INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 2 -- LES RESTRICTIONS RELATIVES À LA PROPRIÉTÉ ÉTRANGÈRE -- LA DIMENSION ÉCONOMIQUEIl serait sans doute inutile d’étudier la dimension économique de la suppression des exigences de propriété canadienne si le secteur des télécommunications du Canada était considéré comme un leader mondial sur le plan des prix, du niveau des services et de la pénétration de la téléphonie mobile. Or, les analystes des deux camps de la question de la propriété étrangère trouvent l’industrie canadienne des télécommunications (notamment le secteur de la téléphonie mobile) trop « satisfaite d’elle-même »[33] et constatent qu’elle enregistre des marges bénéficiaires plus élevées que la « normale ». Nous examinerons donc ici certaines des particularités du marché canadien des télécommunications qui ont été invoquées par les témoins que nous avons entendus pour justifier l’abrogation des restrictions relatives à la propriété étrangère. Nous analyserons ensuite les arguments avancés par certains témoins pour expliquer en quoi l’élimination des restrictions relatives à la propriété étrangère améliorerait la situation. A. Particularités du marché canadien des télécommunications(i) Accès et utilisationD’après une étude publiée en 2009 par l’Union internationale des télécommunications (UIT)[34], sur 154 pays, le Canada arrive au 19e rang sur le plan du développement des TIC (données de 2007). Pour effectuer ce classement, l’UIT a conçu un indice de développement des TIC qui prend en compte les facteurs suivants :
Le Canada était pourtant au 9e rang en 2002, ce qui veut dire qu’il a perdu 10 places dans le classement. Parmi les 40 pays en tête du classement en 2007, c’est le Canada qui a perdu le plus de terrain, mais la Chine et la Belgique viennent tout de suite derrière : elles ont perdu chacune 9 places. Il est important de noter que l’indice de développement des TIC du Canada s’est quand même amélioré entre 2002 et 2007, mais beaucoup moins que celui des autres pays. Les États-Unis sont à deux places devant le Canada, au 17e rang, tandis que l’Australie, souvent considérée comme le « pays frère » du Canada sur le plan de la superficie et de la densité de population, devance le Canada de cinq places. Pour ce qui est de la composante « accès » de l’indice de développement des TIC, le Canada se trouve au 15e rang (comme en 2002), devançant l’Australie de quatre places et les États-Unis de six. Sur le plan de la composante « utilisation de TIC », le Canada est au 21e rang, à neuf places derrière l’Australie et cinq places derrière les États-Unis. Comme il se trouvait au quatrième rang à ce chapitre en 2002, force est de conclure que cette composante est largement responsable du piètre développement des TIC au Canada entre 2002 et 2007. Le tableau 1 résume les résultats de l’étude de l’UIT pour cinq pays. Si le Canada devançait dans l’ensemble les pays présentés au tableau 1 (à l’exception de la Suède) en 2002, en 2007, il était le plus souvent derrière. Tableau 1 — Classement de certains pays dans l’étude du développement des TIC, 2002 et 2007
Source : Measuring the Information Society — The ICT Development Index, Union internationale des télécommunications, 2009. L’étude de l’UIT brosse un tableau général de l’état de développement des technologies de l’information et de la communication dans les divers pays. Cependant, lors des audiences du Comité, la discussion a porté essentiellement sur le sans-fil. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie les Perspectives des communications de l’OCDE, document dans lequel elle présente des chiffres sur la pénétration du mobile cellulaire. D’après le numéro de 2009 de ce document[35], le Canada arrivait dernier en 2007 sur les 30 pays observés sur le plan du nombre d’abonnés aux services mobiles cellulaires pour 100 habitants. Avec 62,1 abonnés pour 100 habitants, il est juste derrière le Mexique (65,1 abonnés pour 100 habitants), mais loin derrière les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni et la Suède, comme on le voit au tableau 2. Il importe de noter que, suivant l’étude de l’OCDE, le Canada se trouvait au 27e rang sur le plan de la pénétration des services mobiles en 2002. Tableau 2 — Abonnés aux services
mobiles cellulaires
Source : Perspectives des communications de l’OCDE 2009. Comme on l’a constaté durant les audiences, si le Canada tire en général de l’arrière quant à la pénétration des services mobiles cellulaires, il se trouve dans le peloton de tête au chapitre des abonnements aux services à haut débit. On constate au tableau 3 que le Canada devance en général ses pairs à ce chapitre. Cela dit, l’avance du Canada s’est amenuisée considérablement entre 2002 et 2007, et beaucoup de pays le talonnent maintenant. Tableau 3 — Nombre d’abonnés aux services à haut débit pour 100 habitants, 2002 et 2007
Source : Perspectives des communications de l’OCDE 2009. En outre, suivant une étude publiée en février 2010 par le Berkman Centre for Internet and Society de l’Université Harvard, sur 30 pays de l’OCDE, le Canada arrive au 16e rang sur le plan de la pénétration des services à haut débit et au 17e sur le plan de la vitesse du haut débit. Les auteurs décrivent la pénétration des services haute vitesse au Canada dans les termes suivants[36] : Dans le sommaire de son Rapport de surveillance des communications d’août 2009, le CRTC affirme que le Canada affiche la plus forte proportion de foyers connectés à la large bande parmi les pays du G7. Si le fait est incontestable en soi, plusieurs autres facteurs peuvent compléter le tableau. En décembre 2003, le Canada était au second rang à ce chapitre, derrière la Corée du Sud, mais en septembre 2008, il n’était plus que dixième. Et au chapitre de la rapidité et des prix, il se classe encore moins bien. Le Comité note que les données les plus récentes de l’UIT et de l’OCDE sont des chiffres de 2007 et que les choses peuvent avoir considérablement évolué en trois ans, une éternité dans le monde en effervescence des télécommunications. Il reste que la piètre progression du Canada entre 2002 et 2007 et le taux de pénétration obstinément faible des services mobiles cellulaires sont préoccupants. (ii) Comparaisons des prix à la consommationLes témoins s’accordaient à dire que les prix à la consommation étaient plus élevés au Canada pour certains services sans fil, tels le téléphone cellulaire et l’envoi de télémessages, mais certains soutenaient qu’il est difficile de comparer les prix dans le secteur mondial des télécommunications. En fait, quand il s’agit de comparer des prix entre pays, les services de communications diffèrent d’un produit relativement homogène comme l’essence; la tâche est complexe et les résultats sont souvent largement influencés par la méthodologie. En fait, Internet, le téléphone et le câble sont souvent « groupés » dans un forfait, d’où la difficulté d’estimer le prix exact de chacun. Un bref aperçu des comparaisons de prix à l’échelle internationale semblerait étayer cette affirmation. Des études de l’UIT et de l’OCDE renferment des comparaisons de prix totalement différentes pour certains indicateurs, en particulier le segment de la large bande. Par exemple, dans l’étude de l’UIT[37], le Canada se classait au deuxième rang parmi 29 pays en 2008[38] pour le prix le plus bas des services à large bande. Par contre, dans l’étude de l’OCDE[39], il se classait respectivement aux 22e, 23e et 28e rangs pour les connexions bas débit, débit moyen et haut débit (le prix le plus bas correspond à la première place au classement). En ce qui concerne le prix de la téléphonie fixe, le Canada venait au 18e rang dans l’étude de l’UIT. Dans l’étude de l’OCDE, il occupait le premier rang pour les lignes fixes résidentielles à utilisation élevée, le 3e rang pour l’utilisation modérée et le 6e rang pour la faible utilisation. Dans le segment des lignes fixes commerciales, il était 20e dans l’étude de l’OCDE pour les petits bureaux/à domicile et 15e pour les moyennes entreprises. Dans le segment de la téléphonie mobile, le Canada occupait le 13e rang parmi les 29 pays de l’OCDE étudiés par l’UIT. Selon l’étude de l’OCDE, il venait au 20e rang dans le segment du cellulaire à faible utilisation, au 26e rang pour l’utilisation modérée et au 18e rang pour l’utilisation élevée. Le tableau 4 résume les résultats du Canada et d’autres pays sur le marché de la téléphonie mobile dans les deux études en question (dans le cas de l’étude de l’OCDE, on s’est servi des résultats établis pour l’utilisation modérée). Tableau 4 — Position de certains pays dans la fourchette de prix de la téléphonie mobile (la première place correspond au prix le plus bas)
Source : Measuring the Information Society, Indice de développement des TIC, Union internationale des télécommunications, 2009, et Perspectives des communications de l’OCDE 2009. Dans l’étude de Berkman réalisée en 2010 (mentionnée précédemment), le Canada occupait le 19e rang parmi les 30 pays membres de l’OCDE pour ce qui est de la vitesse de large bande de la génération actuelle. Le Canada y occupait aussi le 18e rang parmi 19 pays pour les vitesses de la future génération. Au sujet de la tarification des services à large bande, on y indique[40] : Selon notre étude des prix à l’échelle des entreprises offrant des services à haute vitesse dans les pays à l’étude, toutes les entreprises canadiennes sauf une se trouvent dans le groupe des vitesses les plus basses et des prix les plus élevés. Compte tenu des contradictions apparentes entre les comparaisons des prix dans certains segments de marché, ces comparaisons doivent être interprétées avec prudence. C’est d’ailleurs ce que plusieurs témoins ont indiqué au Comité. Les témoins semblent toutefois s’entendre sur le fait que les prix des téléphones cellulaires au Canada sont généralement plus élevés qu’ailleurs. Le Comité constate que les résultats des deux études susmentionnées ne contredisent pas cette affirmation. (iii) Niveau de concentrationDe toute évidence, le secteur des télécommunications au Canada est fortement concentré, en particulier le segment des réseaux mobiles, où trois fournisseurs (Rogers, Bell et TELUS) détenaient 95,7 % du marché en 2007[41], d’après les données de l’OCDE. La situation du Canada à cet égard n’est pas unique. Le tableau 5 montre le niveau de concentration des trois plus grands exploitants de réseaux mobiles dans différents pays. Un niveau de concentration élevé constitue la norme plutôt que l’exception. Il faut se garder d’établir à la hâte un lien entre le rendement relativement peu reluisant du Canada d’après le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile et le niveau de concentration dans le secteur, car dans de nombreux pays où les réseaux mobiles sont très concentrés, les niveaux de pénétration sont également très élevés (p. ex. Allemagne, Finlande et Nouvelle-Zélande). Tableau 5 — Part de marché des trois plus grands exploitants de réseaux mobiles dans certains pays, 2007 (pourcentage de la part de marché fondée sur le nombre d’abonnées)
Source : Perspectives des communications de l’OCDE 2009. (iv) Marges d’exploitation dans le secteur du sans-fil et de la distribution de radiodiffusionPlusieurs témoins ont parlé du rendement des capitaux propres et des marges bénéficiaires des trois grandes entreprises de télécommunications au cours des audiences. Les tenants des deux points de vue opposés sur la propriété étrangère ont fait mention d’importantes marges d’exploitation, notamment dans le secteur du sans-fil. La figure 2 renferme des données sur le rendement des capitaux propres de Bell, de Rogers et de TELUS (appelés ci-après les grandes entreprises) pour les dix dernières années. Figure 2 — Rendement des capitaux propres des grandes entreprises de télécommunications du Canada Source : données : Thomson Reuters, MSN Money, http://money.ca.msn.com/; graphique : Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Canada. Les grandes entreprises sont des sociétés de portefeuille œuvrant dans maints segments. Les données du graphique 2 sont donc des données agrégées représentant une moyenne dans l’ensemble des segments. Les témoignages présentés au cours des audiences du Comité ont surtout porté sur les marges bénéficiaires dans le segment du sans-fil et, jusqu’à un certain point, dans le segment de la distribution de radiodiffusion. Les données concernant le segment du sans-fil qui regroupe les grandes entreprises y sont également présentées. Les marges d’exploitation[42] pour ce segment sont indiquées au tableau 6. L’intensité des dépenses en capital, soit les dépenses en capital divisées par les recettes d’exploitation, y est aussi indiquée pour chaque entreprise. Tableau 6 — Marges d’exploitation et intensité des dépenses en capital des grands exploitants du sans‑fil au Canada
Source : Rapports annuels de 2009 (BCE, Rogers, TELUS). La marge d’exploitation correspond à l’excédent brut d’exploitation exprimé en pourcentage des recettes d’exploitation. L’intensité des dépenses en capital correspond aux dépenses en capital exprimées en pourcentage des recettes d’exploitation. La marge d’exploitation moins l’intensité des dépenses en capital équivaut à l’intensité des dépenses en capital moins les dépenses d’exploitation. Pour Rogers, on a utilisé les chiffres concernant les acquisitions de biens, d’usines et d’équipement pour estimer les dépenses en capital. Comme l’indique le tableau 5, le sans-fil procure une marge bénéficiaire élevée, ce qui pourrait expliquer l’intérêt des nouveaux joueurs dans ce segment de marché au Canada. Même après déduction des dépenses en capital, les marges d’exploitation demeurent considérables. Fait important, il semblerait que le marché du sans-fil au Canada soit un « oligopole stable » en raison de la similitude des marges d’exploitation des trois grands joueurs et du peu de disparités entre leurs parts de marché respectives[43]. Par comparaison, dans le marché américain, lui aussi très concentré, le troisième joueur se démène pour conserver sa part de marché et a des marges d’exploitation beaucoup moins grandes que les deux autres grands joueurs. Au Canada, comparativement à d’autres segments, le sans-fil a donné lieu, ces deux dernières années, à un flux de trésorerie disponible plus élevé pour les grandes entreprises. En effet, les marges d’exploitation ont été plus minces et l’intensité des dépenses en capital plus élevée dans le segment de la téléphonie fixe pour Bell et TELUS, grandes entreprises dans ce marché. Celles-ci pouvaient utiliser le flux de trésorerie issu des activités sans-fil, après intérêt et taxes, pour le rachat de créances ou à des fins d’expansion et de réinvestissement. C’est là un facteur non négligeable pour obtenir des capitaux, qui pourrait expliquer, du moins en partie, pourquoi les grandes entreprises se disent non limitées en capital et loin d’avoir atteint leur limite quantitative sur le plan de la propriété étrangère. Au cours des audiences, des témoins ont également indiqué au Comité que la distribution de radiodiffusion était aussi un secteur procurant une grande marge bénéficiaire. Le CRTC publie des données agrégées sur les marges d’exploitation dans ce secteur. Ces données sont présentées au tableau 7. Tableau 7 — Marges d’exploitation
dans le secteur de la distribution de
Source : CRTC, http://www.crtc.gc.ca/fra/publications/reports/branalysis/dist2009/bdu1.htm. Les données financières concernant le sans-fil et la distribution de radiodiffusion laissent supposer que ces secteurs procurent aux grandes entreprises qui y œuvrent un important flux de trésorerie disponible pour de nouveaux investissements. Ce flux « disponible » abaisse leur profil de risque et diminue ainsi le coût du capital. Dans la prochaine section du présent rapport, on examine plus à fond cette question dans le contexte des restrictions relatives à la propriété étrangère. B. Au sujet de certaines caractéristiques du marché : les arguments macroéconomiques en faveur de la suppression des restrictions relatives à la propriété étrangèreDes commentateurs se sont appuyés sur les caractéristiques du marché décrites dans la section précédente pour préconiser la suppression des restrictions relatives à la propriété étrangère. Ils soutiennent qu’un tel changement d’orientation entraînerait en définitive une augmentation de la concurrence au sein du marché canadien du sans-fil, améliorant ainsi certaines caractéristiques du marché. Les rapports précédents sur les restrictions relatives à la propriété étrangère exposent plusieurs arguments macroéconomiques appuyant la suppression. Par exemple, dans le rapport du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications de 2006, on signale que l’entrée et la croissance des entreprises étrangères ajoutent aux pressions qui pèsent sur la compétitivité de toutes les entreprises dans le marché. On y indique aussi que l’investissement étranger peut stimuler l’efficience économique grâce à l’« adoption » de technologies étrangères, aux investissements dans le capital humain et à l’application de nouvelles formules de gestion stratégique par des entreprises du pays[44]. Des représentants d’Industrie Canada et des universitaires ont avancé ces mêmes arguments au cours des audiences. En particulier, le professeur Randall Morck, de l’Université de l’Alberta, a fait état des facteurs de productivité que sont la compétition, la spécialisation et l’innovation; il a aussi expliqué comment les restrictions relatives à la propriété étrangère, conjuguées à chacun de ces facteurs, ralentissent la croissance de la productivité. Le professeur Walid Hejazi, de l’Université de Toronto, a souligné trois points. Premièrement, le rendement récent du Canada comme destination pour l’investissement étranger direct a été fort décevant. Deuxièmement, les télécommunications représentent un secteur clé de l’infrastructure de sorte que l’augmentation de la participation étrangère profiterait probablement à l’ensemble de l’économie canadienne. Troisièmement, il y a un prix à payer pour garder le secteur des télécommunications aux mains des Canadiens : la diminution de la compétitivité et de la prospérité. Le professeur Steven Globerman, de la Western Washington University, a signalé que l’investissement de non‑résidents au pays augmente la productivité dans l’économie hôte. C. Au sujet de certaines caractéristiques du marché : arguments microéconomiques en faveur de la suppression des restrictions relatives à la propriété étrangèreLes entreprises de télécommunications (grandes et petites entreprises, nouveaux venus sur le marché) s’accordaient pour dire que la suppression des restrictions relatives à la propriété étrangère aurait principalement pour effet, à l’échelon de l’entreprise, d’abaisser le coût du capital. Cet aspect est abordé dans les sections suivantes. (i) Un élément décisif : le coût du capitalComme l’affaire de Globalive Wireless (expliquée dans l’introduction) est ce qui a déclenché l’étude réalisée par le Comité, les arguments avancés par les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants dans le segment du sans-fil sont également de nature microéconomique. Leurs observations portaient sur la nécessité de supprimer les restrictions relatives à la propriété étrangère pour abaisser le coût du capital pour eux. L’importance du coût du capital résulte de la nature même du secteur des télécommunications, c’est-à-dire un secteur qui exige et qui a toujours exigé beaucoup de capitaux. Les coûts fixes y sont élevés et l’effet de levier financier généralement considérable. Alek Krstajic, de Public Mobile, a décrit l’ampleur des besoins en capitaux[45] : Il faut tenir compte du fait que nous avons besoin de capitaux pour mettre en place notre réseau, créer notre marque de commerce, établir notre réseau de distribution et ensuite des mouvements de trésorerie. N’oubliez pas que nous sommes des entreprises à revenus ultérieurs nous partons de zéro. Nous sommes comme des enfants qui ont besoin d’être entourés de soins. Nous n’avons pas encore 18 ans. Dans la situation où nous nous trouverons, nous allons avoir besoin de davantage de capitaux, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. L’accès au capital n’est pas le seul problème; nous devons également nous préoccuper des conditions dont est assorti cet accès, et du prix des capitaux. […] le capital est l’élément vital. Le capital est ce qui permet à une entreprise de croître et d’être un concurrent plus féroce. En autorisant Globalive à accéder à des capitaux étrangers, ou à un pourcentage plus élevé de capitaux étrangers, c’est comme si vous l’autorisiez à mettre six joueurs sur la patinoire. Par conséquent, Public Mobile et toutes les autres entreprises du secteur se retrouvent en infériorité numérique. Cela est tout simplement condamnable. Il faut signaler que la réduction du coût du capital est importante pour tous, mais qu’elle est cruciale pour les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants dans le segment du sans-fil. La raison en est que les grandes entreprises peuvent compter sur un flux de trésorerie « disponible » que leur procure leur position. Comme il l’est expliqué dans la section précédente, les grandes entreprises pourraient utiliser le flux de trésorerie de diverses façons, notamment pour financer leur expansion. Le flux de trésorerie qui provient de l’ensemble de leurs actifs actuels constitue pour elles du capital d’autofinancement et diminue leur profil de risque. Ce profil de risque peu élevé abaisse à son tour la prime de risque exigée sur les marchés financiers. Par conséquent, le faible coût du capital pour les grandes entreprises déjà existantes dans le marché du sans-fil pourrait venir de deux voies intimement liées : 1) faible niveau de capital externe exigé en raison du capital d’autofinancement; 2) faible prime de risque exigée sur les marchés financiers. La situation est différente pour les nouveaux venus. Généralement, ils ne peuvent pas compter sur le flux de trésorerie provenant de leurs actifs actuels pour une partie de leurs besoins en capitaux. Presque tout leur capital doit provenir des marchés financiers, ce qui fait du coût du capital un facteur plus critique pour eux que pour les grandes entreprises du sans-fil. (ii) Lien entre le coût du capital et les restrictions relatives à la propriété étrangèreAprès avoir établi qu’il importe d’abaisser le plus possible le coût du capital, en particulier pour les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants, on se demande alors comment les restrictions du Canada quant à la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications peuvent accroître le coût du capital. Comme des témoins l’ont expliqué, on a tout intérêt à diversifier le plus possible les bassins potentiels de capitaux. En raison des restrictions imposées par le Canada à la propriété, les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants sont confinés au marché financier canadien (toujours peu enclin à courir des risques par rapport au marché étranger) pour la majeure partie de leurs besoins en capitaux. Cela représente un désavantage concurrentiel, le modèle d’affaires des petits intervenants et des nouveaux venus indépendants étant foncièrement plus risqué. L’accès à une plus grande diversité de bassins de capitaux pourrait donc abaisser le coût du capital pour eux. Le représentant de Globalive Communications Corporation a illustré comme suit le lien entre le coût du capital et l’accès au capital étranger[46] : On parle beaucoup de la concurrence dans le secteur du sans-fil. Sur le plan des capitaux, la situation est la même : plus le bassin de capitaux disponibles est grand, moins il y a de restrictions structurelles quant à la manière dont ils peuvent être investis, et plus les prix diminueront. En outre, plus vous êtes capable d’atténuer les risques — grâce à la croissance de votre entreprise, de ses revenus et du nombre de ses abonnés —, plus votre entreprise deviendra attrayante. Le coût du capital pour les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants est plus élevé en raison de la limite que les restrictions relatives à la propriété étrangère imposent aux sources de capital possibles. Pour cette raison, les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants ne pourraient peut-être pas représenter une menace concurrentielle sérieuse pour les grandes entreprises dans le marché du sans-fil. Des témoins sont d’avis que, faute de cette menace concurrentielle, les caractéristiques du marché exposées dans les sections précédentes risquent de ne pas s’améliorer. Il n’est pas étonnant que les petits intervenants et les nouveaux venus indépendants (MTS Allstream, Public Mobile, Globalive) aient prôné avec force la suppression des restrictions relatives à la propriété étrangère lorsqu’ils ont comparu devant le Comité et que les grandes entreprises avaient des positions plus nuancées. Bell était en faveur de la réduction à 51 % des exigences applicables à la propriété canadienne et au maintien de la disposition concernant le « contrôle de fait »; Rogers n’avait aucune position officielle sur la nécessité de modifier les règles canadiennes applicables à la propriété étrangère; quant à TELUS, il était favorable à la libéralisation sous réserve de certaines conditions. Des porte-parole des entreprises de distribution de radiodiffusion (Shaw, Rogers) estimaient aussi que le maintien des restrictions actuelles concernant la propriété étrangère avait principalement pour effet d’augmenter le coût du capital. Ils ont toutefois souligné que l’accès au capital ne pose pas problème pour eux en ce moment. On a fait valoir que les restrictions relatives à la propriété étrangère restreignaient de façon quantitative la propriété des actions avec droit de vote, et non d’autres formes de capital, et que, de ce point de vue, les restrictions relatives à la propriété étrangère au Canada n’imposaient pas de graves contraintes à l’approvisionnement en capital étranger. Cependant, des tenants de la suppression des restrictions imposées au capital étranger (professeur Morck, MTS Allstream) ont indiqué que cela ne tenait pas compte de facteurs importants :
[33] C’est le mot qu’a employé Richard Paradis (président, Groupe CIC) quand il a comparu devant le Comité, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes,Témoignages, 3e session, 40e législature, 30 mars 2010, 0915. [34] Measuring the Information Society — The ICT Development Index, 2009, Union internationale des télécommunications, 96 pages, http://www.itu.int/net/pressoffice/backgrounders/general/pdf/5.pdf. [35] Perspectives des communications de l’OCDE 2009, http://browse.oecdbookshop.org/oecd/pdfs/browseit/9309032E.PDF. [36] Next Generation Connectivity: A Review of Broadband Internet Transitions and Policy from Around the World, rapport final, février 2010, Berkman Centre for Internet and Society at Harvard University, p. 168, http://cyber.law.harvard.edu/sites/cyber.law.harvard.edu/files/Berkman_Center_Broadband_Final_Report_15Feb2010.pdf. [37] En ce qui concerne la méthodologie utilisée dans l’étude du l’UIT, les problèmes de « taux de change variable » et ceux reliés au niveau du revenu ont été éliminés en exprimant les prix en pourcentages du revenu national brut par habitant. [38] Pour établir des comparaisons entre les deux études, on a tenu compte uniquement des pays étudiés par les deux organismes. [39] L’étude de l’OCDE compare les prix en dollars américains en utilisant le taux de change parité des pouvoirs d’achat. [40] Next Generation Connectivity: A Review of Broadband Internet Transitions and Policy from Around the World, rapport final, février 2010, Berkman Centre for Internet and Society at Harvard University, p. 168, http://cyber.law.harvard.edu/sites/cyber.law.harvard.edu/files/Berkman_Center_Broadband_Final_Report_15Feb2010.pdf. [41] D’après le nombre d’abonnés. [42] Signalons que « marge d’exploitation » n’est pas synonyme de « profits ». Elle correspond à l’« excédent brut d’exploitation » (EBE). [43] Selon le CRTC, la part du marché des abonnés au sans-fil de Rogers s’établissait à 38 % en 2008, tandis que Bell et TELUS détenaient chacune 27 %. CRTC, Rapport de surveillance des communications 2009, p. 249, http://www.crtc.gc.ca/fra/publications/reports/policymonitoring/2009/2009MonitoringReportFinalFr.pdf. [44] Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, Postface, rapport final — 2006. [45] Comité, Témoignages, 3e session, 40e législature, 20 avril 2010. [46] Ibid. |