d’Israël en 2005, des témoins ont signalé que l’Iran ne les a toujours pas retirés. Au contraire, l’incitation continue[146]. Par exemple, en mars 2010, dans un reportage sur Press TV, le président Ahmadinejad a tenu ces propos au sujet d’Israël : « […] le peuple le plus criminel au monde […] établi […] dans notre région avec des mensonges et des scénarios montés de toutes pièces […] avec la grâce de Dieu, ce régime sera anéanti[147] ».

ii. La politique canadienne et la Convention sur le génocide

Selon M. McLaren (MAECI) :

Pour ce qui est de l'incitation au génocide, le Canada s’acquitte de ses obligations en matière de prévention et de sanction du génocide en criminalisant cet acte en vertu du droit national, et en autorisant les poursuites à cet égard dans les tribunaux canadiens lorsqu’il y a preuve à l’appui. Par ailleurs, le Canada est partisan de la Cour pénale internationale, qui dissuade et sanctionne les auteurs de génocide.
Le Canada a appuyé la nomination d’un conseiller spécial sur la prévention du génocide, dont le mandat consiste à formuler des recommandations opportunes au Conseil de sécurité des Nations Unies par le truchement du Secrétaire général de l’ONU[148].

En outre, M. McLaren a renvoyé le Sous-comité aux réponses que le MAECI a fournies à deux questions de la Chambre des communes. À la question que lui a posée la députée Kirsty Duncan le 11 juin 2009, le Ministère a répondu que le gouvernement du Canada reconnaissait que, au vu de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide [ci-après la Convention sur le génocide], « il y a génocide quand les actes énumérés sont commis dans le but exprès de détruire un groupe peu importe que le groupe soit effectivement détruit ou non. L’intention particulière est donc un critère essentiel du crime de génocide[149]. »

Le Ministère ajoute cependant que la Convention sur le génocide « n’oblige pas à "intervenir ou à protéger" les populations victimes d’actes génocidaires. Elle fait obligation aux parties contractantes de "prévenir et de punir" le crime de génocide, mais elle ne précise pas ce qu’un État doit faire pour remplir cette obligation[150]. »

À propos de l’Iran, dans sa réponse à la question de l’honorable Irwin Cotler en date du 17 juin 2009, le Ministère a déclaré que « le Canada et les pays aux vues similaires vont continuer de surveiller les déclarations faites par le gouvernement d’Iran, y compris celles du président, et que le Canada a publiquement condamné les propos outranciers et offensants du président Ahmadinejad[151] ».

Faisant écho à ce sentiment, M. McLaren a ajouté, après avoir rappelé au Sous-comité que le ministre des Affaires étrangères avait boycotté le discours du président Ahmadinejad à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2009, que le gouvernement du Canada prenait « la menace iranienne très au sérieux », qu’il appuyait Israël et qu’il partageait « bon nombre des inquiétudes d'Israël par rapport à la menace que constitue l'Iran[152] ».

Le Sous-comité a également reçu des témoignages suivant lesquels la menace que font peser ces déclarations sur Israël est plutôt de nature rhétorique ou symbolique que proprement militaire. Selon un témoin, M. Hassan-Yari, il est important de faire une distinction entre les membres du gouvernement iranien et la société iranienne en général : « C'est pourquoi j'insiste énormément devant ce sous-comité pour que vous étudiez ce qui se passe dans la société iranienne. Ne réagissez pas au discours inflammatoire des gens comme Ahmadinejad […][153]. »

Selon M. McLaren, les déclarations incendiaires du président Ahmadinejad visent sans doute à détourner l’attention des Iraniens de leurs problèmes en matière économique, politique et de droits de la personne et à fouetter leur ferveur nationaliste contre les gouvernements occidentaux. Tout en n’écartant pas les menaces du président Ahmadinejad, a-t-il ajouté, la communauté internationale doit se rappeler que

[…] parfois, il tente seulement de stimuler son soutien national, et faire des remarques désobligeantes à propos d'Israël est, malheureusement, une bonne façon de renforcer sa crédibilité dans les rues d'Iran et dans certaines parties du monde arabe. Nous devons prendre ses remarques au sérieux, mais nous rappeler également que, parfois, ses paroles sont destinées davantage à son public national. Il sait qu'en disant des choses de ce genre, il mettra l'occident en colère et qu'il aura alors l'air, aux yeux de ses citoyens, de lui tenir tête. Cela fait partie de sa stratégie nationale[154].

M. McLaren a aussi observé que, dans ses déclarations, le président iranien prenait soin de faire référence à l’État d’Israël plutôt qu’aux juifs en général. Abondant dans le même sens, un autre témoin, M. Mahdavi, a déclaré croire que le président Ahmadinejad se servait sans doute de cette incitation haineuse pour distraire la communauté internationale du piètre bilan de son pays en matière de droits de la personne. Il faut se garder selon lui d’accorder trop d’importance à l’incitation contre Israël des partisans de la ligne dure, car « ils veulent détourner l'accent et l'attention du mouvement démocratique et des droits de la personne au profit d'un programme plus nationaliste[155] ».

3. Les ambitions nucléaires de l’Iran

M. Hassan-Yari a dit au Sous-comité que les trois candidats battus aux élections présidentielles de juin 2009 en Iran ont soutenu à plusieurs reprises que l’Iran ne cherche pas à devenir une puissance nucléaire et ils ont dénoncé le langage qu’a tenu le président Ahmadinejad et dont il vient d’être question[156]. La majorité des témoins ne croit pas cependant que les motivations qui sous-tendent le programme nucléaire de l’Iran soient autres que militaires. En fait, de nombreux témoins étaient d’avis que la question n’est pas de savoir si l’Iran développera sa capacité nucléaire mais quand elle le fera. Emanuele Ottolenghi, directeur général, Transatlantic Institute, a expliqué ce qui suit :

Les faits révélés dans les sources publiques sont très inquiétants […] Je signale seulement quelques éléments qui ressortent de documents comme les rapports de l'Agence internationale de l'énergie atomique. D'abord, l'Iran a cherché avec détermination à enrichir l'uranium et à maîtriser le cycle nucléaire […] Deuxièmement, l'Iran a cherché à tout prix à enrichir l'uranium[157].

Il a ajouté :

Il a mené un certain nombre d'expériences et d'activités qui n'ont leur raison d'être que dans un contexte militaire, notamment l'expérimentation de puissants explosifs habituellement utilisés pour déclencher la réaction nucléaire dans un dispositif. Il a mené des expériences sur des déclencheurs précis, très particuliers qui sont typiques des armes nucléaires. Il a cherché à se procurer les plans et la technologie et il a expérimenté l'usinage de l'uranium et tenté de le modeler en hémisphères, ce qui n'est utile que dans des armes nucléaires. Tout cela est documenté. Sans négliger le fait qu'une grande partie de la technologie que l'Iran a obtenue au départ pour assurer sa puissance nucléaire est venue du réseau nucléaire illicite dirigé par Abdul Qadeer Khan, scientifique pakistanais qui est le père de la bombe pakistanaise. Nous connaissons bien des choses sur le programme nucléaire iranien qui viennent de cette source, ce qui confirme la crainte que ce programme n'ait bien une dimension militaire[158].

Compte tenu de ce qui précède, le Sous-comité a décidé de s’attarder aux ambitions nucléaires de l’Iran afin de savoir pourquoi le pays voudrait devenir une puissance nucléaire, quand il pourrait se doter d’une arme nucléaire et, enfin, quelles en seraient les conséquences pour la région et le système international.

i. Justification du programme nucléaire de l’Iran

Selon M. Clawson, il existe différentes raisons qui pourraient inciter l’Iran à devenir une puissance nucléaire. Au niveau international, le pays aurait davantage de poids, de puissance et d’influence s’il faisait partie d’un petit groupe de puissances nucléaires. Il y a aussi un élément de prestige dans le fait d’acquérir des armes nucléaires. M. Mahdavi a présenté une bonne partie des mêmes arguments devant le Sous-comité, expliquant que l’Iran justifie ainsi ses ambitions nucléaires : d’abord, le pays a le droit légitime d’adopter une politique nucléaire pour asseoir son prestige national, à la mesure de son pouvoir grandissant dans la région du Golfe et au Moyen-Orient; ensuite, il a besoin de se doter d’une nouvelle source d’énergie, étant donné qu’il doit actuellement importer des produits pétroliers raffinés; enfin, il doit veiller à sa sécurité nationale et à la survie du régime, car il sent des menaces à sa sécurité qui viendraient d’autres États de la région (l’héritage de la guerre Iran-Iraq) et d’ailleurs (déclarations de l’administration de George W. Bush aux États-Unis)[159]. M. Mahdavi a également dit au Sous-comité : « La quasi-totalité de la population iranienne — y compris l'opposition — estime que la capacité nucléaire est un droit national. C'est en tout cas ce que croient les réformistes comme les partisans de la ligne dure et une partie de l'opposition, articles du traité de non-prolifération à l'appui[160]. »

 M. Clawson a indiqué que le président Ahmadinejad et les Gardiens de la Révolution islamique iranienne cherchent à accroître l’influence de l’Iran pour en faire une puissance prééminente dans la région du Golfe persique. Il croit que cela alimente la plus grande préoccupation d’ordre national de l’ayatollah Khamenei, guide suprême, qui est d’assurer la survie du régime. Le guide suprême craint l’influence de la culture occidentale, et la paranoïa que soulève en lui la possibilité d’une révolution orchestrée ou soutenue par l’Occident est un important facteur qui l’incite à jouer son rôle dans le programme nucléaire de l’Iran[161]. M. Clawson a expliqué ce qui suit :

Il me semble donc que l'intérêt de Khamenei, c'est comment utiliser le programme nucléaire pour forcer l'Occident à battre en retraite et à ne pas appuyer des organisations non gouvernementales[162].

ii. Échéancier

Les témoins se sont perdus en conjectures quant au moment où l’Iran pourrait produire sa première arme nucléaire, mais n’ont pu faire de prédictions fermes.

M. Ottolenghi a dit au Sous-comité :

Nous ne pouvons rien dire de très exact sur les délais. C'est un processus très compliqué qui est très dynamique, et les pays qui en craignent les conséquences essaient sans cesse de le perturber. Lorsque des haut placés disent que l'Iran aura l'arme nucléaire dans six mois ou dans six ans, il faut prendre ces évaluations avec un grain de sel, car même les personnes les mieux renseignées dans le domaine ne connaissent pas les délais exacts, précis, à un mois ou à un jour près[163].

Voici ce que M. Clawson pense des moyens dont dispose l’Iran :

L'Iran a suffisamment de centrifugeuses et d'uranium faiblement enrichi qu'il pourrait probablement, s'il se débarrassait des inspecteurs de l'ONU, construire une arme nucléaire en quelques mois. Il faudrait peut-être un an si les choses tournaient mal. Mais ce serait une arme assez primitive, lourde et grosse, et difficile à utiliser. Elle ne pourrait certainement pas être installée sur l'ogive d'un missile, et il n'y en aurait qu'une seule[164].

M. Clawson a également indiqué au Sous-comité que si l’Iran avait vraiment de mauvaises intentions, il tâcherait probablement de fabriquer plus qu’une seule missive et une seule ogive. Bon nombre de ces questions demeurent sans réponse claire, mais comme l’a répété M. Clawson, l’Iran se refuse toujours à répondre à maintes questions de l’Agence internationale de l’énergie atomique au sujet de ses programmes.

Des représentants du MAECI ont dit au Sous-comité que le secteur des politiques ne s’entend guère sur l’échéancier possible et sur la capacité technologique actuelle de l’Iran. M. Shawn Caza, directeur adjoint, Coopération nucléaire et observation, a indiqué qu’« il est très difficile de déterminer un délai précis ». Il a fait observer que l’échéancier dépend de plusieurs hypothèses et évaluations, notamment la question de savoir si l’Iran a pris la « décision politique » de fabriquer une arme nucléaire et aussi ses progrès dans l’enrichissement des matières nucléaires à un niveau « élevé ». À ce sujet, M. Caza a signalé que les activités d’enrichissement à un niveau aussi élevé prendraient « un certain temps » (« au moins une année d’activité » après que l’Iran aura pris sa décision et révélé ses intentions politiques) et soit qu’elles seraient directement observées par des représentants de l’AIEA aux installations mêmes, soit que l’Iran « mettrait à la porte les inspecteurs de l’AIEA, ce qui sonnerait une alarme importante et, selon nous, entraînerait une intervention immédiate du Conseil de sécurité ». Enfin, M. Caza a dit que les progrès des travaux dépendraient aussi de la capacité de l’Iran de transformer les matières enrichies en arme. À son avis, il n’est pas certain que l’Iran « maîtrise la connaissance appropriée pour fabriquer une arme[165] ».

4. Les conséquences possibles de l’éventuelle capacité nucléaire de l’Iran — le lien entre les moyens nucléaires de l’Iran et les droits internationaux de la personne

i. Possibilité qu’aurait l’Iran de mettre en application son discours sur le génocide

Des témoins ont dit au Sous-comité qu’ils croient que les déclarations de l’Iran au sujet du génocide contre Israël sont intimement liées à son désir de se doter d’armes nucléaires. M. Dershowitz a prévenu le Sous-comité en ces termes :

C'est la première fois que les trois, peut-être quatre facteurs suivants sont réunis. Premièrement, une nation génocidaire est résolue à inciter le génocide. Deuxièmement, cette nation sera bientôt armée d'engins nucléaires. Troisièmement, il existe une culture du suicide qu'il est difficile d'éradiquer. Au moins, dans le cas de l'Allemagne nazie, des stalinistes, de l'Union soviétique et de Saddam en Irak, personne ne souhaitait mourir. Les chefs voulaient vivre. On ne leur promettait pas qu'ils iraient au paradis s'ils tuaient un certain nombre de gens. Quand on conjugue l'incitation au génocide, la capacité d'y parvenir grâce à des armes nucléaires et l'indifférence devant la perspective de perdre 15 millions de personnes — qui iraient toutes immédiatement au paradis et seraient traitées en martyrs, du moins c'est ce que ces personnes croient —, il s'agit d'une combinaison triple […] En plus, tout cela vient des chefs religieux avec qui on n'a pas le droit d'être en désaccord. Cette combinaison de quatre facteurs est sans précédent dans l'histoire humaine et représente la plus grande menace de génocide jamais vue sur la planète, je pense[166].

M. Stanton rattachait également les ambitions nucléaires de l’Iran à l’incitation incendiaire des dirigeants iraniens contre l’État d’Israël sur la scène internationale. Voici ce qu’il en disait :

Israël est un petit pays situé à quelques minutes des missiles balistiques iraniens. C'est un pays densément peuplé où on retrouve le plus grand nombre de survivants de l'holocauste au monde. Chaque minute compte. Tout retard risque d'avoir des conséquences catastrophiques. Le président Ahmadinejad a même dit que c'était une très bonne chose que tant de Juifs se soient concentrés en Israël : il sera plus facile de les anéantir[167].

ii. Une force potentiellement déstabilisante tant au niveau régional qu’à l’échelle internationale

Des témoins ont signalé que tout le Moyen-Orient montre déjà des signes d’une course aux armes conventionnelles qui va s’intensifiant. M. Clawson a dit au Sous-comité que les pays de la région ont commandé des armes d’une valeur de plus de « 100 milliards de dollars ces trois dernières années[168] ». Fait plus alarmant encore, a-t-il déclaré :

Bon nombre des pays dans la région ont d'ailleurs manifesté un intérêt; à preuve, ils ont lancé leurs propres programmes nucléaires en réaction aux progrès de l'Iran[169].

M. Dershowitz abonde dans ce sens et explique comment l’Iran, s’il devenait une puissance nucléaire, présenterait une menace pour la paix et la sécurité internationales :

L'Arabie saoudite a la capacité d'acheter des armes nucléaires. L'Égypte et la Jordanie, et peut-être même certains des Émirats, se sentiraient probablement vulnérables et exposés; rappelez-vous la semaine dernière, aux Nations Unies à Genève, qu'Ahmadinejad a porté son attention non seulement sur Israël, mais également sur « toutes les autres démocraties libérales dans le monde » — le Canada, les États-Unis, l'Europe occidentale. Son but est de mettre fin à la démocratie. Il pense que la démocratie est un dinosaure et la remplacerait par une sorte de fondamentalisme religieux, appuyé par des armes nucléaires[170].

M. Dershowitz a également indiqué que, doté de l’arme nucléaire, l’Iran modifierait l’équilibre des pouvoirs dans la région : « on ne peut pas interrompre l'attaque d'un pays qui dispose d'armes nucléaires et qui est en mesure de s'en servir[171] ». Des témoins croient que l’Iran pourrait se servir d’armes nucléaires pour étendre son pouvoir dans la région et au niveau international. M. McLaren (MAECI) a dit qu’aux yeux du Canada l’Iran constitue bel et bien une menace pour Israël et les autres pays du Moyen-Orient « dans ses efforts visant à se doter d’une capacité nucléaire ». Il a ajouté que les spécialistes ne s’entendent pas sur l’échéancier requis pour le développement de moyens nucléaires par l’Iran, mais qu’« il s’agit d’une question assez grave pour que l’ensemble des pays essaient de trouver une façon d’éliminer tout risque que l’Iran dispose d’une capacité d’armement nucléaire[172] ». Les tentatives de négociation de la communauté internationale se poursuivent au Conseil de sécurité de l’ONU, à l’AIEA et au groupe P-5 plus 1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne).

En analysant l’effet qu’aurait l’acquisition possible d’armes nucléaires sur l’approche du président en matière de relations internationales, M. Clawson a indiqué ce qui suit :

À ses yeux, les progrès réalisés dans le programme nucléaire montrent à quel point l'Iran est capable de faire ce qu'il veut, peu importe les plaintes des autres pays; c'est pourquoi le programme nucléaire est très utile. Même s'il s'avère que l'Iran n'a pas d'armes nucléaires, cette image d'un pays avant-gardiste sur le front nucléaire peut servir à donner du poids à des allégations comme le fait qu'on doit prêter une oreille attentive à la position de l'Iran, que le cours de l'histoire en dépend et que l'Iran a tous les droits d'exprimer les opinions qu'il veut lors de réunions comme celle tenue à Genève l'autre jour[173].

Du point de vue régional, M. Ottolenghi a dit au Sous-comité :

Même si les dirigeants iraniens ne tiennent ce discours que pour faire de la propagande et ne veulent avoir l'arme nucléaire que pour renforcer leur pouvoir, se protéger et assurer la survie du pays, l'acquisition de cette arme par l'Iran, étant donné la combinaison du nucléaire et de l'idéologie, déstabilisera la région pendant des décennies et y empêchera le triomphe des forces qui cherchent la réconciliation entre les peuples, le règlement des conflits armés, la défaite des idéologies radicales et l'affirmation des droits de la personne au Moyen-Orient[174].

M. Ottolenghi croit que si l’Iran se dotait d’armes nucléaires, cela pourrait donner lieu à des situations où les membres de la communauté internationale auraient à négocier avec lui sans grande marge de manœuvre de sorte qu’ils devraient finalement accepter de faire des compromis dans des dossiers clés[175].

IV. L’IRAN ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES : OBSERVATIONS DU SOUS-COMITÉ

1. Les obligations internationales de l’Iran en matière de paix et de sécurité internationales

i. Les obligations prévues par des traités

Comme l’ont indiqué de nombreux témoins, l’Iran est partie à la Convention sur le génocide, selon laquelle les États s’engagent à prévenir et à réprimer le génocide (art. 1); outre le génocide, l’incitation directe et publique à commettre le génocide sera punie (art. 3). Selon M. Stanton, les déclarations d’intentions agressives de l’Iran, ouvertes et directes envers un autre État souverain membre des Nations Unies, vont à l’encontre du paragraphe 2(4) de la Charte des Nations Unies.

M. Gordon a dit au Sous-comité :

Compte tenu de toutes les circonstances, les précédents créés par les poursuites contre les auteurs du génocide rwandais nous montrent que les exhortations du président Ahmadinejad à en finir avec Israël pourraient être interprétées comme une incitation directe et publique au génocide et aux crimes contre l'humanité[176].

Il a ajouté :

[…] pour déclarer coupable une personne accusée de crimes contre l'humanité, il faut prouver que les crimes se rattachaient à une attaque dirigée contre une population civile. Je crois que les éléments de preuve disponibles donnent à penser que l'incitation du président Ahmadinejad à « éliminer Israël » est liée aux attaques perpétrées contre les civils israéliens par le Hezbollah et le Jihad islamique[177].

En ce qui concerne les ambitions de l’Iran sur le plan nucléaire, il convient de signaler que l’Iran est partie au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968. Même les États qui ne possèdent pas d’armes nucléaires ont des obligations que prévoit ce traité et qui, aux dires de témoins, ne sont pas respectées par l’Iran. L’article 2 du Traité interdit à tout État non doté d’armes nucléaires de recevoir, de transférer, de contrôler, de fabriquer ou d’acquérir, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs.

Le Traité prévoit le droit inaliénable des États d’effectuer des recherches, de produire et d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pratiques. À cet effet, l’Agence internationale de l’énergie atomique est mandatée pour vérifier si les États, dotés ou non d’armes nucléaires, acquièrent des armes nucléaires ou utilisent l’énergie nucléaire à des fins autres que pacifiques.

M. Clawson a affirmé que l’Iran manquait aux obligations prévues dans le Traité :

Malheureusement, l'Iran collabore de moins en moins avec l'Agence internationale de l'énergie atomique. D'ailleurs, il est maintenant fort possible que le pays ne remplisse même pas les exigences minimales. Sachez qu'il existe un différend entre l'Iran et l'Agence internationale de l'énergie atomique sur la question de savoir si le pays répond ou non aux exigences minimales, et j'insiste sur le mot « minimales », dans le cadre de ces inspections. Auparavant, l'Iran saisissait mieux l'idée que l'ouverture permettait largement de dissiper les préoccupations et de nous inspirer une certaine confiance puisque nous avions l'impression de maîtriser la situation ou de comprendre en quoi consistait le programme iranien. Mais maintenant, on craint beaucoup que l'Iran puisse en fait essayer de mener certaines activités clandestines et de développer des capacités semblables à celles qu'il avait manigancées avant 2003, pendant 18 ans. Il est maintenant admis que des choses se faisaient en secret[178].

RECOMMANDATION 14

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, en tant que membre de l’Agence internationale de l’énergie atomique, profite de toutes les occasions possibles d’encourager l’Agence à poursuivre ses efforts pour inspecter les installations de production d’énergie nucléaire de l’Iran.

ii. Obligations de l’Iran autres que celles prévues dans des traités

Les obligations qu’impose à l’Iran le droit international ne se limitent pas à celles que prévoient les traités dont il est signataire.

Dans le domaine des droits de la personne ou du droit humanitaire, le droit international coutumier interdit certains actes aux autorités et aux citoyens. Les interdictions sont considérées comme liant tous les États, ce qui comprend l’interdiction de commettre divers actes qui constituent des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

Ensuite, il a été dit au Sous-comité qu’en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998, la Cour pénale internationale peut exercer sa compétence, dans certaines circonstances, à l’égard des personnes accusées des crimes les plus graves au sens du droit international (p. ex. crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide), et ce, même lorsqu’ils impliquent des ressortissants d’États non parties. Par conséquent, le Statut de Rome pourrait s’appliquer à certains dirigeants iraniens s’ils commettaient ces crimes, même si le pays ne l’a pas ratifié.

Troisièmement, il a été dit au Sous-comité que l’Iran est visé par des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies conformément à son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales[179]. Par application du droit international, si de telles sanctions imposées par voie de résolution en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies sont formulées en termes péremptoires, elles entraînent des obligations juridiques qui lient les États membres des Nations Unies. L’Iran, en tant qu’objet de telles sanctions, doit se soumettre à ces termes conformément au droit international.

Entre autres, des résolutions des Nations Unies demandent que l’Iran coopère avec l’Agence internationale de l’énergie atomique pour qu’elle puisse vérifier ce que l’Iran prétend être la nature pacifique de son programme nucléaire et que l’Iran suspende certaines activités sensibles de prolifération nucléaire. Elles exhortent aussi les autres États à « faire preuve de vigilance et de retenue » concernant l’entrée sur leur territoire de personnes désignées et la prévention de « la fourniture, la vente ou le transfert, directs ou indirects, à partir de leur territoire ou par leurs nationaux […] de tous articles, matières, équipements, biens et technologies », susceptibles de contribuer à des activités nucléaires ou à « la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires ». Enfin, elles demandent aux autres États « de faire preuve de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières sises sur leur territoire avec toutes les banques domiciliées en Iran […] afin d’éviter que ces activités concourent à des activités posant un risque de prolifération » et « de faire inspecter […] les chargements à destination et en provenance d’Iran »[180].

2. Les conséquences pour le Canada

i. La responsabilité de protéger et de prévenir

Des témoins ont expliqué au Sous-comité qu’il incombe au Canada, sur les plans juridique et moral, de prévenir les crimes contre l’humanité et les génocides. En tant que partie à la Convention sur le génocide et compte tenu de son rôle de chef de file dans l’adoption aux Nations Unies de la doctrine de la Responsabilité de protéger, le Canada peut saisir les organes compétents des Nations Unies afin qu’ils prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les mesures qu’ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide ou de l’un des autres actes énumérés à l’article 3 (article 8). Le Canada peut aussi soumettre les différends liés à l’application de la Convention sur le génocide à la Cour internationale de justice (article 9).

M. Stanton a dit au Sous-comité :

Un mot maintenant au sujet de la responsabilité de protéger. Le principe éthique qui doit guider l'action internationale visant à prévenir la menace génocidaire est que la vie humaine est le droit le plus fondamental, car sans elle, il n'y a aucun autre droit. Le Canada a été le chef de file le plus important dans l'élaboration d'une nouvelle norme de droit international. La Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États, parrainée par le gouvernement du Canada, a défini ce qu'on appelle maintenant « la responsabilité de protéger », qui a été affirmée dans le document de 2005 sur le Sommet du millénaire. Cette notion repose sur le principe voulant que l'obligation internationale de protéger la vie et le bien-être humains prime les revendications de souveraineté de tout gouvernement dont les actes traduisent une intention génocidaire.
[…]
Permettez-moi maintenant d'aborder un autre principe fondamental de la prévention du génocide, le principe de précaution […] Le principe est simple : en cas d'incertitude quant au risque que présente une situation qui peut avoir des effets catastrophiques sur la santé et la sécurité humaines, les risques de l'inaction sont bien plus lourds que ceux d'une action préventive […] La prévention, c'est évidemment l'imposition obligatoire de sanctions efficaces pour prévenir le développement d'armes nucléaires par l'Iran et des inspections immédiates et constantes, par l'AIEA, de toutes les installations nucléaires de l'Iran et la confiscation des technologies, matériels et substances nucléaires dont l'Iran pourrait se servir pour fabriquer des armes nucléaires[181].

ii. Le programme nucléaire de l’Iran

Le Canada a mis en œuvre les dispositions obligatoires des résolutions du Conseil de sécurité qui sont énumérées dans la section précédente. Selon M. Clawson, ces résolutions ont eu pour effet de freiner le programme nucléaire de l’Iran. Toutefois :

Les sanctions du Conseil de sécurité ont surtout porté sur le programme nucléaire et le programme de missiles. Le conseil n'a pas fait grand-chose à propos des sanctions politiques conçues pour exhorter le gouvernement iranien à revenir à la table de négociation[182].

Des témoins ont recommandé l’application de sanctions économiques, mais l’efficacité de telles sanctions demeure discutable. De l’avis de Victor Comras, avocat :

Il faut se rendre à l'évidence, les sanctions sans grand effet proposées actuellement ne fonctionneront tout simplement pas. Les sanctions adoptées jusqu'ici par le Conseil de sécurité sont nettement insuffisantes pour inciter l'Iran à modifier sa conduite. Selon moi, elles traduisent plutôt le manque de volonté politique des pays clés, une volonté nécessaire pour faire face au non-respect de l'Iran des normes de non-prolifération. Le message a été clairement reçu par le régime iranien […][183].

De façon plus générale, plusieurs témoins ont dit au Sous-comité que les États occidentaux ne devraient pas dépenser leur l’énergie à envisager l’application de sanctions économiques globales contre l’Iran, car ces sanctions soulèvent des questions complexes et, si elles sont mal appliquées, peuvent faire plus de tort que de bien. La plupart des témoins entendus en octobre 2009 ont manifesté des réserves, signalant en particulier les effets négatifs que peuvent entraîner des sanctions applicables à l’ensemble d’un pays. M. Mahdavi a affirmé que les décideurs du Canada et des États aux vues semblables devraient « dire non aux sanctions économiques contre l’Iran, parce qu’elles ne constitueraient qu’une punition collective[184] ». Dans le même ordre d’idées, M. Akhavan a indiqué : « Il faut réfléchir soigneusement à l’incidence qu’auraient des sanctions sur ceux à qui nous voulons faire payer le prix des violations[185]. » M. Mahdavi a aussi fait observer que des sanctions inefficaces auraient pour effet de renforcer la position de l’élite dirigeante, qui contrôle les principaux secteurs de l’économie et a accès à des biens licites et illicites. Il a fait valoir que « peu importe leur nature, les sanctions économiques serviront toujours les Gardiens de la Révolution, parce que ces derniers ont déjà créé une sorte d’économie interlope parallèle ». À son avis, les gardiens parviendraient à « exploiter les ressources économiques de leur pays et à contourner ces pseudo-sanctions[186] ».

Les témoins ont également indiqué qu’il faut considérer avec réalisme l’efficacité des sanctions économiques que des États comme le Canada pourraient imposer à titre individuel en réaction aux violations des droits de la personne, étant donné que les principaux partenaires commerciaux de l’Iran sont la Chine et les États voisins de la région du Golfe. M. Milani a parlé avec franchise de ces réalités géopolitiques :

Lorsque le régime dispose de 80 à 100 milliards de dollars provenant du pétrole, lorsqu'il peut compter sur l'aide de la Chine, de la Russie, de l'Inde, des Émirats arabes unis et même de quelques entreprises européennes, et lorsque le régime peut compter sur environ 40 000 entreprises basées aux Émirats arabes unis, des entreprises qui ne visent qu'à acheter des biens sous embargo, les faire livrer aux Émirats arabes unis et leur faire traverser le détroit jusqu'en Iran, on a l'impression que finalement, les embargos jouent en faveur du régime parce qu'ils constituent de bonnes excuses pour son incompétence et sa corruption embarrassantes[187].

D’autres témoins ont signalé qu’en dehors des Émirats arabes unis et de la Chine, avec qui l’Iran entretient des relations économiques cruciales et grandissantes, les échanges les plus importants sur le plan statistique se font avec les pays européens. Compte tenu de cette réalité, M. Milani a dit dans son témoignage que, pour être efficace, un régime de sanctions devrait avoir une envergure internationale et un caractère universel, et faire intervenir les principaux acteurs économiques régionaux et internationaux. À l’image du régime imposé contre l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid, il devrait aussi cibler expressément les ventes iraniennes de pétrole et de gaz, qui représentent 70 à 80 p. 100 des recettes de l’État. Il a été clair : « Si la planète cessait d’acheter du pétrole et du gaz naturel iraniens, le gouvernement tendrait l’oreille[188]. » Cependant, M. Milani est pessimiste quant à la probabilité de faire accepter et appliquer ce type de sanction par les États clés. L’application de sanctions économiques internationales rigoureuses par l’intermédiaire du Conseil de sécurité des Nations Unies est compliquée, elle aussi, en raison des rôles de la Russie et de la Chine, qui font partie des membres permanents du Conseil dotés d’un pouvoir de veto. Ces deux États se sont montrés plutôt circonspects devant la possibilité d’adopter des résolutions visant à appliquer des sanctions économiques internationales sévères contre l’Iran. M. Mahdavi a soutenu que des sanctions sans la coopération de la Russie et de la Chine « ne donneront jamais rien[189] ».

Bien que le Canada n’entretienne pas de relations commerciales importantes avec l’Iran, M. Ottolenghi estime que le gouvernement du Canada devrait porter attention aux entreprises iraniennes établies au Canada qui pourraient masquer des activités d’achat illégales. Même s’il ne disposait pas d’éléments de preuve à l’appui d’activités du genre réalisées au Canada, il a fait mention d’une entreprise iranienne ayant des succursales en Europe (et une au Canada) que l’Union européenne comptait « désigner et […] sanctionner à cause de ses activités illégales ». Il a ajouté qu’on savait que l’Iran s’était doté d’une technologie qui, « visiblement, est destinée à des fins parfaitement légitimes ». Or, « des sources publiques montrent de façon concluante que la technologie a été détournée vers des entités qui sont désignées par le département américain du Trésor et sanctionnées par l'Union européenne ou l'ONU. La technologie finira par être utilisée à des fins non prévues au moment de la vente[190] ».

M. Akhavan était d’avis qu’il fallait boycotter certaines entreprises parce que leurs produits, vendus au gouvernement iranien, auraient été utilisés dans les cas de violation des droits de la personne. Il croit aussi qu’on pourrait « récompenser certaines compagnies […] qui se sont retirées de l'Iran à cause de leur opposition au climat qui y règne actuellement[191] ».

Selon des témoins, comme l’Union européenne est pour l’Iran un partenaire commercial plus important que le Canada ou les États-Unis, elle dispose de plus de leviers et d’outils pour appliquer efficacement les sanctions économiques contre l’Iran. Des témoins étaient donc d’avis que le gouvernement du Canada devrait s’unir à ses alliés européens pour favoriser l’application des sanctions.

À cet égard, M. Comras a proposé l’approche suivante pour le Canada et les États aux vues semblables :

L'Europe, le Japon et le Canada pourraient également imiter les États-Unis et bloquer l'accès de l'Iran aux produits de haute technologie, y compris au matériel à double usage potentiel, ainsi qu'à l'expertise. Ensemble, nous pourrions exercer de fortes pressions sur les Émirats arabes unis, Dubaï et la zone franche de Jebel Ali, qui sert de point de transbordement pour tant de produits qui ne sont pas censés être envoyés là-bas. L'Europe, le Canada et le Japon pourraient aussi envisager, comme nous, de restreindre l'accès des bateaux iraniens à leurs ports, de refuser d'assurer ou de réassurer les navires et les chargements iraniens ou d'augmenter les primes d'assurance pour les marchandises provenant d'Iran ou pour les navires qui les transportent. Nous pourrions commencer à imposer des restrictions de voyage. Nous pourrions cesser les échanges culturels, sportifs et scientifiques avec l'Iran. Ce sont des exemples de mesures que nous pourrions prendre ou menacer de prendre afin de convaincre l'Iran que nous sommes sérieux[192].

Dans ce contexte, des témoins ont mentionné à nouveau que la position du Canada et de la communauté internationale à l’égard du programme nucléaire de l’Iran ne pouvait être dissociée des grandes questions relatives aux droits internationaux de la personne. M. Clawson soutenait qu’en raison des limites susmentionnées, une « position politique unifiée » de la part du Canada et des États aux vues semblables serait plus efficace dans ce cas-ci et aurait sans doute une plus grande incidence sur les sanctions économiques imposées à l’Iran[193].

RECOMMANDATION 15

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de collaborer avec les Nations Unies et les membres de la communauté internationale pour ajouter des sanctions à celles déjà appliquées contre l’Iran. En particulier, le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, de concert avec ses partenaires internationaux, mette en œuvre les mesures réglementaires requises en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, ou des deux, pour :

  • frapper d’interdiction tous les biens exportés du Canada à l’Iran, sauf les biens humanitaires comme les aliments et les médicaments, ainsi que tous les biens importés de l’Iran au Canada;
  • frapper d’interdiction l’essence et les autres produits pétroliers raffinés exportés vers l’Iran par des sociétés et leurs filiales au Canada, ou les services permettant cette exportation (c’est-à-dire les services de transport ou d’assurance);
  • frapper d’interdiction tous les nouveaux investissements ou introduire des incitatifs pour empêcher de tels investissements en Iran, particulièrement s’ils visent l’infrastructure énergétique iranienne, de personnes ou de compagnies canadiennes (ainsi que de sociétés étrangères ou de leurs filiales au Canada), et incluant des industries connexes comme le transport, l’assurance et la construction;
  • frapper d’interdiction la prestation, par des sociétés ou leurs filiales au Canada, de services financiers vers l’Iran ou en provenance de l’Iran, particulièrement en rapport avec la Banque centrale d’Iran;
  • frapper d’interdiction l’exportation de technologies en Iran, particulièrement celles qui permettront la violation des droits de la personne du peuple iranien par le régime en place (notamment le matériel de surveillance);
  • frapper d’interdiction l’accostage en Iran de tout navire immatriculé au Canada, ainsi que l’accostage au Canada ou le passage dans les eaux canadiennes de tout navire immatriculé en Iran.

iii. Le lien entre le programme nucléaire de l’Iran et ses intentions génocidaires

Des témoins étaient d’avis que la préoccupation la plus pressante était le danger que représente l’Iran pour la communauté internationale à cause de l’incitation des dirigeants au génocide et du lien qu’on peut établir entre le programme nucléaire du pays et ses ambitions régionales. M. Cotler a soutenu que, pendant que la communauté internationale « se concentre sur le nucléaire, nous risquons de banaliser le contexte génocidaire dans lequel se déploie le programme nucléaire et qui rend l'armement nucléaire si menaçant[194] ».

Selon M. Dershowitz, la communauté internationale doit réagir contre ces propos parce que :

Quand Ahmadinejad incite au génocide, il le fait avec le plein pouvoir du gouvernement iranien derrière lui. Il n'y a pas de marché des idées, ou du moins pas officiellement, dans l'Iran d'Ahmadinejad. Ainsi, l'incitation au génocide d'Ahmadinejad n'est pas proposée comme une idée dont on peut débattre; c'est un ordre, une directive. C'est vraiment analogue aux incitations au génocide punies au Rwanda par les tribunaux internationaux[195].

 Il a ajouté :

[…] cette incitation au génocide, alliée à la création d'armes nucléaires, constitue un danger clair et constant de génocide dans les faits, pour le monde en général et pour Israël et le peuple juif en particulier.
[…]
Certains avancent que l'invitation d'Ahmadinejad à rayer Israël de la carte se veut une métaphore, a été mal traduite ou est simplement une déclaration politique. Là n'est pas la question. Ahmadinejad sait pertinemment que les gens seront nombreux à le comprendre comme un appel au génocide.
[…]
Point n'est besoin d'utiliser des lance-roquettes ou des bombardiers. Il suffit que des bombes sales soient introduites en contrebande dans un pays par des individus qui obéissent à ce qu'ils considèrent comme des ordres venus d'en haut ou des obligations religieuses[196].

M. Gordon a fait part de préoccupations semblables au Sous-comité :

C'est avec une certaine indignation que je témoigne ici aujourd'hui. Depuis quand est-il acceptable que le dirigeant d'un pays préconise la destruction d'un autre pays? Et, dans ce contexte, n'est-il pas problématique que ce dirigeant déshumanise le peuple de ce pays? Comment peut-on supporter que ce dirigeant réclame l'expulsion de tout un peuple de son propre pays? Mahmoud Ahmadinejad fait tout cela à l'État et au peuple d'Israël depuis 2005. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que je crois que des mesures doivent être prises[197].

iv. Les options bilatérales et multilatérales du Canada

Certains témoins ont suggéré que le Canada prenne des mesures contre des haut placés du gouvernement iranien, en particulier le président Ahmadinejad, au sein d’instances juridiques internationales pour le rôle qu’il aurait joué dans l’incitation au génocide contre Israël et les juifs et dans l’établissement d’un programme illicite d’armement nucléaire.

Pour ce qui est des mesures bilatérales, des témoins ont recommandé que le gouvernement du Canada porte plainte avec d’autres États contre le gouvernement iranien devant la Cour internationale de justice, en application de l’article 9 de la Convention sur le génocide. Selon M. Gordon, le « gouvernement australien a parlé sérieusement de le faire, mais il n'a toujours pas pris de mesure[198] ».

M. Matas, avocat juridique principal, B'nai Brith Canada, et d’autres témoins estiment que le Canada devrait interdire l’entrée au président Ahmadinejad et à d’autres représentants iraniens. Le Canada pourrait aussi emboîter le pas à d’autres États et contribuer à l’exécution des mandats d’arrêt internationaux émis contre divers représentants iraniens[199] .

Enfin, au niveau bilatéral, le Canada pourrait reconnaître qu’en soutenant des entités inscrites, dont le Hamas et le Hezbollah, l’Iran a joué un rôle dans la déstabilisation de la région. Il pourrait prendre des mesures légales et symboliques précises, par exemple inclure les Gardiens de la Révolution islamique iranienne parmi les entités inscrites en raison de leurs liens avec le terrorisme international, comme on l’explique dans la partie précédente du rapport.

Voici une autre option selon M. Genser :

Par contre, ce qui serait très difficile, et probablement impossible à faire, mais néanmoins justifié d'un point de vue moral, serait de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies, en vertu d'une résolution du chapitre VII, pour qu'il dénonce la situation en Iran et l'incitation au génocide de ce pays devant la Cour pénale internationale, afin que cette dernière lance une enquête et éventuellement des poursuites. Cela aurait pour effet d'engager la responsabilité criminelle des personnes impliquées dans les activités d'incitation au génocide. Je pense toutefois qu'il y a peu de chances que cela aboutisse étant donné les vétos au Conseil de sécurité et la complexité de la situation[200].

CIC a institué une action dans l’affaire du président soudanais Omar Al-Bashir en raison d’allégations liées au rôle qu’il aurait joué dans la violence et les mauvais traitements infligés dans la région du Darfour. Dans cette affaire, la mise en accusation d’un dirigeant d’État en fonction constitue un précédent, mais M. Gordon a expliqué que « des accusations d'incitation n'ont jamais été portées en l'absence d'atrocités de masse subséquentes, de sorte qu'il est peu probable que de telles accusations soient portées » dans le cas de l’Iran[201]. Il croit que l’une des leçons que la communauté internationale devrait tirer des génocides passés est que « le droit régissant l'incitation devrait cesser de s'attacher aux poursuites et aux sanctions après l'atrocité pour se tourner plutôt vers la dissuasion avant l'atrocité. On toucherait ici à l'essence même du crime d'incitation. Il ne suffit pas de condamner l'acte une fois les fosses communes remplies »[202].

Sur le plan multilatéral, des témoins ont fortement recommandé au Canada de recourir encore au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour faire savoir aux dirigeants iraniens que l’incitation au génocide et leurs gestes violents ne sont pas acceptables.

RECOMMANDATION 16

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada exhorte le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, à soumettre la question de l’incitation au génocide par le régime iranien au Conseil de sécurité en vertu de l’article 99 de la Charte des Nations Unies, au motif que l’Iran menace la paix et la sécurité internationales.

RECOMMANDATION 17

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada inclue les Gardiens de la Révolution au nombre des entités inscrites étant donné qu'ils soutiennent des organisations terroristes internationales, conformément au droit canadien.

RECOMMANDATION 18

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada appuie à l’exécution des mandats d’arrêt internationaux lancés contre divers représentants iraniens.

RECOMMANDATION 19

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada porte plainte avec d’autres États contre le gouvernement iranien devant la Cour internationale de justice, en application de l’article 9 de la Convention sur le génocide, et exige du régime iranien qu’il rende compte de sa violation de la Convention, notamment son refus de punir l’incitation au génocide commise par ses représentants.

RECOMMANDATION 20

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, en conformité avec ses responsabilités découlant de l’article 1 de la Convention sur le génocide et de l’interdiction au génocide prévue à l’article 3 de la Convention, invite le Conseil de sécurité des Nations Unies à envisager de déférer au procureur de la Cour pénale internationale le cas du président Mahmoud Ahmadinejad et des dirigeants iraniens qui se sont joints à lui dans l’incitation directe et publique au génocide, pour enquête et poursuite future.

RECOMMANDATION 21

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, en conformité avec ses responsabilités découlant de l’article 1 de la Convention sur le génocide et l’interdiction d’inciter au génocide prévue à l’article 3 de la Convention, demande au Conseil de sécurité des Nations Unies de prendre les mesures voulues et oblige l’Iran à rendre des comptes.

V. LA SITUATION DES DROITS DE LA PERSONNE EN IRAN APRÈS LES ÉLECTIONS : RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

Les événements qui suivirent l’annonce des résultats de l’élection présidentielle de juin 2009 en Iran ont profondément touché le peuple iranien et, par ricochet, le régime au pouvoir. Selon M. McLaren (MAECI), les Iraniens ont l’impression qu’on leur a volé leur élection[203]. Les perceptions de fraude électorale dans le pays et l’impression générale dans certains segments de la population iranienne que la victoire électorale annoncée du président sortant Ahmadinejad ne reflétait pas un processus qui avait été entièrement libre ou équitable, ont entraîné des manifestations et des protestations publiques de masse, comme on n’en avait plus vu en Iran depuis la révolution de 1979. La protestation publique se heurta à une intervention rapide du gouvernement et des agents affiliés au gouvernement contre les manifestants et ceux qui s’opposaient ouvertement au régime au pouvoir. De nombreux observateurs en Iran et commentateurs à travers le monde ont fait remarquer que les mesures prises pour démanteler les manifestations de rue et pour réprimer la dissidence constituent de graves atteintes aux droits de la personne.

Selon M. McLaren, depuis l’élection de juin 2009, « l’illusion de démocratie en Iran » due au fait « qu’on disait aux gens que la république islamique était assujettie à un système démocratique » a été anéantie[204]. Reste à voir quelle incidence ces événements auront sur les plans politique, spirituel et social en Iran. Les observateurs craignent toutefois que l’avenir nous réserve d’autres conflits violents. Les observateurs attendent également que le Canada et la communauté internationale formulent leurs politiques en réaction à ces violations des droits de la personne en Iran, dans l’espoir que les mesures et les décisions prises par ces acteurs du « statu quo » en Iran n’entravent pas le mouvement démocratique qui gagne en popularité.

1. La situation actuelle en Iran sur le plan politique et au chapitre des droits de la personne

La majorité de la population iranienne est jeune, de plus en plus instruite et technologiquement avisée, en particulier dans les zones urbaines. Cependant, les opportunités qui s’offrent à la jeunesse iranienne sont étouffées par des taux de chômage extrêmement élevés. Le professeur Akhavan a bien cerné la situation en faisant le commentaire suivant : « Si des millions de gens descendent dans la rue en Iran, c’est parce que la population de ce pays est désespérée[205] ». Il a souligné que, dans un pays où environ 70 % de la population est âgée de moins de 30 ans, selon des chiffres estimatifs de 25 à 40 % des jeunes sont sous-employés ou chômeurs. Les réalités concrètes auxquelles est confrontée cette population jeune avec son désir de changement ont été exprimées par M. Akhavan qui a signalé que « quand des jeunes sont prêts à risquer de se faire assassiner dans les rues, ce n’est pas parce qu’ils sont fanatiques; c’est parce qu’ils n’ont plus d’espoir. Ils sont désespérés. Ils préfèrent se faire tuer que de garder le silence[206] ».

L’élément de l’élection présidentielle qui a peut-être contribué à mettre en évidence la nature extrêmement sévère de la réaction du gouvernement en place aux démonstrations de rue, c’est le fait que ces citoyens iraniens ordinaires ne tentaient pas de renverser le régime politique par le biais d’une nouvelle révolution. Les manifestants exprimaient tout bonnement le désir de s’assurer que le régime politique en place en Iran soit respecté. M. Akhavan l’a signalé clairement : « il ne s’agissait pas d’une élection, mais bien d’une sélection […] La structure est telle que le guide suprême décide qui peut se présenter aux élections à la présidence ou au Parlement; telle est la façade démocratique que le régime a créée pour se donner une légitimité sans avoir aucune démocratie réelle[207] ». Les candidats à la présidence avaient déjà été approuvés par le guide suprême et par le conseil de tutelle avant la tenue des élections pour s’assurer que tous les candidats autorisés à participer à la course électorale appuyaient dans une certaine mesure les institutions en place du pays, mais présentaient des différences dans les secteurs des politiques, dans le contexte de cette structure globale. Mme Redman a signalé au Sous-comité que « les gens qui veulent du changement ne veulent pas nécessairement renverser le gouvernement pour autant; ils voudraient que le changement vienne de l’intérieur de la structure gouvernementale actuelle[208] ». Dans le même ordre d’idée, M. Mahdavi a expliqué au Sous-comité que la nouvelle génération de jeunes en Iran est composée de « réalistes » qui sont « prêts à travailler à l’intérieur du système[209] » :

C’est pour cette raison qu’ils ont voté deux fois pour Mohammad Khatami en 1997. Nous savons que les réformistes n’ont pas tenu leur promesse, en raison de la structure de la République islamique d’Iran.
En 2009, ils étaient prêts à jouer dans les limites serrées du système. Ils ont voté pour un des candidats de l’établissement. Aucun des quatre candidats n’était révolutionnaire ou radical. Toutefois, ils ont compris que le régime ne tolérerait pas même M. Mousavi ou M. Karoubi[210].

Ironiquement, la réaction violente du régime aux manifestations postélectorales pacifiques était en fait une mesure de répression contre des personnes qui appuyaient en grande partie le statu quo mais qui voulaient s’assurer que le petit espace démocratique existant dans ce régime du statu quo était respecté. Mme Redman a illustré l’étendue de la paranoïa du régime envers toute expression sociale favorable aux valeurs démocratiques. Elle a expliqué que le régime contraint des citoyens à passer aux aveux, signe du peu d’emprise qu’il a. Elle a dit au Sous-comité qu’au cours d’un simulacre de procès, on avait « lu un document appelé acte d'accusation. Il ne s'agissait pas d'un acte d'accusation légal que notre système de justice ou le système de justice iranien reconnaîtrait, mais plutôt d'une déclaration politique où on les accusait d'avoir planifié des révolutions de velours, d'avoir correspondu avec des organismes étrangers de défense des droits de la personne et avec des gouvernements étrangers[211]. »

Des allégations de fraude électorale, venant non seulement de la population iranienne, mais aussi de certains membres de l’élite politique et religieuse de l’Iran, ont eu pour effet de délégitimer l’autorité de tout le régime, et ont entraîné une perte de confiance dans le guide suprême qui appuyait vigoureusement les résultats électoraux et réclamait que l’on mette fin aux manifestations contestant ces résultats. Comme l’a souligné M. Akhavan :

[…] le guide suprême qui, depuis de nombreuses années, était au-dessus de la mêlée et des divisions politiques, est maintenant considéré comme le représentant d’une faction politique parmi d’autres. Le bureau du guide suprême a perdu sa légitimité de manière irréparable. Il est impossible pour cette institution de recouvrer jamais le pouvoir qu’elle a déjà détenu[212].

Aux dires d’un certain nombre de témoins, la réaction du gouvernement iranien aux manifestations et aux protestations peut être décrite comme une « répression brutale ». Par ailleurs, selon Mme Redman, il y a des raisons de croire que la situation « s’est aggravée depuis juin et juillet[213] ». Comme l’a expliqué M. Milani :

Malheureusement, depuis les élections du 12 juin, les droits des Iraniens sont de plus en plus bafoués. Le régime se sent isolé et affaibli, et son côté brutal prend le dessus — c’est toujours ainsi que les choses se passent quand un tel régime se met à avoir peur[214].

Plusieurs témoins ont fait remarquer aux membres du Sous-comité que ces violations des droits de la personne incluent des arrestations massives, des emprisonnements et des exécutions. Des reportages signalant que des prisonniers étaient torturés et forcés de faire des aveux dans le cadre de simulacres de procès collectifs montrés à la télévision iranienne, des procès qui ne sont même pas conformes à la loi iranienne, sont également une cause de préoccupation[215]. D’autres incidents troublants ont été documentés, car des manifestants et des membres de l’opposition ont profité d’Internet et des nouveaux médias pour diffuser des images et des reportages concernant des civils impudemment abattus, poignardés et harcelés, dont la plupart se contentaient de manifester dans les rues ou étaient de simples spectateurs, par un membre de la milice basij, un groupe de terroristes en civil, sous les auspices des Gardiens de la Révolution islamique iranienne qui suivent les ordres du guide suprême[216].

Malheureusement, en raison de la répression, il est toutefois difficile d’évaluer toute l’ampleur et la gravité de ces violations des droits de la personne en raison d’un accès à l’information insuffisant et d’une absence générale de transparence dans le pays. Les menaces portées contre des journalistes iraniens ont forcé certains d’entre eux à quitter le pays dont l’entrée a été interdite aux journalistes étrangers. En outre, des organismes de défense des droits de la personne établis en Iran ont été fermés[217]. Par conséquent, il est difficile d’obtenir une information complète et vérifiable pour rassembler avec exactitude les événements qui s’étaient déroulés[218]. Le Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran fait actuellement une enquête sur les violations des droits de la personne qui ont suivi l’élection du 12 juin 2009. Des témoins ont fait l’éloge du gouvernement du Canada qui a fourni 60 000 $ dans le cadre du programme Glyn Berry du MAECI pour aider le Centre à faire son enquête[219].

Certaines personnes qui ont témoigné devant le Sous-comité s’accordent à dire que cette répression sanctionnée par le gouvernement iranien contre les groupes de l’opposition, les journalistes, les détracteurs du gouvernement, les manifestants et d’autres personnes n’a pas permis d’atteindre l’objectif de la lutte de la population iranienne pour la démocratie. En fait, aux dires de M. Mahdavi, ce dont le monde est actuellement témoin en Iran, c’est d’un « mouvement social et politique authentique de la base, du bas vers le haut, en faveur de la démocratie et des droits de la personne », et pas d’un soulèvement ou d’une révolution inspirés de l’étranger, mais d’un mouvement civil — un « mouvement vert, unique et sans précédent[220] ».

En ce qui concerne le régime comme tel, des témoins ont décrit sa situation en parlant de crise sans précédent, « parce qu’il ne doit pas seulement composer avec la colère du peuple iranien, mais qu’il est également confronté pour la première fois de son histoire à des déchirures dans ses propres rangs[221] ». Selon M. Milani, non seulement les deux principaux architectes survivants de la révolution initiale de 1979, l’Ayatollah Khamenei et l’Ayatollah Hashemi Rafsanjani, luttent l’un contre l’autre mais certains signes indiquent également que certains des commandants des Gardiens de la Révolution islamique iranienne s’opposent à l’appel des dirigeants en faveur de la suppression totale du mouvement d’opposition[222]. Cette déchirure dans le régime a apparemment touché la bureaucratie. Par exemple, de nombreux employés du ministère du Renseignement, qui ne croient pas à la théorie selon laquelle ce mouvement démocratique est un complot provenant de l’Occident, sont forcés de se retirer[223].

Quoique plusieurs membres, dans les rangs supérieurs du régime iranien, n’approuvent pas nécessairement une répression plus poussée, certaines personnes qui ont témoigné devant le Sous-comité craignent que ces tensions n’entraînent une militarisation accrue de l’Iran, du fait que certains éléments à l’intérieur du régime tentent de s’accrocher à leur pouvoir. M. Akhavan a expliqué que le régime iranien est maintenant un régime militaire, car « les membres clés du cabinet sont maintenant membres de Sepah‑e, c’est-à-dire les Gardiens de la Révolution[224] ». M. Milani a abondé dans le même sens en déclarant ceci :

Pour être honnête, ce que je crains le plus… c’est que les Gardiens de la révolution prennent le pouvoir d’une manière semblable à ce qui s’est produit au Myanmar ou au Pakistan, où les militaires ont fait main basse sur le pouvoir. Ce pouvoir est, selon moi, tellement important pour les Gardiens de la révolution que s’ils croient perdre le contrôle, ils risquent de faire comme Musharraf au Pakistan ou la junte militaire au Myanmar. Ils vont prendre le pouvoir et suspendre la constitution ainsi que les droits de la personne[225].

Néanmoins, l’évaluation d’une majorité écrasante des personnes qui ont témoigné devant le Sous-comité reste qu’un changement politique et social majeur s’est produit. Selon M. Mahdavi, en 1997, lorsque les réformistes sont arrivés au pouvoir en Iran, ils se sont vite rendu compte du peu de pouvoir qu’ils avaient en fait sous le régime politique existant pour tenir leurs promesses[226]. Les élections de juin ont en outre démontré aux réformistes qu’étant donné les structures de pouvoir actuelles, c’est tout un défi pour que le changement en Iran vienne de l’intérieur des rangs des dirigeants[227]. Certains témoins espèrent toutefois que le changement en Iran puisse venir et vienne du peuple iranien. Comme l’ont signalé plusieurs témoins, la nouvelle génération en Iran, « les enfants de la révolution », n’aiment « pas les mesures sociales, économiques et politiques de la République islamique d’Iran[228] ». Cette nouvelle génération a une bonne instruction, elle sait ce qui se passe dans le monde et est réaliste. Aux dires de M. Akhavan :

L’un des slogans que l’on entend ces jours-ci dans la rue est : « Ni Gaza ni le Liban; je vais sacrifier ma vie seulement pour l’Iran ». Que disent-ils? Ils disent qu’ils sont écœurés de la propagande haineuse et du recours à des ennemis extérieurs imaginaires comme méthode pour écraser la division interne, et ils disent qu’ils veulent vivre en paix avec leurs voisins[229].

Ce qui préoccupe toutefois une forte proportion des témoins, c’est la façon dont ce changement surviendra car on se demande si l’on assistera à une recrudescence de la violence en Iran au cours de ce processus. La violence a déjà émergé dans certaines régions de l’Iran au cours des derniers mois, en particulier dans les régions peuplées par des minorités ethniques et religieuses, comme celle du Balouchistan[230]. Ces régions ont été négligées par le régime et sont souvent les plus pauvres du pays. Comme il est mentionné précédemment, des discussions récentes entre les commandants des Gardiens de la Révolution islamique iranienne et des aînés baloutches ayant pour objet de dissiper certaines des tensions, ont été la cible d’un attentat terroriste à la bombe. Les Baloutches, qui sont des musulmans sunnites, forment à la fois une minorité ethnique et une minorité religieuse. Selon M. Milani, « il ne déplairait pas à certains des éléments parmi les plus radicaux du chiisme de provoquer des tensions entre chiites et sunnites[231] ». Aux dires du même témoin, une solution pacifique au problème des Baloutches est importante car, en cas d’escalade, une résurgence de la violence sectaire entre les sunnites et les chiites serait possible[232].

M. Akhavan a déclaré ceci :

On craint vivement, au sein du mouvement démocratique non violent, que les membres de certaines minorités deviennent de plus en plus désespérés et recourent à la violence… Personnellement, j’espère sincèrement que ce mouvement démocratique va demeurer discipliné et réussir par la non-violence, mais il faut aussi envisager la possibilité que plus longtemps cette situation va perdurer, plus la communauté internationale va aider à maintenir ce régime en place, plus grande est la probabilité que certains, découragés par la non-violence, vont commencer à se tourner vers des méthodes violentes. Je crois que ce serait tout à fait regrettable pour l’avenir de l’Iran, compte tenu du régime face auquel nous nous retrouverions[233].

2. La réaction de la communauté internationale et du Canada

Les personnes qui ont témoigné devant le Sous-comité ont exprimé à maintes reprises leur frustration au sujet du fait que, dans la communauté internationale, et surtout de la part des États-Unis, on observe une fixation sur la question nucléaire, au détriment de graves atteintes aux droits de la personne qui ont suivi l’élection du 12 juin en Iran. Il semblerait surtout que, depuis que l’Iran a récemment révélé qu’il avait construit une autre usine d’enrichissement clandestine et qu’il a signalé ça et là qu’il était disposé à participer aux discussions du P5‑plus un[234], la question des droits de la personne en Iran a été mise à l’écart au profit des discussions nucléaires.

M. Akhavan estime que ce n’est pas une coïncidence que, peu après que le gouvernement des États-Unis ait annoncé qu’il couperait les fonds au Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran et à plusieurs autres programmes axés sur les droits de la personne et la démocratie, ayant pour objet de faire l’éducation des Iraniens sur ces questions, le président Ahmadinejad ait subitement déclaré, au cours des discussions du P5 plus un, qu’il était disposé à envisager la coopération en ce qui concerne la proposition d’expédier l’uranium iranien vers des pays tiers sûrs pour son enrichissement[235]. Des témoins ont signalé aux membres du Sous-comité que les dirigeants iraniens avaient déjà manipulé ces enjeux à leur avantage dans le passé. À leur sens, il est peu vraisemblable que l’Iran tienne ses promesses à l’avenir. Dans l’intervalle, le mouvement démocratique en Iran en souffrira vu le manque d’attention portée par la communauté internationale à la situation des droits de la personne en Iran. M. Akhavan a donné l’explication suivante :

Le gouvernement iranien observe la situation et calcule jusqu’où il peut aller impunément. Si le message de la communauté internationale est que cette coopération dans le dossier nucléaire entraîne comme corollaire que l’on va fermer les yeux sur toutes sortes d’atrocités, alors les partisans de la ligne dure, qui s’efforcent de consolider leur pouvoir, vont exécuter et torturer autant de gens que possible, dans la mesure où ils peuvent s’en tirer. Nous ne devons nous faire aucune illusion quant à leur capacité de le faire[236].

M. Milani a exprimé des préoccupations semblables :

Tant que les droits de la personne et les droits démocratiques ne feront pas partie des négociations, les démocrates et les citoyens iraniens croiront que l’Occident les a vendus en échange d’une promesse à l’égard du nucléaire ou du pétrole. Ce type de discussions mettrait en péril l’avenir du mouvement démocratique en Iran. Je crois que ce mouvement a besoin de savoir que l’Occident est conscient de son existence et de sa légitimité[237]

 En fait, toutes les personnes qui ont témoigné devant le Sous-comité ont souligné que les droits de la personne devaient faire partie de tout dialogue avec l’Iran, sinon constituer la toute première priorité. Malgré le fait que l’Iran clame son droit souverain de développer une capacité énergétique nucléaire, M. Mahdavi estime qu’il a également une obligation légitime « d’enrichir ses valeurs et ses institutions démocratiques[238] ». Les deux dossiers ne peuvent pas être séparés, avec une solution négociée de la question nucléaire qui ferait abstraction des préoccupations concernant les droits de la personne. Un des dossiers ne doit pas être sacrifié pour pouvoir faire avancer l’autre, comme on l’a fait en Libye. Selon M. Milani, les Iraniens sont très conscients du « syndrome libyen » : lorsque la Libye a abandonné son programme nucléaire, on a fermé les yeux sur « les erreurs inacceptables et les violations des droits de la personne » et son dirigeant a été invité dans les capitales occidentales plutôt que d’être traité comme le « criminel » qu’il était[239].

En ce qui concerne la politique canadienne à la suite de l’élection présidentielle du 12 juin 2009 en Iran, des représentants du MAECI ont déclaré ceci :

La situation postélectorale est extrêmement inquiétante pour le Canada. Notre pays maintient que les allégations concernant les irrégularités des élections présidentielles du 12 juin sont graves et doivent être réglées. Le premier ministre Harper a également effectué deux déclarations condamnant le recours à la violence et à la répression dont les forces de sécurité iraniennes ont fait preuve à l'endroit des protestataires. Le ministre des Affaires étrangères a fait des déclarations de son côté déplorant l'usage de la violence par les forces de sécurité iraniennes et il a lancé un appel à l'Iran lui demandant de respecter à part entière toutes ses obligations à l'égard des droits de la personne, en vertu du droit et en pratique. Il a également demandé avec empressement à l'Iran de mener une enquête rigoureuse et transparente sur les allégations relatives aux élections. Le Canada s'est également joint au G8, le 8 juillet, pour exprimer ses inquiétudes à l'égard des élections[240].

Des témoins ont vigoureusement appuyé le rôle que le Canada a joué jusqu’à présent. Tel que mentionné plus haut, ils se réjouissent de l’octroi de fonds canadiens pour l’enquête actuelle du Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran sur les abus des droits de la personne à la suite de l’élection présidentielle. Les témoins ont également encouragé le gouvernement du Canada à maintenir son rôle de chef de file en ce qui concerne les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies qui exigent que « le gouvernement iranien réponde de ses violations systémiques et persistantes des droits de la personne » et « décrivent les mesures concrètes que l’Iran doit prendre pour redresser la situation des droits de la personne[241] ».

VI. LA SITUATION DES DROITS DE LA PERSONNE EN IRAN APRÈS LES ÉLECTIONS : OBSERVATIONS DU SOUS-COMITÉ

Le Sous-comité souligne que les témoins qui ont comparu après l’élection du 12 juin 2009 avaient fait sensiblement les mêmes recommandations au gouvernement du Canada au sujet de la façon dont il devrait s’engager auprès du gouvernement de l’Iran. Ils sont tous d’avis qu’une action militaire de la communauté internationale contre l’Iran n’est pas une option. Ils ont également convenu que des sanctions économiques générales auraient pour seul effet d’aider le régime. Certains témoins sont en faveur de sanctions ciblées, quoiqu’un grand nombre d’entre eux sont sceptiques quant à ce que cela donnerait dans la pratique. Tous les témoins étaient d’avis que les droits de la personne et la démocratie doivent demeurer à l’avant-plan de toute tentative de dialogue faite par le Canada auprès du gouvernement iranien. Le Sous-comité en reconnaît la nécessité.

M. Milani a fait l’observation suivante :

Je voudrais signaler une fois de plus que j’ai toujours été en faveur de négociations avec le régime iranien. Je n’ai jamais cru que le fait de ne pas discuter avec le régime constituait une politique. Ne pas discuter, ce n’est pas une politique, c’est la preuve de l’absence d’une politique. J’ai toujours suggéré, et je suggère encore, que l’Occident discute avec le régime, mais il doit surtout aborder, d’une manière claire et ferme, les questions liées aux droits de la personne et aux droits démocratiques du peuple iranien[242].

Le Sous-comité a questionné les témoins sur le type d’impact que, de façon réaliste, le Canada pourrait avoir sur la situation politique et des droits de la personne en Iran. Comme l’a fait remarquer M. Mahdavi, le Canada et l’Iran n’entretiennent pas de bonnes relations[243]. M. Akhavan a fait le commentaire suivant :

[…] Le Canada est extrêmement important pour la communauté iranienne, autant les démocrates et les défenseurs des droits de la personne qui ont fait du Canada leur pays d’adoption et qui sont membres de notre nation et fiers de l’être que les élites du régime qui envoient leurs enfants à l’école chez nous, qui ont fait d’importants investissements ici et qui font également des démarches auprès des membres de la Chambre des communes pour faire valoir leurs propres intérêts d’affaires et autres[244].

M. Mahdavi, et tous les autres témoins, ont souligné qu’il était important de donner un appui moral et spirituel à l’opposition démocratique en Iran[245]. M. Akhavan suggère qu’outre le fait d’appuyer le Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran dans son enquête, l’ouverture d’un bureau au Canada enverrait un message symbolique clair[246].

Le Sous-comité souligne que, sur le plan multilatéral, bien que le gouvernement du Canada respecte ses obligations internationales dans le contexte des résolutions 1737, 1747 et 1803 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui imposent des sanctions à certains individus et un embargo sur des armes ou produits rattachés au programme nucléaire iranien, aucune résolution semblable n’existe pour les Iraniens et les entreprises qui sont complices des abus commis par le régime à l’égard de sa population en matière de droits de la personne.

M. Mahdavi a souligné que le Canada devrait faire tout son possible pour exhorter d’autres gouvernements et les États-Unis qui entretiennent actuellement des dialogues avec l’Iran sur la question nucléaire, à soutenir le mouvement démocratique en Iran et à continuer de considérer la question des droits de la personne et de la démocratie comme une priorité[247]. En fait, un régime démocratique en Iran réglerait non seulement la question des droits de la personne, mais aussi la question nucléaire. À ce propos, M. Milani a fait le commentaire suivant :

J’espère que la communauté internationale qui a très hâte — et ça se comprend — de régler la question des armes nucléaires avec le régime, gardera à l’esprit l’enjeu des droits de la personne et du droit à la démocratie du peuple iranien. Je crois qu’il nous faudra accepter — et nous en prendrons conscience — que l’unique solution à la question nucléaire réside dans la démocratie; la démocratie doit être renforcée en Iran. En portant une attention plus grande aux violations des droits de la personne et en appuyant avec plus de vigueur les droits démocratiques du peuple iranien, nous contribuerions, je crois, à trouver une solution structurante et stratégique au problème persistant qu’est la question nucléaire[248].

En conclusion, le Sous-comité a été troublé par les témoignages faits après l’élection présidentielle de juin 2009 en Iran. Il est impossible de prédire l’avenir en Iran et de dire si d’autres manifestations auront lieu et si d’autres actes de violence seront commis. En outre, l’impact à long terme de la répression menée par le gouvernement contre le mouvement démocratique en Iran qui s’est manifesté après l’élection reste à voir.

Néanmoins, les personnes qui ont témoigné devant le Sous-comité ont continué d’exprimer leur optimisme et leur foi dans la résilience et la passion de la jeunesse iranienne, qui poursuit la lutte pour la démocratie en Iran. M. Hassan-Hari a fait valoir que même si les Iraniens vivent dans des conditions de répression, on peut également soutenir que la tendance à long terme est positive en Iran, et que le Canada et d’autres États devraient poursuivre les discussions avec lui[249].

De même, M. Akhavan estimait que malgré la violation répandue des droits de la personne en Iran, il y avait lieu d’espérer un avenir meilleur pour ce pays. Il a fait mention en particulier des jeunes iraniens et du mouvement populaire issu des récentes protestations postélectorales. Il a indiqué ce qui suit :

S'il y a promesse de jours meilleurs en Iran, c'est parce qu'il y a aujourd'hui un mouvement social de la base qui réclame la démocratie. Ce ne sont plus seulement des factions politiques. Les protestataires, les millions qui sont descendus dans la rue, ont peut-être utilisé les élections comme prétexte pour manifester dans les rues, mais ce sont des groupes de femmes, des défenseurs des droits de la personne, des dirigeants étudiants, des chômeurs, et tout simplement des grands-mères et des grands-pères et des enfants qui veulent la liberté. Ils veulent l'espoir[250].

RECOMMANDATION 22

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada encourage les gouvernements du P5 plus 1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie et Chine) à discuter des problèmes relatifs aux droits de la personne dans leurs négociations avec le gouvernement iranien au sujet de son programme nucléaire.

RECOMMANDATION 23

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de financer les travaux du Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran et l’invite à ouvrir un bureau au Canada.

RECOMMANDATION 24

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada s’assure que les subventions fédérales et autres mesures de soutien destinées aux établissements d’enseignement et à d’autres établissements leur soient versées uniquement à condition qu’ils n’acceptent pas d’argent de sources iraniennes.


[1]              Jeremy Kinsman, « Mulling the Mullahs: Prelude to the Next Iranian Revolution? », Options politiques, septembre 2009, p. 40.

[2]              Témoignages, réunion no 2, 24 février 2009, et procès-verbal, réunion no 11, 2 avril 2009.

[3]              Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[4]              Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[5]              Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[6]              Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[7]              Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[8]              Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[9]              Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[10]           Ibid.

[11]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[12]           Ibid.

[13]           Traduction non officielle de l’article 13 : Les zoroastriens, les juifs et les chrétiens iraniens sont reconnus comme des minorités religieuses qui, dans les limites de la loi, sont libres d’exécuter leurs cérémonies et rites religieux et d’agir conformément à leurs propres principes s’agissant de leurs affaires personnelles et de l’instruction religieuse. Voir http://www.iranonline.com/iran/iran-info/Government/constitution-1.html.

[14]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[15]           Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[16]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[17]           Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[18]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[19]           Ibid.

[20]           Ibid.

[21]           Ibid.

[22]           Ibid.

[23]           Ibid.

[24]           Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[25]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[26]           Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[27]           Ibid.

[28]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[29]           Témoignages, réunion no 12, 21 avril 2009.

[30]           Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[31]           Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[32]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[33]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

34           Constitution de la République islamique d’Iran, http://www.iranonline.com/iran/iran-info/government/ constitution.html.

[35]           Témoignages, réunion no 12, 21 avril 2009.

[36]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[38]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[39]           Ibid.

[40]           Ibid.

[41]           Ibid.

[43]           Témoignages, réunion no 12, 21 avril 2009.

[44]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[45]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[46]           Témoignages, réunion no 15, 30 avril 2009.

[47]           Ibid.

[48]           Témoignages, réunion no 24, 9 juin 2009.

[49]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[50]           Ibid.

[51]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[52]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[53]           Témoignages, réunion no 24, 9 juin 2009.

[54]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[55]           Ibid.

56           Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[57]           Témoignages, réunion no 2 (39-2), 6 mars 2008.

[58]           Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[59]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[60]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[61]           Témoignages, réunion no 2 (39-2), 6 mars 2008.

[62]           La question de l’homophobie en Iran, Abdorrahman Boroumand Foundation, 15 mai 2008.

[63]           Ibid.

[64]           Ibid.

[65]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[66]          Ibid.

[67] Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[68]           Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[69] Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[70]           Collection des traités des Nations Unies, Convention de New York relative aux droits des enfants, 20 novembre 1989, http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-11&chapter=4&lang=en#EndDec.

[71]           Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, « Quels sont les droits de l’homme? », http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-11&chapter=4&lang=en#EndDec.

[72]           Témoignages, réunion no 8, 24 mars 2009.

[73]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[75]           Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[76]           Ibid.

[77]           Economist Intelligence Unit, Country Profile 2008: Iran [traduction].

[79]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[80]           Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[81]           Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[82]           Ibid.

[83]           Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[84]           Ibid.

[85]           Ibid.

[86]           Témoignages, réunion no 24, 9 juin 2009.

[87]           Ibid.

[88]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[89]           Ibid.

[90]           Témoignages, réunion no 24, 9 juin 2009.

[91]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[92]           Témoignages, réunion no 24, 9 juin 2009.

[93]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[94]           Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[95]           Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[96]           Ibid.

[97]           Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[98]           Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[99]           Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[100]         Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[101]         Ibid.

[102]         Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[103]         Ibid.

[104]         Témoignages, réunion no 3, 26 février 2009.

[105]         Témoignages, réunion no 15, 30 avril 2009.

[106]         Ibid.

[107]         Ibid.

[108]         Ibid.

[109]         Cette convention se trouve à http://www2.ohchr.org/french/law/cat.htm.

[110]         Témoignages, réunion no 15, 30 avril 2009.

[111]         Ibid.

[112]         Ibid.

[113]         Ibid.

[114]         Ibid.

[115]         Ibid.

[116]         Ibid.

[117]         Ibid.

[118]         Ibid.

[119]         Le Sous-comité aimerait signaler qu’au début de novembre 2009, il a été rapporté dans les médias que des militaires israéliens avaient intercepté une importante cargaison d’armes. Dans un des rapports des médias, on indiquait ce qui suit : « Israël affirme que le navire de charge saisi par ses troupes au large de Chypre transportait 500 tonnes d’armes de fabrication iranienne pour les militants libanais du Hezbollah. Le navire avait à son bord des douzaines de conteneurs portant des inscriptions iraniennes. » [traduction] Selon l’information de presse, « l’Iran et le Hezbollah nient tous deux les affirmations d’Israël »; « Israël affirme qu’il n’y avait aucun nouveau type d’armes pour le Hezbollah parmi les armes confisquées – la plus importante saisie d’armes qu’elle ait jamais effectuée. Les armes auraient toutefois donné au Hezbollah une puissance de feu équivalant à un mois en temps de guerre. Parmi les armes qu’Israël dit avoir trouvé à bord du navire se trouvaient 9 000 obus de mortier, 3 000 missiles katyusha, 3 000 obus anti-char, 20 000 grenades et plus d’un demi-million de munitions pour armes légères. » [traduction] Consulter : The Associated Press, « Israël Shows Documents it Says Link Iran to Arms », The New York Times, 11 novembre 2009 (transmis à 14 h 33 HNE).

[120]         Selon Sécurité publique Canada, le Hamas est « une organisation terroriste sunnite radicale […]. Il utilise des moyens politiques et violents pour atteindre son objectif, soit la création d'un État palestinien islamique en Israël. » Le Hezbollah est « une organisation terroriste islamiste radicale […]. Ses objectifs […] incluent l'éradication de toute influence occidentale au Liban et au Moyen-Orient, ainsi que l'annihilation de l'État hébreu et la libération de Jérusalem et de tous les territoires palestiniens qui, selon lui, sont placés sous le joug de l'occupation israélienne ». Les deux organisations sont considérées par le Canada comme associées au terrorisme, http://www.securitepublique.gc.ca/prg/ns/le/cle-fra.aspx.

[121]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[122]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

[123]         Ibid.

[124]         Ibid.

[125]         Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[126]         Témoignages, réunion no 10, 31 mars 2009.

[127]         Ibid.

[128]         Ibid.

129         Consulter : http://www.icj-cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&k=66&case=70&code=nus&p3=5& PHPSESSID=5a41b319ba8b08ad0da599144e69c2dd&lang=fr&PHPSESSID=5a41b319ba8b08ad0da599144e69c2dd.

[130]         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[131]         Jeffrey E. Grell, Rico in a Nutshell, http://www.ricoact.com/ricoact/nutshell.asp.

[132]         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[133]         Les sept autres représentants iraniens visés par des mandats d’arrêt sont les anciens ministres Alí Fallahijan et Alí Akbar Veleyati, les anciens commandants Mohsen Rezai et Ahmad Vahidi, l’ancien chef de la sécurité pour le Hezbollah Imad Fayez Mughniyah (assassiné, dit-on, en 2008), l’ancien attaché culturel Mohsen Rabbani et le troisième secrétaire Reza Ashgari, qui étaient en poste à l’ambassade de l’Iran à Buenos Aires à l’époque du drame.

[134]         Golnaz Esfandiari, Iran: Argentinian Warrants Urge Rafsanjani's, Ex-Officials' Arrests, Radio Free Europe/Radio Liberty, http://www.rferl.org/content/article/1072648.html.

[135]         Iran Human Rights Documentation Centre, No Safe Haven: Iran’s Global Assassination Campaign, mai 2008, p. 11.

[136]         Golnaz Esfandiari, Iran: Argentinian Warrants Urge Rafsanjani's, Ex-Officials' Arrests, Radio Free Europe/Radio Liberty, http://www.rferl.org/content/article/1072648.html.

[137]         Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009. Pour plus de renseignements sur l’incitation au génocide, voir aussi la pétition Le danger d’un Iran qui encourage le génocide, viole les droits et passe au nucléaire : L’appel au devoir de prévenir, présentée au Sous-comité en juin 2009. On peut en consulter une version révisée, approuvée par 60 éminents juristes, spécialistes de la question du génocide et survivants, à l’adresse : http://content.liberal.ca/fe9cf988-49a0-42eb-9e11-2a512494abd7/pdf/2010-01-07-r2p-petition.pdf.

[138]         Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[139]         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[140]         Témoignages, réunion no 10, 31 mars 2009.

[141]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[142]         Témoignages, réunion no 27, 18 juin 2009.

[143]         Ibid.

[144]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[145]         Ibid.

146         Voir, par exemple, la note 139 supra.

147         Disponible au lien suivant : http://www.presstv.ir/detail.aspx?id=120579&sectionid=351020101 [traduction].

[148]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[149]         Demande de renseignements au gouvernement, question no Q-331 de Mme Kirsty Duncan, députée d’Etobicoke-Nord, 11 juin 2009.

[150]         Ibid.

[151]         Demande de renseignements du gouvernement, question no Q-363 du député Irwin Cotler (Mont-Royal), 17 juin 2009.

[152]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[153]         Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[154]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[155]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[156]         Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[157]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[158]         Ibid.

[159]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[160]         Ibid.

[161]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

[162]         Ibid.

[163]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[164]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

[165]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[166]         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[167]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[168]         Ibid.

[169]         Ibid.

[170]         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[171]         Ibid.

[172]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[173]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

[174]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[175]         Ibid.

[176]         Témoignages, réunion no 10, 31 mars 2009.

[177]         Ibid.

[178]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

[179]         Voir les résolutions suivantes du Conseil de sécurité des Nations Unies : résolution 1696 (2006), résolution 1737 (2006), résolution 1747 (2007), résolution 1803 (2008), résolution 1835 (2008).

[180]         Ibid.

[181]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[182]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

[183]         Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[184]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[185]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[186]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[187]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[188]         Ibid.

[189]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[190]         Témoignages, réunion no 16, 5 mai 2009.

[191]              Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[192]         Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[193]         Témoignages, réunion no 14, 23 avril 2009.

194         Témoignages, réunion no 27, 18 juin 2009.

195         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[196]         Ibid.

[197]         Témoignages, réunion no 10, 31 mars 2009.

[198]         Témoignages, réunion no 17, 7 mai 2009.

[199]         Témoignages, réunion no 11, 2 avril 2009.

[200]         Témoignages, réunion no 6, 10 mars 2009.

[201]         Témoignages, réunion no 10, 31 mars 2009.

[202]         Ibid.

[203]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

204         Ibid.

[205]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[206]         Ibid.

[207]         Ibid.

[208]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[209]         Ibid.

[210]         Ibid.

[211]         Ibid.

[212]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[213]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[214]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[215]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[216]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[217]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[218]         Ibid.

[219]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[220]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[221]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[222]         Ibid.

[223]         Ibid.

[224]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[225]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[226]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[227]         Ibid.

[228]         Ibid.

[229]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[230]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[231]         Ibid.

[232]         Ibid.

[233]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[234]         Le groupe P5‑plus un inclut les cinq États membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies : les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France, plus l’Allemagne.

[235]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[236]         Ibid.

[237]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[238]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[239]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[240]         Témoignages, réunion no 31, 20 octobre 2009.

[241]         Ibid.

[242]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[243]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[244]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[245]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[246]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.

[247]         Témoignages, réunion no 33, 27 octobre 2009.

[248]         Témoignages, réunion no 32, 22 octobre 2009.

[249]         Témoignages, réunion no 25, 11 juin 2009.

[250]         Témoignages, réunion no 34, 29 octobre 2009.