HESA Rapport du Comité
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Rapport dissident du Parti libÉral
Comme nous avons pu le constater lors de la pandémie de grippe H1N1 et de la pénurie d'isotopes et comme le révèlent aujourd'hui les taux élevés de tuberculose dans les collectivités des Premières nations et des Inuits, la réaction du gouvernement conservateur à l'égard des questions touchant la santé consiste à s'envelopper dans un cocon constitutionnel en refusant de reconnaître sa responsabilité et son mandat en ce qui a trait à la santé des Canadiens.
Le refus du gouvernement d'accepter toute responsabilité pour la santé des Canadiens n'est pas nouveau. En juin 2008, nous avons produit un rapport dissident pour accompagner le rapport intitulé Examen, prévu par la loi, du Plan décennal pour consolider les soins de santé, et nous avons fait remarquer ce qui suit : « Ayant adopté la position tout à fait rigide que la santé est une compétence provinciale, le gouvernement conservateur refuse d'y participer. La santé des Canadiens est manifestement une sphère de compétence qui intéresse tous les ministères, tous les ordres de gouvernement et tous les secteurs. Il n'y a pas à Ottawa de partenaire pour la santé et les soins de santé. » Nous pourrions formuler ces mêmes observations aujourd'hui.
À chaque question touchant la santé, le gouvernement reprend les mêmes vieux refrains : « Nous collaborons avec les provinces et les territoires », « la prestation des soins de santé relève des provinces et des territoires », « il s'agit d'un domaine de compétence provinciale et territoriale ».
Si le gouvernement travaillait réellement en collaboration avec les provinces et les territoires ainsi que les intervenants sur le terrain, et qu'il écoutait le témoignage concluant des nombreux experts qui comptent des années d'expérience dans la lutte contre la tuberculose, il entendrait les plaidoyers pour un leadership fédéral. Il comprendrait également que le rôle du gouvernement fédéral consiste à appuyer et à offrir des solutions et non à faire de l'obstruction.
Si le gouvernement tenait compte de l'information importante présentée au Comité permanent de la santé lors de son audience du 20 avril, et qu'il prenait des mesures en conséquence, il contribuerait à améliorer considérablement la prévention et le traitement de la tuberculose dans les collectivités des Premières nations et des Inuits du Canada.
Vu l'absence de leadership de la part du gouvernement conservateur, le présent rapport vise à faire en sorte que les taux élevés de tuberculose soient considérés comme un problème urgent qui nécessite une intervention d'urgence (étant donné que dans certains cas, les taux sont comparables à ceux d'il y a un siècle et à ceux que connaissent aujourd'hui certains pays de l'Afrique subsaharienne), que la stratégie de lutte contre la tuberculose prenne en compte les Inuits et les Métis, et que les questions liées à la compétence soient clarifiées de manière que la responsabilité ne soit pas déviée et que des citoyens ne soient pas victimes des défaillances du système et finissent par en souffrir.
Au cours des cinq dernières années, 42 millions de dollars ont été consacrés à des programmes de lutte contre la tuberculose et pourtant, les taux d'infection continuent d'augmenter. Nous voulons nous assurer qu'à l'avenir, les fonds sont mieux utilisés - qu'ils sont affectés aux régions et comportent de véritables objectifs et une véritable responsabilité.
Comme ce fut le cas lors de la crise de la grippe H1N1, la formule des quatre C, à savoir la collaboration, la coopération, la communication et la clarté quant au rôle de chacun, énoncée dans le rapport de David Naylor à la suite de la crise du SRAS, n'a pas été respectée pour s'attaquer au problème de tuberculose dans les collectivités des Premières nations et des Inuits.
Les différends relatifs à la compétence sont tout simplement injustifiables quand ils concernent une maladie aussi dévastatrice et potentiellement mortelle que la tuberculose, maladie à l'égard de laquelle le Canada s'est engagé à respecter des normes internationales.
Le Canada a le devoir et la responsabilité morale de travailler en collaboration avec les Autochtones canadiens afin de réduire l'incidence de la tuberculose, compte tenu du fait que les taux de maladie sont considérablement plus élevés chez les Premières nations (26,6 cas pour 100 000 personnes) et les Inuits (57,5 cas pour 100 000 personnes) que les citoyens non autochtones nés au Canada (0,8 cas pour 100 000 personnes).
Lors de son témoignage, le docteur Earl Hershfield a donné un exemple du problème en déclarant que la section manitobaine de la DGSPNI s'était « déchargée de sa responsabilité en passant un contrat avec l'Office régional de la santé de Winnipeg en ce qui a trait à la prestation des services dans les réserves ». Il a précisé : « À mon sens, l'Office régional de la santé de Winnipeg doit s'occuper de la santé de Winnipeg. Je ne comprends pas du tout ce que ces gens font dans les réserves. » Il a ajouté : « Il n'y a pas de programme régulier de lutte contre la tuberculose, auquel seraient dédiés un directeur et des subordonnés. C'est l'un des problèmes qui se pose au Manitoba, et c'est pour cette raison, à mes yeux, que le Manitoba a le taux de tuberculose le plus élevé du Canada, après le Nunavut. »
La lutte contre la tuberculose est simple et fondée sur la norme mondiale visant à détecter les nouveaux cas, guérir les malades, dépister les infections, prévenir l'évolution vers la maladie clinique et assurer la surveillance des groupes à risque. Il incombe à la ministre de la Santé de veiller à ce que les provinces et territoires appliquent des mesures d'intervention coordonnées. Pour assurer la collaboration entre les compétences, nous recommandons ce qui suit :
- que la ministre fédérale de la Santé convoque les ministres provinciaux de la Santé et les dirigeants des organisations autochtones nationales à une réunion d'urgence afin de procéder à un examen honnête des questions de compétence et des processus qui peuvent être à l'origine des taux actuels de tuberculose parmi les Autochtones du Canada;
- que les ministres provinciaux et territoriaux des Affaires autochtones et le ministre fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien organisent une réunion des premiers ministres portant sur les déterminants sociaux de la santé;
- que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux incluent les Métis dans leurs programmes et stratégies de lutte contre la tuberculose dans les collectivités autochtones;
- qu'un seul programme harmonisé de lutte contre la tuberculose soit établi dans chaque province et territoire et qu'il s'adresse tant aux Autochtones qu'aux personnes non autochtones; ce programme doit rendre des comptes au médecin-hygiéniste en chef de la province ou du territoire, lequel assume la responsabilité du programme, et faire l'objet d'une évaluation annuelle fondée sur les résultats attendus dont les provinces doivent assumer la responsabilité.
Nous croyons que le Réseau de santé publique mis en place à la suite de la crise du SRAS doit être établi en bonne et due forme et chargé de diriger les mesures d'intervention en cas de poussée épidémique menaçant la santé publique. Ce réseau serait dirigé par l'Agence de la santé publique du Canada et relèverait de l'administrateur en chef de la santé publique du Canada. Il s'acquitterait des fonctions suivantes :
- réviser et revoir la stratégie nationale d'élimination de la tuberculose chez les Premières nations; il est inacceptable que la Stratégie de lutte antituberculeuse élaborée à l'hiver 2009 indique dans l'annexe 9 que la stratégie de lutte contre la tuberculose de la DGSPNI est toujours en chantier;
- définir de toute urgence un programme et une stratégie de lutte antituberculeuse - cernant le problème, établissant un échéancier et comportant des mesures à prendre - assortis d'objectifs et d'indicateurs de rendement mesurés à l'échelon provincial, territorial et régional de manière à déterminer si les directions régionales exécutent le programme conformément aux normes nationales et internationales en matière de prévention et de lutte contre la tuberculose. Le rendement à cet égard doit faire l'objet d'une évaluation annuelle;
- concevoir une stratégie d'urgence pour dépêcher immédiatement des équipes à l'épicentre des éclosions de tuberculose afin qu'elles procèdent à des évaluations aux fins de prendre des mesures correctives;
- faire des collectivités des Premières nations et des Inuits des partenaires à part entière dans l'élaboration de programmes et de stratégies de lutte contre la tuberculose;
- veiller à ce que les objectifs, les cibles de rendement et un processus d'évaluation soient clairement établis en fonction des résultats attendus et selon les normes nationales et internationales; les données de chaque évaluation provinciale ou territoriale doivent être accessibles et communiquées à tous les groupes concernés (gouvernement, organismes non gouvernementaux, milieux universitaires et médecins, de même que collectivités et organisations autochtones) et servir de fondement aux modifications apportées en vue d'améliorer les résultats; une conférence nationale de concertation devrait être organisée afin de définir les objectifs de programme et les indicateurs de rendement;
- faire en sorte que les 47 000 $ nécessaires pour traiter chaque cas de tuberculose (comme l'indique l'ébauche de stratégie antituberculeuse du Canada de l'hiver 2009) soient facilement accessibles;
- instaurer des programmes de lutte antituberculeuse qui établissent un véritable partenariat avec les gens de toutes les collectivités et groupes sociaux, le soutiennent et le font progresser afin de renforcer leurs capacités de façon que ces collectivités prennent elles-mêmes leurs problèmes en main et trouvent des solutions. Le renforcement des capacités dans le cadre de partenariat avec les collectivités nécessitera un investissement dans la formation d'auxiliaires en santé communautaire et devrait permettre le rétablissement d'un bassin de travailleurs de la santé qualifiés, respectés, rémunérés et soutenus;
- s'attaquer, dans le cadre de sa stratégie globale de réduction des taux de tuberculose dans les collectivités des Premières nations et des Inuits, aux déterminants sociaux de la santé, notamment la pauvreté, le surpeuplement, l'insalubrité des logements, la mauvaise alimentation, le VIH/sida et le diabète sucré; il n'est plus possible de faire abstraction des déterminants sociaux, mais les retards dans l'amélioration de la situation ne peuvent servir de prétexte pour ne pas mettre en ouvre dès maintenant des programmes de lutte antituberculeuse solides, durables et mesurables.
Enfin, nous aimerions soulever une question sur laquelle le Comité ne s'est pas penché : l'épidémie de co-infection de VIH/sida et de tuberculose. Bien que l'incidence de VIH ait diminué dans la population canadienne, les taux de VIH n'ont pas cessé d'augmenter dans les collectivités des Premières nations et des Inuits.
Les Autochtones ne représentent que 3,3 % de la population canadienne, mais ils avaient un taux d'infection de 5 à 8 % et étaient touchés dans une proportion de 6 à 12 % par les nouveaux cas d'infection au VIH au Canada en 2002.
Les personnes atteintes du VIH sont 50 fois plus susceptibles de développer la tuberculose que celles qui n'ont pas le VIH pour les raisons suivantes : 1) le VIH touche le système immunitaire et augmente le risque d'infection tuberculeuse; 2) il favorise la progression d'une infection tuberculeuse latente vers la maladie et la rechute de patients ayant déjà été traités.
Nous croyons que le diagnostic et le traitement du VIH/sida sont essentiels tout comme le sont le diagnostic et le traitement de la tuberculose.
Pour terminer, nous croyons que les taux élevés de tuberculose dans les collectivités des Premières nations et des Inuits est un problème urgent auquel il faut s'attaquer au moyen d'une formule axée sur la communication, la collaboration, la coopération et la clarté quant au rôle de chacun et aux échéanciers à respecter entre tous les ordres de gouvernement et les collectivités des Premières nations et des Inuits. Le gouvernement fédéral doit cesser de se dérober à sa responsabilité; il doit jouer un rôle de leadership dans la promotion de cette collaboration grâce à l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre la tuberculose dans les collectivités des Premières nations et des Inuits. Leadership fédéral n'est pas synonyme d'obstruction. Ces questions sont si urgentes qu'elles exigent l'adoption immédiate de mesures correctives et l'attention d'un comité interministériel fédéral. Un point de départ essentiel de cette stratégie est l'établissement en bonne et due forme du Réseau de santé publique.