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FAAE Rapport du Comité

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LA BIRMANIE : UN SURVOL

Pendant les audiences du Sous-comité, les témoins ont expliqué comment l’histoire, la géographie et la composition ethnique de la Birmanie influaient sur la gouvernance et la situation des droits humains. Selon eux, il importe de replacer le processus de réforme en cours dans le contexte du passé autoritaire du pays et de sa diversité ethnique et religieuse. M. Giokas du MAECI a donné un bref aperçu de certains de ces facteurs :

La Birmanie est un pays de près de 60 millions d'habitants, situé au carrefour de l'Asie, à la frontière de l'Inde, de la Chine et de la Thaïlande. La majorité birmane[10] est largement bouddhiste, mais le gouvernement reconnaît 135 races nationales qui appartiennent, de manière générale, à sept grands groupes ethniques. Ces groupes se concentrent surtout dans les régions frontalières au relief accidenté et représentent ensemble environ 40 p. 100 de la population du pays, bien qu'ils occupent jusqu'à 60 p. 100 de son territoire.

La Birmanie a environ la même superficie que l’Alberta, mais son territoire comprend près de 2 000 kilomètres de côtes et de nombreuses îles dans la mer d'Andaman.Le pays, colonie britannique jusqu'à la fin des années 1940, a la chance de posséder d'abondantes ressources naturelles, y compris du bois, des pierres et des minéraux précieux ainsi que des ressources énergétiques comme des gisements de gaz naturel et un potentiel hydroélectrique.
Malgré cette abondance, en raison de décennies de conflits, principalement dans les régions frontalières à majorité ethnique, et d'un régime militaire répressif, le peuple birman compte parmi les plus pauvres de la région. Selon les derniers chiffres publiés par le PNUD [Programme des Nations Unies pour le développement], la Birmanie se classe au 141e rang sur 187 pays selon l'Indice du développement humain. II s'agit du pays le moins développé de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. L'espérance de vie moyenne y est d'à peine plus de 65 ans[11].

Figure 2 : Carte politique de la Birmanie

Carte politique de la Birmanie

Source : United States Central Intelligence Agency (CIA), Cartes : Burma.

Encadré dans la carte:
Birmanie
Divisions administratives
Le gouvernement des États-Unis n’a pas adopté « Myanmar » comme nom usuel anglais
International boundary Frontière internationale
Division (taing) or state (pyi ne) boundary Frontière de la région (taing) ou de l’État (pyi ne)
National capital Capitale nationale
Division or state capital Capitale de région ou d’État
La Birmanie compte sept régions (taing-myar) et sept États (pyi ne-myar)
Traduction des termes clés :
Divisions administratives
   Régions (Divisions)
Région d’Ayeyarwady (Irrawaddy)
Région de Pégu (Bago)
Région de Magway
Région de Mandalay
Région de Sagaing
   États (States)
État du Chin
État du Kachin
État du Kayah
État du Kayin
État du Môn
État du Rakhine
État du Shan
État du Tanintharyi
   Villes
Capitale administrative (Nay Pi Taw)
   Îles (Islands)
Îles Coco (Birmanie)
Île Munaung
Île Ramree
Îles Moscos
Archipel Myeik
Île Preparis (Birmanie)
   Pays
Bangladesh Bangladesh
Bhutan Bhoutan
Cambodia Cambodge
China Chine
Thailand Thaïlande
   Plans d’eau
Andaman Sea Mer d'Andaman
Bay of Bengal Golfe du Bengale
Gulf of Thailand Golfe de Thaïlande

La Birmanie a vécu sous dictature militaire de 1962 à 2010. Son histoire est particulièrement turbulente depuis 25 ans. Le grand mouvement de 1988 en faveur de la démocratie est écrasé dans le sang par les forces armées. Le 8 août 1988, l’armée tire sur des manifestants non armés et en tue plus de mille. En septembre 1988, elle réprime les manifestations, faisant des milliers de morts et poussant nombre de gens à la fuite ou à l’exil. Une nouvelle junte militaire appelée Conseil d'État pour la paix et le développement (SLORC) prend le pouvoir après avoir déposé le gouvernement militaire du général Ne Win et suspend la Constitution. Le SLORC gouverne par la loi martiale jusqu’aux élections de mai 1990. La LND de Daw Aung San Suu Kyi a beau les remporter haut la main, la junte fait fi des résultats, lance une campagne de répression et emprisonne plusieurs militants politiques, dont Daw Suu Kyi [12].

En 2007, la décision du gouvernement d’augmenter sans crier gare le prix du carburant déclenche de grandes manifestations populaires, lesquelles prennent de l’ampleur en septembre 2007 avec à leur tête des moines bouddhistes. Le mouvement de protestation s’est appelé la « révolution safran » en référence à la couleur de la robe des moines. Le gouvernement militaire réprime brutalement les manifestations, s’en prenant à des manifestants pacifiques et tirant à balle sur les foules. Des coups de filet nocturnes ramassent des milliers de moines et de civils dont bon nombre sont emprisonnés. L’Internet est bâillonné à la grandeur du pays[13].

En mai 2008, le cyclone Nargis s’abat sur le littoral birman, faisant quelque 140 000 morts et un nombre encore plus grand de personnes déplacées ou autrement sinistrées. Bien qu’incapable d’apporter aux populations les secours voulus ou ne le voulant pas, le gouvernement militaire refuse d’abord l’accès aux agences humanitaires internationales et retarde la distribution des secours internationaux[14]. Toujours en 2008, le gouvernement rédige une constitution qui prévoit la création d’un gouvernement civil élu, mais renforce le contrôle militaire global. La Constitution est éventuellement « approuvée » en 2008 par un référendum que la communauté internationale ne juge ni libre ni équitable.

Face aux violations massives des droits humains perpétrées par la junte birmane depuis plus de 20 ans, le Canada et plusieurs autres pays occidentaux prennent diverses mesures dont des sanctions diplomatiques et économiques. C’est ainsi que le Canada suspend son aide au développement après l’écrasement du mouvement étudiant de 1988, exclut la Birmanie de l'Initiative d'accès aux marchés pour les pays les moins développés et, après 1997, interdit presque complètement toutes les exportations vers la Birmanie[15]. Après la répression de la révolution safran en 2007, le Canada impose une interdiction globale des importations, des exportations et des investissements[16], ce qui a pour effet d’interrompre à peu près les échanges entre les deux pays[17].

A. Cadre applicable aux droits humains

Le Sous-comité fait d’abord observer que la Charte des Nations Unies oblige tous les États à développer et à encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion[18]. Vu son passé autoritaire, il n’y a peut-être pas lieu de s’étonner que la Birmanie ait ratifié relativement peu de conventions universelles en la matière. Le Sous-comité a donc examiné le bilan des droits humains de la Birmanie par rapport aux obligations juridiques internationales définies dans les traités des droits humains que tant la Birmanie que le Canada ont ratifiés. En outre, il considère la Déclaration universelle des droits de l'homme comme source importante de normes des droits humains applicables à la Birmanie.Les traités mentionnés ci-dessous et la Déclaration universelle des droits de l'homme établissent les critères au vu desquels le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH) évalue le bilan global des droits humains de chaque pays membre dans le cadre de son examen périodique universel.

La Birmanie a des obligations internationales en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), de la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE), du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Concernant la traite des personnes et le passage de clandestins, la Birmanie est liée par le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants[19] et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Enfin, la Birmanie a ratifié deux des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT), institution spécialisée de l’ONU chargée d’élaborer et de superviser les normes internationales du travail, notamment la Convention sur le travail forcé (no 29) de 1930 et la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (no 87) de 1948. La Birmanie est donc liée par ces traités.

Par contre, la Birmanie n’a pas ratifié les importants traités que sont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) pas plus que la Convention sur la réduction des cas d'apatridie[20]. Le Sous-comité espère qu’au moment où la Birmanie s’engage dans une ère de réforme, son gouvernement et son parlement envisageront sérieusement de ratifier au moins ces grands traités internationaux ainsi que les Convention et protocole relatifs au statut des réfugiés et la Convention sur la réduction des cas d'apatridie et d’aligner sa législation sur les obligations qui s’y trouvent définies.


[10]           En français, le terme « Birman » désigne à la fois les membres de la majorité ethnique (Burman, en anglais) et tous les habitants du pays sans égard à leur ethnicité (Burmese en anglais).

[11]           Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012 (M. Greg Giokas).

[12]           Témoignages, réunion no 40, 1re session, 41e législature, 29 mai 2012 (M. James Humphries).

[14]           Voir, p. ex. : Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (BCAH), rapports de situation sur le Myanmar après le cyclone Nargis nos 1, 4, 7, 34 des 4, 7 et 10 mai 2008 et du 23 juin 2008, respectivement. Il est question de la réponse du gouvernement dans le rapport de l’International Crisis Group intitulé Burma/Myanmar After Nargis: Time to Normalise Aid Relations, 20 octobre 2008.

[15]           Le Canada a imposé des contrôles à l’exportation en ajoutant la Birmanie à la Liste des pays visés, DORS/81-543, aux termes de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, L.R.C. (1985), ch. E-19. La Birmanie a été retirée de la Liste des pays visés par décret du gouverneur en conseil du 24 avril 2012.

[16]           Aux termes de la Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17.

[17]           Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012 (M. Greg Giokas).

[18]           Charte des Nations Unies, art. 1(3).

[19]           Aussi appelé « protocole de Palerme » ou « protocole sur la traite des personnes », ce traité est un prolongement de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, à laquelle la Birmanie est partie.

[20]           Dans le cadre de l’examen périodique universel, il est tenu compte de la Convention relative au statut des apatrides dans le cas des pays qui l’ont ratifiée, ce que n’ont fait ni le Canada ni la Birmanie.