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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 5 -- DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS

Le chapitre 1 a présenté des renseignements historiques sur les restrictions relatives à la propriété étrangère des entreprises de télécommunications au Canada. Le chapitre 2 a abordé quelques-unes des dimensions économiques de ces restrictions, en particulier la façon dont certaines particularités du marché canadien des télécommunications pourraient être améliorées par la levée des restrictions relatives à la propriété étrangère. Le chapitre 3 s’est attardé aux enjeux sociaux et en matière d’équité du maintien du statu quo ou de l’élimination des restrictions pour les entreprises de télécommunications, et le chapitre 4 a exposé les répercussions éventuelles de l’élimination des restrictions sur la souveraineté du Canada. La question des restrictions sur la propriété étrangère dans l’industrie canadienne des télécommunications n’est pas simple, et les tenants des deux points de vue alimentent considérablement le débat. Le présent chapitre résume les différents avis et présente la position du Comité et ses recommandations.

A. Réunir tous les éléments

Dans l’ensemble, la performance de l’industrie canadienne des télécommunications est insatisfaisante. Selon le Comité, la faible pénétration de la téléphonie sans fil et les progrès décevants des dernières années au chapitre de la large bande indiquent que tout n’est pas rose dans l’industrie canadienne des télécommunications (au chapitre des prix, des services offerts et de l’environnement général de la concurrence). Comme on l’a expliqué au chapitre 2, les restrictions relatives à la propriété étrangère pénalisent de manière disproportionnée les nouveaux venus et les acteurs modestes en raison de leur effet sur les coûts du capital; par conséquent, ils sont moins susceptibles de concurrencer de façon efficace les entreprises titulaires importantes. De plus, du point de vue macroéconomique, l’investissement direct de l’étranger présente des avantages et peut entraîner une augmentation de la productivité, stimuler la concurrence et abaisser les prix. L’argument économique en faveur de la levée des restrictions des restrictions est donc sans équivoque.

Certains témoins ont indiqué que l’élimination des restrictions concernant la propriété étrangère des entreprises de télécommunications pourrait cependant causer ce qui suit :

  • pertes d’emploi dans les sièges sociaux;
  • effets négatifs sur les résidants des régions rurales et éloignées résultant d’une concurrence féroce dans les centres urbains;
  • augmentation temporaire de la concurrence menant ultimement à la propriété étrangère d’entreprises de télécommunications canadiennes et à l’accentuation de la concentration du marché.

Les économistes prétendent habituellement que si ces éléments posent de véritables problèmes, il est possible de les surmonter en adoptant des mesures plus efficientes (p. ex. des subventions directes ou une réglementation), plutôt qu’en imposant des restrictions sur la propriété étrangère. Ceux qui s’opposent à cet argument prétendent, quant à eux, que rien ne garantit que l’élimination des restrictions relatives à la propriété étrangère des entreprises de télécommunications mènera aux règlements de ces problèmes.

Maintenir les restrictions pour les EDR, mais les éliminer pour les entreprises de télécommunications pose par ailleurs un problème d’équité à l’égard des fournisseurs intégrés, qui se trouveraient forcés de scinder leurs filiales de télécommunications pour se placer sur un pied d’égalité, du point de vue de la concurrence, avec des entreprises non diversifiées bénéficiant d’un accès illimité au capital étranger. Ce dernier élément est important, puisqu’il renvoie directement à la réaction en chaîne et à la souveraineté culturelle du Canada dont il a été question précédemment. De fait, ceux qui s’opposent à l’élimination des restrictions ont indiqué qu’à l’ère de la convergence technologique et des activités commerciales, lever les restrictions sur la propriété étrangère pour un secteur de l’industrie des télécommunications provoquerait une réaction en chaîne qui aurait des répercussions négatives irrémédiables sur le contenu canadien de radiodiffusion (et, par ricochet, sur la souveraineté culturelle du Canada). Des pressions seraient d’abord exercées pour qu’on libéralise la distribution de la radiodiffusion et permette ainsi à ces entreprises d’être sur le même pied que les entreprises de télécommunications, ce qui, ultimement, se répercuterait sur le contenu de la radiodiffusion. Ces répercussions éventuelles sur le contenu canadien ont été qualifiées de « problème criant » par la directrice exécutive de la Writers Guild of Canada, Maureen Parker. Avant de formuler ses recommandations, le Comité aimerait approfondir cette question.

B. L’amincissement de la marge entre Internet et la télévision

La convergence technologique, loin de se stabiliser, s’accélère comme jamais. Ces dernières années, elle a favorisé la création de liens considérables entre Internet et la télévision. Désormais, on reconnaît que le mouvement se poursuivra jusqu’à la convergence complète des deux médias, ce qui se produira, peu importe l’issue du débat sur la propriété étrangère dans l’industrie des télécommunications. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un problème criant et que les sociétés s’affairent activement à se préparer à cette ultime convergence. C’est ce qu’a affirmé le président-directeur-général de Rogers Communications, dans son rapport annuel de 2009 :[53]

La transformation en cours de notre industrie est marquée par des frontières plus floues entre le filaire et le sans-fil; entre l’écran de télévision, l’écran d’ordinateur et l’écran du téléphone intelligent; entre l’engouement du temps réel et la commodité du différé. Elle a pour points saillants un contenu plus riche, une mobilité accrue et un surcroît de vitesse sur la plateforme de choix de nos clients. Elle consiste à proposer des contenus numériques sur de multiples plateformes fondées sur le protocole Internet. [...]
À mesure que notre industrie se transforme, elle est appelée à se définir en fonction de la conjugaison de la large bande et du sans-fil dans un univers entièrement IP, ouvrant la voie à de nouvelles façons d’interagir, de nouer des contacts et de consommer l’information, les communications et les divertissements, tout en facilitant le croisement entre le contenu et la distribution. L’avenir sera de plus en plus marqué par les consommateurs désireux d’avoir accès aux médias et de communiquer partout, en tout temps, de n’importe où.

La préparation à cette fusion d’Internet et de la télévision ne se limite pas aux distributeurs de signal de radiocommunication, ni aux entreprises privées. Le Comité note, par exemple, le lancement du site Web tou.tv de Radio-Canada, en collaboration avec 9 autres radiodiffuseurs et 11 producteurs francophones, qui offre une programmation haute définition en français, sur demande et sans frais (dont la version française de séries américaines populaires telles que Beautés désespérées et Perdus).

Il convient de souligner que le CRTC a déterminé, en 1999, que la transmission d’émissions par Internet (les entreprises de radiodiffusion néomédiatique) constituait de la « radiodiffusion » au sens de la Loi sur la radiodiffusion[54]. Le CRTC a rendu une ordonnance d’exemption selon laquelle les entreprises de radiodiffusion néomédiatique ne sont pas tenues de se soustraire aux règlements prévus par la Loi. Elles n’ont donc pas besoin de s’inscrire auprès du CRTC et ne sont pas assujetties aux exigences en matière de contrôle et de propriété canadienne, ni aux niveaux minimums de contenu canadien. Après une série de consultations, l’exemption a été renouvelée en grande partie en 2009[55]. Dans la même veine, le CRTC a demandé, en 2009, à la Cour d’appel fédérale de déterminer si des fournisseurs de services Internet qui sont des entreprises de télécommunications[56] constituent, en tout ou en partie, des « entreprises de radiodiffusion » assujetties à la Loi sur la radiodiffusion (au moment de la rédaction du présent rapport, la Cour d’appel fédérale n’avait toujours pas rendu sa décision). La figure 5 montre le cheminement actuel du contenu de radiodiffusion dans le contexte de la décision de 2009 du CRTC et de la convergence entre Internet et la télévision.

Figure 5 — Cheminement du contenu de radiodiffusion dans un contexte de
convergence : amincissement de la marge entre Internet et la télévision

Figure 5 — Cheminement du
    contenu de radiodiffusion dans un contexte de convergence : amincissement
    de la marge entre Internet et la télévision

Les enjeux posés par la convergence entre Internet et la télévision pour le secteur de la radiodiffusion du Canada sont si importants qu’ils pourraient aller bien au-delà des effets de toute réaction en chaîne provoquée par l’élimination des restrictions relatives à la propriété étrangère dans le domaine des télécommunications. Lorsque la convergence d’Internet et de la télévision sera complète, rien ne pourrait empêcher des entreprises contrôlées et détenues par des intérêts étrangers de distribuer et de promouvoir vigoureusement leur contenu de radiodiffusion par Internet à un auditoire canadien. Cela risque donc de compromettre énormément le contenu canadien et complique davantage la protection et la promotion de la souveraineté culturelle canadienne. Les économistes indiqueraient sans doute que toute innovation technologique considérée comme économiquement souhaitable, mais ayant un effet négatif sur un objectif sociétal — dans ce cas-ci, la distribution et la promotion du contenu canadien — devrait faire l’objet de subventions directes qui contrecarreraient les externalités négatives.

Par conséquent, même si l’élimination des restrictions relatives à la propriété étrangère pour les entreprises de télécommunications et de distribution de radiodiffusion permettrait d’accroître la concurrence, d’améliorer les services et de baisser les prix,il est aussi urgent de répondre à la question suivante : quelle est la meilleure façon de protéger et de promouvoir la souveraineté culturelle du Canada en ce qui a trait au contenu de radiodiffusion, dans le contexte d’une convergence éventuelle complète d’Internet et de la télévision?

À la lumière des témoignages qui lui ont été présentés et de la discussion qui précède, le Comité est d’avis que le gouvernement du Canada devrait étudier les recommandations suivantes :

Recommandation 1

Clarifier l’interprétation de l’exigence de « contrôle de fait ».

Recommandation 2

Supprimer les restrictions relatives à la propriété étrangère à l’égard de la propriété ou de l’exploitation de satellites au Canada puisque les sociétés canadiennes de communications par satellite (comme Télésat) sont déjà exposées à la concurrence de sociétés étrangères sur le marché canadien.


[53] Rogers Communications Inc., rapport annuel de 2009, p. 2.

[55] Politique règlementaire de radiodiffusion CRTC 2009-329, http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2009/2009-329.htm.

[56] Selon l’article 2 de la Loi sur les télécommunications, « entreprise de télécommunication » signifie « propriétaire ou exploitant d’une installation de transmission grâce à laquelle sont fournis par lui-même ou une autre personne des services de télécommunication au public moyennant contrepartie ». Ordonnance de radiodiffusion CRTC 2009-452, par. 7, juillet 2009, http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2009/2009-452.htm.