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Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole concernant le projet de loi . J'ai bien écouté ce que mon collègue de au Nouveau-Brunswick a dit, et je suis tout à fait d'accord avec lui: le projet de loi C-21, autrefois le projet de loi , est une pure improvisation.
Essayons maintenant de décortiquer ce projet de loi pendant les quelques minutes dont je dispose. En septembre 2009, il y a environ un an et un mois, il y avait les affaires Norbourg, Earl Jones et d'autres cas similaires. Le gouvernement nous a alors dit qu'il s'agissait de cas différents et particuliers, que la justice s'en occuperait, qu'il n'interviendrait pas, etc. Finalement, le gouvernement est intervenu le 21 octobre 2009 en déposant le projet de loi C-52, qui est devenu, à la suite de la prorogation de la Chambre, le projet de loi C-21. Si le gouvernement n'avait pas prorogé la Chambre, ce projet de loi serait probablement déjà étudié, modifié et en vigueur, de sorte que des criminels à cravate seraient peut-être en prison plus longtemps que prévu.
Avec ce projet de loi, on veut imposer des peines minimales de deux ans pour des fraudes dépassant 1 million de dollars. Il y a là quelque chose qui ne fonctionne pas. Au Bloc québécois, nous allons voter en faveur de ce projet de loi pour qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'avise le gouvernement qu'il vaut mieux qu'il ne nous bouscule pas pour adopter ce projet de loi rapidement. Nous allons probablement le modifier considérablement pour qu'il reflète la réalité davantage qu'il ne le fait actuellement.
On avait déjà commencé à poser des questions au à ce sujet, mais il a été incapable de citer de la jurisprudence où les peines imposées ont été inférieures à deux ans pour des fraudes de 1 million de dollars. Il y a vraiment quelque chose qui ne fonctionne pas.
Expliquons à la population qui nous écoute ce qui se passe. On veut s'attaquer aux criminels à cravate. Qui sont-ils? Ce sont des criminels extrêmement bien renseignés, qui savent exactement comment fonctionne le système et qui sont capables de monter des entreprises afin de frauder ou de déposséder des individus de sommes d'argent.
C'est beaucoup plus facile de parler d'un vol à main armée. Quelqu'un entre dans une banque, une caisse populaire ou un dépanneur avec une arme chargée ou non, pour y commettre un vol. Lorsque vient le temps d'imposer des peines, c'est plus visible et il est beaucoup plus facile de faire la preuve du crime qui a été commis. Les criminels à cravate, eux, fraudent des gens en leur faisant des promesses et en leur demandant de leur donner leur argent. Ils peuvent leur garantir des revenus de 5, 10, 15 voire plus de 20 p. 100 par année. Ils ont le don d'attirer les gens; ils ont la parole facile. Ils peuvent monter un système financier pour emprunter à une personne et en rembourser une autre, et ainsi de suite. Cela aboutit à des cas comme ceux d'Earl Jones ou de Norbourg.
Il faut que ça cesse et que le message soit clair. Et ce n'est pas avec une peine minimale pour des fraudes dépassant 1 million de dollars que le problème sera réglé, car il est clair qu'on donne une peine de prison pour une fraude de 1 million de dollars et plus.
Je ne connais pas, malgré toutes les recherches qu'on a faites, de sentences qui ont été rendues pour des fraudes de 1 million de dollars et plus où il n'y a pas eu de peine d'emprisonnement. Cela n'existe pas. Il faudrait que l'on impose des peines d'emprisonnement aux fraudeurs qui fraudent pour 100 000 $, 200 000 $ ou 500 000 $. Là, par exemple, on commence à parler. Mais est-on obligé d'insérer cela dans un projet de loi? C'est là que le me pose un problème. Je ne sais pas par qui il est conseillé, mais je suis convaincu que ceux qui sont autour de lui ont oublié de lui lire l'article 718 du Code criminel.
J'ai quelques minutes et je ne veux endormir personne, mais c'est important. C'est important quand on prépare des projets de loi de cette nature de savoir d'où on vient pour pouvoir savoir où on va. Que dit l'article 718? Il s'agit de directives au juge:
Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants:
a) dénoncer le comportement illégal;
b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité [je reviendrai là-dessus dans une minute];
f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
Une fois qu'on a lu cela, on constate que tout est dans le Code criminel. À quoi le Bloc québécois s'attend-il? Il ne s'attend pas à des sentences minimales d'emprisonnement. Cela ne règle rien, on le sait. On en a la preuve, c'est réglé et tout le monde le sait. On a des études qui le démontrent et le confirment: les sentences minimales d'emprisonnement ne réduisent pas la criminalité.
Je vais le répéter pour l'interprétation. Je suis certain qu'ils ont bien traduit tout cela, mais je voudrais que mes amis de l'autre côté comprennent comme il le faut: les sentences minimales d'emprisonnement ne règlent pas la criminalité. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les études du ministère de la Justice, du ministère de la Sécurité publique du Canada et surtout des études des États-Unis. On sait que nos amis d'en face aiment beaucoup se vanter qu'ils sont tough on crime comme les Américains. Les Américains commencent à se rendre compte que cela ne règle rien. Cela ne règle rien en Australie, en Grande-Bretagne ou en Nouvelle-Zélande. C'est démontré noir sur blanc.
C'est prévu à l'alinéa 718e) du Code criminel. Je vais le relire parce qu'il y a un petit bout qu'ils n'ont pas compris:
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
Il n'y a rien dans ce projet de loi. On va s'y attaquer quand le projet de loi arrivera en comité pour étude.
En plus de cela, on garde encore la fameuse libération au sixième des peines d'emprisonnement. On se serait attendu à ce que, dans un tel projet de loi, le gouvernement enlève immédiatement la libération au sixième de la peine.
Actuellement, on a le plus bel exemple d'un individu qui a été condamné. Il s'appelle M. Lacroix, de Norbourg. Il a fraudé pour quelque 130 millions de dollars. Il a reçu une peine de 13 ans d'emprisonnement. Il est admissible à une libération conditionnelle au sixième de sa peine, soit 13 ans divisés par six. J'annonce à la Chambre qu'il est déjà sorti. Eh oui! Il est sorti de prison, il a fraudé pour 130 millions de dollars, et ses victimes sont soit en faillite, soit décédées. En effet, il y en a qui sont décédées. On se prépare à faire la même chose avec Earl Jones. Earl Jones a fraudé pour 55 millions de dollars. Il vient de plaider coupable. Il a reçu une sentence. Il est encore admissible à une libération au sixième de sa peine. Il faut enlever cela, et cela presse.
Le problème n'est pas d'imposer des peines minimales d'emprisonnement. Cela a toujours été dit et on va le répéter parce qu'en face, ils ne comprennent pas.
La population ne croit vraiment plus au système judiciaire. Ce qui choque la population n'est pas qu'on impose aux individus des peines minimales d'emprisonnement, mais le fait qu'ils ne les purgent pas. Lorsque quelqu'un est condamné à 13 ans d'emprisonnement, on s'attend au minimum à ce qu'il passe du temps en prison. Les criminels à col blanc ou à cravate sont admissibles à une libération à un sixième de leur peine et à une libération conditionnelle, et ils n'ont généralement pas de casier judiciaire. C'est démontré par les chiffres et les recherches. Ces individus ne sont pas des bandits de grand chemin, mais plutôt des fraudeurs bien organisés.
Pour les services correctionnels, ils ne sont donc pas dangereux et les risques de récidive sont peu ou pas importants. En conséquence, on les libère après le sixième de leur peine. C'est cela qui choque la population et qui, hélas, ne se retrouve pas dans ce projet de loi. On se serait attendu que le projet de loi prévoie l'abolition de la libération conditionnelle au sixième de la peine. Il faudra vérifier s'il est possible de l'inclure.
Qui plus est, cela risque d'envoyer un faux message. Les tribunaux tiennent déjà compte des peines. Il faut arrêter de donner la directive aux juges d'imposer des peines minimales d'emprisonnement. Les honorables juges, que ce soit d'un tribunal de première instance, de la Cour d'appel ou de la Cour suprême, ont toujours dit qu'ils n'ont pas nécessairement besoin d'un guide d'imposition de peines minimales d'emprisonnement. Tout est déjà indiqué dans le Code criminel. Ils voudraient qu'on leur dise plutôt si, compte tenu de sa gravité, ce crime mérite une peine d'emprisonnement non pas minimale mais plus lourde.
Avec ce projet de loi, le gouvernement ne s'attaque pas à un autre problème, celui des paradis fiscaux. Mon collègue le député d', également porte-parole du Bloc en matière de finances, pourra y revenir dans une autre plaidoirie, si on me permet cette expression.
Grâce aux services informatiques d'aujourd'hui, on peut faire des transferts électroniques d'argent. Le fraudeur bien organisé peut, avec un clic de souris, transférer des dizaines de millions de dollars dans des endroits que notre bon gouvernement fédéral a accepté de reconnaître comme des paradis fiscaux, comme la Barbade ou les îles Caïmans. On commence à peine à découvrir que plusieurs se sont servis de la Suisse, et n'eût été de la Banque HSBC et, surtout, d'un individu qui est parti avec plus de 100 000 noms, on n'aurait jamais su que plusieurs milliers de Canadiens avaient des comptes en Suisse.
Que quelqu'un ait un compte en Suisse ne me pose pas de problème. Cependant, pour avoir un compte en Suisse à la Banque HSBC, il faut y déposer un minimum de 500 000 $. Là, il y a un problème. Je ne dis pas que personne n'a le droit de le faire, mais que les individus qui ont de l'argent dans des comptes en Suisse ou dans d'autres paradis fiscaux devraient être obligés de le déclarer. Ils sont tenus de le faire en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais ils ne le font pas. Le gouvernement, malgré toutes nos demandes, n'est pas intervenu. Et Dieu sait que nous lui avons demandé à plusieurs reprises d'intervenir au sujet des paradis fiscaux. Il faut absolument qu'on mette en place des mécanismes pour s'attaquer à ces royaumes que sont les paradis fiscaux.
Nous avons suggéré plusieurs façons de lutter contre le crime économique. Qu'on me permette de lire ce que nous avons proposé.
Nous suggérons fortement l'abolition complète de la mesure prévoyant la libération au sixième de la peine. Il faut aussi amender le Code criminel pour confisquer les fruits de la criminalité pour y inclure des dispositions englobant les fraudes de plus de 5 000 $. Je traduis en français, parce qu'il faut l'expliquer.
Prenons l'exemple de quelqu'un qui a fraudé pour des centaines de milliers de dollars. Ce que nous suggérons, c'est qu'en vertu du Code criminel, s'il y a une fraude de plus de 5 000 $, on puisse confisquer à cet individu les fruits de la criminalité. Donc, si cet individu a volé, a fraudé d'autres individus pour des centaines de milliers de dollars, il faut qu'on puisse saisir sa maison, sa maison de campagne, son chalet, son chalet en Suisse, etc. pour rembourser les victimes. En effet, c'est l'objectif, on n'a rien inventé. C'est dans le Code criminel. L'article 718 dit ceci: « e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité ». C'est clairement dans le Code criminel. Il est inutile d'en rajouter. Il faut juste s'assurer que dans ce projet de loi, ces individus seront saisis ainsi que leurs biens.
En effet, cela est important, lorsqu'il y a des fraudes de cette nature. En effet, pour ce qui est d'une sentence minimale d'emprisonnement pour des fraudes de plus de 1 million de dollars, nous n'y croyons pas. Il faudra qu'il y ait des peines plus sévères, mais des peines pour toucher aussi les individus qui fraude en bas de 1 million de dollars. Une de ces façons, c'est d'inclure des dispositions pour les fraudes de plus de 5 000 $ en pouvant confisquer les fruits de la criminalité.
Également, on recommande la réorganisation des corps policiers pour avoir des équipes multidisciplinaires spécialisées dans les crimes économiques. Actuellement, on a des équipes multidisciplinaires pour s'attaquer au crime organisé, pour s'attaquer à la pornographie juvénile ou pour s'attaquer au trafic de drogues. Il serait urgent que nous ayons ce genre d'équipes multidisciplinaires pour s'attaquer aux crimes économiques.
De même, nous recommandons l'obligation pour les banques de rapporter les irrégularités dans les comptes en fidéicommis à l'Autorité des marchés financiers, à l'ordre professionnel et à l'usager. Il faut que j'explique cela parce que j'ai peut-être perdu quelques personnes. Tous les professionnels qui doivent et qui peuvent détenir des fonds d'individus — avocats, notaires, comptables — doivent avoir un compte en fidéicommis. L'avocat qui reçoit des avances pour ses services doit déposer cela dans un compte en fidéicommis et doit donc tenir une comptabilité. Généralement, beaucoup se servent à même ce compte en fidéicommis et, bien souvent, les banques se rendent compte qu'un jeu se fait à cet égard. Il se passe de l'argent, de l'argent sort, il en sort trop. On pourrait commencer à établir une mesure à cet égard.
Comme je vois qu'il me reste peu de temps, je dirais quand même que nous suggérons plusieurs autres modifications au niveau de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous pourrons toutefois en faire part lorsque nous serons en comité.
Donc, il faut absolument faire deux choses. Il faut absolument abolir les libérations conditionnelles automatiques au sixième de la peine. Il faudra s'assurer que c'est bien enlevé à l'intérieur de ce projet de loi parce que ceux qui font de la fraude économique sont généralement des personnes bien organisées. Ensuite, il faut trouver des façons de faire pour rembourser les victimes afin de respecter intégralement les articles 718 et suivants du Code criminel.
C'est la raison pour laquelle nous allons attendre ce projet de loi en comité.
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Monsieur le Président, le projet de loi est la reprise du projet de loi . Il est important de comprendre l'historique de ce projet de loi pour établir la crédibilité du gouvernement ou, plus important encore, son absence de crédibilité à l'égard de son prétendu programme visant à sévir contre le crime.
Le projet de loi a été présenté à la Chambre le 21 octobre 2009, à la suite de nombreux épisodes notoires dont celui d'Earl Jones, à Montréal, était alors le plus récent. Le débat sur le projet de loi a été très bref. Des indices laissent croire que les partis de l'opposition voulaient régler le problème des criminels à cravate, problème dont traitait ce projet de loi.
Le projet de loi a été renvoyé au comité assez rapidement et des audiences ont eu lieu en novembre et en décembre 2009. Nous ne les avons pas terminées. J'estime que nous avons entendu entre 10 et 15 témoins pendant cette période, dont certains nous ont expliqué avec force détails, à vrai dire, la faiblesse de cette mesure législative, mais nous ont aussi donné des éléments d'information qui étaient vraiment nécessaires pour notre examen.
Évidemment, il y a eu ensuite la fameuse prorogation. On se pose des questions sur le degré d'intégrité à l'époque où cette décision a été prise. Le gouvernement était au courant des histoires d'horreur et de la souffrance de citoyens et de groupes partout au pays. Il savait qu'il était nécessaire de sévir contre la criminalité des cols blancs.
Je ne sais pas ce qui se tramait alors dans la tête du , mais je dirais qu'il n'a probablement pas tenu compte du tout de ce projet de loi ou de la souffrance de ces gens lorsqu'il a décidé de protéger son gouvernement contre le dossier des prisonniers afghans qui ne cessait de refaire surface à la Chambre. Il a mis la clé dans la porte de la Chambre pendant une période beaucoup plus longue que ce qui avait été convenu au départ.
Comme la plupart des Canadiens le savent probablement maintenant, la prorogation a pour effet de faire table rase du programme parlementaire. Les projets de loi d'initiative ministérielle en suspens meurent au Feuilleton, et il faut tout reprendre à zéro, ce que nous avons d'ailleurs fait lorsque nous sommes enfin rentrés au travail, en février 2010.
Toutefois, la mesure législative en question n'a pas été présentée immédiatement. Le nouveau projet de loi, le , que nous débattons cet après-midi, n'a été présenté à la Chambre pour l'étape de la première lecture que le 3 mai. Et ce n'est qu'aujourd'hui qu'il a été inscrit au Feuilleton aux fins du débat à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons donc perdu tout ce temps au printemps et pendant l'été.
Le Comité de la justice l'aurait fort probablement examiné très rapidement, grâce à tout le travail que nous avions déjà réalisé, et il l'aurait renvoyé à la Chambre pour l'étape de la troisième lecture, dans sa version amendée, je le garantis. La grande faiblesse du projet de loi inquiète grandement les partis de l'opposition. Sous sa forme actuelle, il est pratiquement inutile. Toutefois, vu ce que certains témoins ont dit et vu certaines de nos idées, nous espérons vraiment qu'il pourra être renforcé de telle sorte qu'il vaille la peine d'être adopté. Malheureusement, ce n'est qu'aujourd'hui qu'on nous donne l'occasion de le faire.
Comme les autres partis de l'opposition l'ont déjà fait, mon parti fait savoir qu'il appuiera le renvoi de cette mesure législative au comité afin que nous puissions mettre un peu de contenu dans la vacuité affligeante du projet de loi .
J'ai un autre argument à présenter avant de passer aux détails du projet de loi. Nous avons entendu dire qu'il faut apporter un ensemble d'amendements au projet de loi si nous voulons qu'il ait une véritable incidence sur les crimes en col blanc. Le gouvernement dispose de tous ces éléments d'information depuis décembre 2009, époque où il a décidé de proroger le Parlement alors qu'il savait que cela tuerait le projet de loi. Il a eu presque dix mois pour apporter ces corrections au projet de loi , mais il n'a rien fait. Le projet de loi est libellé exactement de la même façon que le projet de loi . Aucun changement n'a été apporté.
Nous avions de très bons éléments d'information. Je veux dire que nous avons entendu le témoignage de gens qui, contrairement au gouvernement, étaient réellement des experts en la matière et qui nous avaient signalé les changements précis qui devaient être apportés au projet de loi. Ils nous avaient notamment fait des suggestions visant à clarifier le libellé ou à apporter des amendements au projet de loi qui en feraient un outil plus efficace contre ce genre de crime. A-t-on donné suite à leurs suggestions? Non. On n'a apporté aucun changement au projet de loi. Le contenu du projet de loi est complètement identique à celui du projet de loi , dont on avait été jugé qu'il laissait à désirer après avoir entendu les témoignages.
Il est important d'établir le contexte pour les gens qui n'ont peut-être pas suivi ce dossier, et je ne crois pas qu'ils soient nombreux. Je tiens ces renseignements d'un juricomptable nommé Al Rosen, qui nous a soumis un bref mémoire sur cette question, qu'il a approfondie lors de son exposé devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et en répondant aux membres du comité.
D'abord, il a dit que nous devions comprendre le contexte. Il a donc rappelé une série d'affaires qui ont eu lieu au début du XXe siècle. Il est remonté plus loin dans le temps, à la fin du XIXe siècle. Quoi qu'il en soit, l'essentiel de son propos portait sur le XXe siècle. Il nous a demandé d'examiner ce que nous avions fait: il a parlé du scandale de Bre-X Minerals; de Nortel Networks: des avoirs gonflés, des états financiers manipulés, a-t-il souligné, à quatre reprises, puis de l'effondrement des actions de cette société; il a parlé de douzaines de fiducies de revenu qui étaient en fait des structures pyramidales, des combines à la Ponzi; il a aussi parlé du papier commercial adossé à des actifs et de toutes les faussetés dans cette affaire.
En somme, c'est le papier commercial adossé à des actifs fictifs qui a provoqué l'effondrement du marché financier à l'échelle planétaire. J'ai déjà parlé de combines à la Ponzi comme celle d'Earl Jones, au Québec, et d'une énorme combine, en Alberta.
Il a ajouté que durant cette période les gouvernements provinciaux et fédéral n'ont pas réagi et n'ont pas apporté les modifications réglementaires qui auraient permis d'éviter toutes ces pertes. Il s'est montré très critique envers les gouvernements à cet égard.
Il a aussi signalé des décisions de la Cour suprême qui nécessitaient des correctifs. La Cour suprême a donné sa bénédiction aux compagnies, dans certaines affaires. Il a parlé particulièrement de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Hercules Management, en 1997. La cour a statué que les vérificateurs pouvaient publier des états financiers inexacts, même si cela induisait le public en erreur, même si cela pouvait inciter des actionnaires à acheter des actions, ce qu'ils ne feraient pas s'ils avaient des renseignements exacts. Il a parlé de la faiblesse des tribunaux civils dans le cas des recours pour dédommagement, de la longueur des procès lorsque des montants élevés étaient en cause. Il a aussi signalé le petit nombre de poursuites au Canada par rapport aux États-Unis.
J'ai pris cela avec un grain de sel vu l'affaire Madoff et l'effondrement de certaines sociétés aux États-Unis. Ce pays a une approche plus sévère et plus énergique en matière de poursuites, mais cette approche n'a assurément pas réussi à y empêcher les crimes graves.
Nous devons examiner tout ce contexte. C'est ce contexte que nous avons examiné lorsque nous avons été saisis du projet de loi et que nous examinons dans le cas du projet de loi .
L'information qui se trouve dans le mémoire de M. Rosen n'est pas un secret. Elle est du domaine public. Le ministère de la Justice est certainement au courant. Je suppose que quelques ministériels au moins sont au courant. On s'attendrait, et c'était sans aucun doute mon cas, à ce que le projet de loi , qui est devenu le projet de loi , propose en fait une solution concrète à ces problèmes. Il ne le fait pas. C'est aussi simple que cela.
Si je peux rapidement résumer, voici ce qu'il prévoirait. Il prévoirait une peine minimale obligatoire. La solution miracle à tous les problèmes de la terre, d'après le gouvernement, c'est d'imposer une peine minimale, de punir quelqu'un. Mais peut-être que ce serait mieux si nous essayions d'abord d'empêcher que le crime ait lieu. En tout cas, il imposerait une peine minimale obligatoire de deux ans pour toute fraude d'un montant supérieur à 1 million de dollars.
Au cours des témoignages que nous avons entendus, nous avons entendu parler des nombreuses combines à la Ponzi, dont certaines se font par la poste, le téléphone ou Internet par l'intermédiaire des courriels, toutes ces démarches étant bien entendu tout à fait frauduleuses. Cependant, la moitié d'entre elles correspondent à des montants inférieurs à 1 million de dollars. Par conséquent, cet article ne s'appliquerait pas. La solution miracle à tous les problèmes ne s'appliquera pas à un bon nombre des crimes en col blanc qui sont commis au Canada tous les ans.
En outre, les conservateurs ont encore compliqué les choses pour nos tribunaux en ce qui concerne la manière de procéder. Le mémoire de l'Association du Barreau canadien était très intéressant. Je suis certain que l'Association du Barreau canadien se sentirait offensée si j'utilisais le terme « massacrer », mais elle a vraiment massacré le projet de loi.
Je reprendrai l'un des deux ou trois éléments qui ont suscité les critiques de l'association. Le projet de loi instaure dans le processus de détermination des peines l'idée selon laquelle il faudra faire une déclaration au nom d'une collectivité lorsque quelqu'un sera reconnu coupable d'un crime selon les dispositions de cette loi. La première question qui vient à l'esprit de quiconque pratique le droit dans une cour pénale, c'est: qu'est-ce qu'une déclaration au nom d'une collectivité? Cette notion n'a jamais existé dans le Code criminel ou dans toute autre disposition provinciale en matière de détermination des peines. Le concept est totalement nouveau.
Le gouvernement fait peut-être preuve de créativité. Hélas, la notion est complètement inutile, car on ne sait pas du tout à quoi s'appliquera le terme « collectivité », car il n'est aucunement défini. Aucun paramètre et aucune limite ne sont établies. On ne sait pas trop si la notion réfère à une collectivité au singulier. Pourrait-on faire plus d'une déclaration au nom d'une collectivité? Il pourrait y avoir eu des répercussions sur différents groupes. Le projet de loi est très mal rédigé à cet égard et en ce qui concerne plusieurs autres éléments.
Je reviens au début de mon intervention, à mon observation sur le temps qu'il faut pour accomplir les choses. Jusqu'à présent, le gouvernement a disposé de dix mois pendant lesquels il aurait pu corriger un certain nombre de choses, dont celle-là.
Je suis également intrigué par le concept de « déclaration faite au nom d'une collectivité ». À mon avis, il est possible de mettre au point un tel concept qui soit utile aux victimes de ce genre de crimes de sorte que les tribunaux aient un tableau complet des dommages causés par la fraude, non seulement aux victimes, mais également à une collectivité dans son ensemble.
Il est arrivé à un certain nombre de reprises qu'un soi-disant conseiller financier escroque de l'argent à une proportion importante de la population d'une petite collectivité qui a confiance en cette personne, généralement un homme. Ces gens lui confient leur argent en croyant qu'il s'en occupera convenablement. La petite ville ou le village subit des dommages importants puisqu'une grande quantité d'argent est ainsi retirée de la circulation.
On voit dans quel contexte un tel concept trouverait son sens. Or, le mécanisme prévu à cet égard est insensé et le projet de loi finira probablement par être inutile.
En effet, à moins qu'on ne définisse plus clairement les collectivités qui pourraient présenter une déclaration, cette mesure législative risquerait vraiment d'engorger les tribunaux; elle rendrait le processus de détermination de la peine beaucoup plus lourd que si le projet de loi avait été convenablement rédigé.
L'ordonnance d'interdiction constitue une des autres dispositions prévues dans cette mesure législative — encore une fois, c'est typique du gouvernement de vouloir aller trop loin en matière tant de lutte contre la criminalité que de répression. Je n'ai rien contre une telle disposition, et je crois que n'importe quel avocat qui a pratiqué le droit pénal conviendrait qu'il faut interdire aux gens qui commettent ce genre de crimes d'exercer leurs activités indéfiniment, selon l'ampleur et la nature de la fraude, ou, du moins, pendant une certaine période une fois qu'ils auront purgé leur peine d'emprisonnement ou toute autre peine.
Le gouvernement ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Il l'a rendu impossible à mettre en application. Par exemple, si j'étais Bernie Madoff, si je vivais au Canada et si j'avais volé 65 milliards de dollars, on pourrait m'interdire à vie d'exercer la profession de conseiller financier. Qui plus est, en raison de la portée de l'ordonnance d'interdiction prévue dans le projet de loi, on m'interdirait même de travailler comme vendeur dans une épicerie ou point de vente au détail parce que l'argent d'autrui me passerait entre les mains. Même s'il s'agissait seulement de 50 $ pour une chemise, cette ordonnance d'interdiction m'empêcherait d'accepter cet emploi.
C'est un exemple typique de la portée exagérée du projet de loi. L'Association du Barreau canadien, sans vraiment l'être, à mon avis, a été très sarcastique à propos du libellé du projet de loi et a dit qu'il va trop loin.
Une autre disposition du projet de loi concerne les ordonnances de dédommagement. Les tribunaux risquent d'être engorgés en raison des responsabilités additionnelles qui leur sont données. En effet, le projet de loi stipule que le juge est tenu de donner une raison écrite s'il décide de ne pas rendre d'ordonnance de dédommagement.
Dans certains cas, la raison pour laquelle le juge ne rendra pas d'ordonnance de dédommagement est évidente. Je vais, de nouveau, utiliser l'exemple de M. Madoff et des 65 milliards de dollars. Il est en faillite. Il est malade ou, si je comprends bien, sa santé est préoccupante. Il est âgé et ne sera jamais en mesure de dédommager ses victimes.
Pour qu'un tribunal rende une ordonnance de dédommagement, il doit s'appuyer sur des faits. Un juge ne peut pas simplement dire que M. Madoff a volé 65 milliards de dollars et qu'il doit les rembourser. Le juge doit examiner la situation financière de l'intéressé et sa capacité de gagner un revenu à l'avenir avant de fixer par ordonnance le montant du dédommagement.
Cela prend du temps, accaparant les policiers qui doivent faire enquête, les procureurs qui doivent présenter leur cause et le juge qui doit examiner les faits qui lui sont présentés, même s'il est évident qu'une ordonnance de restitution ne rime à rien et qu'on n'aurait pas dû faire perdre leur temps au tribunal et à tous ces professionnels.
Je le répète, c'est une mesure législative très mal ficelée. D'autres éléments des dispositions relatives à l'ordonnance de restitution ne répondent tout simplement pas au critère de qualité applicable aux mesures législatives que la Chambre ou le gouvernement adopte, mais c'est ce qu'on a présenté.
Il est bien clair, surtout à la lumière de l'affaire Earl Jones et des pressions exercées — et je les en félicite — par mes collègues du Bloc québécois, mon collègue d', les parlementaires québécois et l'assemblée législative à Québec, qu'il faut faire quelque chose. Earl Jones n'est qu'une illustration parfaite du problème qu'on ne saurait tolérer plus longtemps.
Au lieu d'intervenir à ce moment-là, qu'a fait le gouvernement? On pouvait comprendre que, cédant à des pressions politiques, il présente un projet de loi mal fichu que le comité devrait ensuite peaufiner. Lorsque le comité en a été saisi et que nous avons pris connaissance des faits et des solutions à l'égard de certains aspects, qu'a fait le gouvernement? Rien du tout. Il est revenu à la Chambre présenter de nouveau le même projet de loi.
J'aimerais faire ressortir une autre chose à propos de la réglementation, dans laquelle il faut mettre de l'ordre tant au provincial qu'au fédéral. Un gros effort de prévention serait possible dans ce domaine, si le gouvernement s'y mettait.
Un autre aspect est l'application de nos lois. Nous avons besoin de beaucoup plus d'équipe efficaces de spécialistes capables de lutter contre la criminalité en col blanc, de la dépister et d'intenter des poursuites avec efficacité. Nous ne disposons pas actuellement de telles équipes. Le gouvernement devrait agir dans ce sens.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir intervenir dans le cadre du débat sur le projet de loi . Je ne crois pas en avoir eu l'occasion lors de la dernière session.
Pour tout vous dire, en voyant ce projet de loi, il m'a semblé de prime abord que le gouvernement abordait le besoin de remanier de temps à autre le Code criminel suivant une formule à la carte. Il choisissait tantôt tel article à remanier, tantôt un autre, et en fin de compte... Plusieurs projets de loi modifiant le Code criminel figurent actuellement à notre Feuilleton.
J'ai trouvé que cela accaparait beaucoup du temps des parlementaires et multipliait les formalités du point de vue de la procédure. Si le gouvernement voulait apporter des modifications au Code criminel, pourquoi ne les a-t-il pas toutes réunies dans un seul projet de loi que nous aurions pu débattre? On aurait pu procéder de cette façon.
Le gouvernement en a décidé autrement. Je me suis dit que c'était pour des raisons politiques, et c'est encore mon avis. Toutefois, je me rends maintenant compte que cela permet à la Chambre d'examiner plus attentivement chacun des projets de loi. Cela est parfois intimidant, mais cela peut être utile. Cela nous donne au moins plus de temps pour le débat. Si le gouvernement présentait un projet de loi modifiant le Code criminel qui comportait 10 ou 20 éléments, la plupart d'entre nous ne pourraient pas les aborder tous, même si nous le voulions.
Le fait d'étudier plus attentivement chacun de ces projets de loi permettra probablement, au bout du compte, d'obtenir de meilleures mesures législatives. Peut-être qu'un projet de loi ayant fait l'objet d'une étude plus approfondie sera plus facilement adopté à l'autre endroit, si le Sénat décidait de le décortiquer, et qu'il sera plus efficace dans la vraie vie, lorsque la police et les tribunaux devront l'appliquer.
Ce projet de loi porte sur les peines pour fraude. Il modifie les dispositions du Code criminel concernant les condamnations pour fraude. Mon parti appuie ce projet de loi, car une telle mesure législative était probablement inévitable.
Lorsqu'on examine ce qui s'est passé ces dernières années, on se demande parfois pourquoi une telle mesure n'a pas été présentée plus tôt. Toutefois, lorsqu'on étudie l'évolution des fraudes, il faut aussi se pencher sur celle des services financiers. On peut alors constater à quel point cette évolution est devenue complexe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Je n'étais heureusement pas là à cette époque, mais avant, il n'existait en fait que l'argent comptant, les chèques, une sorte de mandat postal et les mandats de banque. Le monde financier était simple. Depuis ce temps, toutefois, les choses ont bien changé. De nos jours, il n'y pas que l'argent comptant, les chèques et les mandats. Il y a aussi les cartes de crédit, les cartes de débit, les cartes bancaires et les cartes de paiement, qui ont une valeur au comptant qu'on peut dépenser. Les fraudeurs peuvent donc cibler toute une variété de modes de paiement.
L'Internet a également entraîné la création de toute une variété de nouvelles transactions financières. Il y a même des jeux en ligne, des oeuvres de charité en ligne, de fausses oeuvres de charité en ligne et du magasinage en ligne. Dans le domaine des valeurs mobilières, il y a les actions, les obligations, les CPG, les bons du Trésor, l'assurance-vie, les régimes de retraite et les régimes de retraite autogérés. Il s'agit dans tous les cas d'enveloppes financières, dont une bonne partie n'existait pas il y a 50 ans, et les fraudeurs tentent d'accaparer une part du gâteau.
Même dans notre propre enveloppe financière fédérale, on retrouve des REER, des régimes d'épargne-logement, des REEE, des FERR, des comptes d'épargne, des comptes de chèques et d'autres comptes d'investissement. Il est difficile de suivre toute cette expansion du secteur financier.
De plus, le secteur financier s'est mondialisé. Les malfaiteurs agissent maintenant à l'échelle internationale et le monde des finances a pris des proportions énormes.
Il y a un autre aspect dont il faut tenir compte. Lentement, sans que nous nous en rendions réellement compte, depuis la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes tous devenus beaucoup plus riches. Les Canadiens tiennent pour acquise la richesse que nous avons créée. Le PIB par habitant a augmenté, peut-être pas de façon exponentielle, mais tout de même substantiellement. Les Canadiens sont beaucoup plus riches qu'ils ne l'étaient autrefois.
Ces billions de dollars en richesses et en transactions financières réalisées par des personnes, des sociétés, des gouvernements et des organismes caritatifs ont permis aux voleurs de se diversifier et de frapper de grands coups.
La fraude correspond essentiellement à la criminalisation de ce qu'on appelait autrefois la tromperie. Il y a fraude lorsqu'une personne tente de s'enrichir en extorquant de l'argent à une autre personne par la ruse. C'était là le principe fondamental de la fraude. Toutefois, malgré la prolifération des services financiers, de la richesse, de la mondialisation et de l'interconnectivité grandement facilitée par l'Internet, la loi fondamentale en matière fraude est restée la même.
Bien que nous proposions maintenant un amendement portant sur les peines pour fraude, je ne serais pas du tout étonné si nous constations également un changement dans la façon de traiter certains crimes liés à la recherche de services financiers. En effet, il est très probable que les malfaiteurs qui se livrent maintenant à de telles activités continueront de le faire et trouveront de nouveaux moyens de voler les Canadiens et de perturber leur vie.
Le projet de loi parle de la possibilité de dédommager les victimes de fraude. Cela fait partie des possibilités prévues dans le Code pour la détermination de la peine depuis un certain temps déjà. On n'y a pas souvent recours, mais cela arrive. Le projet de loi prévoit un mécanisme de dédommagement et comprend, en annexe, certains formulaires qui permettraient aux victimes de fraudes de ce genre de demander un dédommagement à la cour. Cela m'inquiète un peu. Je ne veux pas dire que cela ne fonctionnera pas, mais il pourrait y avoir certains problèmes au début.
Le premier point que je voudrais soumettre à mes collègues de la Chambre et du comité de la justice, c'est que le projet de loi ne précise pas qui serait chargé du processus de dédommagement. On n'indique pas que c'est le procureur de la Couronne qui s'en occuperait. On semble dire tout simplement qu'une personne qui désire obtenir un dédommagement doit remplir un formulaire et le soumettre.
Ce n'est pas dans les habitudes de nos tribunaux criminels. Je ne dis pas que cela se passera ainsi, mais j'ai cette image d'un tribunal criminel qui se transforme en cour des petites créances. La poursuite est terminée, l'accusé est condamné et ensuite le juge se tourne vers le greffier et lui demande s'il y a des demandes de dédommagement. Le greffier répond: « Votre Honneur, il y a 728 demandes de dédommagement, pour la somme totale de 1 million de dollars. »
La spécialité des juges, c'est condamner les criminels, pas faire de la comptabilité. Les juges n'ont pas de calculatrice sur leur bureau. Ils n'ont pas le temps d'examiner 728 demandes de dédommagement. C'est une fonction administrative. C'était mon deuxième point.
Troisièmement, il y a le dédommagement et la formule de demande, qui est plutôt courte. Je n'y vois rien de mal. Elle est courte et simple. Par contre, elle nourrit les attentes de la victime, qui pourrait être l'une parmi tant d'autres. En effet, elle pourrait croire qu'elle sera dédommagée parce que quelqu'un l'a invitée à remplir la formule et à l'envoyer au juge. Le juge a reçu la formule, elle est remplie et il y est écrit que le gars a volé 7 528 $. Elle nourrit les attentes de la victime voulant que le tribunal réglera le problème.
Je ne pense pas que les juges des tribunaux criminels seraient prêts pour cela, même si certains d'entre eux ont rendu des ordonnances de dédommagement auparavant. Ils auraient besoin d'un quelconque système de gestion. À vrai dire, ces tribunaux ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Ils relèvent des provinces. Par conséquent, ce sont les provinces qui devront créer un système. Elles devront engager quelqu'un qui va essayer de comprendre le processus et gérer toutes ces formules et demandes de dédommagement.
Même si c'est le Code criminel qui s'applique, ce sont les provinces, les avocats de la Couronne, les greffiers et les juges qui géreront le processus. Je suis sûr que les juges s'opposeront à ce que le tribunal criminel se transforme en cour des petites créances ou l'équivalent de celle-ci. Ils diront que, si on veut faire entendre des affaires qui relèvent de la cour des petites créances dans un tribunal criminel, il faut faire appel à un juge de la cour des petites créances.
Je ne sais pas si cela se produira. Attendons de voir. Je voulais signaler ce risque-là et celui associé aux attentes démesurées que pourrait avoir la victime qui croirait que, simplement parce qu'elle a suivi les règles, rempli la formule et inscrit le montant, le juge rendra une ordonnance de dédommagement en sa faveur.
Enfin, je voudrais parler du principe du dédommagement. J'espère que le ministère de la Justice sera capable de décrire aux membres du comité lors de ses audiences les conséquences d'une faillite ou d'une éventuelle faillite sur la procédure de dédommagement dans son entier ou sur l'ordonnance de dédommagement. Si la faillite se produit simultanément ou après, annulera-t-elle l'effet des ordonnances de dédommagement? Si c'est le cas, ce n'est probablement pas la peine de perdre beaucoup de temps en procédures administratives et de faire perdre du temps aux tribunaux et au juge chargés de déterminer le dédommagement.
À un moment donné, il faudra bien qu'un employé administratif détermine quels biens pourraient constituer une sorte de dédommagement pour le demandeur. Tout cela est lié à la question du rapport qui existe entre l'ordonnance de dédommagement et une faillite concomitante ou subséquente.
Prenons le cas d'une faillite, problème qui relève du fédéral. Disons que l'escroc a transféré certains de ses biens ou les produits en dérivant au nom d'un de ses proches. Quel pouvoir possède le tribunal ou le juge en ce qui a trait au transfert ou à la dissimulation de ces biens dans le cas d'une ordonnance de dédommagement?
Un des députés a dit plus tôt que cela se rapprochait beaucoup des procédures de détermination de la peine dans le cas du crime organisé et des mesures législatives concernant les produits de la criminalité qui sont déjà en vigueur.
Je ne sais pas si ces aspects du problème ont déjà été réglés ou si les provinces et les avocats de la Couronne dont la présence sera nécessaire ont été consultés à cet égard. Je ne suis pas opposé aux ordonnances de dédommagement, mais cette mesure législative semble proposer une procédure plutôt universelle. Nous savons que, dans certains cas, les fraudes se chiffrent en millions de dollars et font de nombreuses victimes. Les nouvelles dispositions concernant la détermination de la peine visent les gros fraudeurs puisqu'on parle d'une peine minimale d'un million de dollars dans une des parties de la nouvelle loi. À cet égard, je pense qu'il y a une courbe d'apprentissage même chez les fraudeurs, si je puis m'exprimer ainsi, et qu'il faudra probablement de nouvelles mesures législatives pour que les tribunaux puissent appliquer fréquemment la procédure de dédommagement.
Un autre député a eu l’amabilité de mentionner la prévention du crime, comme le député de l’avait fait. Le projet de loi porte sur la criminalité et sur les conséquences du crime après sa commission. Il ferme la porte de l'écurie, mais seulement après que le cheval se soit enfui. Bien qu’il y ait un rôle à jouer à cet égard, bien qu’elle fixe des limites à notre société, il n’y a rien dans la loi qui semble aller dans le sens de la prévention du crime. La loi ne prend pas les devants à ce chapitre.
En tant que société, nous devons investir un peu plus dans la prévention du crime. Si nous arrivons à réduire de la moitié, du quart ou du tiers le nombre des fraudes massives qui sont perpétrées, cela vaudrait la peine, mais nous devons investir institutionnellement dans les méthodes nécessaires, c’est-à-dire que nous devons garder l’œil sur nos différents organismes de réglementation des valeurs mobilières, sur nos responsables de la réglementation des banques, sur nos comptables agréés, sur nos avocats, sur nos courtiers en immeuble et sur nos courtiers en hypothèques. La plupart de ces organisations et de ces professionnels se réglementent de façon autonome et nous devons les surveiller. Je ne suis pas vraiment fixé sur le genre de processus approprié, mais je suis persuadé que, dans le cadre de l’administration et de la réglementation de ces professions et de ces institutions, nous arriverons à trouver des moyens de dépister les grandes fraudes le plus tôt possible.
Comme les députés le savent, un grand nombre de fraudes d’envergure ne commencent pas comme telles. Un bon nombre de ces fraudes d’envergure ont commencé comme de petites fraudes. Pourtant, une fois l’erreur initiale commise et l’argent subtilisé, plus il faut d’argent pour colmater les brèches et la fraude prend de l’ampleur. À un certain point, l’escroc qui n’avait peut-être pas prévu le coup finit par voler Pierre pour payer Paul et par déplacer de plus en plus de sommes d’argent avant de finir par faire du mal à un grand nombre de victimes. Si nos mécanismes de réglementation étaient en mesure d’intervenir dès le début, une bonne partie du problème serait réglée.
Je me souviens de la triste affaire survenue en Ontario où un type vendait des franchises bidon. Bien que cette activité soit réglementée dans la province, on n’a pas encore trouvé le moyen de contrer ce genre de fraude. Cependant, au bout du compte, le principe du caveat emptor doit encore prévaloir. L’acheteur doit se méfier. Nous devons faire en sorte que nos citoyens soient bien informés, sensibilisés et méfiants à l’égard de ces transactions. La sensibilisation du public est un outil très précieux.
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Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui concernant le projet de loi .
De manière générale, le projet de loi apporte cinq nouvelles modifications au Code criminel. Premièrement, pour les auteurs de fraude dépassant 1 million de dollars, il vient imposer une peine minimale de deux ans. Deuxièmement, il vient ajouter quatre circonstances aggravantes pour plusieurs type d'infractions de fraude de plus de 1 million de dollars. Troisièmement, on y retrouve également une nouvelle forme d'ordonnance, soit l'ordonnance discrétionnaire d'interdiction d'emploi. Quatrièmement, on ajoute de nouvelles mesures quant à l'ordonnance de dédommagement discrétionnaire au juge. Cinquièmement, on trouve la prise en compte d'une nouvelle déclaration dite « au nom d'une collectivité ».
À première vue, toutes ces mesures peuvent nous sembler bien louables, mais ce n'est que de la poudre aux yeux. Le contenu de ce projet de loi transpire l'improvisation, malgré le fait qu'il ait été déposé à deux reprises en cette Chambre. En effet, à la première occasion, il est mort au Feuilleton à la suite de la prorogation du Parlement, imposée par les conservateurs. La prorogation, que nous avons vivement dénoncée, n'aura même pas servi à enrichir les projets de loi des conservateurs. Si c'est le meilleur qu'ils peuvent faire, c'est inquiétant.
Prenons par exemple la nouvelle imposition d'une peine minimale de deux ans pour une fraude générale de plus de 1 million de dollars. Ma formation politique et moi en avons déjà beaucoup parlé. Les peines minimales à outrance ne servent pas à grand-chose. Elles n'ont aucun effet important sur le comportement des criminels. Qui plus est, une peine minimale de deux ans pour des fraudes dépassant le million de dollars, cela revient à revoir à la baisse les peines imposées à l'heure actuelle. En effet, lorsqu'on a questionné le ministre à ce sujet, il a été incapable de citer une affaire de fraude importante dont la sentence a été sous la barre des deux ans. En ce moment, les peines sont davantage de l'ordre de six à sept ans pour les cas de fraudes majeures. Alors, pourquoi fixer une peine minimale de deux ans pour les fraudes de plus de 1 million de dollars? Là est la question.
Pour ce qui est des circonstances aggravantes qui seront supposément ajoutées à la suite de l'adoption du projet de loi, elles sont déjà prises en compte par les tribunaux. Entre autres, le jugement de Vincent Lacroix énumère ces circonstances point par point. Mais bon, il est vrai que le fait de mettre sur papier des circonstances aggravantes qui existent déjà, c'est une autre façon pour les conservateurs de bien paraître, mais qui ne donnera pas vraiment des résultats concrets. Depuis l'arrivée des conservateurs, nous sommes habitués à cette façon de faire.
Tout comme mes collègues, je vais me résigner à voter en faveur du principe de ce projet de loi, mais uniquement dans le but de pouvoir le bonifier en comité. Car le ministre a complètement manqué la cible en s'attaquant de cette manière aux crimes économiques. En effet, plusieurs éléments ne sont pas traités dans ce projet de loi. Par exemple, les libérations au sixième de la peine ne sont pas abolies. C'est donc dire que les Earl Jones et Vincent Lacroix de ce monde pourraient sortir de prison avant même d'avoir purgé une partie raisonnable de leur peine. Avant d'établir des peines minimales, il faut commencer par limiter les libérations trop rapides à ceux qui méritent des peines plus sévères.
J'aimerais profiter de l'occasion pour parler d'un de mes commettants qui a été victime d'une fraude. Cela me permettra de démontrer les nombreuses lacunes du projet de loi . Cette personne a demandé de l'aide à mes bureaux de Compton—Stanstead. Elle possédait des RÉER à la hauteur de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Lors d'une assemblée d'investisseurs, elle a rencontré les quelques planificateurs financiers qui l'ont par la suite conseillée. Ils lui ont fait retirer ses RÉER pour ensuite les investir de diverses manières. Quelque temps plus tard, le commettant en question ne retrace plus l'argent de ses RÉER. Ses planificateurs l'ont fraudé. Non seulement cette personne s'est fait frauder, mais en plus, elle doit une somme d'argent importante à l'impôt pour avoir retiré ses RÉER.
Cette personne était retraitée. Je dis bien « était » retraitée. Elle doit aujourd'hui retourner au travail pour rembourser l'argent qu'elle doit au gouvernement, bien que ses ravisseurs courent toujours. Cet argent, c'était le sien. Il avait été économisé à la suite de plusieurs dizaines d'années de travail. Or en quoi ce projet de loi vient-il l'aider?
Ce projet de loi ne s'appliquerait même pas à sa situation. En effet, cette personne a perdu plusieurs dizaines de milliers de dollars. On est donc bien loin des fraudes de 1 million de dollars visées par le projet de loi . Or le genre de situation que je viens d'exposer arrive plus fréquemment que l'on pourrait penser. Pourquoi alors se restreindre aux fraudes de 1 million de dollars et plus? Il faut s'attaquer aux gros voleurs, mais aussi aux plus petits qui font plus de victimes.
Pour le bénéfice de mon illustration, disons que cette personne a perdu 1 million de dollars. Une peine de prison minimale va-t-elle l'aider à retrouver son argent? Non. Par contre, il est vrai que ses ravisseurs, si on réussit un jour à les retracer, pourraient avoir un minimum de deux ans de prison. Mais, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les peines imposées à l'heure actuelle sont de l'ordre de 6 ou 7 ans. Il en va de même pour les circonstances aggravantes proposées par le projet de loi: elles sont déjà appliquées à l'heure actuelle. Cela ne vient rien changer du tout.
Le projet de loi vient également établir une nouvelle ordonnance discrétionnaire d'interdiction d'emploi. Le juge pourrait ainsi interdire au fraudeur de chercher ou d'exercer un travail dans le cadre d'un emploi où il exercerait un pouvoir sur les biens immeubles, l'argent ou les valeurs d'autrui. Cette mesure n'aide pas la personne qui s'est fait frauder. De plus, on laisse beaucoup de latitude au juge, qui pourra juger lui-même, sans aucune balise, la durée de l'interdiction d'emploi. Veut-on donner tout ce pouvoir discrétionnaire au juge? Ce sera à discuter en comité.
Quoi qu'il en soit, la question du dédommagement n'est pas du tout réglée dans ce projet de loi. Encore une fois, les conservateurs se contentent de nous servir une bonne dose de poudre aux yeux. On remplace l'ordonnance de dédommagement discrétionnaire par le fait que le juge devra « envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement ». J'appelle cela jouer sur les mots. Encore une fois, on a la bonne cible, mais on vise 10 mètres à côté car dans les faits, ce projet de loi ne change pratiquement rien pour la victime de crime économique.
Le fait que ce projet de loi ne s'attaque pas aux paradis fiscaux est une autre de ses lacunes. Pourtant, ces échappatoires constituent une excellente source de dédommagement pour les victimes de crimes économiques. En effet, bien souvent, les paradis fiscaux font en sorte que l'argent des personnes flouées se perd sans laisser de trace. Si on s'y attaque, on pourra retracer l'argent qui appartient à la victime.
Il est clair qu'il y aura toujours des gens pour déjouer le système et pour aller piger dans l'argent des petits épargnants. Toutefois, il est de notre devoir de trouver les meilleures solutions afin de prévenir le crime.
Qu'on me comprenne bien, je suis tout à fait d'accord pour imposer une peine aux criminels à cravate, comme nous les appelons depuis quelque temps. Mais cela ne suffit pas. Si on met un criminel en prison sans aucune autre mesure, il en ressortira un jour et recommencera. Il faut donc trouver de meilleures solutions et voir plus loin que le bout de son nez. Il faut pouvoir faire de la prévention et prendre des mesures qui vont rendre beaucoup plus difficile de frauder les contribuables du Québec et du Canada.
Il y a maintenant un peu plus d'un an, le Bloc québécois a proposé un plan pour les crimes économiques. Il vise à prévenir le crime et à pénaliser les fraudeurs afin que justice soit faite. Mais les mesures qui, selon moi, sont les plus importantes visent à venir en aide aux victimes, car ce sont elles qui subissent les conséquences les plus importantes à la suite de fraudes.
En plus d'abolir la libération au sixième de la peine pour ce qui est des criminels à cravate, il est nécessaire d'inclure les fraudes de plus de 5 000 $ dans le Code criminel.
À l'heure actuelle, le premier paragraphe de l'article 380 du Code criminel prévoit un emprisonnement maximal de 14 ans pour une fraude de 5 000 $, mais c'est tout. Bref, contrairement au projet de loi du ministre, qui ne vise que les crimes économiques de plus de 1 million de dollars, il faut également s'attaquer aux plus petites fraudes, celles qui touchent les petits épargnants. C'est bien beau de lutter contre les fraudes dépassant le million de dollars, mais les crimes d'une telle importance sont plutôt rares. Je suis certaine que le ministre est d'accord avec moi sur ce point.
Pour s'attaquer aux crimes économiques, il faut également s'assurer que les banques ont l'obligation de rapporter aux autorités compétentes les irrégularités dans les comptes en fidéicommis. Il est vrai que les citoyennes et citoyens ont leur part de responsabilité lorsque vient le temps de choisir un planificateur financier. Ils doivent s'assurer de procéder à toutes les vérifications nécessaires. Mais ce sont surtout les banques qui doivent faire leur devoir en collaborant de bonne foi avec l'Autorité des marchés financiers.
Comme je l'ai dit tantôt, le temps est venu de s'attaquer aux paradis fiscaux. Pour ce faire, pourquoi ne pas modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de faire cesser l'utilisation des paradis fiscaux? Depuis trop longtemps, les conservateurs et les libéraux cautionnent ce genre de pratique. Il faut que ça cesse, d'autant plus que les paradis fiscaux pourraient être une source importante de dédommagement pour les victimes de crimes économiques.
Parlant des victimes, il est clair que le gouvernement en place ne se préoccupe pas réellement de leur sort. Le projet de loi a un titre abrégé qui est loin de refléter son contenu: « Loi sur la défense des victimes de crimes en col blanc ». Encore une fois, les conservateurs sont à des années-lumière de dire la vérité. Timidement, ce projet de loi tente de s'attaquer aux fraudeurs, mais il rate complètement sa cible. Une chose est sûre: il ne vient aucunement en aide aux victimes de ces crimes.
En matière de crimes économiques, il faut avant tout penser aux victimes. C'est bien beau de mettre les malfaiteurs en prison, mais ce n'est pas suffisant. Au Bloc québécois, nous privilégions cette approche en proposant d'introduire une disposition dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette disposition permettrait à une victime de déduire ses sommes volées, au lieu de les déclarer comme des pertes en capital.
Il est clair que le projet de loi est insuffisant. Il contient quelques mesures timides et improvisées, et il rate complètement sa cible. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il nous fera plaisir de l'étudier en comité afin de le bonifier. Nous ferons notre devoir en proposant une alternative constructive à la vision d'un gouvernement réformiste conservateur.
Pour conclure, je souhaite simplement affirmer que ce projet de loi est une autre preuve que les valeurs de la nation québécoise sont à l'opposé de celles des conservateurs.
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Monsieur le Président, à titre de députée de Don Valley-Est, je suis heureuse de prendre part au débat sur le projet de loi . Ce projet de loi est particulièrement important pour moi. Je suis comptable, FCGA et enquêteuse sur les fraudes et je crois qu'il est grand temps que ce projet de loi soit présenté.
Pour que les gens comprennent ce que contient le projet de loi, il faut placer les choses dans leur contexte.
Le projet de loi a été présenté en réaction à plusieurs crimes en col blanc très médiatisés, notamment dans l'affaire Norbourg et dans le cas d'Earl Jones, au Québec, ainsi que dans la combine à la Ponzi et les révélations de Bernie Madoff, aux États-Unis. Ces affaires ont amené de nombreux investisseurs canadiens à se préoccuper de plus en plus de la criminalité en col blanc.
Si on excepte le titre, le projet de loi est identique au projet de loi qui avait été présenté au cours de la dernière session et qui est mort au Feuilleton au moment de son étude en comité au moment de la prorogation.
Le projet de loi compte plusieurs composantes qui doivent être examinées à fond en comité.
Il introduit une peine minimale obligatoire de deux ans d'emprisonnement pour les fraudes de plus de 1 million de dollars, peu importe le nombre de victimes. Il ajoute des circonstances aggravantes dont il faut tenir compte au moment de la détermination de la peine, dont les répercussions psychologiques et financières sur les victimes, leur âge et leur état de santé ainsi que l'ampleur et la durée de la fraude. Il exige que les tribunaux indiquent les circonstances atténuantes et aggravantes dont ils ont tenu compte au moment de déterminer la peine.
Il permet à un tribunal d'interdire à un délinquant d'occuper un emploi ou un travail bénévole ou rémunéré où il serait appelé à gérer l'argent ou les biens d'autres personnes. Il exige que les juges envisagent le dédommagement lorsque c'est possible et tiennent compte des déclarations faites au nom de collectivités.
Le projet de loi me touche de très près puisque je connais des électeurs qui ont été touchés ou ont donné de l'argent, voire toutes leurs économies, à ce voleur au grand sourire Colgate qui leur promettait un rendement de 400 p. 100. Les gens croient que quiconque participe à une combine à la Ponzi est cupide ou ne sait pas ce qu'il fait. Je crois que c'est parce qu'ils n'ont pas un sens aigu des affaires que les gens se font prendre.
Il est important que le gouvernement admette que, lorsqu'il a prorogé le Parlement, le projet de loi est disparu de la carte, puis le projet de loi l'a remplacé, mais, qu'entretemps, beaucoup de gens ont souffert et que leur souffrance aurait pu être évitée. Des contribuables canadiens vulnérables ont perdu toutes leurs économies dans cette combine. Des gens ont perdu leur maison. D'autres ont perdu leur emploi. Certains ont fait une dépression parce qu'ils ont perdu tout leur argent. Au moment où nous avons étudié le projet de loi , maintenant le projet de loi , sa mise en oeuvre était importante. Il aurait dû déjà exister. Il aurait dû être en vigueur pour aider les gens très vulnérables.
Les répercussions de la criminalité en col blanc coûtent cher aux contribuables et au Trésor parce que les travailleurs canadiens ont perdu de l'argent durement gagné. La fraude fait des victimes. Les fraudeurs s'en prennent aux gens faibles et vulnérables de la société. Au Parti libéral, nous appuyons le renvoi du projet de loi au comité parce que son principe est bon.
Les principes qui sous-tendent des règles plus strictes dans la détermination de la peine sont très importants, mais nous savons aussi que cela ne suffit pas pour empêcher les fraudes. Dans le domaine des crimes à col blanc, il est important d'imposer une peine, mais il est également important de faire de la prévention.
J'aimerais savoir pourquoi le gouvernement ne profite pas de l'occasion pour en faire plus. L'opposition et la population demandent au gouvernement d'abolir la libération conditionnelle au sixième de la peine pour des contrevenants de ce genre, mais le gouvernement n'a encore rien fait. Nous espérons qu'en renvoyant le projet de loi au comité, des changements pratiques y seront apportés.
Nous souscrivons au fait que le projet de loi soit axé sur l'établissement de lignes directrices plus strictes en matière de détermination de la peine pour les criminels en col blanc, mais nous croyons que sa portée est trop étroite pour être vraiment efficace dans la lutte contre la fraude. Quand le projet de loi sera renvoyé au comité, nous aimerions que les parties concernées — soit les gens qui ont été marginalisés et à qui on a volé l'argent durement gagné — soient invitées à participer à de vastes consultations. Nous aimerions que les représentants de l'industrie financière participent aussi à la discussion, parce que ce sont eux qui réglementent cette industrie, notamment ceux qui investissent notre argent. Il est important qu'ils soient tenus de respecter des normes très élevées et qu'il existe une loi qui empêche des professionnels ou des profanes de commettre de la fraude en élaborant une combine à la Ponzi.
Les intervenants ont réagi de façon partagée à cette mesure législative. Les groupes de victimes ont exercé des pressions auprès du gouvernement pour qu'il renforce les dispositions concernant les bandits en cravate alors que d'autres ont exprimé leur mécontentement affirmant que le projet de loi n'allait pas assez loin, comme je l'ai mentionné, parce qu'il n'y est fait aucune mention de la réglementation ou de la procédure d'examen expéditif au sixième de la peine.
L'Association du Barreau canadien a exprimé son opposition à ce projet de loi, soutenant qu'il augmenterait la pression sur un système de justice pénale déjà taxé et qu'il n'améliorerait pas les dispositions déjà prévues dans le Code criminel. Qui plus est, l'Association du Barreau canadien est contre l'imposition d'une peine minimale obligatoire d'emprisonnement et prône plutôt le pouvoir discrétionnaire du juge au moment de la détermination de la peine.
La GRC a exprimé son appui au projet de loi, indiquant que l'imposition d'une peine d'emprisonnement obligatoire pour de telles infractions pourrait avoir un véritable effet dissuasif sur les activités criminelles.
Quant à ce que le projet de loi ferait vraiment, nous avons entendu dire à maintes reprises à la Chambre qu'il n'y a pas de plus grande fraude qu'une promesse non tenue. Le projet de loi est mort au Feuilleton l'an dernier, emportant dans son sillage les économies de toute une vie des Canadiens victimes de fraude depuis lors. Cependant, comme nous l'avons réitéré, ce projet de loi ne suffirait pas. Il est important de le renvoyer au comité. Il enverrait le message approprié, mais si les paroles ne sont pas assorties de gestes, elles ne signifient rien pour les mères canadiennes qui se demandent maintenant comment elles vont nourrir leurs enfants, pour les grands-parents qui n'ont plus rien à laisser derrière eux ou pour les familles qui ont perdu leurs économies et qui ont dû se départir de leur maison, de leur voiture et de tout pour mettre du pain sur la table. La sécurité financière des familles a été anéantie lorsque ce projet de loi est mort au Feuilleton lors de la prorogation.
J'ose espérer que le gouvernement ne retardera pas davantage le processus à cause de séances de photo, qu'il proposera des mesures suffisantes et qu'il aidera les partis de l'opposition à rendre justice à nos concitoyens qui réclament justice.
Comme je l'ai déjà mentionné, pendant que le gouvernement tenait une conférence de presse, les Canadiens ont perdu leurs économies. Il est important que le projet de loi soit étudié rapidement et qu'il soit renvoyé au comité qui en effectuera un examen plus approfondi.
Ce projet de loi n'offre rien, par exemple, en matière de prévention du crime, il ne vise qu'à punir après le fait. Aucune peine d'emprisonnement ni dédommagement ne peut compenser le sentiment de trahison et de douleur qui découle de la fraude. Aucune peine d'emprisonnement ni dédommagement ne peut rétablir la confiance ou les moyens de subsistance d'un Canadien mis sur la paille par quelqu'un à qui il a fait confiance, d'un nouveau parent sans pécule pour l'avenir ou d'un grand-parent mourant sans héritage à laisser. La prévention assure la sécurité des Canadiens. Rien n'est plus important pour protéger les moyens de subsistance des Canadiens, mais ce projet de loi ne contient rien à cet égard.
J'ai entendu de nombreux témoignages de gens qui se sont fait escroquer. Ils ont été abordés par des gens qu'ils considéraient comme des amis, en qui ils avaient confiance, et ils se sont fait rouler. Ils se sont fait laver par de beaux parleurs. Parfois, les gens ne savent pas faire la différence entre un fraudeur et un véritable investisseur. Il y a des gens qui ont essayé de vendre des timbres canadiens électroniques, sans penser que la vente de timbres relève de Postes Canada.
Comment pouvons-nous assurer la sécurité des Canadiens? Pour ce faire, il est important que ce projet de loi soit étudié et qu'il fasse l'objet d'un examen approfondi, mais il faut donner aux Canadiens la possibilité d'être éduqués et de jouer un rôle actif dans la gestion financière. Il devrait y avoir un certain degré de transparence et de clarté à l'égard de ce que quelqu'un peut concevoir comme un bon investissement ou un mauvais investissement. Personne ne demande au gouvernement de surveiller cela. Ce que nous demandons, c'est que le projet de loi contienne des dispositions visant la prévention.
Ce projet de loi ne protège pas les Canadiens car il privilégie la punition au lieu de la prévention. Je crois que cela est fidèle à la perspective du gouvernement conservateur en matière de crime. Les crimes sont des actes complexes. Il est préférable de laisser les experts juridiques s'en charger, les hommes et les femmes de la magistrature qui ont voué toute leur vie professionnelle à prononcer des jugements justes et équitables.
Je ne suis pas juge, pas plus qu'aucun député, mais dans une autre vie j'ai été comptable, conseillère financière et enquêteur sur les fraudes, et je pense qu'il est important que les gens se rendent compte qu'il existe des moyens de prévention. Tout le monde dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir, et personne ne le sait davantage que les victimes de fraude.
L'Association du Barreau canadien s'oppose à ce projet de loi pour une raison très simple. Elle sait très bien qu'il est possible que ce qui fonctionne à Gander ne fonctionne pas à Moose Jaw ou à Toronto. Elle sait que ce qui est pertinent aujourd'hui pourrait ne pas l'être demain. Chaque cas est unique, et il est imprudent et irresponsable de considérer que nous, les députés, pouvons dire au juge qui préside à une affaire que nous sommes plus qualifiés que lui pour déterminer la peine appropriée.
Le projet de loi prévoit une peine minimale obligatoire si la fraude perpétrée dépasse un million de dollars. Cette mesure semble raisonnable, mais à mon avis, ce n'est pas à nous d'imposer de telles conditions aux juges professionnels chargés de rendre les décisions, des juges formés et qualifiés. Nous devrions suggérer des lignes directrices, et non imposer des peines minimales. Il faut que s'applique le pouvoir discrétionnaire du juge, et non des instructions rigides provenant de loin. Lorsqu'un crime est commis — disons — à Don Valley-Est ou à Toronto, je veux qu'un juge examine l'affaire selon les faits.
Le projet de loi mérite d'être examiné plus en profondeur. Il donne le ton et devrait donc être examiné plus en détail au comité.
Toutefois, le projet de loi ne va pas assez loin pour rassurer les gens qui se sont fait prendre dans l'affaire Earl Jones, la fraude Norbourg, la combine à la Ponzi de Bernie Madoff, l'affaire Colgate ou dans toute autre affaire dont nous avons été informés ou qui n'a pas été déclarée. Il n'offre pas d'outil de prévention aux victimes échaudées par une ancienne fraude ou aux investisseurs hésitants dont nous avons plus que jamais besoin dans la conjoncture incertaine où nous sommes. Il s'agit d'un premier pas, qui est important. J'espère que la Chambre renverra le projet de loi au comité et qu'aura lieu une étude logique et exhaustive du projet de loi pour qu'on puisse éviter des problèmes de ce genre à d'autres citoyens.
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Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir au sujet du projet de loi .
Le projet de loi a été présenté à la Chambre le 2 mai 2010 par le . En fait, il est identique au projet de loi , qui avait été présenté à la deuxième session de la présente législature. Il n'avait pas été adopté à cause de la prorogation du 30 décembre 2009, sujet que nous connaissons fort bien ici.
Le projet de loi vise à contribuer à la répression de la criminalité en col blanc et à rendre davantage justice aux victimes, grâce à des mesures comme l’imposition d’une peine d’emprisonnement minimale de deux ans aux auteurs de fraudes de plus d’un million de dollars, l’ajout de circonstances aggravantes précises que le tribunal doit prendre en considération au moment de la détermination de la peine, la création d’une nouvelle forme d’ordonnance d’interdiction, l’imposition de nouvelles obligations aux juges en ce qui concerne les ordonnances de dédommagement et la prise en compte, au moment de la détermination de la peine, d’une nouvelle forme de déclaration des dommages subis à la suite d’une fraude.
Les dernières modifications apportées aux dispositions du Code criminel en matière de fraude remontent à 2004. Elles ont été adoptées en réaction aux scandales mettant en cause de grandes entreprises comme Enron, Tyco et WorldCom, qui ont secoué les marchés financiers mondiaux. Ainsi, une nouvelle infraction relative au délit d’initié a été créée, les peines d’emprisonnement maximales pour les infractions de fraude et d’influence sur le marché public sont passées de 10 à 14 ans et une liste de circonstances aggravantes a été dressée pour aider les tribunaux à déterminer la peine.
Le gouvernement fédéral a également annoncé son intention de créer plusieurs équipes intégrées de la police des marchés financiers qui seraient composées d'agents de la GRC, d'avocats du gouvernement fédéral et d'autres enquêteurs, dont des juricomptables, chargés de réprimer la fraude sur les marchés financiers.
Il importe de se poser la question suivante: compte tenu de toutes ces mesures prétendument prises par le gouvernement, pourquoi les résultats se font-ils toujours attendre? Pourquoi continue-t-on de mettre au jour ces stratagèmes frauduleux?
Il faut remonter quelques années en arrière. Je pense que la plupart des gens ont déjà entendu parler de Charles Ponzi et des combines à la Ponzi. Toutefois, bien des personnes ne savent rien de ce concept. Un pourcentage très élevé des stratagèmes frauduleux appartient à cette catégorie.
En gros, il s'agit d'utiliser l'argent des investisseurs les plus récents pour payer les investisseurs précédents. Les organisations peuvent alors offrir des taux de rendement élevés pour inciter les gens à leur confier leurs économies. Puis, au lieu d'investir l'argent selon des moyens légaux, elles s'en servent pour retourner le rendement promis aux premiers investisseurs. Or, on sait que cette pratique aboutira éventuellement à l'effondrement de toute la pyramide.
Ces combines ont tendance à durer un certain temps. Elles fonctionnent un peu comme les chaînes de lettres, que les gens connaissent bien. Lorsque les marchés sont en expansion, comme dans les années 1920 et 1990, ces combines peuvent se poursuivre sans entrave durant plusieurs années, jusqu'au jour où elles sont découvertes. Elles sont toutes découvertes un jour ou l'autre, parce que lorsque le marché ralentit, les individus qui sont derrière la combine n'ont pas les fonds nécessaires pour payer leurs clients. La situation se transforme en une course à la banque. Tous les investisseurs veulent ravoir leur argent, mais il n'y a pas assez de liquidités pour répondre à la demande. Au bout du compte, les escrocs ne trouvent plus assez de gens pour investir dans leur combine.
Pour ce qui est de Charles Ponzi, celui-ci a perçu approximativement 9,5 milliards de dollars auprès de 10 000 investisseurs en leur vendant des billets à ordre prévoyant un profit de 50 p. 100 en 45 jours. Soit dit en passant, Charles Ponzi a vécu aux États-Unis durant plusieurs années, mais il a un lien avec Montréal. En 1907, M. Ponzi a déménagé à Montréal et il est devenu caissier adjoint dans une banque qui venait d'ouvrir ses portes et qui se spécialisait dans les services aux nouveaux immigrants. Le propriétaire de la banque versait un intérêt de 6 p. 100 aux épargnants, ce qui était le double du taux en vigueur à l'époque.
Je souligne que le succès de ces combines repose sur la cupidité des gens, puisqu'elles offrent un rendement très élevé. Le public doit être conscient de cet aspect. S'ils jettent un coup d'oeil au marché et aux banques, les gens vont constater que le taux moyen est à peu près le même parmi les banques et autres institutions. Lorsqu'une institution offre un rendement deux fois plus élevé que les autres, il faut se méfier.
Même aujourd'hui, si une institution financière propose une offre bien meilleure que les autres, les gens ne devraient pas se bousculer pour investir dans cette entreprise. Ils devraient plutôt se demander pourquoi celle-ci offre un rendement plus élevé. Il est possible qu'elle soit à court d'argent et qu'elle ne puisse pas rembourser les investisseurs.
Pour ce qui est de M. Ponzi, celui-ci est finalement devenu le gérant de la banque, à Montréal. Il a constaté que la banque éprouvait de graves difficultés en raison des mauvais prêts immobiliers qui avaient été consentis. Cela ne ressemble-t-il pas à un air connu? Nous parlons bien de 1907, au siècle dernier, et non pas de 2007. La banque versait les intérêts non pas en se servant des profits réalisés sur les investissements, mais plutôt de l'argent déposé dans les comptes nouvellement ouverts. La banque a fini par faire faillite. Le propriétaire a fui au Mexique en emportant une grande partie de l'argent de la banque. C'est ainsi que M. Ponzi a débuté dans la profession. À la fin de sa carrière, il est décédé sans le sou, je crois. Il n'avait pu cacher les gains obtenus illégalement.
Les combines à la Ponzi modernes ne se déroulent toutefois pas tout à fait de la même façon car, comme la députée l'a indiqué plus tôt, elles sont suffisamment complexes et bien planifiées pour permettre à l'avance le transfert de l'argent dans des paradis fiscaux. En 1907, M. Ponzi n'a probablement pas eu la présence d'esprit de transférer ses gains obtenus illégalement au Panama, en Suisse ou dans un autre paradis fiscal. Peut-être même croyait-il que sa combine fonctionnerait indéfiniment. Il a peut-être mal compris ce qu'il faisait.
On ne peut en dire autant d'un investisseur comme Bernard Madoff, qui a pour ainsi dire volé 65 milliards de dollars. Il ne s'agit pas de millions, mais bien de milliards de dollars, de 65 milliards de dollars. C'est un homme qui a régulièrement sonné le début des opérations à la bourse. Il connaissait tous les intervenants. C'était un initié. On allait le voir pour des conseils.
Dix ans avant l'arrestation de Bernie Madoff, on avait tenté d'attirer l'attention de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis. On l'a bien expliqué lorsque Harry Markopolos a détaillé toute cette sordide affaire à la Chambre des représentants des États-Unis l'an dernier. En effet, dix ans plus tôt, il travaillait pour la firme Rampart Investment Management de Boston. Son patron lui avait demandé s'il était capable de copier la stratégie d'investissement de Madoff. Il a dit que les fonds se surveillent mutuellement. Dans le monde compétitif des affaires, les concurrents s'épient mutuellement. Il n'était pas surprenant pour d'autres concurrents dans ce domaine que Madoff puisse obtenir de bons rendements car il est normal que certains fonds d'investissement en surpassent d'autres, mais l'obtention de si bons résultats mois après mois, année après année, soulevait certains doutes.
À un moment donné, le fonds de Bernie Madoff aurait dû enregistrer des pertes, à tout le moins une fois sur une période de dix années. Même le fonds le plus rentable qui soit ne peut pas augmenter sans cesse. Lorsqu'on investit dans un secteur performant, les rendements sont bons pendant six mois ou un an, mais pas jour après jour, mois après mois, année après année. Les rendements du fonds de Bernie Madoff sonnaient l'alarme.
Harry Markopolos a vite compris ce qui se passait. Il a averti la SEC, qui ne l'a pas écouté. À plusieurs reprises, la SEC a vérifié le fonds de Bernie. Après vérification, elle a conclu que les rendements étaient dans les normes. La SEC, l'organisme censé surveiller le fonds, n'a pas fait son travail. Elle n'a pas présenté de rapport adéquat, ce qui a laissé libre cours à cette combine à la Ponzi, pendant des années. Entre-temps, un plus grand nombre de personnes et d'organisations ont investi dans le fonds. Cela montre bien que la déréglementation a créé un énorme problème aux États-Unis.
Les députés se rappelleront que dans les années 1920, après la débâcle boursière, le président américain s'est mis à chercher la personne qui pourrait réglementer les institutions financières et le marché boursier de Wall Street. Le président a recruté Joseph P. Kennedy, qui s'était enrichi sur les marchés libres et non réglementés de l'époque. Pour justifier la nomination de M. Kennedy, le président a dit que pour prendre un voleur il fallait un voleur. Bon nombre des règles prises sous M. Kennedy sont restées en vigueur pendant des années.
Le système a relativement bien fonctionné sous ce régime jusqu'à ce que, sous le règne du président Bush, les républicains adhèrent à une philosophie de déréglementation. On voulait déréglementer les marchés mondiaux. On voulait que toutes les institutions financières soient des institutions internationales et, pour ce faire, il fallait se doter de super institutions financières.
La vague a touché le Canada sous le règne libéral, lorsque les conservateurs formaient l'opposition. Les banques canadiennes ont alors pressé le gouvernement pour qu'il déréglemente le système bancaire, ce qui leur aurait permis de s'entre-dévorer et de devenir plus grandes.
Le gouvernement libéral a le mérite de ne pas l’avoir fait. C’est pourquoi le gouvernement conservateur actuel ne se trouve pas dans la situation catastrophique où il pourrait être. Je suis sûr que les libéraux étaient tous pour la déréglementation, mais s’ils avaient eu gain de cause, nous pourrions nous trouver dans une situation aussi désastreuse que l’Irlande, l’Islande, le Portugal ou les autres pays qui ont opté pour la déréglementation.
Un important élément du casse-tête consiste à faire face à cette déréglementation et à essayer de rétablir un certain contrôle dans l’ensemble du système. C’est ce que font les États-Unis. Ils commencent à réglementer de nouveau d’énormes secteurs de l’industrie des placements, le secteur bancaire, afin de combattre ce genre d’activité. Malgré cela, le système américain s’est beaucoup mieux comporté que le système canadien au cours des dix dernières années. Il suffit de voir le nombre d’escrocs que les Américains ont mis en prison ces dernières années et de le comparer avec le nôtre. Nous devrons chercher longtemps pour trouver quelqu’un qui a fait de la prison au Canada pour des crimes économiques et de la fraude. Il y a peut-être une ou deux personnes, mais c’est tout. C’est un nombre très limité.
Aux États-Unis, plusieurs centaines de personnes ont été emprisonnées pour des crimes en col blanc, y compris les dirigeants de WorldCom et d’Enron. Conrad Black, un Canadien qui a commis ses crimes en col blanc au Canada, n’a pas été inquiété par les autorités canadiennes. Il a fini par être poursuivi et mis en prison par le système américain, le système qui a créé Bernie Madoff et sa combine à la Ponzi et le système qui cherche maintenant à se réglementer de nouveau.
Au Canada, un pays semblable, nous n’avons pas cherché très énergiquement à appliquer la loi et à poursuivre ces criminels en col blanc, à en juger par nos chiffres, et nous ne cherchons pas à rétablir la réglementation. Je dirais donc que nous avons beaucoup de chemin à faire. Le gouvernement présente ce projet de loi, dont nous appuierons le renvoi en comité, comme nous l’avons fait la dernière fois avant que le projet de loi ne meure après la prorogation de la Chambre, mais n’oublions pas que c’est seulement un petit élément du casse-tête auquel le gouvernement devrait s’attaquer. Le gouvernement devrait chercher à mettre sur pied un groupe de travail pour envisager un retour à la réglementation. Il le fera certainement compte tenu de ce qui se passe aux États-Unis.
Il faut également se pencher sur les paradis fiscaux. La semaine dernière, il s'est produit une situation très comique ici. Nous discutions de la mise en oeuvre d'un accord de libre-échange avec le Panama, un des pays qui figurent sur la liste des paradis fiscaux de l'OCDE ainsi que sur une liste similaire de la France. Quelque 350 000 sociétés privées cachent de l'argent au Panama et le gouvernement envisage de conclure un accord avec ce pays, et ce, même si les Américains ont cessé toute négociation à cet égard puisque le gouvernement panaméen refuse de signer les protocoles de l'OCDE relatifs à l'échange de renseignements financiers et bancaires. Le jour même, le Globe and Mail publiait un article sur un employé d'une banque suisse qui s'est enfui vers la France avec des disques informatiques contenant plusieurs milliers de comptes bancaires. Il appert que 1 800 Canadiens sont sur la liste. Le gouvernement était quelque peu embarrassé à cause de ces 1 800 personnes qui, soit dit en passant, avaient dû investir un minimum de 500 000 $ dans cette banque suisse.
Le gouvernement a été pris au dépourvu parce qu'il n'avait pas de réponse. Il n'a rien fait pour éliminer les paradis fiscaux et tenter de contrer l'évasion fiscale. Il a imposé un moratoire. Il y a deux ans, lorsqu'un employé d'une banque au Liechtenstein a agi de manière similaire en s'enfuyant en Allemagne avec des disques informatiques avant de les vendre au gouvernement allemand, le Canada a découvert qu'une centaine de personnes de Vancouver figuraient sur la liste. Que s'est-il passé? Elles ont obtenu une amnistie.
Les conservateurs disent, en quelque sorte, que quiconque admet posséder de l'argent au Panama ou dans un autre pays où il ne le devrait pas est libre de faire une déclaration volontaire, et le gouvernement ne fera rien contre lui. Il ne lui tapera même pas sur les doigts. Il suffit de payer les impôts rétroactifs pour ne pas être inquiété. Est-ce le genre de messages à lancer à ces gens? Qu'ils auront une amnistie s'ils se font prendre?
Mille huit cents personnes ont maintenant été mises au jour, non pas grâce à l'intervention des agents de police, mais à cause de l'employé d'une banque.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de participer à mon tour à ce débat sur le projet de loi , qui vise à durcir les peines contre les crimes économiques.
Puisque je serai peut-être le dernier orateur à me prononcer sur ce sujet ce soir, je ferai un petit aperçu pour rappeler que le projet de loi contient une peine minimale de deux ans pour les fraudes dépassant 1 million de dollars et l'ajout de facteurs aggravants comme: les répercussions financières et psychologiques sur les victimes; le fait d'avoir négligé de respecter des règles professionnelles ou imposées par un permis; et l'ampleur, la complexité, la durée et le degré de planification de cette fraude.
On y trouve aussi une définition élargie des victimes. La cour pourrait recevoir une déclaration écrite des répercussions sur la collectivité décrivant les pertes subies par suite de la fraude par une collectivité donnée. Le terme « victimes » peut donc englober beaucoup plus qu'un ou des individus touchés directement, car cela peut aller jusqu'à une collectivité complète ou un groupe particulier qui aurait été touché par des fraudeurs.
D'autres mesures sont également contenues dans ce projet de loi: la possibilité pour les tribunaux d'ordonner la restitution des biens — d'ailleurs, s'ils ne le font pas, les tribunaux devront motiver leur décision —; et finalement, la possibilité pour les tribunaux d'interdire aux fraudeurs d'exercer certaines activités.
Nous sommes d'accord sur le principe de ce projet de loi. Le Bloc québécois veut le bonifier en comité et y corriger des lacunes importantes. Je vais d'ailleurs m'employer, au cours des minutes qui suivent, à parler de certaines de ces lacunes.
On peut faire beaucoup mieux. En septembre 2009, on a demandé la mise en place de mesures concrètes pour contrer la fraude. Ce n'est pas seulement aux États-Unis que les gens ont été touchés par des fraudes d'envergure, c'est partout sur la scène internationale. Au Québec, on a malheureusement nos exemples aussi.
Aujourd'hui, lors de l'étude du projet de loi , plusieurs députés ont donné des exemples de fraudes qui se sont déroulées un peu partout dans le monde. On a eu des scandales financiers au Québec avec les affaires Cinar, Norbourg — de triste notoriété — et Earl Jones, qui ont d'ailleurs mis en lumière des failles de notre système de surveillance et de lutte contre les crimes financiers. Dès qu'on a parlé de cela, au lieu de se joindre à nous, les conservateurs ont décidé d'y aller de leurs propres mesures. Nous sommes favorables à certaines de ces mesures, mais on comprend mal que le travail ait l'air d'avoir été bâclé dans la panique pour tirer la couverte de leur bord, alors que des victimes demandent simplement que le gouvernement agisse rapidement dans ces cas.
On ne réussira sans doute jamais à contrer totalement les fraudes, qui n'arrêtent jamais. En écoutant mon petit bulletin de nouvelles diffusé tout à l'heure à la radio de Radio-Canada, j'ai appris que le Bureau d'assurance du Canada venait d'émettre une mise en garde au sujet d'une nouvelle vague de fraudes contre les assureurs automobiles, et le BAC a décidé de mettre en garde ses assureurs. Une enquête démontre une hausse des accidents automobiles carrément orchestrés. Des accidents sont faits volontairement dans le but de toucher l'assurance de façon frauduleuse. Je ne pense pas qu'on vienne d'inventer cela, mais il y aurait une vague dans ce secteur en ce moment.
À l'époque où j'étais journaliste, j'ai couvert un événement à la suite d'informations obtenues par les policiers. En fait, après avoir constaté que le niveau d'un lac — c'était un puits abandonné — avait monté, des grues allaient régulièrement retirer des autos du fond de ce lac. Des gens avaient donc poussé leur propre automobile pour toucher l'assurance. On ne vient donc pas d'inventer cela.
Il sera donc difficile d'arrêter complètement ces fraudes. Du moins, si on arrive à mettre des mesures concrètes en place — et je crois que certains de mes collègues du Bloc québécois en ont fait mention au cours de la journée —, cela permettra d'atténuer ces scandales financiers.
Le 2 septembre 2009, le Bloc québécois a déposé un ensemble de mesures pour améliorer le système et rendre les crimes plus difficiles à commettre, plus faciles à mettre à jour et plus sévèrement punis. Une approche globale est nécessaire à la compréhension et à la lutte efficace contre ce type de criminalité. En réaction, quelques jours plus tard, le 16 septembre, le gouvernement a déposé un projet de loi qui contenait des peines minimales, des facteurs aggravants et la possibilité pour les tribunaux d'ordonner la restitution de biens. C'était le projet de loi , aujourd'hui le projet de loi .
Ce projet de loi ne contient que très peu de mesures un tant soit peu efficaces. Je parlerai un peu plus tard des mesures prônées par le Bloc québécois. Dans ce projet de loi tel qu'il l'est actuellement, les mesures des conservateurs sont tout d'abord les peines minimales. Elles n'ont pas d'effets dissuasifs, et c'est la même chose dans d'autres domaines. Les fraudes de plus de 1 million de dollars sont rares. Le ministre a été incapable de citer une seule affaire de fraude d'envergure dont la sentence a été moindre que les deux ans proposés. En fait, les peines généralement infligées dans ces affaires sont de 6 à 7 ans.
Les tribunaux tenaient déjà compte des circonstances aggravantes prévues. Cet ajout ne change donc que peu de choses. Presque toutes, sinon toutes, les circonstances aggravantes du projet de loi sont énumérées dans le jugement de Vincent Lacroix, pour reprendre cet exemple tristement connu. C'est à se demander si les conservateurs n'ont pas simplement fait un copier-coller du jugement en se disant qu'il faudrait faire cela.
Le magistrat de cette cause avait donc les outils à sa disposition. Il ne faut pas réinventer la roue. On doit améliorer la situation et mettre un terme à ces scandales financiers, et non refaire ce qui est déjà fait. Cela ne changerait pas grand-chose. Un projet de loi contenant les mêmes mesures que les juges appliquent déjà ne va pas aider les victimes de fraude.
Les ordonnances de restitution existent déjà. Le projet de loi C-21 en élargit l'usage, mais des questions quant à la faisabilité dans la pratique ont été soulevées par des experts. Je ne suis pas expert, mais je suis convaincu que les membres du comité, tous partis confondus, pourront interroger ces experts sur toutes les mesures mises en avant.
Dans le projet de loi, les ordonnances restreignant les activités des coupables sont intéressantes. Là aussi, il s'agit, au mieux, de l'élargissement d'une pratique déjà existante dans les cours de justice.
Donc, il manque l'essentiel dans le projet de loi C-21, c'est-à-dire l'abolition des libérations au sixième de la peine. Cela fait longtemps qu'on le demande. Quand je dis « on », cela représente assez bien les demandes qui viennent du Québec. Je ne suis pas sourd et aveugle quant à ce qui se passe dans le reste du Canada, où il y a également des demandes, mais particulièrement au Québec, en raison des cas qu'on a cités tout à l'heure — Norbourg, Earl Jones, Cinar —, les gens sont conscients et très en colère du fait que, malgré que la peine puisse sembler sévère, quelqu'un puisse être libéré aussi rapidement qu'au sixième de sa peine. C'est ce qui principalement à l'origine de la frustration.
Earl Jones et Vincent Lacroix, malgré le projet de loi , pourront donc bénéficier de ce mécanisme pour sortir de prison avant d'avoir purgé une partie suffisante de leur peine. On sait que les peines minimales ne règlent pas ce problème. On limite la marge de manoeuvre du juge qui doit examiner toutes les circonstances entourant un crime. Ce n'est pas parce que quelqu'un se retrouve devant un juge pour avoir commis un crime qu'il n'y a pas de circonstances atténuantes. Le juge doit avoir une marge de manoeuvre suffisante pour donner à un accusé éventuellement trouvé coupable, en raison de ce qui s'est passé exactement et du rôle qu'il a joué, quatre ans de prison. Une autre personne ayant participé au même crime se retrouvera peut-être avec 7, 8 ou 10 ans parce que ce ne sont pas nécessairement les mêmes circonstances. Il faut donc laisser cette marge de manoeuvre au juge pour qu'il puisse faire la part des choses.
Quand on impose des peines minimales, il n'y a pas de revenez-y. Même si elle a toutes les circonstances atténuantes, une personne ayant commis un crime et qui est trouvée coupable se verra imposer deux ans de prison, alors que le régime actuel aurait pu lui permettre de s'en sortir un peu mieux. Dans un cas comme dans l'autre, on peut être soit pas assez sévère soit trop sévère, surtout s'il y a des peines minimales.
On ne s'attaque pas aux paradis fiscaux non plus. On l'a entendu à quelques reprises au cours des discours qui ont précédé le mien. Pourtant, c'est là que les fraudeurs placent leur butin. À quoi sert-il d'ordonner la restitution des sommes cachées si on ne s'est pas attaqué aux paradis fiscaux?
Le Bloc québécois a préparé un plan en six points ciblant précisément les crimes économiques. Ce sont des mesures efficaces. On veut également redonner confiance aux victimes et aux citoyens en général. Cette confiance a été nettement effritée principalement pour deux raisons. Je parlais tout à l'heure de la libération au sixième de la peine, mais il y a également le fameux temps de détention qui compte double, de sorte qu'une personne en cours de procès va se retrouver, après sa peine, à avoir le double de son temps passé en prévention calculé dans sa peine. Évidemment, elle sortira plus rapidement.
Le 2 septembre 2009, pour faire la vie dure aux fraudeurs et éviter que d'autres investisseurs ne perdent leurs économies de toute une vie, le Bloc québécois a présenté un plan visant à lutter contre les crimes économiques. Ce plan équilibré consiste en six mesures, dont trois visent plus particulièrement à prévenir le crime, deux à s'assurer que justice sera faite en cas de verdict de culpabilité et une autre à venir en aide aux victimes.
Premièrement, on prône l'abolition complète de la libération au sixième de la peine. Si je me rappelle bien, quand on a commencé la session à la Chambre, c'est la première chose qu'on avait demandé de faire parce qu'on était en plein dans le scandale de Vincent Lacroix, de Norbourg. On se serait attendu que tous les partis présents à la Chambre nous permettent d'utiliser le fast track, une mesure accélérée, pour adopter ce projet de loi. Malheureusement, on n'a pas eu l'assentiment des conservateurs.
Ce que l'on demande également, c'est d'amender les dispositions du Code criminel sur la confiscation des fruits de la criminalité pour y inclure des dispositions englobant les fraudes de plus de 5 000 $.
Troisièmement, on demande la réorganisation des corps policiers — ce qui nous concerne ici, à la Chambre des communes et au niveau fédéral, c'est le corps policier de la GRC — afin de créer des escouades multidisciplinaires spécialisées dans les crimes économiques. Actuellement, les policiers sont extrêmement compétents, mais il faut ajouter d'autres éléments à ces compétences, entre autres dans le cas des fraudes fiscales qui sont maintenant importantes et qui dépassent bien souvent les simples compétences d'un corps policier. Il nous faut des comptables chevronnés et des avocats ferrés dans toutes les astuces développées par ces grands fraudeurs, surtout que les fraudes se font souvent sur la scène internationale par le biais de paradis fiscaux. Ce n'est pas un simple travail d'enquêteur qui peut permettre de connaître tous ces rouages. Quand on découvre des fraudeurs et des criminels de cette envergure, on se rend compte de tout ce qu'ils ont réussi à faire comme tours de passe-passe et comme cachotteries pour frauder des milliers de personnes souvent pour des millions de dollars. On se rend donc compte qu'il nous faut des escouades multidisciplinaires, composées de gens qui ont diverses compétences pour pouvoir expliquer comme il le faut aux enquêteurs comment les gens ont réussi à procéder. Ces gens ne seraient pas là juste pour découvrir des choses, mais également pour contrer des fraudeurs qui seraient tentés de continuer dans cette veine.
On demande aussi l'obligation pour les banques de rapporter à l'Autorité des marchés financiers et à l'ordre professionnel de l'usager les irrégularités dans les comptes en fidéicommis. On a tout récemment eu cet exemple et on est d'ailleurs encore en train d'essayer de se dépêtrer dans ce scandale. Des gens, par le biais d'une banque, ont réussi à faire de la fraude fiscale, semble-t-il, et à éluder des impôts en plaçant de l'argent en Suisse. Évidemment, on en saura plus au cours de l'enquête.
On demande également un examen des modifications qui pourraient être apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu pour venir en aide aux victimes, notamment l'inclusion d'une disposition permettant aux victimes d'une fraude de déduire de leurs revenus les sommes volées, au lieu que ces sommes ne soient considérées comme des pertes en capital. Souvent, ce que l'on tente de faire dans ces histoires — et c'est normal —, c'est soit de contrer la fraude, soit d'arrêter les fraudeurs. Par contre, parfois, on peut malheureusement oublier les victimes. Alors, dans les mesures proposées par le Bloc québécois, les victimes ne sont pas oubliées. Donc, lorsque l'on étudiera le projet de loi en comité, on demandera à ce que l'on puisse apporter cette modification à la Loi de l'impôt sur le revenu.
On demande aussi une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu pour que cesse l'utilisation des paradis fiscaux. Cette pratique permet à des individus et des compagnies de cacher de l'argent et d'échapper au fisc. À ce niveau, les exemples ont aussi été nombreux à être discutés en cette Chambre aujourd'hui.
Il me reste quelques minutes pour élaborer sur le premier point. Quand on suggère l'abolition complète de la libération au sixième de la peine, il faut savoir que l'on propose cette mesure depuis juin 2007. Ce n'est pas inventé d'hier. On ne vient pas de se rendre compte du problème à régler. Cela fait déjà trois ans que nous avons demandé l'abolition de cette mesure qui mine carrément la crédibilité du système judiciaire. Une telle abolition permettrait de prolonger les peines d'emprisonnement pour les fraudeurs, même pour ceux qui sont déjà arrêtés et qui attendent leur procès au plan criminel. Cela contribuerait à rétablir la...
Une voix: Oh, oh!
M. André Bellavance: Je viens de me faire interrompre par un de mes collègues.
Une voix: Libéral, en plus.
M. André Bellavance: Je m'en excuse, monsieur le Président. Donc, on va rétablir la réputation de notre système judiciaire grâce à cet élément.
Trop souvent les condamnations, même sévères, n'entraînent que des emprisonnements de quelques mois. C'est notamment le cas de Vincent Lacroix. Bien qu'il ait été condamné à la peine maximale qui était prévue par la loi québécoise sur les valeurs mobilières, la Cour d'appel vient juste de déterminer que la peine maximale pouvant être imposée par cette loi est de cinq ans moins un jour. Donc, M. Lacroix a pu sortir de prison après avoir purgé seulement le sixième de sa peine. Vous comprendrez que le système judiciaire en a pris pour son rhume à ce moment-là.
Or, le système de libérations conditionnelles, tel qu'il existe aujourd'hui au Canada, a ceci de regrettable qu'il contrecarre l'évaluation faite par le juge lors de la détermination de la sentence et qu'il est de nature à déconsidérer l'administration de la justice auprès de la population qui estime, souvent avec raison, que la majorité des peines ne sont pas assez sévères.
Le Bloc québécois a aussi déposé, le 14 septembre, un projet de loi simple qui visait ce seul objectif, qui ne cachait aucune mauvaise surprise, le but étant qu'il soit adopté en procédure accélérée pour nous donner un premier bon outil. Malheureusement, bien que cette mesure soit réclamée par les victimes et qu'elle fasse consensus au Québec, le gouvernement a explicitement refusé de procéder à son adoption rapide, préférant pour sa part annoncer le dépôt d'un projet de loi, sans préciser ni sa date ni son contenu. Alors, c'est une intention, un voeu pieux. On verra ce qu'il en sera, mais on aurait pu déjà, dès le 14 septembre dernier, faire en sorte d'avoir une procédure accélérée concernant la libération automatique au sixième de la peine.
Depuis juin 2007, le Bloc québécois propose aussi d'amender les dispositions du Code criminel sur la confiscation des fruits de la criminalité pour y inclure des dispositions englobant les fraudes de plus de 5 000 $. Cela obligerait les fraudeurs, une fois leur culpabilité reconnue, à faire la preuve que leurs biens ont été acquis légalement, à défaut de quoi, ils seront saisis. C'est un peu un renversement du fardeau de la preuve. C'est une mesure qui ferait en sorte qu'on rendrait la tâche beaucoup plus difficile aux bandits de tout acabit.
Troisièmement, il y a la réorganisation des corps policiers.
Comme on le voit, on a beaucoup de mesures comme celles-là qui sont facilement applicables et dont on a parlé depuis fort longtemps. Je pense qu'en comité, lorsque le projet de loi sera étudié, il sera bon de remettre ces mesures sur le tapis et de faire en sorte qu'on ait un projet de loi qui ait un peu plus de substance.