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AGRI Rapport du Comité

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Opinion dissidente : Cultivons l’avenir 2

Parti libéral du Canada

En juillet 2011, les ministres de l’Agriculture des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont rencontrées à St Andrews (Nouveau-Brunswick) pour poser les fondements de discussions continues sur le développement de Cultivons l’avenir 2. À l’époque, j’ai dit être inquiet de la quantité négligeable d’attention accordée à divers enjeux qui, selon moi, ne peuvent être ignorés et qui formeront le cadre de travail dont les agriculteurs canadiens et le reste du secteur agricole et agroalimentaire au Canada se serviront pour les cinq prochaines années. J’ai alors écrit, et je continue de croire, que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux doivent bien réfléchir aux questions suivantes : la gestion des risques de l’entreprise; la commercialisation de l’innovation; la transmission des exploitations agricoles et du capital agricole d’une génération d’agriculteurs à la suivante; un service ferroviaire adapté et fiable; le besoin absolu d’instaurer une politique alimentaire nationale.

UNE POLITIQUE ALIMENTAIRE NATIONALE

Tout au long de l’étude Cultivons l’avenir 2, les témoins ont parlé de l’importance d’avoir une politique alimentaire nationale – que l’on perçoive les aliments comme d’une marchandise ou comme une nécessité. Les thèmes évoqués par la plupart des témoins étaient la myriade de liens entre l’agriculture et l’agroalimentaire et d’autres facteurs qui relèvent du gouvernement fédéral : la santé, la viabilité du secteur agricole, le commerce international, la salubrité des aliments et, plus important et plus élémentaire encore : la sécurité alimentaire au Canada.

Il m’arrive de penser que nous tenons les aliments pour acquis; ils apparaissent dans nos assiettes et nous ne mesurons pas les conséquences économiques et intellectuelles de l’agriculture pour la scène canadienne. C’est pourquoi…un débat public sur la politique alimentaire permettrait de rappeler à certains organismes de financement l’importance cruciale de la recherche agricole dans son ensemble[1].

Or, le comité a omis de formuler une recommandation sur le besoin d’instaurer une politique alimentaire nationale. Des pays développés comme l’Écosse, le pays de Galles, la Nouvelle-Zélande et le Brésil ont déjà une politique alimentaire nationale. Les témoins ont soutenu qu’une des raisons qui explique l’absence d’une vision nationale pour l’agriculture et l’agroalimentaire au Canada est le gouffre qui existe entre les agriculteurs, les transformateurs, les chercheurs, les distributeurs et les consommateurs, tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Comprendre le besoin d’avoir une stratégie alimentaire nationale et arriver à ce que tous les intervenants y participent sont deux choses complètement différentes.

Une politique alimentaire nationale permettrait à divers intervenants, notamment les agriculteurs et les consommateurs, le gouvernement, les groupes autochtones et d’autres militants communautaires de se réunir pour prendre des mesures exhaustives qui garantiraient entre autres l’éducation en matière de nutrition, un accès abordable à des aliments sains et une stratégie pour la souveraineté alimentaire et la salubrité des aliments, autant d’aspects garants de la sécurité alimentaire au Canada.

Actuellement, divers organismes ont signalé leur intention de créer leur propre politique alimentaire nationale : la Fédération canadienne de l’agriculture, le Conference Board du Canada, Sécurité alimentaire Canada, le Syndicat national des cultivateurs et le Parti libéral du Canada. Nous avons écrit aux ministres de l’Agriculture des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en juillet 2011 au sujet de l’importance d’inclure une politique alimentaire nationale dans Cultivons l’avenir 2 et nous sommes toujours convaincus, pendant que les négociations se poursuivent, qu’elle doit en faire partie.

Recommandation :

Qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada réclame des provinces, des territoires et de tous les intervenants qu’ils favorisent l’élaboration d’une politique alimentaire nationale assortie d’objectifs précis pour le secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et qu’ils amorcent des discussions sur les liens entre la stratégie et Cultivons l’avenir 2.

SCIENCE ET INNOVATION

Pareillement aux témoins qui militent en faveur d’une politique alimentaire nationale, la plupart des témoins sinon tous ceux qui ont comparu devant le comité s’entendaient pour dire que l’innovation, la recherche, le développement, et la commercialisation sont des ingrédients essentiels pour assurer la pérennité du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

On sait que de nombreux intervenants font des recherches indépendantes en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, et tous ont convenu du besoin de créer des liens entre les producteurs, les transformateurs, les universités et les gouvernements. Les témoins ont fortement recommandé le recours aux grappes et insisté sur le besoin de former des partenariats.

Notre objectif est en réalité de créer ce nouveau système, d’abandonner le vieux modèle d’isolation de la science, où les chercheurs travaillaient seuls dans leur coin, de façon à les amener à travailler ensemble en groupes, dans un nouveau modèle de connexion…Comment nous faisons en sorte que nos 60 gens à Vineland deviennent 6 000, et c’est avec des partenariats. Grâce au programme des grappes, par exemple, nous pouvons avoir des contacts dans tout le pays…[2]

Ce qui manque dans le rapport du comité est le désir que l’agriculture occupe une place plus importante sur la liste des priorités du gouvernement fédéral en matière de science et d’innovation, une place qui soit proportionnelle aux besoins exprimés par les témoins. Dans son Plan d’action économique 2012, le gouvernement a signalé son intention de centraliser la recherche en vue de réaliser des économies. Entre-temps, les témoins étaient persuadés que les recherches effectuées dans les secteurs public et privé et les universités peuvent et doivent se compléter, mais qu’un financement stable est essentiel, non seulement pour attirer des chercheurs et des investisseurs, mais pour les garder chez nous.

Les annonces récentes au sujet des changements apportés à la structure de gestion et au système opérationnel du Conseil national de recherches du Canada sont à l’origine de ce que disent ceux que je considère comme les scientifiques qui ont le plus d’expertise et qui sont les plus créatifs : « vous dites que je vais passer d’un poste permanent à plein temps à un monde où il me faudra trouver des capitaux pour faire mon travail, et que j’aurai des contrats de deux à cinq ans plutôt qu’un cheminement de carrière ». Bon nombre d’entre eux sont en train de mettre leurs CV à jour et de postuler pour obtenir un emploi à l’USDA et dans les instituts européens qui, selon nous, font mieux que nous. Nos scientifiques veulent quitter le pays parce qu’ils disent que la voie que nous suivons maintenant nuira à leur créativité. Elle fera d’eux des bureaucrates, des gestionnaires et des concepteurs[3].

Devant le Plan d’action économique de 2012, il devient évident que le gouvernement ne porte intérêt qu’aux sciences qui procurent des résultats immédiats par suite de recherches conçues pour des produits ou des processus promptement commercialisables. C’est négliger le besoin de recherche fondamentale. Entre-temps, nous croyons que les solutions consistent à stabiliser le financement et à améliorer les programmes comme le Programme canadien d’adaptation agricole (PCAA), qui ne fait pas partie de Cultivons l’avenir, pour permettre la tenue d’activités de recherche et d’innovation propres aux régions et en milieu industriel.

La commercialisation de l’innovation devrait recevoir un meilleur soutien. Bon nombre de témoins ont exprimé leur inquiétude devant le manque d’accès à des fonds d’amorçage et de capital-risque. Ils ont de plus souligné la nécessité de consacrer des efforts marqués pour réunir esprits novateurs et argent, fabricants et marché. Des engagements ont déjà été pris sur ce plan, mais les Canadiens n’ont encore assisté à aucune action concrète de la part des gouvernements qui doivent pourtant être proactifs à favoriser l’essor de la commercialisation, élément critique au sein d’une démarche à valeur ajoutée relativement à la technologie agricole.

Actuellement, les efforts de commercialisation du Canada n’ont pas réussi à fournir les mobiles nécessaires à une promotion efficace de l’innovation. Les gouvernements peuvent promouvoir la commercialisation au moyen de nouvelles lois fiscales qui non seulement ne les priveraient pas des recettes fiscales actuelles, mais également lui accorderaient une part des nouveaux revenus du secteur privé. Certes, on vise toujours le succès de tout nouveau commerce, mais il n’y a jamais de garantie à cet effet; investir dans la commercialisation par l’intermédiaire d’incitatifs fiscaux entraînera une activité commerciale au sein de l’économie canadienne, peu importe que le nouveau commerce connaisse ou non le succès.

Recommandation

Qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada reconnaisse l’importance de la recherche et de l’innovation pour la pérennité du secteur agricole et agroalimentaire au pays en reconnaissant à l’agriculture la priorité en science et en innovation.

Recommandation

Qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada reconnaisse l’importance des réseaux de recherche, mais surtout qu’il accorde un financement stable et adéquat aux programmes reliant les recherches effectuées dans les secteurs public et privé, comme le Programme canadien d’adaptation agricole (PCAA) et autres programmes similaires à court et à long termes, coopératifs et d’administration locale, et qu’il les intègre à Cultivons l’avenir 2 pour promouvoir les recherches à court et à long termes sur des problèmes émergents qui pourraient toucher un ou plusieurs produits.

Recommandation

Qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada effectue une étude sur l’efficacité des programmes d’actions accréditives ou autres crédits d’impôt qu’il pourrait offrir pour encourager à investir dans la commercialisation des produits agricoles.

EXAMEN DES SERVICES DE TRANSPORT FERROVIAIRE

Bon nombre de témoins ont déclaré au Comité que malgré toute son importance dans le cadre de notre commerce international, le réseau de transport ferroviaire des marchandises souffre encore de lacunes sur les plans de la cohérence, de la fiabilité et de la capacité à répondre aux besoins des producteurs et de l’industrie.

À la réunion, cet importateur a fait valoir que cet avantage tarifaire de 15 p. 100 était quelque peu amoindri par le fait que le Canada ne dispose pas d’un système de transport fiable. Il a expliqué qu'un navire qu'il avait affrété avait été retenu 50 jours au port de Vancouver. Quiconque évolue dans l'industrie agroalimentaire sait qu'on ne peut tolérer aucun retard. Si on est pour subir régulièrement un tel retard, on doit en tenir compte au moment de prendre sa décision d'achat[4].

Pour être considérés comme des fournisseurs fiables, nos producteurs ont besoin d’une infrastructure de transport ferroviaire sûre, d’accords sur les niveaux de service et d’un processus de résolution des différends commerciaux. Et ils en ont besoin dans un avenir rapproché. L’examen des services de transport ferroviaire a pris fin en mars 2011 et les recommandations de l’industrie n’ont encore donné lieu à aucuns résultats concrets.

Recommandation

Que le gouvernement présente immédiatement un rapport au Comité sur les mesures qu’il a prises par suite de l’examen des services de transport ferroviaire des marchandises et qu’il indique comment il entend instaurer un accord sur les niveaux de service et un processus de résolution des différends commerciaux qui répondent aux besoins de l’industrie et mettent fin au manque de fiabilité chronique dont le Canada fait preuve comme expéditeur.

JEUNES AGRICULTEURS ET NOUVEAUX AGRICULTEURS

Conséquence des niveaux d’endettement plus élevés et d’importants changements démographiques, le nombre de fermes décroît tandis que l’âge moyen des agriculteurs canadiens se situe maintenant à plus de 55 ans. Pour être viable et durable, le secteur agricole a besoin de jeunes agriculteurs et ne peut se permettre de défavoriser les nouveaux venus.

Certains avantages fiscaux sont offerts aux nouveaux agriculteurs, mais un des principaux obstacles à la transmission de fermes familiales demeure la définition du mot « famille » dans la Loi de l’impôt sur le revenu. En facilitant la transmission des fermes à la génération suivante (comme aux neveux, nièces, cousins, cousines), on contribuerait à l’arrivée d’un plus grand nombre de nouveaux agriculteurs dans l’industrie.

Recommandation

Qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada, de concert avec Finances Canada, révise la définition du terme « famille » à l’égard de la transmission des fermes d’une génération à l’autre pour élargir le sens de ce terme et, ainsi, faciliter l’entrée de nouveaux et de jeunes agriculteurs dans l’industrie.

GESTION DES RISQUES DE L’ENTREPRISE

Il faut améliorer les programmes de gestion des risques de l’entreprise, car la gestion des risques est essentielle dans un secteur où les risques sont immenses et imprévisibles, et où ils peuvent à eux seuls mettre en péril la viabilité d’une ferme. Les témoins ont affirmé qu’il faudrait non seulement renouveler les programmes de gestion des risques, mais également assurer la fiabilité de leur prestation par Cultivons l’avenir 2. Le rapport du Comité ne comporte toutefois aucune recommandation sur la nécessité de conserver les programmes de gestion des risques viables et efficaces. Avant la dissolution de la 40e législature, le Comité avait présenté la recommandation suivante, que nous soumettons de nouveau.

Recommandation

Comme Agri-stabilité est le principal programme de soutien financier au Canada, nous recommandons qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada effectue une analyse comparative de l’application des méthodes de calcul suivantes : calcul des marges de référence sur dix ans, au lieu de cinq ans; calcul des marges de référence à l’aide du montant le plus élevé entre la moyenne olympique ou la moyenne des trois dernières années; utilisation de la moyenne des cinq et sept dernières années pour déterminer la marge de référence; calcul du soutien selon les coûts de production moyens.

CONCLUSION

Bien que le Parti libéral appuie un grand nombre de recommandations et de conclusions du rapport du Comité, il se doit d’aborder certaines questions que les témoins ont soulevées mais qui n’ont pas été incluses dans le rapport afin que le gouvernement en prenne connaissance et y donne suite. Parmi ces questions, mentionnons les suivantes : la nécessité d’une politique alimentaire nationale; l’appui aux sciences, à la recherche et au développement, à l’innovation et à la commercialisation dans un environnement non centralisé et non politique; la gestion efficace du risque des agriculteurs canadiens au moyen de programmes de gestion des risques d’entreprise stables et bien financés.  


[1] M. K. Peter Pauls, président, Département de l’agriculture végétale, University de Guelph, le Comité, Témoignages, réunion no 7, 1ére session, 41e législature, Ottawa, 25 octobre 2011, 1605.

[2] M. Jim Brandle, président – directeur général, Vineland Research and Innovation Centre, le Comité, Témoignages, réunion no 4, 1ère session, 41e législature, Ottawa, 6 octobre 2011, 1550.

[3] Dr Peter W.B. Phillips, Professor, Johnson-Shoyama Graduate School of Public Policy, University of Saskatchewan, Committee, Evidence, Meeting No. 8, 1st Session,  41st Parliament, Ottawa, 27 October 2011, 1535.

[4] M. Gordon Bacon, premier dirigeant, Pulse Canada, la Comité, Témoignage, réunion no 5, 1e session, 41e législature, Ottawa, 18 octobre 2011, 1605.