Passer au contenu
Début du contenu

LANG Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

C. Le développement communautaire

1. Investissements de la Feuille de route 2008-2013 : description des initiatives et des réussites

Pour appuyer le développement communautaire et le travail des organismes et des institutions des CLOSM, la Feuille de route a bonifié deux programmes existants du ministère du Patrimoine canadien : la Coopération intergouvernementale et le Programme d’appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

1.1 La coopération intergouvernementale (Patrimoine canadien)

Au moyen d’ententes bilatérales, Patrimoine canadien collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’offrir des services provinciaux, territoriaux et municipaux dans la langue de la minorité. La collaboration fédérale dans ce domaine existe depuis plus de 20 ans et permet de desservir environ 2 millions de Canadiens vivant en situation minoritaire[75].

Cette composante du programme Développement des communautés de langue officielle de Patrimoine canadien est dotée d’un budget annuel de 16,8 millions de dollars, dont 4,5 millions proviennent de la Feuille de route. Sur les 5 années visées par la Feuille de route, la coopération intergouvernementale en matière de services dans la langue de la minorité aura bénéficié d’investissements de 84 millions de dollars, dont 22,5 millions de dollars de la Feuille de route. Il est à noter que cette bonification de 4,5 millions de dollars a débuté en 2003, avec le Plan d’action pour les langues officielles.

Il importe de reconnaître que les organismes et institutions des CLOSM ont un rôle de premier plan à jouer dans l’offre de services dans la langue de la minorité aux paliers provincial, territorial et municipal. Les citations suivantes de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) en témoignent :

C'est là que nous intervenons. Nous prenons le relais lorsque le gouvernement albertain ne se sent pas investi de l'obligation de promouvoir la dualité linguistique et de desservir la population dans les deux langues. Nous soutenons toutes sortes d'initiatives qui devraient, en fin de compte, être fournies par les institutions gouvernementales, qu'elles soient provinciales ou municipales[76].

Dans bien des cas, nous remplaçons les organismes qui ne fournissent pas de services en français chez nous. Nous employons tous les moyens à notre disposition pour le faire. Un organisme qui traite des questions de justice s'occupe de plusieurs choses, en plus du programme d'accès à la justice. Des compressions dans un ministère peuvent avoir une incidence cumulative, comme vous l'avez dit. Pour notre part, nous sommes financés par Patrimoine canadien, Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que par la province. Si tous ceux qui financent un organisme appliquent des compressions, il va sans dire qu'il y aura un effet cumulatif[77].

Le programme de Coopération intergouvernementale a permis plusieurs réalisations. Par exemple, l’Office des affaires acadiennes de la Nouvelle-Écosse a mis sur pied la campagne « Ça se brasse chu nous », une campagne de marketing communautaire qui vise à informer les Acadiens de l’offre croissante de services en français par le gouvernement provincial, tout en les incitant à utiliser ces services et à exiger d’être servis en français.

En Saskatchewan, le programme a contribué à la création du Centre de services virtuel, un guichet unique qui donne aux membres de la communauté accès en français aux services et aux programmes du gouvernement. L’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) a fait valoir au Comité que la Direction des Affaires francophones du gouvernement de la Saskatchewan (DAF) est financée, en partie, par des fonds du programme de Coopération intergouvernementale. Aux dires de l’ACF, la DAF est la porte d’entrée pour les services en français du gouvernement de la Saskatchewan. De même, la Feuille de route finance le bureau des services en français du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador[78]. Elle finance également Services TNO, un centre de services francophone à guichet unique qui regroupe des services du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) et des renseignements à leur sujet, permettant ainsi de simplifier les démarches administratives des citoyens et de leur faciliter l'accès aux services publics en français.

Les ententes bilatérales contribuent également à la mise en œuvre des régimes linguistiques provinciaux et territoriaux, particulièrement dans les T.N.-O. et au Nunavut. La Fédération franco-ténoise a fait valoir au Comité que le gouvernement des T.N.-O et la communauté francophone ont finalisé un Plan de mise en œuvre des communications et des services en français. Le gouvernement des T.N.-O reçoit annuellement 1,9 million de dollars de Patrimoine canadien pour la mise en œuvre de ce plan[79]. L’Association des francophones du Nunavut a demandé au gouvernement fédéral un appui similaire pour la mise en œuvre de la loi territoriale sur les langues officielles prévue pour 2012.

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 10

Que, dans le cadre d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles, le gouvernement du Canada encourage les provinces et les territoires à fournir des résultats tangibles et des mécanismes de reddition de comptes de façon à recentrer les investissements vers les besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

1.2 L’appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire (Patrimoine canadien)

Par l’entremise de l’initiative d’Appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, Patrimoine canadien soutient près de 400 organismes communautaires à travers le pays dans leurs efforts de promouvoir le développement et la vitalité des CLOSM. Patrimoine canadien appuie plusieurs réseaux qui permettent, notamment de soutenir le travail de 131 organismes culturels, 24 organismes jeunesse et 13 organismes de parents, d’appuyer une centaine de radios et de journaux communautaires dans autant de communautés, de tenir des activités dans plus de 100 autres centres culturels ou communautaires partout au pays et de tenir de grands rassemblements culturels comme le Congrès mondial acadien ou celui qui a eu lieu à la Place de la Francophonie lors des Jeux olympiques et paralympiques de Vancouver. L’initiative d’Appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire a obtenu 193 millions de dollars sur 5 ans, dont 22,5 millions de dollars de la Feuille de route.

2. Témoignages et recommandations

2.1 Investir dans l’appui aux organismes et institutions des CLOSM

En ce qui concerne l’appui aux communautés, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) aurait souhaité que la Feuille de route adopte une approche plus équilibrée :

La mise en œuvre de la Feuille de route s'est faite par l'entremise d'un réseau associatif bien concerté et engagé auprès des francophones. Si la Feuille de route a mis l'accent sur le service aux citoyens, ce sont les organismes et institutions des communautés qui ont effectué cette prestation de services.

Ils l'ont fait sans un renforcement significatif de leurs capacités. Or, il nous semble que plus on investit dans les capacités du prestataire de services, plus on obtient de rendement de notre investissement sur le plan de l'efficacité, des résultats et de la satisfaction de la clientèle. Il est donc important que l'initiative qui succédera à la Feuille de route aborde la question de la prestation des services en même temps que celle du renforcement du réseau des associations et organismes qui, d'un bout à l'autre du pays, sont branchés sur le citoyen et sont le plus en mesure d'effectuer cette prestation de services à moindre coût.[80].

Le soutien aux organismes et institutions des CLOSM est un domaine prioritaire pour les intervenants des réseaux communautaires. Selon l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), la vitalité des communautés est en grande partie le fruit des efforts des organismes et des institutions communautaires :

Si nous avons aujourd'hui des écoles, des centres d'accueil et d'établissement, des agences d'emploi et d'autres services en français en Alberta, c'est parce que des organismes communautaires francophones ont détecté les besoins et ont par la suite effectué la mobilisation, la sensibilisation et la mise en marché de ces services[81].

Le Canada traverse une période difficile sur le plan économique et d’importantes compressions budgétaires ont été annoncées. Néanmoins, les obligations constitutionnelles et légales du gouvernement fédéral envers la dualité linguistique et les CLOSM demeurent. Selon la FCFA, le gouvernement fédéral doit miser sur les organismes et institutions des CLOSM, ainsi que leurs réseaux associatifs et institutionnels, pour maintenir l’offre de services dans la langue de la minorité :

Dans un contexte d’austérité financière et d’utilisation responsable et efficiente des fonds publics, il est important de retenir que les organismes et les institutions qui sont au service des citoyens et des citoyennes de langue française, tout comme ceux qui desservent une myriade de collectivités diverses d’un bout à l’autre du pays, font leur part depuis déjà plusieurs années. Ils ont trouvé des solutions innovatrices pour composer avec des ressources de plus en plus restreintes et ils ont réussi, malgré tout, à produire des résultats tangibles pour les individus et les familles qui veulent vivre en français, des résultats qui s’inscrivent en ligne avec l’engagement du gouvernement en termes d’appui au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire[82].

Dans le discours du Trône de juin 2011, le gouvernement fédéral a affirmé que « les communautés sont les mieux placées pour surmonter leurs défis particuliers, mais le gouvernement peut contribuer à créer les conditions qui leur permettront, ainsi qu’aux industries qui les soutiennent, de réussir[83]. » Selon la FCFA, la création de conditions implique une stratégie de financement adéquate pour les organismes, institutions et réseaux des CLOSM qui, au nom du gouvernement, offrent des services de qualité aux citoyens dans la langue de leur choix :

[…] il faut reconnaître que livrer des activités et des services au citoyen et à la collectivité avec efficience et à moindre coût passe par le renforcement des capacités des organismes et institutions de faire ce travail. Les moyens dont ils disposent à l’heure actuelle sont nettement insuffisants pour répondre adéquatement à la demande croissante pour des services et des programmes en français qui répondent aux besoins des individus et de la collectivité[84].

La diminution ou le retrait de l’appui du gouvernement fédéral pourrait provoquer le démantèlement de tout un réseau d’organismes et d’institutions. Cela obligerait les organismes gouvernementaux à trouver de nouvelles stratégies et de nouveaux partenaires. Dans un mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, la FCFA a bien articulé l’importance d’un renforcement des investissements en appui aux organismes et des institutions des CLOSM :

Le renforcement que nous recommandons, loin d’être déraisonnable en temps d’austérité budgétaire, devrait plutôt être perçu comme un réalignement stratégique des ressources. Couper encore une fois dans les investissements dans les organismes et institutions des communautés rendrait ceux-ci incapables de livrer les services auxquels s’attendent les citoyens de langue française, des services auxquels ils ont droit. Cela obligerait, dans plusieurs cas, les institutions gouvernementales à identifier des alternatives, puisque l’engagement du gouvernement envers les individus, les familles, les collectivités et l’appui au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire est toujours là[85].

Il importe de souligner l’importance des réseaux que les CLOSM, en partenariat avec les institutions fédérales, ont mis sur pied au cours des dernières années. Selon la FCFA, ces réseaux contribuent à la concertation et au partage de bonnes pratiques dans le travail de développement et de mise en œuvre des services. Ils répondent parfaitement aux besoins des CLOSM :

Comment pourrait-il en être autrement? Dans un contexte où les communautés francophones sont souvent dispersées et isolées, il est difficile de voir comment elles pourraient, autrement qu'en s'organisant en réseau et en coordonnant leurs activités autour d'enjeux et de priorités spécifiques, assurer leur développement et leur accès à des services en français de qualité égale à celle des services dont bénéficie la majorité[86].

Ce partenariat qui s’est développé au fil du temps entre le gouvernement fédéral et les organismes, institutions et réseaux des communautés francophones est aussi présent du côté anglo-québécois. Les organismes comme les Townshippers’ Association dans les Cantons-de-l’Est sont devenus des phares pour les communautés anglophones qu’elles desservent :

Nous sommes la porte où vient frapper la communauté d'expression anglaise. Nous sommes une source fiable d'information et le lieu où il faut aller pour de multiples services et ressources. Nous travaillons de concert avec le gouvernement fédéral afin de faire en sorte que la communauté d'expression anglaise des Cantons de l'Est ait le meilleur accès possible aux services, à la formation et à la représentation. Nous continuons de découvrir des moyens innovateurs et durables de mobiliser et informer notre communauté[87].

Lors de son passage au Comité, le commissaire aux langues officielles du Canada a abordé la question des réductions budgétaires et leurs répercussions sur le développement des CLOSM ainsi que leurs répercussions sur la capacité des institutions fédérales de respecter leurs engagements en vertu de la partie VII de la Loi sur langues officielles. Selon le commissaire, il est essentiel que les institutions fédérales analysent les conséquences des réductions sur la vitalité des CLOSM :

D'abord, je ne m'attends pas à ce que les programmes de langues officielles soient à l'abri des coupes qui s'annoncent dans les dépenses. Cependant, le gouvernement doit s'assurer que ces programmes ne souffriront pas non plus de façon disproportionnée. Les réductions des dépenses de 1995 ont eu des répercussions majeures sur le développement des communautés de langue officielle, à tel point qu'il a fallu mettre les bouchées doubles pour redresser le cap à partir de 2003.

De plus, afin de se conformer à leurs obligations en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, les institutions fédérales devront s'assurer d'analyser les répercussions des coupes qu'elles ont l'intention de faire dans leurs programmes et services. En présence de conséquences négatives sur la vitalité des communautés, elles devront trouver et prendre des mesures pouvant minimiser de telles conséquences.

Certaines communautés de langue officielle sont si fragiles que des réductions majeures dans certains programmes pourraient sérieusement compromettre leur vitalité[88].

Pour que le gouvernement et les CLOSM bénéficient pleinement d’un retour sur les investissements des fonds publics, il est nécessaire de renouveler l’appui aux organismes, institutions et réseaux des CLOSM :

Branchés sur la collectivité qu’ils desservent, les organismes et institutions de nos communautés sont en mesure de livrer des services et des programmes à un coût moindre que s’ils étaient offerts directement par des institutions gouvernementales ou par le secteur privé[89].

À ce sujet, le gouvernement du Canada s’est engagé dans son discours du Trône de 2011 à créer des conditions pour venir en aide aux communautés, un engagement qui cadre dans ses responsabilités légales en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Dans le Plan d’action économique 2012-2013, il a réitéré son engagement envers les langues officielles[90]. Pour que cet engagement se concrétise, le gouvernement du Canada doit reconnaître que les organismes, les institutions et les réseaux construits par les CLOSM assurent la prestation de services gouvernementaux, tant au palier fédéral qu’aux paliers provincial, territorial et municipal. Ainsi, ils participent activement à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. En contrepartie, le Comité a noté l’engagement des partenaires communautaires à toujours être plus efficaces, efficients et innovateurs dans la prestation des services et l’utilisation des ressources.
Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 11

Que la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada appuie les organismes, institutions et réseaux des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire et qu’elle finance leurs capacités pour assurer la livraison de services de qualité égale dans la langue de la minorité.

2.2 Le financement pluriannuel

La planification des services et des stratégies de financement est au cœur des préoccupations des organismes et institutions des CLOSM. Sur ce point, plusieurs groupes ont témoigné du fait que l’absence d’un financement pluriannuel nuit à leur fonctionnement, donc à leur capacité de servir leurs communautés :

Malheureusement, le financement doit être renouvelé d'année en année. C'est donc dire qu'aucune stabilité ne nous est donnée en garantie[91].

Permettez-moi d'ajouter quelque chose de façon un peu plus pragmatique. Vous avez ici réuni des organismes formés d'individus qui ont d'excellentes formations, capacités et habiletés qu'ils peuvent utiliser à bon escient grâce au financement stable que fournit la Feuille de route.

Si nous sommes obligés d'avancer projet par projet, nous devenons préoccupés par la survivance de notre organisme et nous ne pouvons pas aussi bien utiliser à bon escient nos qualifications et notre expertise[92].

Le Black Community Resource Centre (BCRC) a discuté des conséquences d’un financement ponctuel sur la planification des ressources humaines des organismes et institutions communautaires. L’impossibilité de garantir un emploi et un salaire compétitif aux employés crée un climat d’instabilité et favorise un haut taux de roulement du personnel au sein de l’organisme. Cela entraîne une perte substantielle pour le groupe qui voit sa capacité de développer ses programmes, d’innover et de livrer des services considérablement diminuée :

Ce manque de financement de base signifie également qu'il nous est difficile de développer nos ressources humaines dans un contexte d'organisme à but non lucratif. Nous passons beaucoup de temps à former des bénévoles et du personnel affectés aux projets, mais nous n'en profitons qu'à court terme, pas à long terme. Nous devons nous défaire de ces gens, en particulier des personnes embauchées pour les projets, dès que ces projets sont terminés.

Le salaire horaire des personnes engagées pour un projet est fonction du financement obtenu pour ce projet, pourtant ces personnes aident à résoudre à long terme des problèmes recensés dans des domaines stratégiques du BCRC. Les transferts de connaissances et l'expertise que nous développons sont malheureusement perdus lorsque nous devons nous défaire de ces jeunes ou lorsqu'ils choisissent de nous quitter pour des emplois mieux rémunérés et plus sûrs. C'est un gaspillage de ressources, humaines et financières, qui ralentit en permanence la construction de notre capacité interne[93].

Le BCRC a également souligné un problème qui touche à la conception de certains programmes. Il semblerait que les règles de financement ne sont pas assez souples pour valoriser et offrir un soutien continu aux initiatives qui connaissent du succès :

Un autre secteur de préoccupation, qui requiert certainement une grande attention, est que les succès des organismes représentant des communautés de langue officielle en situation minoritaire ne sont pas reconnus. Par cela, je veux dire que lorsque nous avons élaboré et réalisé un programme qui donne de bons résultats dans la communauté, les règles de financement interdisent un renouvellement du financement du programme en question. Dans notre cas, par exemple, lorsque l'un de nos projets obtient une bonne évaluation, que la rétroaction des participants et des partenaires intéressés soit plus qu'excellente, nous n'avons aucune chance d'obtenir un nouveau financement pour continuer ce projet à moins que nous le modifiions pour répondre aux exigences d'un autre programme. J'ai vu des projets médiocres traités de la même façon que des projets réussis. Il n'existe pas de volonté de conserver les projets qui donnent de bons résultats dans la communauté. Pourquoi? Parce que les succès du projet sont mesurés en termes de résultats immédiats; nous passons le test pour cela, mais nous avons besoin de fonds suffisants pour répondre aux besoins sociaux, culturels et économiques à long terme, combler des lacunes et permettre aux communautés d'être durables. C'est là un des objectifs du BCRC[94].

Dans de pareils cas, un examen des programmes s’impose.

2.3 La bonification des investissements

Outre le financement pluriannuel, plusieurs témoins ont plaidé en faveur d’un accroissement de l’appui fédéral qui est accordé aux organismes, institutions et réseaux des CLOSM. Il importe de souligner que les besoins financiers des groupes s’expliquent, en grande partie, par le succès qu’ils connaissent :

Bien que les demandes pour nos services s'accroissent, que notre crédibilité augmente et que nous obtenions des résultats solides, mesurables et durables grâce aux ressources financières qui nous sont accordées, notre réalité est encore celle d'une communauté vieillissante, à faible revenu, dispersée et sous-scolarisée. Nous ne pouvons plus compter sur les dons et les cotisations de nos membres pour soutenir toutes ces initiatives. Le financement gouvernemental revêt une importance cruciale pour notre existence. Et je puis vous assurer que notre existence est cruciale pour assurer l'épanouissement de notre communauté, lui donner une voix et forger sa place au sein de la société québécoise.

Le gouvernement fédéral doit continuer de reconnaître l'importance de développer des programmes qui soutiennent les communautés de langue officielle en situation minoritaire, tant par le financement de programmes que celui de projets, ce qui nous permettra de poursuivre notre travail et de maintenir le rythme de croisière que nous avons acquis au cours des dernières années. Il doit continuer de soutenir le développement continu de nos relations avec notre public et nos partenaires de la communauté grâce à des réseaux bien établis, et continuer de reconnaître les résultats concrets et mesurables que nous atteignons[95].

Certains témoins ont fait valoir au Comité que le financement de base servant à renforcer les capacités des CLOSM n’a pas été indexé au coût de la vie. Selon la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, le financement de base n’a pas été bonifié depuis les 10 dernières années :

[…] en 10 ans, nous avons perdu 30 p. 100 de nos revenus, si l'on tient compte du taux d'inflation. Nous nous sommes battus dans les années 1990 pour obtenir un financement pluriannuel. Nous remercions le gouvernement fédéral d'avoir répondu à notre demande. Toutefois, nous avons oublié de négocier pour que ces fonds soient indexés au coût de la vie, ce qui nous aurait évité de nous retrouver, 10 ans plus tard, avec 30 p. 100 de revenus en moins[96].

Ce raisonnement a été repris par la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador :

[…] du fait que l'enveloppe communautaire n'a pas été augmentée depuis plus d'une décennie, il y a mécaniquement une coupure puisque l'inflation n'a pas été prise en compte donc on peut estimer, aujourd'hui, à plus de 30 p. 100 la réduction de nos capacités d'action[97].

Les organismes, institutions et réseaux des CLOSM sont en mesure d’aider les institutions fédérales à remplir leurs devoirs en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Partenaires dans la livraison de services, ils doivent bénéficier d’un appui adéquat pour offrir des services de qualité aux citoyens vivant en situation minoritaire. Du point de vue gouvernemental, c’est un retour sur les investissements, car le gouvernement fédéral a soutenu, voire même permis la création de plusieurs entités communautaires. Pour favoriser la mise en œuvre d’initiatives qui ont un effet structurant sur les communautés, l’appui fédéral doit être pluriannuel. Le financement doit aussi être proportionnel aux besoins des communautés. Les plans de développement globaux et les plans stratégiques des communautés sont des outils qui servent à mesurer les besoins grandissants dans les CLOSM et à identifier les priorités. Ainsi, ils permettent d’orienter les stratégies d’investissement du gouvernement fédéral. Le Comité est d’avis que le renforcement des capacités des CLOSM exige une planification et un plan de financement stratégique. La mise en place de fonds de fiducie pourrait être une option viable.

2.4 Les communautés nordiques

Au terme de cette section sur le renforcement des capacités des CLOSM, il importe de souligner la situation particulière des communautés francophones dans les trois territoires. La Fédération franco-ténoise demande que le coût élevé de la vie dans le Grand Nord canadien soit pris en considération par les institutions fédérales qui soutiennent les communautés francophones nordiques :

Il est clair qu’en calculant la quantité de services donnée par dollar investi, les Territoires arrivent loin derrière les provinces ayant de grandes concentrations urbaines. Non seulement nos nombres absolus sont faibles, mais nos dépenses en salaire, en logement, en transport et en énergie sont souvent décuplées. Il nous semble donc nécessaire d’émettre le principe d’équité et d’égalité d’accès dans le traitement des citoyens du Nord au moment de désigner les paramètres des programmes gouvernementaux et d’évaluer les résultats atteints[98].

Dans le cas des communautés francophones des territoires, une attention particulière doit être apportée aux besoins relatifs aux infrastructures communautaires. Le coût des matériaux adaptés au climat et leur transport sont décuplés. La construction exige également une planification à long terme.

L’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor) est appelée à assumer un rôle de leader dans le développement des communautés francophones du Grand Nord. De par son engagement en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et sa participation à la Feuille de route, CanNor a entamé un important travail avec les communautés francophones. Elle se positionne donc comme un intervenant de premier plan dans l’appareil fédéral en ce qui a trait au développement des communautés francophones nordiques. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 12

Que l’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor) assume un rôle de leadership au sein de l’appareil fédéral en ce qui concerne la promotion des langues officielles et l’épanouissement des communautés francophones dans le Grand Nord canadien.

Le Comité estime qu’il est important de prendre en considération les situations particulières des CLOSM, peu importe où elles se retrouvent sur le territoire canadien. Le Comité croit que les institutions fédérales doivent concevoir des programmes et des stratégies d’investissement qui sont souples et adaptés aux réalités des communautés. Les principes d’équité et d’égalité d’accès devraient être inclus dans les paramètres des programmes ministériels et dans l’évaluation des résultats.



[75]             Patrimoine canadien, Initiatives de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne — La coopération intergouvernementale. Fiche d’information, 28 mars 2012.

[76]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 novembre 2011, 0920 [Dolorèse Nolette, présidente, Association canadienne-française de l’Alberta.]

[77]             Ibid., 1010 [Denis Perreaux directeur général, Association canadienne-française de l'Alberta].

[78]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 avril 2012, 0900 [Jules Custodio, président, Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador].

[79]             Fédération franco-ténoise, Mémoire présenté au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 24 avril 2012, p. 4.

[80]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012, 0845 [Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada].

[81]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 novembre 2011, 0855 [Dolorèse Nolette, président, Association canadienne-française de l’Alberta].

[82]             Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), « Miser sur les organismes et les institutions des communautés francophones et acadiennes pour remplir les engagements du gouvernement du Canada ». Mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 11 août 2011, p. 6.

[83]             Gouvernement du Canada, discours du Trône, 3 juin 2011.

[84]             Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), « Miser sur les organismes et les institutions des communautés francophones et acadiennes pour remplir les engagements du gouvernement du Canada ». Mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 11 août 2011, p. 4-5.

[85]             Ibid., p. 6.

[86]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 novembre 2011, 0845 [Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada].

[87]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 avril 2012, 0905 [Gerald Cutting, président, Townshippers' Association].

[88]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012, 0850 [Graham Fraser, commissaire, Commissariat aux langues officielles du Canada].

[89]             Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, « Au service des individus, des familles et des collectivités du Canada, avec efficience et économie. Miser sur les organismes et les institutions des communautés francophones et acadiennes pour remplir les engagements du gouvernement du Canada », Mémoire au Comité permanent des finances, Ottawa, 11 août 2011, p. 2.

[90]             Gouvernement du Canada, Emploi, croissance et prospérité à long terme. Le Plan d’action économique de 2012, Ottawa, 29 mars 2012, p. 198.

[91]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 29 novembre 2011, 0850 [Collin Bourgeois, président, Réseau de développement économique et d'employabilité (RDÉE) Canada].

[92]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 22 novembre 2011, 1030 [Josée Forest-Niesing, présidente, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law inc.].

[93]             LANG, Témoignages, 1er session, 41e législature, 6 décembre 2011, 0910 [Dorothy Williams, directrice des programmes, Black Community Resource Centre].

[94]             Ibid.

[95]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 avril 2012, 0905 [Gerald Cutting, président, Townshippers' Association].

[96]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 29 novembre 2011, 0910 [Jean-Marie Nadeau, président, Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick].

[97]             LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 avril 2012, 0925 [Gaël Corbineau, directeur général, Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador].

[98]             Fédération franco-ténoise, Mémoire présenté au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, 24 avril 2012, p. 4.