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SECU Rapport du Comité

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CHAPITRE 3 : LA CAPACITÉ DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA À RÉPONDRE AUX BESOINS DES DÉLINQUANTS EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE ET DE TOXICOMANIE

3.1       APERÇU DE LA CHARGE ET DE L’INFRASTRUCTURE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA POUR ACCUEILLIR LES DÉTENUS SOUS RESPONSABILITÉ FÉDÉRALE

Chaque année, le SCC est responsable d’un peu plus de 22 000 délinquants, dont quelque 13 000 sont détenus dans un établissement correctionnel et 8 800 sont en liberté sous surveillance dans la collectivité[14]. Il exploite au total 57 établissements correctionnels, dont six sont destinés aux femmes et 51 aux hommes. De ce nombre, 16 établissements sont de niveau de sécurité minimale, 20 sont de sécurité moyenne, huit sont de sécurité maximale et 13 sont multiples. Tous les établissements correctionnels pour les femmes, dont les cinq établissements régionaux et le pavillon autochtone de ressourcement Okimaw Ohci, sont à niveaux de sécurité multiples. Le SCC gère également 16 centres correctionnels communautaires, 175 établissements résidentiels communautaires et 84 bureaux de libération conditionnelle.

Pour accueillir les délinquants — principalement les hommes — qui ne peuvent pas se comporter normalement dans les établissements correctionnels réguliers en raison de leurs troubles mentaux, le SCC exploite également cinq centres régionaux de traitement en santé mentale (CRT) (aussi nommés centres psychiatriques ou centres de rétablissement) : les centres sont situés à Abbotsford, en Colombie-Britannique, à Dorchester, au Nouveau-Brunswick, à Saskatoon, en Saskatchewan, à Kingston, en Ontario, et à Sainte-Anne-des-Plaines, au Québec[15]. Le SCC ne dispose d’aucune installation psychiatrique autonome pour recevoir et traiter les délinquantes qui nécessitent des soins intensifs en santé mentale. Il peut toutefois accueillir des délinquantes dans une unité spécialisée qui est située dans le centre psychiatrique régional de Saskatoon. Cette unité destinée aux femmes est composée de 12 lits[16]. Certaines délinquantes peuvent également recevoir des soins à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal grâce à une entente entre le gouvernement du Québec et le SCC qui prévoit un total de 12 lits pour le traitement psychiatrique d’hommes et de femmes sous la responsabilité du SCC.

Il incombe aux professionnels de la santé mentale en poste dans les établissements réguliers de recommander l’admission des délinquants (hommes ou femmes) dans les CRT. Selon la documentation fournie par le SCC, seuls les délinquants qui remplissent les conditions suivantes peuvent y être admis :

  • Les délinquants ayant des maladies mentales ou psychiatriques aiguës (p. ex. psychose);
  • Les délinquants ayant des maladies mentales chroniques;
  • Les délinquants ayant des incapacités ou des déficiences cognitives cérébrales (p. ex. ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale);
  • Les délinquants âgés ayant des problèmes de santé physique et mentale (p ex. démence, Alzheimer);
  • Les délinquants en état de crise (p. ex. tendances suicidaires ou période d’automutilation chronique grave).

Les CRT mettent donc l’accent sur les délinquants (hommes ou femmes) qui éprouvent de graves problèmes de santé mentale ou qui nécessitent une intervention intensive et spécialisée. Ils visent d’abord à stabiliser les individus afin qu’ils puissent réintégrer la population correctionnelle générale. Pendant l’étude, des témoins ont souligné que certains délinquants sont libérés trop rapidement des CRT et se retrouvent très vite en situation de crise dans les établissements correctionnels réguliers. Cette situation s’explique en partie par le manque d’espace pour accueillir l’ensemble des détenus (hommes ou femmes) sous responsabilité fédérale qui ont des besoins criants en santé mentale. Cela contribuerait au syndrome de la porte tournante et à la tendance de gérer les crises plutôt que de les prévenir.

On a dit au Comité que les délinquantes ayant une cote de sécurité minimale ou moyenne qui ont des besoins en santé mentale, mais qui ne rencontrent pas les critères d’admission du centre psychiatrique régional de Saskatoon ou encore de l’Institut Philippe-Pinel sont traitées dans des unités d’habitation en milieu de vie structuré situées dans le périmètre des établissements correctionnels régionaux pour femmes. Quant à celles ayant une cote de sécurité maximale, elles sont traitées dans des unités de garde en milieu fermé, également situées dans les établissements régionaux pour femmes. Voici ce qu’a soutenu l’ancienne sous-commissaire pour les femmes du SCC, Elizabeth Van Allen, lors de sa comparution :

[L]es unités [d’habitation en milieu de vie structuré], où les délinquantes vivent dans une aire distincte et suivent les programmes dans une autre aire de l’établissement, sont destinées aux délinquantes ayant une cote de sécurité minimale ou moyenne. Il s’agit d’un environnement thérapeutique où les membres d’une équipe interdisciplinaire peuvent offrir 24 heures par jour des traitements spécialisés dans le domaine des interventions correctionnelles, de la réadaptation et de la santé mentale.

Enfin, pour les délinquantes qui exigent une intervention intensive similaire mais qui ont une cote de sécurité maximale, le SCC a construit des unités de garde en milieu fermé dans chacun des cinq établissements régionaux pour femmes. Ces unités ont adopté des mesures de sécurité améliorées et une approche interdisciplinaire semblable à celle qui est utilisée dans les unités d’habitation en milieu de vie structuré, qui permet d’offrir des interventions, des programmes et des traitements intensifs à ces délinquantes à risque élevé[17].

Selon les témoignages entendus, la capacité du SCC de répondre aux besoins des délinquants aux prises avec des troubles mentaux se limite largement aux traitements et interventions prodigués dans les CRT. Voici ce qu’a déclaré l’enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, dans son plus récent rapport :

[M]algré les besoins flagrants, le système correctionnel fédéral a une capacité limitée d’offrir un traitement et des interventions [en santé mentale] et se limite donc largement au traitement des cas les plus graves ou des cas chroniques — c’est-à-dire aux délinquants qui reçoivent des soins psychiatriques dans l’un des cinq centres régionaux de traitement. La plupart des autres cas de troubles mentaux soit ne sont pas traités, soit font l’objet d’une attention clinique limitée[18].

Cette situation est d’autant plus problématique que la majorité des délinquants atteints de troubles mentaux sous la responsabilité du SCC ne remplissent pas les critères d’admission des CRT. C’est le cas notamment de plusieurs délinquants atteints de troubles de la personnalité, d’anxiété, d’insomnie, de traumatisme crânien, de dépression et de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. L’enquêteur correctionnel révèle dans son rapport que « [m]oins de 10 % des délinquants sont effectivement admis dans les CRT ou traités dans l’environnement thérapeutique offert par ceux-ci[19]. » Voici ce qu’a soutenu M. Sapers lors de sa comparution devant le Comité :

L’écrasante majorité des détenus atteints de maladie mentale ne satisfont généralement pas aux critères d’admission qui leur permettraient de bénéficier des services des centres régionaux de traitement. Ils restent donc dans les établissements ordinaires et leurs maladies sont souvent présentées comme des problèmes de comportement ou […] on parle à leur sujet de problèmes disciplinaires et non de problèmes de santé. C’est particulièrement vrai des délinquants qui ont eu des traumatismes crâniens ou souffrent de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale[20].

3.2       LE BUDGET DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

Pour réaliser sa mission, le SCC est doté d’un budget qui atteint près de 2,5 milliards de dollars en 2010-2011, soit une augmentation de 255,7 millions de dollars par rapport à l’exercice précédent[21]. Lors de sa comparution, le sous-commissaire du SCC, Marc-Arthur Hyppolite, a indiqué que la plus grande partie du budget du SCC est constituée de frais fixes. Les informations fournies dans le Budget des dépenses de 2010‑2011 montrent en effet qu’environ 69 % des ressources sont consacrées à la prise en charge et à la garde des délinquants, ce qui comprend les coûts fixes ou semi-variables liés aux systèmes de sécurité, aux salaires du personnel correctionnel, à l’entretien des établissements, aux services alimentaires et de santé et aux immobilisations. Environ 18 % des ressources sont affectées aux interventions correctionnelles, ce qui englobe la gestion des cas, la prestation de programmes ciblant les facteurs criminogènes à l’origine du comportement criminel et les activités de formation et de préparation à l’emploi des délinquants. Enfin, le SCC consacre environ 5 % de son budget à la surveillance des délinquants dans la collectivité[22]. Comme le précise le chapitre cinq, plusieurs témoins sont d’avis que le SCC n’alloue pas assez de fonds à la programmation correctionnelle qui accapare de 2 à 2,7 % du budget.

3.2       LE PERSONNEL DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

Le SCC peut compter sur environ 17 000 employés, dont 7 000 agents correctionnels, 2 500 agents de libération conditionnelle ou agents de programme, 750 infirmiers ainsi que 340 psychologues[23]. es professionnels de la santé représentent environ 3,7 % de l’effectif du SCC (sauf les membres du personnel qui travaillent dans les CRT)[24]. Le SCC bénéficie également de la contribution de quelque 9 000 bénévoles qui travaillent dans les établissements et dans la collectivité. Parmi les activités auxquelles participent les bénévoles, il faut mentionner le tutorat; les services d’alphabétisation; les services d’aumônerie et de pastorale; les services de sensibilisation à la culture, aux traditions et à la spiritualité autochtones, les événements multiculturels et sociaux et les programmes de traitement de la toxicomanie. Le SCC peut également compter sur la participation de comités consultatifs de citoyens, composés de bénévoles, qui participent à des niveaux divers à l’élaboration des politiques et des pratiques du SCC.



[14]           En date du mois d’août 2009, le SCC était responsable de 22 053 délinquants, dont 13 179 étaient en détention et 8 874 en liberté sous surveillance dans la collectivité. Service correctionnel du Canada, cahier d’information présenté au Comité en novembre 2009.

[15]           En date du 31 décembre 2009, trois des cinq centres régionaux de traitement du SCC avaient reçu une accréditation d’Agrément Canada, organisme indépendant et privé sans but lucratif. Afin de recevoir une accréditation, un examen est mené par des pairs de l’extérieur, afin d’évaluer la qualité de services d’un organisme selon les normes d’excellence. Les organismes participent annuellement au programme à titre facultatif. La liste d’organismes agréés est préparée par Agrément Canada et mise à jour deux fois par année. On dit que l’agrément est le moyen le plus efficace d’examiner régulièrement la prestation des services en vue d’améliorer la qualité des soins. Voir Agrément Canada 2008, Organismes de santé agrées au 31 décembre 2009, mise à jour 2010.

[16]           Service correctionnel du Canada, cahier d’information présenté au Comité en novembre 2009.

[17]           Témoignages, 5 novembre 2009.

[18]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[19]           Ibid.

[20]           Témoignages, 2 juin 2009.

[21]           Service correctionnel du Canada, Budget des dépenses 2010-2011. Partie III — Rapport sur les plans et les priorités, 2010.

[22]           Service correctionnel du Canada, Budget des dépenses 2009-2010. Partie III — Rapport sur les plans et les priorités, 2009.

[23]           Service correctionnel du Canada, cahier d’information présenté au Comité en novembre 2009 : données extraites du secteur de la gestion des ressources humaines du SCC en date du 16 août 2009.

[24]           Service correctionnel du Canada, Plan stratégique pour la gestion des ressources humaines, 2007-2008 à 2009-2010, http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/sphrm07_10/message-fra.shtml.