:
Madame la présidente, j'aimerais tout d'abord, en ce premier jour de retour à la Chambre des communes, remercier tous les électeurs et les concitoyens de mon comté qui m'ont permis de demeurer à la Chambre des communes depuis les cinq dernières années, malgré les deux élections.
Je suis honoré d'avoir l'occasion de participer au débat aujourd'hui sur le projet de loi , loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples.
Les modifications proposées au Code criminel permettraient aux juges d'imposer, lorsqu'une peine d'emprisonnement à perpétuité est infligée à un délinquant déclaré coupable de plus d'un meurtre au premier degré ou au deuxième degré, ou d'une combinaison de meurtres au premier et au deuxième degré, des périodes distinctes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans pour le deuxième meurtre et tout autre meurtre subséquent. Ces périodes supplémentaires de 25 ans seraient consécutives à la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle imposée pour le premier meurtre.
Dans le cadre de l'exercice de ce pouvoir, les juges chargés de la détermination de la peine utiliseraient les critères qui existent déjà dans le Code criminel. Ceux-ci permettraient de veiller à ce que les mesures proposées soient appliquées aux délinquants les plus dangereux, soit ceux qui ont commis des crimes si graves qu'il est peu probable qu'ils soient un jour remis en liberté.
Les juges seraient également tenus de motiver, oralement ou par écrit, leur décision d'imposer ou non des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cela serait avantageux pour les familles et les proches des victimes de meurtre qui se plaignent depuis longtemps de ne pas être tenus au courant de certaines décisions prises lors du procès ou lors de la détermination de la peine.
Les mesures proposées dans le projet de loi permettraient d'accomplir trois choses. Premièrement, elles permettraient de mieux refléter la tragédie que sont les meurtres multiples en permettant aux juges de reconnaître chaque vie perdue.
Conformément à la loi actuelle, les auteurs de meurtres multiples purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité et sont assujettis à des périodes concurrentes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour chaque meurtre. Cela fait en sorte que la période maximale qu'ils devront passer en prison avant d'être admissibles à la libération conditionnelle est de 25 ans, peu importe combien de vies ils ont prises.
De nombreux Canadiens sont scandalisés par cette situation. Ils ne comprennent pas pourquoi un juge, qui impose une peine pour meurtre, ne peut pas tenir compte de façon concrète du fait que plus d'une victime a été tuée. Beaucoup soutiennent que la loi actuelle semble accorder une « peine à rabais » aux auteurs de meurtres multiples.
La dépréciation symbolique de la vie des victimes a une incidence négative grave sur la famille et les proches des victimes de meurtre. Trop souvent, leur douleur et leur sentiment de perte sont accentués parce que le système de justice ne prévoit aucune peine précise pour chaque vie perdue. Le projet de loi permettrait de régler la situation.
Deuxièmement, le projet de loi C-48 permettrait de renforcer les fonctions de dénonciation et de rétribution de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle assortie à la peine d'emprisonnement à perpétuité.
Le meurtre est le crime le plus grave et doit être dénoncé vivement. Ce principe a déjà été reconnu par le plus haut tribunal du pays. En 1987, la Cour suprême a mis en évidence, dans l'arrêt Vaillancourt, le stigmate extrême lié au meurtre, qui découle de la réprobation morale de prendre délibérément la vie d'une autre personne.
Cette réprobation morale justifie les peines sévères imposées aux auteurs de meurtres: l'emprisonnement à perpétuité assorti d'une période d'inadmissibilité à la période conditionnelle pouvant aller jusqu'à 25 ans.
Beaucoup de gens se demandent s'il est approprié d'infliger la même peine aux auteurs d'un seul meurtre qu'aux auteurs de meurtres multiples. C'est une bonne question. J'aimerais préciser en réponse à cette question qu'une peine d'emprisonnement à perpétuité est, de fait, une peine d'emprisonnement à vie. Un délinquant ne peut pas être condamné à plus d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Le projet de loi se fonde sur la proposition selon laquelle le fait de tuer plus d'une personne reflète un niveau plus élevé de réprobation morale et doit entraîner l'imposition de périodes supplémentaires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.
Le projet de loi C-48 permettrait de veiller à ce que le juge, qui est chargé de déterminer la peine d'un auteur de meurtres multiples et qui est le mieux placé pour évaluer le niveau de réprobation morale, demeure la personne autorisée à décider d'imposer une peine plus sévère ou non.
Comme je l'ai mentionné précédemment, cette décision serait fondée sur les critères qui existent actuellement à l'article 745.4 du Code criminel, critères que le juge utilise déjà pour décider de la longueur du délai préalable à la libération conditionnelle imposé à un délinquant déclaré coupable de meurtre au deuxième degré.
Je vais développer ce dernier point qui, je dois le souligner, a déjà fait l'objet de discussions lors de débats précédents.
Mes collègues de la Chambre se souviendront que la peine imposée pour le meurtre au premier degré ou au deuxième degré est l'emprisonnement à perpétuité, assortie d'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle déterminée en vertu de l'article 745 du Code criminel.
Pour les auteurs de meurtre au premier degré, ainsi que pour les auteurs de meurtre au deuxième degré, qui ont déjà commis un meurtre auparavant, cette période est de 25 ans à compter du début de la détention.
Pour tous les autres auteurs de meurtre au deuxième degré, cette période est de 10 ans, à moins que le juge n'utilise le pouvoir qui lui est conféré à l'article 745.4 du Code criminel lui permettant d'imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pouvant s'étendre jusqu'à 25 ans.
Pour rendre une telle décision, le juge doit tenir compte « du caractère du délinquant, de la nature de l'infraction et des circonstances entourant sa perpétration ainsi que de toute recommandation formulée [par le jury] [...] ».
En résumé, la législation canadienne prévoit déjà une gradation du délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle permettant de refléter la situation de délinquants particulièrement incorrigibles ou de crimes particulièrement répréhensibles.
Quant à l'application de ces critères, les tribunaux ont déjà déclaré à maintes reprises que la protection de la société, naturellement, est le facteur le plus important à prendre en considération lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a lieu de prolonger la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle d'un auteur de meurtre au deuxième degré.
Le projet de loi propose d'utiliser exactement les mêmes critères pour l'imposition de périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle aux auteurs de meurtres multiples — je dis bien « meurtres multiples ». Je suis convaincu que les mêmes principes s'appliqueraient et qu'en conséquence, les juges tiendraient compte de la protection de la société pour rendre leurs décisions.
Cela m'amène naturellement à la troisième chose que le projet de loi C-48 permettrait d'accomplir, soit celle de renforcer la protection de la société en permettant aux juges de garder en détention les auteurs de meurtres multiples — les plus incorrigibles — pendant de plus longues périodes afin que leur peine corresponde plus adéquatement à leur crime, ce qui est tout à fait normal.
Le projet de loi propose de veiller à ce que nos communautés soient sécuritaires et que les auteurs de meurtres multiples, qui ne devraient jamais être remis en liberté, ne soient jamais mis en liberté.
Dans cet ordre d'idées, les modifications proposées visent également à protéger la famille et les proches des victimes de meurtres multiples, qui se voient obligés d'écouter encore et encore les détails de ces crimes horribles lors des audiences sur la libération conditionnelle après l'expiration de la période maximale d'inadmissibilité à la libération conditionnelle imposée en vertu de la loi actuelle.
Si le projet de loi est adopté, il n'aura aucune incidence sur les droits des auteurs de meurtres multiples qui sont actuellement en liberté conditionnelle et il n'empiétera pas non plus sur le rôle de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Le projet de loi n'empêcherait pas les délinquants déclarés coupables de meurtres multiples, qui purgent actuellement une peine d'emprisonnement à perpétuité, de présenter une demande de libération conditionnelle lorsque leur période d'inadmissibilité sera expirée ni ne mettra en doute les décisions de la Commission des libérations conditionnelles du Canada de mettre en liberté des délinquants qui satisfont aux critères d'admissibilité.
Le projet de loi s'appliquerait uniquement aux délinquants qui ont commis plus d'un meurtre après l'entrée en vigueur de la loi.
Bref, le projet de loi n'est ni rétroactif ni punitif. Il constitue une réitération de l'engagement de notre gouvernement de répondre aux préoccupations des Canadiens en ce qui concerne le renforcement du système de justice en veillant à ce que les délinquants qui ont commis les crimes les plus graves écopent des peines les plus sévères.
Le projet de loi a fait l'objet d'un examen approfondi par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui a jugé bon d'apporter un amendement.
Cet amendement consiste à obliger les juges de motiver oralement ou par écrit leurs décisions d'imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle à un délinquant déclaré coupable de meurtres multiples. Le projet de loi, dans sa forme originale, aurait obligé les juges à fournir des explications uniquement s'ils décidaient de ne pas le faire.
Il s'agit d'un amendement que notre gouvernement ne juge pas nécessaire et qui pourrait même avoir des conséquences non voulues. En effet, l'objectif initial de notre gouvernement d'obliger les juges d'expliquer lorsqu'ils décident de ne pas imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle à un délinquant déclaré coupable de meurtres multiples était pour s'assurer que les victimes seront informées des raisons pour lesquelles le meurtrier en question a échappé aux périodes consécutives.
Comme je l'ai déjà expliqué, l'amendement de la porte-parole libérale fait en sorte que les juges soient obligés d'expliquer leurs raisons d'appliquer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle à un délinquant déclaré coupable de meurtres multiples. En d'autres mots et plus simplement, cet amendement fait en sorte que les meurtriers soient informés des raisons du juge. Le but ultime de notre projet de loi était de rétablir un équilibre entre les droits des victimes et les droits des délinquants — un équilibre qui était manquant depuis longtemps. Je suis d'avis que les conséquences de cet amendement vont à l'encontre de ce but.
Les membres conservateurs du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont tenté, sans succès, de renverser cet amendement, qui était appuyé par tous les membres de l'opposition. Bien que nous soyons opposés à ce changement, je crois que la nécessité de ce projet de loi est plus importante que les jeux politiques auxquels jouent les députés de l'opposition. Pour cette raison, et afin de ne pas ralentir le progrès de ce projet de loi, notre gouvernement appuie la version actuelle du projet de loi .
Je demande à tous mes collègues de la Chambre de m'aider à atteindre les objectifs expliqués en appuyant l'adoption de ce projet de loi.
:
Madame la présidente, j'ai le plaisir de prendre la parole à propos du projet de loi . Tout d'abord, le titre du projet de loi soulève des questions. Hier, le a dit fermement qu'il n'était pas important de tenir un débat sur les titres courts des projets de loi. Je ne suis pas d'accord là-dessus, madame la présidente.
[Traduction]
Je ne crois pas que débattre des titres courts des projets de loi est futile. Cette histoire des titres courts est importée directement des États-Unis d'Amérique. Leurs législatures se révélaient toxiques bien avant que les nôtres ne commencent à l'être. Et j'espère que cette nouvelle session au sein d'un Parlement dont le gouvernement est minoritaire donnera l'image de parlementaires qui veulent faire un bon travail et coopérer, mais les titres courts n'apportent rien dans ce contexte.
Une personne qui lirait rapidement ces deux projets de loi, dont les titres courts étaient « Loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves » et aussi « Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples », ne serait en fait pas capable de dire de quoi il s'agit. Il ne faut pas en faire notre Golgotha, mais envoyons au moins un message au gouvernement, à savoir que, s'il veut éviter toute forme de débat qui soit, il devrait faire en sorte que les projets de loi soient clairs.
Je suis pleinement conscient du fait que le titre long de ces projets de loi serait perdu. Dans le cas de la plupart de ces mesures législatives, le titre long ressemble à quelque chose comme « loi modifiant l'article 531 du Code criminel ». C'est incompréhensible. Le titre abrégé vise à indiquer ce qui est modifié dans le Code criminel ou ce que le gouvernement essaie de faire. Nous ne sommes pas dans un épisode de Mad Men. Il ne s'agit pas d'une campagne publicitaire dotée d'un titre accrocheur, qui vise à titiller la curiosité du consommateur et à l'amener à se demander si le produit est de la gomme à mâcher ou une voiture. Ce n'est pas ce que nous sommes en train de faire. Nous essayons de sensibiliser la population canadienne au contenu du projet de loi.
Ce projet de loi porte sur les peines d'emprisonnement à perpétuité consécutives et nous amène à nous demander si ces peines devraient être infligées par un juge. Les Canadiens qui s'intéressent à la question sont en mesure de comprendre de quoi il s'agit. C'est mon pressentiment quant à l'imbroglio touchant le titre. Cependant, je tiens à souligner que cette mesure législative, soit le projet de loi , — dont je parlerai à l'étape de l'étude en comité en faisant mention des amendements qui n'ont pas été adoptés —, nuit en fait aux victimes d'actes criminels. Permettez-moi d'abord de présenter un aperçu global du projet de loi.
Ce projet de loi vise à faire en sorte que les individus condamnés pour meurtres multiples purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité consécutives, c'est-à-dire l'une après l'autre, plutôt que de façon concurrente, c'est-à-dire en même temps. À première vue, on peut penser qu'il s'agit d'une bonne idée. Les libéraux et les citoyens souhaitent que des peines strictes soient imposées aux personnes condamnées pour meurtres multiples et que les conditions d'admissibilité à la libération conditionnelle soient resserrées dans leur cas. C'est le premier point. Je félicite le gouvernement d'avoir présenté ces dispositions.
Je félicite également le gouvernement et le ministère de la Justice d'avoir mis de côté leur position initiale, qui s'opposait aux juges et à leur pouvoir discrétionnaire. Après avoir écouté pendant cinq ans des fonctionnaires expérimentés du ministère de la Justice et, ajouterais-je, après avoir nommé bon nombre de ses amis à la magistrature, le gouvernement ne souhaite pas avoir l'air de s'en prendre autant aux juges ou à leur pouvoir discrétionnaire. Voilà pourquoi il y a une différence marquée entre les projets de loi sur la justice qui avaient été présentés en 2006-2007 et le projet de loi à l'étude aujourd'hui, qui porte sur un élément important de notre système judiciaire, soit le pouvoir discrétionnaire des juges.
Ce projet de loi prévoit accorder un certain pouvoir discrétionnaire aux juges. Ce qui est paradoxal, c'est que ce pouvoir discrétionnaire est l'élément du concept de retenue judiciaire qui nuit aux victimes d'actes criminels. Je vais en parler plus en détail dans un instant.
Le projet de loi peut sembler sévère, mais en réalité il n'aurait qu'un effet limité sur l'incarcération et la libération conditionnelle. Il ne ferait que modifier un régime qui a certes ses défauts mais tient quand même parfaitement la route. Les commissions des libérations conditionnelles sont mieux placées pour décider si un individu est vraiment prêt à la libération une fois qu'il y devient admissible. Au Canada, nous avons décidé de conférer de vastes pouvoirs à ces commissions et, dans l'ensemble, elles n'accordent pas la libération conditionnelle aux meurtriers récidivistes dès le moment où ils y deviennent admissibles. C'est un fait.
Si les conservateurs veulent semer la peur dans la population en faisant croire qu'un meurtrier récidiviste, un tueur en série, un Clifford Olson pour le nommer, peut sortir de prison, c'est ce qu'ils vont dire. Mais c'est une représentation erronée du fonctionnement de la Commission des libérations conditionnelles. S'ils ne sont pas d'accord avec sa façon de fonctionner, qu'ils en parlent dans un projet de loi distinct.
Permettez-moi une petite digression. En tant qu'élu, j'ai une objection au fonctionnement de la Commission des libérations conditionnelles, à cause de la famille d'une victime, la famille Davis. Ron Davis est un de mes amis de longue date. Il a été conseiller municipal à Riverview pendant de nombreuses années; c'était un leader de la collectivité.
La fille de Ron a été sauvagement assassinée dans un dépanneur de la rue St. George il y a de nombreuses années. Son meurtrier n'a manifesté aucun remords et il n'a rien fait pour se réinsérer mais, en vertu des dispositions du régime, il est pourtant admissible à une libération conditionnelle.
Nous avons fait beaucoup de tapage à ce sujet dans les médias locaux. Nous avons également écrit des lettres et fait intervenir de façon active et positive les ministres de la sécurité successifs. Je tiens à préciser que parfois il y a une certaine coopération. Nous avons dit que ce qui était arrivé à la famille Davis était affreux.
L'audience de libération conditionnelle a été annulée à la demande du criminel juste quelques heures avant le moment où elle devait se tenir. Le criminel qui semble pouvoir décider de la date, du moment et du lieu de l'audience. La famille Davis qui était venue de Moncton à Québec pour cette audience a dû repartir. Le comble, c'est qu'elle avait dû payer à l'avance tous les frais de cette audience. C'est exigé par la loi. Cette anomalie cruelle est une exigence du système. Pourquoi ne présente-t-on pas un projet de loi pour la supprimer? Pourquoi ne s'y attaque-t-on pas?
Le ministre a écrit une lettre. On m'a cité dans le journal. M. Davis a ses propres recours et les défenseurs des droits des victimes se font entendre. Mais ce n'est pas comme cela que les choses devraient se passer. Ce n'est pas en faisant toute une campagne publicitaire qu'on devrait demander que la Commission nationale des libérations conditionnelles change sa façon de fonctionner.
Si on craint tant que des gens comme Clifford Olson ou les meurtriers des agents Bourgeois et O'Leary, de Moncton, soient remis en liberté, pourquoi ne nous attaquons-nous pas à ces cas en particulier? Si nous en avons contre la Commission des libérations conditionnelles, pourquoi ne prenons-nous pas des mesures qui la visent, elle, en particulier? Il y a eu des plaintes à propos de la Commission des libérations conditionnelles; c'est pour cette raison que j'ai demandé au secrétaire parlementaire si ce projet de loi portait sur son fonctionnement ou sur ce que les gens croient être son fonctionnement.
Le Comité de la sécurité publique a étudié la question, mais je suis loin d'être convaincu que les Canadiens ont été mis au courant de la manière dont la commission fonctionne et lui font vraiment confiance. Nous devons à tout le moins faire enquête ou apporter certaines corrections à son mode de fonctionnement. Et si c'est bel et bien l'objectif poursuivi par ce projet de loi, alors il est n'est pas à sa place et il est mal rédigé.
Si tous les libéraux et les députés de l'opposition croient que la majorité des tueurs en série sortent de prison après 25 ans, je comprends qu'ils puissent s'inquiéter. Mais c'est faux. C'est tout le contraire, et les statistiques sont là pour le prouver. Les avocats de la défense nous confirment que très peu de tueurs en série sont relâchés après 25 ans. En fait, je m'inquiète de ce que le gouvernement tente d'inventer des problèmes juridiques qui ne font qu'effrayer les Canadiens et de proposer des solutions à des problèmes qui n'existent même pas.
Il y a deux mois, le Times & Transcript de Moncton publiait un article dans lequel on affirmait que le meurtrier Clifford Olson avait encore demandé une libération conditionnelle. C'est inquiétant, soit, mais sa demande a été refusée. Il ne sera jamais remis en liberté sous condition.
Quelques semaines plus tard, une série d'articles ont été publiés dans divers quotidiens du pays à propos de Russell Williams. Le Sun d'Edmonton, comme ceux de Calgary, de Winnipeg et de Toronto ont tous affirmé que Russell Williams n'obtiendrait jamais de liberté conditionnelle, mais que personne ne pouvait garantit ce qui allait se passer dans 25 ans. C'était précisément sur ce point que tournaient tous ces articles. Tout le monde sait que les crimes commis par Russell Williams sont tout à fait dégoûtants, mais est-ce une raison pour entacher la réputation de la Commission des libérations conditionnelles? Si oui, qu'on fasse enquête sur les principes juridiques canadiens qui nous ont pourtant plutôt bien servis jusqu'à maintenant.
Russell Williams ne sortira pas de prison. Il a commis de nombreux crimes, notamment des meurtres multiples. Si la Commission nationale des libérations conditionnelles traite son cas comme elle a traité d'autres cas très médiatisés de meurtres multiples, M. Williams ne sera jamais libéré de prison.
Selon un autre article récent paru dans l'Edmonton Sun, en vertu de ce projet de loi, les personnes reconnues coupables de meurtres multiples resteraient plus longtemps derrière les barreaux. Rien ne prouve cela. Les auteurs de meurtres multiples qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité demeurent incarcérés bien au-delà de 25 ans.
Mes collègues se rappelleront peut-être le débat d'hier au sujet de projet de loi , qui touche la durée des peines purgées par les meurtriers. Au Canada, les auteurs de meurtres au premier degré sont incarcérés pendant 28,4 ans en moyenne. La période d'emprisonnement est encore plus longue pour certaines personnes. C'est notamment le cas des auteurs de meurtres multiples.
Puisque ce projet de loi est étudié par un comité différent, touche un autre ensemble de lois et n'a pas encore été mis à l'épreuve, une question s'impose : la Commission nationale des libérations conditionnelles tient-elle compte à l'heure actuelle du fait qu'une personne a commis de multiples meurtres lorsqu'elle examine l'admissibilité de la demande de libération de cette dernière?
La Commission nationale des libérations conditionnelles a-t-elle pour directive et pratique de traiter différemment, après 25 ans d'emprisonnement, le cas d'une personne reconnue coupable de deux meurtres de celui d'une personne ayant commis un seul meurtre? Je parie que oui. Toutefois, nous ne disposons pas de preuve à cet effet.
Selon le professeur Doug King de l'université Mount Royal, les mesures proposées dans ce projet de loi auront probablement peu d'effet dissuasif. Elles ne retireront pas de nos collectivités les auteurs de meurtres multiples, ne les garderont pas plus longtemps à l'écart de celles-ci et ne les dissuaderont pas non plus de commettre leur crime. Ainsi, ce projet de loi ne servirait qu'à passer comme message que la perpétuité signifie la perpétuité et que le fait d'enlever la vie à deux personnes entraîne effectivement l'emprisonnement à vie.
À mon avis, c'est déjà la réalité. Nous voudrions en avoir la preuve. Nous ne nous opposons pas à un message à l'égard du châtiment ou au retrait des transgresseurs de la société. Nous ne nous opposons pas aux principes de l'article 718 du Code criminel. Toutefois, il faut un certain équilibre. Il faut accepter le principe qu'en cas de crime de gravité moindre, la réadaptation a un rôle à jouer, même au sein du système correctionnel.
Au cours de la pause de Noël, j'ai eu l'occasion de visiter l'un des établissements les plus anciens au Canada, le pénitencier Dorcherster, au Nouveau-Brunswick. Il s'y trouve toutes sortes de criminels, y compris des personnes condamnées pour meurtre. À première vue, on peut avoir tendance à croire que la réadaptation n'est pas importante pour des gens qui vont passer le reste de leur vie derrière les barreaux, puisqu'ils ne retourneront jamais vivre dans la société. Mais il n'en est rien. Lorsqu'on écoute ce qu'ont à dire les agents correctionnels et leurs représentants syndicaux, on apprend que leurs vies sont mises en péril lorsque des détenus n'ont absolument aucun espoir de vivre une vie un tant soit peu acceptable dans le milieu carcéral. Les agents sont en danger quotidiennement si l'offre de programmes en prison n'augmente pas en fonction de la croissance de la population des délinquants dans le système judiciaire.
Le gouvernement n'entend pas ce message. Les députés ministériels, qu'ils siègent sur les banquettes avant ou arrière, devraient se réveiller et s'ouvrir les oreilles. Il devrait discuter avec les agents correctionnels et veiller à ne pas perdre leur appui. Les agents correctionnels disent que le gouvernement est en train de remplir les prisons, mais ne respecte pas ses engagements en matière de réadaptation, de formation et d'amélioration des installations existantes. Le gouvernement met leur vie en danger et leur cause davantage d'anxiété. C'est pourquoi ils disent ne pas avoir l'intention d'appuyer le gouvernement et ses programmes. C'est un signal d'alarme que j'envoie aux conservateurs, qui devraient allumer leurs lanternes dans le dossier de la loi et de l'ordre.
En tant que député libéral, je veux qu'on sévisse contre le crime. Je viens d'une famille où l'on n'est pas tendre envers les criminels. Mon oncle Henry était juge à la Cour provinciale. On le surnommait « Henry le bourreau ». Au cours des 30 années où il a exercé ses fonctions de juge, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, la Cour provinciale n'a infligé aucune peine d'emprisonnement à perpétuité, mais on ne voyait pas mon oncle comme un magistrat indulgent envers les criminels. Ce n'est pas l'indulgence qui me caractérise non plus. Qu'est-ce que le gouvernement essaie de dire exactement? Il décerne ce qualificatif à toute personne qui remet en question ses affirmations.
Dans une vraie démocratie, on peut dire: « bravo pour vos propositions concernant le pouvoir judiciaire discrétionnaire et l'interprétation de la peine d'emprisonnement à perpétuité, mais vous n'avez pas la note de passage pour le reste et vous devriez refaire vos devoirs. » C'est le travail que nous faisons dans cette enceinte. Je dis au gouvernement que le bac de sable ne lui appartient pas et que tout le monde peut y jouer. Tâchons de jouer ensemble de manière plus raisonnable.
Le projet de loi ne changera pas beaucoup. Il fait partie du programme de mesures législatives sévères contre le crime, mais en fait, il ne donnera pas beaucoup de résultats. Il est mal conçu.
Je veux parler d'un amendement qui aurait mieux servi les victimes.
Il existe une doctrine qu'on appelle la « réserve judiciaire ». Elle a fait l'objet de nombreuses discussions et a fait couler beaucoup d'encre. Essentiellement, ce qu'on entend par réserve judiciaire, c'est le fait de pêcher par excès de prudence. Si on a le choix entre deux options, il vaut mieux choisir celle qui prêtera le moins le flanc à la critique.
Permettez-moi de citer l'article du Oxford Journal of Legal Studies concernant la réserve judiciaire fourni par la Bibliothèque du Parlement, dans lequel on dit ceci: « L'opportunité que les juges exercent une certaine réserve dans leurs jugements est une question constitutionnelle qui revêt une importance capitale en ce qu'elle s'applique à la plupart des domaines du droit public et privé. »
Voilà une question institutionnelle internationale sur laquelle se penchent tous les jours des universitaires. Elle existe bel et bien; je ne l'invente pas. Le fait est que, si un juge a le choix entre établir l'admissibilité à la libération conditionnelle à 25 ou à 50 ans dans le cas d'une condamnation pour deux meurtres au premier degré, par exemple, je crois, tout comme les auteurs qui ont abordé la question de la réserve judiciaire, qu'il choisira probablement 25 ans.
Un amendement qui a été proposé lors de l'étude en comité aurait donné aux juges un véritable pouvoir discrétionnaire. Ce que prévoit le projet de loi, c'est que les juges pourront choisir entre 25 et 50 ans. C'est comme décréter qu'on peut rouler sur l'autoroute 401 à l'heure de pointe à 30 ou à 100 milles à l'heure, même si ni l'une ni l'autre de ces vitesses n'est sécuritaire. Dans le cas qui nous occupe, la possibilité de choisir entre 25 et 50 ans pourrait ne servir l'intérêt ni des victimes ni de la société.
Cet amendement n'a pas rallié le soutien. Il n'a pas fait l'objet de recherches rigoureuses avant que le Parlement en soit saisi. Il a été rejeté, et ce, au péril des victimes. Voici ce qui pourrait arriver. Un juge pourrait considérer qu'il a affaire à une série de meurtres atroces et que l'admissibilité ne peut s'appliquer comme dans le cas d'un seul meurtre. Autrement dit, en cas de condamnation pour un meurtre au premier degré, l'admissibilité à la libération conditionnelle, soit le délai après lequel une personne déclarée coupable peut demander sa libération conditionnelle, est de 25 ans. Voilà comment fonctionne cette loi. En vertu de celle-ci, un juge ayant à se prononcer sur deux meurtres pourrait se dire « Je vais fixer la période d'inadmissibilité à 50 ans » ou « La personne déclarée coupable a 40 ans, une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 50 ans est déraisonnable. Il y une chance de réhabilitation. Il s'agit peut-être d'un crime passionnel ou commis sous l'influence de drogues. » Ce sont autant de circonstances atténuantes qui pourraient inciter un juge à imposer une période de 25 ans, et non de 50.
L'amendement aurait permis, et le gouvernement aurait pu proposer, rien ne l'empêchait, d'avoir une loi donnant aux juges un véritable pouvoir discrétionnaire, leur permettant d'imposer une période allant de 25 à 50 ans. Le juge aurait pu dire: « Ces gestes sont odieux. Le coupable a 40 ans. Je vais imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 35 ans. » Voilà qui aurait été un véritable pouvoir judiciaire discrétionnaire. C'est un pouvoir discrétionnaire qui existe; aucun membre du comité, moi y compris, n'a l'habitude de chercher à imiter le système de justice américain ou d'en parler, mais ce pouvoir judiciaire discrétionnaire existe aux États-Unis.
À titre d'avocat, j'ai pensé que cette mesure inciterait les juges à utiliser leur pouvoir discrétionnaire. Il me semblait que cela viendrait à bout de leurs réticences à évoquer cette disposition pour imposer des peines plus longues, car à mon avis, bien peu de juges utiliseraient ce 25 ans supplémentaire. Les juges sont des êtres humains. Décider du sort d'une personne pour les 50 prochaines années, c'est mettre beaucoup de poids sur les épaules d'un juge.
[Français]
Je ne peux pas m'empêcher de reprendre mes propres mots, soit ceux que j'ai prononcés ce matin et hier en cette Chambre à propos du projet de loi . Bien sûr, ces deux projets de loi me posent problème.
[Traduction]
Il a des choses très concrètes que le gouvernement peut faire, comme je l’ai dit, en ce qui concerne l’autre mesure législative. Nous pouvons vraiment sévir à l’endroit des criminels. La Chambre pourrait légiférer pour protéger les Canadiens contre les crimes. Qu’attendons-nous? Cela fait cinq ans. Les conservateurs tiennent le gouvernail depuis cinq ans. Pourquoi ne sont-ils pas plus énergiques dans d’autres domaines de la loi? Ils devraient augmenter le nombre d’agents de police dans les rues. C’est ce qu’on a fait à New York. Cette ville était une capitale du crime. Or, selon les statistiques, son taux de criminalité pour 2006 a été le plus faible depuis 1963.
Où sont les agents de police qui avaient été promis? Où est l’argent pour la réadaptation? Quelles politiques qui ont donné des résultats ailleurs pourrions-nous emprunter?
Il y a une foule de différences frappantes entre les conservateurs et les libéraux. Les conservateurs veulent promouvoir leur programme de lutte contre la criminalité. Ils dépensent de l’argent à tout va pour de la publicité et des discours. Il serait préférable d’équiper les forces policières de sorte que les collectivités de tout le Canada soient vraiment en sécurité.
:
Madame la Présidente, je vais dire d'entrée de jeu que nous sommes d'accord: il s'agit d'une bonne loi. C'est pourquoi nous allons voter en sa faveur.
Nous sommes convaincus que ce n'est pas du tout l'esprit qui anime le gouvernement. Ce qui anime le gouvernement, c'est encore le profit politique qu'il pourrait en tirer. C'est assez significatif que cette loi soit présentée pour une deuxième fois afin que, pour une deuxième fois, le gouvernement puisse aller dire publiquement qu'il combat les sentences « à rabais ». C'est une expression indigne dans notre système judiciaire, en plus d'être complètement irréaliste. On voudrait nous faire croire qu'une sentence d'emprisonnement à perpétuité est à rabais. Ce ne serait pas à rabais. Il faudrait deux vies quand il y a deux victimes? Voyons donc! Ce sont là des raisonnements ridicules. Encore une fois, on s'inspire des Américains. Ces derniers ont ces habitudes ridicules d'imposer des sentences totalement irréalistes, comme 175 ans de prison. Par exemple, un avocat a dit a son client, en sortant, de ne pas s'en faire et qu'il avait seulement à faire ce qu'il pouvait.
En outre, ils utilisent les expressions qui sont encore des expressions de pure propagande. Ce titre est un titre de pure propagande. Il est mensonger. Il n'y a pas de sentence à rabais en matière de meurtre au Canada. Il est vrai qu'il y a des meurtres multiples, mais la plupart du temps, il n'y a qu'une seule victime de meurtre par individu.
Il faut bien comprendre que, en fin de compte, cette loi ne changera pas grand-chose à la peine d'incarcération que des prisonniers vont purger parce que cette décision — et c'est pourquoi je trouve que cette loi est bonne — peut être prise par ceux qui ont entendu le procès, soit le juge et le jury. À la fin d'un procès, on demande l'opinion du jury à savoir si on devrait prolonger la période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle, autrement dit, le délai pendant lequel il pourrait la demander. Et le juge doit tenir compte de cette opinion et exposer ses raisons.
Il aurait été préférable, comme l'avait suggéré le député de , que le juge ait un peu plus de pouvoir discrétionnaire et que, dans certains cas, ce dernier n'ait pas à décider entre 25 et 50, comme c'est le cas actuellement, mais qu'il puisse moduler. Enfin, peu importe. De toute façon, si le juge ne l'avait pas fait, il est certain qu'au bout du compte, la Commission des libérations conditionnelles en aurait tenu compte.
Il faut bien réaliser qu'il y a des meurtres multiples moins graves que des meurtres simples et qu'il y a des meurtres simples plus graves que des meurtres multiples. La multiplicité des victimes est certainement une des circonstances les plus importantes qui doivent être prises en compte au moment de décider si on accorde ou non une libération conditionnelle. Cependant, l'actualité nous donne des exemples frappants de cette différence.
Vous savez que celui qui était considéré comme le chef des Hells Angels, Maurice « Mom » Boucher, avait donné son consentement pour que l'on s'attaque aux gardiens de prison. Il avait en effet encouragé une personne à aller devant les prisons et à tuer les deux gardiens qui transportaient des prisonniers. Deux personnes se sont présentées: l'une conduisait la moto et l'autre était derrière. Ils ont tué le premier gardien de prison. Quand ils sont venus pour tuer le deuxième, l'arme s'est enrayée. Maurice « Mom » Boucher a donc été trouvé coupable de complicité pour le meurtre d'un seul gardien.
Regardez, d'un autre côté, ce que nous apporte l'actualité. Rappelez-vous ce cas épouvantable à Saint-Jérôme dans le courant de l'année dernière, soit celui d'un jeune chirurgien excessivement apprécié dans la communauté et amoureux fou de sa femme, elle-même médecin. Quand elle l'a laissé, il a tué leurs deux enfants. C'est évidemment un geste de désespoir. On se demande pourquoi.
C'est sûr qu'il mérite une sentence et qu'il doit passer une période de temps considérable en prison. Et il va le faire car, dans ce cas, au bout de 15 ans, il ne pourra pas s'adresser à un comité pour être éligible à une libération conditionnelle avant 25 ans, parce que ce sont des meurtres multiples. Toutefois, il est évident qu'on ne peut pas traiter un chirurgien de la même façon que le directeur des Hells Angels, « Mom » Boucher.
L'actualité nous donne un autre exemple. Au Lac-Saint-Jean, une famille pauvre, désespérée, ayant demandé de l'aide à des gens qui n'en donnaient pas, en arrive finalement à la conclusion épouvantable que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, ni pour les parents ni pour leurs enfants. Ils se procurent des médicaments en assez grande quantité pour pouvoir donner la mort aux quatre personnes. Après un certain temps, on les trouve dans la maison. Ils sont tous inconscients. Les médecins réussissent quand même à sauver la femme. Elle survit et elle est donc accusée des meurtres de son mari et des deux enfants, ce qui est correct. Elle est condamnée. Encore là, on voit qu'il y a une différence de nature entre « Mom » Boucher et cette personne. Naturellement, il existe là un comportement psychiatrique anormal qui ne s'excuse pas et qui ne la rend pas inapte à choisir. Par conséquent, ce n'était pas une défense possible à une accusation criminelle, mais ses actes ne sont quand même pas de la même nature que ceux de « Mom » Boucher.
Pensons au tueur de Tucson et imaginons que cela se produise chez nous. Dans ce cas-là, il y a aussi des meurtres multiples. C'était tellement important. Il y a encore le cas de ceux qui ont déposé une bombe qui a éclaté dans l'avion d'Air India. C'est certain que le fait qu'il s'agisse de meurtres multiples sera pris en considération par ceux qui auront à décider d'une libération conditionnelle. C'est donc certainement un élément important, mais qui était pris en considération et qui le sera toujours, même si on n'adopte pas ce projet de loi.
Cependant, je trouve une amélioration ici. Actuellement, on laisse la décision à la Commission des libérations conditionnelles de traiter les cas de meurtres multiples. Je trouve que c'est une amélioration à la loi qu'on demande, à l'avenir, leur opinion au jury qui a entendu le procès et au juge qui rendra une décision.
Un autre exemple de meurtres multiples épouvantables est le cas du colonel Williams.
Cela dit, dans le langage que le gouvernement utilise, il faudrait qu'il y ait un peu de rigueur. Le actuel n'est vraiment pas à la hauteur de bien des ministres de la Justice qui l'ont précédé. Lui, il tient absolument à toujours être au niveau des chats de ruelles et des batailles politiques. Il est justement celui qui inspire tous ces titres qui sont davantage des slogans de propagande que des informations données sur la loi. Encore là, il continue à exprimer son mépris pour les juges et le système. Utiliser un mot comme « sentence à rabais », c'est, encore une fois, exprimer son mépris en vue de vagues avantages politiques, pour montrer combien il est tough on crime. D'ailleurs c'est une habitude qu'il prend. Je rappelle qu'il y a un projet de loi, applaudi à tout rompre par les conservateurs, auquel il donne le titre suivant: « Loi mettant fin aux sentences à domicile des délinquants violents et dangereux ». Or aucun juge ne permet à des délinquants violents et dangereux de servir leur sentence à domicile. Cela leur est défendu par la loi actuelle. Le premier critère qu'un juge doit considérer avant de permettre à quelqu'un de purger sa sentence à domicile est le danger que cela représente pour la sécurité publique.
À mon avis, un délinquant violent et dangereux qui purge une peine à domicile met en effet en danger la sécurité publique. Donc, les juges n'imposent pas ce type de peine.
Le titre du projet de loi indique bien qu'il s'agit d'une insulte à la magistrature. Le député rit de nous parce qu'on s'occupe des titres. Oui, on s'occupe des titres de propagande. Pourquoi fait-il de la propagande mensongère dans les titres qu'il donne? À mon avis, cela démontre encore une fois qu'il n'a pas atteint le standard de sagesse et de qualité qu'ont atteint avant lui d'autres ministres de la Justice — je pense à Guy Favreau, à Pierre Elliott Trudeau, à Mark MacGuigan et à d'autres. Il n'est pas à la hauteur de ses prédécesseurs.
Toutefois, son projet de loi comprend une amélioration, soit le rôle du juge et du jury qui ont entendu la cause. C'est la seule amélioration que l'on y trouve, mais peu de changements y sont apportés.
Dans les arguments en faveur du soutien à cette loi, le député du gouvernement parlait des victimes qui seront obligées d'assister encore et toujours aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et d'entendre le récit des crimes dont leurs proches ont été victimes. Les membres de la famille de la victime ne sont pas obligés d'assister à ces auditions. Habituellement, la moitié des victimes décide d'y assister et l'autre moitié choisit de ne pas y assister. Par contre, rien n'empêche les gens qui décident de ne pas y assister de donner leur opinion par écrit ou autrement.
Puisque l'on parle de cela, sachez que cela peut être corrigé très simplement. D'ailleurs, je pense que c'est actuellement dans la loi, mais je ne sais pas si cela s'applique à Olson. Actuellement, la loi prévoit que, lorsque quelqu'un qui a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité fait une demande de libération conditionnelle avant terme — admettons qu'on l'autorise à faire une demande après qu'il aura purgé 15 ans —, le jury qui rend sa décision sur la première demande peut effectivement déterminer quel sera le délai pendant lequel il pourra demander une autre libération conditionnelle. Il me semble que cela s'applique aussi à Olson, mais peut-être que non puisqu'il a déjà purgé un minimum de 25 ans. Il suffit d'avoir une disposition semblable à celle qui est déjà dans la loi, pour ceux qui font la demande 15 ans ou 25 ans après le début de l'emprisonnement, pour que le jury décide. Dans un cas comme celui d'Olson, c'est évident. Si jamais le colonel Williams décidait, au bout de 25 ans, de faire une demande de libération tous les deux ans, il suffirait d'avoir dans la loi une disposition selon laquelle le jury qui entend la première demande peut très bien déterminer le prochain délai à l'intérieur duquel une autre demande pourrait être faite. Ainsi, le jury soustrairait ce problème aux familles des victimes.
Lorsque nous traitons de cette loi, il est utile de rappeler qu'au Canada, depuis les 40 dernières années, les meurtriers purgent les plus longues peines. C'est étonnant de voir qu'après l'abolition de la peine de mort, les meurtriers purgent des peines beaucoup plus longues que celles purgées par les meurtriers qui avaient été condamnés à mort, mais dont la peine avait été commuée. Avant 1968, le délai moyen de la peine purgée par les meurtriers condamnés à mort et dont la peine avait été commuée était de 7 ans. De 1968 à 1974, cela a augmenté à 10 ans. Depuis 1974 et à la suite des autres réformes, on est rendu à 28,4 ans. Dans des pays civilisés avec qui le Canada se compare généralement — comme des États de droit —, la moyenne est d'environ 15 ans. Par exemple, il s'agit de 14 ans pour ce qui est l'Angleterre et de 12 ans pour ce qui est de la Suède.
D'ailleurs, au moment d'apporter les amendements en 1976, on s'était basés là-dessus pour établir qu'on devrait peut-être revoir cette décision au bout de 15 ans pour une personne condamnée à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Quinze ans, c'était un peu plus que ce qui prévalait en moyenne dans les autres pays civilisés.
C'est significatif que nous soyons passés au premier rang dans ce domaine. Il semble que le but des conservateurs soit de rejoindre les premiers rangs du point de vue de la sévérité des sentences. Je rappelle à mes collègue qu'on a du chemin à faire pour rejoindre les États-Unis, le pays qui, proportionnellement, incarcère le plus au monde à l'heure actuelle. Ce fut jadis la Russie, mais les Américains ont battu les Russes, et ils incarcèrent actuellement sept fois plus que nous.
On a aussi parlé de l'influence des médias et de leur rôle. J'aimerais bien rappeler aux médias qu'il devraient peut-être avoir un peu plus de rigueur dans la façon dont ils décrient les décisions judiciaires. Par exemple, la Commission des libérations conditionnelles du Canada met en avant un programme de libération progressive et elle envoie quelqu'un dans une maison de transition. Or il n'y a qu'une seule différence entre la liberté de la personne en prison et la liberté de celle en maison de transition: en maison de transition, il n'y a ni mur, ni barbelé ni gardien armé pour s'assurer que cette personne ne sortira pas. Mais, comme en prison, la personne en maison de transition devra manger quand on le lui dit, manger ce qu'on lui donne, faire ce qu'on lui dit au courant de la journée et être avec un groupe de criminels également condamnés. Elle sera privée de la majeure partie de sa liberté. Progressivement, la personne pourra avoir un emploi, mais elle devra travailler aux heures prescrites, revenir à la maison de transition et y dormir. Puis, la personne atteindra progressivement une plus grande liberté. Qu'on comprenne bien qu'une personne en liberté conditionnelle ne recouvre pas son ancienne liberté.
Les journaux parlent généralement d'un changement de statut quand on sort la personne des murs barbelés et disent que la personne est alors en liberté. C'est faux car il s'agit d'une liberté très restreinte. C'est ce qu'il faut prendre en considération. Le coût est important ici car de maintenir la personne en prison coûte en moyenne 110 000 $, alors que le coût en maison de transition est en moyenne de 30 000 $. On peut parfaitement limiter la liberté de bien des criminels qui ne sont pas assez dangereux pour être gardés dans ce contexte de sécurité maximale qu'est traditionnellement la prison.
Nous avons enfin réussi à imposer un amendement au gouvernement en comité. Qu'on comprenne bien que nous, les députés de l'opposition, trouvons carrément insultant pour les juges d'avoir à justifier par écrit ou oralement leurs décisions s'ils refusent de prendre la mesure la plus sévère. D'abord, il est normal que les juges justifient leurs décisions d'une façon ou d'une autre, mais pourquoi donner une obligation supplémentaire si on n'applique pas une certaine mesure?
Cela va évidemment dans le même sens que ces titres de loi laissant entendre qu'au Canada on rend des sentences à rabais, comme s'il y avait des ventes de je ne sais trop quoi, ou encore, ou que les juges, contrairement à la loi, permettent à des gens dangereux et violents de purger leur peine dans la communauté, même si on le leur défend.
Ça va toujours dans le même sens. C'est récent dans l'histoire du Parti conservateur. Je ne crois pas que les anciens premiers ministres Joe Clark et Brian Mulroney aient développé cette manie de se faire du capital politique sur le dos des juges ou des libérations conditionnelles.
Il y a eu beaucoup de discussions intelligentes au Parlement sur le rôle des libérations conditionnelles. Il reste cependant que le système des libérations conditionnelles a apporté beaucoup d'avantages pour ce qui est du traitement de la délinquance.
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Madame la Présidente, je suis sûr que mon collègue de ne m’en voudra pas de passer avant lui. Je suis également sûr qu’il restera à la Chambre pour écouter attentivement tout ce que je vais dire, tout comme je le ferai bientôt quand il prendra la parole.
Je voudrais énoncer clairement la position du NPD. Nous avons encore de graves réserves au sujet du projet de loi. Plusieurs membres de notre caucus auraient tendance à l’appuyer et plusieurs autres s’y opposent. Une fois le débat terminé, nous prendrons une décision finale à cet égard.
Ce qui est arrivé dans ce cas constitue un exemple classique de la façon dont le gouvernement, de même que le Parti conservateur, aborde le crime. Dans bien des cas, le gouvernement adopte une position idéologique quand il ne se laisse pas emporter par des émotions, au lieu de prendre position en fonction d’une bonne politique publique, d’une bonne planification et des moyens d’affronter les membres de notre société qui sont prêts à aller jusqu’au bout en se rendant coupables d’assassinat.
Le projet de loi est conçu pour tous les Clifford Olson, Paul Bernardo et Pickton du monde. C'est ainsi que les conservateurs l'ont décrit. C'est en affirmant cela que les conservateurs l'ont fait accepter par la population.
Cependant, nous avons entendu aujourd'hui mentionner les cas d'auteurs de multiples meurtres qui n'entrent pas du tout dans la même catégorie. Il y a juste quelques minutes, un bloquiste a parlé du cas d'un chirurgien bien connu et respecté de Saint-Jérôme, au Québec, qui a tué ses deux enfants après l'échec de son mariage. Un député de Scarborough a pour sa part mentionné le cas d'une mère qui a tué ses deux enfants.
En vertu de la loi actuelle, la disposition de la dernière chance ne s'applique pas aux auteurs de meurtres multiples, y compris les deux cas que je viens de mentionner et dont les conservateurs ne parlent évidemment pas. Dans ces cas, les meurtriers passeront 25 ans en prison avant d'être admissibles à une libération conditionnelle. Puisqu'ils ne peuvent pas présenter une demande de libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de détention, ils resteront probablement en prison au moins un an de plus. En moyenne, même lorsqu'il est évident que les individus sont réadaptés et ne présentent aucun risque pour la société, ils passeront 26 ans de leur vie derrière les barreaux.
Les conservateurs affirment qu'il y a peut-être des exceptions, mais ils veulent quand même être certains de prendre tous les Olson du monde. Cependant, dans les faits, environ 80 p.100 de tous les meurtres sont commis par des gens de la dernière catégorie, pas par des individus comme Olson, c'est-à-dire qu'ils connaissent leurs victimes et que leurs victimes les connaissent. Très souvent, les meurtriers tuent des membres de leur famille ou, à tout le moins, des connaissances.
Avec son projet de loi, le gouvernement tente de régler le problème posé par Clifford Olson, mais il créera malheureusement une injustice envers d'autres personnes.
Je rappelle la réaction que nous avons vue dans l'affaire Latimer, lorsqu'il y a eu une bataille devant les tribunaux au sujet de la possibilité de libérer Latimer avant 10 ans, qui était la peine minimale qu'il devait purger, en raison de la nature du crime pour lequel il avait été condamné, soit le meurtre de sa fille. Il y a eu un vaste débat au Canada. La population était probablement divisée également en deux camps. Jusqu'à 50 p.100 des Canadiens affirmaient que, dans les circonstances — et je tiens à préciser que je n'appuyais pas cette position — il devait peut-être être autorisé à passer moins de temps en prison que le minimum absolu de 10 ans.
Il y a bien d'autres cas où, lorsque les faits sont présentés à l'ensemble de la population, celle-ci dira que 10 ans c'est bien, que 15 ans c'est trop et que 25 ans c'est nettement trop long.
Essentiellement, les Canadiens sont des gens justes. Ils recherchent la justice et ils veulent qu'il soit clairement établi dans notre société que toute personne qui commet un acte criminel devra en subir les conséquences, et qu'il s'agira évidemment de lourdes conséquences dans le cas d'un meurtre ou d'un acte entraînant la mort d'autrui. Il ne fait aucun doute que les Canadiens considèrent qu'il est juste d'agir ainsi. Toutefois, d'après mon expérience et tout ce que j'ai lu, je crois également que les Canadiens souhaitent que les gens soient traités équitablement. S'il est question de Clifford Olson, ils tiennent à ce qu'il reste en prison pour le reste de sa vie. Il en va de même de Paul Bernardo. Or, le cas Latimer ne ferait pas l'objet d'un consensus au pays.
Par conséquent, le projet de loi cible clairement un problème dont nous reconnaissons l'existence. Toutefois, le projet de loi entraînera beaucoup d'autres problèmes, ce que le gouvernement ne comprend pas.
Il importe vraiment d'établir la distinction entre le meurtre d'une, de deux ou de plusieurs personnes. Peut-être que je devrais déposer ces chiffres. Au Canada, en moyenne, de 14 à 16 meures multiples sont commis chaque année. La grande majorité de ces meurtres ne sont pas commis par un tueur en série, mais par un mari ou un conjoint qui perd la tête et qui tue, presque toujours, sa conjointe et le nouvel amant de celle-ci. Voilà de quoi il s'agit dans la majorité des cas.
Si les Canadiens ordinaires se penchaient sur ces chiffres et sur les cas particuliers, la plupart d'entre eux diraient que la suppression de la disposition de la dernière chance — qui aura lieu si le projet de loi dont nous avons débattu hier est adopté — ainsi que l'adoption de ce projet de loi créeront beaucoup plus de problèmes et d'injustices.
Nous ne pouvons pas étudier ce projet de loi en vase clos. Nous devons tenir compte du projet de loi . Les libéraux, à l'instar des ministériels, l'appuieront et il sera adopté. Nous allons nous retrouver dans une situation où la décision sera entre les mains des juges dans le cas d'une affaire de meurtres multiples. Mon collègue de avait raison. Les juges utiliseront rarement ce projet de loi, cette loi, s'il est adopté, et visiblement il le sera. Je suppose que c'est un point que toute personne qui s'apprête à appuyer le projet de loi doit souligner. On part du principe que nos juges l'utiliseront avec discernement.
En dépit du manque de respect continuel du gouvernement à l'égard de notre système judiciaire, tant dans ses discours que dans les mesures qu'il prend — et le libellé du projet de loi le prouve —, je tiens à souligner que notre système est à tout le moins à la hauteur du meilleur système judiciaire au monde, sinon le meilleur, au niveau tant provincial que fédéral. Il n'est pas parfait, mais aucun système ne le surpasse. D'autres systèmes sont peut-être à sa hauteur, mais aucun ne le surpasse.
Par conséquent, les juges, individuellement, devront décider, lorsqu'ils seront saisis d'une affaire de meurtres multiples et auront condamné l'accusé au terme d'un procès en bonne et due forme, s'ils envoient le condamné en prison pendant 50 ou 75 ans pour trois meurtres. Je le répète, dans la vaste majorité des cas, à l'exception peut-être d'un meurtrier du genre d'Olson, ils n'imposeront pas une si longue peine.
Les témoignages qu’ont livrés au comité des juristes et des représentants d’organisations comme la Société John Howard et la Société Elizabeth Fry ont été intéressants. Il en est ressorti très clairement que, au moment de la détermination de la peine, les juges savaient qu’il était impossible de prédire ce qui arriverait 25 ans plus tard. S’il s’agit de meurtres multiples, ils savent que, dans l’état actuel de nos lois, le coupable ne pourra pas demander la libération conditionnelle pendant un maximum de 25 ans.
La vaste majorité des juges et même tout près de 100 p. 100 d’entre eux s’avoueront incapables de dire avec la moindre certitude ce que telle ou telle personne sera devenue dans 25 ans, où en seront rendus, dans 25 ans, les traitements psychologiques et psychiatriques comme moyen de faire évoluer des criminels de cette nature et leur faire réintégrer la société sans risque. Les juges diront qu’ils n’invoqueront pas les dispositions du projet de loi , et ils ne le feront pas dans la vaste majorité des cas.
Cela pourra arriver à l’occasion, si un Pickton ou un Olson comparaît devant les tribunaux. Les députés qui veulent appuyer le projet de loi soulageront peut-être leur conscience en se disant que cette disposition sera rarement utilisée et que, vu la confiance que nous avons envers la magistrature, elle ne sera utilisée que lorsque cela est justifié.
Une autre chose préoccupera les juges, mais, de toute évidence, le gouvernement ne s’en soucie pas. Si je dis cela, c’est qu’il existe d’autres solutions, comme la façon de traiter les tueurs en série, mais j’y reviendrai dans quelques minutes. Ce qui préoccupera les juges, c’est la nécessité d’éviter de tourner en ridicule le système de justice pénale. En effet, si on condamne un tueur en série, notamment, à une peine de 200, 300 ou 400 ans, alors que personne ne vit aussi longtemps, le judiciaire et le système de justice pénale seront ridiculisés, comme cela est arrivé aux États-Unis.
Dans certains États américains, il arrive que des délinquants soient condamnés à 100 ans de prison pour chaque meurtre. Celui qui a commis deux ou trois meurtres peut être condamné à l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 300 ou 400 ans. Le fait n’est pas rare, aux États-Unis, et, vu de l’étranger, le système américain est ridiculisé.
À chaque fois que la question se posera, les juges auront cette préoccupation en tête. Ils se demanderont s’ils savent ce que la personne sera devenue, 25 ans plus tard. Dans la vaste majorité des cas, ils répondront par la négative. Ils se demanderont ensuite s’ils ne risquent pas de ridiculiser et de discréditer le système. Encore une fois, ils voudront décider au nom de la sécurité s’il y a lieu de refuser d’invoquer ces dispositions.
Une autre raison d’appuyer le projet de loi est la latitude laissée aux juges.
Il y a dans le projet de loi un autre élément qui, bien franchement, trahit l’ignorance du gouvernement conservateur. Il a ajouté une disposition sans comprendre comment les procès, et notamment les procès pour meurtre, se déroulent au Canada. Cette disposition veut que les juges soient tenus de demander au jury, après la condamnation, s’il veut recommander que la personne purge des peines multiples sans admissibilité aux libérations conditionnelles. Elle prévoit même le texte que le juge doit lire au jury.
Le gouvernement n'est pas conscient de l'expérience que viennent de vivre les membres du jury. Souvent, ils ont passé une ou plusieurs semaines à écouter des témoignages pouvant être extrêmement troublants au sujet de meurtres. Ils sont très fatigués et stressés, mais, immédiatement après la condamnation, le juge est tenu de leur faire part de ces instructions et de leur demander s'ils souhaitent formuler des recommandations. Or, ils ne disposent d'aucun fondement psychologique pour pouvoir faire cela.
D'autre part, le gouvernement ne comprend pas comment le système fonctionne. À cette étape, aucun élément de preuve n'est transmis au jury au sujet de la personne en question. Dans la plupart des cas, comme l'accusé ne témoigne pas, le jury ne dispose d'aucun élément de preuve de nature psychologique ou psychiatrique susceptible de l'aider à déterminer la façon appropriée de gérer le cas ou à décider carrément s'il est possible de le gérer. En fin de compte, le jury doit prendre une décision totalement à l'aveuglette.
Puis, après avoir fait ressortir cette faiblesse dans ce que le gouvernement propose pour le système, permettez-moi de préciser qu'il s'agit uniquement d'une recommandation, qui n'est donc pas contraignante pour le juge. La décision finale incombe au juge de la Cour supérieure, lequel est donc entièrement investi du pouvoir discrétionnaire. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que, dans la très grande majorité des cas, le juge décidera de ne pas invoquer les multiples périodes d'incarcération possibles.
Par conséquent, que sommes-nous en train de faire? De toute évidence, ce projet de loi va être adopté. Les libéraux et les bloquistes ont déjà annoncé qu'ils se joindraient aux ministériels pour l'appuyer. Toutefois, nous allons créer un système qui ne sera pas utilisé très souvent, mais qui risque très certainement de l'être dans des situations où le citoyen canadien moyen, après avoir pris connaissance des faits, se dirait qu'il n'est pas approprié et qu'il pourrait nous amener à prêter flanc au ridicule, comme c'est parfois le cas du système américain.
Nous avons entendu ce que d'autres députés et des témoins ayant comparu devant le comité avaient à dire au sujet des solutions de rechange. Notre système de gestion des meurtriers remonte au milieu des années 1970, lorsque nous avons décidé, en tant que société, d'éliminer la peine de mort. À cette époque, nous avons décidé de la façon de traiter les meurtriers, selon qu'ils avaient commis un homicide involontaire coupable, un meurtre au deuxième degré ou un meurtre au premier degré. C'est aussi à cette époque que nous avons mis en place la disposition de la dernière chance. Avant l'entrée en vigueur de cette disposition, le délinquant devait avoir purgé 25 ans de sa peine avant de pouvoir présenter une demande de libération conditionnelle dans les cas de meurtre au premier degré.
La disposition de la dernière chance permettait aux prisonniers de demander la libération conditionnelle après 15 ans en la justifiant d'abord devant un juge, puis devant un juge et un jury, et enfin devant la Commission des libérations conditionnelles. Le processus avait trois étapes. C'est ainsi que fonctionnait le régime, mais on y a apporté des changements en 1997 afin d'exclure du processus les auteurs de meurtres multiples.
Au milieu des années 1970, puis plus tard, en 1997, on était conscient que les peines d'emprisonnement étaient beaucoup plus longues au Canada que dans les autres pays auxquels on se comparait, à l'exception de certains États américains qui sont situés près de nos frontières. Dans la majorité des États américains, la peine d'emprisonnement à perpétuité est plus courte que la peine infligée au Canada. En Angleterre, dans les pays d'Europe de l'Ouest, en Australie et en Nouvelle-Zélande, où se trouvent des sociétés très semblables à la nôtre, les peines d'emprisonnement sont beaucoup plus courtes. La durée moyenne de la peine d'emprisonnement à perpétuité est d'environ 15 ans; elle est même inférieure dans certains pays. En Nouvelle-Zélande, je crois qu'elle est actuellement de 12 ou 14 ans. En Angleterre, elle est de 14 ans. Or, au Canada, elle est en moyenne de 28,4 ans.
Il existe une autre façon de traiter le cas des tueurs en série. On pourrait en effet utiliser les dispositions de la partie du Code criminel qui porte sur les délinquants dangereux. Il faudrait changer cette partie pour que les juges, les tribunaux, les policiers et les procureurs puissent l'invoquer dans le cas des tueurs en série. Ce faisant, on résoudrait efficacement un problème qu'on s'efforce de régler, sans trop de succès, dans le cadre du projet de loi dont nous sommes saisis.
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Monsieur le Président, nous poursuivons le débat sur le projet de loi , qui porte sur les périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cela semble plutôt froid. Ce dont nous traitons, ce sont malheureusement des circonstances qui suivent la deuxième ou la troisième condamnation d'une personne pour meurtre au premier degré.
À l'heure actuelle, on impose une peine d'emprisonnement à perpétuité aux personnes déclarées coupables de meurtre au premier degré. Toutefois, cette peine est quelque peu mal comprise. Pour le dire simplement, à mon avis, une peine d'emprisonnement à perpétuité est justement cela, une peine d'emprisonnement qui dure à perpétuité. La personne ne finira jamais de purger sa peine et la peine n'arrivera jamais à expiration. Il existera toujours un lien entre le délinquant et l'État, qu'il soit en prison, qu'il se trouve ailleurs ou, comme il arrive parfois, qu'il soit libéré sous surveillance.
Ce qui a embrouillé les choses, c'est le fait que le Code criminel impose un délai préalable à la libération conditionnelle de 25 ans pour les délinquants déclarés coupables de meurtre au premier degré. Cela signifie que la personne ne peut même pas déposer de demande de libération conditionnelle. Cela dit, nous avons les procédures liées à la disposition de la dernière chance. Je dois donc marquer cette affirmation d'un astérisque.
Toutefois, en ce qui concerne strictement la détermination de la peine, une personne condamnée pour meurtre au premier degré reçoit une peine d'emprisonnement à perpétuité. Essentiellement, cette peine dure pour toujours, jusqu'à la mort de la personne. Autrement dit, le délinquant — qu'il soit âgé de 20 ans ou de 50 ans lorsqu'il est déclaré coupable — ne peut pas déposer de demande de libération conditionnelle et n'est pas admissible à la libération conditionnelle avant l'expiration du délai de 25 ans. C'est une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Le projet de loi parle du délai de 25 ans préalable à la libération conditionnelle. On a dit dans le passé qu'il faudrait prolonger cette période d'inadmissibilité pour ceux qui ont commis plusieurs meurtres. D'après ce que je crois comprendre, la plupart des gens des services correctionnels actuellement partent du principe qu'une fois que quelqu'un est condamné à vie, il est définitivement coincé. Ils prennent en compte toutes les considérations normales de la détermination de la peine, notamment les aspects dissuasifs, l'exemplarité de la peine, la sécurité de la collectivité, ce genre de choses.
La libération n'est d'ailleurs pas automatique au bout de 25 ans. Cette période, c'est simplement le délai pendant lequel l'individu n'est pas autorisé à demander une libération conditionnelle. La libération n'est donc pas automatique au bout de 25 ans. Quand on parle « perpétuité 25 ans », cela ne veut pas dire qu'on libère les prisonniers au bout de 25 ans. Cela veut dire qu'ils ne peuvent pas présenter de demande avant ce délai. La Commission des libérations conditionnelles ne peut examiner une demande de libération conditionnelle qu'au terme de 25 ans d'emprisonnement. Par conséquent, pour bien des gens, « perpétuité 25 ans », cela veut dire pour toujours. Les délinquants ne seront jamais remis en liberté. Pour certains, ça veut dire 30 ans, pour d'autres 40 ans de prison. C'est comme cela que les choses fonctionnent pour la population carcérale. C'est ce qu'on appelle les « condamnés à perpétuité ». Ils représentent une population assez stable dans les prisons. Tout le monde voudrait bien qu'ils soient moins nombreux. Mais c'est comme cela, et c'est une population assez stable. Certains disent que c'est parce que les prisonniers savent qu'ils vont rester longtemps en prison et qu'ils ne veulent pas brasser le système carcéral. Ils aiment la stabilité.
Mais ces gens-là entrevoient aussi l'éventualité, lointaine pour certains et nulle pour d'autres, d'une libération avant leur mort. On dirait qu'ils aiment se rapprocher doucement de cette éventuelle libération un jour.
En tant que député, j'ai eu le privilège d'aller voir de nombreuses prisons dans notre pays. Arrivé à ce stade, beaucoup de ces détenus n'ont pas très envie de sortir. Cela varie de l'un à l'autre. Mais c'est triste de voir quelqu'un de 70 ans qui n'est plus considéré comme un danger pour la société ne pas vouloir sortir et préférer rester en prison. Certains diront: parfait, qu'il continue à croupir. Je ne suis pas sûr que ce fonctionnement de nos prisons soit à la hauteur de nos normes. Mais je digresse.
Au cas où certains auraient des doutes, le projet de loi ne concerne pas les gens qui ont déjà été condamnés pour meurtres multiples. Il ne vise que ceux qui seront condamnés après son adoption. Il ne concerne pas les gens qui ont déjà purgé 25 ans dans le cadre d'une condamnation à perpétuité. Ces gens-là relèveront toujours de la loi actuelle et s'ils demandent une libération conditionnelle, ils pourront essayer de convaincre la Commission des libérations conditionnelles de les relâcher pour une raison quelconque, ce qui ne veut pas dire que leur peine prendra fin, mais simplement qu'ils seront remis en liberté dans certaines circonstances.
Le projet de loi n'a rien à voir avec les procédures liées à la disposition de la dernière chance. D'autres mesures législatives ont été présentées à la Chambre à ce sujet. Mentionnons tout d'abord que la disposition de la dernière chance ne s'applique pas aux auteurs de meurtres multiples et que le détenu doit obtenir l'autorisation d'un juge pour pouvoir présenter une demande de libération conditionnelle. Le détenu doit d'abord obtenir la permission d'un juge et ensuite de la Commission des libérations conditionnelles avant de pouvoir faire une demande. Le projet de loi ne concerne pas du tout la disposition de la dernière chance.
Soulignons que le projet de loi n'impose pas automatiquement une deuxième période d'inadmissibilité de 25 ans à une libération conditionnelle. À l'heure actuelle, la période d'inadmissibilité est de 25 ans. Le projet de loi ne mentionne pas que si une personne commet un deuxième meurtre, elle se verra imposer automatiquement une deuxième période d'inadmissibilité de 25 ans. Le projet de loi ne prévoit pas cela. C'est l'une des raisons pour lesquelles il pourrait être adopté, et je crois que c'est ce qui va arriver.
Le projet de loi imposerait un certain pouvoir discrétionnaire. Bien que mon collègue de trouve que la disposition de nature procédurale de l'article 745.21 n'est pas très utile, le jury est appelé expressément lors de ces procès à fournir ses commentaires. Le juge demande en effet au jury s'il souhaite lui recommander d'imposer une deuxième période d'inadmissibilité de 25 ans. Voici la question:
Vous avez déclaré l’accusé coupable de meurtre et la loi exige que je prononce maintenant contre lui la peine d’emprisonnement à perpétuité. Souhaitez-vous formuler, comme vous avez la faculté de le faire, quant au fait que la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle soit purgée consécutivement à celle fixée pour le meurtre précédent, une recommandation dont je tiendrai compte en examinant la possibilité d’ordonner qu’elles soient purgées consécutivement?
Dans le cadre du deuxième procès, le jury est invité à formuler une recommandation, et la plupart des gens diraient que c'est une démarche tout à fait raisonnable, quoique, comme on l'a déjà signalé, le jury aura parfois du mal à faire une recommandation dans un cas comme celui-ci, lorsqu'il n'a pas eu le loisir d'entendre l'accusé. En l'espèce, l'accusé aura déjà été reconnu coupable, rien de plus. Cette personne n'aura peut-être pas eu l'occasion de comparaître, auquel cas tous les éléments de preuve auront été présentés par des tiers. Il n'y aura aucun témoignage psychiatrique ou aucune autre évaluation médicale concernant l'individu.
Faute d'éléments de preuve suffisants, la plupart des jurys estimeraient ne pas être en mesure de faire une recommandation, mais dans certains cas, un jury rendra un jugement comme le ferait tout simple citoyen, si je puis m'exprimer ainsi. On vient d'entendre parler de la triste tragédie survenue à Surrey, où des innocents, qui se sont retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment, ont été tués par des membres d'un gang de criminels; dans pareil cas, un jury pourrait décider qu'il a entendu assez de témoignages pour formuler une recommandation.
Quoi qu'il en soit, la recommandation, s'il y a lieu, est formulée, et le juge doit ensuite rendre une décision. Aux termes du projet de loi, un juge peut, compte tenu du caractère du délinquant, de la nature de l'infraction, des circonstances entourant sa perpétration ainsi que de toute recommandation formulée, s'il y a lieu, par le jury, ordonner que les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soient purgées consécutivement.
Le juge a un pouvoir discrétionnaire, mais s'il décide de pas rendre l'ordonnance prévue, il doit motiver sa décision. J'aurais cru que nous aurions peut-être voulu obtenir les motifs d'une décision dans un cas comme dans l'autre, mais je suis sûr que tout juge ne manquera pas de motiver sa décision, quelle qu'elle soit, parce qu'en cas de condamnation pour meurtre, il y a de fortes chances que le jugement soit examiné ou qu'il fasse l'objet d'un appel; voilà pourquoi le juge éviterait de rendre une décision, dans un sens ou dans l'autre, sans fournir de motifs valables. Je suis sûr que tous les Canadiens appuient cette perspective.
Les tribunaux rendront des décisions mûries et rationnelles à propos de ces périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, et ces décisions reposeront sur les renseignements présentés au cours des procès, soit pendant leur déroulement, soit durant l'étape de la détermination de la peine.
Je suis prêt à appuyer, avec réserve, ce projet de loi parce qu'il prévoit un certain pouvoir discrétionnaire et non parce que, selon moi, son exécution accroîtra la sécurité du public. Je ne crois pas que qui que ce soit laisse entendre que ce projet de loi est lié à la sécurité publique. Je ne devrais pas dire qui que ce soit, car, dans le titre court de ce projet de loi, le gouvernement indique que c'est la Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples. Le gouvernement semble penser que ce projet de loi améliorera la sécurité des Canadiens. En fait, ce n'est pas mon impression.
Deuxièmement, lorsque le juge rend sa décision au sujet d'une deuxième période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, il n'est pas en mesure de simplement y ajouter cinq, dix ou quinze années. La mesure législative lui permet seulement de la doubler. La période d'inadmissibilité s'élèvera donc à 25 ou 50 ans. Bon nombre d'entre nous croient que cette restriction est plutôt stupide. En fait, il est probable qu'elle incitera les juges à éviter d'imposer une période de 50 ans. Je m'appuie sur mon expérience personnelle, mais nous ne devons pas perdre de vue que les juges exerceront un pouvoir discrétionnaire. Bien que nous ayons la prétention de sévir contre les délinquants condamnés, un jury prendra part au processus et formulera ou non une recommandation, et un juge usera de son pouvoir discrétionnaire pour rendre sa décision. Nous, les membres du comité, avons tenté de modifier cet aspect du projet, mais sans succès, ce qui est dommage.
Quel effet ce projet de loi aura-t-il vraiment dans la rue? Heureusement, dans notre société, il n'y a pas beaucoup de gens qui commettent des meurtres multiples. Bien entendu, il y en a quelques-uns, ce qui est regrettable, mais ils ne sont pas nombreux. Toutefois, comme ils sont tristement célèbres, nous les connaissons tous, et ils restent gravés dans notre mémoire. Tous ces terribles meurtres commis au cours des 25 dernières années se lisent comme une litanie. Ce sont de tristes événements, mais nous nous souvenons d'eux mieux que de la plupart des autres.
J'ai l'impression que ce qui va se passer avec le temps, c'est qu'après 25 ans, la Commission des libérations conditionnelles appliquera la logique et le raisonnement utilisés actuellement pour déterminer si une personne peut être mise en liberté conditionnelle, que ce soit pour un meurtre ou toute autre condamnation, mais concentrons-nous sur le meurtre au premier et au second degré. La Commission des libérations conditionnelles exercera son jugement pour déterminer si la personne peut être libérée de prison sans danger, compte tenu de toutes les circonstances, de la dénonciation, de la dissuasion et de la sécurité publique. C'est ce que la Commission des libérations conditionnelles fait continuellement et elle prend beaucoup de bonnes décisions.
Commet-on des erreurs de temps à autre? C'est possible. Les juges en font-ils? À l'occasion.
Je me rappelle que lorsque j'ai été élu pour la première fois à cet endroit à la fin des années 1980, il y a eu deux cas distincts de mise en libération conditionnelle qui ont pris une tournure tragique. Il y a aussi eu des évasions de prison qui se sont soldées par de tristes événements. Le système correctionnel s'est toutefois amélioré et je pense qu'il assure une bien meilleure gestion.
Je pense que la même logique utilisée par la Commission des libérations conditionnelles sera transmise aux juges. Ils commenceront à adopter le même raisonnement. Quand viendra le temps d'imposer ou non la seconde période d'inadmissibilité de 25 ans, ils se poseront la question suivante: une seule période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle suffit-elle dans ce cas-ci? Autrement dit, la personne sera-t-elle libérée sous condition, non pas à l'expiration de sa peine, mais après 25, 30 ou 35 ans? La seule autre solution, si on impose la seconde période de 25 ans, reviendrait à libérer les détenus après 50 ans, ce qui signifiera jamais pour bon nombre d'entre eux. Les juges devront relever le défi de penser de cette manière. J'ai pleinement confiance qu'ils le feront, en conformité avec la loi et dans l'intérêt du public et de chacune des collectivités qu'ils desservent.
Mais l'effet dissuasif sera-t-il différent? Même avec la meilleure volonté du monde, et je ne prends pas la chose à la légère, je ne peux imaginer un éventuel criminel consulter sa copie du Code criminel avant de commettre un meurtre pour déterminer si on lui imposera une deuxième période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cela n'arrivera pas et il est absurde de croire l'inverse. Cette mesure aura-t-elle un effet dissuasif direct? J'en doute.
Je comprends que de nombreuses personnes dans la société trouvent réconfortant de pouvoir, par une simple équation, faire correspondre à un crime commis un temps de prison ferme. Le vol d'une banque équivaut à cinq ans, le vol de deux banques, à dix ans, le vol de trois banques, à quinze ans. J'apprécie la simplicité de cette équation et l'impression que c'est là justice, ou quelque chose du genre, plutôt que châtiment. Cependant, dans ce dossier, nous devons garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas de la peine. La peine est à perpétuité. Il en a toujours été ainsi, et cela n'a pas changé. Il est strictement question d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.
Bien qu'en grande partie ce projet de loi, et d'autres mesures que nous avons abordées, soient de la poudre aux yeux, des manoeuvres politiques et des prétextes, ce projet de loi contient une très légère modification. Mais je ne crois pas qu'on puisse parler de rabais. Nous n'avons qu'à demander à M. Olson ou à M. Bernardo s'ils pensent qu'il y là un rabais pour eux. Il n'y a pas de rabais. Ils en ont pour le restant de leur vie. Ils sont en prison et je ne crois pas que la Commission des libérations conditionnelles changera d'avis.
C'est dommage que nous ayons à examiner 10 à 20 projets de loi distincts sur le Code criminel. Le gouvernement semble bien décidé à doter chaque petit élément, scénario et projet de loi d'un titre accrocheur. Je crois qu'il dénature un peu le travail que nous effectuons ici.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole au nom du Bloc québécois sur le projet de loi , qui traite de la possibilité de cumuler les périodes d'inadmissibilité à une libération conditionnelle en cas de meurtres multiples.
Le 28 octobre 2009, le ministre de la Justice a déposé le projet de loi , qui visait à protéger les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples. Il avait été déposé en première lecture et il est mort au Feuilleton à la fin de 2009 parce que le Parti conservateur et le premier ministre avaient décidé de proroger la Chambre, mettant ainsi fin à tous les projets de loi.
Le projet de loi C-54 est donc l'ancêtre du projet de loi C-48. Le Parti conservateur ne trouvait pas le projet de loi C-48 très important puisqu'il a attendu jusqu'au 5 octobre 2010 pour le déposer. Même s'il y a une intention, ce n'était pas une grande priorité du Parti conservateur puisque la prorogation a mis fin au projet de loi C-54. Malgré le fait que la Chambre ait repris ses travaux en février-mars 2010, le gouvernement a attendu au 5 octobre 2010 pour déposer le projet de loi C-48.
Les nouvelles dispositions habiliteraient les juges à imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle aux personnes reconnues coupables de plusieurs meurtres au premier ou au second degré. Dans le régime actuel, les individus condamnés pour meurtres multiples reçoivent des périodes simultanées d'inadmissibilité. Je dis cela pour faire comprendre que les juges pourraient maintenant prolonger l'inadmissibilité en cumulant les périodes d'inadmissibilité. Cela serait donc plus long avant que le criminel puisse être admissible à une libération qu'en vertu de la loi actuelle.
Les juges n'auraient pas l'obligation d'imposer des périodes consécutives, mais devraient prendre leur décision en fonction du caractère du justiciable, de la nature et des circonstances des infractions et de toute recommandation du jury. Ils seraient également tenus d'énoncer de vive voix ou par écrit les motifs pour lesquels ils n'ont pas imposé de périodes consécutives. Cette latitude est laissée aux juges. C'est pourquoi le Bloc québécois est favorable au principe du projet de loi puisque ce sont les juges qui décideront.
Le projet de loi C-48 porte sur le crime le plus grave, qui a les conséquences les plus importantes sur les victimes et qui marque le plus la population: le meurtre. Il vise à permettre aux juges, lors du prononcé de la sentence, de cumuler les périodes d'inadmissibilité à une libération conditionnelle en cas de meurtres multiples.
D'une part, les crimes les plus graves méritent les sanctions les plus graves et sont donc passibles d'un emprisonnement à perpétuité. Le Bloc québécois s'oppose fermement à des peines trop peu sévères ou à des libérations conditionnelles trop laxistes comme au sixième de la peine, par exemple. À deux reprises, notre parti a déposé des projets de loi à la Chambre pour que les criminels purgent leur peine au complet et ne puissent plus obtenir une libération conditionnelle au sixième de cette peine.
Dans l'actualité, on a vu que le criminel à cravate Vincent Lacroix, dès la semaine dernière, être admissible à une libération conditionnelle. Il est maintenant dans la société, dans une maison de transition à Montréal.
Nous trouvons cela complètement et carrément aberrant. Des criminels comme Vincent Lacroix ont stigmatisé pour le reste de leur vie leurs victimes qui avaient perdu tout leur argent et cela, même si un règlement est intervenu devant les tribunaux grâce aux banques et aux sociétés qui avaient transité les fonds. Ce fut un règlement pratiquement hors cours et sans preuve.
Aucun procès avec l'établissement des preuves n'a été discuté parce que ces compagnies ne voulaient tout simplement pas avoir une mauvaise image corporative dans l'avenir. Elles ont donc décidé de régler le plein montant des pertes des citoyens. Il reste quand même que pendant cinq ans, les citoyennes et les citoyens ont été traumatisés. De plus, Vincent Lacroix, le criminel grand responsable de tout cela, se retrouve en libération conditionnelle au sixième de sa peine, tout simplement parce que les responsables des libérations conditionnelles considèrent que ce n'est pas un criminel dangereux pour la société.
Vincent Lacroix n'a évidemment pas commis de meurtre, mais il a commis un crime très grave: il a fraudé ses semblables et traumatisé une bonne partie de sa clientèle. Pour le Bloc québécois, c'est un crime pour lequel un individu devrait être obligé de purger sa peine au complet sans possibilité de libération conditionnelle. En effet, une libération conditionnelle et l'admissibilité à une libération au sixième de la peine mine la crédibilité de tout le système judiciaire et alimente le sentiment erroné que les criminels sont mieux traités que les victimes.
C'est cela le drame, notamment dans le dossier de Vincent Lacroix. Encore une fois, le criminel reçoit une peine qu'il ne purge pas au complet. Il est réhabilité et accrédité par sa libération conditionnelle. Il peut retourner dans la société avec des conditions, mais quand même, il est dans la société. Encore une fois, ces criminels devraient purger leur peine complète.
Dans le cas qui nous occupe, le projet de loi s'attaque tout simplement aux criminels qui ont commis le crime le plus grave, soit le meurtre. Il paraît anormal qu'un second meurtre puisse ne donner lieu à une peine supplémentaire. Logiquement, il n'est pas possible de cumuler deux peines de prison à vie. Avec le projet de loi C-48, le juge aurait au moins la possibilité de cumuler les périodes d'inadmissibilité à une libération conditionnelle.
En vertu de la loi actuelle, même si quelqu'un a une, deux ou trois peines de prison à vie, il est admissible à une libération conditionnelle, peu importe si cela se rapporte à sa première peine. Il n'y a pas de possibilité de les cumuler parce que l'individu a eu plusieurs peines à vie en raison de plusieurs crimes commis. Le juge ne peut pas dire que l'individu ne sera pas admissible pendant un certain nombre d'années. Le projet de loi permettra d'augmenter le nombre d'années d'inadmissibilité de façon à ce que les criminels les plus violents purgent leur peine au complet.
D'autre part, le Bloc québécois estime que la punition ne doit pas devenir le seul objectif du système judiciaire au détriment de la réinsertion et de la réhabilitation. Or la libération conditionnelle, même celle des meurtriers, est une étape importante dans leur processus de réinsertion et de réhabilitation puisqu'ils finissent un jour ou l'autre par revenir au sein de la société. Il est alors crucial qu'ils aient bénéficié des outils les mieux adaptés pour que leur réintégration dans la société se fasse d'une manière sécuritaire pour les citoyens.
On aura compris qu'on ne demande pas l'abolition pure et simple de la libération conditionnelle. Cela permet quand même au criminel de suivre des thérapies et d'être réinséré dans la société. Inévitablement, les peines de prison à vie peuvent permettre d'être réinséré dans la société après 25 ans.
Même si le Bloc québécois donne son appui au projet de loi, ce n'est pas pour augmenter l'éventail des moyens dont dispose un juge pour sanctionner un crime. En effet, malgré les prétentions du ministre, nous sommes bien conscients de l'effet dissuasif nul d'une telle mesure, notamment pour les cas de récidives qui sont très rares. Il s'agit donc d'une mesure exceptionnelle, pour des cas exceptionnels où le jury donne son avis et où le juge conserve sa discrétion. C'est pourquoi le Bloc québécois appuie cette mesure: finalement, c'est le jury qui fait la recommandation et le juge conserve sa discrétion.
Cependant, nous souhaitons attirer l'attention sur le fait que les récidives sont rares et qu'il est coûteux de garder des personnes en prison alors qu'elles ont purgé une longue peine — près de 30 ans en moyenne — et que le taux de récidive est très faible. De plus, ce ne sont pas toutes les victimes qui trouvent du réconfort dans la prolongation des peines de prison. Peut-être pourrions-nous faire mieux pour elles plutôt que de considérer la prison comme la seule solution à la criminalité. Il faudrait aussi pouvoir s'attabler devant les douleurs des victimes, de sorte que le juge puisse avoir tout un éventail de choix pour imposer la peine, selon la conséquence du geste.
Selon l'analyse du projet de loi, les crimes les plus graves du Code criminel sont susceptibles de conduire à une peine de prison à perpétuité. Pour certains crimes, comme la trahison et le meurtre, la prison à perpétuité est la seule peine prévue et elle devient donc une peine minimale.
Il existe plusieurs catégories d'homicides: meurtres, homicides involontaires coupables et infanticides. Le meurtre est la catégorie la plus grave des homicides. Il s'agit d'une action commise avec l'intention de tuer ou de causer des blessures mortelles, ou encore de commettre une action illégale sachant qu'elle est de nature à causer la mort. Il existe deux types de meurtres: le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré.
Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré, entre autres le meurtre planifié. D'autres types de meurtres sont automatiquement assimilés au meurtre au premier degré par le Code criminel. C'est le cas, notamment, des meurtres d'un agent de police, d'un agent de prison ou encore lorsque les meurtres surviennent alors que l'individu commet un détournement d'avion, une agression sexuelle, ou encore une prise d'otages.
Quant à l'homicide involontaire, il survient quand il n'y a pas d'intention de tuer, mais qu'il y a négligence. À titre d'exemple, cela peut être le tir d'un coup de fusil à travers une haie sans se soucier de savoir si quelqu'un est de l'autre côté.
Pour les peines, le Code criminel est clair. Quiconque commet un meurtre au premier degré ou au deuxième degré est coupable d'un acte criminel et doit être condamné à l'emprisonnement à perpétuité. Seul le délai avant lequel une personne peut accéder à la libération conditionnelle peut varier, selon qu'il s'agisse d'un meurtre au premier ou au deuxième degré. Ainsi, pour le meurtre au premier degré, la libération conditionnelle n'est pas accessible avant au moins 25 ans; c'est ce que je disais tout à l'heure. Pour ce qui est du meurtre au deuxième degré, le juge doit fixer la période avant laquelle le criminel ne pourra accéder à la libération conditionnelle, celle-ci pouvant être fixée minimalement à 10 ans et au maximum à 25 ans.
Quant à l'homicide involontaire coupable, la peine maximale est l'emprisonnement à perpétuité et il n'y a pas de période minimale d'emprisonnement, sauf en cas d'usage d'une arme à feu. De même, il n'y a aucun minimum quant à la période d'accessibilité à la libération conditionnelle. Ce sont donc des règles régulières qui s'appliquent.
Selon le régime en place, les auteurs reconnus de meurtres multiples purgent simultanément leur peine d'emprisonnement à perpétuité et sont donc assujettis à une seule période de 25 ans d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. La seule exception aujourd'hui est la perpétration d'un meurtre en prison par une personne déjà condamnée pour meurtre. Il est donc important de comprendre que si quelqu'un avait commis deux meurtres, le juge pourrait prolonger sa période d'inadmissibilité à plus de 25 ans. Cela pourrait le condamner à rester en prison jusqu'à la fin de sa vie.
Il importe de se rappeler que même les détenus auxquels on accorde une libération anticipée sont soumis à une supervision à perpétuité et peuvent être réincarcérés pour toute transgression. Il faut aussi noter le fait que, parmi les personnes ayant bénéficié jusqu'à présent d'une libération anticipée, une seule a commis une nouvelle infraction, à savoir un vol à main armée. Notons cependant que le Code criminel prévoit, pour ceux qui ont été condamnés à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle pour une période supérieure à 15 ans, de demander au tribunal, lorsqu'ils ont purgé au moins 15 années de leur peine, de réduire la période d'inadmissibilité. Le gouvernement cherche à abolir cette mesure par un autre projet de loi, soit le projet de loi .
Une fois en vigueur, le projet de loi permettrait aux juges d'imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle aux individus condamnés pour plusieurs meurtres au premier ou au second degré. Donc, si l'individu commet deux meurtres, le juge peut ordonner deux périodes d'inadmissibilité, une de 25 ans pour la première peine et une de 10 ans pour la seconde, ou deux périodes de 25 ans, par exemple.
Les juges n'auraient pas l'obligation d'imposer des périodes consécutives, mais devraient prendre leur décision en fonction du caractère du justiciable. Tout cela pour dire que la liberté est laissée aux juges, c'est-à-dire que ce sont eux qui décident s'ils rendent successives les périodes d'inadmissibilité. C'est en fonction du caractère du justiciable, de la nature et des circonstances des infractions et de toute recommandation du jury. Ils seraient également tenus d'énoncer de vive voix ou par écrit les motifs pour lesquels ils n'ont pas imposé de périodes consécutives.
Le a dit vouloir s'assurer que des tueurs en série ou récidivistes paient le juste prix pour leurs actions. Il a indiqué que le but du projet de loi était de mettre fin à ce qu'il qualifie de « rabais de peine » pour les auteurs de meurtres multiples. Le gouvernement devrait cesser d'utiliser de tels qualificatifs qui n'ont pour seul effet que de décrédibiliser le système judiciaire qu'il devrait effectivement défendre. Nous ne croyons pas qu'on puisse vraiment parler de rabais de peine, mais il est effectivement étrange que des peines pour de tels crimes soient systématiquement purgées simultanément.
Cela dit, nous voulons profiter de l'occasion pour soulever les quelques points suivants. En ce qui a trait à la récidive, entre janvier 1975 et mars 2006, 19 210 délinquants qui purgeaient une peine pour meurtre — 9 091 pour meurtres et 10 119 pour homicides involontaires — sont retournés dans la collectivité, soit en liberté conditionnelle, soit en liberté d'office. De ces 19 210 délinquants, 45 ont ultérieurement été reconnus coupables d'avoir perpétré 96 homicides au Canada. Ce chiffre représente 0,2 p. 100 des 19 210 délinquants condamnés pour homicides qui ont été mis en liberté dans la collectivité pendant les 31 dernières années. Au cours de cette période, plus de 18 000 homicides ont été signalés aux forces policières au Canada. Les délinquants coupables d'avoir récidivé pendant leur liberté sous condition, en commettant un autre homicide, comptaient donc pour 0,5 p. 100 de tous les homicides perpétrés au Canada depuis 31 ans. Selon les chiffres disponibles, il n'y a pas lieu d'exagérer autant en s'appuyant sur l'argument portant sur la sécurité.
Depuis l'exécution de la dernière condamnation à mort au Canada en 1962, il s'avère que le délai préalable à la libération conditionnelle totale pour les délinquants inculpés de meurtre est allé en s'accroissant de façon importante. Ainsi, pour l'emprisonnement à perpétuité pour un meurtre commis avant le 4 janvier 1968, le délai était de 7 ans. Pour une condamnation à l'emprisonnement à perpétuité pour un meurtre commis entre le 4 janvier 1968 et le 1er janvier 1974, le délai était de 10 ans. Par la suite, ce délai, selon la catégorie de meurtre, a varié entre 10 et 25 ans.
Au surplus, la durée moyenne d'incarcération des délinquants condamnés à perpétuité pour meurtre au premier degré indique que la durée moyenne purgée au Canada dépasse celle de tous les pays examinés, y compris les États-Unis, sauf pour ce qui est des contrevenants américains qui purgent une peine de prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Aux pays mentionnés dans le sommaire législatif, il faut d'ailleurs ajouter la Suède — 12 ans —, l'Angleterre — 14 ans —, alors que le temps moyen passé sous garde au Canada est de 28 ans et 4 mois.
Pour ce qui est de l'espoir, comme nous le disions lors du débat sur le projet de loi , on devrait inciter les détenus purgeant une peine à perpétuité à bien se comporter et à rechercher des programmes de réadaptation. Ce faisant, on contribuerait à améliorer la sécurité des gardiens et des autres employés du service correctionnel. C'est donc important que demeure un système de libération conditionnelle pour que les criminels puissent avoir un intérêt à s'améliorer en prison, parce que sans ce système, ce serait difficile pour tout le système carcéral et surtout pour les employés qui y travaillent.
Le gouvernement ne défend pas les victimes. Il s'en sert pour faire passer sa politique en matière pénitentiaire. Certaines personnes peuvent en fait être favorables à la demande de libération conditionnelle anticipée d'un détenu après qu'il a déjà purgé une très longue période d'incarcération. Par exemple, lorsque la victime et le détenu sont apparentés ou se connaissent, comme c'était le cas dans 84 p. 100 des homicides résolus en 2007, où lorsque le meurtrier est très jeune, les membres de la famille de la victime peuvent approuver une libération après une longue période d'incarcération.
Le projet de loi , non pas le projet de loi qui est devant nous mais un autre projet de loi déposé au Sénat, supprimerait toute possibilité de libération conditionnelle anticipée pour tous les détenus, quels que soient les circonstances et les points de vue de la famille de la victime.
C'est le cas de Richard Kowbel, qui a été entendu par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Le jeune homme avait attaqué sa famille, tuant sa mère et blessant gravement son père et sa soeur. Son père et sa soeur ont tous deux témoigné en faveur de sa demande de révision après 15 ans d'incarcération. Nous croyons que le juge devrait motiver sa décision dans tous les cas, que celle-ci soit de cumuler les périodes d'inadmissibilité ou pas. On aura compris...
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Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole relativement au projet de loi , qui est l'un des nombreux projets de loi sur la criminalité présentés par le gouvernement depuis cinq ans. Le gouvernement a déposé ces mesures à plusieurs occasions, mais il a ensuite prorogé le Parlement ou déclenché des élections plus tôt que nécessaire. Ce comportement soulève des doutes quant à la sincérité des conservateurs, quant à savoir s'ils souhaitent vraiment faire adopter et mettre en oeuvre ces projets de loi, ou simplement s'en servir pour bâtir leur plateforme électorale.
À titre d'exemple, lorsque le gouvernement a prorogé le Parlement, il y a un an, le projet de loi portait un numéro différent. On aurait cru que lors de la rentrée parlementaire, en mars dernier, le gouvernement aurait de nouveau présenté cette mesure, ainsi que toutes les autres qui étaient mortes au Feuilleton lorsqu'il a prorogé le Parlement. Or, il lui a fallu 216 jours pour le faire. Pour ceux qui nous écoutent aujourd'hui, ce peu d'empressement devrait être un indice du manque de volonté du gouvernement dans ce dossier.
Au cours des derniers jours, un changement est survenu dans la politique aux États-Unis. Le 7 janvier, Newt Gingrich, ancien Président de la Chambre des représentants et personnage très influent au sein du Parti républicain aux États-Unis durant plusieurs années, a fait équipe avec d'autres républicains de haut niveau à l'époque du président Reagan, notamment Ed Meese et d'autres. Ces gens ont essentiellement adopté intégralement la position du NPD et, dans bien des cas, celle du Bloc et même parfois celle du Parti libéral en matière de criminalité.
Si les députés conservateurs lisaient ce que Newt Gingrich a dit, ils seraient très impressionnés, parce que lorsque Newt Gingrich parle maintenant de la criminalité, il dit qu'il faut s'y attaquer de la bonne façon, qu'il faut agir de manière à obtenir de bons résultats. C'est précisément ce que nous, parlementaires, devrions faire. Si les députés conservateurs prenaient le temps d'examiner ce que Newt Gingrich avait à dire le 7 janvier, s'ils jetaient un coup d'oeil sur la situation qui prévaut depuis cinq ans en Caroline du Nord et au Texas, ils constateraient qu'il existe une forme de conservatisme aux États-Unis dont les porte-parole disent: « Ce que nous faisons ne fonctionne pas. Nous gaspillons beaucoup de deniers publics. Il existe une meilleure approche face à la criminalité. Adoptons cette approche. »
Ce sont là les questions que le NPD, le Bloc et les libéraux ont soulevé dans cette Chambre au cours des dernières années.
Si j'ai un peu de temps à la fin de mon discours, je parlerai davantage de ce que Newt Gingrich avait à dire. Si quelqu'un veut une copie de cet article, je serai très heureux de lui en fournir une. Je m'intéresse tout particulièrement aux membres du Parti conservateur qui pourraient vouloir lire cet article parce que, de toute évidence, ils en entendront beaucoup parler dans l'avenir. Il est daté du 7 janvier. C'est une publication très récente de Newt Gingrich.
Le projet de loi dont nous sommes saisis jouit d'un appui quasi unanime à la Chambre. Tous les partis vont l'appuyer, bien que nous ayons tous des observations, des réserves et des soupçons quant aux raisons qui poussent le gouvernement à vouloir le faire adopter maintenant.
Le projet de loi , comme je l'ai indiqué, a eu des incarnations antérieures et a porté des numéros différents. Il s'agit d'une loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la Défense nationale en conséquence. Le titre abrégé, qui a fait l'objet d'un débat ici et en comité, est: « Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples ». Le débat fait rage à la Chambre sur le caractère approprié de ce titre et le fait d'avoir ce genre de titres abrégés dans ces projets de loi. Je pense qu'avec le temps, le gouvernement reconnaîtra la sottise de cette stratégie et reviendra à la bonne vielle façon de faire les choses, c'est-à-dire les nommer pour ce qu'ils sont.
Je note que ce n'est pas seulement le gouvernement conservateur qui fait les choses de cette manière. Le gouvernement néo-démocrate du Manitoba a recours à des titres abrégés pour des projets de loi précis pour les rendre plus appétissants afin que la presse en parle, je suppose.
Néanmoins, ce projet de loi a été lu en première lecture à la Chambre le 5 octobre 2010. Comme je l'ai dit, 216 jours se sont écoulés avant que ce gouvernement qui disait vouloir sévir contre le crime commence vraiment à le faire. Il a laissé passer tout ce temps. Les conservateurs auraient pu déclencher les élections en septembre dernier et ce projet de loi n'aurait pas été présenté de nouveau. Cela montre bien leur engagement.
Le projet de loi modifie le Code criminel en ce qui touche le délai préalable à la libération conditionnelle des auteurs de meurtres multiples. Cela est fait en autorisant les juges à ordonner que les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour des meurtres multiples soient purgées de manière consécutive plutôt que de manière concurrente. Ce projet de loi apporte également des modifications corrélatives à la Loi sur la Défense nationale.
Si ce projet de loi a l'appui du Bloc — entre autres — à la Chambre, c'est notamment parce qu'il laisse une latitude au juge. C'est assez important, mais certains intervenants ont dit tout à l'heure qu'on avait présenté un amendement et qu'il a été rejeté. Le juge aura donc le choix entre 25 et 50 ans, alors qu'il préférait peut-être une durée intermédiaire. S'il a seulement le choix entre 25 ou 50 ans, cela ne marchera peut-être pas à long terme. Encore une fois, ceci ne concernera que quelques très rares cas. J'ai des statistiques sur le nombre de cas visés, auxquelles je viendrai un peu plus tard.
Le projet de loi ne précise pas qu'il devra obligatoirement y avoir des délais préalables consécutifs dans le cas des auteurs de meurtres multiples. Les juges auront le loisir de tenir compte du tempérament du délinquant, de la nature et des circonstances du délit et des recommandations du jury dans leur décision à savoir si des délais préalables consécutifs sont appropriés. En vertu du projet de loi, les juges devront aussi motiver, oralement ou par écrit, leur décision de ne pas imposer de délais préalables consécutifs à des auteurs de meurtres multiples.
J'en reviens à certaines dispositions de la loi actuelle, pour montrer qu'il y a tout un historique et que les choses ne sont pas si simples que cela. En simplifiant et en se concentrant uniquement sur les cas exceptionnels, les journalistes donnent une impression fausse de ces cas rares qui ne sont pas la norme. Le public a l'impression que c'est le régime des portes tournantes. C'est ce qu'on me dit quand je fais du porte-à-porte. Ces dernières semaines, au cours de discussions autour d'un café dans ma circonscription, les gens m'ont dit que c'était l'impression qu'ils avaient en écoutant les journalistes. Or, la réalité est bien différente; et c'est pourquoi je voudrais m'étendre sur les engrenages et les exigences du système.
En 1976, le Parlement a aboli la peine de mort et imposé la condamnation obligatoire à perpétuité pour les meurtres. Les auteurs de meurtres au premier degré ont une condamnation minimale à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de prison.
J'ai déjà dit que les meurtriers au Canada passaient en moyenne 28 ans en prison et que notre pays est donc à peu près le numéro 1 au monde. D'après les statistiques, la moyenne est bien inférieure dans d'autres pays que nous connaissons bien et que nous admirons, des pays qui ne sont nullement considérés comme des pays dangereux.
Les délinquants condamnés pour meurtre au deuxième degré se voient infliger une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité, le juge fixant la date d'admissibilité à une libération conditionnelle entre 10 et 25 ans de la peine. Ceux qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité ne peuvent être libérés que si la Commission des libérations conditionnelles leur accorde une libération conditionnelle.
Contrairement à la plupart des détenus qui purgent une peine d'une durée fixe, par exemple 2, 10 ou 20 ans, les individus condamnés à la prison à vie n'ont pas droit à une libération d'office. S'ils obtiennent une libération conditionnelle, ils seront soumis tout le reste de leur vie aux conditions de leur libération conditionnelle et à la surveillance d'un agent du Service correctionnel du Canada.
Je le répète, les individus comme Clifford Olson ne sortiront jamais de prison, pas plus que Robert Pickton ou tout autre individu semblable. Prétendre autre chose, c'est rendre un mauvais service à la population.
Une libération conditionnelle peut être révoquée et l'individu renvoyé en prison s'il viole les conditions de sa libération conditionnelle ou s'il commet une autre infraction. Ce ne sont pas tous les condamnés à la prison à vie qui obtiennent une libération conditionnelle. Certains ne sont jamais remis en liberté conditionnelle parce qu'ils continuent de présenter un trop grand risque de récidive.
Seul ce que l'on appelle la disposition de la dernière chance peut permettre à un individu condamné à une peine de 25 ans pour meurtre au premier degré ou à une peine de 15 à 25 ans pour un meurtre au deuxième degré d'obtenir une libération conditionnelle. Nous en avons parlé hier.
Pendant les années qui ont suivi sa présentation en 1976, la disposition de la dernière chance a été modifiée à quelques reprises. Je veux mentionner les critères régissant la libération conditionnelle d'un individu condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Dans un tel cas, le détenu doit avoir purgé 15 ans de sa peine. L'individu qui a été reconnu coupable de plus d'un meurtre, ou de plus d'un meurtre dont au moins un a été commis après le 9 janvier 1997, date d'entrée en vigueur de certaines modifications, ne peut pas demander l'examen judiciaire de sa période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle. Ces modifications ont été présentées par le gouvernement Chrétien. Elles interdisaient fondamentalement aux auteurs de meurtres multiples de profiter de la disposition de la dernière chance. Le gouvernement n'aime pas le dire à la population, mais les auteurs de meurtres multiples ne peuvent pas demander de libération conditionnelle.
Pour demander une réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle, le délinquant doit présenter une demande au juge en chef de la province ou du territoire où le jugement de culpabilité a été rendu. Le juge en chef ou un juge de la cour supérieure désigné par le juge en chef doit, en premier lieu, décider si le requérant a démontré qu’il existe une possibilité réelle que sa demande soit accueillie. Encore une fois, cette évaluation se fonde sur un certain nombre de critères.
Ce processus est loin d’être simple. Il ne s’agit pas d’une simple porte tournante. Il est fort exigeant. C’est pourquoi, au bout du compte, bien que 13 000 personnes soient incarcérées, cette mesure législative ne serait applicable qu’à un petit nombre d’entre elles.
L’évaluation est faite en fonction des critères suivants: le caractère du requérant; sa conduite durant l'exécution de sa peine, par exemple le fait qu'il n’a jamais pris part à des émeutes ou autres altercations pendant sa détention; la nature de l'infraction pour laquelle il a été condamné; tout autre renseignement fourni par la victime au moment de l'imposition de la peine ou lors de l'audience prévue par l'article en question et tout autre renseignement que le juge estime utile dans les circonstances.
Si la demande est rejetée parce qu'il n'y a aucune possibilité réelle qu'elle soit accueillie, le juge en chef ou le juge peut fixer une date pour la présentation d'une nouvelle demande, encore une fois au plus tôt deux ans après le rejet, ou décider que le détenu ne pourra pas présenter de nouvelle demande, ce qui mettrait définitivement fin au processus. Si le juge en chef ou le juge détermine qu’il y a une possibilité réelle que la demande soit accueillie, un juge sera désigné pour entendre l’affaire avec un jury. Celui-ci doit tenir compte des cinq critères énoncés précédemment pour déterminer si le délai préalable à la libération conditionnelle devrait être réduit. La décision de réduire le délai préalable doit se prendre à l'unanimité. Elle ne peut être partagée. Elle doit être unanime.
Les victimes du crime perpétré par le délinquant peuvent soumettre des informations oralement ou par écrit, ou de la manière que le juge estime indiquée. Si la demande est rejetée, le jury peut, par une majorité des deux tiers, déterminer une date pour la présentation d’une nouvelle demande, au plus tôt deux ans suivant la date du rejet, ou décider que le détenu ne pourra présenter aucune nouvelle demande.
Si le jury décide que le délai préalable à la libération conditionnelle devrait être réduit, une majorité des deux tiers de ce jury suffit pour le réduire et le délai préalable fixé par le jury peut varier entre 15 et 24 ans.
Une fois qu’un détenu a reçu la permission de demander une libération conditionnelle anticipée, il doit faire parvenir sa demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. La décision de le libérer et la décision quant au moment de sa libération relèvent strictement de la Commission, qui prend cette décision en tenant compte du risque présenté de façon à ce que la protection du public l’emporte sur toute autre considération. Les membres de la Commission doivent aussi être convaincus que le délinquant respectera des conditions précises telles que l’imposition de limites à la liberté de circulation, la participation à des programmes de réadaptation, que même Newt Gingrich considère comme une bonne manière de résoudre les problèmes de ce genre aux États-Unis, et la défense d’entrer en contact avec certaines personnes, tels que les victimes, les enfants et les criminels reconnus coupables.
Une révision au titre de la « disposition de la dernière chance » n’est donc pas l’occasion de juger à nouveau l’infraction commise à l’origine, ni une audience de libération conditionnelle. Une décision favorable rendue par le juge et le jury ne fait que raccourcir le délai qui doit s’écouler avant que le délinquant soit admissible à la libération conditionnelle.
Le Code prévoit de façon implicite que toutes les peines doivent être purgées concurremment, à moins que le juge qui prononce la sentence ordonne ou que la loi exige de façon spécifique qu’elles soient purgées consécutivement. Par exemple, le paragraphe 85(4) du Code dispose que la peine infligée pour usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une infraction sera purgée consécutivement à toute autre peine sanctionnant une autre infraction basée sur les mêmes faits.
L’article 83.26 prévoit également que la peine sera purgée consécutivement, exactement comme le préconise le gouvernement. La peine doit être consécutive dans le cas d'un crime commis avec une arme à feu et dans le cas d'une activité terroriste. De telles demandes ne sont pas réservées aux détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité. L'article 467.14 précise que la peine infligée à l’égard d’infractions commises au profit d’une organisation criminelle sera purgée consécutivement. Ce sont les trois seules exceptions.
Il peut arriver que ce soit le juge qui décide d'imposer une peine consécutive, par exemple dans le cas d'un délinquant qui purge déjà une peine d'emprisonnement. Si le délinquant a commis plus d'un meurtre, ce qui arrive assez rarement, comme je l'ai indiqué, il doit purger ses peines concurremment. L’imposition d’une peine d’une durée déterminée consécutivement à une peine d’emprisonnement à perpétuité n’est pas valide en droit. Une peine d’emprisonnement à perpétuité signifie que le délinquant est incarcéré pour la vie, abstraction faite de la possibilité de bénéficier d'une libération conditionnelle.
La question que l'on se pose alors est de savoir combien de peines d'emprisonnement à perpétuité une personne qui est déjà condamnée à la prison à vie peut purger? Si une personne est en prison pour la vie et vit jusqu'à 100 ans, à quoi bon la condamner à deux ou trois peines d'emprisonnement à perpétuité, puisque cette personne ne vivra pas plus d'une vie quand même. Voilà la question.
La peine consécutive à perpétuité ne peut donc prendre effet avant le décès de la personne. Les tribunaux ont conclu que le législateur n’a pas pu vouloir cette impossibilité matérielle susceptible de jeter le discrédit sur la loi. Il n’est pas non plus possible de se prévaloir de la disposition de la dernière chance si au moins un des meurtres a été commis après le 9 janvier 1997.
Je veux parler d'une question soulevée par plusieurs autres personnes, à savoir qu'une comparaison de la durée moyenne d’incarcération des délinquants condamnés à perpétuité pour meurtre au premier degré effectuée en 1999 au niveau international montre que cette durée est plus longue au Canada que dans tous les pays visés par l’étude, y compris les États-Unis, exception faite des peines d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle infligées aux États-Unis. Au Canada, la durée moyenne d’incarcération des délinquants condamnés à perpétuité pour meurtre au premier degré est de 28,4 ans.
Je voulais simplement informer la Chambre de ce qui se passe dans d'autres pays, des pays que nous admirons, des pays que nous...
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Monsieur le Président, c'est toujours la même histoire. Le gouvernement présente encore une fois un projet de loi parce qu'il veut donner l'impression à la population de sévir contre le crime. Si le gouvernement était vraiment sérieux à ce sujet, il veillerait à investir dans des programmes pour diminuer les risques que des crimes soient commis.
Le projet de loi a déjà été présenté à la Chambre, sous une autre forme bien entendu. C'était avant que le et ne jugent bon de proroger la session, ce qui a fait mourir au Feuilleton tous les projets de loi.
Après des discussions au caucus, au Cabinet, ou plus précisément, dans le bureau du , il a été décidé que le gouvernement pouvait encore marquer quelques points avec ce projet de loi en le déposant à nouveau dans sa forme actuelle, le projet de loi .
Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement tente souvent de donner l'impression que le Parti libéral crée des ennuis pour empêcher l'adoption du projet de loi. Or, c'est totalement faux. En réalité, le Parti libéral a tout fait pour se montrer accommodant envers le gouvernement; il a élaboré et appuyé des mesures législatives avantageuses.
Les députés de et de se sont faits les champions d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui portait sur l'imposition de peines concurrentes plutôt que consécutives. Si seulement le gouvernement conservateur accordait autant d'attention à ce projet de loi qu'aux siens. Le projet de loi d'initiative parlementaire présentait de nombreux avantages et il aurait pu être renvoyé à un comité.
Or, au lieu de procéder ainsi, parce que le projet de loi ne concordait pas nécessairement avec son programme, le gouvernement a jugé qu'il était dans son intérêt de présenter à nouveau un projet de loi qui a échoué auparavant parce que le gouvernement a décidé de proroger la session, tuant du même coup nombre de projets de loi inscrits au Feuilleton.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons, encore une fois, à l'étape de la deuxième lecture, et le gouvernement demande à nouveau aux députés de l'opposition de permettre l'adoption du projet de loi. Ce projet de loi est relativement simple. Je soupçonne que les gens sont prêts à coopérer pour qu'il passe à la prochaine étape parce qu'ils veulent savoir s'il est possible que le gouvernement soit prêt à accepter des amendements favorables qui en augmenteraient l'intérêt et grâce auxquels il finirait par être adopté à la Chambre.
Les députés de l'opposition seraient ravis que le gouvernement fasse preuve d'ouverture d'esprit au fil des étapes que le projet de loi doit franchir. Or, nous doutons un peu que le gouvernement sera prêt à reconnaître les idées que nous présenterons.
En ce qui concerne la nécessité de la mesure législative, il faut examiner entre autres des renseignements statistiques relatifs au meurtre. Peu de types d'homicides sont considérés par le public comme aussi horribles que ceux qui comptent plus d'une victime. Nous en avons des exemples.
L'histoire canadienne montre que nous avons eu des cas assez horribles faisant chacun un certain nombre de victimes où une personne a fait un tort immense à la justice sociale. Ces personnes ont fait tellement de tort ou suscité tant d'inquiétude! En fait, on aurait pu faire quelque chose si plus de programmes, de services et d'aide avaient été en place pour prévenir certains de ces gestes horribles.
Je crois savoir que ce projet de loi est rendu à l'étape de la troisième lecture. Je me rends compte qu'il est encore possible d'apporter des changements. J'ai hâte que ce projet de loi franchisse la dernière étape à la Chambre des communes.
Je veux concentrer mon attention sur certaines données statistiques. L'information que nous fournit la Bibliothèque du Parlement est excellente. En 1999, 26 cas faisaient deux victimes, deux cas faisaient trois victimes et un seul cas faisait quatre victimes ou plus. Le nombre de victimes a été relativement constant au cours des années. En 1999, il y a eu un cas d'homicides multiples faisant quatre victimes ou plus. En 2001, il y en a eu deux. En 2002, il y en a eu un. Il n'y a pas eu de condamnation en 2003-2004. Il y a eu un cas en 2005. En 2006, il y a eu trois cas. En 2007, il y en a eu 3. En 2008, il y en a eu un. On dénombre quatorze cas ayant fait quatre victimes ou plus. Ce projet de loi s'appliquerait à ces derniers.
Si on faisait un sondage auprès des différents intéressés, certains finiraient par demander dans quelle mesure des personnes qui ont été condamnées pour avoir commis quatre homicides ou plus ont été libérées avant d'avoir purgé 25 ans de prison. On m'a posé la question, mais j'ignorais la réponse. Je ne suis pas certain si le gouvernement a fourni cette information. Cependant, il est pertinent de savoir dans quelle mesure des personnes qui ont été condamnées pour avoir commis quatre homicides ou plus ont, dans notre système, la possibilité d'être libérées avant d'avoir purgé 25 ans de pénitencier. Je soupçonne, mais je pourrais me tromper, qu'il n'y en aurait pas. Je demande au gouvernement de bien vouloir m'informer si j'ai tort.
Pour ce qui est des crimes ayant fait trois victimes ou moins au cours de la même période de temps, nous parlons d'environ 31 cas. Le nombre devient important dans le cas des homicides multiples ayant fait deux victimes. Il y en a eu 210 entre 1999 et 2008.
La question des homicides multiples reçoit beaucoup d'attention de la part des médias étant donné que le public réagit vivement à l'égard des personnes qui commettent ce genre de crime. Le public veut savoir qu'une sanction est envisagée pour des personnes qui commettent un crime aussi horrible qu'un homicide.
Il existe un certain nombre de cas dans l'histoire du Canada qui démontrent clairement que nous devons examiner la différence entre les peines consécutives par opposition aux peines concurrentes en fonction de différents points de vue exprimés par les médias, les intervenants ou des particuliers, ou par nos électeurs, toutes les fois que nous avons l'occasion de discuter avec eux au fil des années.
À titre de porte-parole en matière de justice au gouvernement provincial, je devais souvent consulter toute une variété de gens dans leur milieu. Au fil des années, je me suis littéralement entretenu avec des centaines de victimes, qui m'ont fait part de leur sentiment d'impuissance et de leur impression que le gouvernement ignore ce qui se passe dans les collectivités et ce qui y est fait. Par ailleurs, ils espèrent vivement que le système de justice défendra en fait leurs intérêts.
Lorsque je me penche sur la mesure législative telle qu'elle est, à l'étape de la troisième lecture et au cours des dernières étapes de son examen, je cherche à déterminer dans quelle mesure elle correspond vraiment aux attentes de la population. J'en viens à la conclusion que la population, de façon générale, y serait en faveur. À mon avis, les Canadiens appuient le projet de loi parce qu'ils veulent avoir l'assurance que les auteurs des crimes horribles qui sont commis au Canada devront subir d'importantes conséquences.
Je me suis particulièrement intéressé à ce qu'a fait le gouvernement au cours des dernières semaines. Notons que j'ai commencé mes observations en disant que c'est toujours la même histoire. Ce que je voulais dire, c'est que le projet de loi dont nous sommes saisis aurait en fait très peu d'incidence sur la prévention de la criminalité. La mesure législative n'empêchera pas les meurtres de se produire. Du moins, je ne le crois pas. Pourtant, le gouvernement semble chercher, d'une part, à faire adopter une mesure législative de cette nature. D'autre part, cependant, il réduit le financement de programmes qui, selon moi, contribuent grandement à protéger la société. Or, je ne serais probablement pas aussi outré si le gouvernement ne faisait pas ces deux choses en même temps.
Permettez-moi de parler des compressions qui sont en voie d'être apportées à Winnipeg, plus particulièrement dans les quartiers du nord et du centre de la ville, qui, je crois, sont les plus touchés par ces mesures. En raison de ces compressions, les organisations ne pourront plus aider les jeunes à rester à l'écart des gangs et de leurs activités. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil sur certaines des statistiques auxquelles j'ai fait allusion. En effet, on peut se rendre compte qu'un certain nombre de ces cas sont en fait liés à des gangs. Il existe des gangs qui commettent des meurtres multiples. Ce n'est rien de neuf pour la Chambre des communes, car je suis persuadé qu'elle a déjà entendu cet état de fait bien des fois. Cependant, les compressions financières ou l'élimination pure et simple du financement de ces mesures de lutte contre les gangs à Winnipeg risquent de causer des torts irréparables.
On peut examiner de nouveau certaines des statistiques qui ont été publiées. On constatera que, dans la plupart des cas, les meurtres multiples sont commis dans un contexte familial ou dans le cadre de relations conjugales. Toutefois, dans bien d'autres situations, les meurtres sont perpétrés par des étrangers, lesquels, assez souvent, gravitent dans le milieu des gangs. Au Manitoba, des gangs ont commis des meurtres, et je crois que le gouvernement aurait pu agir pour prévenir ce genre de crime.
Il est bon de voir le gouvernement prendre des mesures pour lutter contre le problème des meurtres multiples et des peines consécutives par rapport aux peines concurrentes. Ce n'est rien de nouveau; on en parle depuis déjà un moment. J'ai fait allusion au fait que certains de mes collègues libéraux avaient présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur cette question particulière. Je suis heureux de constater que des mesures sont prises à ce sujet, mais je souhaiterais avant tout que nous profitions d'occasions telles que celle-ci pour faire comprendre au gouvernement qu'il pourrait en faire beaucoup plus pour améliorer les choses.
Je suis très déçu de constater que le gouvernement a décidé de ne pas investir les fonds nécessaires pour garder les jeunes à l'écart des gangs. Au nombre des programmes auxquels le gouvernement coupe les vivres, mentionnons O.A.S.I.S., au Manitoba, qui aide des réfugiés à éviter de s'adonner à des activités comme celles des gangs grâce à des cours d'acquisition de compétences, d'anglais langue seconde et d'autres programmes semblables. Ce sont des programmes de mentorat intensifs qui visent les jeunes à risque élevé. Ces programmes disparaîtront, à moins qu'on parvienne à trouver d'autres fonds, puisque le gouvernement est en train de couper les vivres aux groupes qui s'en occupent. Par conséquent, ces jeunes risqueront de sombrer dans la criminalité.
À mon avis, il est malhonnête de croire qu'on s'attaque à la criminalité en agissant de la sorte. Pour lutter contre la criminalité, il faut offrir du soutien. Il faut d'abord s'attaquer aux causes sous-jacentes. Il est bien qu'on puisse étudier des mesures législatives visant à punir les criminels, mais, au bout du compte, je crois qu'il est tout aussi important de tenter de prévenir certains de ces crimes.
Si on examine ce projet de loi dans l'optique de certains crimes, il se peut qu'on constate que certains d'entre eux auraient pu être évités s'il existait de meilleurs programmes. Je crois qu'il serait beaucoup plus rentable d'investir dans de tels programmes que de devoir condamner les auteurs de ce genre de crimes à purger une peine d'emprisonnement de 25 ou 30 ans, si ce n'est plus, surtout lorsqu'il est question de meurtres multiples.
Au bout du compte, d'après les renseignements qui nous ont été fournis, il semble évident que le projet de loi sera adopté à la Chambre des communes et qu'il sera promulgué tôt ou tard si nous croyons, comme c'est le cas, que, à ce stade-ci, le gouvernement est prêt à laisser le projet de loi suivre le processus législatif. Nous voyons cela d'un bon oeil.
Par ailleurs, hier, nous avons discuté de la disposition de la dernière chance. Lorsqu'il s'agit de problèmes comme celui-ci, qui mettent en jeu des peines concurrentes par rapport aux peines consécutives ou la disposition de la dernière chance, il s'agit en réalité de prolonger les peines d'emprisonnement. Nombreux sont ceux qui feraient valoir que l'imposition de peines consécutives ou l'élimination de la disposition de la dernière chance pourraient causer d'autres problèmes dans le système auxquels il faudrait remédier.
Ces problèmes sont en grande partie liés au comportement. Habituellement, un détenu examinera sous plusieurs angles la façon dont son comportement pourrait avoir une incidence...
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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole sur cet important projet de loi, le projet de loi , qui traite de l'utilité d'imposer des peines consécutives plutôt que concurrentes dans les cas de meurtres multiples.
À titre d'information, le projet de loi modifierait le Code criminel et apporterait des modifications corrélatives à la Loi sur la défense nationale. Il a franchi l'étape de la première lecture à la Chambre en octobre l'année dernière.
Le projet de loi modifie le Code criminel en ce qui concerne la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle imposée aux auteurs de meurtres multiples, et ce, en habilitant les juges à imposer dans ces cas des périodes consécutives plutôt que simultanées.
Les dispositions du projet de loi n’obligent pas les juges à imposer des périodes d’inadmissibilité consécutives, mais leur laissent la latitude voulue pour prendre leur décision en fonction du caractère du délinquant, de la nature et des circonstances des infractions et des recommandations du jury. Ils devront par contre énoncer de vive voix ou par écrit leurs motifs s’ils décident de ne pas imposer de périodes consécutives.
Examinons le droit actuel. En 1976, lorsque le Parlement a aboli la peine de mort, il a institué une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité à l’égard de l’infraction de meurtre. Les délinquants condamnés pour meurtre au premier degré doivent purger une peine minimale d’emprisonnement à perpétuité et ne sont admissibles à la libération conditionnelle qu’après 25 ans d’incarcération. Les délinquants condamnés pour meurtre au deuxième degré sont aussi passibles d’une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, mais dans leur cas, le juge fixe le délai préalable à la libération conditionnelle à un nombre d’années qui se situe entre 10 et 25 ans, selon les circonstances.
Les condamnés à perpétuité peuvent être libérés seulement si la Commission nationale des libérations conditionnelles leur accorde la libération conditionnelle. Contrairement à la plupart des détenus purgeant une peine de durée déterminée, par exemple de deux, de cinq, ou de dix ans, les condamnés à perpétuité ne sont pas admissibles à la libération d’office. Toutefois, s’ils obtiennent la libération conditionnelle, ils demeurent assujettis pendant toute leur vie aux modalités de cette dernière et à la surveillance du Service correctionnel du Canada et des agents de libération conditionnelle qui leur sont assignés.
Il importe de comprendre que la libération conditionnelle peut être révoquée et que les délinquants peuvent être emprisonnés de nouveau en tout temps s’ils enfreignent les conditions de leur libération conditionnelle ou s’ils sont reconnus coupables d’une nouvelle infraction. Aussi, il importe de comprendre que la libération conditionnelle n’est pas accordée à tous les condamnés à perpétuité, parce que le risque de récidive est trop grand dans certains cas.
Hier, nous avons débattu de la disposition de la dernière chance, en vertu de laquelle une personne qui a commis un seul meurtre, pour lequel elle a été condamnée à l'emprisonnement à perpétuité, peut demander une libération conditionnelle avant le délai prescrit de 25 ans. Hier, à la Chambre, nous avons passé en revue les nombreuses conditions rigoureuses que le détenu doit remplir avant de pouvoir présenter sa demande.
À mon avis, il est important de souligner que nous débattons actuellement d'une autre question, à savoir quelle serait la peine appropriée pour une personne qui a commis deux meurtres ou plus. Le Code prévoit que toutes les peines doivent être purgées concurremment, à moins que le juge qui prononce la sentence ordonne ou que la loi exige de façon spécifique qu’elles soient purgées consécutivement. Par exemple, le paragraphe 85(4) du Code dispose que la peine infligée pour usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une infraction sera purgée consécutivement à toute autre peine sanctionnant une autre infraction basée sur les mêmes faits. L’article 83.26 prévoit que la peine -- sauf s’il s’agit d’une peine d’emprisonnement à perpétuité -- imposée pour activités terroristes sera purgée consécutivement, et l’article 467.14, que la peine infligée à l’égard d’infractions commises au profit d’une organisation criminelle sera purgée consécutivement. Le juge qui prononce une sentence peut imposer une peine consécutive entre autres lorsque le contrevenant est déjà sous le coup d’une peine d’emprisonnement.
Notre droit pénal prévoit donc automatiquement des peines consécutives dans certaines situations et, dans d'autres cas, un juge a peut imposer des peines qui devront être purgées consécutivement, par opposition à concurremment ou en même temps.
À l'heure actuelle, le délinquant qui commet plusieurs meurtres purgera concurremment ses peines d’emprisonnement à perpétuité. Par conséquent, l’imposition d’une peine d’une durée déterminée consécutivement à une peine d’emprisonnement à perpétuité n’est pas valide en droit.
Une peine d’emprisonnement à perpétuité signifie l’emprisonnement à vie, nonobstant la mise en liberté sous condition. La peine consécutive ne peut donc prendre effet avant le décès de la personne. Les tribunaux ont conclu que le législateur n’a pas pu vouloir cette impossibilité matérielle susceptible de jeter le discrédit sur la loi. Il n’est pas non plus possible de se prévaloir de la disposition de la dernière chance si au moins un des meurtres a été commis après le 9 janvier 1997.
Nous discutons d'une proposition législative qui, dans le cas d'une personne reconnue coupable de meurtres multiples, c'est-à-dire de deux meurtres ou plus, permettrait aux juges de se pencher sur la pertinence d'imposer des peines consécutives d'emprisonnement à perpétuité. Ainsi, une première déclaration de culpabilité entraînerait une peine de 25 ans et une deuxième entraînerait elle aussi une peine de 25 ans.
Les néo-démocrates appuient le projet de loi à cette étape, et je veux mentionner certaines des raisons pour lesquelles nous souscrivons à cette mesure.
C'est la meilleure chose que vous ayez faite jusqu'à maintenant cette année.
M. Don Davies: J'entends des applaudissements de députés d'en face qui me font plaisir.
L'une des principales raisons pour lesquelles nous appuyons le projet de loi est qu'il consacre en droit une notion que les néo-démocrates défendent depuis des décennies, en l'occurrence le pouvoir discrétionnaire des juges.
Notre système juridique repose entre autres sur la notion selon laquelle le pouvoir judiciaire est indépendant et que les juges peuvent exercer un pouvoir discrétionnaire, afin d'adapter les peines à chaque cas. C'est une particularité propre au système judiciaire occidental, et il en est ainsi parce qu'il n'existe pas deux causes identiques. Peu importe le nombre de causes, les circonstances de chaque personne sont uniques, et le juge ou le jugement doit en tenir compte.
Le système canadien repose dans une large mesure sur deux valeurs qui sont évidemment concurrentielles. La première est la notion des droits collectifs, tandis que la seconde est celle des droits individuels. Dans une société démocratique moderne, le respect des droits individuels est très important, afin de créer un rempart contre les excès de l'État.
En ce moment même, le peuple égyptien est en train de se rebeller contre un régime autocratique oppressif qui n'a pas respecté les droits démocratiques des citoyens. Voilà ce qui se produit lorsque les gens se regroupent et disent qu'ils en ont assez. Il importe que toute société respectueuse manifeste un profond respect à l'égard des droits individuels.