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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis responsable de la Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est et de l'Océanie au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Cela englobe les directions chargées des relations bilatérales du Canada avec la Birmanie.
[Traduction]
Le ministre des Affaires étrangères, , était en Birmanie le 8 mars 2012. II s'agissait de la première visite officielle d'un ministre des Affaires étrangères du Canada dans ce pays. II a dit que le Canada espérait que les progrès accomplis à ce jour se poursuivent et mènent à d'autres réformes. II a ajouté: « Nous surveillerons tout particulièrement les élections partielles du 1er avril. »
Le 24 avril 2012, le ministre Baird a annoncé que le Canada suspendrait certaines de ses sanctions contre la Birmanie, qui comptaient parmi les plus dures du monde.
[Français]
Permettez-moi d'abord de brosser un bref tableau de la situation en Birmanie. Celle-ci a servi à orienter la politique canadienne au cours des dernières décennies.
[Traduction]
La Birmanie est un pays de près de 60 millions d'habitants, situé au carrefour de l'Asie, à la frontière de l'Inde, de la Chine et de la Thaïlande. La majorité birmane est largement bouddhiste, mais le gouvernement reconnaît 135 races nationales qui appartiennent, de manière générale, à sept grands groupes ethniques. Ces groupes se concentrent surtout dans les régions frontalières au relief accidenté et représentent ensemble environ 40 p. 100 de la population du pays, bien qu'ils occupent jusqu'à 60 p. 100 de son territoire.
La Birmanie a environ la même superficie que l’Alberta, mais son territoire comprend près de 2 000 kilomètres de côtes et de nombreuses îles dans la mer d'Andaman. Le pays, colonie britannique jusqu'à la fin des années 1940, a la chance de posséder d'abondantes ressources naturelles, y compris du bois, des pierres et des minéraux précieux ainsi que des ressources énergétiques comme des gisements de gaz naturel et un potentiel hydroélectrique.
Malgré cette abondance, en raison de décennies de conflits, principalement dans les régions frontalières à majorité ethnique, et d'un régime militaire répressif, le peuple birman compte parmi les plus pauvres de la région. Selon les derniers chiffres publiés par le PNUD, la Birmanie se classe au 141e rang sur 187 pays selon l'Indice du développement humain. II s'agit du pays le moins développé de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. L'espérance de vie moyenne y est d'à peine plus de 65 ans.
[Français]
Depuis plus de deux décennies, la situation des droits de la personne en Birmanie suscite constamment des préoccupations. Cela comprend des questions telles que la répression de manifestants, la détention de prisonniers politiques et de sévères restrictions aux libertés fondamentales, y compris la liberté de presse, la liberté d'expression et la liberté de réunion. De plus, il est bien établi que des membres du régime militaire birman ont commis de manière systématique des violations flagrantes au chapitre des droits de la personne contre des civils, plus particulièrement contre des membres de minorités ethniques, y compris le travail forcé, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles.
Au fil des ans, le Canada a toujours dénoncé ouvertement la situation des droits de la personne en Birmanie en faisant connaître ses préoccupations à ce sujet par les voies bilatérales toutes les fois où cela était possible, y compris dans des enceintes internationales telles que l'Assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. S'agissant des préoccupations précises que nous avons soulevées, il convient de mentionner la détention de centaines de prisonniers politiques, des affrontements ainsi que des violations dans des régions peuplées par des minorités ethniques.
[Traduction]
Face à ces violations des droits de la personne et des libertés fondamentales, le Canada, de concert avec d'autres pays occidentaux, a imposé une série de sanctions diplomatiques et économiques et d'autres mesures contre ce pays. Cela comprend la suspension de l'aide publique au développement, l'interdiction d'y exporter des armes, l'ajout à la liste des pays visés, son exclusion de l'Initiative d'accès aux marchés pour les pays les moins avancés et enfin, en 2007, une interdiction globale des importations, des exportations et des investissements en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Ces sanctions visaient à bloquer tous les échanges commerciaux avec la Birmanie, sauf pour ce qui est des exportations de marchandises à des fins humanitaires telles que des vivres ou des médicaments expédiés par suite d'une catastrophe naturelle, sauf si le ministre des Affaires étrangères délivre une licence d'exportation spéciale. En conséquence, en 2011, la valeur des échanges avec la Birmanie s'élevait à environ 60 000 $, pour ce qui est des importations, et à un peu plus de 800 000 $ pour les exportations, principalement des instruments médicaux.
Dans ce contexte, j'aimerais maintenant faire le point sur les changements les plus récents en Birmanie.
En novembre 2010, le pays a organisé ses premières élections générales depuis 20 ans. Aung San Suu Kyi était alors toujours assignée à résidence, et son parti a boycotté le scrutin, mais un certain nombre d'autres partis d'opposition y ont participé. Le ministre canadien des Affaires étrangères et d'autres membres de la communauté internationale ont critiqué le processus électoral, qu'ils considéraient comme entaché de nombreuses irrégularités et, de toute évidence, ni libre ni équitable.
Aux termes de l'actuelle constitution birmane, 25 p. 100 de tous les sièges au Parlement sont réservés à des députés nommés par le régime militaire. Le parti associé au régime, le Parti de la solidarité et du développement de l'Union, a remporté une majorité écrasante de 76,5 p. 100 des autres sièges en jeu.
Le nouveau Parlement s'est réuni pour la première fois au début de 2011 et l’investiture d'un nouveau gouvernement civil, dirigé par le président Thein Sein, a eu lieu au printemps de la même année. Cela représentait l'aboutissement du plan d'action pour la démocratie élaboré par le régime militaire.
Depuis, le gouvernement birman s'est engagé, de manière remarquable, sur la voie des réformes, ce qui s'est déjà traduit par une amélioration de la situation des droits de la personne, et il a promis de prendre d'autres mesures en ce sens. Au printemps de 2011, un petit nombre de prisonniers politiques ont été libérés dans le cadre d'un processus plus général d'amnistie. Mais surtout, plus de 200 prisonniers ont été libérés en octobre 2011. Et, en janvier 2012, 650 autres ont été libérés, y compris plusieurs dissidents et personnalités politiques bien connus.
Quelques jours avant les élections de 2010, l'assignation à résidence d'Aung San Suu Kyi a été levée. À ce jour, sa sécurité et sa liberté de mouvement dans le pays sont pour l'essentiel protégées contrairement aux occasions antérieures, ou elle avait été libérée brièvement, mais avait continué à être victime de harcèlement, pour finalement être arrêtée de nouveau.
En août 2011, et une fois de plus en avril de cette année, elle a rencontré personnellement le président. De même, elle a rencontré à plusieurs occasions d'autres hauts responsables du gouvernement. Elle a déclaré publiquement que, selon elle, le président était sincèrement déterminé à engager des réformes.
Par suite de changements aux lois électorales du pays, à la fin 2011, son parti a décidé de se réinscrire et, en définitive, de participer aux élections partielles qui se sont tenues le 1er avril 2012. Ces élections partielles visaient à combler 48 sièges dans les assemblées nationales et d'État, devenus vacants l'année dernière par suite de nominations au Conseil des ministres, car les ministres birmans ne peuvent continuer à siéger en tant que députés.
Les élections partielles dans trois circonscriptions de l'État de Kachin ont été annulées et un candidat de la Ligue nationale pour la démocratie a été déclaré inéligible dans une autre. Malgré cela, la ligue a remporté 43 des 44 sièges mis aux voix, Aung San Suu Kyi ayant elle-même présenté sa candidature et remporté un siège pour la première fois. II s'agit là d'un tournant historique, même si la ligue n'occupe que 7 p. 100 des sièges au Parlement.
Les autres progrès comprennent la signature d'accords de cessez-le-feu entre le gouvernement et la plupart des groupes ethniques armés. Des affrontements entre le gouvernement et ces différents groupes se poursuivaient par intermittence depuis des décennies, et avaient éclaté dans l'est de la Birmanie après les élections de 2010, de sorte que de nouveaux cessez-le-feu constituent un changement salutaire. Ils doivent maintenant être suivis de pourparlers et d'accords de portée plus générale à l'appui de la paix et de la réconciliation. À cet égard, nous nous réjouissons de constater que le gouvernement semble vouloir engager le dialogue.
Ces changements et plusieurs autres donnent à penser que la Birmanie commence enfin à adopter une orientation plus démocratique et porteuse d'espoir. Toutefois, plusieurs préoccupations subsistent. On croit en effet qu'un nombre important de prisonniers politiques, probablement des centaines, sont toujours détenus. Le Canada continue d'exhorter le gouvernement birman à libérer sans condition tous les prisonniers politiques encore détenus. Malgré des cessez-le-feu dans d'autres régions, les combats se poursuivent dans l’État de Kachin, et des organisations de défense des droits de la personne continuent à faire état de pratiques telles que la pose de mines sur des terres appartenant à des villageois, le recrutement d'enfants-soldats et de personnes forcées de servir de porteurs, et des violences, y compris des violences sexuelles, contre des civils. Qui plus est, les organisations humanitaires internationales ont beaucoup de mal à accéder aux régions touchées par des conflits. Dans son rapport le plus récent, publié en mars 2012, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme au Myanmar, Tomás Quintana, a salué les changements constructifs en Birmanie, mais a appelé l’attention sur plusieurs autres domaines nécessitant des améliorations importantes, y compris le traitement des prisonniers, la conformité de certaines lois et de certaines dispositions de la Constitution aux normes internationales des droits de la personne, et la réforme du système judiciaire.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions sur la situation en Birmanie et sur la politique du Canada à l'égard de ce pays.
[Traduction]
Je serai heureux de répondre à vos questions sur la situation en Birmanie et la politique du Canada à l'égard de ce pays.
[Français]
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
Je vous remercie de l'invitation à comparaître cet après-midi. Je suis heureux d'être parmi vous. En ma qualité de directeur général régional de l'Asie à la Direction générale des programmes géographiques, je suis responsable de la mise en oeuvre des programmes de développement bilatéraux de l'ACDI en Asie, à l'exception des programmes pour l'Afghanistan et le Pakistan. Ma collègue, Leslie Norton, directrice générale de l'assistance humanitaire internationale à la Direction générale des programmes multilatéraux et mondiaux, est responsable des programmes d'aide humanitaire internationale de l’ACDI.
[Français]
En Birmanie, les défis en matière de développement sont importants. En effet, selon le Rapport mondial sur le développement humain 2011 des Nations Unies, la Birmanie se classe au 149e rang des 187 pays répertoriés, selon un indice composite mesurant le revenu par habitant, l'espérance de vie et la scolarisation. Dans les régions frontalières où perdurent les conflits entre l'armée nationale et des groupes ethniques non étatiques armés, il est prouvé que la pauvreté a atteint un niveau considérablement supérieur à la moyenne nationale en Birmanie. En plus de freiner le développement socioéconomique à long terme dans les régions touchées, ces conflits de longue date ont entraîné un déplacement généralisé de la population à l'intérieur de la Birmanie et une migration au-delà de la frontière du pays.
[Traduction]
De 1950 à 1988, le Canada a offert à la Birmanie une aide publique au développement évaluée à 100 millions de dollars. Cette aide est allée aux secteurs de l’agriculture, de la foresterie, de la santé et du développement industriel, et parfois à l’aide alimentaire.
À la suite du massacre perpétré en 1988 par l'Armée birmane contre des manifestants qui s'exprimaient en faveur de la démocratie, le Canada a suspendu son aide bilatérale au développement en Birmanie. En 2007, il a instauré des sanctions plus sévères par l'application de son Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie. Aux termes de ces sanctions, seules les organisations ayant obtenu un permis spécial auprès du ministère des Affaires étrangères pouvaient fournir une aide au développement autre qu'une aide humanitaire.
Bien que l’allégement des sanctions lève cette contrainte quant à l'apport d'une aide bilatérale au développement à long terme en Birmanie, le Canada n'a pas actuellement de programme de développement bilatéral en Birmanie et ne fournit aucune aide publique au développement directement à son gouvernement.
Les sanctions canadiennes permettaient de fournir une aide humanitaire aux personnes touchées par une crise en Birmanie. Comme elle le fait ailleurs dans le monde, l’ACDI fournit une aide humanitaire en fonction des besoins et en réponse aux appels lancés par les organisations humanitaires d'expérience des Nations Unies, le Mouvement de la Croix-Rouge et les ONG canadiennes.
En Birmanie, l'ACDI a fourni une aide humanitaire aux personnes touchées par les catastrophes naturelles, les conflits, et le statut d'apatride. Entre les exercices financiers 2009 et 2011, elle a offert à la Birmanie une aide humanitaire évaluée à environ 29 millions de dollars. De cette somme, 25 millions de dollars ont été versés à la suite du cyclone Nargis, qui a frappé le sud de la Birmanie en mai 2008, faisant 140 000 morts et touchant gravement 2,4 millions de personnes. Cette somme comprend 11,6 millions de dollars que le gouvernement du Canada a fournis grâce à un fonds mis en place pour égaler les dons de charité versés par des Canadiens à la suite de la catastrophe.
L'appui de l’ACDI a permis aux organisations humanitaires d'obtenir de bons résultats tels que la fourniture d'aide alimentaire de survie à environ un million de personnes, des matériaux pour des abris d'urgence pour plus de 350 000 familles et des articles essentiels de secours et produits d'hygiène à plus de 800 000 personnes.
[Français]
L'aide humanitaire que l'ACDI a fournie à la Birmanie au cours des exercices financiers 2011 et 2012 comprenait une somme de 3,5 millions de dollars allouée au Programme alimentaire mondial des Nations Unies. Grâce à ces fonds, en 2011, le PAM a pu fournir dans l'État de Rakhine un panier mensuel de denrées alimentaires pendant la saison creuse, qui dure six mois, à 70 000 ménages particulièrement vulnérables. Il a aussi encouragé 113 000 élèves à rester sur les bancs d'école en leur offrant une ration de riz chaque mois.
[Traduction]
Depuis 1988, l'ACDI fournit une aide aux migrants, aux réfugiés et aux Birmans déplacés par l'entremise d'une approche « d'assistance dans les régions frontalières ». Le programme actuel, qui se nomme le Programme d'assistance dans les régions frontalières de la Birmanie, sera mis en oeuvre jusqu'en 2015 par Inter Pares, une organisation non gouvernementale canadienne, et il est doté d'un budget de 15,9 millions de dollars sur cinq ans.
Ce programme fournit des vivres, du combustible et des abris à environ 145 000 réfugiés dans les camps en Thaïlande, de même que des soins de santé à 500 000 Birmans déplacés qui vivent dans des régions frontalières. Je signale la présence parmi nous aujourd'hui de membres d'Inter Pares.
Dans le cadre de ce programme, grâce au soutien de l’ACDI, plus d'un million de cas de paludisme, d'infections respiratoires aiguës, de tuberculose et de malnutrition sévère ont été traités. En outre, ce programme aide à améliorer la capacité de plus de 50 organisations de la société civile de consulter, de consigner et de diffuser des renseignements sur les droits de la personne, y compris les droits des femmes et la viabilité de l’environnement.
C'est avec plaisir que ma collègue, Leslie Norton, et moi-même répondrons à vos questions, avec nos collègues des Affaires étrangères.
Merci.
D'abord, j'ajouterai quelque chose à la réponse de mon collègue à la question de l'accès pour les ONG. Grâce à ses programmes d'aide dans les zones frontalières, l'ACDI a une toute petite lucarne qui lui donne un aperçu de la vie en Birmanie. Nous travaillons indirectement avec plus d'une cinquantaine d'ONG établies en zone frontalière, dans les pays voisins, surtout en Thaïlande, mais aussi ailleurs. Certaines relatent des faits anecdotiques qui indiquent une amélioration dans la capacité d'action. Certaines ont des gens qui vont en Birmanie et en reviennent. Certaines organisations du secteur des médias que nous appuyons disent que leurs sites Web ne sont plus bloqués en Birmanie. Elles peuvent voir d'où sont les visiteurs sur les sites, et il y a une indéniable augmentation du nombre de visites de lecteurs en Birmanie. C'est réconfortant.
Par ailleurs, l'accès est une question vraiment importante pour quiconque veut apporter de l'aide en Birmanie, notamment dans les régions frontalières et là où il n'y a pas eu d'accord de cessez-le-feu. Il est très difficile de rejoindre les populations de ces zones-là. Le plus souvent, il s'agit de minorités dites ethniques, et il est très difficile de les joindre depuis l'intérieur de la Birmanie. Il peut aussi être difficile de le faire depuis l'extérieur du pays.
Des faits anecdotiques donnent à penser qu'il y a eu des changements clairs au cours des six derniers mois, mais il reste des difficultés énormes à surmonter.
Quant à la capacité d'apporter de l'aide, l'ACDI suit de très près l'évolution de la situation en Birmanie. Les changements qui ont eu lieu sont réconfortants. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons donné une aide humanitaire, et nous avons aussi apporté de l'aide aux personnes déplacées et aux réfugiés dans les zones frontalières.
Pour l'instant, l'ACDI n'instaure pas de programme bilatéral en Birmanie. Nous observons attentivement la situation. Nous avons en Asie du Sud-Est du personnel qui a des contacts avec d'autres organismes donateurs: les agences de l'ONU et les institutions financières internationales, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement, et des pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis. Nous communiquons avec eux pour savoir ce qu'ils font, mais, comme M. Giokas l'a dit, la capacité du Canada d'intervenir sur le terrain est extrêmement limitée pour l'instant.