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FINA Rapport du Comité

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INCITATIFS FISCAUX POUR LES DONS DE BIENFAISANCE AU CANADA

INTRODUCTION

Le Canada a une longue tradition du don de bienfaisance. Mais qui est responsable de donner? La réponse à cette question a évolué au fil du temps : la famille, les amis, les voisins, les groupes confessionnaux et les organisations créées pour acheminer l'aide provenant des gouvernements ou d'autres sources. Une partie des Canadiens dépendent, du moins dans une certaine mesure, des organismes de bienfaisance pour recevoir des services qui étaient autrefois généralement fournis par les différents ordres de gouvernement. Selon un certain point de vue, les recettes fiscales qui étaient allouées à ces activités ont été remplacées par des mesures fiscales — applicables notamment aux dons de bienfaisance des particuliers et des sociétés. Le donateur a ainsi le choix d'appuyer qui il veut.

Le 20 septembre 2011, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a adopté une motion qui l'a amené à entreprendre une étude sur les incitatifs fiscaux actuellement accordés au titre des dons de bienfaisance. L'objectif consistait à obtenir les points de vue de particuliers et d'organisations sur les incitatifs en place et d'éventuels incitatifs, et à recommander des façons de favoriser les dons de bienfaisance. Cette motion faisait suite à l’adoption, le 2 mars 2011, de la motion présentée à la Chambre des communes par le député Peter Braid et libellée ainsi : « Que le Comité permanent des finances reçoive instruction d’entreprendre une étude des incitatifs fiscaux actuellement accordés au titre de dons de charité en vue de favoriser une augmentation des dons et, sans limiter son travail à ces sujets, (i) d’examiner les changements qu’il serait possible d’apporter au montant du crédit d’impôt pour don de charité, (ii) d’étudier la possibilité d’étendre l’exemption pour gains en capital aux actions d’entreprises privées et aux biens immobiliers dont il est fait don à un organisme de charité, (iii) de voir s’il est possible de mettre ces mesures en vigueur; et que le Comité fasse rapport de ses constatations à la Chambre. »

À cette fin, le Comité a tenu huit réunions au cours desquelles il a entendu 36 organismes et cinq particuliers. Ceux‑ci se sont alors exprimés sur le montant des dons de bienfaisance et le nombre de donateurs au Canada, la réglementation applicable aux organismes de bienfaisance ainsi que les incitatifs fiscaux concernant les dons de bienfaisance et le coût estimé de ces incitatifs pour le gouvernement fédéral. Ces sujets sont abordés au chapitre un.

Le chapitre deux présente les modifications que les témoins ont proposé d'apporter aux mesures fiscales en place afin de stimuler la pratique du don de bienfaisance. On peut aussi y lire les réflexions des témoins sur la transparence et l'obligation de rendre compte du secteur caritatif, et sur leurs activités de financement. Enfin, ce chapitre résume les avis des témoins sur des enjeux tels que l'établissement d'une culture du don, l'utilisation des données actuelles pour mieux comprendre les différents aspects du don de bienfaisance, de l'aide au logement et de la lutte contre la pauvreté, certaines questions de droit de la personne relatives au secteur caritatif et l'utilisation de la technologie pour faire un don.

Les recommandations du Comité sur le sujet sont présentées au chapitre trois.

CHAPITRE UN : DONATEURS ET DONS, RÉGLEMENTATION ET INCITATIFS FISCAUX ACTUELS

A. Dons de bienfaisance et donateurs au Canada

Selon Statistique Canada, pour l’année d’imposition 2010, environ un contribuable sur cinq a déclaré avoir fait un don de bienfaisance; la valeur médiane des dons était de 260 $. Comme le montrent les tableaux 1 à 4, que Statistique Canada a fournies au Comité, le nombre total de contribuables ayant réclamé un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance est demeuré stable entre 1990 et 2010; le nombre total de contribuables est passé d’environ 17 millions à 24 millions au cours de cette période; les dons de bienfaisance de particuliers ont diminué entre 2007 et 2008, puis entre 2008 et 2009, avant de remonter entre 2009 et 2010; pour l’année d’imposition 2010, la moitié de l’ensemble des dons de bienfaisance ont été faits par des personnes ayant un revenu annuel d’au moins 80 000 $; enfin, cette année-là, 80 % des dons de bienfaisance venaient de personnes âgées de 45 ans et plus.

Tableau 1 — Nombre total de contribuables et nombre total de contribuables réclamant un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance, Canada,
années d’imposition 1990 à 2010

Nombre total de contribuables et nombre total de contribuables réclamant un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance, Canada, années d’imposition 1990 à 2010

Source :    Statistique Canada, mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 31 janvier 2012.

Tableau 2 — Variation annuelle du pourcentage corrigé pour tenir compte de l’inflation du revenu total et des dons de bienfaisance par personne, Canada,
années d’imposition 1998 à 2010

Variation annuelle du pourcentage corrigé pour tenir compte de l’inflation du revenu total et des dons de bienfaisance par personne, Canada, années d’imposition 1998 à 2010

Source :    Statistique Canada, mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 16 février 2012.

Tableau 3 — Pourcentage de donateurs et de dons de bienfaisance par personne,
par groupe de revenu, Canada, année d’imposition 2010

Pourcentage de donateurs et de dons de bienfaisance par personne, par groupe de revenu, Canada, année d’imposition 2010

Source :    Statistique Canada, mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 31 janvier 2012.

Tableau 4 — Pourcentage de donateurs et de dons de bienfaisance
par personne et par groupe d’âge, Canada, année d’imposition 2010

Pourcentage de donateurs et de dons de bienfaisance par personne et par groupe d’âge, Canada, année d’imposition 2010

Source :    Statistique Canada, mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 31 janvier 2012.

Le ministère des Finances a fait remarquer que, entre les années d’imposition 2009 et 2010, les dons de bienfaisance de particuliers ont augmenté de 6,5 % pour atteindre 8,3 milliards de dollars, et que le nombre total de donateurs est passé de 5,6 millions en 2009 à 5,7 millions en 2010. Comme le montre le tableau 5, fournie par le ministère des Finances, au cours des 10 dernières années, les particuliers faisant des dons de bienfaisance ont eu recours à des stratagèmes d’évasion fiscale de façon prévalente. Lorsqu’on exclut ces dons des données de Statistique Canada, on obtient une augmentation de l’ordre de 7 % des dons de bienfaisance de particuliers pour l’année d’imposition 2010 par rapport à 2009 et, en moyenne, une hausse annuelle de 4,5 % de ces dons depuis l’année d’imposition 2003.

Tableau 5 — Total des dons de bienfaisance par personne à des donataires autres que des abris fiscaux et à des abris fiscaux, Canada, années d’imposition
2003 à 2010

Total des dons de bienfaisance par personne à des donataires autres que des abris fiscaux et à des abris fiscaux, Canada, années d’imposition 2003 à 2010

Source :    Ministère des Finances, mémoire remis au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 25 janvier 2012.

Selon un document cité par le ministère des Finances et portant sur la provenance des revenus du secteur philanthropique au cours de l’année d’imposition 2009, — la contribution des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que des administrations municipales s’élevait à 44 %, et les dons représentaient 30 % du total des sources de financement à l’exclusion de ceux faits aux hôpitaux, universités, collèges et conseils scolaires. Quant aux sources de revenus des organismes de bienfaisance « moyens » — à l’exclusion des hôpitaux, universités, collèges et conseils scolaires —, le ministère des Finances a constaté que le financement des gouvernements avait baissé de 15 % et que les revenus tirés des dons avaient bondi de 60 % pour cette année d’imposition.

B. Réglementation applicable aux organismes de bienfaisance

En ce qui concerne la réglementation entourant les organismes de bienfaisance enregistrés, le ministère des Finances a indiqué au Comité que la Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas le terme « organisme de bienfaisance », mais précise que les organismes ayant des « fins de bienfaisance » peuvent s’enregistrer auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et bénéficier ainsi d’une exemption aux fins de l’impôt sur le revenu et peuvent délivrer des reçus officiels de dons; les donateurs utilisent ces reçus pour réclamer un crédit d’impôt. Selon l’ARC, les quatre activités de bienfaisance reconnues sont : le soulagement de la pauvreté, l’avancement de l’éducation, l’avancement de la religion et d’autres activités admises comme telles par les tribunaux. L’ARC a précisé qu’alors que tous les organismes de bienfaisance enregistrés doivent être sans but lucratif, tous les organismes sans but lucratif ne sont pas des organismes de bienfaisance enregistrés.

Le ministère des Finances a établi trois types d’organismes de bienfaisance enregistrés supervisés par l’ARC : les organismes de bienfaisance, qui mènent leurs propres activités et ont des conseils d’administration indépendants; les fondations publiques, qui financent les activités d’autres organismes de bienfaisance et dont les conseils d’administration sont aussi indépendants; et les fondations privées, qui financent les activités d’autres organismes de bienfaisance et dont les conseils d’administration sont indépendants ou contrôlés par un groupe dont l’apport représente plus de 50 % du capital de la fondation. L’ARC a également indiqué qu’elle supervise les activités de deux autres types d’organisations sans but lucratif : les associations canadiennes enregistrées de sport amateur et les organismes enregistrés de services nationaux dans le domaine des arts.

Selon le ministère des Finances, on impose des restrictions aux organismes de bienfaisance enregistrés, pour assurer le bon fonctionnement du régime fiscal et protéger les dons effectués par les Canadiens, en empêchant que les organismes de bienfaisance soient utilisés pour tirer un avantage personnel. Le ministère a déclaré, par exemple, que les organismes de bienfaisance doivent œuvrer uniquement à des fins de bienfaisance et consacrer toutes leurs ressources à leurs propres activités de bienfaisance. De plus, ils ne peuvent faire de dons qu’à certaines organisations qualifiées de « donataires reconnus ». Ils doivent également ne mener que des activités commerciales ayant un lien avec leur mission.

L’ARC a déclaré devant le Comité que pour conserver leur statut, les organismes de bienfaisance doivent lui présenter annuellement la déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés (formulaire T3010). Ce formulaire, qui contient certaines informations financières concernant les revenus et les dépenses, est utilisé par l’ARC pour vérifier que les organismes en question se conforment aux restrictions déterminées au préalable. Selon l’ARC, un organisme de bienfaisance enregistré est autorisé à prendre part à des activités politiques non partisanes à condition que ces activités n’engagent pas plus de 10 % de leurs ressources. Par ailleurs, l’ARC s’assure qu’au moins 3,5 % des dépenses en immobilisations de chaque organisme de bienfaisance sont transférées à un donataire reconnu ou sont utilisées à des fins de bienfaisance par l’organisme; c’est ce que l’on appelle maintenant une « exigence de contingent ». L’ARC a indiqué qu’elle assurait également le suivi des dépenses de financement, et l’Association des professionnels en philanthropie a fait savoir que l’ARC pourrait accorder une attention particulière aux organismes dont le rapport entre dépenses et revenus est supérieur à 35 %.

Le ministère des Finances et l’ARC ont dit clairement que tout manquement aux exigences fixées pourrait entraîner la révocation ou la suspension du statut d’organisme de bienfaisance ou l’imposition de sanctions pécuniaires. Comme le montre le tableau 2, qui porte sur l'exercice 2010‑2011 et que l’ARC a fourni au Comité, 751 organismes de bienfaisance ont fait l’objet de vérifications et 635 ont vu leur statut révoqué pour avoir omis de remplir leur déclaration annuelle. L'ARC a aussi indiqué que deux sanctions avaient été imposées au cours de la période allant du 1er avril 2010 au 31 décembre 2011, et que, en moyenne, environ 1 % de tous les organismes de bienfaisance enregistrés sont vérifiés chaque année.

Tableau 2 — Nombre d’organismes de bienfaisance enregistrés dont le statut
a été révoqué ou annulé, avec les raisons, Canada, pour les exercices compris
entre 2008 et 2011 et du 1er avril au 31 décembre 2011

Exercice
(1er avril au
31 mars)

Révocation consécutive à une vérification

Révocation volontaire

Révocation pour avoir omis de remplir la déclaration de renseignements

Annulation du statut d’organisme enregistré accordé par erreur

2008–2009

48

661

649

8

2009-2010

41

1 131

593

7

2010-2011

35

1 109

635

10

Du 1er avril au 31 décembre 2011

14

511

715

3

Total

138

412

2 592

28

Source :    Agence du revenu du Canada, réponse écrite aux questions fournie au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 17 avril 2012.

L’ARC a indiqué au Comité que, sur les 85 000 organismes de bienfaisance et plus enregistrés au Canada en janvier 2012, 90 % figuraient dans la catégorie des œuvres de charité. Ces organismes recevaient plus de 75 % des dons faits chaque année. Elle a ajouté que 40 % de toutes les organisations philanthropiques enregistrées avaient une vocation religieuse, et que 80 % de celles-ci étaient établies en 4 provinces : en Ontario (36 %), au Québec (19 %), en Colombie-Britannique (14 %) et en Alberta (11 %). Comme le montre le tableau 3, fourni par l'ARC, les organismes de charité doivent indiquer sur leur déclaration annuelle les 10 postes permanents à temps complet les mieux rémunérés. L’ARC a relevé qu’entre le 1er avril et le 31 décembre 2011, les organismes de bienfaisance enregistrés ont déclaré avoir 1 307 565 postes permanents à temps plein et 1 882 522 postes à temps partiel.

Tableau 3 — Nombre total de postes permanents à temps plein parmi
les 10 mieux rémunérés selon les données figurant sur la déclaration
de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés et transmises
entre le 1er avril et le 31 décembre 2011, Canada, par catégorie de rémunération

1 $
à 39 999 $

40 000 $ à 
79 999 $

80 000 $ à 119 999 $

120 000 $ à 159 999 $

160 000 $ à 199 999 $

200 000 $ à 
249 999 $

250 000 $ à 299 999 $

300 000 $ à 349 999 $

350 000 $ et
plus

83 334

61 149

15 511

4 064

1 361

726

460

227

343

Note :        Certains organismes de bienfaisance ont déclaré plus de 10 postes.

Source :    Agence du revenu du Canada, réponse écrite aux questions fournie au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 17 avril 2012.

De plus, l’ARC a déclaré être la principale autorité de réglementation des organismes de bienfaisance, même si la Loi constitutionnelle de 1867 donne aussi ce pouvoir aux provinces. Les lois provinciales en la matière se limitent toutefois aux collectes de fonds de ces organismes et aux activités liées aux jeux de hasard. C’est aussi l’ARC qui approuve les demandes d’enregistrement comme organisme de bienfaisance. En cas de refus de l’Agence, le demandeur peut en appeler de la décision devant la Cour fédérale. L’ARC a également fait remarquer que la Loi de l’impôt sur le revenu lui permet de rendre publiques certaines informations concernant des organismes de bienfaisance, notamment les déclarations annuelles, les demandes et les avis d’enregistrement, les noms des administrateurs, les lettres de révocation, les statuts les régissant et la liste des organismes de bienfaisance enregistrés ou dont le statut a été révoqué ou annulé. L’ARC a souligné le fait, comme le prévoit la Loi sur l’enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité), qu’elle joue un rôle dans la prévention du financement et d’autres formes d’appui matériel au terrorisme grâce à son pouvoir de révocation du statut d’organisme de bienfaisance.

C. Les incitatifs fiscaux et leur coût estimé pour le gouvernement fédéral

Le ministère des Finances a dit au Comité qu’on accorde un allègement d’impôt au titre des dons de bienfaisance depuis 1930. L’actuel crédit d’impôt non remboursable pour dons de bienfaisance consenti aux particuliers a été établi en 1988. Aujourd’hui, le taux du crédit d’impôt applicable aux dons de bienfaisance allant jusqu’à 200 $ s’élève à 15 % et à 29 % pour les dons supérieurs à ce montant pour l’année d’imposition au cours de laquelle les dons sont déclarés. Le cabinet Blumberg Segal LLP a fait remarquer que les incitatifs fiscaux consentis par le Canada pour les dons de bienfaisance des particuliers sont les plus généreux au monde.

Le ministère des Finances a aussi indiqué que les contribuables peuvent demander un crédit d’impôt pour leurs dons de bienfaisance jusqu’à concurrence de 75 % de leurs revenus nets pour une année, ou jusqu’à 100 % pour l’année du décès ou l’année antérieure au décès du déclarant; que les dons non déclarés dans l’année d'imposition en cours peuvent l’être au cours des cinq années subséquentes; que l’ARC permet aux conjoints de regrouper leurs dons pour bénéficier plus facilement du taux de crédit d’impôt de 29 %; que les dons de titres cotés en bourse, de terres écosensibles et de biens culturels certifiés sont exemptés de l’impôt sur les gains en capital; et que les particuliers peuvent demander un crédit d’impôt pour les dons de terres écosensibles et de biens culturels certifiés jusqu’à concurrence de la totalité de leurs revenus annuels.

Le ministère des Finances a indiqué par ailleurs au Comité que les sociétés peuvent déduire leurs dons directement de leurs revenus imposables jusqu’à concurrence de 75 % de leurs revenus nets pour l’année d’imposition, avec des limites annuelles et des exemptions pour gains en capital applicables aux dons de titres cotés en bourse, de terres écosensibles et de biens culturels certifiés semblables à celles fixées pour les particuliers.

Comme on peut le voir dans le tableau 4, le ministère des Finances avait prévu que le coût fiscal pour le gouvernement fédéral du crédit d’impôt des particuliers et de la déduction fiscale des sociétés pour les dons de bienfaisance serait de 2,9 milliards de dollars en 2011. Il a rappelé au Comité que tout don de bienfaisance de particulier dépassant 200 $ donne lieu à un crédit d’impôt fédéral de 29 % qui, combiné au crédit d’impôt provincial correspondant, aboutit à un crédit supérieur à l’impôt qui aurait dû être payé sur le revenu utilisé pour le don en question. De plus, le ministère a indiqué que les incitatifs fiscaux de tous les ordres de gouvernement pour des dons en espèces représentent 46 %, et sont de l’ordre de 60 à 69 % pour les dons de titres cotés en bourse. En ce qui concerne l’impôt sur les gains en capital applicable aux dons de capital, le ministère a noté que dans la plupart des cas, le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance compense tout impôt sur les gains en capital.

Tableau 4 — Coût fiscal fédéral projeté des incitatifs fiscaux
pour dons de bienfaisance, Canada, 2011

 

Dons de particuliers

Dons de sociétés

(en millions de dollars)

Crédit d’impôt (particuliers) ou déduction (sociétés) pour dons de bienfaisance

2 280

390

Dons de titres cotés en bourse

150

67

Dons de terres écosensibles

9

10

Dons de biens culturels certifiés

24

10

Total

2 463

477

Note :        Pour 2011, l'année utilisée dans le cas des particuliers est l'année civile; dans le cas des sociétés, c'est l'exercice financier.

Source :    Ministère des Finances, mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 25 janvier 2012.

CHAPITRE DEUX : COMMENTAIRES ET PROPOSITIONS DES TÉMOINS

Les témoins ont abordé la question des dons de bienfaisance au Canada sous ses différents aspects. Par exemple, ils ont proposé d'apporter des changements aux mesures fiscales en place, sans oublier de mentionner les effets prévus de ces changements. Ils ont aussi parlé de transparence et d'obligation de rendre compte et des activités de financement des organismes caritatifs. Enfin, ils ont suggéré des initiatives qui permettraient d'établir une culture du don, et ils se sont intéressés à l'utilisation des données actuelles pour mieux comprendre les différents aspects du don de bienfaisance, à certaines questions de droit de la personne relatives au secteur caritatif et à l'utilisation de la technologie pour faire un don.

A. Seuils et taux du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance

Lors de leur comparution devant le Comité, des témoins ont proposé de modifier les seuils et les taux qui s'appliquent actuellement au crédit d'impôt des particuliers pour dons de bienfaisance. Des commentaires ont aussi été faits à propos de l'effet possible de ces changements.

1. Modifications proposées

Un certain nombre de témoins, nommés ci‑dessous, se sont prononcés en faveur d’une hausse de 10 % du crédit d’impôt pour les dons de particuliers, à condition que le montant total des dons réclamés pour l’année d’imposition courante soit supérieur à celui des contributions totales de l’année précédente. Cette augmentation du crédit d’impôt ne s’appliquerait qu’aux dons supérieurs à ceux de l’année précédente. Ce crédit d’impôt supplémentaire pourrait donner lieu à un avantage fiscal maximal de 1 000 $, étant donné que l’augmentation continue des dons d’une année à l’autre à laquelle s’appliquerait le crédit d’impôt supplémentaire ne pourrait dépasser 10 000 $ à vie. Le regroupement des dons faits par des conjoints — qui est permis selon la structure actuelle — ne serait plus autorisé si la proposition est retenue. Le crédit d'impôt qui en découlerait serait appelé un « crédit d'impôt allongé ».

L’organisme Imagine Canada a laissé entendre au Comité qu’un crédit d’impôt allongé permettrait de faire augmenter le nombre de donateurs ainsi que le montant total des dons et qu’il profiterait également à un plus grand nombre de contribuables et d’organismes de bienfaisance. Le Fonds mondial pour la nature et l’Association des professionnels en philanthropie considèrent, pour leur part, qu’un tel crédit d’impôt avantagerait les petits organismes de bienfaisance. L’organisme Calgary Chamber of Voluntary Organizations et la Fondation David Suzuki ont indiqué qu’un crédit d’impôt allongé allègerait le fardeau fiscal des familles de la classe moyenne, alors que Centraide de Burlington et du Grand Hamilton ont laissé entendre qu’un tel crédit d’impôt représenterait une récompense pour ceux qui contribuent financièrement à la santé sociale de leur communauté. En outre, Mme Rachel Laforest a indiqué que ce crédit d’impôt aurait pour effet d’augmenter les dons de nouveaux donateurs et de jeunes, alors que la Fondation Women’s College Hospital a insisté sur le fait que le crédit d’impôt allongé — de par sa nature — n’entraînerait pas une augmentation du nombre de dons supérieurs à 10 000 $. M. Don McRae a proposé que ce crédit d’impôt allongé fasse l’objet d’un projet pilote pendant cinq ans.

Voici quelques-uns des témoins favorables au crédit d’impôt allongé : l’Association for Healthcare Philanthropy, l’Association des professionnels en philanthropie, Grands Frères Grandes Sœurs du Canada, Calgary Chamber of Voluntary Organizations, CanaDon; l’Alliance canadienne des arts de la scène, l’Association canadienne des professionnels en dons planifiés, l’Association du Barreau canadien, l’Association canadienne du diabète, le Réseau canadien des subventionneurs en environnement, l’Alliance des organismes de conservation du Canada, les Fondations communautaires du Canada, l’Université Concordia, la Fondation David Suzuki, l’Alliance évangélique du Canada, l’Université McGill, les Fondations philanthropiques du Canada, l’Association professionnelle des théâtres canadiens, la Banque Scotia, le Fonds mondial pour la nature, Centraide de Burlington et du Grand Hamilton, Centraide Canada, la Fondation Women’s College Hospital, M. McRae, M. Christopher Richardson et Mme  Laforest.

Certains témoins, comme la CIBC Gestion privée de patrimoine, BMO Nesbitt Burns, le Groupe Financier Banque TD et le cabinet Drache Aptowitzer LLP, ont plaidé en faveur d’un taux de crédit d’impôt pour dons de bienfaisance établi à 29 % pour tous les dons. Bien qu’elle préfère un crédit d’impôt allongé, Imagine Canada s’est aussi prononcée en faveur de cette proposition. Selon la CIBC Gestion privée de patrimoine et le cabinet Drache Aptowitzer LLP, un taux de crédit d’impôt unique pourrait donner lieu à une simplification du régime fiscal et à une augmentation du montant des dons. Même s’ils n’ont pas proposé de taux précis pour le crédit d'impôt, la Fédération canadienne des contribuables, l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable, Mme Laura Lamb, M. Adam Parachin et Mme A. Abigail Payne ont aussi dit qu’ils étaient favorables à un taux unique applicable à tous les dons. Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes a demandé un taux unique fixé à 42 %. M. Gord Drimmie a proposé un taux de crédit d’impôt combiné fédéral-provincial de 50 % pour les dons faits à des organismes de bienfaisance qui investissent au moins 90 % de leurs revenus au Canada et un taux de 25 % pour les dons faits aux autres organismes de bienfaisance. BMO Nesbitt Burns a proposé qu’on applique un taux unique de 29 % quand la situation financière du gouvernement fédéral sera plus solide, et a estimé que la mesure proposée coûterait moins de 200 millions de dollars par année.

Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes a recommandé au Comité que ceux qui font des dons d’actions cotées en bourse bénéficient d’un crédit d’impôt de 42 % sur le prix d’achat d’origine (c.-à-d. sur le prix de base rajusté) des actions. Le Conseil canadien pour le rôle parental égal était favorable à un taux de 42 % pour les dons dépassant 200 $, alors que l’organisme Cardus a proposé plutôt un taux de 42 % pour les dons supérieurs à 450 $, et a indiqué que — même si un tel taux n’entraînerait pas une augmentation des donateurs à long terme — ce taux permettrait aux personnes qui donnent régulièrement d’avoir plus d’argent dans leurs poches, argent qu’elles finiraient par redonner. L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a fait remarquer que l’application d’un taux de crédit d’impôt de 20 % pour la première tranche de 200 $ de dons pourrait inciter de nouvelles personnes à donner.

La Fondation de charité canadienne pour le changement a préconisé la création d’un programme pilote de cinq ans qui accorderait un crédit d’impôt de 100 % sur le premier millier de dollars de dons, tout en maintenant le taux de 29 % pour les dons supérieurs à ce montant. La Fédération canadienne des contribuables a fait une proposition similaire, selon laquelle tous les revenus donnés à un organisme de bienfaisance seraient exonérés d’impôt, ce qui équivaudrait à un taux de 100 % pour tous les dons de bienfaisance. La mesure proposée, en plus de simplifier le régime fiscal, serait équitable pour les contribuables.

Le Centre d’innovation communautaire de Carleton a demandé qu’on applique un taux de crédit d’impôt plus élevé aux dons de particuliers destinés à des organismes qui fournissent des biens et des services de première nécessité à des personnes à faible revenu, mais n’a pas suggéré de taux en particulier. Il a aussi proposé que les conditions d’admissibilité soient semblables à celles en vigueur en Arizona, en France et en Inde, comme les objectifs, les activités réalisées et la population servie par l’organisme de bienfaisance. Mme  Lamb a déclaré qu’on pouvait appliquer différents taux en fonction des donataires. Selon elle, les dons versés à des organismes offrant des services sanitaires et sociaux, par exemple, pourraient bénéficier de taux différents de ceux destinés à des organismes religieux. M. Patrick Ellis a mentionné que les incitatifs fiscaux pourraient viser les dons à des organismes qui aident les gens à se trouver un emploi, alors que pour Grands Frères Grandes Sœurs du Canada, les nouveaux crédits d’impôt ne devraient pas favoriser certaines organisations.

L’Association canadienne du diabète a proposé que les dons supérieurs à 500 $ versés à un seul organisme de bienfaisance bénéficient d’un crédit d’impôt supérieur au taux actuel de 29 %. Même si elle n’a pas proposé de taux précis, l’Association a indiqué qu’une augmentation du taux inciterait les gens à donner plus qu’ils ne le font actuellement.

En ce qui concerne le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance, le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes a recommandé au Comité de faire passer de 5 à 7 ans, voire à 10 ans, la période de report prospectif au cours de laquelle le donateur peut demander un crédit pour un don fait antérieurement afin de lui accorder plus de temps pour gagner un revenu imposable et demander le crédit d’impôt. L’Alliance des organismes de conservation du Canada s’est aussi prononcée pour la prolongation de la période de report prospectif à 10 ans, mais seulement pour les dons de terres écosensibles dans le cadre du Programme des dons écologiques. Elle a souligné qu’aux États-Unis, la période de report prospectif pour des dons semblables est de 15 ans.

Le cabinet Drache Aptowitzer LLP et le Groupe Financier Banque TD appuient un changement dans la façon de gérer le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance qui permettrait au contribuable de demander, dans sa déclaration de revenus pour une année d’imposition donnée, un crédit pour les dons faits dans les 60 premiers jours de l’année civile suivante. Selon le cabinet, ce changement permettrait aux contribuables de faire des dons stratégiques afin de réduire l’impôt à payer pour l’année d'imposition précédente avant la fin de la période de production des déclarations de revenus et aux organismes de bienfaisance de « commercialiser » les dons de charité pour réduire l’impôt à payer de l’année d'imposition précédente.

Le cabinet Drache Aptowitzer LLP a aussi proposé d’abolir la limite maximale pour dons fixée à 75 % du revenu imposable annuel afin d’accroître les dons de bienfaisance faits par les sociétés et d’appuyer le secteur de l’entreprise sociale. Selon la Banque Scotia, la limite de 75 % est la plus élevée au monde.

2. Effets possibles

Selon Mme  Lamb, des études donnent à entendre que les incitatifs fiscaux influent grandement sur la possibilité qu’une personne fasse un don et sur le montant de celui-ci. Ainsi, à ses dires, une augmentation du taux de crédit d’impôt entraînerait une hausse du total des dons, quoique certains secteurs en bénéficieraient probablement plus que d’autres, comme les organismes de bienfaisance internationaux et religieux ainsi que ceux travaillant dans le domaine des services sociaux et de la santé. Parallèlement, Imagine Canada a affirmé au Comité que les mesures fiscales incitent les gens à faire un don et contribuent à en fixer le montant. Pour sa part, CanaDon a déclaré qu’un sondage mené auprès de ses donateurs indiquait que 42 % d’entre eux donneraient davantage si le taux du crédit d’impôt était majoré. Cependant, la Banque Scotia a souligné qu’après la hausse de taux consentie par l’Alberta pour les dons supérieurs à 200 $, le total des dons faits par les Albertains n’avait pas augmenté par rapport au montant des dons des Britano-colombiens pour la même période. M. Paul Reed a avancé que le taux du crédit d’impôt n’influence en rien certaines formes de dons de bienfaisance et M. Gord Drimmie a indiqué que le crédit d’impôt allongé n’aurait probablement qu’une faible incidence sur les dons.

M.  Parachin a affirmé que les contribuables accumuleraient leurs dons pour obtenir un crédit d’impôt plus élevé s’il y avait un crédit d’impôt allongé. Par conséquent, individuellement, les donateurs ne donneraient pas plus d’argent qu’avant la mise en œuvre d’un crédit d’impôt allongé. Selon lui, l’imposition de règles visant à éviter le regroupement des dons compliquerait le système fiscal.

Le Groupe Financier Banque TD a soutenu qu’un crédit d’impôt allongé serait difficile à gérer pour le gouvernement fédéral, alors qu’Imagine Canada a indiqué que l’ARC pourrait gérer un tel crédit un peu comme elle gère le plafond des cotisations aux régimes enregistrés d’épargne-retraite, soit grâce à une mention sur l’avis de cotisation annuelle du contribuable.

Selon Mme Lamb, le coût budgétaire fédéral du crédit d’impôt allongé serait compensé par une hausse des dons, mais Imagine Canada a affirmé que le coût budgétaire fédéral d’un tel crédit serait minime comparativement aux avantages pour la société qu’entraînerait une augmentation des dons. L’organisme a aussi mentionné l’étude réalisée par le Bureau du directeur parlementaire du budget sur un type de crédit d’impôt allongé. Cette étude estimait que le coût budgétaire fédéral s’établirait entre 10 et 40 millions de dollars. L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable s’est prononcé contre la bonification des incitatifs fiscaux pour les dons de bienfaisance, considérant que cela entraînerait une diminution des recettes fédérales et minerait le financement des programmes.

L’organisme Charity Intelligence Canada a avancé l’hypothèse selon laquelle la bonification des incitatifs fiscaux pour les dons de bienfaisance pourrait donner lieu à une augmentation des stratagèmes d’évasion fiscale. L’organisme a souligné que ces stratagèmes ont actuellement pour effet de réduire les recettes fédérales.

Selon le Bureau du directeur parlementaire du budget, le coût budgétaire fédéral annuel estimé de la prolongation à 10 ans de la période de report prospectif pour les dons de terres écosensibles serait inférieur à 2,5 millions de dollars.

B. Dons de biens réels et d’actions de sociétés privées ou publiques

Les témoins ont proposé des modifications concernant les dons de biens réels et d'actions de sociétés privées à des organismes de bienfaisance, notamment en ce qui a trait à l'imposition des gains en capital. Ils ont aussi parlé des effets possibles de ces changements.

1. Modifications proposées

Bon nombre de témoins étaient pour l’élimination de l’impôt sur les gains en capital pour les dons de biens réels, comme les chalets et les biens à usage commercial, et d’actions de sociétés privées faits à un organisme de bienfaisance. Ils préconisaient également l’élimination de cet impôt lorsque les biens et les actions sont vendus et que le produit de l’aliénation est donné à un organisme de bienfaisance au cours d’une période déterminée. Les personnes et organismes suivants ont soutenu une telle proposition : l’Association for Healthcare Philanthropy, l’Association des professionnels en philanthropie, les Grands Frères Grandes Sœurs du Canada, l’Alliance canadienne des arts de la scène, l’Association canadienne des professionnels en dons planifiés, le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes, l’Université Concordia, l’Université McGill, les Fondations philanthropiques Canada, la Banque Scotia, l’Université du Manitoba, l’Université de Victoria, le Groupe Financier Banque TD, la Fondation du Women’s College Hospital, l’Association des universités et collèges du Canada, Cardus, M. Donald K. Johnson et M. Richardson.

M. Johnson, Imagine Canada, l’Association for Healthcare Philanthropy, la Fondation Women’s College Hospital, l’Association des professionnels en philanthropie et l’Université de Victoria ont indiqué que les dons d’actions de sociétés cotées en bourse avaient augmenté après l’élimination, en 2006, de l’impôt sur les gains en capital pour les dons comme les actions. Selon M. Johnson, les États‑Unis et le Royaume‑Uni exonèrent les dons de biens réels et d’actions de sociétés privées de l’impôt sur les gains en capital.

Certains témoins étaient favorables à l’élimination de l’impôt sur les gains en capital applicable aux dons de biens réels et aux actions des sociétés privées lorsque le crédit d’impôt n’est demandé qu’après la vente des biens ou des actions par l’organisme de bienfaisance. Les dons seraient ainsi évalués correctement. Plus particulièrement, l’Association for Healthcare Philanthropy et l’Association des professionnels en philanthropie se sont prononcées en faveur d’une telle élimination. M.  Johnson a estimé qu'une évaluation indépendante de la valeur du bien réel devait être effectuée et a indiqué que l’organisme de bienfaisance pourrait conserver le bien pendant au moins 10 ans s’il l’utilise dans le cadre de ses activités.

Pour éviter les abus liés à la mesure proposée, l’Association des professionnels en philanthropie et M. Johnson ont déclaré que l’organisme de bienfaisance pourrait obtenir deux évaluations indépendantes lorsqu’il vend le bien réel ou les actions à une entité ou à une personne ayant un lien de parenté ou d’affaires avec le donateur. Selon la Fédération canadienne des contribuables, l’impôt sur les gains en capital devrait être éliminé seulement dans le cas de dons en argent provenant du produit de la vente d’un bien réel ou d’actions mettant en cause des parties non liées. De l’avis de la Fédération, cette méthode permettrait d’établir la valeur véritable du don. M. Richardson, pour sa part, a proposé qu’un formulaire spécial, signé par le donateur, le donataire et un évaluateur, soit présenté à l’ARC pour faciliter l’application des règles. Il a aussi mentionné que les évaluations devraient être effectuées par un membre de l’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises et que l’impôt sur les gains en capital devrait être éliminé au moyen d’une disposition de temporisation de cinq ans. À son avis, la limitation temporelle permettrait d’augmenter les dons pendant cette période.

L’Association canadienne des professionnels en dons planifiés et la Banque Scotia ont proposé d’éliminer l’impôt sur les gains en capital d’une part pour les dons d’actions de sociétés privées seulement lorsque l’organisme de bienfaisance vend les actions dans les 60 mois suivant le don et, d’autre part, pour les dons de biens réels seulement si le produit de la vente réalisée par le donateur est donné dans les 30 jours suivants à un organisme de bienfaisance. Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes et M. Johnson appuyaient le délai de 30 jours lié au produit de la vente du bien réel.

D’autres témoins se sont opposés à l’élimination de l’impôt sur les gains en capital pour les dons de biens réels ou d’actions de sociétés privées. À titre d’exemple, CanaDons et la Banque Scotia ont déclaré que l’élimination serait difficile à gérer pour les petits organismes de bienfaisance, alors que l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a soutenu que cela favoriserait les contribuables à revenu élevé propriétaires de capitaux. L’Alliance des organismes de conservation du Canada et la Fondation David Suzuki s’opposaient à l’élimination de cet impôt pour les dons de terres écosensibles, estimant que de telles terres ne seraient plus protégées et seraient vendues par un promoteur immobilier. Le cabinet Drache Aptowitzer LLP appuyait la réduction, plutôt que l’élimination, de l’impôt sur les gains en capital pour les dons de biens réels. Pour ce qui est des actions cotées en bourse, l’organisme PearTree Financial Services et l’Association canadienne des professionnels en dons planifiés ont proposé une réduction de 50 % de l’impôt sur les gains en capital pour les dons d’actions accréditives, tandis que M.  Parachin faisait remarquer que les actions de sociétés émises en faveur d’un organisme de bienfaisance ne sont pas considérées comme un don à des fins fiscales.

Les avocats du cabinet Benefic ont proposé que le donataire puisse consentir un prêt, appelé instrument de créance admissible pour les dons prêtés au donateur, à toute personne qui lui fait don d’actions d’une société privée afin qu’elle puisse racheter ces actions ou d’autres actions de sociétés privées données au même organisme de bienfaisance ou à un autre. Selon le cabinet, le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance du donateur serait réduit du montant des intérêts et du capital non remboursé à l’organisme de bienfaisance, et le donateur devrait payer à l’organisme la pleine valeur des actions après leur vente. Aux dires des avocats, une telle mesure pourrait régler le problème de l’évaluation du don d’actions d’une société privée.

Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes a proposé que les dons de biens réels faits à un organisme de bienfaisance et dont le donateur tire un avantage, comme la cession d’un droit hypothécaire sur le bien cédé à l’organisme, soient admissibles à un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance réduit du montant de l’avantage reçu.

2. Effets possibles

Le Bureau du directeur parlementaire du budget a estimé que le coût budgétaire fédéral annuel de l’élimination de l’impôt sur les gains en capital varierait de 42 à 101 millions de dollars pour les dons de biens réels et de 61 à 169 millions pour les dons d'actions de sociétés privées. Selon M. Johnson, le coût budgétaire annuel combiné des deux mesures s’établirait entre 50 et 65 millions de dollars et les dons annuels augmenteraient de 200 millions.

C. Legs et planification successorale

L’Association du barreau canadien a proposé de modifier le paragraphe 118.1(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui régit les dons par testament. Ainsi, elle a proposé que le transfert d’un bien à un organisme de bienfaisance prévu au testament soit réputé être un don et que le représentant successoral puisse désigner tout ou partie du transfert comme ayant été fait par la succession.

De plus, l’Association du Barreau canadien a formulé des observations sur le bien détenu par une fiducie testamentaire créée aux termes du testament. À titre d’exemple, elle a proposé que le représentant successoral d’un particulier puisse désigner une partie du don fait par testament comme devant être transférée à une fiducie testamentaire et que les transferts d’une participation au capital de la fiducie et les dons faits à la cessation d’un intérêt viager dans la fiducie soient des dons à des fins fiscales. À son avis, de telles mesures accorderaient plus de souplesse aux administrateurs successoraux et permettraient de réduire l’impôt à payer et d’augmenter le montant des dons au décès.

L’Université de Victoria a recommandé que le bien transféré à une fiducie résiduaire de bienfaisance, une fiducie créée pour assurer au bénéficiaire un revenu de son vivant et dont le capital résiduel est versé à un organisme de bienfaisance, constitue un don à des fins fiscales et soit admissible au crédit d’impôt pour dons de bienfaisance. Selon l’Association du Barreau canadien, les transferts d’une fiducie résiduaire de bienfaisance à un organisme de bienfaisance devraient être considérés comme un don à des fins fiscales seulement lorsqu’aucun crédit d’impôt pour dons de bienfaisance de même valeur n’est demandé à l’égard d’une participation à la fiducie, ce qui, à son avis, préviendrait les cas d’abus de la part de contribuables.

Pour favoriser les legs aux organismes de bienfaisance, M. Reed a proposé au Comité qu’ils aient un taux de crédit d’impôt différent des taux actuels pour les dons de bienfaisance faits par un particulier et que le gouvernement fédéral verse à l’organisme de bienfaisance un montant correspondant à 10 ou 15 % du legs. Quant à la capacité d’un tel organisme de réduire le revenu imposable du donateur, M. Gord Drimmie a proposé un crédit d’impôt remboursable dans le cas des legs. Enfin, selon Mme Susan Service, un plus grand nombre de titulaires de régime de pension agrée inscrirait un organisme de bienfaisance comme bénéficiaire survivant si la Loi de l’impôt sur le revenu ne prévoyait pas de retenue d’impôt sur le transfert de la prestation.

D. Équité fiscale

L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable s’opposait aux modifications du taux de crédit d’impôt pour dons de bienfaisance qui favoriseraient les particuliers riches ou les sociétés, estimant que de telles modifications désavantageraient les pauvres, et a mentionné que les personnes à faible revenu qui font des dons ne demandent pas toujours le crédit d’impôt. Selon l’organisme Cardus, les taux actuels de crédit d’impôt favorisent les dons spontanés plutôt que les dons planifiés. Plusieurs témoins en faveur d’un taux unique de crédit d’impôt ont affirmé qu’un seul taux serait plus équitable pour les donateurs que le taux de crédit à deux niveaux ou le crédit d’impôt allongé. En ce qui concerne ce dernier, M. Parachin a souligné que les contribuables qui donnent le même montant chaque année ne bénéficient pas du même traitement fiscal que ceux qui donnent plus d’une année à l’autre, puisque ces derniers profitent d’incitatifs fiscaux plus généreux. Il a dit préférer, pour les particuliers, un taux de crédit d’impôt graduel qui augmente avec le montant des dons.

Mme Brigitte Alepin était défavorable aux mesures fiscales favorisant les fondations privées au détriment d’autres œuvres de charité, puisque les fondations sont dirigées par une personne ou un groupe de personnes ayant des liens de dépendance plutôt que d’être soumises à un contrôle démocratique. À son avis, les incitatifs qui favorisent les fondations privées vont accroître l’influence qu’exercent ces dernières sur la politique gouvernementale. Lorsqu’elle a parlé des fondations privées et publiques, Mme  Payne a fait remarquer que le nombre de ces fondations au Canada était passé de 5 800 en 1992 à 9 421 en 2008 et que leurs actifs totaux, indexés, étaient passés de 8 à 30 milliards de dollars au cours de cette période.

Selon la Canadian Secular Alliance, l’avancement de la religion ne devrait pas être considéré comme une activité caritative. Elle a donné à entendre que les activités religieuses ne devraient plus figurer sur la liste des activités admissibles qu’utilise l’ARC lors de l’examen de la demande d’enregistrement d’un organisme de bienfaisance. De l’avis de l’Alliance, une fois la modification apportée, le système fiscal ne pourra plus transférer la richesse des Canadiens non religieux à la majorité religieuse. De plus, elle a souligné que le Royaume-Uni exige des organismes de bienfaisance, notamment des organisations religieuses, qu’ils démontrent de quelle façon ils aident le public. De son côté, Mme Payne a mentionné que les organisations religieuses sont celles qui reçoivent le plus de dons et qui bénéficient le moins des subventions versées par les divers ordres de gouvernement et des collectes de fonds.

M. Johnson, le Groupe Financier Banque TD et la Banque Scotia ont déclaré que les contribuables qui donnent des actions de sociétés privées à un organisme de bienfaisance devraient être traités de la même façon que ceux qui donnent des actions de sociétés cotées en bourse. À leur avis, les deux types de dons devraient être exonérés de l’impôt sur les gains en capital.

E. Autres mesures fiscales

L’organisme Banques alimentaires Canada a proposé un nouvel incitatif fiscal conçu pour inciter les entreprises à faire des dons d’aliments à des fins caritatives. Plus précisément, selon la proposition, les fabricants, les importateurs, les distributeurs et les détaillants de produits alimentaires pourraient déduire de leur revenu imposable le coût de production ou le prix d’achat des denrées données aux banques alimentaires ainsi que la moitié du bénéfice net pouvant être réalisé à la vente de ces aliments, jusqu’à concurrence du double du coût de production. L’organisme a évalué le coût budgétaire fédéral annuel de sa proposition à 15 millions de dollars.

M.  Parachin préconisait diverses modifications de forme à la Loi de l’impôt sur le revenu qui, à son avis, simplifieraient l’interprétation des dispositions applicables aux organismes de bienfaisance. À titre d’exemple, il recommandait de mener une étude sur la définition du terme « organisme de bienfaisance » à des fins fiscales et plaidait en faveur d’une définition claire du terme « don » qui, disait‑il, n’a pas été suffisamment précisé dans la Loi. Il a proposé de le remplacer par le terme « don de bienfaisance » afin qu’il comprenne la valeur nette des transferts de biens à un organisme de bienfaisance, ou au profit de celui-ci. À son avis, ce changement simplifierait la Loi et réduirait les coûts administratifs liés au respect de la conformité pour les organismes de bienfaisance et à l’exécution de la loi pour l’ARC. Enfin, il a indiqué qu’il serait difficile d’évaluer les services donnés à un organisme de bienfaisance et que, par conséquent, ceux-ci ne devraient pas figurer dans la définition du terme « don ».

En ce qui concerne le financement fédéral direct ou indirect d’organismes de bienfaisance, Mme Payne a signalé au Comité que le gouvernement du Royaume-Uni, grâce au programme Gift Aid, verse aux organismes de bienfaisance un montant égal à l’impôt payable sur le revenu qu’un particulier a donné à un organisme de bienfaisance. CanaDon a mentionné que, comme le prouve l’appui à Haïti, les gens donnent aux organismes de bienfaisance pour lesquels le gouvernement fédéral fait un don équivalent. Mme Payne s’est prononcée en faveur d’une étude sur le lien entre les dons fédéraux équivalents en appui à Haïti et le comportement des donateurs. Selon l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable, le financement fédéral direct des organismes de bienfaisance peut s’avérer relativement plus rentable que les crédits d’impôt en raison du coût des collectes de fonds de tels organismes. M. Parachin a indiqué que les trop nombreuses subventions fiscales aux organismes de bienfaisance pourraient faire en sorte qu’il soit impossible de distinguer ces organismes du gouvernement.

En ce qui concerne le secteur de l’entreprise sociale, les organismes MaRS Centre for Impact Investing et Génération de l’innovation sociale étaient en faveur de la création d’incitatifs fiscaux fédéraux visant à encourager l’investissement de capitaux dans le secteur. De l’avis de ces organismes, un groupe de travail formé des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des secteurs financier et de l’entreprise sociale devrait élaborer de tels incitatifs.

Quant à la question des dons étrangers et des organismes de bienfaisance, le Fonds mondial pour la nature a mentionné au Comité que ces organismes devaient obtenir plus de dons de bienfaisance de l’étranger. Il a aussi avancé que le gouvernement fédéral devrait collaborer avec d’autres pays afin d’inciter leur population à faire des dons et devrait aussi offrir des avantages fiscaux aux donateurs étrangers. La Fondation David Suzuki n’a pas fait de proposition précise, mais elle a affirmé qu’il faudrait créer des conditions propices aux dons étrangers. En ce qui concerne les dons faits par des organismes de bienfaisance canadiens à des organismes étrangers, l’Association canadienne des professionnels en dons planifiés a parlé des difficultés pour de tels organismes de faire des dons à des entités étrangères tout en respectant les lois fiscales canadiennes.

En ce qui concerne la modification de la Loi de l’impôt sur le revenu et les précisions à y apporter, l’Association du Barreau canadien a mentionné que les dispositions interdisant certains types de transferts entre organismes devraient être circonscrites ou supprimées et que celles contenues dans le projet de loi C-13 déposé à la 1re session de la 41e législature qui portent sur les personnes inadmissibles à occuper des postes d’administrateur ou d’autres postes d’autorité devraient être plus précises.

Selon l’Alliance évangélique du Canada, les familles donnent un plus grand pourcentage de leur revenu aux organismes de bienfaisance canadiens. Par conséquent, le fractionnement du revenu des familles à des fins fiscales réduirait le montant de l’impôt qu’elles doivent payer.

Imagine Canada a déclaré que l’ARC pourrait accroître la « commercialisation » des incitatifs fiscaux pour les dons de charité.

F. Transparence et obligation de rendre compte des organismes de bienfaisance

En ce qui a trait à la transparence et à l'obligation de rendre compte des organismes de bienfaisance, les témoins ont parlé de la divulgation de renseignements, de la communication avec les donateurs, des facteurs en prendre en considération dans le choix d'un organisme de bienfaisance, du fardeau administratif imposé aux organismes et du rôle que jouent les gouvernements dans la surveillance du secteur caritatif.

Des témoins ont abordé la question de la divulgation des renseignements des organismes de bienfaisance et sans but lucratif. À titre d’exemple, le cabinet Blumberg Segal LLP a proposé de procéder à un examen de la déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés, qui pourrait s’inspirer d’un examen semblable réalisé aux États-Unis, afin que le public ait accès à des renseignements plus complets.
Il a aussi proposé de modifier l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour permettre à l’ARC de divulguer le fait qu’un donataire reconnu ne respecte pas les exigences prévues à la loi, ainsi que les déclarations annuelles de ces donataires, et d’obliger les organismes de bienfaisance à démontrer chaque année de quelle façon ils aident le public, comme cela se fait au Royaume-Uni. Mme Alepin a recommandé au Comité d’augmenter le nombre de vérificateurs de l’ARC qui s’occupent exclusivement des organismes de bienfaisance. Quant au cabinet Blumberg Segal LLP, il a mentionné que les forces de police pourraient enquêter davantage sur les fraudes et les abus commis par les organismes de bienfaisance et proposé que la déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés soit plus détaillée et semblable à celle utilisée aux États‑Unis. L’organisme Imagine Canada a fait remarquer que le secteur philanthropique a lancé des initiatives destinées à accroître la transparence et la reddition de comptes, comme le Programme de normes et DonAction.

Selon l’organisme Charity Intelligence Canada et le cabinet Blumberg Segal LLP, il faudrait renforcer l’obligation de rendre compte et la transparence des organismes sans but lucratif, puisqu’à l’heure actuelle, ils sont beaucoup moins réglementés que les organismes de bienfaisance canadiens. Cela dit, ils ont mentionné qu’une obligation de rendre compte et une transparence accrues pourraient imposer un lourd fardeau administratif aux plus petits organismes sans but lucratif, et qu’il faudrait peut-être mettre ces mesures en œuvre selon une échelle progressive, en exigeant davantage des organismes dont les revenus sont plus élevés. D’après l’ARC, il y a environ 161 000 organismes sans but lucratif en exploitation au Canada. Le cabinet Blumberg Segal LLP a recommandé de modifier l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu afin de permettre à l’ARC de divulguer les renseignements figurant à la déclaration de renseignements des organismes sans but lucratif.

En ce qui concerne les communications du gouvernement fédéral avec les donateurs au sujet des organismes de bienfaisance et des considérations pertinentes pour choisir à quel organisme faire un don, l’Association des professionnels en philanthropie a recommandé que les donateurs, au moment de faire leur choix, ne s’attardent pas seulement aux coûts de la collecte de fonds, mais qu’ils examinent plutôt certains facteurs comme la mission de l’organisme, sa stabilité budgétaire et les résultats obtenus. Selon M. Lukas Huisman, outre la publication d’un communiqué lorsque l’enregistrement d’un organisme est révoqué, l’ARC devrait publier des communiqués périodiques indiquant le nombre de vérifications et d’examens n’ayant révélé aucun cas d’inobservation importante. Afin de permettre à un organisme de bienfaisance de mieux traduire la manière dont il remplit son mandat, l’organisme Dexterity Ventures a affirmé que la déclaration annuelle de renseignements de l’ARC devrait comporter des questions qui vont au-delà des coûts associés au financement. L’organisme Charity Intelligence Canada a formulé des observations sur les organismes de bienfaisance dont les stratagèmes fiscaux font en sorte que les donateurs sont assujettis à l’impôt sur le revenu, ainsi que sur le manque d’information publique sur ceux qui favorisent et utilisent ces stratagèmes.

Plusieurs témoins ont proposé des mesures visant à réduire le fardeau administratif des organismes de bienfaisance. Ainsi, l’Association du Barreau canadien a invité le gouvernement fédéral à simplifier les titres excédentaires détenus par des fondations privées et à éliminer les mesures inutilement complexes ou non justifiées par des objectifs importants. De son côté, le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes appuyait un changement qui permettrait d’utiliser 1 % du revenu annuel d’un organisme de bienfaisance à l’étranger sans qu’il soit nécessaire d’avoir un mandat ou un accord de partenariat.

En ce qui concerne le rôle de surveillance du gouvernement fédéral, l’organisme Dexterity Ventures a avancé que le gouvernement devrait examiner le processus de demande de statut d’organisme de bienfaisance pour faire en sorte, dans la mesure du possible, de minimiser la redondance dans le secteur en limitant le nombre d’organismes qui fournissent des services précis. Il a aussi recommandé la création d’un poste d’ambassadeur de la philanthropie au sein du gouvernement fédéral.

L’Association du Barreau canadien, l’organisme Dexterity Ventures et M. Huisman ont fait valoir la nécessité d’accroître l’efficacité des organismes de bienfaisance en matière de déclaration, peut-être grâce à la collaboration entre les ministères fédéraux et entre le gouvernement fédéral et les autres ordres de gouvernement. Le cabinet Drache Aptowitzer LLP a fait observer que les provinces pourraient jouer un rôle dans la réglementation des organismes de bienfaisance en créant un organe de réglementation fédéral-provincial qui aurait la capacité de régir d’autres aspects des activités de bienfaisance, comme la défense d’intérêts politiques et les coûts de la collecte de fonds.

G. Collecte de fonds et sources de revenus

À propos des activités de financement et des sources de revenus, les témoins ont parlé de la réglementation de la collecte de fonds et des investissements dans les organismes de bienfaisance, ainsi que des activités commerciales et des revenus qui en découlent.

En ce qui concerne les moyens, outre les dons, qui permettent aux organismes de bienfaisance de recueillir des fonds, le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes et l’organisme Cardus étaient favorables à la poursuite du dialogue entre le gouvernement fédéral et le secteur caritatif sur la participation des organismes de bienfaisance à des activités sociales à but lucratif. Ils appuyaient aussi le financement constant des entreprises sociales. L’organisme Dexterity Ventures recommandait de légiférer en matière de classification des entreprises sociales et d’avantages fiscaux en ce qui concerne les investisseurs. Selon l’organisme, les mesures législatives permettraient aux fondations privées d’investir dans des entreprises sociales à but lucratif dans le cadre de leur contingent des versements et créeraient une banque d’investissement social semblable à celle qui existe au Royaume‑Uni. L’organisme Génération de l’innovation sociale et le MaRS Centre for Impact Investing ont donné à entendre que les entreprises sociales bénéficieraient d’un partenariat entre le gouvernement fédéral et les institutions financières qui mènerait à la création de fonds national et régionaux d’investissement d’impact au service des entreprises sociales. Ces fonds devraient tenir compte des capitaux d’emprunt des organismes de bienfaisance. Quant aux Fondations philanthropiques Canada, elles recommandaient de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin de permettre aux fondations de consentir des prêts à des taux inférieurs à ceux du marché à des entités autres que les organismes de bienfaisance enregistrés, comme les entreprises sociales. Une augmentation du contingent des versements a été proposée par Mme Alepin et le cabinet Blumberg Segal LLP.

Le Comité a aussi entendu des observations sur d’autres types de finance sociale, notamment par l’organisme LIFT Philanthropy Partners, qui a déclaré que la philanthropie de risque, un mécanisme de financement qui applique les notions de financement de capital de risque à des objectifs philanthropiques, devrait être considérée comme un moyen novateur et crédible de renforcer la capacité du secteur sans but lucratif, afin qu’il puisse relever les défis sociétaux liés à l’emploi, à la littératie, à l’acquisition de nouvelles compétences, à la santé et au mieux-être. Le cabinet Drache Aptowitzer LLP a recommandé de mener une étude sur l’investissement d’impact, qui vise à la fois la rentabilité et un rendement social. Enfin, les Fondations philanthropiques Canada et les Fondations communautaires du Canada ont indiqué que, lorsqu’il est possible d’établir qu’un investissement contribue à la poursuite d’un but caritatif, le gouvernement fédéral devrait revoir son interprétation de la société en commandite comme investissement interdit à une fondation privée.

Afin d’accorder aux organismes de bienfaisance une plus grande souplesse pour le contrôle d’une entreprise à but lucratif, les organismes Habitat pour l’humanité, Génération de l’innovation sociale et MaRS Centre for Impact Investing ont soutenu que le gouvernement fédéral devrait mettre en place un « test de l’affectation des profits ». Selon eux, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui utilisent ce test, considère qu’une activité non imposable est légitime tant que les profits générés par l’exploitation commerciale connexe reviennent à l’organisme de bienfaisance et servent au bien commun. De l’avis de M. Patrick Ellis, les organismes de bienfaisance devraient pouvoir, à des fins fiscales, faire des affaires en vue de réaliser des profits pour financer leurs activités caritatives. L’organisme Dexterity Ventures était favorable à une réglementation fédérale officielle des activités philanthropiques commerciales, comme les cartes-cadeaux et les catalogues de cadeaux au profit d’organismes de bienfaisance ou les organismes ombrelles sur le Web qui recueillent et versent des fonds. Cet organisme a également avancé que le gouvernement fédéral, en collaboration avec le secteur privé, devrait établir un processus d’accréditation des conseillers en gestion philanthropique.

H. Autres mesures proposées et points soulevés

Les témoins se sont enfin exprimés concernant d'autres aspects des dons de bienfaisance, comme l'établissement d'une culture du don, l'utilisation des sources de données actuelles afin de mieux comprendre la pratique du don de bienfaisance, les sanctions imposées aux organismes de bienfaisance qui contreviennent aux lois sur les droits de la personne, et l'utilisation de la technologie pour faire un don de bienfaisance.

En ce qui concerne l’établissement d’une culture du don au Canada par la mobilisation de la population à des fins de sensibilisation et de création d’un mouvement pour améliorer les habitudes de dons des Canadiens, les organismes GIV3, Fondations communautaires du Canada, Alliance évangélique du Canada et Fondation David Suzuki ont affirmé que le gouvernement fédéral pourrait contribuer à l’établissement d’une telle culture en aidant les organismes de bienfaisance à recueillir plus de dons et à accroître le bénévolat et le travail de terrain. Plus particulièrement, l’organisme GIV3 a demandé l’aide du gouvernement fédéral pour créer une campagne nationale à long terme visant à accroître la sensibilisation et les dons. Selon M. Reed, il serait possible d’établir une culture du don dans la collectivité grâce à des politiques gouvernementales qui renforceraient les « processus d’apprentissage sociaux », qui s’acquièrent grâce à l’expérience de la vie, à l’éducation et au travail.

De même, la Fondation David Suzuki, les Grands Frères Grandes Sœurs du Canada et l’Alliance évangélique du Canada ont souligné l’importance de la mobilisation dès le jeune âge et ont proposé de sensibiliser davantage la population aux avantages des dons de bienfaisance par l’intermédiaire du système scolaire, des centres communautaires, des églises, des fondations et d’autres organismes. Ces organismes ont soutenu qu’en appuyant le rôle des conseillers, des bénévoles et autres mentors, il serait possible d’établir une plus grande culture du don de bienfaisance au Canada.

Mme Payne et l’organisme Volunteer Canada ont parlé au Comité de la nécessité d’utiliser davantage les données existantes, comme celles figurant sur les déclarations de revenus et les déclarations de renseignements des organismes de bienfaisance, pour mieux comprendre les tendances et les caractéristiques des dons. De plus, selon M. Richardson, il faut poursuivre le développement de nouvelles sources de données. Ce dernier appuyait la continuation des enquêtes actuelles, comme l’Enquête canadienne sur le don, le bénévolat et la participation menée par Statistique Canada.

Au sujet des programmes fédéraux en matière de dons de bienfaisance visant à réduire l’itinérance et à appuyer le logement social, l’Alliance évangélique du Canada a déclaré que la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance et l’initiative Priorité au logement devraient être maintenues et élargies. De plus, dans la logique d’une recommandation que le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a formulée dans son rapport intitulé Plan fédéral de réduction de la pauvreté : Travailler en partenariat afin de réduire la pauvreté au Canada, l’Alliance s’est dite favorable à l’établissement d’une stratégie nationale de réduction de la pauvreté et, en partenariat avec les provinces et territoires, d’une stratégie nationale du logement.

Le Conseil de l’égalité parentale du Canada a mentionné qu’en refusant d’aider des gens, les organismes de bienfaisance peuvent faire preuve de discrimination fondée sur le sexe, la race, la religion ou d’autres critères définis. De même, il a fait remarquer qu’ils peuvent refuser d’embaucher des gens ou participer à des campagnes qui encouragent la discrimination envers certaines personnes. Pour contrer la discrimination, le Conseil a avancé que le gouvernement fédéral pourrait révoquer le statut d’organisme de bienfaisance d’un organisme s’il s’avère que ses pratiques sont discriminatoires et contreviennent à la Charte et aux lois sur les droits de la personne. Selon le Conseil, le terme « bienfait d’intérêt public » devrait être plus clairement défini et viser aussi les organismes de bienfaisance qui fournissent des services en respectant la diversité, les droits précisés dans la Charte, les lois sur les droits de la personne et diverses autres conventions onusiennes. Enfin, il a proposé que le remboursement de la taxe d’accise ne s’applique pas aux organismes financés par l’État qui refusent de fournir des services commerciaux, comme des services en droit civil, à certaines personnes.

Selon la Fondation des dons sans fil, le mobicommerce, soit l’utilisation de la technologie mobile pour faire des opérations commerciales, prend de l’ampleur au Canada et ailleurs. Le nombre d’opérations commerciales mobiles devrait dépasser les 100 milliards de dollars en revenus annuels de vente au détail d’ici à 2015, ce qui représente près de 10 % de l’ensemble du commerce électronique. La Fondation a indiqué que l’utilisation de cette technologie pour faire des dons de bienfaisance, par messagerie texte, était aussi en progression au Canada. À son avis, il faut sensibiliser davantage les Canadiens pour qu’ils tirent pleinement parti des gains d’efficience possibles et de la commodité de cette technologie pour faire des dons.

CHAPITRE TROIS : RECOMMANDATIONS DU COMITÉ AFIN DE FAVORISER LES DONS DE BIENFAISANCE

Recommandations d’ordre fiscal

1.    Sous réserve de l’intention déclarée du gouvernement d’équilibrer le budget à moyen terme, que le gouvernement fédéral étudie la faisabilité de supprimer ou de réduire l’impôt sur les gains en capital provenant de dons de biens réels ou immeubles ou d’actions de sociétés privées faits à un organisme de bienfaisance, pourvu que le produit de l’aliénation soit donné à un organisme de bienfaisance au cours d’une période déterminée, et qu’il examine le coût d’une telle mesure.

2.    Sous réserve de l’intention déclarée du gouvernement d’équilibrer le budget à moyen terme, que le gouvernement fédéral étudie la faisabilité d’adopter un crédit d’impôt allongé, et qu’il examine le coût d’une telle mesure.

3.    Sous réserve de l’intention déclarée du gouvernement d’équilibrer le budget à moyen terme, que le gouvernement fédéral étudie la faisabilité de prolonger la période de report des dons de bienfaisance — y compris les dons de terres écosensibles et de biens culturels certifiés — et qu’il examine le coût d’une telle mesure.

4.    Sous réserve de l’intention déclarée du gouvernement d’équilibrer le budget à moyen terme, que le gouvernement fédéral trouve des moyens d’accroître les dons de bienfaisance du secteur des entreprises — y compris le réexamen de la limite maximale actuelle pour don — et qu’il examine le coût de telles mesures.

5.    Sous réserve de l’intention déclarée du gouvernement d’équilibrer le budget à moyen terme, que le gouvernement fédéral étudie la faisabilité de favoriser le legs et le transfert d’un bien — prévu au testament — aux organismes de bienfaisance, et qu’il examine le coût d’une telle mesure.

6.    Que le gouvernement fédéral entreprenne un examen de forme de la Loi de l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les organismes de bienfaisance, notamment la définition des termes « organisme de bienfaisance », « don de bienfaisance » et « don », pour simplifier les choses et réduire les coûts administratifs des organismes de bienfaisance.

Recommandations visant la sensibilisation du public

7.    Que le gouvernement fédéral continue à surveiller les tendances et les caractéristiques des dons de bienfaisance et qu’il rende de telles données accessibles.

8.    Que le gouvernement fédéral fasse la promotion des dons de bienfaisance en informant les Canadiens qu’il existe des incitatifs fiscaux pour les dons de bienfaisance et des avantages, et en le leur rappelant.

9.    Que le gouvernement fédéral collabore avec le secteur caritatif pour faire la promotion des « dons sans fil » en informant les Canadiens des avantages et de la commodité des dons de bienfaisance faits au moyen des nouvelles technologies.

10. Que le gouvernement fédéral continue d’examiner des instruments de financement social comme moyen de favoriser l’établissement de partenariats entre le gouvernement et les collectivités.

Recommandations visant à réduire le fardeau administratif

11. Que le gouvernement fédéral continue à chercher des moyens de réduire le fardeau administratif des organismes de bienfaisance, notamment en examinant la possibilité de simplifier les titres excédentaires détenus par des fondations privées, le dédoublement des exigences et la possibilité d’instaurer la production de rapports administratifs selon une échelle mobile et proportionnelle à la taille de l’organisation de bienfaisance.

Recommandations visant la transparence

12. Que le gouvernement fédéral continue à reconnaître que la promotion d’une plus grande transparence et d’une meilleure reddition de comptes dans le secteur caritatif accroît la confiance des Canadiens et leur volonté de donner plus généreusement. Par conséquent, le gouvernement fédéral devrait étudier la possibilité de continuer d’améliorer la reddition de comptes et d’accroître la transparence du secteur caritatif, notamment en donnant à l’Agence du revenu du Canada (ARC) les moyens de divulguer le fait qu’un donataire reconnu ne respecte pas la loi, ainsi que les déclarations annuelles de ces donataires, en obligeant les organismes de bienfaisance à démontrer chaque année de quelle façon ils aident le public, en adoptant les mesures proposées dans le projet de loi C-470 adopté à l’étape de la troisième lecture au cours de la 40e législature et en permettant à l’ARC de divulguer tout ou une partie des renseignements figurant à la déclaration de renseignements des organismes sans but lucratif.