FAAE Rapport du Comité
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LA SITUATION DES DROITS DE LA PERSONNE AU VENEZUELAIntroductionD’une décennie à l’autre, le bilan du Venezuela au chapitre de la protection des droits de la personne et des institutions démocratiques a été à la fois marqué de progrès remarquables et d’une détérioration inquiétante. En mars 2012, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (ci-après le Sous-comité) a accepté d’examiner la situation des droits de la personne dans ce pays au vu des préoccupations soulevées par la communauté internationale quant aux mesures prises par le gouvernement du Venezuela contre ses détracteurs, et son inertie apparente face aux nombreuses attaques à l’endroit de la communauté juive. À la troisième session de la 40e législature, le Sous-comité a tenu huit audiences. Deux autres audiences ont eu lieu à la première session de la 41e législature. De vibrants témoignages ont été livrés par des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), de groupes de réflexion influents, d’organisations des droits de la personne et d’universités. Les membres du Sous-comité ne se sont pas tous entretenus avec les représentants du gouvernement du Venezuela; toutefois, le président du Sous-comité, M. Scott Reid, a eu l’occasion de nouer le dialogue avec des fonctionnaires de l’administration vénézuélienne sur la situation des droits de la personne dans la région. Le président a été encouragé par la volonté déclarée des fonctionnaires vénézuéliens de protéger les droits de la personne au Venezuela. Le Sous-comité espère que le gouvernement du Venezuela prendra, dès maintenant et dans l’avenir, des mesures concrètes pour respecter et protéger toutes ses obligations internationales en matière des droits de la personne. En se fondant sur les témoignages entendus et les informations à sa disposition, les membres du Sous-comité conviennent de faire rapport sur les constatations et recommandations suivantes au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Le défiEn se penchant sur la situation des droits de la personne au Venezuela, il est apparu clairement aux membres du Sous-comité, que les discussions à l’échelle nationale et internationale divergent quant aux perspectives et à l’examen de la situation et peuvent, de ce fait, se révéler très politisées. Plusieurs témoins ont abordé la question directement. Par exemple, voici une explication de M. James Rochlin de l’Université de la Colombie-Britannique : [...] chaque fois que nous discutons de la politique ou des droits de la personne au Venezuela, la discussion est fortement polarisée. Elle est fortement polarisée au Venezuela même et elle est fortement polarisée à l'extérieur du Venezuela. Au sein du Venezuela, vous avez une situation où les gens qui étaient récemment pauvres, qui ont profité des politiques économiques de Chávez, lui donnent un très fort appui, tandis que la classe moyenne, la classe supérieure ou ceux qui pourraient avoir des affinités pour l'entreprise locale ou internationale trouvent que ses politiques sont très contraires à leurs intérêts[1]. Dans le même ordre d’idées, M. Rochlin a caractérisé le débat à l’extérieur du Venezuela comme profondément divergent entre les commentateurs et les universitaires de la droite et de la gauche : les commentateurs sont extrêmement critiques du régime et des politiques de Chávez, ne reconnaissant pas ses réalisations; les universitaires, quant à eux, ont tendance à avoir une vision romancée de la révolution bolivarienne du président Chávez, ignorant les graves problèmes qui frappent le pays ou les attribuant à des pressions extérieures. La directrice du programme des Amériques du Carter Center, Mme Jennifer McCoy, a également évoqué ce défi, affirmant que le Venezuela était « un pays qui est en soi très polarisé. Il y a également polarisation des gens de l'extérieur qui examinent la situation et essaient de se prononcer[2].». Même des organisations internationales des droits de la personne de grande réputation ne sont pas à l’abri des accusations de partialité. Le débat qui a entouré le rapport de Human Rights Watch publié en 2008, intitulé A Decade Under Chávez: Political Intolerance and Lost Opportunities for Advancing Human Rights in Venezuela, en est un triste exemple. En effet, le rapport a suscité une vive réaction chez près de 120 universitaires latino-américains du monde entier. Dans une lettre ouverte, ils ont dénoncé le fait que l’organisation ne satisfaisait même pas aux normes minimales d’érudition, d’impartialité, d’exactitude ou de crédibilité, et que le document ressemblait davantage à un essai politique qu’à un rapport sur les droits de la personne. Human Rights Watch a défendu son rapport, sa méthodologie et ses sources en affirmant que « les défis liés aux droits de la personne recensés au Venezuela sont très concrets et méritent une attention particulière. En propageant des allégations non fondées à propos de notre rapport, votre lettre apporte bien peu outre une distraction inutile qui … ne sert qu’à miner les efforts légitimes pour promouvoir les droits de la personne au Venezuela ». [traduction] Plusieurs témoins ont avancé des explications relativement à l’existence d’une telle polarisation. Selon la directrice adjointe du Programme régional (Amériques) d’Amnistie internationale, Mme Guadalupe Marengo : [...] le gouvernement du président Hugo Chávez a adopté une loi, en 2001, pour modifier les politiques économique et sociale. Elle a fortement polarisé la population. Il en est résulté, en 2002, une tentative de coup d'État pendant laquelle le président a perdu le pouvoir pendant 48 heures. Depuis, la polarisation s'est accentuée. Elle a eu pour effet, ces dernières années, de diminuer la tolérance du gouvernement et des autorités à l'égard de toute critique[3]. En ce qui a trait aux changements mis en œuvre par le président Chávez, Mme McCoy avance l’explication suivante : « le président Chávez a adopté une stratégie de confrontation pour apporter des changements. Cette stratégie a provoqué un mouvement de ressac[4] ». M. Victor Armony, professeur au Département de sociologie et directeur de l’Observatoire des Amériques à l’Université du Québec à Montréal, a, quant à lui, expliqué qu’« il ne faut pas non plus se cacher que la polarisation gauche-droite au Venezuela reflète, jusqu'à un certain point, un clivage de classes sociales[5]. » Il était donc important pour les membres du Sous-comité d’entendre le point de vue d’un vaste éventail d’experts dans le cadre de la présente étude pour avoir une image claire de la situation sur le terrain et de faire rapport sur leurs constatations de la manière la plus équilibrée possible. Comme l’ont suggéré M. Rochlin et d’autres témoins, « [...] la voie la plus prudente serait probablement quelque part entre ces deux pôles, et non à l'une ou l'autre des extrémités, mais en prenant conscience des réalisations positives et des aspects négatifs, en termes de droits de la personne[6]. » SommaireLa structure du présent rapport s’inspire des rapports publiés par les organismes de droits de la personne de l’ONU. Il énonce tout d’abord les percées positives, suivies des préoccupations et enfin, des observations et recommandations. Par conséquent, la partie 1 porte sur les améliorations récentes du Venezuela au chapitre des droits de la personne. Voici quelques progrès enregistrés au chapitre des droits civils et politiques : l’inclusion, dans la constitution vénézuélienne, de la notion de protection des droits de la personne; et la protection accrue des droits démocratiques, en ce qui concerne en particulier la participation au scrutin et la confiance des Vénézuéliens à l’égard du processus électoral et de ses résultats. Les lois qui protègent les femmes contre la violence sont une autre percée positive puisqu’elles contribuent à l’atteinte, notamment, du droit des Vénézuéliennes à la vie, à la sécurité et à la liberté devant la loi. Les progrès au chapitre des droits sociaux, économiques et culturels comprennent les efforts déployés par le gouvernement pour accroître le niveau de vie des Vénézuéliens et leur accès aux soins de santé et à l’éducation. Dans la partie 2, le Sous-comité fait état de ses préoccupations au chapitre des droits de la personne dans le pays. Certains droits liés à la gouvernance démocratique et à la primauté du droit ne sont pas entièrement protégés au Venezuela, tels que le droit à un procès équitable, l’indépendance judiciaire et la séparation des pouvoirs. Certains segments de la population ont vu leurs libertés d’expression, de réunion et d’association contraintes. Le Sous-comité fait état en particulier de la situation vécue par les médias, les défenseurs des droits de la personne et les ONG. Les membres du Sous-comité remarquent également que des abus ont été commis par les acteurs de l’opposition à l’endroit des partisans du gouvernement. Le Sous-comité se penche ensuite sur la sécurité au Venezuela qui, selon lui, aggrave la situation des droits de la personne dans le pays. Au Venezuela, la criminalité s’est accrue au cours de la dernière décennie, tout comme la prolifération des armes légères, qui se retrouvent de plus en plus entre les mains d’éventuels criminels. Les systèmes de justice pénale et pénitentiaire sont incapables de faire face à la hausse de la criminalité en raison du manque de capacités et de professionnalisme, et ce, malgré certaines réformes policières positives qui ont été amorcées. On signale par ailleurs que la corruption et l’impunité ont infiltré une bonne partie du gouvernement ainsi que plusieurs de ses institutions. Souvent, les violations des droits de la personne par des acteurs de l’État et les abus commis par des acteurs non étatiques ne sont pas soumis rapidement ni efficacement à une enquête. L’absence de responsabilité qui en résulte laisse les victimes et leurs familles sans possibilité de résolution, réparation ou de recours à d’autres mesures de redressement. La partie 3 du rapport fait état de facteurs géopolitiques mis en évidence par des témoins, notamment le bilan du pays au chapitre des droits de la personne dans le contexte des défis régionaux, ainsi que les relations qu’entretient le Venezuela avec la Colombie et l’Iran. Enfin, la partie 4 porte sur le dialogue bilatéral, régional et multilatéral entre le gouvernement du Canada et son homologue ainsi que la société civile vénézuélienne sur la question des droits de la personne au Venezuela. Le Sous-comité présente ses conclusions et ses recommandations à la partie 5. Partie 1 – La situation des droits de la personne au Venezuela : percées positivesSous le régime du président Chávez, plusieurs initiatives positives notables ont été lancées en matière de droits de la personne au Venezuela. Tous les témoins qui ont comparu devant le Sous-comité ont reconnu et énoncé les progrès réalisés par le gouvernement à l’égard de certains droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels au Venezuela. Le gouvernement doit poursuivre la mise en œuvre des lois et des programmes à ce chapitre pour que les Vénézuéliens continuent à jouir pleinement de ces droits. 1. Les progrès au chapitre des droits civils et politiquesa. L’inclusion de la protection des droits de la personne dans la constitutionMme Ligia Bolivar Osuna, la cofondatrice et membre du conseil d’administration du programme vénézuélien d’éducation — Action en droits humains (PROVEA), une ONG des droits de la personne vénézuélienne reconnue, a déclaré que la constitution de 1999 comprenait en effet « une des listes de dispositions les plus complètes en matière de droits de la personne[7] ». Elle a souligné qu’à l’époque, le débat entourant la constitution avait « déclenché une énorme discussion au sein du pays et que les droits de la personne étaient l’un des principaux sujets de cette discussion[8] ». Elle a qualifié le débat et les garanties constitutionnelles qui en ont découlé comme « l’une des conséquences très positives[9] ». Elle a par ailleurs ajouté que les garanties liées aux droits de la personne sont « la raison pour laquelle les gens sont fiers de la [C]onstitution et pour laquelle ils réclament les droits qu’elle reconnaît[10] ». Pour sa part, Mme María Paez Victor du cercle bolivarien Louis-Riel/Hands Off Venezuela a affirmé que « [P]our les Vénézuéliens, la constitution n'a rien d'ennuyeux. Au contraire. On la vend dans les rues, les gens l'ont sur eux et ils en discutent[11]. » Mme Lesley Burns, gestionnaire de projet à la Fondation canadienne pour les Amériques (FOCAL)[12], abonde dans le même sens : « les gens s'appuient sur la constitution et ils parlent régulièrement de leurs droits constitutionnels; c'est très impressionnant[13]. » Aux yeux du Sous-comité, la légitimité populaire de la constitution est un signe de développement positif, car la population possède ainsi un outil précieux pour tenir leur gouvernement responsable. En vertu du droit international, le Venezuela a l’obligation de respecter et de garantir les droits de tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa compétence. Cette obligation s’applique à l’ensemble du gouvernement — le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire[14]. Par conséquent, les membres du Sous-comité estiment que la participation accrue du public aux débats sur les garanties constitutionnelles sur les droits de la personne en vertu de la loi vénézuélienne constitue une percée très positive. b. Les droits démocratiquesSelon plusieurs témoins, le taux de participation aux élections a grimpé en flèche et il semble ne pas y avoir eu d’irrégularités importantes liées à la procédure ou au dépouillement des votes, le jour des élections. Comme l’ont souligné plusieurs témoins, dans les années qui ont précédé l’élection à la présidence d’Hugo Chávez, deux grands partis politiques ont pris le pouvoir en alternance tous les quatre ans par voie d’élections. Toutefois, à l’époque, « 70 p. 100 des Vénézuéliens ne possédaient pas de documents d'identité et 90 p. 100 des sans-papiers provenaient des classes ouvrières[15]. » Cela signifie donc qu’une proportion élevée de la population ne pouvait pas voter. Lorsque le président Chávez, à son arrivée au pouvoir, a mis en œuvre la mission Identidad dans le cadre de sa révolution bolivarienne, près de 9 millions de cartes d’identité ont été distribuées, ce qui a permis aux Vénézuéliens « de voter et de faire leur devoir de citoyen[16] ». Mme McCoy a expliqué que cet exercice faisait partie de l’« expérience [du gouvernement] d'accroître la participation et l'intégration sociale de segments de la population qui ont été exclus [...] de la participation […] à la prise des décisions politiques[17] ». Elle a ensuite déclaré ce qui suit : Nous pouvons constater un progrès dans les mécanismes de participation à la politique, avec la multiplication des votes et des référendums, et des conseils locaux et de quartier, sans oublier diverses expériences à ce niveau[18]. Mme McCoy, qui a personnellement surveillé les élections au Venezuela en 1998, 2000, 2004 et 2006, a témoigné des changements importants apportés au processus électoral. En effet, entre 2004 et 2006, la confiance à l’égard du processus électoral était sérieusement mise à mal par l’absence de mécanismes de vérification et de sécurité fiables. Les partis de l’opposition ont donc pu recueillir suffisamment de signatures en 2004 pour révoquer le président — une forme de référendum sanctionnée par la constitution. Depuis, le gouvernement travaille à « mettre en place divers mécanismes et vérifications pour que les partis politiques et les citoyens puissent faire confiance au système[19]. » Selon Mme McCoy, « [L]e Venezuela a même le système de vote automatisé le plus avancé au monde[20] », constitué de systèmes automatisés de vote à écran tactile, de transmission des votes et d’identification des électeurs à partir des bureaux de scrutin. Enfin, elle a fait remarquer que la population « fait maintenant tout à fait confiance[21] » au processus électoral, y compris aux postes de vote électronique. De même, le président émérite de FOCAL, M. John Graham, a souligné que les élections « se déroulent [...] selon un calendrier conforme à la constitution. Jusqu'à présent, le secret semble être préservé dans l'isoloir, et les résultats du scrutin semblent refléter les suffrages exprimés[22] ». Par exemple, lors des élections législatives de septembre 2010, l’opposition a obtenu un nombre accru de sièges au congrès, éliminant du coup la majorité des deux tiers qui avait permis au président Chávez de faire adopter cette mesure sans entraves. Les résultats des élections n’ont pas été contestés. Le Sous-comité constate que le droit international des droits de la personne garantit à tous les citoyens le droit de voter, de prendre part à des affaires publiques et d’accéder à des fonctions publiques dans leur pays[23]. Par conséquent, il reconnaît l’importance des efforts du Venezuela pour accroître le taux de participation aux élections et la confiance des électeurs dans le processus électoral. c. La sécurité des citoyensComme il en est question à la partie 2, le Venezuela se heurte à de grands défis en ce qui a trait à la sécurité de ses citoyens. Toutefois, le Sous-comité salue le gouvernement du Venezuela pour ses efforts en vue d’améliorer la situation par le truchement de réformes policières et la promulgation, récemment, d’une loi protégeant les femmes contre la violence. i. La réforme policièreLa réforme policière est un aspect de la sécurité des citoyens pour lequel on constate une certaine amélioration. Le Sous-comité s’est fait dire qu’il y a quatre ans, une commission sur la réforme policière a recommandé la création d'une force de police nationale. Cette recommandation est en cours de réalisation par le gouvernement du Venezuela[24]. Comme l’a souligné Mme Paez Victor, « il y a maintenant une académie que les agents doivent fréquenter, et ils apprennent à assurer la police communautaire. Ils doivent étudier les droits de la personne[25]. » « En octobre 2008, pour la première fois, 5 000 policiers ont reçu une formation spéciale sur les droits de la personne grâce à un cours de deux ans[26]. » Mme Bolivar Osuna a tenu les propos suivants : Un service national de police a été créé, il y a quelques années. La personne qui a été nommée secrétaire générale et qui est responsable de concevoir et de surveiller toute la mise en œuvre du processus est une personne issue du mouvement des ONG en faveur des droits de la personne. Elle s’appelle Soraya El Achkar. C’est une éminente défenseure des droits de la personne au Venezuela, et je suis certaine qu’elle fait de son mieux pour que les choses bougent, malgré la très grande résistance que lui oppose son patron, le ministre de l’Intérieur. Les membres de mon équipe, PROVEA et les membres de toutes les organisations de défense des droits de la personne font de leur mieux pour que les choses bougent. Tous les mercredis, nous contribuons à renseigner les nouveaux policiers sur les droits de la personne[27]. Dans sa correspondance adressée au Sous-comité le 27 avril 2012, le MAECI affirme que le Canada contribue à la réforme policière au Venezuela. Ainsi, à la demande du gouvernement du Venezuela, le Canada « fournit de l’expertise concernant l’élaboration d’un modèle de services de police communautaires[28] ». Cette aide prend la forme de visites de chercheurs, de policiers et civils de la Gendarmerie royale du Canada et de policiers de la Ville de Montréal, et porte, notamment, sur « la jeunesse et la prévention d’abus de drogues, le soutien aux victimes et les modèles de consultations et d’interactions policières et communautaires[29] ». La réforme policière a contribué à « réduire considérablement les signalements d’abus par les forces policières[30] ». De plus, « les forces policières ne peuvent avoir de munitions réelles pendant les manifestations[31]. » Pour Mme McCoy, il est « évident[32] » qu’il faut poursuivre la réforme policière. Son assertion s’accompagne d’un portrait de la situation actuelle : [...] le principe suivi pour essayer de créer une police plus efficace et de se débarrasser d'agents corrompus, qui abusent de leur pouvoir ou manquent de formation. Le processus est en marche, mais le chemin à parcourir est long. On est maintenant dans un entre-deux, dans un processus de transition[33]. Les membres du Sous-comité reconnaissent le rôle essentiel joué par les policiers pour ce qui est de protéger les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes. Les policiers doivent exercer un contrôle efficace de la criminalité et de la violence, et ce, sans compromettre les obligations en matière de droits de la personne[34]. Les membres conviennent de l’affirmation de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) selon laquelle « la police est une institution fondamentale qui permet d’assurer le respect de la primauté du droit et de garantir la sécurité de la population[35] ». Des forces policières adéquatement formées, neutres sur le plan politique et honnêtes sont essentielles pour assurer le fonctionnement efficace d’un gouvernement démocratique. Le Sous-comité considère les réformes de la police fédérale entreprises par le gouvernement du Venezuela comme une étape positive. Il remarque en particulier l’inclusion explicite d’une composante liée à la formation des policiers en matière de droits de la personne, la participation à la formation des policiers des ONG vouées aux droits de la personne, et l’ouverture manifestée par le gouvernement du Venezuela quant à la mise en place d’une expertise policière par le truchement de la coopération internationale. Les membres espèrent que ces initiatives seront maintenues et renforcées. ii. Protéger les personnes désavantagées, vulnérables et marginaliséesSelon les témoignages entendus par le Sous-comité, la promotion et la protection des droits des femmes sont un autre secteur où le Venezuela a réalisé des progrès. Mme Marengo a fait remarquer notamment qu’en 2007, le gouvernement a édicté une « loi très progressiste sur le droit des femmes de mener une vie à l'abri de la violence[36] ». Le droit humanitaire international garantit aux femmes et aux hommes la non-discrimination, l’égalité devant la loi et le droit à la sécurité[37]. Le Sous-comité constate l’importance de prendre des mesures efficaces pour mettre fin à la violence qui empêche les femmes de jouir pleinement de leurs droits. Il espère que le gouvernement du Venezuela affectera les ressources nécessaires pour permettre la pleine mise en œuvre de la loi. 2. Progrès au chapitre des droits sociaux, économiques et culturelsSelon le document Achieving the Millennium Development Goals remis au président du Sous-comité en décembre 2010 par l’ancienne ambassadrice du Venezuela au Canada, Son Excellence Jhannett Madriz Sotillo, la réduction de la pauvreté et l’amélioration du niveau de vie au Venezuela est une priorité depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Chávez. Chaque témoin qui a comparu devant le Sous-comité a fait état des améliorations positives apportées par le gouvernement Chávez sur le plan social et économique. Comme l’a fait remarquer Mme Marengo, « [L]es progrès sont indéniables au titre des droits de la personne, puisque les droits sociaux et économiques sont, de fait, des droits de la personne[38]. » a. Prospérité, santé et éducation pour l’ensemble des VénézuéliensSelon Mme Alexandra Bugailiskis, qui était sous-ministre adjointe, Amérique latine et Antilles au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en 2010, le président Chávez « a pris des mesures pour essayer de réduire les inégalités dans une situation très inégale. Cela ne fait aucun doute[39]. » Selon plusieurs témoins, l’atténuation de l’extrême inégalité des revenus dans le pays constitue une réalisation importante. M. Rochlin a même avancé que « personne dans ma génération [...] n'a fait plus pour aider les pauvres que Chávez[40]. » Les données et analyses suivantes ont été présentées au Sous-comité par différents témoins :
Le Sous-comité s’est intéressé à l’indice de développement humain (IDH) actuel du Venezuela et l’a comparé au classement du pays avant l’élection du président Chávez. Toutefois, en 2010 et 2011, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et d’autres organismes internationaux ont amélioré leurs séries de données et modifié en conséquence leurs mécanismes d’évaluation et de rapport. De plus, au cours des dernières années, 18 autres pays ont été ajoutés à la liste. Les indices et les classements de développement humain de 2010 et 2011 ne peuvent donc pas être comparés aux données des années antérieures; toutefois, un tableau dans le Rapport 2011 du PNUD (p. 141) présente des données uniformisées permettant la comparaison des données de 1980 à 2011. En ce qui a trait à l’indice de développement humain au Venezuela, le tableau montre une progression depuis 1980, la plus significative ayant été enregistrée sous le régime du président Chávez.
M. Rochlin a fait état de progrès en matière de soins de santé, tels que la possibilité pour 15 000 étudiants en médecine vénézuéliens, de faire des études de médecine à Cuba, et la présence de quelque 20 000 à 30 000 médecins et employés paramédicaux cubains dans le pays. Ces progrès ont profité tout particulièrement aux familles en milieu rural, qui ont ainsi pu avoir accès à des soins de santé. Mme Stéphanie Vaudry de la Société bolivarienne du Québec a par ailleurs souligné que le gouvernement, par le truchement de ses divers programmes ou « missions », fournit gratuitement des produits pharmaceutiques (mission SUMED), des services de chirurgie aux personnes ayant des troubles de la vision (mission Miracle), du soutien aux sans-abri ou aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie (mission Negra Hipólita), et de la nourriture aux mères monoparentales (mission Madres del Barrio). Le Sous-comité reconnaît et respecte l’orientation du gouvernement du Venezuela vers la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels bénéficiant d’une protection internationale[47]. Partie 2 – La situation des droits de la personne au Venezuela : préoccupationsComme il en a été question jusqu’ici dans le présent rapport, la situation des droits de la personne au Venezuela s’est améliorée, en particulier sur le plan des droits sociaux, économiques et, dans une certaine mesure, politiques. Toutefois, un mécontentement grandissant se fait également sentir dans la population, notamment quant à l’incapacité du gouvernement de mettre en œuvre et de respecter l’ensemble des droits inscrits dans la constitution. Par exemple, dans son témoignage, Mme Bolivar Osuna a indiqué qu’au moment où la constitution a été adoptée, il était facile pour le gouvernement de jeter le blâme sur l’ancien régime pour la piètre situation des droits de la personne dans le pays. Toutefois, « après 9, 10 ou 11 ans, l’absence de résultats commence à rendre les gens très mal à l’aise et mécontents[48]. » Ou encore, selon Mme Lesley Burns : Lorsque Hugo Chávez a été élu pour la première fois en 1998, les gens souhaitaient vraiment le changement et ils ont soutenu la constitution. De nos jours, beaucoup pensent que la constitution est une bonne chose, mais que sa mise en œuvre n'est pas celle qui était prévue[49]. Le Sous-comité s’inquiète du fait que les gens qui descendent dans les rues pour exprimer leur mécontentement sont harcelés et, de plus en plus, emprisonnés. Par ailleurs, il craint que cette absence de respect à l’égard de certains droits civils et politiques fondamentaux n’anéantisse les progrès réalisés jusqu’à maintenant sur le plan des droits de la personne au Venezuela. Mme Burns de FOCAL a déclaré ce qui suit au Sous-comité en 2011 : Le lien entre démocratie et droits de la personne s'observe entre autres dans la Déclaration universelle des droits de la personne, selon laquelle le respect de ces droits passe notamment par la liberté d'expression, l'accès au pouvoir, l'exercice de celui-ci conformément à la primauté du droit, la séparation des pouvoirs ainsi que la transparence et la reddition de comptes dans l'administration publique. La gouvernance démocratique implique ces droits, lesquels sont mis à mal actuellement au Venezuela[50]. Les violations des droits liés à la liberté d’expression, d’association et de réunion, ainsi que le droit de subir un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial touchent, en particulier, les membres de l’opposition, les médias et les défenseurs des droits de la personne. Ces violations surviennent au moment où le pouvoir se concentre de plus en plus autour de l’exécutif, mais aussi du président Chávez lui-même. Pour illustrer ce fait, M. Rochlin a fait remarquer que le vice-président lui-même « traite M. Chávez de mégalomane, réclame plus de discussions internes et affirme que la révolution est devenue davantage une question d'ego pour le président qu'une solution pour le peuple[51]. » Cette concentration du pouvoir a permis au gouvernement de s’immiscer dans l’appareil judiciaire et de mettre à mal toute surveillance de l’autorité exécutive. Des cas ont été signalés où le gouvernement s’est servi du pouvoir judiciaire pour criminaliser la dissidence et punir ceux qui défient ses objectifs. Des abus par les groupes d’opposition ont également été signalés. Comme il en a été brièvement question à la partie 1, des défis de taille frappent le Venezuela au chapitre de la sécurité de ses citoyens. Le taux de criminalité et la prolifération des armes légères dans le pays sont en hausse depuis une dizaine d’années. Des acteurs étatiques et non étatiques sont soupçonnés d’agressions telles que des homicides, des enlèvements et du harcèlement. Des groupes vulnérables tels que les femmes et les minorités religieuses sont susceptibles d’être touchées de manière disproportionnée par la criminalité; par conséquent, le gouvernement est tenu de prendre des mesures appropriées et de faire preuve de la diligence raisonnable requise pour prévenir, punir, faire enquête ou réparer le tort causé par de tels gestes commis par des acteurs étatiques et non étatiques. En particulier, le Sous-comité est préoccupé par le fait que des ressources insuffisantes empêchent la mise en œuvre intégrale des mesures positives promulguées pour protéger les femmes contre la violence. Enfin, les attaques ciblées contre la communauté juive en 2004, 2007 et 2009[52], qui ont coïncidé avec la prise de position plus ferme du gouvernement à l’endroit d’Israël, préoccupent également les membres du Sous-comité. Malgré la réforme policière en cours, les systèmes pénal et carcéral demeurent lacunaires et corrompus. Les criminels agissent en toute impunité, tandis que les victimes et leur famille sont privées de leur droit de demander réparation et de se prévaloir d’autres recours devant la justice. Enfin, les progrès réalisés au chapitre des droits sociaux et économiques sont menacés par les contraintes sur les droits politiques et civils susmentionnés. De même, l’économie actuelle du Venezuela et les forces économiques mondiales peuvent nuire à la capacité du pays de maintenir les programmes sociaux sur lesquels s’appuie maintenant la population, et ainsi accroître l’agitation sociale. 1. Préoccupations à l’égard des droits civils et politiquesa. Gouvernance démocratique et primauté du droitLe Sous-comité s’inquiète des pressions exercées sur les membres de l’opposition politique avant et après les élections, l’absence d’indépendance et d’impartialité de l’appareil judiciaire et la criminalisation soutenue de la dissidence. La nature de la gouvernance démocratique et de la primauté du droit au Venezuela a été abordée par un certain nombre de témoins. Mme McCoy a mis la situation en contexte : Avant l'ère Chávez, il existait certainement une démocratie. Des partis politiques prenaient le pouvoir en alternance, mais un grand groupe de gens, dans les segments les plus pauvres, se sentaient exclus, invisibles. Par exemple, ils n'avaient pas tous des papiers d'identité et ne pouvaient donc pas voter. Ils ne pouvaient pas participer. Le gouvernement actuel a essayé de s'attaquer au problème et d'amener tout le monde à participer davantage, au nom des droits politiques[53]. Mme Burns a expliqué les objectifs actuels du gouvernement selon la perception de ce dernier à l’égard de la démocratie et des droits politiques : « La réforme actuelle qui y a été entreprise ne propose pas une démocratie libérale et occidentale, mais préconise plutôt une démocratie bolivarienne ou une social-démocratie fondée sur une participation accrue et directe des citoyens[54] ». En outre, M. Rochlin a souligné que le modèle vénézuélien et le modèle utilisé dans d’autres pays de l’Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique (ALBA) « ont tendance à être davantage fondés sur le référendum. Ce que vous obtenez dans ce genre de situation, je dirais, bien que ce soit suffisamment démocratique en termes de vote, c'est la tyrannie de la majorité, c'est-à-dire que la même majorité domine à chaque élection et que la minorité est constamment exclue[55]. » M. Armony a déclaré ce qui suit à propos des conséquences de ce modèle de gouvernance démocratique : « Le gouvernement Chávez utilise sa majorité parlementaire pour atteindre ses buts et n'a pas peur de pousser les limites de ce qui est légitime ou de réinterpréter ce qui est légal à son avantage[56]. » Bien que « [s]elon notre compréhension de la démocratie, [ce soit] assez négatif… on ne peut pas parler d'un régime non démocratique[57]. » Cette interprétation du régime politique peut être certes valable, mais certaines tendances récentes préoccupent bon nombre de témoins, notamment les restrictions imposées aux membres de l’opposition politique qui se portent candidats à des élections ou qui se voient refuser leur entrée en fonction après leur élection. Par ailleurs, des témoins s’inquiètent du fait que le pouvoir au Venezuela « ne s'exerce pas conformément à la primauté du droit[58] ». En particulier, les contrôles minimaux du pouvoir exécutif conçus pour retreindre l’exercice arbitraire du pouvoir, ainsi que les droits à un procès équitable devant les tribunaux ne sont pas entièrement respectés; l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire sont mal protégées; et, dans certains cas, les victimes de violations des droits de la personne n’ont pas eu accès à des recours efficaces. i. Droit à la participation politique des membres de l’opposition et droit à un procès équitableLes membres de l’opposition s’exposent à une série d’obstacles lorsqu’ils se portent candidats à des élections et pour ce qui est d’exécuter efficacement leur mandat après les élections. Malgré l’évolution positive du processus électoral, d’autres aspects du processus électoral sont sources de préoccupations. Voici ce qu’a affirmé M. Graham à ce sujet : Une partie essentielle du système électoral est encore efficace, mais il y a des aspects qui doivent être corrigés. Les règles électorales sont loin d'être égales pour tous. Le gouvernement dispose de ressources illimitées, tant dans le domaine des transports que dans celui des médias. Les responsables des principaux tribunaux électoraux sont à la solde du gouvernement[59]. M. Graham, ainsi que plusieurs autres témoins, ont également constaté qu’« [a]vec une fréquence alarmante, les candidats de l'opposition sont emprisonnés ou déclarés inéligibles[60] ». Par exemple, Mme Burns a déclaré au Sous-comité qu’avant les élections étatiques et municipales de 2008, environ 400 personnes ont été bannies de la course. Elle a ajouté que dans la plupart des cas, « ces personnes ont été accusées de corruption[61] » et qu’au moment de son témoignage, les personnes emprisonnées étaient toujours en attente de leur procès. Plusieurs témoins ont fait état d’une affaire très médiatisée ayant été soumise à une enquête récemment par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Dans la foulée des élections législatives au Venezuela en septembre 2010, M. Leopoldo Lٕópez, le maire de Chacao, a été exclu de la course jusqu’en 2014 après qu’un tribunal administratif a jugé qu’il avait détourné des fonds publics. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a mené l’affaire devant la Cour interaméricaine, soutenant que l’importance des droits liés à la participation à la vie politique appelait le respect au plus haut point des principes de la légalité pouvant priver un citoyen de son droit de se porter candidat à une fonction publique[62]. Quant à l’importance du droit en question, la Cour interaméricaine a jugé que la décision d’exclure M. López était insuffisamment motivée. En retour, l’absence d’un raisonnement adéquat justifiant l’exclusion empêchait M. López d’en appeler efficacement de la décision, ce qui contrevenait à son droit à un recours judiciaire efficace. La Cour a ordonné au Venezuela d’annuler le jugement d’exclusion et de permettre à M. López de se porter candidat s’il le souhaitait[63]. Selon le directeur général d’Amérique latine et Antilles au MAECI, M. Neil Reeder, lorsque la Cour interaméricaine a jugé que la décision concernant M. López devait être annulée, la Cour suprême du Venezuela a maintenu sa décision initiale — c’est-à-dire que M. López pouvait se porter candidat, mais qu’il ne serait pas autorisé à gérer des fonds publics s’il était élu. Le candidat s’est par la suite retiré de la course. Concernant cette affaire en particulier, l’ambassadeur du Canada auprès de l’Organisation des États américains a souligné, à une réunion du Conseil permanent de l’Organisation, en octobre 2010, que « les États membres devaient prendre leurs obligations internationales au sérieux[64] ». M. Rochlin a donné deux exemples de mesures prises par le gouvernement contre des membres de l’opposition politique : Il y a également une tendance vers la persécution des opposants politiques du gouvernement. Cela comprendrait un cas récent, l'affaire Azócar, dans laquelle un opposant de Chávez s'est vu interdire de présenter sa candidature à cause d'une accusation de corruption. Un cas semblable, celui de l'ancien gouverneur de Zulia, un État important du Venezuela où est située Maracaibo, a été accusé de corruption et a subi des pressions pour fuir le pays. Mon point de vue, c'est que ces personnes sont probablement coupables de corruption; cependant, il y a une règle de deux poids deux mesures, c'est-à-dire que les supporters du gouvernement Chávez ne sont pas accusés de corruption et il est probable qu'un grand nombre d'entre eux sont aussi coupables que son opposition. Alors, il a été facile pour lui d'accuser sélectivement ses opposants de corruption, mais il y a une règle de deux poids deux mesures[65]. Les membres du Sous-comité sont préoccupés par ce qui semble être des violations systématiques des droits des adversaires politiques à la liberté et à la sécurité. Ils rappellent que le droit international lié aux droits de la personne garantit à tous, sans égard à leur opinion politique, le droit de ne pas être détenu arbitrairement, le droit de ne pas être privé de sa liberté, sauf conformément aux procédures prévues par la loi, et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. Les droits à l’égalité devant la loi et à un procès équitable sont des garanties d’égale importance[66]. Les membres considèrent que le recours à l’appareil judiciaire pour criminaliser l’opposition politique contrevient par ailleurs au droit à la dissidence et au droit de prendre part à des activités politiques[67]. Les membres du Sous-comité sont d’avis que tous ces droits sont indispensables au maintien d’une société juste et démocratique. Mme Bolivar Osuna s’est dite préoccupée par les détentions arbitraires et procès inéquitables auxquels sont soumis les opposants politiques : [...] quelque 40 personnes sont toujours en prison pour des motifs politiques, et bien d'autres subissent un procès ou ont été condamnées. Bien que les porte-parole du gouvernement affirment qu'il n'y a aucun prisonnier politique, mais qu'il y a plutôt des politiciens en prison, presque tous les cas présentent des caractéristiques semblables: les procès durent extrêmement longtemps; la majorité des appels et des autres recours sont rejetés systématiquement; les accusations criminelles sont exagérées afin de garder l'accusé en prison; les accusations de corruption sont souvent trafiquées à des fins politiques; et les preuves à l'avantage des prévenus sont fréquemment écartées[68]. En outre, des témoignages de restrictions imposées par le gouvernement à des membres de l’opposition politique après qu’ils ont été élus à une charge politique ont été entendus. Mme Burns a donné l’exemple de M. Antonio Ledezma, qui a été élu à la mairie de Caracas en 2008 : « à son arrivée au pouvoir, près de 90 % du budget avait été réaffecté. Ces fonds et les pouvoirs connexes avaient été accordés au titulaire nommé directement par le président à un nouveau poste créé en vertu de la loi sur le district de la capitale[69] ». Plusieurs témoins se sont dits préoccupés par les lois qui limitent le rôle de l’assemblée législative vénézuélienne. Après les élections législatives de septembre 2010, où « le Parti socialiste uni vénézuélien au pouvoir et les autres partis ont fractionné le vote populaire quasiment en parts égales[70], le gouvernement a mis en œuvre des lois qui « venaient restreindre les pouvoirs de l'assemblée plus pluraliste entrante[71] ». En décembre 2010, l’Assemblée nationale a adopté une loi qui permettait « au pouvoir exécutif de régner par décret pendant 18 mois, y compris en ce qui a trait aux questions de politiques économiques et sociales[72] ». Autrement dit, la loi accorde au président le pouvoir d’adopter des lois additionnelles sans qu’elles fassent l’objet d’un débat à l’assemblée nationale. Le 15 décembre 2010, la Commission interaméricaine des droits de la personne a publié une déclaration exprimant ses préoccupations à l’égard de cette nouvelle loi[73]. M. Reeder du MAECI a donné la position du Canada à cet égard : [...] à notre avis cette loi habilitante fausse le vrai processus démocratique du pays et en fait dénature le rôle de l'Assemblée législative. En fait, cette mesure législative donne beaucoup plus d'autorité et de pouvoir à la présidence que ce qui est normal à notre avis dans une société occidentale ouverte dans la région. Nous ne sommes pas du tout heureux de la situation. Un certain nombre de pays, y compris le Canada, ont communiqué clairement au gouvernement leurs opinions sur cette situation[74]. ii. Indépendance judiciaire et séparation des pouvoirsLa majorité des témoins ont exprimé au Sous-comité leurs préoccupations quant à la concentration du pouvoir au Venezuela et à l’influence grandissante du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires. Selon Mme Burns, l’ingérence politique dans l’appareil judiciaire est un problème depuis plusieurs années au Venezuela; toutefois, avant, il était encore possible de contrôler l’exécutif : Auparavant, la particratie[75] mettait en cause deux partis, qui dominaient la scène politique vénézuélienne et dont l'influence s'exerçait sur le pouvoir judiciaire. Les juges nommés consultaient les dirigeants de l'un ou l'autre des partis avant de rendre une décision ayant un impact sur le plan politique. L'allégeance politique primait souvent la primauté du droit, politisation qui n'était pas un secret de polichinelle. Au cours de cette période, le pouvoir judiciaire ne servait pas directement d'outil au pouvoir exécutif, parce que les deux partis avaient convenu d'un partage des attributions. Autrement dit, ni l'un ni l'autre ne recourrait ouvertement au pouvoir judiciaire de crainte d'être poursuivi ultérieurement. Essentiellement, l'influence des deux partis était égale. Le pouvoir judiciaire n'était pas complètement indépendant, mais il a été en mesure de destituer le président Pérez en 1993[76]. La nature même de la concentration des pouvoirs et la manière dont elle touche le pouvoir judiciaire sont l’élément important qui fait défaut par rapport aux décennies antérieures. Voici l’explication de Mme McCoy : Ce qu'il y a de nouveau maintenant, c'est la concentration du pouvoir. Au lieu de deux partis politiques, il y en a maintenant un seul et, plus particulièrement, il y a concentration du pouvoir entre les mains d'un seul homme. Voilà l'origine des préoccupations. Et puis, il y a la concentration du pouvoir ou de l'influence, par l'intermédiaire de son parti, à l'égard des institutions. Par le passé, s'il y avait collusion dans les institutions — dans le judiciaire, etc. — il y avait au moins des freins et contrepoids entre les deux partis politiques. Cela disparaît lorsqu'il y a un seul parti politique fort[77]. Le Sous-comité fait remarquer que le droit et les normes internationaux relatifs aux droits de la personne exigent que les juges règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d'après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l'objet d'influences, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit[78]. Il apparaît clairement au Sous-comité qu’une réforme judiciaire est nécessaire depuis longtemps au Venezuela. Comme l’a affirmé Mme Burns, « lorsque Chávez a pris le pouvoir, la réforme judiciaire s'imposait en raison de cette politisation[79] »; toutefois, la réforme qu’il a entreprise, notamment d’accroître le nombre de juges à la Cour suprême en 2004[80] lorsque la cohorte initiale s’était prononcée contre sa réinstallation après le coup d’État de 2002 « n'est pas venue à bout de cette politisation[81] ». Plusieurs témoins ont ciblé un certain nombre de défis et d’incidents témoignant des violations des principes d’indépendance judiciaire et d’impartialité tant sur le plan institutionnel qu’individuel. Le Venezuela est un pays de droit civil où les juges peuvent avoir des antécédents très différents par rapport au cheminement des juges des pays où la common law est appliquée. Dans un pays de droit civil, les aspirants à une carrière judiciaire doivent réussir certains cours et examens, après quoi ils peuvent être nommés juges. La carrière ade juge peut durer toute la vie. Dans les pays de la common law, il n’y a pas d’examen à passer; le juge doit d’abord suivre une formation en droit reconnue et pratiquer le droit pendant un certain temps avant d’être élu ou nommé juge[82]. Selon les rapports soumis par le Venezuela à la Commission interaméricaine des droits de la personne, la Cour suprême du Venezuela a établi des règles pour accéder à la magistrature. Selon ces règles, les candidats doivent d’abord se soumettre à un examen public pour être admis à l’école nationale de la magistrature; ils y étudieront ensuite pendant une année, au terme de laquelle ils passeront une épreuve finale. Un jury établit ensuite une liste de candidats par ordre de mérite et les postes vacants sont pourvus par les candidats ayant obtenu les notes les plus élevées. Cette procédure s’applique à toutes les personnes qui aspirent à une carrière judiciaire.[83] L’organisation de Mme Bolivar Osuna, PROVEA, avait souligné dans le premier rapport de l’organisation, en 1989, l’absence de stabilité dans l’administration de la justice. Des progrès étaient en cours pour accroître le nombre de juges, mais en 1999, l’assemblée constitutionnelle a décrété l’« urgence judiciaire ». La Commission interaméricaine des droits de la personne était préoccupée par le nombre de nominations subséquentes et provisoires à la magistrature et l’incapacité du gouvernement du Venezuela à respecter les exigences constitutionnelles et autres obligations juridiques liées à la nomination et à la destitution des juges[84]. Depuis que l’urgence judiciaire a été décrétée en 1999, Mme Bolivar Osuna a affirmé que « la proportion de juges de carrière a chuté pour atteindre 10 p. 100[85]. » Elle a déclaré que ce manque de stabilité, conjugué à des embauches sur une base discrétionnaire[86] sont devenus « essentiel[s] pour comprendre les problèmes afférents à l'administration de la justice[87] ». L’ingérence politique dans le pouvoir judiciaire, surtout dans la sélection des juges, constitue une grave préoccupation puisqu’elle nuit à l’impartialité judiciaire. M. Reeder a affirmé que compte tenu de l’orientation du gouvernement, « la loyauté politique et l'appui accordé à la doctrine Chávez auraient autant de poids que les normes professionnelles, si ce n'est plus[88] », et que les intervenants du système judiciaire « ne sont pas toujours aussi professionnels qu'on le voudrait[89] ». Le Sous-comité a entendu des témoignages selon lesquels des juges ont été punis pour avoir exercé leur pouvoir à l’encontre des objectifs du pouvoir exécutif, et ce, même s’ils ont respecté la primauté du droit. Mme Bolivar Osuna a affirmé que selon une étude récente, le tribunal chargé d’instruire les affaires intentées contre l’administration « évite de se prononcer sur les affaires sur le fond. Ses décisions semblent se limiter à des formalités[90]. » Elle a soutenu qu’en octobre 2003, trois des cinq juges de la Cour suprême « ont été renvoyés pour une présumée erreur judiciaire impardonnable dans un dossier qui allait à l'encontre de l'administration centrale[91]. » Par conséquent, les témoins ont constaté qu’« il est facile de comprendre pourquoi les nouveaux magistrats évitent de se mêler des questions de fond pouvant prêter à controverse au détriment de l'administration[92] ». Par ailleurs, cette affaire a été soumise à la Cour interaméricaine des droits de la personne par la Commission interaméricaine des droits de la personne, qui a tranché en faveur des juges congédiés sur la base du fait qu’« un des premiers objectifs de la séparation des pouvoirs est de garantir l’indépendance des juges[93] ». La Cour suprême du Venezuela a soutenu ultérieurement, toutefois, que le jugement de la Cour interaméricaine « ne pouvait pas s'appliquer[94] ». C’était la « première fois que la Cour suprême se prononçait ouvertement à l'encontre d'une décision rendue par la Cour interaméricaine[95] ». Plusieurs témoins ont décrit la situation inquiétante vécue par la juge María Lourdes Afiuni Mora. Voici les propos de Mme Bolivar Osuna à ce sujet : Le 10 décembre 2009, après que plusieurs juges et procureurs aient refusé de tenir une audience sur le dossier d'Eligio Cedeño, la juge Afiuni a accepté d'entendre l'affaire. Cedeño était en détention préventive [pre-trial] sans procès depuis plus de deux ans. Au cours de l'audience, la défense a présenté sa requête de nouveau, et le juge Afiuni a décidé de mettre Cedeño en libération conditionnelle en attendant son procès et de lui imposer d'autres restrictions, plutôt que de le garder en détention préventive. Dans l'affaire Cedeño[[96]], la juge a basé sa décision sur le Code criminel du Venezuela de même que sur des recommandations d'un rapport publié par le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire. Moins d'une heure après que la juge Afiuni ait pris sa décision, un groupe de policiers des services du renseignement et de la prévention se sont rendus au bureau central du tribunal pour procéder à son arrestation, de même qu'à celle de deux officiers de justice, et ce, sans mandat. Le 11 décembre, le président Chávez a dit que la juge Afiuni était un bandit qui méritait 30 ans d'emprisonnement. Sa déclaration a été diffusée simultanément sur les ondes de la télévision et de la radio nationales. Le même jour, le procureur général, qui a assisté à la déclaration présidentielle, a contraint la juge Afiuni de comparaître devant un tribunal pénal pour répondre à des accusations de corruption, d'abus de pouvoir, d'évasion fiscale et de manœuvres frauduleuses[97] […] Mme Marengo ainsi que d’autres témoins ont informé le Sous-comité que le président du Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU, ainsi que le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, de la torture et de la situation des droits de la personne, ont demandé la libération immédiate et inconditionnelle de la juge Afiuni[98]. Dans leur communiqué, les trois experts ont déclaré que M. Cedeño, dont la détention a déjà été déclarée arbitraire par le même groupe de travail de l’ONU, avait été détenu pendant trois ans avant son procès, ce qui dépasse la limite réglementaire en vertu du droit vénézuélien. Le président Chávez a par ailleurs accusé publiquement les avocats de M. Cedeño de comportement criminel, et l’un d’entre eux a été arrêté puis libéré par la suite. Les experts ont soutenu que « les représailles dans l’exercice de leurs fonctions garanties par la constitution engendrent un climat de peur dans l’appareil judiciaire et réduit la profession d’avocat au simple exercice visant à compromettre la primauté du droit et à entraver la justice[99]. » Selon Mme Marengo, M. Cedeño a par la suite quitté le pays. La juge Afiuni a été emprisonnée à l’institut national d’orientation féminine, qui accueillait 24 détenues qu’elle avait condamnées à des peines d’emprisonnement. Selon Mme Bolivar Osuna, la juge a fait l’objet de menaces : « des prisonnières extrêmement dangereuses l'ont plusieurs fois menacée de mort et ont tenté de l'assassiner à plusieurs reprises[100] », certaines d’entre elles ayant « été condamnées pour homicides multiples et pour trafic de stupéfiants[101] ». La situation en juin 2012 est que la juge Afiuni a été libérée de prison, mais est toujours assignée à résidence. En fait, son assignation à résidence avait été prolongée de deux autres années en décembre 2011. Mme McCoy, qui venait tout juste de revenir du Venezuela où elle avait rendu visite à la juge Afiuni, a déclaré « que cette affaire, où la loi n'a pas suivi son cours normalement, a servi également à intimider d'autres juges. C'est un mauvais exemple pour l'indépendance du pouvoir judiciaire[102] ». Le Sous-comité est très préoccupé par les violations des droits de la juge Afiuni et de M. Cedeño qui lui ont été signalées. Il est d’avis que le procès et l’emprisonnement de la juge Afiuni pourraient avoir des répercussions encore plus vastes et négatives pour la primauté du droit au Venezuela. Selon lui, l’ensemble du pouvoir judiciaire semble être incapable de maintenir son indépendance par rapport aux autres secteurs du gouvernement. De plus, dans certains cas, on ne peut affirmer que les juges sont libres de décider du bien-fondé des affaires qui lui sont confiées, et ce, de manière objective et sans ingérence. Dans une société démocratique, un appareil judiciaire solide, impartial et indépendant est essentiel pour garantir que les droits des personnes sont respectés et protégés. À cet égard, le Sous-comité exhorte le gouvernement du Venezuela à respecter ses obligations internationales. En conclusion, le Sous-comité constate que les normes internationales interdisent l’ingérence inappropriée et injustifiée dans le processus judiciaire. Pour respecter cette norme, les juges doivent être choisis pour leur intégrité et leurs compétences en plus de leur formation juridique. En outre, les juges doivent être inamovibles tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge de la retraite ou la fin de leur mandat. Enfin, ils peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires et de destitution seulement au terme d’un examen indépendant, et seulement sur la base de l’incapacité ou d’un comportement qui les rend inaptes à poursuivre leurs fonctions conformément aux normes judiciaires établies[103]. b. Liberté d’expression, de réunion et d’associationLe Sous-comité est préoccupé par les restrictions imposées à la liberté d’expression, de réunion et d’association par le gouvernement du Venezuela. Toutefois, il reconnaît que de telles restrictions existaient sous les régimes précédents et ne sont pas propres au gouvernement Chávez. Cela ne signifie pas que la liberté d’expression a été entièrement restreinte sous le régime actuel. Tous les témoins ont affirmé que le débat politique était encore possible au Venezuela; ils se sont plutôt dits inquiets de la tendance récente qui a vu le recul de l’espace démocratique. Par conséquent, les personnes ayant des doléances légitimes commencent à s’autocensurer par crainte de représailles. Selon Mme Marengo, « le pays commence à sentir qu'il est de plus en plus difficile d'exprimer son désaccord[104]. » La Commission interaméricaine des droits de la personne a constaté non sans inquiétude que les articles 357 et 360 du Code pénal vénézuélien limitent les manifestations pacifiques et le droit de grève des mouvements syndicaux. Le Sous-comité a été informé de situations où des dirigeants syndicaux, des travailleurs et des étudiants ont été victimes de harcèlement, d’intimidation, ou encore ont été emprisonnés pour avoir exprimé leur dissidence. Selon PROVEA, 2 240 personnes ont fait face à des accusations pour avoir participé à des manifestations en novembre 2009. Selon le directeur, Amérique du Sud et Relations interaméricaines au MAECI, M. Jeffrey Marder, « les entreprises nationalisées du Venezuela n'ont plus de syndicats indépendants[105]. » Les organisations syndicales encore en activité s’alignent sur le parti au pouvoir. En outre, Mme Bolivar Osuna a témoigné du fait que même lors de manifestations « autorisées », les policiers sont violents à l’endroit des manifestants. Elle a donné l’exemple d’un incident survenu en 2010, où les policiers ont utilisé une force excessive à l’endroit des manifestants après avoir entendu certains étudiants scander « des mots offensants contre leur président[106] ». Le Sous-comité fait remarquer que les libertés d’expression, de réunion et d’association ne sont pas des droits absolus en vertu du droit international. Toutefois, les restrictions imposées à ces droits doivent répondre à des critères rigoureux : conformité aux autres obligations en matière de droits internationaux de la personne, nécessité et proportionnalité dans le contexte d’une société démocratique, et prescription par la loi. En outre, le Sous-comité réitère le fait qu’en vertu du droit international, l’imposition de restrictions est interdite à l’exception des seules fins de protéger les droits et libertés d’autrui, la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques. Les restrictions imposées ne doivent jamais porter atteinte au droit lui-même[107]. Les membres du Sous-comité sont profondément troublés par les informations faisant état de violations des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association au Venezuela. Les témoins ont soutenu que ces préoccupations étaient particulièrement pressantes à l’égard des médias, des défenseurs des droits de la personne et des ONG. Par conséquent, les membres du Sous-comité se penchent sur ces préoccupations. i. MédiasLe Sous-comité a été informé du fait que l’intense politisation et polarisation de la profession constituaient le défi le plus important des médias au Venezuela, ce qui a entraîné de graves violations de l’intégrité journalistique et du professionnalisme tant par les médias privés que publics. Comme l’a affirmé Mme Bolivar Osuna, « On peut dire que dans le contexte de polarisation au Venezuela, les deux camps, pour ainsi dire, se sont montrés très agressifs dans les médias — tant les médias appartenant au gouvernement que ceux de l'opposition[108]. » La plainte relative à la liberté d’expression la plus récente et connue concerne la fermeture par le gouvernement Chávez de six chaînes de télévision et de 32 stations de radio entre 2008 et 2010. Ces mesures, qui comprenaient le retrait du permis de diffusion, ont été dénoncées par le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de la personne, qui a constaté que chacun des diffuseurs ciblés avait une ligne éditoriale antigouvernement[109]. Par ailleurs, le gouvernement du Canada, par voie de déclaration, s’est dit préoccupé par les fermetures et a soutenu le prononcé du Rapporteur spécial[110]. Toutefois, le débat entourant cette question semble plus vaste que ce qui est souvent présenté. M. Rochlin et d’autres témoins ont expliqué les circonstances entourant ces incidents : Laissez-moi vous présenter quelques faits. Il est question de Globovisión, une station de télévision qui appartenait à M. Zuloaga, qui a été détenu brièvement au cours du week-end et qui se dit victime de la liberté d'expression. Lors d'une importante conférence de journalistes tenue à Aruba au mois de mars, M. Zuloaga a dit publiquement — et sa déclaration a été enregistrée — qu'il aurait souhaité que le coup d'État de 2002 contre Chávez ait fonctionné. Prenons ces stations de radio ou de télévision qui ont été fermées — RCTV, par exemple, qui était devenue le porte-parole du coup d'État de 2002. Pour comprendre la portée de la situation, imaginons qu'un gouvernement étranger quelconque décidait d'orchestrer un coup d'État militaire au Canada, et que Radio-Canada devenait le porte-parole des auteurs du coup d'État. S'agit-il de liberté d'expression ou de subversion[111]? Mme Bolivar Osuna a quant à elle affirmé ne pas se souvenir d’un appel au renversement du gouvernement; elle a toutefois confirmé que durant le coup d’État, il y a eu un embargo sur l’information provenant des médias privés. Elle a signalé aux membres du Sous-comité qu’elle a été victime de cet embargo lorsqu’elle a tenté de joindre un média après s’être vu refuser un entretien avec un membre pro-Chávez du Parlement en détention. Elle a soutenu que « les quatre principales stations de télévision partagent cette responsabilité. Elles ne l’admettent pas, bien entendu, mais elles sont responsables de l’embargo sur les nouvelles qui a eu lieu pendant cette période[112]. » Pour ce qui est des allégations selon lesquelles ces médias ont diffusé des messages subversifs pendant le coup d’État, elle a réitéré qu’auquel cas, « il aurait dû y avoir des procédures pénales, et non pas administratives[113] » à l’endroit des auteurs. Le Sous-comité est troublé par ces rapports. Il juge que la délivrance de permis et les processus de réglementation relatifs aux médias doivent être objectifs, clairs, transparents et non discriminatoires. Enfin, il rappelle que les restrictions imposées à la liberté d’expression ne doivent pas être trop générales. La libre circulation des idées entre les citoyens est la pierre angulaire de la démocratie. Selon Mme Marengo, bien que plusieurs médias aient été effectivement fermés par le gouvernement Chávez, personne ne peut affirmer catégoriquement que tous les médias dissidents ont disparu. En fait, le Sous‑comité s’est fait dire que « le secteur privé domine toujours[114] » la part du marché médiatique. Comparativement à il y a dix ans, alors que les médias privés dominaient entièrement les ondes, on constate aujourd’hui un meilleur équilibre et une diversité plus grande à ce chapitre; il semble qu’il y ait davantage de chaînes de télévision et de stations de radio en plus d’une émergence de médias communautaires. Selon Mme Paez Victor, ces chaînes communautaires n’appartiennent pas à l’État. Par conséquent, en ce qui a trait à la capacité de dissidence des médias, Mme Marengo a soutenu qu’« il y a encore plein de stations de télévision et de journaux qui s'opposent au gouvernement dans leur politique éditoriale[115]. » Elle s’inquiétait du fait qu’entre la fin de 2009 et le début de 2010, l’intimidation semblait plus présente qu’au cours des deux années précédentes. Les dissidents avaient commencé à être la cible de détentions arbitraires. En décembre 2010, l’assemblée nationale a adopté plusieurs lois visant à accroître « le contrôle de l'État sur l'Internet et les télécommunications[116] »; selon Mme Burns, « on craint de plus en plus que le gouvernement puisse ainsi limiter facilement la liberté d'expression[117]. » Selon Mme Bolivar Osuna, le gouvernement a de nouveau tenté de réduire l’influence des médias qui critiquent le gouvernement en confisquant leur équipement, en détenant temporairement les photojournalistes et en détruisant leur matériel, et en entamant des procédures disciplinaires, administratives et pénales contre les médias, leurs propriétaires et les journalistes. Elle a ajouté que « [D]es agences de publicité ont fait l'objet de pressions de la part du gouvernement pour qu'elles retirent des publicités diffusées par certains médias critiques à l'endroit du gouvernement[118] ». Toutefois, elle a constaté que PROVEA a pu documenter adéquatement un seul cas, qui était lié à une société canadienne. D’autres obstacles empêchent les médias d’avoir accès à des informations importantes et de faire rapport sur des enjeux publics librement. Mme Bolivar Osuna a souligné le fait que le droit à la liberté d’expression « comprend aussi le droit à la recherche d'information[119] » : […] il arrive bien souvent que des organismes publics n'invitent pas les journalistes et les médias critiques à l'égard du gouvernement aux points de presse, ou bien qu'ils leur en interdisent l'accès. Les porte-parole du gouvernement refusent de faire des déclarations aux médias, et il est difficile d'avoir accès aux renseignements et aux statistiques ayant trait à des questions d'ordre public comme la santé, l'éducation, l'emploi et le logement[120]. Mme McCoy a abondé dans ce sens en soutenant que le climat de polarisation perpétuelle au Venezuela engendre des obstacles qui entravent l’intégrité journalistique : « cette polarisation existe toujours dans les médias, et bien des journalistes professionnels sentent des pressions pour se conformer à l'orientation éditoriale du camp dans lequel ils se trouvent[121] ». Par ailleurs, le professionnalisme s’acquiert grâce à une formation adéquate. Selon M. Rochlin, les journalistes au Venezuela « sont souvent mal formés. [...] Il se peut qu'ils rapportent mal les faits, qu'ils n'aient pas cherché à connaître le fond de l'histoire, ou encore qu'ils fassent des déclarations non fondées qui pourraient nuire grandement au gouvernement[122] ». Les attaques à l’endroit des journalistes, en particulier ceux qui sont opposés au gouvernement Chávez, ont été source d’inquiétude pour les témoins. Selon M. Rochlin, « un certain nombre de journalistes ont été attaqués par des assaillants inconnus en toute impunité[123] ». Mme Bolivar Osuna, quant à elle, a affirmé que « des groupes civils proches du gouvernement ont attaqué le siège social de certains médias et le domicile de certains journalistes à l'aide d'armes à feu et d'explosifs[124]. » De fait, elle a indiqué qu’il est « ouvertement reconnu[125] » qu’un certain nombre de ces attaques ont été commises par le groupe La Piedrita, un des « quelque dix groupements armés chavista[126] » qui seraient présents à Caracas. Selon un témoin, ces gestes d’intimidation et de violence ont donné lieu à « de l'autocensure dans certains médias et chez les journalistes[127] ». Il est apparu clairement aux membres du Sous-comité que le paysage médiatique au Venezuela est complexe et que le journalisme professionnel, responsable et libre constitue un défi. Les membres sont d’avis que les journalistes et les médias au Venezuela ont un important rôle à jouer pour garantir la gouvernance transparente et contribuer à un débat public éclairé. Par ailleurs, ils se sont dits préoccupés par les rapports de l’automne 2011 selon lesquels Globovisión était l’unique canal de télévision dissident encore en activité, malgré le fait que des voix dissidentes étaient encore présentes dans certains médias imprimés et « dans les discours de quelques représentants radicaux de l’opposition[128] ». De plus, les membres rappellent que le droit de recevoir de l’information et d’y accéder est garanti en vertu du droit international relatif aux droits de la personne. Par conséquent, les membres du Sous-comité soulignent la nécessité d’enquêter rapidement, efficacement et de manière impartiale à l’égard des attaques perpétrées à l’endroit de journalistes vénézuéliens afin que leurs auteurs soient traduits en justice. ii. Les défenseurs des droits de la personne et les ONGLes défenseurs des droits de la personne agissent, seuls ou en groupe, de façon pacifique pour défendre et protéger les droits de la personne, en toute conformité avec le droit international des droits de la personne et la Charte des Nations Unies. Ils peuvent consacrer leurs efforts à documenter et à dénoncer les violations, à soutenir les victimes et à préconiser des changements[129]. Les membres du Sous-comité s’inquiètent particulièrement de la sécurité des défenseurs des droits de la personne et de leur capacité à défendre le respect des droits de tous les Vénézuéliens. Mme Marengo a déclaré au Sous-comité qu’« on semble intimider, harceler et attaquer [les défenseurs des droits de la personne][130]. » Elle a illustré ses propos à l’aide de deux exemples : Mijail Martínez a été abattu pendant que son comité des victimes contre l'impunité faisait un film qui documentait des cas présumés de brutalité policière, et Rocío San Miguel a reçu des menaces de mort après avoir révélé « que des militaires avaient violé la constitution, en se rangeant du côté du parti au pouvoir[131]. » Selon le même témoin, non seulement il n’y a pas eu d’enquête et personne n’a été traduit en justice pour ces menaces et ces attaques, mais « il ne semble pas exister de volonté politique pour condamner ces violations commises par les autorités[132]. » Mme Bolivar Osuna a affirmé qu’en plus de ces attaques directes, les défenseurs des droits de la personne sont souvent « harcelés, privés de l'exercice de leurs droits, menacés et incriminés[133] » « dans les déclarations publiques des porte-parole du gouvernement[134] ». Elle a fait remarquer qu’au moins cinq défenseurs ou groupes de défenseurs ont profité de mesures de protection de la part de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). Toutefois, dans ce genre de situations, c’est l’État qui doit assurer cette protection. Selon Mme Marengo, Amnistie Internationale a fait campagne pour une famille de l’État d’Aragua pendant six ans après que la police a tué un de ses membres en 2003. La CIDH a réclamé protection pour cette famille, mais cette protection a été « sporadique » et « [d]epuis, trois autres de ses membres ont été tués[135]. » Elle souligne que, cette fois encore, il n’y a pas eu d’enquête impartiale, personne n’a été traduit en justice et la famille vit toujours dans la peur. En ce qui a trait aux ONG, notamment les organisations des droits de la personne, divers éléments prouvent que leur capacité de travailler est de plus en plus limitée. M. Rochlin a signalé que certaines ONG ont été exposées à des directives d’intimidation et a déclaré avoir « parlé aux représentants de différentes ONG qui sont persuadés que leur ligne téléphonique est mise sur écoute[136]. » L’adoption de nouvelles lois ont établi d’autres restrictions. En décembre 2010, l’Assemblée nationale a approuvé une loi qui interdit aux groupes de défense des droits de la personne de recevoir du financement de l’étranger. Mme Burns a mentionné aux membres du Sous-comité qu’au moment de son témoignage (en mars 2011), elle connaissait le cas d’une ONG vénézuélienne, appelée Contrôle par les citoyens, qui avait retourné l’argent à l’Ambassade du Canada « plutôt que d'assumer les conséquences légales possibles[137]. » L’argent lui avait été envoyé « pour former des journalistes sur les droits de la personne dans le contexte de la sécurité et de la défense nationales[138]. » Toutefois, lors de son témoignage en février 2012, M. Reeder du MAECI a indiqué que le gouvernement du Venezuela a « fait marche arrière » [139] sur le plan des restrictions imposées aux ONG en matière de financement de l’étranger « grâce aux pressions internationales du Canada et d'autres pays qui ont signalé leurs inquiétudes[140] ». Il faut toutefois mentionner que le Venezuela compte bon nombre d’ONG des droits de la personne et que celles-ci continuent à contribuer au débat politique. Certes, des difficultés demeurent en ce qui a trait à l’accès aux représentants du gouvernement. Par exemple, Amnistie Internationale a travaillé en bonne collaboration avec le gouvernement dans le cadre de sa campagne contre la violence faite aux femmes. Pourtant, Mme Marengo a déclaré que « depuis quelques années, nous n'avons reçu aucune réponse des autorités sur les mesures urgentes que nous prônons relativement aux dossiers que nous leur avons présentés[141]. » Le Sous-comité s’alarme particulièrement des attaques portées contre les défenseurs des droits de la personne vénézuéliens. Dans le cadre de la présente étude notamment, nous avons rencontré plusieurs personnes très courageuses qui luttent pour la défense des droits d’autres personnes, souvent en payant elles-mêmes un prix élevé pour leur action. Le Sous-comité désire saluer la contribution des défenseurs vénézuéliens des droits de la personne, reconnaître leur rôle incontestable et exprimer son appui à l’égard de leur œuvre. Nous rappelons que le Venezuela a l’obligation de protéger les défenseurs des droits de la personne des attaques, qu’elles soient ou non perpétrées par des membres du gouvernement. Nous faisons remarquer que le fait de ne pas adopter de mesures à la suite de demandes urgentes de protection peut équivaloir à une violation de cette obligation. De plus, nous soulignons l’exigence qu’a le Venezuela d’enquêter lorsqu’on lui signale des attaques contre les défenseurs des droits de la personne, de traduire en justice les responsables et d’assurer la réparation des torts causés aux défenseurs qui ont subi des attaques ou des violations et des abus de leurs droits de la personne. iii. Abus commis par des opposants politiques au gouvernement ChávezDes témoins ont indiqué que des membres de l’Opposition ont commis des abus à l’encontre des droits de la personne qui ont privé les Vénézuéliens de leur liberté d’expression, notamment pendant le coup d’État contre le président Chávez en 2002, au moment du référendum sur la destitution du président en 2004 et, plus récemment, lors des manifestations. Mme McCoy a décrit ainsi les abus qui ont été commis au moment du coup d’État contre le président Chávez, en 2002 : Il y a un ou deux cas qu'il faudrait peut-être examiner. Un incident remonte à la grande marche de 2002. Elle a abouti aux violences qui ont donné lieu au coup d'État contre Chávez. Il n'y a jamais eu d'enquête solide sur ces violences; mettons qu'il n'y a pas eu d'enquête concluante pour trouver les responsables des morts à l'époque. Il y a encore des controverses à ce sujet. Qui étaient ces tireurs isolés? Qui les commandait? Qui a tiré sur qui? Et aussi, immédiatement après le coup d'État, pendant les deux jours où l'opposition était au pouvoir, il y a eu des persécutions contre les Chavistas, et des gouverneurs et maires élus ont été pourchassés et se sont cachés, craignant les persécutions. Pendant ces 48 heures, il y a eu de la violence contre les partisans de Chávez et des morts parmi eux. Il n'y a pas eu d'enquête concluante, mais pendant cette période, je dirais qu'il y a eu des violations d'un côté comme de l'autre[142]. Le Sous‑comité a également entendu dire que des abus ont été commis au moment du référendum sur la destitution du président. Comme il a été signalé, les partis d’opposition, qui remettaient alors en question les résultats de l’élection de 2004, ont recueilli suffisamment de signatures pour destituer le président. Ces listes de pétitionnaires, connues sous le nom de « listes de Tasón et Maisanta », ont été rendues publiques, de sorte que tant le gouvernement que les partis d’opposition connaissaient les positions des uns et des autres à ce sujet, ce qui a donné lieu à des récriminations et à des cas présumés d’intimidation et de châtiments des deux côtés. Selon Mme McCoy : Il y a eu des allégations semblables dans le camp adverse. Des entreprises privées auraient exigé que des gens signent pour obtenir le référendum de révocation, au risque de perdre leur poste[143]. Par la suite, les partis d’opposition ont boycotté les élections parlementaires de 2005. Mme Marengo, d’Amnistie Internationale, a également signalé des abus commis par des membres de l’Opposition également durant les manifestations. Amnistie Internationale a alors réclamé que tant les forces progouvernementales que l’Opposition cessent de recourir à une force excessive pendant les manifestations. Elle a fait remarquer que depuis quelques années, le pays connaît une grande agitation sociale et durant ces manifestations, des affrontements se produisent entre les deux camps. Le Sous-comité réitère sa ferme conviction qu’il n’est jamais acceptable de restreindre la liberté d’expression ainsi que de réunion et d’association pacifiques pour justifier la suppression d’activités liées à la défense de la démocratie pluripartite, des principes démocratiques ou des droits de la personne. En aucune circonstance, des groupes politiques ou autres ne peuvent recourir à la violence pour faire la promotion de leur programme ou de leurs intérêts. Nous croyons que des enquêtes crédibles et indépendantes, suivies de la responsabilisation des actes de violence criminels commis, s’imposent pour réinstaurer la réconciliation au Venezuela. 2. Sécurité des citoyensLa Commission interaméricaine des droits de l’homme a décrit dans les termes suivants le concept de sécurité des citoyens vu du point de vue des droits de la personne : La sécurité des citoyens est une situation dans laquelle les personnes peuvent vivre à l’abri des menaces causées par la violence et le crime, et l’État a les moyens nécessaires pour garantir et protéger les droits de la personne directement mis en péril par la violence et le crime. Par l’approche de respect des droits de la personne, la sécurité des citoyens est, en termes pratiques, un état dans lequel les personnes vivent à l’abri de la violence pratiquée par l’État et les acteurs non étatiques[144]. Malgré les résultats positifs qu’ont eus la réforme des services de police et la création d’une force policière nationale, le Sous-comité est préoccupé de constater que le gouvernement du Venezuela n’a pas pris suffisamment de mesures pour améliorer la sécurité des citoyens dans le pays. En plus de la réforme des services de police, d’autres facteurs contribuent à la sécurité des citoyens. Selon Mme Bolivar Osuna, PROVEA a offert de la formation en matière de droits de la personne à la police nationale seulement, et à aucune autre force policière du pays. Par conséquent, certains problèmes demeurent chez certaines autres forces nationales de sécurité, notamment les forces policières locales et étatiques, qui ne reçoivent pas cette formation. De plus, la réforme des forces policières doit s’accompagner de politiques et de programmes complémentaires et à long terme visant à réformer le système carcéral et judiciaire, et à lutter contre la présence de bandes criminalisées organisées impliquées dans le commerce d’armes et de drogues et qui alimentent la violence. En armant des citoyens ordinaires et en leur donnant une formation militaire, supposément pour établir une force nationale de défense séparée de la police, le gouvernement manque à son engagement d’assurer la sécurité de ses citoyens. Enfin, le gouvernement doit s’attaquer à la corruption au sein de tout son appareil et de ses institutions, peu importe les allégeances politiques. La non-résolution de ces situations facilite la tâche aux auteurs de crimes, qui pourront alors souvent travailler en toute impunité. a. La criminalitéBon nombre de témoins ont exprimé leur inquiétude devant l’augmentation du taux de criminalité au Venezuela au cours des dix dernières années. M. Rochlin a déclaré au Sous-comité que Caracas se situe maintenant au deuxième rang des villes d’Amérique latine en termes de violence. Dans son rapport d’août 2011 intitulé Violence and Politics in Venezuela, l’International Crisis Group (ICG) a souligné le sérieux de la situation en énumérant les faits suivants :
Le Sous-comité s’est fait dire que « le crime et la sécurité ont toujours été un problème[149] » au Venezuela. M. Rochlin a fait remarquer que ces activités se concentrent dans les barrios les plus pauvres. Malgré la réduction de la pauvreté, le taux de criminalité peut encore être relié à la pauvreté persistante que l’on trouve au pays, tout en pouvant l’être aussi aux activités de gang et aux conflits de territoires, ajoute-t-il. M. Reeder a déclaré que le problème du trafic de drogues joue aussi un rôle négatif sur la situation de la sécurité dans le pays. Le Venezuela, qui partage des frontières avec la Colombie, est devenu un point de transit clé pour les drogues destinées aux marchés d’Europe, d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique. Mme McCoy a décrit la situation particulièrement désastreuse de la sécurité dans les zones frontalières entre le Venezuela et la Colombie. Elle a déclaré que « depuis des dizaines d'années, il y a des problèmes de contrebande et de guérilla, les narcotrafiquants franchissant allègrement la frontière dans un sens comme dans l'autre[150]. » b. La prolifération de petites armes au VenezuelaUne autre question grave concerne « la présence de beaucoup d'armes au Venezuela : armes sur la personne et au foyer[151]. » À l’échelle régionale, M. Reeder a déclaré qu’« il y a beaucoup d'armes qui circulent en Amérique du Sud […] en provenance de zones de conflits, ainsi que des armes en transit en partance pour les Caraïbes et l'Amérique centrale[152]. » Dans son rapport, l’ICG a fait état de statistiques provenant de la section vénézuélienne d’Amnistie Internationale qui indiquaient que « près de 12 millions d’armes illégales circulaient dans le pays[153] ». Selon Mme McCoy, le gouvernement a d’abord reconnu ce problème en 2002. À cette époque, le Centre Carter aidait à faciliter le dialogue entre le président Chávez et ses opposants politiques, et une proposition avait été présentée visant à désarmer la population civile, mais cette proposition « n’[aurait]a pas décollé[154] » à l’époque. Le Sous-comité remarque toutefois que « [l]e pays essaie d'évoluer dans ce sens[155]. » Toutefois, nonobstant les affirmations du gouvernement qu’il prend le problème au sérieux, le Sous-comité a entendu des témoignages sur la façon dont les citoyens ordinaires entrent en possession de bon nombre de ces armes avec l’aide du gouvernement. Selon M. Camilo Cahis, du Bolivarian Circle Louis Riel/Hands Off Venezuela, l’armée vénézuélienne ne se contente pas de livrer de la nourriture et d’autres types d’aide aux gens dans les barrios, car, en plus, elle « donne [...] à de simples travailleurs de la formation dans le maniement des armes et une formation militaire[156]. » Il a également indiqué que « tous sont encouragés à prendre part à la révolution pour pouvoir se défendre en cas d'invasion par la Colombie[157]. » D’autres commentateurs ne voient pas ce rôle de l’armée d’un œil aussi positif. Selon Mme Bolivar Osuna : Je n'ai vraiment aucune objection à ce lien étroit entre la société civile et les militaires, car j’estime que c'est pour le bien de la démocratie. Cependant, cette démarche comporte aussi des risques — lorsqu’on commence notamment à donner des armes, sans surveillance, à des civils ne faisant pas partie de l'organisation de l'État. Notre Constitution est très claire; nous avons quatre branches. Or, nous en avons maintenant une cinquième qui ne fait pas partie de la Constitution et qui rend directement des comptes au président Chávez. La dernière parade militaire a eu lieu le 19 avril, lors de la célébration civile de nos 200 ans d'indépendance. La célébration principale officielle était un défilé militaire auquel ont participé 30 000 civils armés. La population en était très choquée. L'ancien directeur de la sécurité publique pour les catástrofes [...] a fait une critique juste après cette parade, car la scène était très choquante pour de nombreux militaires. De fait, ils voyaient leurs collègues, ou anciens collègues, marchant et scandant des slogans en faveur de la révolution et du socialisme. Derrière eux, 30 000 civils marchaient avec des armes appartenant à l’État et donc à nous. Il ne s’agissait pas d’un groupe particulier associé à un projet politique[158]. Le Sous-comité a aussi éprouvé de graves inquiétudes devant ce programme gouvernemental conçu pour armer les civils et leur donner une formation militaire, particulièrement dans un contexte de forte charge politique et d’insécurité élevée. Il a donc cherché des explications à ce sujet dans le rapport annuel de 2011 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Il y a trouvé une description du contexte, notamment que la Loi organique sur les Forces armées nationales bolivariennes est entrée en vigueur en octobre 2009 et qu’elle stipule que « la population civile peut être armée et recevoir une formation militaire dans le but de défendre les intérêts politiques du gouvernement[159]. On peut y lire également ceci : En vertu de cette loi, la milice bolivarienne se trouvait créée, ce qui était un élément de la réforme constitutionnelle rejetée. Elle est définie comme un « corps militaire » devant aider les Forces armées nationales bolivariennes à organiser les milices territoriales et les corps de combattants civils dans les organismes publics, le secteur privé, les organisations sociales et les collectivités[160]. Comme l’a indiqué la Commission, les citoyens sont formés par la milice nationale bolivarienne avant de réintégrer la société civile. Selon la Commission, le gouvernement pourrait ensuite appeler ces citoyens à diriger des opérations de sécurité intérieure pour le maintien de la sécurité. Dans les démocraties libérales, l’entraînement militaire est inapproprié pour former une force chargée d’assurer la sécurité intérieure. Ce rôle doit être assumé par une force policière dûment formée en matière de droits de la personne et en services communautaires, notamment, par exemple, en résolution de conflits, et en matière d’enquêtes et de protection des citoyens contre les menaces. Si ces citoyens sont en effet formés par l’armée pour assurer la défense du pays, les membres du Sous-comité sont tout aussi préoccupés par cette pratique. c. Le système de justice pénale et carcéraleLes lacunes du système carcéral et de justice pénale du pays exacerbent l’insécurité des citoyens. Mme McCoy, tout comme d’autres témoins, a déclaré au Sous-comité que les prisons au Venezuela sont « gravement surpeuplées et dangereuses[161] ». Elle a affirmé qu’« il y a eu des épisodes de violence dans les prisons[162]. » M. Rochlin a souligné que la population carcérale « a doublé au cours des onze dernières années, même si les crimes ont monté en flèche[163]. » Mme McCoy a énuméré une série de raisons à cette situation, notamment les lacunes du système judiciaire ainsi que l’actuelle politique en matière de drogues du Venezuela. En ce qui a trait au système judiciaire, elle a révélé qu’il y a « un retard important dans les causes[164] » et que « bien des gens sont en prison dans l’attente de leur procès. La durée de cette détention dans l'attente d'une inculpation ou d'un procès peut parfois dépasser ce que la loi permet, ce qui est […] un problème grave[165]. » La surpopulation pourrait également être une conséquence des mesures énergiques du gouvernement vénézuélien contre les petits délits relatifs à la drogue, ce qui « donne des taux d’incarcération élevés[166] ». De telles politiques ont eu ce genre de conséquence dans plusieurs autres pays de l’hémisphère. 3. CorruptionÀ l’échelle internationale, le Venezuela est l’un des pays les plus corrompus. Par exemple, en 2011, Transparency International l’a placé au 172e rang des 183 États étudiés[167]. Le Sous-comité redoute que l’omniprésence de la corruption au sein de divers secteurs du gouvernement et de ses forces de sécurité ne demeure un problème grave au Venezuela. Cette corruption pourrait entraver toutes les tentatives du gouvernement d’instaurer d’autres réformes et mettre en péril les progrès déjà accomplis. La corruption n’est certes pas un phénomène récent au Venezuela, comme l’indique le rapport de la ICG : Le crime, commun et organisé, n’était nullement absent du Venezuela de la période pré-Chávez, pas plus que ne l’étaient la corruption et l’impunité. En effet, Chávez est arrivé au pouvoir avec le mandat précis de s’attaquer à la corruption envahissante dans les secteurs tant public que privé, et, en particulier, de faire le ménage dans l’appareil judiciaire, qui s’était taillé une réputation de vénalité[168]. Comme l’a expliqué un témoin, la corruption au Venezuela « touche les gens de toutes les classes sociales, que vous ayez affaire à la bureaucratie, aux tribunaux, à la police, etc.[169]. » Un domaine se démarque pourtant dans ce cadre : le lien entre la corruption et le crime organisé. Bon nombre de témoins ont présenté des exemples de collusion entre des acteurs gouvernementaux et des éléments criminels. Toutefois, voilà qui n’est pas rare dans les pays d’Amérique latine, particulièrement là où le trafic de drogues est un gros problème. Le gouvernement a procédé à un certain nombre d’arrestations pour corruption, comme le confirment les nombreux procès mentionnés dans ce rapport. Toutefois, « les supporters du gouvernement Chávez ne sont pas accusés de corruption et il est probable qu'un grand nombre d'entre eux sont aussi coupables que son opposition. Alors, il a été facile pour lui d'accuser sélectivement ses opposants de corruption, mais il y a une règle de deux poids deux mesures[170]. » Le Sous-comité a la ferme conviction que la corruption réduit la capacité et le pouvoir des institutions gouvernementales à prendre des décisions dans l’intérêt public, ce qui, par la suite, réduit leur légitimité et leur soutien public. Elle met également en péril la capacité du gouvernement à offrir les services publics, notamment ceux de la santé, de l’éducation et de l’assistance sociale, nécessaires à l’essor économique et social de la société, et ce, tout en facilitant et en accroissant l’inégalité d’accès aux services et aux biens publics. Par conséquent, les pauvres et les vulnérables sont susceptibles de ressentir avec acuité les effets néfastes de la corruption, car ils risquent davantage de dépendre du soutien public. Le Sous-comité observe que les normes internationales en matière de droits de la personne garantissent l’égalité devant la loi, l’application équitable de la loi pour tous, et le droit à un procès juste. La corruption des organismes de réglementation, de la police, des procureurs et des autorités judiciaires mettent ces droits en péril en permettant à certains individus ou groupes de contourner les dispositions de la loi. La corruption peut également priver des groupes défavorisés de l’accès à la justice et porte ainsi atteinte aux fondements mêmes de la primauté du droit dans une société démocratique. Par conséquent, le Venezuela doit s’assurer d’enquêter sur la corruption et d’y réagir rapidement, efficacement et conformément à la loi, sans égard aux opinions ou aux relations politiques des personnes concernées. 4. ImpunitéPendant un grand nombre d’années, les auteurs de crimes graves, comme les meurtres, les enlèvements, le harcèlement et l’intimidation, ont échappé à la justice. L’incapacité des autorités à faire répondre de leurs actes les auteurs de crimes et de violations des droits de la personne — en particulier lorsque cela implique des acteurs gouvernementaux — enfreint le droit au recours des victimes et exacerbe la situation des droits de la personne au pays. Comme l’a expliqué Mme Marengo : Depuis 20 ans, les violations des droits de la personne commises par les forces de sécurité ne sont pas l'objet d'enquêtes approfondies et, habituellement, on ne traduit personne en justice. En 2008, le bureau du procureur général a candidement admis qu'il avait reçu, seulement entre 2000 et 2007, 6 000 plaintes relativement à de présumés assassinats par la police. Il a annoncé la création d'un groupe spécial d'enquête sur ces affaires, mais aujourd'hui, deux ans plus tard, nous n'avons encore pas de nouvelles sur ces enquêtes[171]. Mme Marengo a exprimé son désarroi devant le manque de volonté politique de la part du gouvernement Chávez de consacrer les ressources nécessaires à des enquêtes adéquates. Le Sous-comité a entendu un grand nombre d’exemples illustrant l’impunité répandue au Venezuela, notamment des cas graves de répression violente commis par les gouvernements précédents. Très souvent, les victimes n’ont droit à aucun recours judiciaire et toute la population est privée d’une enquête indépendante et approfondie. De plus, lorsqu’aucune justice n’est rendue, « plus de gens craignent moins de commettre de tels actes parce qu'ils savent qu'ils risquent moins d'en subir les conséquences[172]. » M. Rochlin a décrit ainsi la gravité du problème : [...] peu importe à qui vous parlez au Venezuela, que ce soit les ONG, les universitaires ou les gens sur la rue, même le gouvernement, l'impunité pour le crime semble un problème énorme et croissant. Les crimes surviennent ou les problèmes surviennent et ils ne font tout simplement pas l'objet d'une enquête ou d'un suivi[173]. Le Sous-comité tient à souligner qu’en vertu du droit international, les États doivent respecter et protéger les droits de la personne à l’intérieur de leurs frontières, et de veiller à ce que tous puissent jouir de ces droits en toute équité. L’une des principales obligations d’un État est d’assurer la sécurité des individus[174]. Ces obligations supposent, de la part de chaque État, la responsabilité d’instaurer des politiques efficaces dans les domaines légal, administratif et judiciaire, d’adopter des mesures éducatives et autres pour prévenir et punir toute violation des droits de la personne par des agents gouvernementaux et les infractions criminelles par des individus. Ainsi, le Venezuela doit veiller à entreprendre des enquêtes efficaces et indépendantes sur les allégations de violations des droits de la personne et de crimes graves, y compris ceux du passé. Leurs auteurs doivent en assumer la responsabilité. Le Sous-comité réitère que selon les normes internationales, le Venezuela doit garantir aux personnes victimes de violations de leurs droits humains par la faute de l’État, ou d’abus commis par des acteurs non étatiques, un accès à des recours efficaces pour faire valoir leurs droits. 5. Protection des personnes désavantagées, vulnérables et marginaliséesLa discrimination peut revêtir plusieurs formes. Selon le droit international, « on entend par « discrimination » toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ou tout autre traitement différencié reposant directement ou indirectement sur les motifs de discrimination interdits, et ayant pour but ou pour effet d’annuler ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un pied d’égalité[175] », des droits humains internationalement reconnus. Les États ont l’obligation de ne pas adopter eux-mêmes un tel comportement et d’empêcher tout harcèlement et discrimination de la part d’acteurs non étatiques. Le droit international en matière des droits de la personne ne tolère pas la promotion d’idées fondées sur la haine et la discrimination, et énonce que tout « appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence sont interdits par la loi[176]. » Ayant été mis au courant d’attaques contre la collectivité juive au Venezuela, le Sous-comité a approfondi cette question. Selon le Rabbin Adam Scheier, de la communauté Shaar Hashomayim, la collectivité juive du Venezuela comptait 24 000 personnes à son apogée il y a dix ans. En juin 2010, il n’y en avait plus que 12 000 et « leur nombre diminue d'année en année[177]. » Le Rabbin Scheier a dit au Sous-comité qu’il y avait eu deux rafles et deux attaques à des établissements de la communauté juive : La rafle de 2004 […] a été effectuée à l'école communautaire juive Colegio Hebraica à 6 h 30 un jour de classe. Trente-cinq policiers, dont un grand nombre étaient armés et masqués, ont tenu les enfants en otage à l'intérieur de l'école dont les portes avaient été verrouillées pendant qu'on fouillait les lieux. Évidemment, la fouille n'a donné aucun résultat tangible. Elle a été infructueuse comme l'a déclaré le gouvernement, mais le message d'intimidation avait clairement été passé. Une rafle semblable a été effectuée en 2007 au Centro Social, Cultural y Deportivo Hebraica, un club social et sportif. Encore une fois, les représentants du gouvernement n'ont rien trouvé à l'intérieur de l'établissement communautaire juif, bien que les membres de la communauté juive craignent que pendant la rafle, le gouvernement ait mis la main sur les dossiers de la communauté juive à partir des ordinateurs du club. En janvier 2009, aux petites heures du matin le jour du sabbat, 15 hommes non identifiés se sont introduits par effraction dans la synagogue Tiferet Israel à Caracas. Ils ont saccagé des bureaux, ils ont écrit des messages de menace sur les murs intérieurs de la synagogue et ils ont profané des objets sacrés. Un mois plus tard, en février, une bombe a été lancée dans la synagogue Beth Shmuel, endommageant la propriété et transmettant un message de menace à la communauté juive[178]. Les attaques de 2009 ont coïncidé avec l’expulsion de l’ambassadeur d’Israël hors du Venezuela par suite de l’intervention militaire israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza. De plus, les menaces inscrites sur les murs de la synagogue étaient « les mêmes mots […] utilisés par Chávez dans ses discours politiques[179]. » Le Sous-comité a pu voir des preuves photographiques de ces messages. Selon le Rabbin Scheier, bien que le gouvernement du Venezuela ait officiellement pris ses distances avec les attaques, il croit que les vandales sont soit « des agents du gouvernement soit des gens qui suivent le leadership très peu subtil du gouvernement. Ni l'une ni l'autre de ces possibilités ne devrait être acceptable pour le Canada et pour la communauté internationale[180]. » Le Rabbin Scheier a poursuivi ainsi : Que ce soit parce qu'il cherche l'admiration d'Ahmadinejad ou de l'Iran ou pour d'autres motifs politiques ou personnels — je ne spéculerai pas —, Chávez a créé un climat de terreur et de peur pour la communauté juive vénézuélienne[181]. Selon ce témoin, « les familles font des préparatifs de départ, pour aller rejoindre ceux qui, nombreux, sont déjà partis[182]. » D’autres témoins ont fait une distinction entre les problèmes de discrimination religieuse et la position géopolitique du gouvernement Chávez. Mme McCoy a déclaré qu’elle n’était pas « certaine qu'il faille y voir de l'antisémitisme à motivation religieuse[183] » ou quelle part de cette discrimination provenait de l’Iran. Selon elle, « c’est plutôt une confrontation politique axée sur la relation entre Israël et les États-Unis et ... Chávez a pris parti pour la cause palestinienne[184]. » Néanmoins, comme l’a affirmé M. Armony, la collectivité juive vénézuélienne a été victime d’intimidation et ces incidents ont été sévèrement critiqués dans un rapport présenté par la Commission interaméricaine des droits de l’homme. En même temps, le témoin voulait démontrer que la société vénézuélienne dans son ensemble n’était pas devenue intolérante. Il a déclaré : […] cette situation exige notre vigilance, mais il serait erroné de parler d'une minorité persécutée ou systématiquement écartée, ou de donner l'impression que la société vénézuélienne serait devenue intolérante. La communauté juive du Venezuela est bien intégrée à la vie nationale et participe activement à l'essor culturel du pays, jouant un rôle de premier plan dans bien des organisations de la société civile[185]. Depuis l’expulsion de l’ambassadeur israélien, le gouvernement du Canada a représenté les intérêts d’Israël au Venezuela, qui sont principalement consulaires. L’Ambassade du Canada au Venezuela suit de près la situation à laquelle la collectivité juive est confrontée. Le Sous-comité a reçu l’assurance que le Canada est intervenu dans le passé pour condamner divers incidents d’antisémitisme qui se sont produits au Venezuela et va continuer à le faire, par l’intermédiaire de son ambassadeur, quand ce sera nécessaire. En avril 2010, des fonctionnaires du MAECI ont déclaré dans leur témoignage que « la coopération entre l'Ambassade du Canada et le gouvernement vénézuélien a été excellente[186] » lorsque le Canada a exprimé ses craintes devant les actes antisémites. Mme Bugailiskis a, quant à elle, déclaré ceci : Notre sécurité a été assurée chaque fois qu'il y a eu un problème et le gouvernement a certainement respecté le fait que nous puissions desservir la communauté juive pendant cette période [...] Nous continuons à surveiller la situation. L'Ambassade rencontre régulièrement des membres de la communauté juive et au cours de sa visite au Venezuela, le ministre Kent a également eu l'occasion de les rencontrer[187]. En ce qui a trait aux attaques dans les synagogues, M. Marder a affirmé : Le gouvernement n'a pas réagi immédiatement, mais quelques jours après l'incident, le ministre des Affaires étrangères est venu à la synagogue rencontrer les membres de la communauté juive. Il y a peut-être eu certaines accusations selon lesquelles le gouvernement aurait orchestré cette attaque, mais je n'en ai vu aucune preuve et je crois que le gouvernement a entrepris une enquête et qu'une ou plusieurs personnes ont été arrêtées[188]. Toutefois, lors de son témoignage devant le Sous-comité en juin 2010, le Rabbin Scheier a affirmé que, bien que des arrestations aient été faites, « un simulacre de justice a été présenté au monde » et il n’y a toujours eu aucun procès en rapport avec ces attaques.[189] En février 2012, M. Reeder (du MAECI) a réitéré l’engagement de son ministère à surveiller la situation de la collectivité juive au Venezuela et à intervenir lors d’actes antisémites : Nous surveillons la question des droits de la personne à l'échelle nationale, mais nous fournissons également des services à la communauté des résidents. Nous encourageons le gouvernement, là-bas, à rejeter et à combattre l'antisémitisme lorsqu'il se manifeste. Mes exemples, pour être justes, portent sur des cas où, sur les ondes du radiodiffuseur public ou dans les médias publics, on faisait référence à Israël de façon dérogatoire et antisémite. Nous avons un ou deux exemples de cette nature. Nous avons également rappelé au président Chávez les mots qu'il a prononcés lorsqu'il a rencontré les dirigeants de la communauté juive, il y a à peine plus d'un an, pour leur dire qu'il avait le plus grand respect pour eux et pour leur contribution. Il a dit publiquement aux membres de son parti que l'antisémitisme était inacceptable. Nous avons fait un suivi, comme je l'ai dit, dans les cas où, sur la chaîne publique de télévision, les journalistes faisaient des commentaires antisémites. J'ai soulevé la question et, ensuite, fait des commentaires sur un chef de l'opposition qui s'appelle Henrique Capriles, à l'égard duquel ont été faits des commentaires antisémites. À l'issue de cela, nous sommes intervenus, par l'entremise de notre ambassadeur à Caracas, auprès du ministère des Affaires étrangères. Dans ce cas précis, il s'agissait d'un article sur un site Web qui a été enlevé suite à l'insistance du Canada. Nous suivons ce dossier de très près et continuerons à exprimer notre opinion lorsque nous verrons se développer de telles situations. Le gouvernement israélien apprécie beaucoup notre rôle dans le pays ainsi que l'aide que nous apportons à la communauté juive[190]. Le droit international protège le droit de tous à vivre sans discrimination. Le Sous-comité désire insister, et dans les termes les plus forts possible, qu’il condamne de façon non équivoque et explicite, tous les actes antisémites perpétrés au Venezuela. Il est fondamental que le gouvernement du Venezuela prenne des mesures énergiques non seulement pour faire une enquête, mais également pour punir les actes d’antisémitisme et il est tout aussi essentiel que le gouvernement ne favorise pas un environnement propice à un sentiment antisémite. Comme l’a fait remarquer M. Armony, « les paroles batailleuses d'un leader charismatique, nous le savons très bien, peuvent devenir, chez certains, les mots d'ordre d'une conduite pernicieuse[191]. » Le Sous-comité rappelle que le droit international exigent de porter une attention spéciale aux besoins des groupes particulièrement vulnérables, comme les minorités ethniques et religieuses. Certains témoins hésitaient à imputer ces attaques contre la collectivité juive à de la discrimination institutionnalisée. Toutefois, vu la popularité du président Chávez au Venezuela, le Sous-comité craint que sa rhétorique antisémite n’ait comme conséquence involontaire de provoquer de la violence contre la collectivité juive. Le Sous-comité rappelle que, en vertu du droit international, il incombe au Venezuela de prévenir la violence contre des groupes minoritaires, et de poursuivre en justice et de punir les auteurs de cette violence lorsqu’elle survient. Par conséquent, le Sous-comité réclame que le gouvernement du Canada demande au gouvernement vénézuélien de respecter son engagement international d’assurer que tous les citoyens vivent sans discrimination fondée sur la religion, l’appartenance ethnique ou d’autres critères. Un Venezuela prospère et démocratique ne doit laisser aucune place à l’antisémitisme. 6. Préoccupations en ce qui a trait aux droits sociaux, économiques et culturelsLe Sous-comité craint l’érosion des progrès accomplis par le Venezuela en matière de droits sociaux et économiques, et ce, à cause d’un certain nombre de raisons, notamment à cause des inefficacités et de la corruption au sein des organismes gouvernementaux responsables de la prestation des programmes sociaux, ainsi que de la conjoncture économique actuelle du pays. Selon Mme Bolivar Osuna, son organisation, PROVEA, et une autre ONG vénézuélienne, Espacio Público, ont signalé que « le nombre de protestations pacifiques a presque doublé entre 2006 et 2009[192] ». « [L]a plupart des manifestations portent sur des revendications dans des domaines tels que l'éducation, la santé et les services. Alors, il est évident que les gens ne sont pas très heureux des résultats[193] », a-t-elle poursuivi. M. Rochlin a affirmé au Sous-comité que « l'accès aux soins de santé et aux programmes sociaux [est] plus facile », mais il s’accompagne de « beaucoup de bureaucratie[194] ». M. Graham a soutenu que « le gouvernement est aux prises avec l'incompétence et la corruption généralisée. » M. Reeder, quant à lui, a poursuivi ainsi : [...] on l'a vu dans un certain nombre de ministères, ils deviennent moins efficaces dans leurs activités et vous voyez des gens à des postes supérieurs [qui ne sont pas des professionnels, mais qui s’y trouvent pour d’autres raisons], notamment idéologiques, ce qui finit par avoir des retombées sur les ministères[195]. La détérioration de l’économie du pays a sans doute contribué à la hausse de l’insatisfaction. M. Graham a déclaré : Les secteurs économiques non liés au pétrole périclitent, notamment ceux de l’énergie électrique, de la fabrication et de l’agriculture. Au cours des deux dernières années, même le secteur pétrolier a connu un ralentissement. L’inflation s’envole comme nulle part ailleurs en Amérique latine. L’économie est en lambeaux. Ces aspects négatifs se répercutent principalement sur la vie des Vénézuéliens[196]. Le Venezuela a accompli d’importants progrès en matière de développement social et économique. Comme les témoins l’ont exprimé, le gouvernement doit multiplier ses efforts pour lutter contre la corruption dans ses propres institutions d’une façon non partisane, tout en poursuivant son essor, malgré l’instabilité économique au pays et dans le monde entier. Partie 3 – Considérations géopolitiques et les droits de la personne1. Le bilan du Venezuela en matière de droits de la personne dans le contexte régional et internationalDans le but de présenter le contexte régional au Sous-comité, bon nombre de témoins ont comparé la situation des droits de la personne au Venezuela à celle d’autres pays de l’Amérique latine, notamment de la Colombie. Ils ont rappelé que les divers problèmes reliés à la gouvernance démocratique et aux droits de la personne que l’on observe au Venezuela hantent la région depuis longtemps, peu importe le parti politique au pouvoir. Par exemple, M. Armony a dit ceci au Sous-comité : Dans le contexte latino-américain, la présidence messianique, soutenue populairement mais autoritaire dans son exercice et visant à se perpétuer dans le pouvoir, a une fâcheuse tendance à revenir, et ce, dans ses différentes versions, qu'elles soient conservatrices, néolibérales ou socialistes[197]. Pour certains observateurs, « le jeu politique au Venezuela, même en considérant les nombreux dérapages et le climat d'agressivité qui s'est installé dans les rapports avec l'opposition, demeure acceptable à l'aune des standards régionaux[198]. » En conséquence, « cela ne nous autorise pas à déclarer de l'extérieur cette démocratie, plus que d'autres en Amérique latine, en danger imminent[199]. » Il est possible d’observer dans plusieurs autres pays de la région des tendances inquiétantes, comme la concentration du pouvoir au sein de l’exécutif, la criminalisation de la contestation sociale et la violence contre les défenseurs des droits de la personne. M. Rochlin a soutenu qu’il est important d’avoir un point de référence lorsqu’on regarde la situation des droits de la personne au Venezuela : « lorsque vous comparez n'importe quel pays d'Amérique du Sud ou d'Amérique latine au Canada, la comparaison ne tiendra pas la route[200]. » Selon lui, le point de référence qui s’impose naturellement est la Colombie, pays voisin du Venezuela, qui « a une géographie semblable, une taille semblable, une population semblable et un PIB semblable[201] : Tout le monde vous dira que lorsque vous examinez les droits de la personne en Colombie, du côté positif, la situation s'améliore. La situation en Colombie est plus sûre qu'elle ne l'a jamais été, et je travaille en Colombie depuis 1987. Mais en même temps, la situation des droits de la personne en Colombie est absolument déplorable. On a déplacé de force 286 000 personnes l'an dernier, 21 syndicalistes ont été assassinés l'an dernier et 90 p. 100 des forces paramilitaires en Colombie qui se sont rendues aux autorités n'ont pas fait l'objet d'une enquête. Il y a eu toutes sortes de scandales et je pourrais continuer ainsi longtemps. Si on examine la situation des droits de la personne au Venezuela, et que l'on remet les choses en contexte, je dirais en toute objectivité que la situation est bien pire en Colombie[202]. Même si la situation des droits de la personne est sans doute pire en Colombie, il y a une différence importante dans l’approche des deux gouvernements envers tant la critique que les offres d’aide de la part de la communauté internationale. Comme l’a fait remarquer M. Graham, la Colombie « accueille la communauté internationale. Elle a accueilli l'ONU et des organisations internationales; elle s'est ouverte sur le monde. Le gouvernement de la Colombie est bien plus transparent et nous recevons toujours davantage de nouvelles impartiales sur ce qui se passe au pays[203]. » Le gouvernement du Venezuela collabore aussi avec les mécanismes de protection des droits de la personne de l’ONU, ce qui signifie, entre autres, d’inviter les rapporteurs spéciaux de l’ONU à faire des évaluations au pays et d’appuyer le rôle de l’examen périodique universel devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Toutefois, il n’a pas permis à la Commission interaméricaine des droits de l’homme d’effectuer des enquêtes sur le sol vénézuélien, il a rejeté des jugements de la Cour interaméricaine et a menacé en plusieurs occasions de se retirer de la Commission interaméricaine des droits de l’homme[204]. Le 4 mai 2012, l’ONU a exprimé sa préoccupation devant l’annonce qu’a récemment faite le gouvernement du Venezuela de sa décision de mettre sur pied un comité qui évaluerait la possibilité de se retirer de la Commission interaméricaine des droits de l’homme [Commission interaméricaine des droits de l’homme][205] ». Lors d’un point de presse à Genève, le porte-parole du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a souligné « les liens de longue date entre le Haut-commissariat et la CIDH [Commission interaméricain des droits de l’homme][206] » ainsi que « la collaboration entre le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et les experts de la CIDH dans des questions liées à la liberté d’expression, la torture et les droits ancestraux, notamment[207]. » Les organes des droits de la personne de l’ONU se sont prononcés à maintes reprises de la même façon que la CIDH, notamment en ce qui a trait au cas de la juge Afiuni. Le gouvernement du Venezuela a été instamment prié de continuer à coopérer avec les mécanismes de protection des droits humains tant régionaux qu’internationaux et de ne pas adopter de « mesures qui mineraient la protection des droits de la personne, non seulement au Venezuela, mais aussi partout dans le continent, par suite de ramifications négatives potentielles[208]. » Le président Chávez a aussi été un ardent partisan de nouvelles organisations régionales qui excluent le Canada et les États‑Unis, comme UNASUR, Union des nations sud-américaines, et la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes. Selon Mme McCoy, l’Organisation des États américains demeure encore la seule organisation régionale à avoir une capacité bureaucratique étendue et le système interaméricain des droits de la personne. Elle prie le Canada de continuer à protéger ces mécanismes, car ils constituent « un vrai joyau de l’hémisphère[209] ». Selon les témoins qui ont comparu devant le Sous-comité, par ces comparaisons régionales, on ne vise pas à suggérer au gouvernement du Canada de s’abstenir de commenter la situation des droits de la personne au Venezuela ou de réduire ses attentes relativement aux normes des droits de la personne dans la région. Plutôt, le Sous-comité désire ainsi illustrer que les restrictions imposées à la liberté d’expression et autres violations des droits de la personne dans la région ont eu tendance à transcender l’idéologie politique de l’État. C’est également grâce à ces comparaisons régionales qu’il est possible aux observateurs de constater jusqu’où le Venezuela est allé en matière de droits sociaux et économiques. C’est avec ce contexte à l’esprit que les témoins ont souligné la nécessité pour le gouvernement du Canada de conserver son attitude équilibrée lorsqu’il s’agit d’affronter le Venezuela sur son bilan en matière de droits de la personne. 2. Relations régionales et internationales du Venezuelaa. Relations avec la ColombiePar ses politiques étrangères et ses relations avec la Colombie et d’autres pays, le gouvernement Chávez a soulevé de graves inquiétudes à l’échelle internationale, notamment à cause de leur impact possible sur la situation des droits de la personne au pays. Le Sous-comité partage chacune de ces inquiétudes. D’une perspective régionale, bon nombre de témoins ont souligné la relation tendue qui existe entre le Venezuela et la Colombie, ainsi que son incidence sur la sécurité des citoyens des deux pays. Des témoins affiliés à Hands Off Venezuela ont déclaré au Sous-comité que les Vénézuéliens craignent sérieusement que la Colombie n’envahisse leur pays. De plus, devant l’augmentation du nombre de bases militaires en Colombie et à Panama par les États-Unis, les Vénézuéliens « ont l'impression d'être menacés et encerclés[210] […]. » Toutefois, d’autres témoins ont affirmé qu’un véritable conflit armé entre le Venezuela et la Colombie est improbable. Par exemple, Mme McCoy a fait remarquer que « [...] grâce au rapprochement, nous commençons à voir une plus grande coopération entre le Venezuela et la Colombie[211] », particulièrement en ce qui a trait à la sécurité des personnes. Selon M. Rochlin, le Venezuela et la Colombie « dépendent économiquement l'un de l'autre[212] » sur le plan du commerce, légal comme illicite. Mme Bolivar Osuna a également souligné les relations culturelles et personnelles étroites qui unissent les deux pays : « Les gens ne sont pas prêts à partir en guerre contre la Colombie. Nous avons tous des amis et de la famille en Colombie. Ma grand-mère venait de la Colombie[213]. » Ces deux témoins ont indiqué qu’il est pratique pour les gouvernements de s’inventer un ennemi extérieur lorsque « leur popularité s’effrite[214] », car cela leur permet d’« incriminer quelqu’un d’autre pour [leurs] propres problèmes[215] ». b. Relations avec l’IranLe président Chávez et le président d’Iran Mahmoud Ahmadinejad ont tissé des liens étroits. Compte tenu des politiques internationales et du bilan en matière des droits de la personne de ce dernier, particulièrement à l’égard d’Israël (qui ont fait l’objet du rapport de 2010 du Sous-comité, sous le titre L’Iran d’Ahmadinejad : une menace pour la paix, les droits de la personne et le droit international), les membres s’inquiètent de la nature de ces liens et des possibles ramifications sur les droits humains au Venezuela. M. Graham a fait remarquer que « les échanges commerciaux et les investissements entre le Venezuela et l'Iran sont très importants[216]. » Selon Mme McCoy, les liens entre l’Iran et le Venezuela remontent à la cofondation de l’OPEP dans les années 1960. Le président Chávez a exploité ces liens étroits dans le cadre d’une stratégie internationale plus vaste. Elle explique : Une partie de la stratégie d'Hugo Chávez, depuis qu'il a accédé au pouvoir en 1999, consiste à changer la structure au niveau planétaire pour atténuer le rôle et la domination des États-Unis comme puissance dans le monde et dans la région. C'est sa stratégie : créer un monde pluripolaire. Il l'a appliquée au moyen d'une stratégie Sud-Sud, notamment, essayant d'assurer une plus grande intégration à l'intérieur de l'Amérique latine et surtout en Amérique du Sud, mais en tendant aussi la main à d'autres pays du Sud ou en développement. Ainsi, il s'est aussi tourné vers des pays qui sont particulièrement considérés des parias ou qui prennent le contre-pied des États-Unis. Il n'y a pas que l'Iran. Il y a aussi la Russie et le Bélarus, il y a eu la Libye et aussi Saddam Hussein, en Irak[217]. M. Reeder a décrit cette relation de la façon suivante : [...] il s'agit de deux gouvernements très isolés du reste du monde. Ils manquent d'appuis et de partenaires. Ce sont des gens en marge des relations internationales qui cherchent des amitiés et des liens, soit sur le plan du commerce, soit sur le plan des relations. Cela fait des cercles tout petits. Je pense que cela reflète la réalité[218]. Les membres du Sous-comité s’inquiètent toutefois des répercussions de ces liens, particulièrement en ce qui concerne leurs effets sur le programme d’armes nucléaires de l’Iran. Mme McCoy a souligné que même si le président Chávez « défend haut et fort le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire, par exemple, il n'est pas en faveur du droit aux armes nucléaires[219]. » C’est peut-être vrai, mais il s’avère que le président Chávez évite les sanctions de l’ONU instaurées pour faire pression sur l’Iran pour qu’elle mette fin à son programme d’armes nucléaires. Mme McCoy donne deux exemples à ce sujet : Je crois comprendre que le Venezuela a fourni des composantes de l'essence, pour lesquelles les États-Unis ont imposé une sanction légère il y a un an contre le Venezuela et à quelques sociétés dans le monde, y compris une société israélienne. Ces composantes étaient fournies à l'Iran. Cela aide l'Iran, qui a besoin d'essence, car elle ne raffine pas son propre pétrole. L'autre sujet de préoccupation concerne les banques, le secteur financier. Les banques iraniennes auraient un accès, par l'entremise de filiales vénézuéliennes, afin de contourner des tentatives de contrôle de la capacité financière de l'Iran[220]. Le Sous-comité craint que les liens entre ces deux États ne favorisent les violations et les abus des droits de la personne en Iran parce que la pression exercée sur le régime iranien par les sanctions et la diplomatie internationale s’en trouve réduite. Partie 4 – Les politiques et les programmes du gouvernement du CanadaDes représentants du MAECI ont comparu à deux reprises devant le Sous-comité pendant l’étude. Ils ont présenté un aperçu des politiques du Canada à l’égard du Venezuela et ont expliqué que le gouvernement, par l’entremise de son ambassade à Caracas, surveille de près la situation des droits de la personne dans ce pays. Le Canada est, de plus, un participant actif régionalement, au sein de l’OAE. Selon M. Reeder, le Canada a noué d’importants liens commerciaux avec le Venezuela : Le Venezuela est classé comme la principale destination des exportations agroalimentaires du Canada en Amérique centrale et en Amérique du Sud et le quatrième partenaire commercial général du Canada en Amérique latine et dans les Antilles, mis à part le Mexique. Le commerce bilatéral de marchandises s'est chiffré à 1,3 milliard de dollars en 2010, et ce montant incluait des exportations canadiennes se chiffrant à 559 millions de dollars[221]. Selon Mme Bugailiskis, « [l]e Canada continue de tenter d'engager un dialogue avec le gouvernement du Venezuela ainsi qu'avec la société civile sur certaines questions relatives aux droits de la personne, à la démocratie et à la primauté du droit[222]. » En janvier 2010, l’honorable Peter Kent, alors ministre d’État aux Affaires étrangères, s’est rendu au Venezuela, « mais aucun de ses homologues vénézuéliens n'a été en mesure de le rencontrer[223]. » M. Graham, ancien ambassadeur du Canada au Venezuela, a déclaré dans son témoignage que « [s]ur le plan bilatéral, nous ne pouvons exercer aucune influence sur le président Chávez », car « pour ainsi dire, [il] ne se laisse pas approcher par nos gens[224]. » L’Ambassade réussit toutefois à rejoindre d’autres parties de la société. Les ONG au Venezuela reçoivent de l’aide financière grâce à deux programmes du gouvernement canadien : le Fonds canadien d’initiatives locales verse de l’argent pour travailler sur « des enjeux prioritaires comme les droits de la personne, la démocratie, la transparence et les pratiques de saine gestion publique », tandis que le Programme Glyn Berry subventionne des travaux reliés à « l'efficacité et la transparence de l'administration publique, la formation pour et sur les médias et la participation électorale[225]. » Pour pouvoir apporter son soutien et pour renforcer la visibilité des défenseurs des droits de la personne au Venezuela, le gouvernement du Canada a créé le Prix pour les droits de la personne de l’Ambassade du Canada de la République bolivarienne du Venezuela. En 2009, c’est M. Humberto Prado Sifontes, directeur de l’Observatoire des prisons vénézuéliennes, une ONG qui documente les cas de violation des droits des personnes incarcérées au Venezuela et fait la promotion de leurs droits. En 2011, M. Prado Sifontes et sa famille ont été soumis à de l’intimidation et ont reçu des menaces de mort après que deux émeutes massives dans des prisons ont fait 22 morts. Le gouvernement l’a alors accusé de travailler avec des opposants politiques pour orchestrer la violence dans le but de créer le chaos dans les prisons et de déstabiliser le gouvernement [226]. M. Reeder a annoncé qu’en 2012, le prix était remis à Raúl Cubas, l’un des fondateurs de PROVEA, une ONG qui a témoigné devant le Sous-comité pendant son étude. Tout « en faisant la lumière sur le travail des défenseurs des droits de la personne », le prix permet au récipiendaire « de rencontrer les parties intéressées du Venezuela et du Canada[227]. » Le gouvernement du Canada a également fait des déclarations publiques sur les mesures prises par le gouvernement du Venezuela pour restreindre la liberté d’expression, comme les mesures administratives qui ont été prises contre les médias pour ce qui a semblé des raisons politiques, et sur l’arrestation de l’ancien gouverneur d’État Oswaldo Álvarez Paz, par suite de commentaires qu’il est présumé avoir tenus lors d’une émission-débat vénézuélienne. De plus, comme énoncé précédemment, l’Ambassade du Canada se tient au courant de la situation de la collectivité juive; elle est intervenue lors d’actes violents commis contre la collectivité juive du Venezuela et lors de commentaires antisémites tenus publiquement soit par des membres des médias, soit par des représentants du gouvernement. En ce qui a trait aux liens du Venezuela avec l’Iran, le MAECI a fait remarquer, dans le cadre d’une correspondance de suivi avec le Sous-comité, que « le Venezuela connaît très bien l’opinion du Canada sur le programme nucléaire de l’Iran, particulièrement sur les activités ayant de potentielles dimensions militaires[228]. » Dans cette même déclaration, il poursuit ainsi : « Le Canada invite tous les membres de la communauté internationale de prendre des mesures diplomatiques ciblées contre l’Iran pour convaincre le régime iranien de se conformer entièrement aux obligations de non-prolifération[229]. » Le Canada joue aussi un rôle très actif à l’échelle régionale et internationale en ce qui concerne la situation des droits de la personne au Venezuela. Comme M. Reeder l’a expliqué : À l'Organisation des États américains (OEA), le Canada continue de défendre vigoureusement l'intégrité et l'autonomie de l'institution des droits de la personne régionale affiliée à l'OEA, notamment par la fourniture d'une aide financière et autre au cours des dernières années à la Commission interaméricaine des droits de l'homme, à l'Institut interaméricain des droits de l'homme, à l'Institut interaméricain de l'enfant et au Rapport spécial de l'OEA pour la liberté d'expression. Le Canada continue d'appuyer et de faire progresser la mise en œuvre intégrale de la Charte démographique interaméricaine qui a été signée à Québec en 2001 et dont on a célébré le 10e anniversaire l'automne dernier. Il dirige la démarche d'adoption d'une résolution sur cette question chaque année et continue de militer en faveur de mesures pour faire avancer cette cause, notamment la nomination d'un rapporteur indépendant de l'OEA pour la démocratie et l'établissement d'un recueil régional des pratiques exemplaires démocratiques[230]. Le Canada se heurte à quelques problèmes au sein du système interaméricain. D’abord, il n’est pas partie à la Convention américaine relative aux droits de l’homme, et les États‑Unis non plus. C’est pourquoi, comme le souligne Mme McCoy, « il leur est [...] plus difficile de se prononcer[231] » sur la nécessité pour les pays de l’hémisphère de respecter les décisions de la Cour américaine, par exemple. De plus, selon M. Graham, « la charte [démocratique interaméricaine] était dénuée de moyens de veiller à son application et de s'attaquer aux violations des principes constitutionnels, » ce qui est « le moyen utilisé par certains gouvernements pour contourner le processus démocratique[232]. » Certains gouvernements et l’OEA elle-même ont choisi « les parties de la charte dont ils souhaitaient la mise en œuvre[233]. » Des présidents comme M. Chávez, ont retenu les articles qui protègent contre les coups d’État militaires tout en faisant fi de ceux qui parlaient de séparation des pouvoirs, de mesures de contrôle et de liberté d’expression. Mme Bugailiskis fait remarquer que les politiques et les programmes du gouvernement du Canada au Venezuela et dans la région en général s’harmonisent avec ses priorités dans les Amériques qui engagent le Canada à préconiser trois objectifs : la gouvernance démocratique, la prospérité et la sécurité. De plus, le Canada est résolu à renforcer les relations bilatérales et les organisations régionales. En ce qui concerne le Venezuela précisément, on peut penser à l’appui du Canada au Centre Carter (le Carter Center for Advancing Human Rights and Alleviating Suffering) qui « a animé une série d’ateliers avec des journalistes et des professionnels des médias où il a été question de la polarisation politique dans les médias vénézuéliens[234]. » En outre, le Canada et le Venezuela entretiennent des liens universitaires étroits. Comme l’a indiqué M. Graham, les écoles canadiennes ont du succès auprès des Vénézuéliens et « plusieurs universités du Venezuela proposent un programme d'études canadiennes[235]. » De plus, l’Ambassade facilite le travail des entreprises canadiennes du secteur pétrolier au Venezuela. Sur le plan international, le Canada a fait une déclaration et présenté des recommandations au Venezuela lors de l’examen périodique universel de ce dernier par le Conseil des droits de l’homme en octobre 2011[236]. M. Reeder a décrit succinctement le processus ainsi : Parmi les 148 recommandations formulées [par tous les États], le Venezuela en a immédiatement accepté 95, rejeté 38 et reporté 15 à une étude ultérieure. Le Canada a proposé au total huit recommandations concernant le Venezuela à son examen. [...] Je résumerai brièvement ces recommandations : consolider les droits des femmes et des personnes appartenant aux groupes vulnérables; classer par ordre de priorité les réformes du système d'exécution de la loi et de l'appareil judiciaire; promouvoir la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique; assurer l'autonomie de l'appareil judiciaire; éliminer la criminalisation de l'outrage et de la diffamation à l'égard des médias; appuyer les activités des défenseurs des droits de la personne et des organisations non gouvernementales par une reconnaissance publique positive; s'assurer les défenseurs des droits de la personne aient un accès continu au financement international et assurer un processus participatif et inclusif par rapport à la société civile. Le Venezuela a accepté deux des recommandations du Canada: celles qui appuient les activités des défenseurs des droits de la personne et des ONG indépendantes et qui consolident les droits des femmes et des personnes appartenant aux groupes vulnérables. Il a rejeté les six autres[237]. Pendant sa présentation, le Canada « a pris acte des progrès réalisés en matière de réduction de l’extrême pauvreté et d’accès à l’éducation, et a accueilli avec satisfaction l’engagement du pays en faveur de l’égalité et de la non-discrimination ainsi que l’action qu’il menait pour professionnaliser la police[238]. » De plus, dans leur témoignage au Sous-comité, les représentants du MAECI ont énuméré les réalisations du gouvernement du Venezuela en ce qui a trait à la situation des droits de la personne au pays. Le Sous-comité remarque que cette attitude équilibrée dans le dialogue avec le Venezuela sur son bilan en matière de droits de la personne est importante et elle doit se poursuivre. Il faut noter que, comme l’ont souligné plusieurs témoins, bon nombre de pays des Amériques sont confrontés à des problèmes relatifs aux droits de la personne similaires à ceux du Venezuela, voire pires. Le Canada doit continuer à garder contact avec ces pays au sujet de leur bilan en cette matière. Le Sous-comité croit que le gouvernement du Canada devrait continuer à adopter une attitude équilibrée en matière de droits de la personne dans la région. Par exemple, le Canada a fait une déclaration et a présenté des recommandations à la Colombie et au Honduras lors de leur examen périodique annuel. En ce qui concerne la Colombie, le gouvernement du Canada a mentionné, entre autres, la nécessité de poursuivre en justice les auteurs d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de déplacements forcés. Le Canada a également noté que les groupes paramilitaires poursuivent leurs actions et leurs atrocités contre la population colombienne, et que la violence à caractère sexiste demeure inquiétante. Le Canada a présenté des commentaires et des recommandations à la Colombie et au Honduras similaires à ceux qu’il a inscrits à l’examen périodique universel du Venezuela, notamment la nécessité pour ces deux gouvernements de lutter contre l’impunité et d’assurer la protection des journalistes et des défenseurs des droits de la personne. Comme mentionné précédemment, le président du Sous-comité a eu le plaisir de rencontrer l’ancienne ambassadrice du Venezuela au Canada, Son Excellence Jhannett Madriz Sotillo avant son retour au Venezuela comme juge de la Cour suprême. Malheureusement, elle n’a pas encore été remplacée à ce poste et le Venezuela « est actuellement représenté au Canada par un chargé d'affaires[239]. » Selon M. Reeder, le gouvernement du Canada espère « qu'un ambassadeur puisse être nommé dans un avenir prochain[240]. » Partie 5 – Conclusions et recommandations du Sous-comitéLe Sous-comité remarque que le gouvernement du Venezuela s’efforce de faire progresser la situation socioéconomique, grâce auxquels le pays a amélioré la vie d’un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants, et contribué à renforcer les droits sociaux et économiques dans le pays. Certains progrès ont aussi été accomplis dans le domaine de certains droits civils et politiques, ce qui a augmenté le niveau de participation chez ceux qui appartiennent aux strates les plus pauvres de la population du pays, auparavant largement exclus du processus démocratique. En dépit de ces réalisations, le Sous-comité éprouve toujours de vives inquiétudes et est d’avis que le bilan global du gouvernement du Venezuela en matière de droits politiques et civils demeure très faible. Le Sous-comité a appris que certains révolutionnaires d’Amérique latine « se sont servis de la santé et de l'éducation comme outils de transformation [...] si les besoins sociaux sont satisfaits, les libertés démocratiques ne sont pas importantes[241]. » Toutefois, comme l’a fait remarquer Mme Burns, « il n'y a aucune raison pour ne pas promouvoir les programmes sociaux en même temps que des changements au système de gouvernance, pour la consolider[242]. » En fait, le Sous-comité croit que les programmes conçus pour répondre aux besoins sociaux exigent une saine gouvernance démocratique, sinon les progrès réalisés sur le plan des droits sociaux et économiques seront difficiles à maintenir. Le lien entre gouvernance démocratique et droits de la personne est évident. Une saine gouvernance démocratique comporte comme principaux éléments la liberté de parole, l’accès au pouvoir, l’exercice du pouvoir dans le respect de l’état de droit, la séparation des pouvoirs, et la transparence et la reddition de comptes dans l’administration publique. Or, ces éléments sont actuellement en péril au Venezuela. Il est clair pour le Sous-comité que l’érosion de ces programmes sociaux est déjà amorcée. La majorité des témoins ont déclaré que le mécontentement et l’agitation augmentaient au Venezuela malgré les changements positifs sur le plan socio-économique. Parmi ceux qui ont exprimé leur insatisfaction, certains ont été l’objet d’intimidation et, parfois, été emprisonnés. On y retrouve des personnes qui appuient fondamentalement les buts du gouvernement. Des lois ont été instaurées pour accroître la concentration du pouvoir autour du président, pour restreindre encore davantage la liberté d’expression et pour limiter le financement étranger aux organisations de la société civile, « dressant des obstacles à l'ouverture du débat au lieu de favoriser le compromis et la collaboration[243]. » Cette concentration du pouvoir a servi à saper encore plus un appareil judiciaire déjà faible, ce qui a fait obstacle au développement d’institutions judiciaires indépendantes et impartiales, capables de protéger les droits de la personne et de donner accès à la justice à la population du Venezuela. L’insécurité des citoyens est profondément polarisée sur le plan politique. Cette polarisation continue à contribuer au manque d’indépendance et d’intégrité professionnelle des médias. Les restrictions et les représailles contre les médias menacent le droit à la liberté d’expression, ce qui inclut le droit de recevoir et de communiquer de l’information. La rhétorique agressive du gouvernement incite les acteurs tant étatiques que non étatiques à la violence contre les journalistes, les défenseurs des droits de la personne et tous les autres qui défient ou critiquent le gouvernement. Le Sous-comité est convaincu que le langage incendiaire utilisé par le président et ses représentants contre Israël a contribué à accroître les attaques contre la collectivité juive du pays. Les détracteurs du gouvernement ont, eux aussi, commis leur part d’abus, particulièrement pendant la tentative de coup d’état de 2002, le référendum sur la destitution du président en 2004 et, plus récemment, les manifestations. L’insécurité des citoyens au Venezuela nuit à la capacité de tous de jouir de leurs droits et libertés. Le Sous-comité est particulièrement préoccupé par la présence d’armes dans les mains de groupes privés et armés favorables à l’État et par le rôle que joue le gouvernement, par l’entremise des militaires, dans la formation et l’armement de milices civiles pour assurer le maintien de l’ordre civil. La sécurité civile est un sujet de préoccupation grave particulièrement jusqu’aux élections du 7 octobre 2012. Le paysage politique semble être dans un état de changement perpétuel. L’Opposition a tenu ses toutes premières élections primaires et a élu Henrique Capriles comme candidat contre le président Chávez. La capacité de M. Capriles à unir les partis d’opposition demeure à prouver. De plus, le président Chávez a connu des problèmes de santé constants et personne ne peut en évaluer avec certitude les conséquences sur sa capacité à se présenter aux élections d’octobre. Et, enfin, il existe des divisions parmi les partisans de Chávez : certaines factions croient que Chávez a mis du temps à mettre en œuvre les buts de la révolution. Le Sous-comité se demande avec inquiétude si la situation en matière de sécurité ne risque pas de s’empirer dans ce climat politique déjà fortement polarisé. Il espère sincèrement que les élections demeureront libres, justes et sans violence. Finalement, c’est à cause de l’incapacité ou du manque de volonté du gouvernement à s’attaquer à la corruption et à l’impunité, deux problèmes chroniques au Venezuela depuis des dizaines d’années, qu’ont pu se poursuivre les violations graves des droits de la personne et que risquent de s’éroder les progrès accomplis par le gouvernement dans son bilan des droits de la personne, notamment en ce qui a trait aux droits sociaux et économiques. L’exemple suivant illustre parfaitement les inquiétudes du Sous-comité à l’égard de la corruption et de l’impunité au pays. Nous avions appris que le juge présidant le procès de la juge Afiuni, en plus d’appartenir au proche entourage du président, n’avait pas été nommé selon la procédure normale en vertu de la loi vénézuélienne; de plus, ce procès ne lui avait pas été assigné par le système de distribution électronique normal. Les membres du Sous-comité ont appris avec stupeur que ce même juge est responsable des procès contre les auteurs des attaques à la bombe contre une synagogue importante de Caracas et des attaques contre les médias et les journalistes[244]. Le droit international protège un vaste éventail de droits de la personne et plusieurs ne sont pas abordés dans la présente étude. En particulier, le Sous-comité a entendu peu de témoignages sur les droits des peuples autochtones, les droits en matière d’orientation et d’identité sexuelles, ou encore le droit à la propriété. Malheureusement, il possède donc trop peu de données sur lesquelles baser des conclusions. En fin de compte, chaque État a la responsabilité et le devoir fondamentaux d’assurer le respect, la protection et la mise en œuvre de tous les droits humains dans son territoire[245]. Cette obligation implique la création des conditions nécessaires et la mise en œuvre de garanties légales requises pour assurer que chaque personne sur son territoire, individuellement et en association avec d’autres, puisse jouir de ses droits en pratique. Cela signifie aussi que l’État rende accessibles et efficaces les recours en cas de crime et de violation de droits humains. Le Sous-comité insiste sur le fait que la jouissance d’un droit humain est inextricablement liée à celle des divers autres. Les droits civils et politiques vont être gravement menacés dans des situations d’inégalités et de pauvreté persistantes. Pourtant, ce n’est pas possible d’atteindre la justice et le développement social ainsi qu’un niveau de vie adéquat pour tous si chaque individu ne peut exprimer son désaccord et vivre sans discrimination ou en l’absence de démocratie pluraliste, de primauté du droit et de sécurité civile. Le président du Sous-comité a eu l’occasion de rencontrer l’ancien ambassadeur du Venezuela au Canada et M. Calixto Ortega, député à l’Assemblée nationale du Venezuela. Ce dialogue même et la volonté qu’ils ont exprimée envers la protection de tous les droits de la personne au Venezuela donnent espoir au Sous-comité. Les membres du Sous-comité insistent sur le fait que les normes relatives aux droits de la personne énoncées dans le présent rapport, normes reconnues à l’échelle internationale, sont également des droits inscrits dans la constitution du Venezuela. Le Sous-comité espère qu’à l’avenir, le gouvernement du Venezuela respectera et protégera les droits civils et politiques de toute la population, y compris le droit d’obtenir des réparations pour les actes de violence du passé, tout en continuant à cheminer vers la réalisation des droits sociaux, économiques et culturels. Le gouvernement du Canada a comme défi constant de continuer à trouver des occasions de dialogue, bilatéral, régional ou international, avec le gouvernement du Venezuela au sujet de son bilan et de ses obligations en matière de droits de la personne, tout en conservant son attitude équilibrée pour ne pas contribuer à la polarisation et à la politisation des droits humains dans le pays et dans la région. Le Sous-comité félicite le gouvernement du Canada pour son attitude équilibrée, mais ses membres croient qu’il est possible d’en faire encore davantage pour soutenir le peuple vénézuélien dans ses efforts pour parvenir à une démocratie dynamique et pleinement opérationnelle. 1. Recommandations du Sous-comitéRECOMMANDATION 1 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue à établir un dialogue, bilatéralement ou multilatéralement, avec le gouvernement du Venezuela sur les questions de droits de la personne en adoptant une attitude équilibrée, reconnaissant ainsi les réalisations positives de son administration, tout en continuant à demander instamment au gouvernement du Venezuela de faire valoir la primauté du droit et de garantir l’égale protection de tous les droits de la personne, y compris des droits civils et politiques. RECOMMANDATION 2 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’interagir directement, dans les enceintes bilatérales ou multilatérales, avec tous les gouvernements des Amériques sur leur bilan et leurs obligations en matière de droits de la personne. RECOMMANDATION 3 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada exploite son statut de partenaire commercial pour rappeler au gouvernement du Venezuela de respecter sa propre constitution ainsi que les normes démocratiques des organisations de défense des droits humains régionales et internationales auxquelles il est partie. RECOMMANDATION 4 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue à soutenir financièrement les défenseurs vénézuéliens des droits de la personne et les organisations non gouvernementales, et à collaborer étroitement avec eux pour accroître leur capacité de partager l’information, ce qui favorisera un dialogue ouvert sur les problèmes reliés aux droits de la personne au Venezuela et permettra à ces organisations de présenter leurs préoccupations et leurs propositions à leur propre gouvernement. RECOMMANDATION 5 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande instamment au gouvernement du Venezuela d’effectuer une enquête indépendante sur les attaques de 2004, de 2007 et de 2009 contre les synagogues et les centres communautaires juifs du pays, dans le but de traduire en justice les auteurs de ces attentats. RECOMMANDATION 6 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de surveiller avec la plus grande attention la situation de la collectivité juive du Venezuela et intervienne, lorsque c’est approprié, lorsque des actes de violence sont commis contre cette collectivité et lorsque des propos antisémites sont tenus en public soit par des médias, soit par des représentants du gouvernement. RECOMMANDATION 7 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de promouvoir les occasions pour les Vénézuéliens d’étudier dans les universités canadiennes ou de participer aux programmes d’études canadiens offerts dans les universités vénézuéliennes. RECOMMANDATION 8 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada exprime son désir d’offrir encore davantage de soutien technique et d’expertise au Venezuela pour aider le gouvernement du Venezuela dans sa réforme des services de police et, de plus, qu’il demande instamment au gouvernement du Venezuela de donner une formation sur les droits de la personne à toutes ses forces de sécurité. RECOMMANDATION 9 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande instamment aux gouvernements du Venezuela et de la Colombie de travailler de concert dans la lutte contre la criminalité transfrontalière, qui contribue aux abus et violations des droits de la personne et à l’insécurité des citoyens dans les deux pays. RECOMMANDATION 10 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande au gouvernement du Venezuela d’adopter des mesures concrètes pour réduire la circulation et le nombre d’armes se retrouvant aux mains de la population civile et, en particulier, qu’il le conjure de dissoudre et de désarmer les milices civiles. RECOMMANDATION 11 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de financer les programmes qui aident les membres des médias à se pencher sur les normes professionelles et l’indépendance journalistiques et à recevoir de la formation sur ces sujets. RECOMMANDATION 12 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, en plus d’accorder le prix de l'Ambassade du Canada pour les droits de la personne à un citoyen de la République bolivarienne du Venezuela chaque année, veille à ce que le profil de chaque récipiendaire soit affiché sur le site Web de l’Ambassade, avec mises à jour régulières sur son travail et sa sécurité, pour autant que ce soit dans le meilleur intérêt de cette personne de le faire. RECOMMANDATION 13 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada renforce encore davantage son soutien à la capacité de l’Organisation des États d’Amérique (OEA) à promouvoir les droits de la personne au Venezuela en demandant instamment à l’OEA d’offrir plus de soutien technique pour aider à autonomiser la société civile vénézuélienne. RECOMMANDATION 14 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande instamment à l’OEA de permettre non seulement au pouvoir exécutif, mais aussi aux pouvoirs législatif et judiciaire du gouvernement vénézuélien de discuter de questions relatives aux droits de la personne avec l’OEA et ses organismes affiliés. RECOMMANDATION 15 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada exhorte le gouvernement du Venezuela de libérer immédiatement la juge María Lourdes Afiuni et de garantir en tout temps sa sécurité et son intégrité physique et psychologique, et de cesser immédiatement le harcèlement et l’intimidation exercés à l’endroit des avocats et des activistes qui ont plaidé sa cause. RECOMMANDATION 16 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada : · apporte un soutien ferme aux institutions diplomatiques régionales des droits de la personne, notamment la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission et d’autres organismes rapporteurs et experts; et · réclame la création d’un poste spécial de rapporteur sur la démocratie et la gouvernance démocratique à la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dont le mandat s’exercerait dans tout l’hémisphère et dont les rapports seraient publics. RECOMMANDATION 17 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada continue de défendre les jugements de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et, lorsqu’il est approprié de le faire, demande instamment au gouvernement du Venezuela d’en faire autant. RECOMMENDATION 18 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, de concert avec d’autres nations, prie instamment le gouvernement du Venezuela d’accepter la présence d’observateurs internationaux lors des élections du 7 octobre 2012. RECOMMANDATION 19 Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada rappelle avec force au gouvernement du Venezuela que tous les membres de la communauté internationale ont l’obligation d’appliquer les sanctions internationales imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU contre le gouvernement d’Iran par suite de son programme d’armes nucléaires. [1] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [2] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [3] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [4] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [5] Témoignages, Réunion no 13, 3e session, 40e législature, 6 mai 2010. [6] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [7] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [8] Ibid. [9] Ibid. [10] Ibid. [11] Témoignages, Réunion no 12, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010. [12] Le Sous-comité prend note de la fermeture de la Fondation canadienne pour les Amériques. Les membres reconnaissent l’apport de cette organisation au débat public dans les Amériques ces 20 dernières années, que ce soit dans le domaine de la sécurité civile, de la migration, de la gouvernance ou encore du développement. Les témoignages rendus par les représentants de l’organisation, Mme Lesley Burns et M. John Graham, ont grandement aidé les membres du Sous-comité à mieux comprendre la situation des droits de la personne au Venezuela. [13] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [14] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 99 R.T.N.U. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par le Canada et le Venezuela), art. 2 [PIRDCP]; Convention américaine relative aux droits de l’homme, traité de l’OEA no 36, arts. 1 et 2 (entré en vigueur le 18 juillet 1978, non ratifié par le Canada) [CIDH]. Le Venezuela a ratifié la CIDH. Toutefois, le président Chávez a annoncé son intention de se retirer de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, l’organe d’experts chargé d’examiner la conformité des États avec la CIDH. [15] Témoignages, Réunion no 12, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010. [16] Stéphanie Vaudry, Ibid. [17] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [18] Ibid. [19] Ibid. [20] Ibid. [21] Ibid. [22] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [23] Art. 25 du PIDCP, art. 23 de la CIDH. [24] Jennifer McCoy, Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [25] Témoignages, Réunion no 12, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010. [26] Ibid. [27] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [28] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Correspondence, 27 avril 2012. [traduction] [29] Ibid. [30] Ibid. [31] María Paez Victor, Témoignages, Réunion no 12, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010. [32] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [33] Ibid. [34] Ce rôle et cette responsabilité importants reposent sur le droit humanitaire international et sont reconnus par les normes internationales : Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, Cuba, du 27 août au 7 septembre 1990; Code de conduite pour les responsables de l'application des lois, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979 dans sa résolution 34/169. [35] Commission interaméricaine des droits de l’homme, Report on Citizen Security and Human Rights, Organisation des états américains, 31 décembre 2009, doc.OEA/Serv.L/V/11.Dec.57, paragr. 77, [Commission interaméricaine, Report on Citizen Security and Human Rights]. [traduction] [36] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [37] PIRDCP, arts. 2, 3, 6, 7, 9, 26; Commission interaméricaine des droits de l’homme, arts. 1, 2, 3, 5, 7, 24, 25; CEDAW, 18 décembre 1979, 1249 R.T.N.U. 13 (entré en vigueur le 3 septembre 1981, ratifié par le Canada et le Venezuela). [38] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [39] Témoignages, Réunion no 9, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010. [40] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [41] Guadalupe Marengo, Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [42] James Rochlin, Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [43] Neil Reeder, Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [44] Ibid. [45] Ibid. [46] James Rochlin, Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [47] Les droits économiques, sociaux et culturels sont protégés en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3 (entré en vigueur le 3 janvier 1976, ratifié par le Canada et le Venezuela), ainsi qu’en vertu de l’art. 26 de la CIDH. [48] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [49] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [50] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [51] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [52] Pour un compte rendu détaillé des incidents, consulter la Section 5 de la Partie 2. [53] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [54] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [55] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [56] Témoignages, Réunion no 13, 3e session, 40e législature, 6 mai 2010. [57] Ibid. [58] Lesley Burns, Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [59] Ibid. [60] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [61] Ibid. [62] Commission interaméricaine des droits de l’homme, « Application to the Inter-American Court of Human Rights in the case of Leopoldo López Mendoza (Caso 12.668) against Venezuela », 14 décembre 2009, paragr. 69‑71. [traduction] [63] Cour interaméricaine des droits de l’homme, Case of López Mendoza v. Venezuela, Judgment on Merits, Reparations and Costs, 1er septembre 2011. [64] Neil Reeder, Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [65] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [66] PIRDCP, arts. 2, 9, 14, 26; CIDH, articles 1, 7, 8, 24. [67] PIRDCP, arts. 19, 25; CIDH, arts. 13, 23. [68] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [69] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [70] Neil Reeder, Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [71] Ibid. [72] Ibid. [73] Commission interaméricaine des droits de l’homme, « IACHR Concerned about Law Initiatives in Venezuela that Could Undermine the Effective Exercise of Human Rights », Communiqué no 122/10, 15 décembre 2010 (en anglais). [74] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [75] Le témoin fait référence au pacte de Punto Fijo, une entente officielle sur le partage des pouvoirs signée en 1958 par les chefs de l’Action démocratique (AD), du Parti démocrate chrétien (COPEI) et de l’Union républicaine démocratique. Selon ce pacte, tous les partis devaient accepter les résultats des élections, se conformer à la constitution et intégrer des représentants de partis de moindre importance dans leur cabinet. Jusqu’aux élections de 1998, les partis de l’AD et du COPEI ont dominé le milieu politique aux deux ordres de gouvernement, étatique et fédéral. [76] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [77] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [78] PIRDCP, art. 14(1); CIDH, art. 8(1); Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés par le septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s'est tenu à Milan du 26 août au 6 septembre 1985 et confirmés par l'Assemblée générale dans ses résolutions 40/32 du 29 novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre 1985 [Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature]. [79] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [80] Commission interaméricaine des droits de l’homme, « Follow-up Report on Compliance by the State of Venezuela with the Recommendations made by the IACHR in its Report on the Situation of Human Rights in Venezuela (2003) », rapport annuel de la Commission interaméricaine des droits de l’homme de 2004, 24 février 2005, doc. OEA/Ser.L/V/II.122, doc. 5 rev. 1, paragr. 180 et 190 (en anglais). [81] Ibid. [82] Encyclopaedia Brittanica, « Professional judges in the civil law tradition” and “Professional judges in the common law tradition ». [83] Commission interaméricaine des droits de l’homme, Democracy and Human Rights in Venezuela, Organisation des États américains, 30 décembre 2009, doc. OEA/Ser.L/V/II. doc. 54, paragr. 202-207 [Commission interaméricain, Democracy and Human Rights in Venezuela]. [84] On trouve une discussion sur les mesures prises par le gouvernement qui sont contraires à l’indépendance et à l’impartialité judiciaire dans ibid., paragr. 183-308 (en anglais). [85] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [86] Ibid. [87] Ibid. [88] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [89] Ibid. [90] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [91] Ibid. [92] Ibid. [93] Cour interaméricaine des droits de l’homme, Case of Aptiz Barbera et al. (“First Court of Administrative Disputes”) v. Venezuela, Judgement of 5 August 2008 (Preliminary Objection, Merits, Reparations and Costs), paragr. 55. [traduction] [94] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [95] Ibid. [96] Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU, Avis no 10/2009 concernant M. Eligio Cedeño (République bolivarienne du Venezuela) du 28 mai 2009, dans Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention, présentés à la 13e session du Conseil des droits de l’homme, 4 mars 2010, doc. ONU A/HRC/13/30/Add.1. Le Groupe de travail a statué que la détention prolongée avant le procès de M. Cedeño en raison de retards injustifiés par le bureau du procureur général est contrevenu au droit de M. Cedeño de subir son procès dans un délai raisonnable ou d’être libéré en vertu de l’art. 9(3) du PIRDCP, de l’art. 14(3)c) du PIRDCP, et de l’art. 10 du PIRDCP. [97] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [98] Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU, Avis no 20/2010 concernant Marìa Lourdes Afiuni Mora (République bolivarienne du Venezuela), dans Opinions adopted by the Working Group on Arbitrary Detention, présentés à la 16e session du Conseil des droits de l’homme, 2 mars 2011, doc. ONU A/HRC/16/47/Add.1. [traduction] [99] Ibid. [100] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [101] Ibid. [102] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [103] Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature. [104] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [105] Témoignages, Réunion no 9, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010. [106] Témoignages, Réunion no 19, 3e session,40e législature, 3 juin 2010. [107] Arts. 19-22 du PIDCP, arts. 13, 15 et 16 de la CIDH. [108] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [109] Paulo Sergio Pinheiro et Catalina Botero Marino, « Commissioner for Venezuelan Affairs and IACHR’s Special Rapporteur for Freedom of Expression Reject the Closing of Cable Television Channels in Venezuela », Communiqué no 08/10, 24 janvier 2010; Paulo Sergio Pinheiro et Catalina Botero Marino, « IACHR Commissioner for Venezualn Matters and the Special Rapporteur for Freedom of Expression Send Communication to the Venezuelan State Expressing Deep Concern over the Serious Situation of Freedom of Expression », Communiqué no R61/10, 14 juin 2010; Frank La Rue, Rapporteur Spécial sur la Liberté d’expression, « Venezuela: UN Expert calls on the authorities to withdraw arrest warrant against TV channel president », Communiqué, 17 juin 2010; Bureau du Rapporteur Spécial sur la Liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, « Special Rapporteurship Expresses Concern Regarding Venezuelan State Intervention in Globovisión », Communiqué no R119/10, 8 décembre 2010. [traduction] [110] Alexandre Bugailiskis, Témoignages, Réunion no 9, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010; Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, « Le Canada exprime son inquiétude au sujet de la suspension de diffusion imposée par le Venezuela à certaines stations de télévision », Communiqué, 28 janvier 2010. [111] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [112] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [113] Ibid. [114] Jennifer McCoy, Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [115] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [116] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [117] Ibid. [118] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [119] Ibid. Consulter Comité des droits de l’homme, Observation générale no 34 — Article 19: Liberté d’opinion et liberté d’expression, 2011, doc. ONU CCPR/C/GC/34. [120] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [121] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [122] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [123] Ibid. [124] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [125] Ibid. [126] International Crisis Group, Violence and Politics in Venezuela, Rapport sur l’Amérique latine no 38, 17 août 2011 [International Crisis Group, Violence and Politics in Venezuela]. [traduction] [127] Jennifer McCoy, Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [128] International Crisis Group, Violence and Politics in Venezuela. [129] Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, Résolution no 53/144 du 8 mars 1999, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, doc. ONU A/Res/53/144. [130] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [131] Ibid. [132] Ibid. [133] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [134] Ibid. [135] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [136] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [137] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [138] Ibid. [139] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [140] Ibid. [141] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [142] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [143] Ibid. [144] Commission interaméricaine, Report on Citizen Security and Human Rights, paragr. 221. [traduction] [145] International Crisis Group, Violence and Politics in Venezuela; l’ICG a utilisé les statistiques de l’ONG Observatoire de la violence au Venezuela. [traduction] [146] Ibid. L’ICG est arrivé à cette conclusion à partir des données de l’Institut national des statistiques. [traduction] [147] Ibid. L’ICG a utilisé les statistiques de l’Institut national des statistiques du Venezuela. [traduction] [148] Ibid. L’ICG a fondé sa conclusion sur un sondage de l’Institut national des statistiques. [traduction] [149] Jennifer McCoy, Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [150] Ibid. [151] Ibid. [152] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [153] International Crisis Group, Violence and Politics in Venezuela, note de bas de page 14. [traduction] [154] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [155] Ibid. Le 1er juin 2012, la BBC a annoncé que le gouvernement du Venezuela avait adopté une loi selon laquelle seuls l’armée, les corps policiers et certains groupes comme des entreprises de sécurité avaient le droit d’acheter des armes auprès de l’entreprise nationale de fabrication et d’importation d’armes. [156] Témoignages, Réunion no 12, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010. [157] Ibid. [158] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [159] Commission interaméricaine des droits de l’homme, Annual Report of the Inter-American Commission on Human Rights 2011, « Chapter 4 : Venezuela ». [traduction] [160] Ibid. [traduction] [161] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [162] Ibid. [163] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [164] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [165] Ibid. [166] Ibid. [167] Transparency International, « Corruption by Country: Venezuela », 2011. [168] International Crisis Group, Violence and Politics in Venezuela. [traduction] [169] James Rochlin, Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [170] Ibid. [171] Témoignages, Réunion no 16, 3e session, 40e législature, 25 mai 2010. [172] Neil Reeder, Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [173] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [174] PIRDCP, arts. 2, 6, 7, 9; CIDH, arts. 1, 4, 5, 7. [175] Convention international sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 7 mars 1966, 660 R.T.N.U. 195, art. 1 (entré en vigueur le 4 janvier 1969, ratifié par le Venezuela et le Canada); CEDAW, art. 1; Comité des droits de l’homme, Observation Generale 18 : Principe d'égalité, 1989, doc. ONU HRI/GEN/1/Rev.1 à 26 (1994), paragr. 6; Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 20, La non discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (Art. 2, paragr. 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), 2009, doc. ONU E/C.12/GC/20. [176] PIRDCP, art. 20. Aussi CIDH, art. 13(5). [177] Témoignages, Réunion no 22, 3e session, 40e législature, 10 juin 2010. [178] Ibid. [179] Ibid. [180] Ibid. [181] Ibid. [182] Ibid. [183] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [184] Ibid. [185] Témoignages, Réunion no 13, 3e session, 40e législature, 6 mai 2010. [186] Témoignages, Réunion no 9, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010. [187] Ibid. [188] Ibid. [189] Témoignages, Réunion no 22, 3e session, 40e législature, 10 juin 2010. [190] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [191] Témoignages, Réunion no 13, 3e session, 40e législature, 6 mai 2010. [192] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [193] Ibid. [194] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [195] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [196] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [197] Témoignages, Réunion no 13, 3e session, 40e législature, 6 mai 2010. [198] Ibid. [199] Ibid. [200] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [201] Ibid. [202] Ibid. [203] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [204] La juridiction, les fonctions et les pouvoirs de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sont énoncés au chapitre VII de la CIDH (arts. 34-51). Le traité permet des réserves si elles sont cohérentes avec son objet et son but : art. 75. [205] « UN Concerned over Venezuela’s possible withdrawal from human rights body », UN News, 4 mai 2012. [206] Ibid. [traduction] [207] Ibid. [traduction] [208] Ibid. [traduction] [209] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [210] Témoignages, Réunion no 12, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010. [211] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [212] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [213] Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [214] Ibid. [215] Témoignages, Réunion no 23, 3e session, 40e législature, 15 juin 2010. [216] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [217] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [218] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [219] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [220] Ibid. [221] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [222] Témoignages, Réunion no 9, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010. [223] Ibid. [224] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [225] Témoignages, Réunion no 9, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010. [226] Frontline Defenders, « Venezuela : Diffamation contre le défenseur des droits humains, Dr Humberto Prado Sifontes, suite aux déclarations d’un membre du gouvernement » 23 juin 2011. [227] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [228] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Correspondence, 27 avril 2012. [traduction] [229] Ibid. [traduction] [230] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [231] Témoignages, Réunion no 28, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012. [232] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [233] Ibid. [234] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, « Le Canada dans les Amériques : Priorités et progrès ». [235] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [236] Voir la compilation des recommandations et des réponses compilées par l’ONG UPR-Info.Org, « Responses to Recommendations: Venezuela » 7 février 2012. [237] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [238] Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, « Venezuela (République bolivarienne du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies » 7 décembre 2011. [239] Témoignages, Réunion no 24, 1re session, 41e législature, 28 février 2012. [240] Ibid. [241] Témoignages, Réunion no 47, 3e session, 40e législature, 1er mars 2011. [242] Ibid. [243] Ibid. [244] Ligia Bolivar Osuna, Témoignages, Réunion no 19, 3e session, 40e législature, 3 juin 2010. [245] PIRDCP, art. 2; CIDH, art. 1. |