:
Monsieur le Président, je suis ravie d'intervenir au sujet de cette mesure législative extrêmement importante pour nous comme pour l'ensemble des Canadiens, en l'occurrence le projet de loi , sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Je devrais me réjouir, mais je suis préoccupée par la direction que nous prenons avec ce projet de loi. J'exposerai mes préoccupations plus avant dans mon intervention.
Le projet de loi n'est que le début d'une discussion sur le système de justice pénale pour les adolescents, mais j'aimerais également me pencher sur la question plus vaste du traitement de la criminalité juvénile au Canada, sur son incidence et sur les conséquences de ne pas aborder cette question de façon proactive avec une vision à long terme.
Il est trop facile de simplement réagir. Le projet de loi C-4 nous donnera l'occasion d'examiner sérieusement la direction que nous prenons au Canada à l'égard de questions comme celle-ci et de réfléchir à ce qu'il est possible de faire pour assurer la sécurité de l'ensemble des Canadiens et, ce qui est plus important encore, de faire en sorte que nos jeunes bénéficient d'une orientation positive et de modèles inspirants.
Nous connaissons les conséquences de l'absence de tels éléments positifs et j'estime que nous devons, en tant que société, aborder ces questions de façon nettement plus proactive. Le débat sur le projet de loi et son renvoi au comité nous donneront l'occasion d'examiner la mesure législative pour voir comment nous pouvons l'améliorer.
Les gens de Taber, en Alberta, et ceux qui faisaient des emplettes à Toronto le 26 décembre 2005 ne connaissent que trop bien les conséquences de la criminalité chez les jeunes. Malheureusement, les familles des victimes comme Reena Virk, Jane Creba, Jason Lang et le jeune Jordan Manners de ma circonscription, qui a été abattu à son école, connaissent également trop bien les conséquences liées au fait de ne pas traiter comme il se doit le problème de la criminalité juvénile.
J'ai mentionné Reena Virk, Jane Creba, Jason Lang, Shane Christmas et Jordan Manners, car ce sont justement eux qui m'amènent à parler du projet de loi aujourd'hui. Ces personnes spéciales sont des enfants qui ont été victimes d'actes criminels perpétrés par d'autres enfants. C'est souvent l'une des pires tragédies qui peuvent frapper une famille ou une société lorsque des enfants se battent avec des enfants ou lorsque des enfants tuent des enfants. Ces actes tranchent avec notre vision du Canada et doivent cesser.
Que pouvons-nous y faire? Comment durcirons-nous nos lois? Comment renforcerons-nous les systèmes de soutien de notre société de façon à finir par gérer avec succès ces problèmes complexes?
Les enfants que j'ai mentionnés étaient en train de faire des courses et Jordan était à l'école. Ils faisaient simplement ce que les enfants font d'habitude. Ils sont pourtant devenus des victimes et leurs familles ont été détruites.
À une certaine époque, nous ressentions tous une innocence toute enfantine. C'était il y a quelques années, mais je pense que nous nous en souvenons tous. C'est une qualité que nous pouvons tous imaginer dans les yeux de nos enfants et de nos petits-enfants, mais, en réalité, en tant que législateurs, nous devons prendre les moyens pour mettre en place un système de justice pénale efficace pour les jeunes, un système qui soit en mesure de gérer ce côté sombre, bien que rare, de l'enfance.
Cependant, notre réaction à la criminalité juvénile ne peut s'arrêter là.
Le 16 mars, lorsque le projet de loi a été déposé, j'ai saisi l'occasion pour l'examiner soigneusement. Je représente une circonscription de la région du Grand Toronto, une ville qui, comme toutes les autres grandes villes du Canada et du monde, s'efforce d'endiguer une montée d'actes criminels de toutes sortes.
À première vue, il est clair que cette mesure législative contient des éléments qui pointent clairement en faveur du renforcement des sanctions plutôt qu'en faveur de la réadaptation. Nous devons nous demander quel doit être l'équilibre entre les deux approches.
Bien que je reconnaisse que les sanctions sont extrêmement importantes, je crois que les éléments de prévention et de réadaptation du système de justice pénale pour les jeunes sont tout aussi importants.
À l'époque où je faisais partie du conseil municipal et où j'étais vice-présidente de la Commission des services policiers de Toronto, j'ai été témoin de tout ça. J'ai vu des familles tenter de survivre à une tragédie; j'ai vu des politiciens butter sur des technicalités juridiques; j'ai vu des organismes de services sociaux tenter de lutter contre la pauvreté; et j'ai vu des juges tout faire pour trouver le juste équilibre.
J'ai rendu visite à la famille de nombreux jeunes de ma circonscription qui ont été tués par balle ou à l'arme blanche pendant une altercation avec un gang ou un autre. J'ai pleuré avec des mères qui, malgré tous les efforts, ont perdu leur aîné à cause de la violence. Elles passaient en revue l'éducation entière qu'elles avaient donnée à leurs enfants et se demandaient ce qu'elles auraient pu faire autrement.
De nombreux jeunes sont élevés par un seul parent qui, même s'il travaille, tente de préserver l'unité de sa cellule familiale et d'être un modèle pour ses enfants. Il arrive que les choses dérapent. Et même si ça n'arrive qu'une fois dans une vie, c'est parfois une fois de trop.
De par mon rôle au sein du conseil municipal et à titre de vice-présidente de la Commission des services policiers de Toronto, j'ai pu discuter avec de nombreux policiers qui cherchent toujours, eux aussi, à trouver le juste équilibre. Je leur ai demandé comment ils traitaient les jeunes, s'ils tentaient de leur faire assez peur pour que l'envie de récidiver leur passe à jamais ou s'ils préféraient leur faire comprendre qu'il y a un prix à payer lorsqu'ils enfreignent les lois de notre pays, que leurs gestes n'ont rien de frivoles, que le prix à payer a aussi une dimension émotive et que ce sont les membres de leur famille qui devront en payer une partie.
Je suis devenue très intransigeante à l'égard des criminels, mais j'ai aussi fini par prendre conscience qu'il faut que la criminalité juvénile fasse l'objet de mesures supplémentaires qui tiennent compte des éléments bien particuliers qui la définissent.
Je me rappelle d'un incident, qui s'est produit à l'époque où j'étais membre de la Commission des services de police. J'ai rencontré un jeune homme avec qui j'avais déjà eu l'occasion de discuter, au centre de détention. Je lui ai demandé: « Pourquoi as-tu tiré sur Untel? ». Il m'a répondu: « Pourquoi pas? » Sa réponse m'a estomaquée. Je lui ai alors demandé: « Qu'est-ce que tu veux dire, “Pourquoi pas?” Tu a tué quelqu'un et c'est pour ça qu'on t'a amené ici. Et tu voudrais que je te prenne en pitié. » Ce à quoi il m'a répondu: « Tu te fous de moi, ça fait que moi aussi, je me fous de toi. »
Ce qu'il disait à sa façon, c'est que la société ne s'intéresse pas aux gens comme lui et que, en retour, eux se foutent éperdument d'elle. Il est difficile d'imaginer que qui que soit développe comme attitude:« Vous ne faites pas de cas de moi; je vais vous tuer comme si de rien n'était. » C'était vraiment le fond de la pensée du jeune homme. Au bout du compte, il a été condamné à une longue peine d'emprisonnement, et je ne penserais pas qu'il ait fini de purger sa peine.
Compte tenu de tout cela, il semblerait que les rédacteurs de ce projet de loi fassent peu de cas des aspects du système de justice pénale pour les adolescents que sont la prévention et la réadaptation. Dans ce projet de loi comme toutes les autres mesures législatives conservatrices de lutte contre la criminalité, il est beaucoup question de détermination de la peine et de durée d'emprisonnement et très peu question de prévention, de réadaptation ou d'efforts visant à remettre les jeunes contrevenants sur le droit chemin.
Me Rick Linden, qui enseigne la criminologie à l'Université du Manitoba, semble être du même avis. Il dit que le projet de loi est conçu davantage en fonction de son effet politique que de son effet sur la criminalité. On ne s'en étonne plus. On en a eu de nombreux exemples dans le programme dit de lutte contre la criminalité et de maintien de la loi et de l'ordre du gouvernement. Les conservateurs disent ce que les gens veulent entendre, mais sans passer à l'action.
Me Nicholas Bala, professeur de l'Université Queen's spécialiste du droit de la famille et du système de justice pour les jeunes, abonde dans le même sens. Selon lui, il s'agit là d'un exemple de mesure prise pour se plier aux perceptions erronées du public en ce qui concerne la criminalité chez les jeunes. De toute évidence, il nous serait bien facile à tous de se faire du capital politique en se pliant au sentiment populaire. Nous l'avons probablement tous fait, à un moment ou à un autre. Toutefois, quand il s'agit du système de justice pour les jeunes, il est très important de bien faire les choses et de prendre les décisions qui s'imposent en matière de réadaptation et de prévention et de prévoir les châtiments opportuns.
Nous venons d'accueillir de nombreux jeunes olympiens en cette enceinte. À voir leurs belles frimousses, on se rend compte à quel point ils sont fiers de leurs exploits.
Combien d’autres jeunes auraient aimé avoir ces possibilités? Toutefois, à cause de diverses choses qui sont arrivées dans leur vie, ils n’ont jamais la possibilité de s’entraîner, de participer à des épreuves et de devenir des athlètes olympiques accomplis.
Pour revenir au projet de loi et à la question de la clarté, je suis convaincue que les criminels de tous âges devraient être punis comme il se doit. Je suis d’accord pour que ceux qui commettent de graves crimes en subissent les conséquences, mais je crois que les jeunes ne doivent pas être traités de la même façon que les adultes. Je crois aussi qu’une prévention efficace de la criminalité chez les jeunes commence longtemps avant que le crime ne soit commis et continue longtemps après que la peine ne soit purgée.
En effet, dans la plupart des cas, les délinquants acquièrent des tendances criminelles bien avant de passer à l’acte. De plus, on s’attend à ce qu’ils réintègrent la société à un moment donné et à moins que nous ne prenions des mesures pour remédier aux causes premières de leur comportement, nous pouvons être certains que les jeunes criminels deviendront des criminels adultes.
Prenons un moment pour examiner ce qui figure vraiment dans le projet de loi . Cette loi propose de modifier les règles régissant la détention avant le procès afin qu’il soit plus facile pour les juges de garder les délinquants violents ou récidivistes en détention avant le jugement; d’ajouter des facteurs de dissuasion précis aux principes de détermination de la peine pour les adolescents; d’élargir la définition de ce qui constitue une infraction avec violence; de prévoir des sentences plus lourdes pour les adolescents ayant fait l’objet de plusieurs sanctions extrajudiciaires ou ceux qu’on appelle les récidivistes; d’exiger que les procureurs de la Couronne des provinces envisagent des peines applicables aux adultes pour les adolescents de 14 ans et plus qui commettent des infractions graves comme des meurtres, des tentatives de meurtre et des agressions sexuelles graves; et d’exiger que les tribunaux envisagent de lever l’interdiction de publication pour les jeunes délinquants reconnus coupables d’infractions avec violence, même lorsqu’une peine spécifique est appliquée.
Certaines de ces mesures peuvent avoir des effets positifs et valent au moins la peine d’être appuyées afin que ce projet de loi puisse faire l’objet d’un examen plus approfondi en comité.
Je m’inquiète surtout de ce qui manque dans ce projet de loi. Il semble que la solution que le gouvernement propose pour faire face à la criminalité chez les adolescents soit d’enfermer les délinquants en espérant que cela réglera le problème. Nous savons que ce n’est pas le cas, car tôt ou tard, ils devront sortir et si nous n’essayons pas de les réinsérer pendant qu’ils sont dans un centre de détention ou une prison, ils en sortiront pires qu’ils n’étaient à leur entrée. Certains ne seront pas d’accord sur ce point, mais toutes sortes d’études le démontrent.
C’est, je le crains, une stratégie à courte vue qui va rapidement accroître les taux de récidive. Au Canada, le système de justice pénale pour adolescents doit protéger la société, punir le délinquant et chercher à le réintégrer dans la société dans la mesure du possible.
Le projet de loi reconnaît les deux premiers éléments, mais ne fait rien pour améliorer ou reconnaître ce qui constitue peut-être l’élément le plus important. Que compte faire le gouvernement pour remédier à la pauvreté et à l’itinérance dans nos grandes villes? Que compte faire le gouvernement pour combattre la violence conjugale et la violence faite aux femmes? Que compte faire le gouvernement pour apprendre aux gens à gérer leur colère et leur argent? Que va-t-il faire pour donner de l’espoir et offrir des possibilités à nos nombreux adolescents qui se voient sans espoir et sans avenir?
Je semble peut-être avoir une longue liste de demandes, mais j'estime vraiment que la pauvreté, l'itinérance, le désespoir, la colère et la désensibilisation à certaines choses négatives alimentent les comportements criminels plus tard dans la vie. J'en reviens à ce qu'un jeune homme m'a dit il y a quelques années, que se faire manquer de respect est un motif suffisant pour tuer quelqu'un.
Nous savons aujourd'hui que les enfants qui manquent de soutien dans leur jeune âge ont davantage tendance à chercher d'autres réseaux de soutien qui, parfois, prennent la forme de gangs de rue.
Nous savons également que les enfants qui sont régulièrement exposés à la violence conjugale peuvent en venir à reconnaître ce comportement comme étant acceptable, comportement qui peut donner lieu à des activités plus inquiétantes à mesure que l'enfant grandit.
Il ne me viendrait jamais à l'idée de dire que la pauvreté mène nécessairement à la criminalité. J'estime que tout enfant a un potentiel non exploité et représente un espoir pour l'avenir.
Tout enfant peut devenir docteur, avocat ou scientifique, et tout enfant pourrait être notre prochain grand leader. C'est ma conviction, et c'est pourquoi je tiens à ce qu'on ne s'affaire pas seulement à punir ceux qui s'égarent. Nous devons collaborer afin de veiller à ce que tous les enfants aient la possibilité d'atteindre leur plein potentiel, même s'ils quittent temporairement le droit chemin avant d'atteindre l'âge adulte.
Je vais voter en faveur du projet de loi mais je tiens à préciser que ce n'est que le commencement. Nous ne pouvons pas nous tromper. Les familles de Reena Virk, Jane Creba, Jason Lang, Jordan Manners et d'innombrables autres Canadiens sont tout à fait en droit de s'attendre à ce que nous ne nous trompions pas et que nous apportions les changements nécessaires pour veiller à la protection de notre société, mais aussi que nous élargissions les possibilités pour les nombreux jeunes qui ont besoin d'encouragement.
:
Madame la Présidente, comme les députés le savent, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est entrée en vigueur en avril 2003. Les modifications proposées dans la Loi de Sébastien ont été mises au point après consultation d'un large éventail d'intéressés.
J'ai eu le privilège, à différentes occasions, de rencontrer des électeurs de ma circonscription, . Ces gens se sont dits très préoccupés par la quantité de points, dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui ont grandement besoin d'amélioration. Ils considèrent qu'on n'en fait pas assez pour protéger les personnes et les familles de nos collectivités.
Après plus de cinq ans d'expérience des effets de cette loi, le moment était venu de la réviser. En février 2008, le a amorcé un examen détaillé de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ces travaux ont commencé par une réunion avec les procureurs généraux des provinces et des territoires, au cours de laquelle on a discuté de la portée que devait avoir cet examen. Les participants ont aussi déterminé quels étaient les problèmes les plus importants.
En mai 2008, le a entrepris une tournée du pays, tenant des tables rondes généralement coprésidées par un ministre provincial ou territorial, dans le but d'entendre des professionnels de la justice pour les adolescents et d'autres intéressés. On y a discuté des éléments suscitant des préoccupations dans les dispositions et principes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et des améliorations possibles. Les résultats de ces discussions montrent que la plupart des provinces et des intéressés croient que cette loi fonctionne bien pour la majorité des jeunes criminels. Les préoccupations ont trait au petit nombre de récidivistes ou de jeunes qui commettent des crimes graves avec violence.
Par ailleurs, même si l'objectif de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents de réduire le nombre de jeunes en détention semble louable, certains croient que la loi fait obstacle aux tribunaux qui voudraient imposer la détention à des jeunes pour qui cette mesure semble convenir davantage. Les intéressés croient aussi que la solution d'imposer une peine pour adultes, qui peut être employée pour les jeunes de 14 ans et plus lorsque cela semble convenir, n'est pas toujours envisagée, même dans les cas les plus graves.
Certains ont exprimé des préoccupations concernant les jeunes qui commettent des crimes violents ou qui récidivent. Ils croient qu'il faudrait peut-être concevoir des mesures particulières pour ces cas, afin d'assurer la protection du public. Par exemple, certains s'inquiètent des jeunes violents qui peuvent éviter la détention grâce à un cautionnement. On craint que ces jeunes commettent des crimes graves ou violents tandis qu'ils sont en liberté en attendant leur procès.
Certains estiment que les dispositions actuelles sur la détention avant procès sont trop compliquées. Ces complications peuvent aussi faire en sorte que des adolescents qui ne devraient pas se trouver dans la rue en attendant leur procès sont libérés, seulement pour commettre d'autres infractions aux conséquences parfois mortelles.
La Commission d'enquête Nunn, en Nouvelle-Écosse, s'est penchée sur un cas où un jeune détenu a été libéré, a volé une voiture et a été impliqué dans un accident de la route qui a fait un mort. Les réformes proposées simplifieraient grandement le régime de mise en liberté provisoire par voie judiciaire.
La nouvelle mesure législative comprendra un critère d'évaluation très simple. Si le jeune a commis une infraction grave, qui aura la même définition que pour les adultes dans le Code criminel, ce jeune pourra être détenu en attendant son procès dans les cas où sa libération pourrait mettre la population en danger s'il commettait une autre infraction grave.
Le gouvernement reconnaît que les adolescents qui commettent des infractions criminelles graves et violentes et qui récidivent doivent purger une peine et travailler à leur réadaptation d'une manière proportionnelle à leur crime et à leur degré de responsabilité dans ce crime.
Le gouvernement croit que des éléments particuliers de la loi doivent être renforcés pour garantir que les adolescents qui commettent des infractions graves ou violentes ou qui récidivent sont tenus responsables au moyen de peines et d'autres mesures proportionnelles à la gravité du crime et au degré de responsabilité du contrevenant.
La Loi de Sébastien fera de la protection de la société l'objectif premier de notre système de justice pénale pour adolescents. Elle donnera aux Canadiens une plus grande assurance que les jeunes récidivistes violents seront tenus responsables au moyen de peines proportionnelles à la gravité de leur crime.
Les modifications proposées visent à ce que les jeunes contrevenants violents qui récidivent soient tenus responsables au moyen de peines proportionnelles à la gravité de leur crime et à ce que la protection de la société soit prise en compte comme il se doit dans l'application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Les modifications proposées répondent à ces préoccupations et auraient pour effet de: faire de la protection de la société le but premier de la mesure législative; simplifier les règles permettant de placer en détention les jeunes contrevenants violents et récidivistes en attente de procès lorsque c’est nécessaire afin de protéger la société; exiger que la Couronne envisage la possibilité de demander une peine applicable aux adultes à l'égard de jeunes reconnus coupables des crimes les plus graves comme le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable et les voies de fait graves; exiger que la Couronne soit tenue d'informer le tribunal lorsqu'elle décide de ne pas demander une peine applicable aux adultes; permettre aux tribunaux d’imposer des peines plus appropriées aux autres contrevenants violents et récidivistes et d'imposer les sanctions existantes afin de décourager la récidive; invoquer l'escalade de l’activité criminelle chez un jeune afin de demander une peine de détention pour comportement imprudent mettant la vie et la sécurité d’autrui à risque; et, finalement, demander aux tribunaux d’envisager de divulguer le nom d’un jeune contrevenant violent lorsque nécessaire pour protéger la société.
En ce qui a trait à l’obligation d’envisager l’imposition de peines applicables aux adultes aux jeunes reconnus coupables des crimes les plus graves, les provinces et les territoires auront toujours la discrétion de fixer l’âge auquel cette obligation s’appliquerait.
Je serai clair. Les modifications feraient en sorte que les contrevenants de moins de 18 ans qui se voient imposer une peine de détention purgent celle-ci dans un établissement pour jeunes, même s’il s’agit d’une peine pour adultes. Tous les jeunes de moins de 18 ans purgeront leur peine dans des établissements pour jeunes, séparément des délinquants adultes.
Comme c'est déjà la pratique, lorsqu'un jeune atteint l'âge de 18 ans, il pourrait être transféré dans un établissement pour adultes afin d'y purger le reste de sa peine.
Des modifications seront également apportées aux dispositions sur la publication. En plus de conserver la levée de l'interdiction de divulgation du nom du jeune à qui une peine pour adulte est imposée, la nouvelle loi exigerait que les juges envisagent de lever cette interdiction dans tous les cas où un jeune serait reconnu coupable de crime avec violence et se verrait imposer une peine pour adolescent.
Il serait également obligatoire de conserver des dossiers lorsque des mesures extrajudiciaires seraient imposées pour faciliter le dépistage de récidives, ce qui est lié à la modification des dispositions sur les mesures extrajudiciaires.
Les modifications proposées dans le projet de loi améliorent le système de justice canadien pour les jeunes et créent un système qui tient les jeunes responsables de leurs comportements criminels et fait la promotion de leur réadaptation et de leur réintégration dans la société de manière à protéger la population.
:
Madame la Présidente, le Bloc québécois n'est pas contre une révision de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il est pour le modèle québécois du traitement des jeunes délinquants.
Ce modèle a été cultivé par plus d'une génération. Il a fait l'unanimité chez tous les partis politiques qui ont gouverné le Québec depuis les années 1960. Son maintien et les améliorations qui lui ont été apportées n'ont jamais fait l'objet de politique partisane. Au cours des 25 dernières années, il a donné au Québec, de façon continue, le taux de criminalité juvénile le plus faible en Amérique. Il est entièrement tourné vers l'avenir et il a comme principal objectif de s'assurer, dans toute la mesure du possible, que l'adulte qui succédera inévitablement au jeune contrevenant ne soit pas un délinquant.
Ce modèle a été possible parce que la loi fédérale reconnaissait que son objectif premier était la réhabilitation du jeune. Le juge en chef adjoint à la jeunesse de la Cour du Québec, l'honorable Michel Jasmin, résumait admirablement la philosophie fondamentale qui sous-tend le modèle québécois par ces mots: « la bonne mesure au bon moment. »
Prenons des exemples extrêmes comme l'homicide et le vol à l'étalage. Un jeune a tué son père indigne. Ivre la plupart du temps, il battait sa femme et ses enfants. Il les maintenait dans un état de pauvreté abjecte. Le jeune décide un jour que cela a assez duré et il tue son père. À l'autre extrême, un jeune fait partie d'un groupe de voyous qui dévalisent des domiciles. Surpris un jour par une personne âgée qui leur offre une certaine résistance, il la frappe et lui porte un coup mortel.
Comprend-on qu'on les traite tous deux de façon très différente? Cela ne veut pas dire qu'on donnera une médaille au premier. C'est un geste d'une extrême gravité qui doit entraîner pour lui des conséquences graves. Son geste était injustifié, même dans ces circonstances qu'il a jugées extrêmes. Il doit montrer qu'il le comprend, qu'il le regrette, que jamais plus il n'a l'intention d'avoir recours à la force pour régler une situation injuste. Sa liberté ne lui sera donnée que progressivement et dépendra de ses progrès dans le programme de réhabilitation qu'on lui proposera.
Dans le cas du second, il pourra être déféré à un tribunal pour adultes et recevoir la peine maximale, qui est l'emprisonnement à vie, après avoir subi un examen approfondi qui tiendra compte de ses antécédents judiciaires, de sa personnalité, de l'échec des moyens de réhabilitation antérieurs qui auraient pu être pris, des données psychologiques cliniques fournies par son examen, en somme, d'un ensemble de facteurs qui auront exclu toute possibilité de réhabilitation.
Deux homicides, deux mesures différentes.
Allons à l'autre extrême du comportement délinquant: le vol à l'étalage. Un jeune vient de se faire prendre à voler un CD d'un artiste populaire. C'est sa première arrestation. Il ne veut pas qu'on appelle ses parents, mais on le fait quand même. Quand ils arrivent, il est rouge comme une tomate. Honteux, il jure qu'il ne recommencera jamais. On comprend rapidement que cette expérience et la suite qu'y donneront les parents seront bien suffisantes. On peut déjudiciariser l'infraction et se contenter d'un avertissement.
Par contre, un autre jeune est pris à voler des objets de nature à être vendus. C'est aussi sa première arrestation. On pensera alors à faire une enquête plus approfondie avant de décider s'il sera ou non judiciarisé. On cherchera à en savoir plus sur ses relations, son milieu familial, ses études ou son travail, afin de prendre la meilleure mesure pour assurer qu'il ne continuera pas dans la voie de la délinquance.
Deux vols à l'étalage suivis d'une première arrestation, deux attitudes différentes qui mèneront à des mesures radicalement différentes. On recherche toujours la meilleure mesure à appliquer à ce moment.
Entre ces extrêmes, il y a des milliers de cas où la poursuite de la bonne mesure au bon moment conduit les juges à donner des peines qui peuvent être très différentes pour des crimes semblables commis par des jeunes dont les perspectives de réhabilitation sont, elles, bien différentes.
Ces peines pourront paraître laxistes à certains qui ne connaissent pas les résultats des enquêtes qui sont faites en vue du rapport prédécisionnel sur les jeunes qui présentent les meilleures chances de réhabilitation, mais elles peuvent aussi être parmi les plus sévères que prévoit la loi lorsque l'enquête en révèle la nécessité.
L'approche varie selon l'accusé. Elle vise à protéger la société en prenant les mesures nécessaires pour sortir le jeune de la délinquance et surtout s'assurer, dans la mesure du possible, qu'il ne deviendra pas un adulte délinquant.
Il va de soi que pour déterminer les meilleures mesures à prendre pour atteindre ces objectifs, on prend aussi en considération la gravité de l'infraction, le degré de responsabilité du jeune, ses efforts pour réparer les torts causés aux victimes lorsque c'est possible et d'autres facteurs objectifs pertinents, mais on agit ainsi parce que la réhabilitation du jeune constitue la meilleure garantie de la protection de la société.
Les succès du Québec ne dépendent pas de la loi mais beaucoup plus de la façon de l'appliquer. Partant du principe qu'il faut viser la réhabilitation dans tous les cas où elle n'est pas clairement impossible, le Québec a bâti un régime à plusieurs volets où la qualité du personnel qui intervient auprès du jeune contrevenant est au premier plan. Il y a des juges spécialisés dans toutes les régions où c'est possible avec le soutien de psychologues, criminologues et travailleurs sociaux qui peuvent les instruire sur l'identité de ce jeune, sur les facteurs de risque qui l'amènent à commettre des délits et sur les meilleurs moyens d'assurer sa réinsertion sociale tout en assurant la protection du public. Il y a des procureurs également spécialisés. On voit à la création non pas de prisons mais de centres jeunesse, sous la responsabilité du ministère de la Santé et des Services sociaux plutôt que de ministère de la Sécurité publique. Le remplacement des gardiens se fait par des psycho-éducateurs et des éducateurs spécialisés qui ont une formation universitaire ou collégiale.
En délinquance juvénile comme en d'autres domaines de la criminalité, le succès ne tient pas tellement aux lois mais à la façon dont on les applique. Je sais que c'est particulièrement frustrant pour le législateur fédéral, mais c'est ainsi: au Canada, le droit criminel relève du fédéral et son application, des provinces.
Il faut donc que la loi permette un système efficace. Il ne faut surtout pas que la loi empêche de fonctionner un bon système qui a donné et donne encore des résultats probants, supérieurs à ce qui se passe ailleurs.
Le Bloc avait fait une chaude lutte à l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui fut adoptée en 2002 et qui remplaçait la Loi sur les jeunes contrevenants, parce qu'elle prônait une approche plus objective au traitement des jeunes qui ont commis des infractions.
D'ailleurs, après son adoption, l'opinion de bien des intervenants en matière de délinquance juvénile se résumait ainsi: « Avant, nous nous occupions de jeunes qui ont commis des infractions, maintenant, nous allons nous occuper des infractions commises par des jeunes »!
On pourrait en parler longuement. Nous n'avons pas le temps ici. Nous l'aurons plutôt en comité. Pour le moment, je crois sincèrement que la première approche est la meilleure. La réhabilitation du jeune contrevenant est ce qui protège le mieux la société et le plus longtemps. Elle doit être la priorité du système de justice pour adolescents.
L'approche que nous propose le projet de loi que nous étudions nous éloigne encore plus de la méthode québécoise. L'alinéa 3(1)a), qui est une déclaration de principe au début de la loi, énoncerait ceci:
le système de justice pénale pour adolescents vise à protéger le public de la façon suivante:
(i) obliger les adolescents à répondre de leurs actes au moyen de mesures proportionnées à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité [...]
C'est sûrement un principe pertinent très important, mais il apparaît déjà dans la loi actuelle. Il apparaît presque mot pour mot à l'alinéa 38(2)c) qui édicte:
la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction [...]
Ce déménagement de l'alinéa 38(2)c) vers le sous-alinéa 3(1)a)(i) n'est pas innocent quand on voit ce que ce déplacement fait disparaître.
L'actuel alinéa 3(1)a), qui disparaîtra au profit du nouveau article, dit actuellement:
le système de justice pénale pour adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à les réinsérer dans la société et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives en vue de favoriser la protection durable du public [...]
Dans la loi actuelle, les deux premiers objectifs sont donc la prévention et la réhabilitation.
En toute justice, il faut reconnaître que le projet de loi n'écarte pas complètement ces objectifs, il dit plutôt qu'il faut « encourager la réadaptation et la réinsertion sociale » et à cette fin permettre « le renvoi des adolescents à des programmes ou à des organismes communautaires ».
Mais il en fait des objectifs secondaires à la poursuite des peines proportionnées. Bref, on ne visera plus la réadaptation et la réinsertion sociale, on ne fera que l'encourager.
C'est un virage encore plus profond avec l'ancienne loi sur les jeunes contrevenants, qui avait permis au Québec d'élaborer un système qui a produit les taux de criminalité juvénile les plus faibles en Amérique.
Nous croyons que la réhabilitation doit être l'objectif primordial de tout système de justice pour les adolescents.
D'ailleurs, ce n'est pas un système bonbon, pour reprendre l'expression chère à quelques ténors conservateurs.
Certains jeunes ont déjà demandé aux juges de les envoyer devant un tribunal pour adultes pour ne pas être soumis aux exigences sérieuses des programmes de réhabilitation imposés aux jeunes.
Pour défendre les changements qu'il propose, le gouvernement fait valoir que des sentences plus sévères seraient dissuasives. Ce principe a très peu d'effet sur la criminalité adulte. Pourquoi en aurait-il sur la délinquance juvénile?
Puisque le gouvernement en fait son principal argument, nous devrions avoir ce débat en comité. Le ministère de la Justice a déjà commandé un examen exhaustif de l'effet dissuasif de certaines sentences dans les pays du Commonwealth. Il sera certainement éclairant d'en faire connaître les résultats. Y a-t-il des études qui portent plus spécifiquement sur les adolescents? Il serait sûrement pertinent d'en trouver ou d'en commander s'il n'y en a pas, car c'est probablement sur ce point précis que diffèrent les points de vue du gouvernement et de l'opposition. C'est un débat d'intérêt public qui doit avoir lieu et qui doit être tenu dans la plus grande sérénité et sans partisanerie politique.
Le choix du gouvernement de donner le nom de Sébastien à la loi qu'il nous présente est à la fois étrange autant qu'indécent. Sébastien Lacasse est ce jeune de mon comté qui a été assailli par un groupe de jeunes en colère qui l'ont roué de coups, l'un allant même jusqu'à lui donner des coups de couteau provoquant sa mort. La majorité d'entre eux étaient âgés de plus de 18 ans. Celui qui aurait donné les coups de couteau causant son décès avait moins de 18 ans.
Il a été déféré au tribunal pour adultes et a reçu la sentence maximale, soit l'emprisonnement à perpétuité, et son nom a été publié Les autres qui avaient plus de 18 ans, mais qui n'avaient pas causé sa mort ont reçu diverses sentences, dont la plus sévère fut de quatre ans.
La sentence qu'a reçue le plus jeune n'est certainement pas ce qui justifie qu'on modifie la présente loi. Puisque la loi ne change rien à la sentence qu'aurait eue le meurtrier de la victime dont la loi porte le nom, cela me semble n'avoir aucune valeur symbolique et ne relever que de la pure propagande à des fins de politique partisane. Cela me semble une exploitation malsaine de la douleur de ses parents et de ses proches.
Cela me confirme que l'objectif que poursuit le gouvernement en présentant cette loi n'est pas véritablement de diminuer la criminalité, mais bien plutôt de faire des gains électoraux. Être plus dur avec les jeunes contrevenants est une attitude qui est hélas partagée par un large segment de la population
Jusqu'à ce qu'elle sache.
Jusqu'à ce qu'elle en sache plus sur le véritable traitement que l'on réserve aux jeunes contrevenants au jour le jour, sur les différents professionnels qui s'occupent d'eux, du simple policier d'une escouade jeunesse jusqu'au juge et au procureur de la Couronne spécialisé, en passant par les psycho-éducateurs qui en assurent la garde et qui sont diplômés universitaires, comme ceux qui les évaluent et, surtout, sur les résultats obtenus. Ces résultats font l'envie de nombreux pays dont les représentants viennent s'informer régulièrement de la méthode québécoise avant de s'en inspirer pour modifier leur propre façon de traiter la délinquance juvénile.
Comme citoyens, nous sommes généralement très rarement informés des succès d'une politique qui vise la réhabilitation des jeunes contrevenants. Par contre, les échecs sont largement diffusés. C'est dans la nature des choses. Un meurtre, surtout commis par un jeune, est un événement exceptionnel qui recevra nécessairement une très large publicité. Les crimes en général font l'objet de nombreux reportages. Ce sont toujours des événements, et plus ils sont graves, plus ils sont odieux, plus ils sont rares, plus ils sont diffusés. Les crimes commis par des jeunes ont, en plus, quelque chose de particulier, difficile à cerner, qui les rend plus dignes d'intérêt pour les médias.
Sauf exception, la réhabilitation passe la plupart du temps sous silence. Elle n'a rien de spectaculaire. C'est un processus qui peut prendre du temps, et on ne peut fixer avec certitude le moment où elle est définitivement acquise. Pourtant, l'immense majorité des jeunes qui font face à la justice ne récidivent pas.
On ne peut pas vraiment parler de ceux qui sont réhabilités. D'abord, dans tous les pays civilisés, on protège leur identité. Parfois, une personnalité bien connue et appréciée du public laissera savoir qu'elle a été condamnée à l'adolescence et expliquera à quoi elle doit sa réhabilitation complète, qui en fait aujourd'hui une personne appréciée dans la communauté. Ces cas sont toutefois peu connus, alors que les échecs sont largement diffusés.
La récidive a un visage. Quand ce n'est pas celui du délinquant, c'est celui de sa victime. La réhabilitation est anonyme.
Dans le monde médiatique où nous vivons, nous entendons beaucoup parler des récidivistes, mais exceptionnellement des réhabilités, qui constituent pourtant l'immense majorité des condamnés. De même, les policiers connaissent nombre de récidivistes, mais pas les réhabilités qui ne sont évidemment plus arrêtés.
Le grand public est donc généralement mal informé sur la façon dont on traite la délinquance juvénile. Il n'en voit que les échecs. Je n'en fais pas un reproche aux journalistes. Je le répète, c'est dans la nature des choses dans le monde médiatique où nous vivons. Malheureusement, dans ce cas-ci, the medium is the message. La nouvelle au quotidien, c'est l'exceptionnel.
Mais de temps à autre, un journaliste décide d'étudier la question en profondeur. Il en revient généralement avec une opinion beaucoup plus nuancée sur le phénomène de la délinquance juvénile et les mesures qu'il faut prendre pour la diminuer. Quand on l'informe, le public en arrive généralement aux mêmes conclusions.
Dès le départ, il faut bien admettre que nous n'éliminerons jamais complètement la délinquance juvénile. Il y aura toujours des échecs. Ils seront d'ailleurs d'autant plus médiatisés qu'ils seront rares. On ne devra donc pas nous dissuader de poursuivre le développement de meilleures façons de réhabiliter les délinquants. Non seulement c'est important sur le plan humain, mais c'est aussi la meilleure façon d'assurer la protection de la société à court terme autant qu'à long terme.
J'entends souvent du côté du parti gouvernemental qu'il faut être dur avec les criminels, tough on crime. D'ailleurs, les conservateurs le disent toujours avec un air de triomphalisme, comme s'ils allaient gagner un trophée ou vaincre un ennemi. En fait, ils prônent la ligne dure parce qu'ils croient que cela va leur rapporter des votes. Mais c'est aussi à la Chambre que j'ai entendu la phrase la plus brillante sur le sujet. Elle venait du député d', dans une de ses premières allocutions, avant qu'il ne devienne chef de son parti.
De mémoire, il disait que l'idée n'est pas d'être dur avec les criminels ou mou avec les criminels, l'idée est d'être intelligent face à la criminalité. S'il y a bien un domaine où il est important d'être intelligent, c'est bien face à la criminalité juvénile, même si cela n'est pas nécessairement ce qu'il y a de plus populaire pour le moment.
Le 18 septembre 2009, l'ancien chef conservateur, le très honorable Brian Mulroney, disait lui-même devant la grande famille conservatrice réunie pour célébrer le 25e anniversaire de sa prise de pouvoir: « Ce n'est pas parce que quelque chose est populaire que c'est juste ». C'était publié dans Le Devoir du 19 septembre 2009. Les anciens hommes d'État ont souvent le goût de communiquer leur sagesse.
Cette phrase m'apparaît particulièrement pertinente au moment d'étudier les changements que le gouvernement voudrait voir adopter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. J'ai la très nette impression que c'est à cause de leur popularité que les changements sont proposés. Tough on crime a fait recette aux États-Unis. Il a assuré l'élection de bien des représentants et sénateurs républicains.
Cela fait qu'aujourd'hui, près du quart des prisonniers du monde est dans les prisons américaines. Le taux d'incarcération des États-Unis est sept fois celui du Canada. Est-ce un pays plus sûr? Bien au contraire. Si on regarde les crimes les plus graves que sont les homicides, on y commet proportionnellement trois fois plus d'homicides qu'au Canada, et quatre fois et demie plus qu'au Québec. Le Vera Institute of Justice, un organisme américain, a établi qu'au moins 22 États américains s'apprêtaient à abandonner la démarche dite tough on crime. Cela vaut aussi pour le traitement des jeunes délinquants qui s'inspirait des mêmes principes.
La démarche tough on crime est peut-être une bonne recette pour gagner des votes, mais elle mène à un cul-de-sac coûteux et contre-productif. La réhabilitation, au contraire, produit des citoyens utiles à la société sans compter qu'à terme, les économies financières et sociales réalisées pour chaque jeune qui se sort de la criminalité sont énormes. Quand on constate que les crimes de violence sont tellement plus nombreux aux États-Unis qu'au Canada, on peut penser qu'une partie de ces délinquants sont d'abord passés par leur système de justice pour jeunes contrevenants.
Pourquoi chercher là le modèle à suivre, alors que nous avons ici un système qui donne de bien meilleurs résultats? Le reste du Canada devrait s'en inspirer plutôt qu'empêcher le Québec de continuer à s'en prévaloir.
:
Monsieur le Président, notre plus grande responsabilité à titre de députés fédéraux est peut-être l'obligation que nous avons de protéger les citoyens des collectivités que nous représentons.
J'ai l'honneur de représenter la belle ville d'Abbotsford. Les résidants de ma circonscription comprennent peut-être mieux que la majorité des Canadiens l'impact que les crimes violents peuvent avoir sur leur sentiment de sécurité, surtout les crimes commis par des jeunes.
Même si, dans l'ensemble, la criminalité a diminué, la violence liée à la drogue a augmenté sensiblement dans ma collectivité l'an dernier. Dans une large mesure, cette violence impliquait des jeunes. Si les députés venaient dans ma circonscription et qu'ils lisaient les journaux des deux ou trois dernières années, ils constateraient que, semaine après semaine, il y a eu des cas violence commise par des gangs et des cas de violence liée à la drogue. Ils liraient des articles sur des jeunes qui ont été tués parce qu'ils étaient mêlés au trafic de la drogue, des jeunes qui avaient un bel avenir dans notre grand pays, mais dont la vie a été brusquement fauchée.
Depuis que nous avons été élus pour la première fois, notre gouvernement conservateur a constamment pris des mesures pour lutter contre les crimes violents et protéger les Canadiens. Notre approche est équilibrée. Elle se fonde sur la prévention, l'exécution et la réadaptation.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est une nouvelle mesure législative pour lutter contre les crimes violents commis par des jeunes, et en particulier par des jeunes récidivistes. Le projet de loi, que nous avons appelé Loi de Sébastien, modifie la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Notre gouvernement est conscient que les jeunes qui commettent des infractions graves, avec violence et de façon répétée doivent se voir imposer des peines proportionnelles à la gravité de leurs crimes, même si on veut favoriser leur réadaptation et leur réinsertion sociale. Bref, les jeunes délinquants violents doivent assumer la responsabilité de leurs crimes violents.
Le projet de loi de notre gouvernement insiste aussi sur le fait que nos lois doivent faire de la protection de la société une priorité au moment d'imposer une peine, ce qui est loin d'avoir été toujours le cas dans le passé. Les citoyens respectueux des lois ont le droit de s'attendre à ce que leurs législateurs les protègent contre les jeunes délinquants très violents.
C'est en parlant aux Canadiens que je me suis rendu compte qu'un grand nombre d'entre eux avaient perdu confiance en notre système de justice pour les adolescents. Ceux-ci se plaignent du fait que les peines d'emprisonnement imposées aux jeunes délinquants violents et récidivistes sont généralement trop clémentes pour favoriser leur réadaptation et pour les tenir responsables de leurs actes. Les Canadiens ont aussi perdu confiance en un système qui n'a pas les outils législatifs nécessaires pour assurer la sécurité du public. Or, notre gouvernement est en train de corriger la situation.
En quoi consiste le projet de loi au juste? La Loi de Sébastien, présentée par le gouvernement conservateur, propose neuf changements clés à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le premier changement vise à ajouter la dissuasion et la dénonciation aux principes dont le juge doit tenir compte au moment de déterminer la peine imposée à de jeunes récidivistes qui ont commis des infractions graves avec violence. À l'heure actuelle, le juge ne peut se servir de la dissuasion et de la dénonciation au moment de déterminer la peine, même si un grand nombre de Canadiens sont d'avis qu'il faut envoyer un message clair aux jeunes délinquants qui commettent des infractions graves avec violence, à savoir que s'ils commettent un crime ils doivent en assumer les conséquences.
En vertu du deuxième changement proposé, la loi modifiée autoriserait la détention et l'incarcération d'un jeune avant son procès lorsque celui-ci est accusé d'avoir commis une infraction grave et qu'il est susceptible de commettre une autre infraction grave s'il est remis en liberté. À l'heure actuelle, les règles régissant la détention avant procès sont confuses et, franchement, elles ne sont pas appliquées de façon uniforme.
En vertu du troisième changement, la loi modifiée définirait l'expression « infraction grave » comme étant tout acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus. Cette définition inclut non seulement les infractions avec violence, mais aussi les infractions contre les biens, comme le vol de plus de 5 000 $, et les infractions qui posent un danger au public, comme la possession d'une arme à feu, l'exploitation sexuelle, le vol et le meurtre. Actuellement, l'expression « infractions grave » n'est pas définie dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le quatrième changement proposé élargit la définition de l'expression « infraction avec violence » de façon à inclure une infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne en créant une probabilité marquée qu'il en résulte des lésions corporelles.
Autrefois, ce qui constituait une « infraction avec violence » au sens de la loi devait être interprété par les tribunaux. L'interprétation des tribunaux, même si elle comprenait l'infliction de lésions corporelles et la menace d'infliger de telles lésions, ne mentionnait pas l'idée de mettre en danger la vie ou la sécurité d'autrui. Nous changeons cela.
Notre cinquième changement vise à faciliter l'emprisonnement des jeunes contrevenants violents en permettant aux juges de prendre en considération des antécédents ou peut-être une tendance à la criminalité, même si ce comportement ne figure dans aucun rapport officiel. La loi actuelle est trop restrictive et permet à des adolescents qui peuvent avoir enfreint la loi à plusieurs reprises, mais qui ont été traités à l'extérieur du système de justice, de ne pas répondre de leurs actes.
En vertu du sixième changement, les procureurs devront envisager de réclamer une peine applicable aux adultes pour les jeunes âgés d'au moins 14 ans qui se rendent coupables d'une infraction grave avec violence. Cette disposition peut varier d'une province à l'autre. Les procureurs devront également informer la cour s'ils ne réclament pas une peine applicable aux adultes. Actuellement, les jeunes de 14 ans ou plus peuvent recevoir une peine pour adulte lorsque nécessaire, mais les procureurs n'en font pas toujours la demande, même dans les cas les plus graves.
Le septième changement clé vise à donner aux juges le pouvoir de publier le nom des jeunes contrevenants reconnus coupables d'une infraction avec violence, même lorsqu'ils reçoivent une peine applicable aux adolescents. C'est une mesure que de nombreux Canadiens réclament, y compris des gens d'Abbotsford. Bien que rien n'interdise actuellement la publication du nom des jeunes contrevenants qui reçoivent une peine applicable aux adultes, ceux qui reçoivent des peines pour adolescents pour des crimes avec violence ne voient que rarement, voire jamais, leur nom publié.
Le huitième changement clé modifie la loi pour préciser qu'aucun adolescent de moins de 18 ans ne peut purger sa peine dans un établissement pour adultes, qu'il ait reçu une peine pour adulte ou non. Cette mesure est conforme au désir de notre gouvernement de faire en sorte que les jeunes contrevenants purgent leur peine dans un milieu propice à une véritable réadaptation.
Le neuvième et dernier changement prévu dans la loi de Sébastien, comme nous avons nommé ce projet de loi, exigera des services de police qu'ils tiennent des registres sur l'utilisation des mesures extrajudiciaires telles que les avertissements, pour faciliter la détection des tendances à la récidive. À l'heure actuelle, rien n'oblige la police à tenir de tels registres.
Le gouvernement estime que la loi doit absolument accorder la priorité aux victimes. En déclarant cette semaine que les victimes ont trop longtemps été oubliées, nous soulignons vraiment la Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels. Le gouvernement conservateur a pris bonne note de la situation. Nous avons mis en oeuvre un grand nombre de nouvelles initiatives qui répondent aux besoins des victimes, par exemple la journée nationale de sensibilisation. Nous avons également créé le Bureau fédéral de l'ombudsman des victimes d'actes criminels.
En outre, nous avons augmenté le financement à l'intention des victimes d'actes criminels. En fait, dans le budget de cette année, nous avons même consacré 6,6 millions de dollars supplémentaires au financement de services destinés aux victimes. Nous avons vraiment pour objectif de réduire de manière importante le nombre de victimes, au Canada, de crimes violents commis par des jeunes. Or, nous ne pouvons réaliser cela sans disposer d'un coffre à outils, c'est-à-dire d'instruments législatifs qui permettent de s'attaquer à la délinquance juvénile, en particulier aux actes violents.
Les modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents que propose le gouvernement conservateur améliorent grandement la sécurité des Canadiens. Ces changements, qui tiendront les jeunes contrevenants violents davantage responsables de leurs actes, assureront une meilleure protection des citoyens. Après tout, les Canadiens ne s'attendent à rien de moins de la part de leurs représentants élus. Les habitants de ma collectivité, Abbotsford, ne s'attendent à rien moins, eux non plus, de la part de leur représentant ici, à Ottawa.
Depuis 2006, le gouvernement conservateur s'est employé activement à essayer de trouver de nouvelles façons de lutter contre la criminalité, de répondre aux besoins des victimes et de voir à ce qu'on offre des mesures de réadaptation dans les pénitenciers fédéraux. Je suis ravi d'appuyer cette mesure législative, qui se fait attendre depuis trop longtemps. L'autre jour, quelqu'un m'a demandé pourquoi il a fallu attendre aussi longtemps. Je lui ai rappelé que nous venions de sortir de 13 années de gouvernement libéral et que les libéraux n'ont pas pris la question de la criminalité au sérieux.
Le gouvernement conservateur, sous la direction du et du , prend vraiment cette question au sérieux. En fin de compte, nous voulons que la société soit plus sûre. Je tiens à ce qu'Abbotsford soit plus sûre. Quand nous nous attaquons à la criminalité, tous les Canadiens y trouvent leur compte.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce débat, surtout depuis que j'ai entendu certains de mes collègues ministériels exposer, avec ce qu'ils qualifieraient de grande éloquence, les méthodes et les principes selon lesquels notre société fonctionne. J'ai remarqué qu'ils insistaient beaucoup sur les mots « protection » et « prévention ».
Il est vrai qu'il est nécessaire de protéger la société et sans me laisser aller aux grandes peurs et à la paranoïa de tous, je crois que nous devrions nous pencher sur ce que d'autres professionnels et intervenants du domaine disent sur les dispositions législatives proposées, et sur celle-ci plus particulièrement.
Monsieur le Président, avant de passer aux références, je sais que vous connaissez bien la loi aussi et j'espère que je ne vous offenserai pas en citant d'autres personnes que vous en tant qu'experts dans ce dossier.
Je trouve dommage d'entendre certains de mes collègues ministériels qui parlent généralement de manière plutôt raisonnable, et je pense tout particulièrement à mon collègue d', qui est un membre précieux d'un comité qui regrette beaucoup son absence. Lorsqu'il se lance dans des arguties partisanes pour camoufler les faiblesses de ce projet de loi afin de le rendre plus acceptable, je ne peux que penser à ce que les intervenants du secteur privé auraient à dire sur ses interventions.
Je pense par exemple à Rick Linden, professeur de criminologie à l'Université du Manitoba, qui a souligné que ce projet de loi était davantage conçu à des fins politiques que pour véritablement lutter contre la criminalité. Je présume qu'il en est probablement arrivé à cette conclusion après avoir étudié le projet de loi et anticipé ce que mon collègue pourrait avoir dit plus tôt.
En fait, ces propos sont repris par le professeur Nicholas Bala, un expert dans les domaines du droit de la famille et de la justice pour adolescents de l'Université Queen's qui affirme que ce projet de loi est un bon exemple d'exploitation des fausses perceptions du public quant à la criminalité chez les jeunes.
Les députés peuvent-ils croire que le député d'en face puisse dire que ce dont la société canadienne a le plus besoin, c'est de protection contre les jeunes criminels?
Nous avons peut-être besoin de protection, mais il est carrément éhonté de décider, comme le député et son gouvernement l'ont fait, de se concentrer sur un élément donné de notre société, de le vilipender et d'en faire la plus grande menace à la sécurité de la société canadienne.
M. Frank Addario, de la Criminal Lawyers' Association, rappelle à tous que rien ne prouve que des sanctions plus sévères contribueront à réduire le taux de récidive chez les jeunes.
Cela ne veut pas dire qu'il ne devrait pas y avoir de sanctions, mais si le gouvernement se propose de modifier une loi qui avait été présentée par un gouvernement précédent, il lui incombe alors de prouver que quelque chose cloche. Au lieu de cela, le gouvernement nous expose des perceptions, des anecdotes faisant état de ce que le public, de son point de vue, pense que la mesure législative devrait comporter.
Je crois néanmoins que certaines améliorations s'imposent et je suis certain que le comité se penchera sur la question. Tout n'est pas mauvais dans ce projet de loi. En le lisant, je me suis dit que nous pourrions peut-être en appuyer quelques éléments, surtout pour ce qui est de l'amélioration de la façon dont le système est administré.
Il y a, par contre, des faiblesses auxquelles je me serais attendu que le gouvernement remédie. J'ai été absolument consterné d'entendre le député qui vient de parler, mon collègue d', dire que pour assurer la protection des Canadiens, il fallait injecter 25 millions de dollars de plus dans la protection des Canadiens.
Quelqu'un sait-il ce que cela représente? Pour que cela soit bien clair pour tout le monde, cela voudrait dire que l'on pourrait tout au plus embaucher 250 agents de première ligne de plus pour faire ce qu'il y a à faire, soit appliquer la loi, quelle qu'elle soit et peu importe qu'elle soit rigoureuse ou non.
Cette mesure n'aurait aucune valeur, à moins qu'un agent d'exécution de la loi, grâce à sa vigilance et à son travail, ne puisse assurer que les objectifs visés par les législateurs sont atteints dans la réalité. Lors de la plus récente campagne électorale, le gouvernement a promis que 1 000 agents de première ligne seraient embauchés. On en a embauché 250. Le gouvernement dit maintenant sans aucune honte que les 25 millions de dollars en question serviront à protéger les Canadiens mieux qu'ils ne l'ont jamais été sous aucun autre gouvernement.
Depuis quatre ans, les conservateurs interviennent à la Chambre, ils font des annonces dans les médias, séances de photos à l'appui, s'enorgueillissant d'être le parti de la justice, le parti qui sévit contre le crime. Qu'à cela ne tienne, ils nous disent de ne pas nous attendre à ce qu'ils tiennent parole. Ils n'embaucheront pas les policiers dont nous avons besoin pour faire appliquer la loi. Ils ne nous fourniront pas les ressources dont la société a besoin pour assurer une interaction harmonieuse entre les gens de groupes d'âge et d'horizons socio-économiques différents et ceux qui sont la proie de personnes et de groupes qui ne se soucient pas du tout du bien-être de la population.
Le gouvernement n'a investi aucune ressource à cet égard, mais il affirme que cette mesure, un bout de papier qu'on s'empressera de déchirer, pourrait lui permettre de protéger les gens. Sans agents, sans capacité en matière d'application de la loi, sans investissements dans le système de justice qui permettraient aux avocats et aux juges de traiter les affaires dont ils sont saisis, la justice est différée. Or, justice différée est justice refusée, il n'y a pas de justice.
Si nous nous rallions vraiment au point de vue du gouvernement, à savoir que l'éthique qui meut le gouvernement du Canada, à savoir que le gouvernement est censé nous définir à nos yeux et aux yeux du monde, je lui demande de donner suite à sa promesse de nous fournir la protection nécessaire, les ressources nécessaires à l'application des lois qui nous définissent. Cela ne se produit pas et ne se produira pas.
Les conservateurs interviennent à la Chambre pour rejeter le blâme sur les libéraux qui les ont précédés. Il y a combien d'années de cela? Il y a quatre ans. Depuis quatre ans, les conservateurs ne font rien d'autre que de trahir leurs promesses.
Si nous voulons que notre société soit composée d'un groupe d'individus qui fonctionnent de manière productive et qui respectent et acceptent les différences de l'autre, ses ambitions et ses aspirations, alors nous devons instaurer une éthique publique qui fasse l'unanimité.
J'aimerais également souligner que, en matière de protection et de prévention, il ne suffit pas d'investir dans les agents d'exécution de la loi ou dans le système et l'appareil judiciaires; il faut investir dans la société, là où ça compte.
Combien le gouvernement a-t-il investi pour doter le pays des programmes dont les jeunes, et surtout les jeunes garçons, ont besoin? J'ai l'impression que la première chose que cette mesure législative va faire, c'est vilipender tous les jeunes garçons de ce pays. Je dis bien « garçons », car si je disais « jeunes hommes », j'engloberais alors ceux qui ont plus de 18 ans, alors que ces derniers sont assujettis aux mêmes observations, peines et programmes que tous les adultes. Or, il est bel et bien question d'enfants ici, je dirais même d'enfants de moins de 14 ans, si j'ai bien compris ce que j'ai lu.
Mon collègue d' croit que la menace est bien réelle. Et qu'elle a un nom: enfant. Il croit que tous ceux qui entrent dans l'adolescence deviennent une menace, puisqu'on les appelle alors des jeunes hommes.
L'une des manières dont une société peut prévenir les problèmes consiste à investir avant qu'ils ne surviennent. Il faut donner à ces jeunes hommes, mais aussi à ces jeunes femmes, la chance de contribuer de façon productive à la société, d'y prendre la place qui leur revient. Ça ne signifie pas nécessairement qu'il faut les prévenir qu'ils n'ont qu'à bien se tenir s'ils s'écartent du droit chemin.
Ils n'ont cependant pas besoin de s'inquiéter de tout ça, parce qu'il n'y a pas de volcans actifs au Canada et que les policiers ne se préoccupent pas d'eux. Et si jamais ils se font arrêter malgré tout, ils ne se retrouveront jamais devant un tribunal, car nous n'avons pas d'argent pour les juges. Et même si nous trouvions de l'argent pour les juges, nous n'en aurions pas assez pour les procureurs et le reste. Vous voyez: ils n'ont rien à craindre.
Pensons un peu à l'impact d'une mesure législative qui envoie ce genre de message. Le gouvernement veut crier sur tous les toits qu'il durcit le ton à l'égard des criminels et non à l'égard des personnes. Il ne se soucie pas des hommes et des femmes qui participeront à la création de la société de demain, cette société qui sera la nôtre. Où dans le projet de loi trouve-t-on des signes que le gouvernement conservateur du Canada se soucie vraiment de l'environnement dans lequel grandit un jeune homme ou une jeune femme, qu'il se soucie des valeurs qui définissent la collectivité dans laquelle ces jeunes gens grandissent?
Où dans le projet de loi trouve-t-on des indices que le gouvernement veut se concentrer sur la prévention? Y a-t-il des signes qui montrent que le gouvernement du Canada souhaite vraiment bâtir l'infrastructure nécessaire pour permettre à ces jeunes gens de devenir des citoyens canadiens productifs et engagés?
Grâce à votre bonne volonté, monsieur le Président, nous avons eu la chance aujourd'hui d'accueillir un groupe de jeunes gens qui, à force de sacrifices personnels et avec l'aide de leurs parents, de leurs collectivités et, dans certains cas, du gouvernement, ont réalisé l'exploit, tout d'abord, de participer aux derniers Jeux olympiques, puis d'offrir de grandes performances lors de ces jeux. Ils étaient ici. Nous aurions dû être fiers non seulement de leurs médailles, mais aussi du fait qu'ils ont réussi. Ils nous ont permis à nous tous, législateurs de partout au pays, comme le disent mes collègues du Bloc, de souligner tous les facteurs ayant réussi à contribuer au tissu social et au renforcement des collectivités et du pays et qui constituent un exemple de réussite que ces jeunes partagent avec nous.
Où cela apparaît-il dans cette mesure législative? Il est ironique qu'après avoir rendu hommage aujourd'hui à des jeunes gens qui ont réussi et qui, grâce à leurs efforts, ont fait honneur à nos réussites, nous disions que les jeunes représentent une menace en devenir et que nous allons mettre en place une telle structure et tenir de tels discours que la peur leur fera faire ce qui est acceptable. Mais nulle part nous ne définissons le terme « acceptable ». Nulle part nous ne donnons d'indications sur ce que cette éthique publique, ces valeurs publiques et ces réalisations communautaires relatives à la famille doivent être pour qu'elles soient acceptables du point de vue de notre perspective nationale.
Après avoir examiné le projet de loi, nous nous demandons ceci: que faut-il que ce gouvernement fasse pour bien vendre son message? Si l'objectif du gouvernement est d'incarcérer les gens et de prolonger les périodes d'incarcération pour tous ces individus sans exception, c'est ce qu'il va faire, en dépit de la tendance inverse qu'on observe relativement au comportement des jeunes gens dans notre société. Les conservateurs vont nous dire que nous allons faciliter l'incarcération et la prolongation des incarcérations et que nous allons investir en ce sens. Nous allons construire plus de prisons.
Pensez-y une seconde. Dans une société où les gens cherchent à acquérir une maison, nous allons bâtir des prisons. À une époque où les gens cherchent un logement abordable, nous allons dépenser au moins 100 000 $ par cellule afin d'incarcérer et de prolonger les incarcérations des personnes que nous voulons diffamer. Nous n'avons pas au départ assez investi dans la prévention, l'éducation ou la construction d'infrastructures où emmener nos jeunes gens et nos enfants, et ce, pour qu'ils deviennent des adultes fonctionnels dont ce pays sera fier.
Non. Nous préférerions — contrairement à cette mesure législative et au gouvernement d'en face — tenir un grand bâton de baseball dans nos mains et dire aux gens que s'ils dévient du droit chemin, ils recevront un gros coup de bâton.
Pensons-y. Le gouvernement dépensera 100 000 $ par cellule. Il veut augmenter le taux d'incarcération d'au moins 30 p. 100. Cela signifie que des députés devront voter pour autoriser ou interdire la construction de plus de cellules au cours des prochaines années, un projet qui coûtera plus de 3 milliards de dollars.
Des députés d'en face ricanent. Ils sont surpris que les députés aient fait leurs devoirs. Ce n'est pas dans leurs habitudes. En effet, ils lisent constamment des points de discussion que leur fournit le cabinet du premier ministre. Ils n'ont pas étudié les conséquences du projet de loi.
Je suis ravi qu'ils soient à l'écoute. Nous parlons d'éducation, alors je les invite à écouter attentivement.
Si nous construisons une cellule, nous avons besoin de quelqu'un pour la surveiller. Autrement dit, nous avons besoin de gardiens de prison. C'est 100 000 $ de plus par année et par gardien.
Calculons ce qu'il en coûtera au gouvernement du Canada pour construire ces cellules et mettre en place la structure nécessaire à leur maintien, et comparons cela aux coûts associés à une infrastructure de prévention. Personne n'en parle.
Les conservateurs préfèrent inviter tous ceux qui sont mécontents de l'état actuel des choses à voter conservateur. Que tous ceux qui misent sur les châtiments, votent pour les conservateurs.
Or, ceux qui préfèrent une vision positive du monde, qui sont favorables à la réadaptation et qui misent sur le côté productif des gens, sont invités à voter pour un autre parti. Je pense qu'ils voteront pour les libéraux, s'ils sont sensés.
Pensez au message que le gouvernement envoie à la population. Il préfère envoyer un message extrêmement négatif. Pire encore, il ne dispose même pas des fonds nécessaires pour nourrir les ambitions du projet de loi. Il n'y a pas d'argent.
Combien cela coûte-t-il pour protéger la société? Récemment, les conservateurs ont parlé de la nécessité de protéger la société dans l'industrie du transport aérien, de protéger les gens dans les aéroports. Il faut faire ceci, il faut faire cela. Et vlan, 1,5 milliard de dollars de plus en taxes pour qu'ils puissent le faire. Ils ont dépensé 11 millions de dollars pour acheter 44 scanners corporels; un expert a dit au comité ce matin que c'était un gaspillage d'argent et a conseillé d'annuler le contrat. Loin de se contenter d'avoir acheté 44 scanners au coût de 11 millions de dollars pour protéger les voyageurs aériens, les conservateurs ont ajouté 1,5 milliard de dollars à la note.
Monsieur le Président, je sais qu'il vous arrive de savourer un bon repas; comme disent les Français, « l'appétit vient en mangeant ».
Il semble que, chaque fois qu'il a l'occasion de gaspiller de l'argent sur des mesures inutiles, le gouvernement conservateur ressent tout à coup le besoin d'augmenter les impôts pour prendre des mesures tout aussi inutiles.
Voilà ce que représente ce projet de loi. Il représente une occasion ratée. Au lieu de parler des façons d'aider les jeunes qui nous remplaceront — car ils nous remplaceront tous — et des programmes dont ils ont besoin, il les vilipende.
Le gouvernement conservateur parle de programmes de prévention alors qu'il les a presque tous éliminés.
En Ontario, nous disposions de 8 millions de dollars, et dans le grand Toronto, de 11 millions de dollars, pour offrir des programmes d'aide aux étudiants et aux jeunes à risque. Le gouvernement les a éliminés. Tous les ans, il réitère que ces programmes sont inutiles car les méchants doivent être punis. Le gouvernement se concentre exclusivement sur le châtiment et détermine qui sont les méchants sans pour autant chercher à les attraper. Quand il en attrape, il les met au cachot. Quand on lui fait remarquer que nos prisons sont surpeuplées, il rejette la faute sur un autre gouvernement et affirme qu'il va en construire davantage. Seulement, il n'a pas les moyens de financer de tels projets.
Voilà ce qui cloche avec le gouvernement. Il ne sait pas ce qu'il fait. Ce sont les jeunes qui écopent et ce projet de loi vise à rejeter la faute sur autrui. Nous méritons mieux.