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ACVA Rapport du Comité

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Rapport minoritaire du Parti libéral du Canada

Comité permanent des anciens combattants : Rétablir la confiance à l’égard du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), décembre 2012

Le Parti libéral est en désaccord avec la majorité conservatrice quant au processus et à la teneur du présent rapport. Malgré les nombreuses failles, les conservateurs n’ont nullement tenté de trouver un terrain d’entente et ont imposé une limite de trois pages au présent rapport minoritaire.

Par conséquent, on ne doit pas interpréter comme un consentement le fait qu’aucune lacune particulière n’ait été soulevée dans le rapport de la majorité conservatrice.  

L’étude du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (TACRA) par le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes faite suite à une motion du Parti libéral. Elle avait été déposée après que l’ombudsman des anciens combattants eut commandé une étude qui avait révélé un taux inacceptablement élevé d’annulation des décisions du TACRA par la Cour fédérale.

Témoins exclus

Le Parti libéral avait désigné 12 témoins possibles, mais la majorité conservatrice du Comité contrôle d’une main de fer la liste des témoins. C’est ainsi qu’elle a rejeté 11 des 12 témoins que nous avions proposés, en plus de décréter que les témoignages ne dureraient pas plus de quatre jours. En comparaison, 8 jours ont été consacrés à l’étude sur la commémoration et 14 jours sur la prestation des services.

Au nombre des témoins rejetés se trouvaient des anciens combattants ayant eu l’expérience d’une instance devant le TACRA, dont Jim Newton, ainsi que des défenseurs des intérêts des anciens combattants, comme l’ex-ombudsman des anciens combattants Pat Stogran, Mike Blais, Dennis Manuge et Don Leonardo. Il est particulièrement troublant que ce dernier n’ait pas pu comparaître, car à titre de porte-parole de Veterans of Canada, M. Leonardo se serait exprimé au nom d’un grand nombre de vétérans modernes. Leurs points de vue n’étaient pas les bienvenus.

Pire encore, selon nous, la majorité conservatrice a refusé d’entendre des retraités du Bureau de services juridiques des pensions. Ces avocats auraient sans doute pu faire bénéficier le Comité de leurs connaissances approfondies du fonctionnement du Tribunal et de leurs vues sur les améliorations éventuelles, sans crainte de représailles.

Renforcer le principe du bénéfice du doute

Le processus vicié et le caractère assez sommaire de l’étude menée par la majorité conservatrice n’ont pas empêché de mettre au jour la cause profonde du manque de confiance témoigné à l’égard du TACRA, qui réside dans l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) :

Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

Comme le soulignent les conservateurs au paragraphe 18 du rapport majoritaire, le TACRA interprète l’article 39 comme s’il s’agissait d’une norme de preuve civile. Le « bénéfice du doute » n’est accordé à un ancien combattant que si la preuve en sa faveur et contre lui est d’égale valeur.

À notre avis, cela va à l’encontre des attentes des anciens combattants, sinon de la plupart des Canadiens.

On accuse parfois (à tort, selon nous) Anciens combattants d’avoir une « mentalité de compagnie d’assurance ». En appliquant l’article 39 comme le font présentement le TACRA et le Ministère, ils assujettissent les anciens combattants à la même norme de preuve que celle à laquelle doivent satisfaire les demandeurs dans une cause civile contre une compagnie d’assurance.

Si, comme Canadiens, nous voulons qu’Anciens combattants soit plus souple qu’une compagnie d’assurance, nous avons l’obligation de légiférer autrement. À notre avis, les anciens combattants se heurtent à un obstacle juridique inacceptable.   

Recommandation

Le Parti libéral recommande que l’on modifie la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) pour éclaircir le principe du « bénéfice du doute » et veiller à ce qu’il soit appliqué plus largement. La meilleure façon d’y arriver est de réduire le fardeau de la preuve à un niveau moindre que celui qui est imposé aux demandeurs dans des causes civiles contre des assureurs.

Le fardeau de la preuve devrait être réduit pour devenir équivalent au critère de l’alinéa 19(1)j) de la Loi sur l’immigration : les « motifs raisonnables de penser ».

Dans Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, la Cour suprême du Canada a observé ce qui suit :

La CAF a déjà statué, à juste titre selon nous, que cette norme exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile : Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.), p. 445; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), par. 60. La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi : Sabour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1615 (1re inst.).

En prévoyant l’application de cette norme à l’égard du crime de guerre et du crime contre l’humanité dans la Loi sur l’immigration, le législateur a clairement indiqué que ces crimes classés parmi les plus graves justifient une sanction extraordinaire. Ainsi, une personne ne sera pas admissible au Canada s’il existe des motifs raisonnables de penser qu’elle a commis un crime contre l’humanité, même si ce crime n’est pas établi selon une norme de preuve plus stricte. (Nous soulignons.)

Conclusion

En conséquence, le Parti libéral du Canada recommande de modifier la loi applicable de manière à adopter cette norme de preuve pour les anciens combattants. Le libellé modifiant la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) serait semblable ou identique à celui de l’article 19 de la Loi sur l’immigration.  

Les anciens combattants devraient recevoir un meilleur traitement que les parties à un litige contre une compagnie d’assurances. En ce sens, réduire le fardeau de la preuve est un pas dans cette direction. Modifier la loi en conséquence contribuerait pour beaucoup à donner un véritable sens au « bénéfice du doute ».

Les conservateurs ont rejeté cette recommandation essentielle.

Nous déplorons en outre que le Nouveau Parti démocratique (NPD), bien campé dans une position par trop simpliste, ne soit pas disposé à appuyer une approche réaliste et plus nuancée.

Dans l’ensemble, le rapport majoritaire du Comité permanent des anciens combattants, contrôlé par les conservateurs, est le reflet d’une enquête timide, superficielle et mal équilibrée sur un problème très important pour les anciens combattants du Canada. Ils ont laissé leurs obligations et leur loyauté envers le Cabinet du premier ministre l’emporter sur leurs responsabilités à l’égard des Canadiens et des anciens combattants.

Respectueusement soumis,

Sean Casey, C.R., député de Charlottetown
Porte-parole du Parti libéral en matière d’anciens combattants