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FEWO Rapport du Comité

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CHAPITRE 6 : LES FEMMES QUI OCCUPENT DES EMPLOIS NON TRADITIONNELS

Un bon nombre des témoins entendus par le Comité étaient des femmes qui occupaient, ou avaient occupé, un emploi non traditionnel. Le Comité a reçu les témoignages de pompières, d’ingénieures, de travailleuses de la construction, d’employées du secteur de l’informatique et de policières. Elles ont parlé avec enthousiasme de la carrière choisie et veulent ardemment encourager d’autres femmes à entrer dans ces secteurs professionnels.

Les témoins ont décrit avec réalisme les obstacles auxquels se heurtent les femmes qui optent pour des emplois non traditionnels. Le présent chapitre met en lumière certains de ces obstacles et propose des pistes de solution que les témoins ont signalées à l’attention du Comité.

A. Toutes ne sont pas confrontées aux mêmes obstacles

Les témoins ont conseillé d’éviter l’adoption d’une solution unique au problème du manque de femmes dans les emplois non traditionnels. Certains obstacles sont particuliers à des groupes précis de femmes. Le Status of Women Council of the Northwest Territories, à titre d’exemple, a parlé des défis auxquels étaient confrontées les femmes du Nord obligées de quitter leur famille pour suivre une formation. Les organisations de femmes autochtones ont déploré le niveau élevé de racisme que vivent encore les Autochtones au travail. De plus, les femmes immigrantes, tout comme les hommes, ont du mal à faire reconnaître leurs titres de compétence pour exercer leur profession au Canada. En raison de cette diversité d’expériences, il devient nécessaire d’établir une vaste stratégie visant à accroître la présence des femmes dans les professions non traditionnelles et de laisser aux organismes et aux particuliers assez de latitude pour adapter les programmes au contexte local. Le Comité exhorte les gouvernements et autres intervenants à partager leurs meilleures pratiques et stratégies en vue d’accroître cette présence. 

B. Les obstacles varient d’une profession à l’autre

Les femmes sont sous-représentées dans une grande variété de catégories professionnelles, qui vont des métiers spécialisés comme la construction aux professions telles que l’ingénierie et l’informatique. Au Canada, les femmes demeurent sous‑représentées au sein de la classe politique à tous les niveaux, ainsi qu’aux échelons supérieurs des grandes entreprises. Dans tous ces groupes professionnels, les femmes se heurtent à des obstacles qui présentent des points communs, mais aussi à des obstacles propres à chaque profession. Par exemple, les femmes qui exercent dans le domaine du droit, de la médecine ou de l’ingénierie ont signalé que « la culture de l’obsession du travail […] fait qu’il est difficile de concilier les obligations professionnelles avec la responsabilité de l’éducation des enfants[52] ». Il a été dit au Comité que l’arrivée massive des femmes dans la profession médicale était en train de modifier graduellement cette culture pour faciliter la conciliation travail-famille, changement apprécié tout autant par les hommes que par les femmes de la profession. Des femmes issues de différents groupes professionnels ont dit au Comité qu’elles sont largement exclues des milieux « où règne encore une solidarité masculine ». Cette situation, conjuguée à la culture de l’obsession du travail, leur fait craindre « de devoir choisir entre leur carrière et leur famille ou de perdre le respect de leurs pairs lorsque leurs responsabilités familiales entrent en conflit avec l’exercice de leur profession ou les obligent à modifier leur pratique[53] ».

 Certains emplois exigent un éloignement sur de longues périodes. Ainsi, le Comité a été informé que le principal problème pour les travailleurs de l’industrie minière dans les Territoires du Nord-Ouest est qu’ils doivent quitter leur foyer pour s’installer dans un lieu de travail éloigné pendant des périodes de deux semaines. Mme Lorraine Phaneuf, directrice principale du Status of Women Council of the Northwest Territories, a fait observer qu’il « peut donc être très difficile pour les mères [chefs de famille monoparentale] de trouver quelqu’un pour s’occuper de leurs enfants[54] ». Des témoins ont dit espérer qu’on puisse trouver des solutions innovatrices au problème des conditions de travail qui se pose pour les femmes. Comme l’a indiqué au Comité Mme Mary Ann Mihychuk, présidente de Women in Mining Canada, « une industrie qui est capable d’optimiser sa planification de travail afin de composer avec les fluctuations des prix des métaux et de l’offre et de la demande devrait, il me semble, être en mesure de prévoir une plus grande diversité [de situations] au sein de son personnel[55] ». Elle a invité le Comité à recommander que les questions qui touchent les femmes dans le secteur minier — notamment la nécessité d’avoir une plus grande flexibilité, de récompenser la réussite et d’analyser les pratiques en matière de rémunération — soient inscrites en priorité à l’ordre du jour de la réunion des ministres des Mines et au programme de tous les ministères qui s’occupent de l’industrie des minéraux[56].

La plupart des témoins estimaient que le harcèlement direct des femmes en milieu de travail est probablement moins courant de nos jours que par le passé. Le Comité a toutefois reçu des témoignages concernant certains lieux de travail où des femmes continuent d’être victimes de harcèlement et de discrimination. Par exemple, les représentants syndicaux et patronaux des ports de Vancouver ont donné au Comité des détails sur l’intimidation et le harcèlement que des femmes subissent en milieu de travail. Mme Hiromi Matsui, ancienne présidente de la Coalition canadienne des femmes en ingénierie, sciences, métiers et technologie, a dit au Comité avoir « assisté récemment à des réunions où des gestionnaires ont dit que s’ils recevaient une pile de demandes [d’emploi] émanant de femmes et seulement quelques demandes d’hommes, ils mettraient les demandes des femmes de côté et examineraient celles des hommes[57] ». Cela montre qu’il demeure nécessaire d’éduquer les employeurs au sujet des obligations imposées par la Loi canadienne sur les droits de la personne et par leur code du travail provincial.

Les obstacles à la présence des femmes sont parfois aussi élémentaires que l’accès à des toilettes et à du matériel de sécurité adapté[58]. Des témoins ont dit au Comité que des femmes avaient été envoyées sur des chantiers avec des vêtements et de l’équipement de protection qui n’étaient pas de la bonne taille ou sans accès à des toilettes. Dans ces situations, les femmes innovent constamment :

Les barrières sont nombreuses. Une des plus communes est le fait qu’il n’y ait pas d’installations sanitaires […] Je me portais simplement volontaire pour aller chercher le café, et j’utilisais les toilettes à ce moment-là. La solution était très simple. Ce n’est pas que je ne devais pas travailler dans un domaine donné, c’est simplement que je devais m’adapter un peu[59].

Pris un à un, ces obstacles ne sont pas insurmontables, mais leur accumulation au fil du temps en vient à peser sur les femmes :

On a constaté, par contre, pour les femmes qui sont déjà dans un métier non traditionnel, que si un jour elles décrochent complètement, c’est à cause de l’accumulation de toutes les petites embûches. Une petite embûche, ça va, mais quand il y en a tous les jours, elles finissent par ne plus en être capables[60].

C. La conciliation travail-famille, un facteur clé pour les femmes et, de plus en plus, pour les hommes

La conciliation travail-famille est un facteur clé pour les femmes dans leur choix de profession et dans leur décision de garder un emploi. Des témoins de tous les secteurs et de divers métiers et professions ont expliqué que les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de faire des choix qui tiennent compte de la conciliation travail-famille.

Les femmes continuent d’effectuer une part plus grande du travail non rémunéré. Statistique Canada signale qu’en 2005, les femmes de 25 à 54 ans consacraient en moyenne près de deux heures par jour de plus que les hommes à du travail non rémunéré[61]. Ces chiffres confirment les témoignages entendus par le Comité. Ainsi, la Dre Kathleen Gartke, présidente sortante de la Fédération des femmes médecins du Canada, a dit au Comité : « Les hommes qui ont de jeunes enfants travaillent plus longtemps, alors que les femmes qui en ont travaillent, au contraire, moins longtemps. Pour ce qui est des médecins sans personne à charge, les hommes et les femmes travaillent le même nombre d’heures[62]. »

Le temps plus long consacré au travail non rémunéré pose aussi problème aux femmes qui travaillent dans les métiers spécialisés. Statistique Canada a récemment cherché à savoir pourquoi les femmes et les hommes abandonnaient les programmes d’apprentissage. Il est ressorti que les hommes étaient plus susceptibles de décrocher pour des raisons financières et parce qu’ils avaient reçu une meilleure offre d’emploi et que les femmes le faisaient d’abord et avant tout à cause de leurs obligations familiales.

Mme Jacinthe Guay, agente de liaison à Dimension Travail, a expliqué en quoi ce travail non rémunéré limite les perspectives des femmes dans les emplois non traditionnels :

Les métiers non traditionnels fonctionnent selon le modèle du travailleur idéal. Ce travailleur idéal n’existe pas. C’est un travailleur qui est disponible en tout temps pour travailler sur des quarts de travail rotatifs, par exemple, pour commencer très tôt le matin alors que les garderies ne sont pas ouvertes ou encore pour faire du temps supplémentaire lorsque cela est requis. Pour la plupart des femmes, ce n’est pas possible[63].

Les femmes optent pour des situations d’emploi qui leur offrent la souplesse nécessaire pour concilier le travail et la famille :

[J]e pense qu’il est juste de dire que, chaque fois que les médecins sont capables de travailler dans un contexte de collaboration, entre collègues de la même discipline ou avec des confrères et des consoeurs d’autres disciplines, le travail est manifestement moins stressant quand il peut être réparti et que l’on sait qu’il n’y a pas de mal à prendre un après-midi de congé, par exemple[64].

Des organisations comme la GRC, qui ont fait d’énormes progrès dans le recrutement des femmes, ont instauré différentes mesures pour les garder dans leurs rangs :

La GRC offre divers avantages sociaux qui visent à permettre un bon équilibre entre le travail et la famille pour ses employés, comme le congé parental, le congé pour raison de famille et le travail à temps partiel. Ces programmes sont accessibles pour tous les employés [65].

Le Comité a appris que les hommes de la nouvelle génération sont plus soucieux que leur père de réaliser un équilibre entre le travail et la famille. Mme Marie Carter, chef des opérations à Ingénieurs Canada, a signalé que, pour la jeune génération, « les hommes autant que les femmes […] sont à la recherche de cet équilibre[66] ».

La plupart des témoins ont indiqué que la garde des enfants constituait un obstacle de taille, ce qui est encore plus vrai pour les Métis et les autres Autochtones en raison de la forte proportion de familles monoparentales dans leurs communautés. Theresa Weymouth, coordonnatrice nationale du Programme d’éducation, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l’automobile, a expliqué que l’accès limité aux services de garde est « un énorme obstacle à l'entrée des femmes dans les métiers non traditionnels. Si nous ne changeons pas notre environnement pour les femmes, que nous ne commençons pas à leur fournir des occasions d'emploi sans ériger des obstacles insurmontables — avoir à choisir entre des services de garde de qualité et un emploi ou des emplois multiples au salaire minimum, constitue pour elles un obstacle insurmontable — alors, c'est une situation dans laquelle tout le monde est perdant[67] ».

Pour accroître la présence des femmes dans les professions non traditionnelles, il faudra donner aux femmes le soutien nécessaire à la conciliation travail-famille.

8.    Le Comité recommande que le gouvernement fédéral renforce les dispositions relatives aux prestations spéciales du programme d’assurance-emploi afin de mieux protéger les personnes qui prennent soin de membres de la famille et qu’il œuvre avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour faire en sorte que les codes et pratiques en matière de travail tiennent compte de la nécessité de la conciliation travail-famille.

9.   Le Comité recommande qu’en consultation avec les provinces et territoires, le gouvernement fédéral finance un programme abordable et coordonné à l’échelle nationale d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dans les provinces et territoires où il n’en existe pas déjà un, et qu’il accorde le même niveau de financement pour les programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants déjà administrés par une province ou un territoire.

Ces mesures non seulement rendraient les emplois non traditionnels plus attirants pour les femmes, mais profiteraient aussi à l’ensemble des travailleurs, hommes et femmes. À défaut de répondre à ces besoins, il sera extrêmement difficile de s’attaquer à la sous‑représentation des femmes dans les emplois non traditionnels.

Le Comité a été impressionné par le nombre d’initiatives prises au pays pour accroître la présence des femmes dans les emplois non traditionnels.

Il nourrit l’espoir que la mise en œuvre des recommandations du présent rapport améliorera la cohésion de ces efforts et contribuera à la création d’une solide réserve de femmes talentueuses bien préparées pour aider le Canada à combler ses besoins en main-d’œuvre.



[52]           Mme Wendy Cukier, More Than Just Numbers, Revisited: An Integrated, Ecological Strategy to Promote and Retain Women in Technology, Diversity Institute for Management and Technology, p. 6. [traduction]

[53]           Dre Kathleen Gartke (présidente sortante, Fédération des femmes médecins du Canada), Témoignages, 19 avril 2010.

[54]           Mme Lorraine Phaneuf (directrice principale, Status of Women Council of the Northwest Territories), Témoignages, 22 mars 2010.

[55]           Mme Mary Ann Mihychuk (présidente, Women in Mining Canada), Témoignages, 14 avril 2010.

[56]           Ibid.

[57]           Mme Hiromi Matsui (ancienne présidente, Coalition canadienne des femmes en ingénierie, sciences, métiers et technologie), Témoignages, 22 octobre 2009.

[58]           Ces questions relèvent en général des codes du travail provinciaux.

[59]           Mme Theresa Weymouth (coordonnatrice nationale, Programme d’éducation, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l’automobile), Témoignages, 29 mars 2010.

[60]           Mme Jacinthe Guay (agente de liaison, Dimension Travail), Témoignages, 17 mars 2010.

[61]           Statistique Canada, 2008, no 89-630-X au catalogue, Les femmes au Canada consacrent-elles, aujourd’hui encore, plus de temps que les hommes aux travaux ménagers?

[62]           Dre Kathleen Gartke (présidente sortante, Fédération des femmes médecins du Canada), Témoignages, 19 avril 2010.

[63]           Mme Jacinthe Guay (agente de liaison, Dimension Travail), Témoignages, 17 mars 2010.

[64]           Dre Anne Doig (présidente, Association médicale canadienne), Témoignages, 19 avril 2010.

[65]           Surintendante Louise Lafrance (directrice, Programme national de recrutement, Gendarmerie royale du Canada), Témoignages, 14 avril 2010.

[66]           Mme Marie Carter (chef des opérations, Ingénieurs Canada), Témoignages, 14 avril 2010.

[67]           Mme Theresa Weymouth (coordonnatrice nationale du Programme d’éducation, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l’automobile), Témoignages, 29 mars 2010.