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FEWO Rapport du Comité

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SANTÉ MATERNELLE ET INFANTILE

INTRODUCTION

En tant que président du G8 pour 2010, le Canada sera l’hôte du sommet qui se tiendra à Muskoka (Ontario) les 25 et 26 juin. Cette année, le premier ministre a annoncé que le Canada, en sa qualité d’hôte, prendra la tête d’une vaste initiative visant à améliorer la santé infantile et maternelle dans les régions les plus pauvres du monde.

Le 12 avril 2010, le Comité permanent de la condition féminine a adopté à l’unanimité la motion suivante :

Que le Comité étudie la santé maternelle et la santé infantile suite à l’annonce du gouvernement de faire de sa stratégie sur la santé maternelle et la santé infantile une priorité lors de la tenue du G8 au mois de juin dont le Canada sera l’hôte pourvu que ce soit terminé avant la fin de mai.

Pour cette étude, le Comité a tenu quatre réunions au cours desquelles il a entendu des témoins, puis une autre réunion avec la ministre de la Coopération internationale et la ministre de la Condition féminine.

Le Comité a appris que, chaque, année, entre 340 000[1] et 500 000[2] femmes meurent des suites d’une grossesse et presque neuf millions d’enfants meurent avant l’âge de cinq ans, dont près de 40 % dans les premières semaines après la naissance. Les témoins ont souligné qu’il importait de maintenir la volonté politique afin de réduire ces chiffres. Le Comité espère que les recommandations du présent rapport alimenteront le débat sur le rôle prépondérant que le Canada peut jouer dans la réduction des taux de mortalité inacceptables des mères et des enfants dans le monde entier.

CONTEXTE : SANTÉ MATERNELLE ET INFANTILE

Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont été définis par l’ONU dans la Déclaration du Millénaire en 2000[3]. Au nombre de huit, ils représentent ce que la communauté internationale a convenu de réaliser d’ici 2015 afin de traiter des principaux problèmes de développement dans le monde :

  • Objectif 1 : Éliminer l’extrême pauvreté et la faim
  • Objectif 2 : Assurer l’éducation primaire pour tous
  • Objectif 3 : Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes
  • Objectif 4 : Réduire la mortalité infantile
  • Objectif 5 : Améliorer la santé maternelle
  • Objectif 6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies
  • Objectif 7 : Assurer un environnement durable
  • Objectif 8 : Mettre en place un partenariat mondial pour le développement

Chaque objectif prévoit des cibles qui peuvent être mesurées à l’aide d’indicateurs bien définis. La cible pour la réduction de la mortalité infantile consiste à diminuer des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans entre 1990 et 2015. Les indicateurs de suivi des progrès à cet égard sont le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, le taux de mortalité infantile et la proportion des enfants d’un an vaccinés contre la rougeole.

Pour la santé maternelle, les cibles consistent à réduire des trois quarts le taux de mortalité maternelle entre 1990 et 2015 et à rendre universel l’accès à la santé reproductive d’ici 2015. Les indicateurs de suivi des progrès sont le taux de mortalité maternelle, la proportion d’accouchements assistés par du personnel de santé qualifié, le taux de contraception, le taux de natalité parmi les adolescentes, la couverture des soins prénataux et les besoins non satisfaits en matière de planification familiale[4].

Certains progrès ont été accomplis vers la réalisation des objectifs, tout particulièrement ceux qui ont trait à la santé infantile. Voici ce que dit un article paru dans le Lancet en mai 2010 :

La mortalité des enfants de moins de cinq ans a baissé dans le monde, passant de 11,9 millions de décès en 1990 à 7,7 millions en 2010, soit 3,1 millions en période néonatale, 2,3 millions en période postnéonatale et 2,3 millions d’enfants de un à quatre ans[5].

L’honorable Bev Oda, ministre de la Coopération internationale, a dit au Comité que « [c]haque année, trois millions de nourrissons meurent dans les sept jours suivant leur naissance. Dans les pays en développement, près de neuf millions d'enfants de moins de 15 ans meurent de causes en grande partie évitables, comme la pneumonie, la diarrhée, le paludisme, la malnutrition aiguë sévère, la rougeole et le VIH[6]. »

Le Comité a appris que, malgré la baisse de la mortalité infantile, la mortalité néonatale n’a pas diminué parce qu’elle est liée de très près à la santé maternelle[7]. Des témoins ont mis en évidence le lien étroit entre la mortalité maternelle et néonatale.

En dépit des progrès réalisés dans l’amélioration de la santé maternelle, l’ONU signale que cet objectif est « celui qui a fait le moins de progrès à ce jour[8]. » C’est aussi la conclusion du Lancet en 2006 : « À l’heure actuelle, les Objectifs du Millénaire qui portent sur la santé ne seront pas atteints en 2015. » Le taux de mortalité maternelle est passé de 320 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1990 à 250 en 2008[9]. Il s’agit d’une baisse notable, mais qui ne correspond pas à l’objectif d’une réduction de 75 % d’ici 2015[10].

Selon le Rapport 2009 de l’ONU sur les Objectifs du Millénaire pour le développement : « Il faut raviver la volonté politique de réduire la mortalité maternelle, surtout en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, où les progrès ont été négligeables jusqu’à présent[11]. » Il est largement admis que le manque de fonds demeure un des grands obstacles à la réalisation des objectifs en matière de santé, dont la santé maternelle[12],[13].

En juin 2009, le Canada a coparrainé une résolution décisive du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui reconnaissait la mortalité et la morbidité maternelles comme une préoccupation urgente en matière de droits humains. Un mois plus tard, au sommet du G8 en Italie, les chefs de gouvernement ont convenu que la santé maternelle et infantile était l’un des problèmes de santé les plus urgents du monde.

A. Rôle du G8 dans la protection de la santé maternelle et infantile

Le G8 regroupe les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la France, l’Italie, le Japon, l’Allemagne et la Russie. L’Union européenne est « un neuvième membre non énuméré[14]. » Les chefs d’État et de gouvernement de ces pays fortement industrialisés tiennent un sommet annuel où il est question des grands enjeux économiques et politiques et des problèmes de sécurité auxquels le système international se trouve confronté.

Le G8 donne aux dirigeants des pays les plus industrialisés l’occasion de se réunir pour discuter de problèmes communs et tracer la ligne de conduite à suivre. Axé sur l’action diplomatique directe et les rencontres personnalisées, il a été créé pour faciliter les relations entre les dirigeants et l’adoption d’une approche plus concertée des enjeux. L’ordre du jour des sommets a évolué au fil des ans : alors qu’il mettait l’accent sur l’économie dans les années 1970 et 1980, il englobe maintenant des questions plus vastes de sécurité et de développement au niveau international[15].

La présidence du G8 est exercée chaque année par un état membre différent. Le pays hôte joue un rôle prépondérant dans le choix des thèmes prioritaires et l’ordre du jour. Les dirigeants du G8 ont aussi, à différents sommets, dû se pencher sur des événements internationaux en cours. Jusqu’en 2001, le principal document qui émanait des sommets du G8 était le communiqué, adopté par consensus. En 2002, on a commencé à publier un « résumé du président », et suite aux récents sommets, il y a eu des déclarations et des plans d’action concernant certaines questions clés (sécurité alimentaire, terrorisme, etc.)[16] Ces déclarations sont davantage des énoncés d’objectifs et d’engagements que des accords internationaux officiels. Des universitaires et des groupes de la société civile surveillent les progrès accomplis par chaque pays dans la réalisation des objectifs fixés en vue d’amener les États à rendre compte des engagements qu’ils ont pris[17].

Constatant le manque de progrès dans la réalisation des Objectifs du Millénaire relatifs à la santé infantile et maternelle[18], les dirigeants des pays du G8 ont discuté de la question lors des sommets des deux dernières années. Une des déclarations issues du sommet de l’an dernier, en Italie, disait ce qui suit :

Nous prônons une approche globale et intégrée de la réalisation des Objectifs du Millénaire qui ont trait à la santé et aussi la maximisation des synergies entre les systèmes de santé et les grandes initiatives en santé dans le monde. Nous entendons accélérer les progrès dans la lutte contre la mortalité infantile, notamment en soutenant davantage les campagnes de vaccination et d’apport en micronutriments, et les progrès en matière de santé maternelle, notamment par des soins de santé sexuelle et génésique et des services de planification familiale volontaire[19].

La Déclaration décrit aussi la stratégie que le groupe entend adopter à cet effet :

Nous approuvons sans réserve l’idée d’un consensus mondial sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants comme moyen d’accélérer les progrès dans la réalisation des Objectifs du Millénaire qui touchent la santé maternelle et infantile par i) un leadership et une mobilisation politiques et communautaires; ii) un ensemble bien conçu d’interventions éprouvées menées dans des systèmes de santé efficaces; iii) l’élimination des obstacles à l’accès des femmes et des enfants, et la gratuité au point d’utilisation là où les pays choisiront de l’installer; iv) des travailleurs de la santé qualifiés; v) l’obligation de rendre compte des résultats.

La réunion du G8 de 2009 n’a pas prévu de fonds pour cet engagement.

Plus tôt cette année, le premier ministre Stephen Harper a annoncé que le Canada, en sa qualité de pays hôte du sommet, prendrait la tête d’une vaste initiative pour l’amélioration de la santé infantile et maternelle dans les pays les plus pauvres du monde.

POINTS DE VUE DES TÉMOINS

Le Comité a appris qu’au Canada le risque de mortalité maternelle est de 1 sur 11 000. À titre de comparaison, il est de 1 sur 27 en Éthiopie, de 1 sur 12 en Angola et au Libéria et de 1 sur 7 au Niger. Dix millions de femmes ont perdu la vie durant la grossesse ou de l’accouchement depuis 1990, et on aurait pu prévenir les trois quarts de ces décès. Des millions d’autres femmes ont des maladies ou des blessures invalidantes en raison de soins de santé déficients lors de l’accouchement[20]. Le Comité a aussi été informé que « la période la plus dangereuse dans la vie d’un enfant est la naissance et les semaines qui suivent. En effet, plus de 40 % des décès chez les enfants de moins de cinq ans se produisent chez les nouveau-nés dans les quatre premières semaines de la vie[21]. »

Il est impératif d’agir.

Chez les témoins entendus par le Comité, les points d’entente étaient beaucoup plus nombreux que les points de dissension. Ils ont souligné l’importance de fournir des services complets dans l’ensemble continu de soins, de renforcer les systèmes de santé et de faciliter les initiatives locales. Ils ont convenu que de nouveaux engagements financiers s’imposent pour réaliser des progrès dans les Objectifs du Millénaire 4 et 5.

SERVICES COMPLETS DANS L’ENSEMBLE CONTINU DE SOINS

La plupart des experts estiment que, pour réduire la mortalité à la naissance et chez les nouveau-nés, les programmes doivent mettre l’accent sur des interventions et des approches efficaces et intégrées. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant a donné un aperçu de l’ensemble continu de soins nécessaire dans un système de santé pour améliorer la santé maternelle et infantile[22] :

  • Une planification familiale complète — conseils, services et matériel.
  • Des soins de qualité assurés par du personnel qualifié pour les femmes et les nouveau-nés durant et après la grossesse et l’accouchement, y compris des soins prénataux, des soins de qualité à la naissance dans un établissement de santé, des soins d’urgence en cas de complications, des soins postnataux et des soins essentiels pour les nouveau-nés.

La documentation sur la santé maternelle et infantile signale régulièrement l’existence de nombreuses interventions isolées, mais qui ne peuvent à elles seules réduire le taux de mortalité des mères et des nouveau-nés dans une population donnée[23]. Comme l’a indiqué au Comité Robert Fox, directeur exécutif d’Oxfam Canada :

Nous devons comprendre que dans ce dossier, il n'y a pas de solution expéditive. On ne parle pas de petites mesures par-ci par-là. Il faut une stratégie globale et intégrée permettant d'offrir l'éventail complet de services de soins de santé et liés à la personne nécessaires afin que les femmes puissent faire respecter leurs droits en matière de sexualité et de contraception. Une telle stratégie permettra aussi d'examiner la question dans un contexte plus vaste[24].

Des témoins ont indiqué qu’en doublant les investissements dans la planification familiale et dans la santé maternelle et néonatale, on pourrait « réduire les décès maternels de 70 %, réduire les décès de nouveau-nés de près de 50 % et obtenir une foule d'avantages relatifs au développement[25]. »

A. Planification familiale

Plus de la moitié des femmes qui vivent dans les pays en développement veulent retarder ou empêcher une grossesse. Pourtant, le quart d’entre elles n’utilisent pas de contraceptifs modernes, en général parce qu’elles sont pauvres ou trop peu instruites ou par manque de services[26]. Il y a 215 millions de femmes dans le monde qui aimeraient retarder une grossesse ou éviter d’être enceintes, mais qui n’ont pas accès à des contraceptifs modernes.

Plusieurs témoins ont dit au Comité que « [l]es données montrent que l’accès à la planification familiale pourrait à lui seul prévenir jusqu’à un décès maternel sur trois en permettant aux femmes de retarder la maternité, d’espacer les naissances, d’éviter les avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et de cesser la procréation après que leur famille a atteint le nombre de membres désiré. À la suite d’une naissance, la planification familiale permet aux femmes d’attendre une période salutaire (d’au moins deux ans) avant de tenter de devenir enceintes de nouveau, ce qui réduit de manière significative le nombre de décès de nouveau-nés, la mortalité infantile et juvénile[27]. »

Des témoins ont présenté les résultats d’une étude réalisée par le Guttmacher Institute avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour la population et qui démontre que l’octroi de fonds pour la planification familiale dans le cadre d’un programme général de santé maternelle permettrait de sauver plus de vies en rationalisant les dépenses. L’étude du Guttmacher Institute a évalué les coûts et les avantages de trois stratégies d’investissement visant à réduire la mortalité maternelle :

  1. Dans le premier scénario, on a calculé le rapport coût-efficacité d’une stratégie consistant à augmenter les investissements dans la planification familiale uniquement, de façon à répondre à 100 % des besoins des femmes en contraceptifs modernes.
  2. Dans le deuxième scénario, on a calculé le rapport coût-efficacité de nouveaux investissements dans la santé maternelle et néonatale uniquement, de façon à fournir les soins maternels et néonataux de base recommandés par l’OMS dans tous les cas nécessaires.
  3. Dans le troisième scénario, on a calculé le rapport coût-efficacité d’une stratégie de façon à combiner les investissements supplémentaires dans la planification familiale et dans les soins maternels et néonataux.

L’étude a conclu que le fait « de doubler les investissements dans la planification familiale ainsi que dans la santé maternelle et néonatale, c'est-à-dire de les faire passer de moins de 12 milliards de dollars américains par année à près de 24,6 milliards permettrait de réduire les décès maternels d'au moins 70 % et les décès néonatals de 44 %. La stratégie d'investissement combinée permettrait de sauver plus de vies. Elle coûterait aussi 1,5 milliard de dollars de moins par année que la stratégie d'investissement visant uniquement la santé maternelle et néonatale[28]. »

Selon Jolanta Scott-Parker, de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle : « [d]e nombreux faits concourent à montrer que la planification familiale permet de sauver des vies. Selon la Banque mondiale, le recours accru à des méthodes de contraception fiables permettrait de prévenir 40 % des décès à l’accouchement[29]. »

De nombreux témoins ont parlé d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses. Ils ont notamment dit ceci :

Ce sont environ 70 000 femmes qui meurent encore chaque année des suites d'un avortement non sécuritaire […] Cinq millions de femmes sont hospitalisées à cause de complications découlant d'un avortement non sécuritaire et ce nombre n'inclut même pas les trois millions d'autres femmes qui n'ont pas accès à un hôpital. Les complications que ces femmes vivent peuvent avoir des conséquences à court terme et à long terme, qui coûtent à leur gouvernement plus cher que de financer des services d'avortement sécuritaires[30].

Dans les pays en développement, les enfants de moins d’un an risquent, dans une proportion de 80 %, de mourir d’ici les deux années qui suivent le décès de leur mère et 50 % des enfants n’atteignent jamais l’âge adulte.

En ce qui concerne les effets des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses sur la santé, voici ce que dit le Programme d’action adopté à la Conférence internationale sur la population et le développement :

L’avortement ne devrait, en aucun cas, être promu en tant que méthode de planification familiale. Tous les gouvernements et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales intéressées sont vivement invités à renforcer leur engagement en faveur de la santé de la femme, à traiter les conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité en tant que problème majeur de santé publique et à réduire le recours à l’avortement en étendant et en améliorant les services de planification familiale[31].

Des témoins ont suggéré que « nous ne pourrons jamais tout à fait réduire la nécessité de recourir à l'avortement, [mais] nous pouvons la diminuer de manière très importante si nous répondons aux besoins des femmes en matière de contraception moderne[32] ». M. Robert Fox, d’Oxfam Canada, a formulé l’observation suivante :

Nous avons résolument besoin d'une approche intégrée. Nous devons nous attaquer à la réalité de la vie des gens. Des avortements seront immanquablement pratiqués, mais là n'est pas la question. La question, c'est de savoir s'ils seront pratiqués dans des hôpitaux ou sous supervision médicale pour les femmes qui ne sont pas riches. Nous devons veiller à ce que le système comprenne qu'il s'agit là d'un élément particulier faisant partie intégrante d'une approche plus vaste et, dans la mesure où nous nous y attaquerons de façon appropriée, nous parviendrons à limiter le nombre de fois où ils seront pratiqués et pourrons agir sur le moment où ils seront pratiqués. Et nous veillerons à ce que, quand ils seront pratiqués, le résultat soit le plus positif possible pour tous ceux qui sont concernés[33].

RENFORCEMENT DES SYSTÈMES DE SANTÉ

Il ressort des pages précédentes que l’approche globale de la santé maternelle et infantile est particulièrement efficace. Un des éléments de cette approche est l’amélioration des services de santé, ce qui suppose des investissements dans les travailleurs de la santé et le renforcement des systèmes de santé nationaux.

1.   Investissements dans les travailleurs de la santé

Des témoins ont insisté sur l’importance d’un personnel qualifié pour donner des soins aux femmes ou aux bébés pendant la grossesse et l’accouchement et dans les minutes, les jours et les semaines suivant la naissance[34]. Malgré tout, 40 % des femmes dans le monde accouchent en l’absence d’une personne qualifiée. En Afrique, le pourcentage est beaucoup plus élevé; par exemple, en Éthiopie, plus de 90 % des femmes accouchent sans aide qualifiée.

Des témoins ont dit au Comité que « [d]u personnel de la santé compétent et motivé qui est au bon endroit au bon moment et qui peut compter sur l'infrastructure, les médicaments et l'équipement nécessaires représente une partie essentielle de la solution[35]. » Pour eux, il est important d’accroître le nombre de travailleurs de la santé de première ligne appuyés, formés, équipés et motivés pour fournir des services essentiels aux mères et aux enfants dans la communauté même.

Les pays en développement ont trop peu de travailleurs de la santé pour répondre aux besoins des mères, des bébés et des jeunes enfants. L’organisme de développement international Save the Children a établi qu’il y a 57 pays où la pénurie de travailleurs de la santé est critique, c’est-à-dire qui ont moins de 23 médecins, infirmières et sages-femmes pour 10 000 habitants. Trente-six de ces pays se trouvent en Afrique subsaharienne[36]. L’organisme signale qu’il faudrait 4,3 millions de travailleurs de la santé de plus pour atteindre les Objectifs du Millénaire d’ici 2015.

2.   Renforcement des systèmes de santé

Il a été dit maintes fois au Comité que les besoins varient énormément d’une région ou d’un pays à l’autre et qu’il n’existe pas de solution universelle pour améliorer la santé maternelle et réduire la mortalité maternelle et infantile. Les interventions doivent être adaptées aux besoins, aux capacités, aux lois et aux normes culturelles de chaque endroit.

Des témoins ont souligné qu’il était important de renforcer les systèmes de santé nationaux d’une façon globale, par exemple en offrant un accès équitable aux soins de santé et en répondant aux besoins des populations. L’équité d’accès exige la suppression des obstacles à l’accès et la gratuité des services au point d’utilisation pour les femmes et les enfants.

Il a été dit au Comité que « [p]lus une démarche est harmonisée à l'échelle nationale, mieux les gens sont en mesure de mettre en œuvre des programmes exhaustifs offrant un ensemble continu de soins[37]. » Des témoins ont rappelé au Comité qu’à titre de signataire de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, le Canada a consenti à être orienté par les pays concernés pour ce qui est du système de santé et des fonds de développement dont ils ont besoin. Ils ont affirmé qu’en raison de la fragmentation de l’aide étrangère, il est difficile d’élaborer une action internationale cohérente et concertée.

Le Comité a aussi été informé que la majorité des pays se sont déjà dotés de plans nationaux pour la santé maternelle et néonatale. Par exemple, les dirigeants africains ont établi le Plan d’action de Maputo pour la promotion des droits et de la santé en matière de sexualité et de reproduction.

ENGAGEMENTS FINANCIERS NÉCESSAIRES

Tous les témoins qui ont abordé la question du financement des OMD 4 et 5 ont mentionné qu’il faudrait des fonds supplémentaires pour atteindre ces OMD dans le délai fixé. L’investissement financier doit être partagé entre les pays en développement et les pays donateurs. Selon ce qui a été dit au Comité, les pays en développement parviennent à remplir leurs engagements financiers beaucoup mieux que les donateurs :

Dans le budget et dans l'accord sur les moyens à prendre pour assumer les coûts du plan d'action du Caire, les pays en développement ont indiqué qu'ils allaient payer les deux tiers de ces coûts, le reste de la facture allant aux pays donateurs. Quinze ans après cet accord, qui donc a respecté ses engagements? Ce sont les pays en développement, car ils sont à même de constater la différence que cela peut faire[38].

Selon ce qu’a entendu le Comité, il serait possible, avec un engagement financier suffisant, de sauver la vie de jusqu’à un million de femmes qui ont des complications durant la grossesse et l’accouchement et de sauver la vie de 4,5 millions de nouveau-nés, de 6,5 millions d’enfants et de 1,5 million d’enfants mort-nés. On verrait en outre une baisse importante du nombre de grossesses non désirées et d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses[39]. Les témoins ont recommandé que les fonds versés soient nouveaux, et non prélevés dans d’autres budgets d’aide au développement.

Les témoins avaient en commun la volonté d’améliorer la vie des femmes et des enfants de la planète. Jill Wilkinson Sheffield, présidente de Women Deliver, a tenu les propos suivants :

On est déjà parvenu à un consensus mondial; nous pouvons y arriver encore une fois. En fait, nous devons atteindre de nouveau le consensus dans l'intérêt des femmes et des filles et pour notre avenir à l'échelle mondiale[40].


[1]    Margaret C. Hogan, Kyle J. Foreman, Mohsen Naghavi, Stephanie Y. Ahn, Mengru Wang, Susanna M. Makela, Alan D. Lopez, Rafael Lozano et Christopher J. L. Murray, « Maternal mortality for 181 countries, 1980-2008: a systematic analysis of progress towards Millennium Development Goal », Lancet, 12 avril 2010.

[2]    Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant, Improving Maternal and Child Health Through Active Partnerships, http://www.who.int/pmnch/topics/part_publications/2009_improvingmnch.pdf.

[3]    Nations Unies, Déclaration du Millénaire, Sommet du Millénaire, 6 au 8 septembre 2000, http://www.un.org/french/millenaire/sommet.htm (consulté le 24 mars 2010).

[4]    Nations Unies, « Liste officielle des indicateurs associés aux OMD », Indicateurs des Objectifs du Millénaire pour le développement, http://unstats.un.org/unsd/mdg/Host.aspx?Content=Indicators%2fOfficialList.htm (consulté le 27 avril 2010).

[5]    Julie Knoll Rajaratnam, Jake R. Marcus, Abraham D. Flaxman, Haidong Wang, Alison Levin-Rector, Laura Dwyer, Megan Costa, Alan D. Lopez et Christopher J.L. Murray, « Neonatal, postneonatal, childhood, and under-5 mortality for 187 countries, 1970 — 2010: a systematic analysis of progress towards Millennium Development Goal 4 », Lancet, 24 mai 2010, édition en ligne préliminaire, http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(10)60703-9/fulltext. [traduction]

[6]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, l’hon Bev Oda (ministre de la Coopération internationale), 26 mai 2010.

[7]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Sharon Camp (présidente et chef des opérations, Guttmacher Institute), 5 mai 2010.

[8]    Nations Unies, Objectifs du Millénaire pour le développement : Rapport 2009, New York, 2009.

[9]    À titre de comparaison, le taux de mortalité maternelle au Canada est de 7 décès pour 100 000 naissances vivantes.

[10]    Margaret C. Hogan, Kyle J. Foreman, Mohsen Naghavi, Stephanie Y. Ahn, Mengru Wang, Susanna M. Makela, Alan D. Lopez, Rafael Lozano et Christopher JL Murray, « Maternal mortality for 181 countries, 1980-2008: a systematic analysis of progress towards Millennium Development Goal 5 », Lancet, vol. 375, no 9726, 8-14 mai 2010, p. 1609-1623.

[11]    Nations Unies, Objectifs du Millénaire pour le développement : Rapport 2009, New York, 2009.

[12]    Guttmacher Institute, Adding It Up: the Costs and Benefits of Investing in Family Planning and Maternal and Newborn Health, décembre 2009.

[13]    Unicef, Tracking Progress in Maternal, Newborn & Child Survival, The 2008 Report, 2009, p. iv, http://www.countdown2015mnch.org/documents/2008report/2008Countdown2015FullReport_2ndEdition_1x1.pdf.

[14]    Stephanie Lee, « The Group of Eight (G8) Industrialized Nations », Council on Foreign Relations, Backgrounder, 27 mars 2009, http://www.cfr.org/publication/10647/. [traduction]

[15]    Ibid., p. 3.

[16]    Hajnal, The G8 System and the G20: Evolution, Role and Documentation, p. 179-187. Pour obtenir une liste complète des liens vers les documents des différents sommets, voir Université de Toronto, G8 Information Centre, « G7/8 Summits », http://www.g8.utoronto.ca/summit/index.htm.

[17]    Le G8 Information Centre de l’Université de Toronto donne un exemple de suivi des progrès. Les rapports peuvent être consultés à http://www.g7.utoronto.ca/evaluations/index.html.

[18]    Sommet du G8, G8 Leaders Declaration: Responsible Leadership for Sustainable Future, para. 120, http://www.g8italia2009.it/static/G8_Allegato/G8_Declaration_08_07_09_final,0.pdf (consulté le 24 mars 2010).

[19]    Ibid., para. 122. [traduction]

[20]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Janet Hatcher Roberts (directrice générale, Société canadienne de santé internationale), 3 mai 2010.

[21]    Save the Children, State of the World’s Mothers 2010, mai 2010, p. 5. [traduction]

[22]    Mémoire présenté par Dre Dorothy Shaw, Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant, Améliorer la santé de la mère, du nourrisson et de l’enfant : Offrir des solutions — le G8 et son rôle, 3 mai 2010.

[23]    Carine Ronsmans et Wendy J. Graham, au nom du Lancet Maternal Survival Series Steering Group, « Maternal mortality: who, when, where, and why », Lancet, 30 septembre 2006, vol. 368, n9542, p. 1189‑1200.

[24]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, M. Robert Fox (directeur exécutif, Oxfam Canada), 5 mai 2010.

[25]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Sharon Camp (présidente et chef des opérations, Guttmacher Institute), 5 mai 2010.

[26]    Mémoire présenté par la Société canadienne de santé internationale, Améliorer la santé maternelle : une réponse des systèmes de santé — Faits visant à stimuler l’action mondiale.

[27]    S. Singh, J. Darroch, I. Ashford et M. Vlassoff, « Adding It Up: The Costs and Benefits of Investing in Family Planning and Maternal and Newborn Health », avril 2010. Cité dans un mémoire présenté par la Société canadienne de santé internationale, Améliorer la santé maternelle : une réponse des systèmes de santé — Faits visant à stimuler l’action mondiale.

[28]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Sharon Camp (présidente et chef des opérations, Guttmacher Institute), 5 mai 2010.

[29]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Jolanta Scott-Parker (directrice exécutive, Fédération canadienne pour la santé sexuelle), 10 mai 2010.

[30]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Ainsley Jenicek (chargée de projet, Fédération du Québec pour le planning des naissances), 10 mai 2010.

[31]    Nations Unies, Programme d’action adopté à la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire, 5-13 septembre 1994, para. 8.25.

[32]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Sharon Camp (présidente et chef des opérations, Guttmacher Institute), 5 mai 2010.

[33]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, M. Robert Fox (directeur exécutif, Oxfam Canada), 5 mai 2010.

[34]    Save the Children, State of the World’s Mothers 2010, mai 2010, p. 5.

[35]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Christina Dendys (directrice générale, Résultats Canada), 12 mai 2010.

[36]    Save the Children, State of the World’s Mothers 2010, mai 2010, p. 5.

[37]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Janet Hatcher Roberts (directrice générale, Société canadienne de santé internationale), 3 mai 2010.

[38]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Jill Wilkinson Sheffield (présidente, Women Deliver), 3 mai 2010.

[39]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Dre Dorothy Shaw (porte-parole pour le Canada, Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant), 3 mai 2010.

[40]    Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, Mme Jill Wilkinson Sheffield (présidente, Women Deliver), 3 mai 2010.