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Monsieur le Président, je vais continuer mon discours d'hier. Au moment où j'ai été interrompu, je parlais de Cyberaide.ca.
Cette compagnie compile également des statistiques relatives à la pornographie juvénile au Canada. Chaque mois, Cyberaide.ca obtient environ 800 000 appels de fichiers sur son site Web et examine plus de 700 signalements. Environ 45 p. 100 des signalements sont ensuite acheminés aux organismes d'application de la loi concernés.
En 2002, Cyberaide.ca est devenu le service pancanadien de signalement, et depuis juin 2009, il a examiné plus de 33 000 signalements. Au cours de cette période, plus de 90 p. 100 des signalements reçus par Cyberaide.ca concernaient des cas de pornographie juvénile. Au moins 30 arrestations ont été effectuées à la suite de ces signalements, environ 3 000 sites Web ont été fermés et, ce qui est le plus important, des enfants ont été retirés de milieux violents.
Lors de leur comparution devant le comité, les représentants de Cyberaide.ca ont mentionné qu'au cours de la première année où Cyberaide.ca est devenu l'organisme désigné pour recevoir les signalements de cas de pornographie juvénile en vertu de la loi du Manitoba sur le signalement obligatoire, Cyberaide.ca a constaté une augmentation de 126 p. 100 des signalements, et 17 signalements ont permis d'identifier les enfants ou les auteurs d'infractions.
Avant de terminer, j'aimerais que l'on puisse parler des pénalités proposées par le projet de loi. En vertu du projet de loi qui est devant nous, les individus, c'est-à-dire les entreprises personnelles, seraient passibles d'une amende maximale de 1 000 $ pour une première infraction, d'une amende maximale de 5 000 $ pour une deuxième infraction, et pour chaque récidive subséquente, d'une amende maximale de 10 000 $ et d'un emprisonnement maximal de 6 mois, ou de l'une de ces peines.
Les sociétés et les autres entités seraient aussi passibles d'une amende maximale de 10 000 $ pour la première infraction, d'une amende maximale de 50 000 $ pour la deuxième infraction et pour chaque récidive subséquente, d'une amende maximale de 100 000 $. Le régime des peines à deux niveaux tient compte de l'aspect diversifié du domaine des services Internet au Canada, où l'on retrouve tant des entreprises personnelles que des grandes sociétés multinationales.
Certains pourraient considérer qu'il s'agit de peines légères, mais nous devons garder à l'esprit que cette loi viendra compléter l'ensemble des mesures existantes concernant la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, notamment les peines sévères prévues par le Code criminel relativement aux infractions en matière de pornographie juvénile.
Cette mesure législative constitue un message à l'endroit de ceux qui fournissent des services Internet au public, un message visant à leur dire qu'ils ont un devoir social et moral ainsi que, désormais, l'obligation juridique de signaler l'existence de ce matériel haineux lorsqu'ils en sont informés.
Nous sommes d'avis que les peines prévues permettraient d'atteindre un juste équilibre entre l'objectif visé par la loi et son efficacité. Afin de réaliser l'objectif de la loi, qui est d'améliorer la protection des enfants, le gouvernement veut faire en sorte que toux ceux qui fournissent des services Internet au Canada se conforment à la loi, et pas seulement les fournisseurs de services Internet majeurs, qui déclarent déjà volontairement de tels cas et assistent la police.
Ce qu'il faut bien comprendre — nous parlons au public qui nous écoute aujourd'hui —, c'est qu'il y a des individus fournissant des services Internet et il y a naturellement de grandes compagnies fournissant elles aussi les mêmes services. Nous avons donc créé deux genres d'infractions et deux genres d'amendes progressives. Nous avons vraiment le souci de particulariser tous les cas où un individu ou une compagnie pourrait héberger des sites de pornographie juvénile ou n'aurait pas déclaré des sites de pornographie juvénile.
Selon les représentants de Cyberaide.ca, le signalement obligatoire des cas de pornographie juvénile permet d'éviter les dilemmes personnels et professionnels liés au signalement de ce genre de matériel. Il assure le respect de la loi et la prise de mesures adéquates et rapides. L'examen du rôle actuel de Cyberaide.ca à titre d'organisme désigné en vertu de la loi du Manitoba sur le signalement obligatoire est utile pour comprendre comment on pourra expliquer les dispositions du projet de loi . C'est ce que j'ai mentionné précédemment.
Avant de terminer, j'aimerais quand même attirer l'attention sur un point. J'ai eu l'occasion d'aller à Palerme, il y a très peu de temps, où se tenait une réunion de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. J'y représentais le Canada avec d'autres personnes de notre délégation. Nous avons soutenu le même projet de loi que nous avons ici. Nous l'avons résumé en quelques lignes et avons demandé l'approbation de toute la communauté européenne. Cinquante-quatre pays étaient représentés par leurs députés élus.
Le Canada a remporté une victoire: la résolution sur ce projet de loi est la seule qui a été adoptée unanimement. Nous faisons des progrès dans le combat contre la pornographie juvénile. Naturellement, il a fallu expliquer notre projet de loi et exhorter les membres des autres délégations, des députés comme moi, de voter en sa faveur. Beaucoup de centres qui ont des sites pornographiques venaient de certains pays de l'Est ou du Moyen-Orient. Il fallait dire fermement que nous ne voulons plus de ces sites qui arrivent par l'entremise de grands systèmes au Canada et aux États-Unis. On ne veut plus que des enfants, que ce soit leurs enfants ou les nôtres, soient montrés sur des sites Internet qui diffusent de la pornographie juvénile ou que des enfants de trois à cinq ans fassent des choses dégradantes.
Nous avons plaidé en ce sens, et au risque de me répéter, nous avons gagné: notre résolution a été la seule à être adoptée unanimement à ce Parlement dont fait partie la communauté européenne. Nous ne gagnons pas toujours, mais nous avons gagné sur ce point. Nous disons au public que le Canada peut être fier. Nous sommes les plus en avance dans le combat contre la pornographie juvénile.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi , qui a trait à la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile, l'accent étant mis sur la déclaration.
À la lumière des discours prononcés tant à la Chambre qu'ailleurs, des articles de journaux et des grandes déclarations faites au comité, les gens pourraient avoir l'impression que ce projet de loi permettra de mettre fin à la pornographie juvénile, de l'éradiquer. Cela m'ennuie quelque peu, car ce ne sera vraiment pas le cas.
Je sais que les conservateurs aiment donner des titres courts à leurs projets de loi, du genre « sauver la collectivité de tout ce qui est mauvais ». On aurait en fait dû intituler ce projet de loi qui tente de juguler la pornographie juvénile « Loi du trop peu, trop tard ». Je m'explique.
Je me souviens très bien de 2006, lorsque les conservateurs ont défait les libéraux aux élections. Cela fait presque cinq ans maintenant. Le cinquième anniversaire aura lieu le 23 janvier. Les conservateurs devraient profiter de cette occasion pour se regarder dans le miroir et se poser cette question: « Miroir, ô miroir, avons-nous rédigé les meilleures lois qui soient? »
Non, ce n'est pas ce qu'ils ont fait. Aujourd'hui, nous sommes saisis d'un projet de loi auquel personne ne s'oppose vraiment. Toutefois, nous sommes encore à l'étudier cinq ans plus tard.
Au printemps de cette année, à cause de la prorogation, des élections et de la faible priorité accordée à ce genre de projets de loi d'ordre administratif, le secrétaire parlementaire de l'époque a déclaré ceci:
Le gouvernement s'engage à faire tout ce qu'il peut pour mettre fin à ce problème grandissant. C'est pourquoi nous avons présenté à nouveau à la Chambre cette mesure législative, qui vise à créer un programme pancanadien uniforme de déclaration obligatoire qui s'appliquerait à tous ceux qui fournissent des services Internet au public.
Si le gouvernement fait tout ce qu'il peut, il aurait dû le faire plus tôt. Il aurait dû suivre l'exemple des provinces. Il aurait dû suivre l'exemple d'autres pays. Le gouvernement n'aurait rencontré aucune opposition.
Le gouvernement conservateur n'a pas fait tout ce qu'il pouvait parce qu'il était préoccupé par son programme politique. Il était préoccupé par la prorogation, et il a laissé tomber ce dossier.
C'est un problème qui va en augmentant. Le gouvernement a dû présenter de nouveau ce projet de loi. Ce n'est pas parce que ce dossier le préoccupe, mais parce que le Parlement a planté, pour employer le jargon informatique. Les conservateurs ont fait planter l'unité centrale du Parlement, la Chambre des communes, en imposant la prorogation.
Pourquoi ce problème concerne-t-il plus particulièrement la gestion par le Canada du contenu des sites Internet?
C'est parce que, comme l'indique le tableau 1 du résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement, le Canada figure au « top cinq » des pays hébergeurs de sites pédopornographiques. Le Parti conservateur souhaite-t-il, en tant que gouvernement, faire partie de ce top cinq?
Nous ne le voulons pas, mais nous en faisons partie. Nous arrivons au troisième rang. Le pourcentage de sites de pornographie juvénile hébergés au Canada, qui, relativement parlant, n'est pas le pays le plus populeux de la planète, est de 9 p. 100.
Il y a là un problème. Il aurait fallu s'y attaquer le 24 janvier 2006. Cela n'a pas été fait. Par la suite, il aurait fallu qu'il demeure une priorité, en dépit des prorogations. Ce ne fut pas le cas.
Qu'ont fait les provinces? Qu'on fait les Canadiens par l'entremise de leurs autres représentants élus?
Ils ont comblé le vide. En septembre 2008, il y a maintenant plus de deux ans, le ministre fédéral de la Justice ainsi que les ministres de la Justice et procureurs généraux provinciaux, responsables de la justice au Canada, ont convenu que la législation fédérale instaurant l'obligation pour les fournisseurs de services Internet de déclarer toute pornographie juvénile en ligne était nécessaire.
Ce n'est même pas le gouvernement fédéral qui l'a dit. Le gouvernement fédéral aurait dû savoir que d'occuper le troisième rang mondial pour l'hébergement de sites Web de pornographie juvénile n'a rien de glorieux. Ce n'est pas souhaitable. Le gouvernement fédéral aurait dû être davantage proactif. Il a plutôt attendu que les provinces laissent entendre qu'elles avaient besoin que le gouvernement fédéral adopte une loi.
Nous voilà à l'automne 2010, enfin en train d'étudier cette mesure législative, de la débattre, d'essayer de nous entendre pour l'adopter. Pendant ce temps, des provinces et d'autres pays sont allés bien plus loin en se montrant plus clairvoyants, efficaces, coercitifs et coopératifs dans leur engagement public à dénoncer les sites de pornographie juvénile que ne l'est ce projet de loi.
Nous n'avons pas encore adopté le projet de loi, mais ce dernier est déjà dépassé. Quelle est notre réaction en tant que législateurs?
Nous parlerons du projet de loi, mais nous tenons à faire savoir au gouvernement qu'il se rendra compte que, dans bien des cas, il ne rencontrera aucune opposition lorsqu'il présentera à la Chambre un projet de loi visant à encourager la déclaration de pornographie juvénile sur Internet.
Dans cette optique, le gouvernement pourrait-il avoir l'obligeance de faire preuve de plus de célérité, d'efficacité et de respect pour les lois canadiennes et de se pencher sur d'autres questions et de proposer en ces matières les mesures législatives que les Canadiens attendent.
J'ai déclaré ce qui suit en juin dernier:
Je tiens à dire à quel point je suis déçu qu'il ait fallu autant de temps au gouvernement pour présenter un tel projet de loi.
Nous sommes maintenant en novembre. Cela fait presque quatre ans et demi et le gouvernement n'a toujours rien fait. Les victimes de ces crimes ne peuvent attendre et les tactiques auxquelles le gouvernement a eu recours ont privé bon nombre d'enfants de la vie libre et heureuse qu'ils méritent.
Nous sommes nombres à la Chambre à avoir des enfants et à faire tout ce que nous pouvons pour eux dans l'espoir de leur assurer une vie libre et heureuse.
Ces déclarations et tout ce que j'ai dit d'autre en juin dernier s'appliquent encore maintenant. Ne perdons plus de temps et adoptons ce projet de loi.
Plus tôt au cours du débat, le secrétaire parlementaire a dit que le gouvernement s'engageait à faire tout ce qu'il peut pour mettre fin à la pornographie juvénile sur Internet. En réponse à une question, il a également affirmé que le Canada était un chef de file dans ce domaine grâce au projet de loi Bill , qui n'a pas encore été adopté après cinq ans, et ce malgré le fait que nous soyons au troisième rang sur la liste des pays qui hébergent des sites Internet et malgré le fait qu'il ne soit pas au courant de ce qui se passe dans le reste du monde ou à tout le moins qu'il refuse d'en parler, en dépit des bonnes questions que lui ont posées à ce sujet mon collègue du Bloc et mon confrère de .
Ce qui se passe dans le reste du monde n'est pas nouveau puisqu'en 2002 le chapitre 110 de la Loi 18 du Code des États-Unis portant sur l'exploitation sexuelle et autres mauvais traitements faits aux enfants a été adopté. Contrairement au projet de loi actuel qui ne fait que prévoir une obligation pour les fournisseurs de services Internet, la loi américaine impose une obligation similaire à tous ceux qui offrent des services de télécommunications.
Pensons à ce que cela représenterait dans un pays comme le Canada, si tous ceux qui fournissent des services de télécommunications, et non seulement les fournisseurs de services Internet, étaient obligés de signaler l'existence de pornographie juvénile dont ils ont connaissance, et d'agir en conséquence. Il s'agit d'une loi d'une plus vaste portée que le projet de loi qui a été présenté par le gouvernement.
La question qui a été posée aux représentants élus de notre comité est pourquoi nous n'avons pas élargi la législation fédérale afin de donner de plus grandes responsabilités aux intervenants autres que les fournisseurs de services Internet. Pourquoi le grand public ne serait-il pas obligé de signaler les sites Internet qui diffusent de la pornographie juvénile?
En vertu du Code criminel, quiconque est témoin d'un crime est tenu de le signaler. Pourquoi une obligation semblable ne vise-t-elle pas les personnes qui voient ces sites? Pourquoi ne procédons-nous pas ainsi au Canada? Il y a environ huit ans, les États-Unis, pour ne nommer qu'eux, allaient dans cette direction. En 1995, l'Australie a modifié son code et, depuis lors, sa législation est semblable à celle qui est en vigueur aux États-Unis.
Nous faisons du rattrapage. Même ce projet de loi ne nous permettrait pas de combler la moitié de la distance qui nous sépare des chefs de file dans ce domaine.
Nous voulons appuyer le projet de loi, mais nous voulons adresser des reproches au gouvernement, comme nous l'avons fait en comité, parce qu'il n'a pas utilisé les vastes pouvoirs qu'il détient en vertu de la Constitution pour obliger les citoyens ordinaires à signaler ces sites, ou du moins tous les fournisseurs de services de télécommunications. Le seul moyen de lutter contre les sites Internet qui diffusent de la pornographie juvénile est de savoir qu'ils existent et d'avoir des renseignements à leur sujet.
D'excellents organismes, comme Cyberaide.ca et même la GRC, dont certaines divisions sont affectées à ce type de crime, sont aux prises avec des lacunes juridiques et un manque de personnel, mais il s'agit là d'un problème différent. Ils ne disposent pas des fondements juridiques leur permettant de lutter contre des sites dont ils connaissent l'existence et, dans le cas présent, ils n'obtiennent pas l'aide dont ils bénéficieraient si nous avions une mesure législative semblable à celles adoptées aux États-Unis ou en Australie.
Je m'éloigne de la scène internationale pour revenir à ce qui s'est passé au Canada. Comme je le disais, à l'automne 2008, les procureurs généraux se sont réunis à Ottawa, alors que le gouvernement fédéral se tournait les pouces depuis deux ans, et ont recommandé que celui-ci adopte une loi pour contrer ce problème inqualifiable. Deux ans et deux mois plus tard, la loi en question est enfin arrivée.
Qu'ont fait les provinces entretemps? Que ferions-nous si nous étions premier ministre ou ministre de la Justice d'une province? Nous étudierions probablement les options qui s'offrent à nous pour combler le vide créé par l'inaction du gouvernement fédéral et son penchant pour la petite politique.
Voici quelques exemples de mesures prises par les provinces. En 2008, la Nouvelle-Écosse a adopté la Child Pornography Reporting Act, entrée en vigueur en 2010. La province a pris le temps, en 2008, de donner suite aux recommandations formulées par les gouvernements provinciaux et territoriaux lors de la rencontre qui s'est tenue à Ottawa, après quoi elle a agi relativement rapidement. Cette loi prévoit que les plaintes du public sont transmises à une entité chargée de traiter les signalements, qui doit ensuite faire enquête.
C'est très important comme disposition, car, en lisant ça, les habitants de la Nouvelle-Écosse vont se dire que leur province a fait plus pour régler ce problème que le gouvernement fédéral. Le texte de la loi précise que tous les citoyens, pas seulement les fournisseurs de services Internet, les entreprises de télécommunications ou ceux qui surfent sur Internet à la recherche de sites susceptibles d'intéresser la police, non, « [t]oute personne qui a des motifs raisonnables de croire qu'une représentation ou un document constitue de la pornographie juvénile doit rapidement en informer l'entité chargée de traiter les signalements ». Il n'y a pas de confidentialité ou de privilège qui tiennent, puisqu'on parle ici d'un crime.
Il y a crime parce qu'un enfant est photographié ou est représenté dans un document, ce qui suffit pour en faire la victime d'un crime, alors que dire quand cette image ou ce document est diffusé à la grandeur du pays. La Nouvelle-Écosse a fait montre de bravoure en adoptant cette loi, dont la valeur juridique et constitutionnelle demeure incontestée, du moins pour le moment.
On nous répète ad nauseam, de ce côté-ci de la Chambre, que les conservateurs sont les champions de la lutte contre le crime, que c'est ce qui les distingue: ils luttent contre le crime, eux. Eh bien, cette fois-ci, s'ils avaient véritablement voulu lutter contre le crime, ils s'y seraient mieux pris que ça. Ils auraient convaincu les fonctionnaires du ministère de la Justice que notre loi fédérale pouvait aller aussi loin que les lois adoptées aux États-Unis et en Australie et englober aussi les entreprises de télécommunications.
Ils auraient même pu dire que, lorsqu'il y a des représentations d'enfants ou de personnes sur un site pornographique, c'est un crime qui porte atteinte à l'intérêt national. Cela ne porte pas seulement atteinte à l'intérêt des enfants victimes de ce crime, et cela ne relève pas seulement de la compétence du gouvernement provincial aux termes de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille. Ce n'est également pas un pouvoir conféré en vertu d'un article de la Constitution. C'est clairement une question de justice pénale.
Où étaient ces champions de la lutte contre le crime quand ils sont allés au ministère de la Justice pour lui dire qu'ils avaient des difficultés à obtenir un gouvernement stable et qu'ils désiraient trouver un moyen de rester au pouvoir et de diffuser leurs publicités dans les bulletins de nouvelles de soirée?
Nous avons besoin d'une mesure législative puissante comme celles de l'Australie et des États-Unis ou, encore mieux, comme celle de la Nouvelle-Écosse que j'ai mentionnée plus tôt. La mesure législative du Manitoba est très similaire. Les représentants élus de ces deux provinces canadiennes n'ont pas voulu attendre le gouvernement fédéral.
Je peux me tromper parce qu'il y a eu beaucoup de changements, mais je crois que je ne fais pas du tout preuve de partisanerie. Ces deux provinces ne sont pas dirigées par un gouvernement libéral, et elles ne l'ont pas été depuis un certain temps. Le NPD et le Parti conservateur sont à la tête de ces provinces. Ces deux gouvernements ont pris le taureau par les cornes, et ils ont affirmé qu'ils prendraient les mesures nécessaires pour protéger les enfants dans leur province respective parce qu'ils ne pouvaient pas attendre que le gouvernement fédéral invoque son pouvoir en matière de justice pénale dans une loi.
Le projet de loi C-22 est une mesure que nous pouvons tous appuyer. Toutefois, nous devons préciser clairement que cette mesure législative est insuffisante et qu'elle arrive trop tard. En effet, nous avons été devancés par d'autres pays et d'autres provinces. Ce projet de loi est quand même un pas dans la bonne direction. Je ne veux pas me montrer trop critique à l'égard du gouvernement. Obliger les fournisseurs de services Internet à signaler les images d'exploitation sexuelle d'enfants est une bonne mesure. C'est un bon outil à donner aux responsables de l'application de la loi. Comme je l'ai dit auparavant, les groupes qui ont comparu durant les audiences parlementaires seraient en mesure d'appliquer la loi.
Une des réserves que nous avons, c'est que les conservateurs ont eu cinq années pour agir, mais qu'ils n'ont même pas énoncé les directives applicables, à savoir qui relève de qui et qui fait quoi, dans le projet de loi. C'est pourtant la substance de la mesure. Le projet de loi indique qu'on déterminera tout cela ultérieurement, selon les modalités réglementaires. Mon Dieu, ils ont eu cinq ans pour y penser, n'auraient-ils pas pu choisir un organisme tel que Cyberaide ou une section de la GRC? Au lieu de prendre un règlement, ce qui nous semble incertain et, de toutes façons, un règlement ne pourrait pas être appliqué immédiatement, n'auraient-ils pas pu énoncer dans ce court projet de loi les détails concernant l'organisme à qui on fera rapport et définir le rôle de l'organisme? Cela n'est pourtant pas difficile, car la Nouvelle-Écosse et le Manitoba ont inclus cela dans leurs lois.
J'ai toujours dit qu'il était nécessaire, lorsque nous abordons des questions comme celle-là, de regarder ce qui se fait dans l'Est, dans les Maritimes. Or, la Nouvelle-Écosse a un régime qui fonctionne bien. Cette province a procédé à une analyse, à savoir si elle détenait un tel pouvoir en vertu de la Constitution. La réponse est oui. Le gouvernement conservateur n'a jamais fait une analyse rigoureuse dans ce sens. Pourtant, il nous a saisis d'un projet de loi. Je suppose que, de ce côté-ci de la Chambre, nous devrions tous nous repentir et dire que tout est de notre faute parce que nous n'avons pas proposé d'amendements. Nous n'avons pas proposé d'amendements parce qu'ils auraient dépassé la portée du projet de loi.
Nous ne formons pas encore le gouvernement, mais si nous étions au pouvoir, nous aurions légiféré beaucoup plus tôt dans ce domaine. N'oublions pas que les sites pornographiques augmentent de façon exponentielle sur Internet. En 2008, au Canada, les principaux responsables de la loi, les procureurs généraux et les ministres de la Justice ont convenu qu'il était nécessaire d'agir, ce qu'ils ont fait, dans certains cas. Lorsqu'ils attendaient que le gouvernement fédéral agisse, celui-ci n'a rien fait. Et voilà qu'il donne suite à sa promesse, en novembre.
Le projet de loi obligerait les fournisseurs de service Internet à signaler les cas de pornographie juvénile à une entité chargée de traiter les signalements. Selon des témoins, la GRC ou Cyberaide.ca pourraient jouer ce rôle. Il est vrai que les obligations prévues en vertu d’une loi fédérale doivent s’inscrire dans une approche concertée. Comme je l’ai dit, je crois que les provinces doivent exercer leurs pouvoirs en matière de services à l'enfance et aux familles et que le fédéral doit exercer les siens en matière de droit criminel. Bien que les députés ne soient pas tous avocats, à mon avis, nous reconnaissons tous que le fait d'enregistrer, de réaliser une vidéo, de prendre des photos ou de faire des images d'un enfant dans un contexte de pornographie constitue en soi de la victimisation et un crime de la pire espèce. Le fait de les diffuser constitue également un crime de la pire espèce.
Je crois que tous les Canadiens, du moins tous ceux qui offrent des services de télécommunications, les entreprises qui fournissent des services Internet et, dans une large mesure, les fournisseurs de services Internet, ont l'obligation positive de signaler ce genre de crimes. C'est là où le gouvernement a failli à la tâche et c'est pour cette raison que nous pressons les conservateurs, dans un esprit dénué de partisanerie, de faire adopter ce projet de loi. Nous devons passer aux actes. Nous devons agir plus efficacement et nous aligner davantage sur le reste du monde, et maintenant, sur le reste du pays.
En matière de lutte contre la pornographie juvénile sur Internet et de signalement à cet égard, « faisons ce qui doit être fait », comme les conservateurs le disent souvent, mais qui est particulièrement vrai dans ce cas-ci.
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Madame la Présidente, pour commencer, je reconnais que cette loi est bonne. Elle n'est pas extraordinaire, mais elle est utile en dépit de ses limites. Il était temps qu'elle soit présentée. Elle succède à une loi semblable qui avait été présentée par les libéraux, sauf erreur, dans une législature précédente. De toute façon, l'étude de cette loi a été annulée à cause de la prorogation de 2009.
Le gouvernement mérite bien des critiques parce qu'il n'a pas fait avancer cette bonne loi, sachant que tous les députés étaient d'accord sur ses dispositions. Mais avant de le critiquer, je vais dire ce qu'elle prévoit.
Le projet de loi C-22 a pour titre « Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet ». Cette fois-ci, comme tant d'autres fois, nous devons dire aux gens qui vont lire cette loi qu'elle n'oblige pas les fournisseurs de services Internet à assurer ne serait-ce qu'une surveillance minimum des sites qu'ils hébergent pour découvrir s'il y a du matériel de pornographie juvénile. Ce n'est pas le cas.
Voyons les obligations que cette loi leur impose. Elle permet aux simples citoyens qui tombent sur un site de pornographie juvénile d'aviser tout de suite leur fournisseur de services Internet. Ce fournisseur a alors l'obligation de transmettre toutes les informations pertinentes à un organisme qui reste à désigner, mais le gouvernement nous dit qu'il le sera. Est-ce que ce sera en 2020? On ne le sait pas. À la vitesse à laquelle le gouvernement procède dans l'application de ses lois, cela peut durer longtemps.
Essentiellement, voilà l'obligation du fournisseur de services Internet. Je vois un site Internet de pornographie juvénile et j'avertis mon fournisseur de services Internet. Ce n'est pas beaucoup lui demander d'avertir la police. Il a l'obligation de le faire, en plus de donner des informations pertinentes à l'organisme qui sera éventuellement désigné.
Le fournisseur de services doit ensuite conserver les informations sur ce site pendant une période de 21 jours. On a discuté en comité de ce délai. En fait, il est amplement suffisant pour que la police fasse ce qu'elle a à faire. On comprend que quelqu'un doit juger si le site contient véritablement de la pornographie infantile, où se trouve le site et d'où il a immigré. Un orateur avant moi en a parlé. C'est apparemment très facile pour ceux qui connaissent bien l'informatique d'avoir ces sortes de sites qui se promènent d'un fournisseur à l'autre, d'un fournisseur canadien à un fournisseur américain, d'un fournisseur américain à un fournisseur japonais, et qui reviennent par un fournisseur européen. C'est d'une certaine complexité.
La première obligation du fournisseur de services qui reçoit une information d'un citoyen est de conserver, de dénoncer et d'indiquer. Une fois qu'il a gardé l'information pendant 21 jours, il a ensuite l'obligation de détruire les données de ce service Internet.
Ensuite, la loi prévoit évidemment que ces informations doivent être conservées confidentiellement. Cela va de soi. On n'avertira pas le fournisseur de services qu'on est sur le point de l'éliminer, on ne sait pas exactement quand, et qu'il risque d'être attrapé dans les prochains jours. Les informations doivent donc rester confidentielles.
Ce projet de loi est très court. J'ai parlé d'à peu près quatre articles sur douze. Pour comprendre les articles qui suivent, il faut savoir qu'il est actuellement illégal de regarder un site de pédophilie ou de pornographie juvénile. Toutefois, si on en a regardé un et qu'on l'a dit, qu'on l'a dénoncé à son fournisseur de service Internet, on aura l'immunité et on ne pourra pas non plus être poursuivi au civil. J'imagine que ce serait le fournisseur de services qui voudrait le faire. Ce projet de loi énonce donc une évidence. J'espère qu'on ne poursuivrait pas quelqu'un parce qu'il a dénoncé un site Internet, qu'il n'a d'ailleurs aucune obligation de dénoncer, contrairement à ce que le projet de loi laisse entendre au début. On ne peut pas être poursuivi. Admettons qu'on ait commis une erreur et que ce n'était pas véritablement de la pornographie infantile — je ne sais pas comment on peut faire de ces erreurs-là, mais enfin. On peut être tranquille, le fournisseur ne pourra pas nous poursuivre car on bénéficie de l'immunité.
C'est à peu près tout ce qu'il y a dans ce projet de loi. Il n'est pas long, mais il était important de l'avoir pour compléter diverses mesures qui ont été prises par ailleurs, notamment la création d'escouades policières spécialisées et l'élaboration des différentes techniques qui, à partir des adresses, permettent de retrouver ceux qui ont conçu ces sites. On peut ainsi intenter des poursuites contre eux. Comme on le réalise souvent, on peut découvrir qu'ils continuent de fabriquer de tels sites et que, de cette façon, ils utilisent des enfants. Ce faisant, ils commettent des agressions et même des séquestrations à l'égard d'enfants qui sont victimes. Ce projet de loi est très utile, et il complète l'arsenal policier qui permet de lutter contre un crime malheureusement trop facile à commettre.
Cela dit, je n'en reviens pas de voir que le gouvernement se vante de ce projet de loi. D'abord, on entendait l'ineffable et son ineffable connaissance des dossiers. Il disait comme cela avait une fierté et une gloire pour le Canada, lors de la réunion à Palerme, alors que tout le monde avait voté à l'unanimité. Eh bien, nous étions les derniers de classe. Non seulement nous étions les derniers de classe, mais il y avait déjà au moins quatre provinces qui avaient devancé le gouvernement canadien: l'Alberta, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et l'Ontario. Ce sont ces provinces qui ont fondé Cyberaide.ca, l'organisme dont il parlait. Ce sera peut-être l'organisme qui sera désigné. Cette organisation semble être très valable, mais pour le moment, elle n'est pas encore désignée. Cyberaide.ca cherche des sites de pornographie juvénile. Quand il les trouve, il les dénonce à la police. Cet organisme a été créé par les provinces.
Le député disait encore que nous étions les premiers dans le monde, que nous avions fait l'unanimité et qu'on nous avait applaudis. En effet, il arrive parfois qu'on applaudisse les derniers arrivés. Il était temps d'arriver parce que déjà, on s'inspire de lois semblables qui existent aux États-Unis, en Australie, en Afrique du Sud, en France, en Belgique et dans la plupart des pays européens.
Il démontre donc encore une fois que ce qui préoccupe ce gouvernement, c'est toujours la rentabilité démagogique d'un projet de loi. Celui-là, apparemment, n'en avait pas assez pour que le gouvernement s'en occupe, alors il l'a laissé traîné. Cela fait cinq ans que cela traîne. Oui, on est pressés de l'adopter. Alors au lieu de nous accuser tout le temps de retarder ses projets, que le gouvernement nous présente donc les projets sur lesquels il sait que l'ensemble des députés est d'accord, et nous les adopterons rapidement.
Toutefois, dans ses projets de loi, il continue à vouloir nous imposer un virage à l'image des républicains américains du sud, alors que son parti ne dispose que d'un peu plus du tiers du soutien de la population canadienne. J'entends souvent le vanter ses projets de loi en disant que nous allons voir aux élections à quel point les conservateurs seront populaires par rapport à nous ou en disant des choses semblables. C'est sa seule préoccupation. Avec mon âge, mon expérience ainsi que les preuves de ce que j'ai faites dans le passé, je pense que je peux risquer de le dire sans que les gens de mon comté me lynchent, à savoir que cette direction dans laquelle on veut nous amener mène les États-Unis, nos voisins du sud, au désastre. En une génération, ils sont devenus le pays qui incarcère le plus dans le monde. En effet, le taux d'incarcération américain est le plus élevé.
Les politiques que le veut adopter sont toujours les mêmes, c'est-à-dire qu'il veut qu'on l'aide à mettre le plus de gens en prison pour plus longtemps. C'est ce qui résume à peu près tous les projets de loi qu'il nous présente. Par ailleurs, il coiffe la majorité de ses projets de loi de titres trompeurs.
Il y en a un pour lequel il cherche encore à faire du « millage » aujourd'hui, soit le projet de loi supposément contre le trafic des enfants. D'ailleurs, il en a fait du « millage », car il a fait peur à tous les partis, sauf le Bloc québécois. Il a même fait peur au Sénat. Or, quand on lit ce projet de loi sur le trafic des enfants, ce qui n'est pas long à faire car cela prend environ seulement trois minutes, l'expression « trafic des enfants » ne se retrouve nulle part. Un projet de loi sur le trafic des enfants qui ne parle pas du trafic des enfants, il faut le faire!
Ce que l'on constate en faisant la lecture du projet de loi, c'est qu'il porte plutôt sur l'exploitation des personnes en bas de 18 ans. Il est certain que le trafic des enfants constitue une forme d'exploitation de certains mineurs, de certains enfants. Par contre, de là à coiffer tous les cas d'exploitation des personnes en bas de 18 ans d'une sentence minimale de 5 ans, c'est là qu'il faut s'arrêter. C'est vers ce genre d'excès que l'on nous amène.
Pour avoir dénoncé cela, il n'arrête pas de nous dire que nous sommes contre la protection des enfants et en faveur du trafic des enfants. Ce n'est pas vrai. Nous sommes contre le trafic des enfants. Par ailleurs, nous sommes contre le fait de mettre dans le même panier tous les cas d'exploitation des mineurs.
D'ailleurs, la définition de l'exploitation des mineurs s'appliquerait particulièrement à l'exploitation des personnes âgées. Au Québec, une campagne de publicité très intelligente et très bien faite dénonce actuellement l'exploitation des personnes âgées. Les comportements décrits et expliqués dans la publicité correspondent exactement à la définition d'exploitation retrouvée dans ce projet de loi, qui porte non pas sur le trafic des enfants, mais sur l'exploitation des personnes mineures.
Il y a toujours deux tendances dans les propositions de l'actuel . Il cherche à savoir combien de votes cela rapportera aux conservateurs, à quel point il peut embêter et faire peur aux autres partis en les dénonçant, comment il peut démontrer qu'il est tough on crime et combien de personnes il mettra de plus en prison pendant plus longtemps. Les Américains ont fait cela. Par contre, nous, nous cherchons à donner des meilleurs moyens de lutte à la criminalité.
En voici un moyen de lutter contre la criminalité, soit de permettre aux personnes qui tombent, par hasard ou même en faisant des efforts, sur de la pornographie juvénile — au fond, elles n'ont pas le droit, puisque le fait de regarder de la pornographie juvénile constitue une infraction — , de faire quelque chose, c'est-à-dire de dénoncer ce matériel à leur fournisseur de services Internet ou à la police. Si elles le dénoncent à leur fournisseur de services Internet, ce dernier est obligé de faire quelque chose, soit de suivre des procédures qui permettront d'aviser les policiers, de conserver la preuve pendant un certain temps et de fermer le site Web.
Le gouvernement fédéral était en retard sur le reste de l'Occident dans ce domaine et il était même en retard sur quatre provinces. Il est donc temps que l'on agisse. Même s'il me reste du temps, j'ai parlé assez longtemps. Le plus rapidement ce projet de loi sera adopté, le mieux ce sera.