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LANG Rapport du Comité

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Rapport du Parti libéral du Canada, complémentaire au rapport du Comité permanent des langues officielles sur l’évaluation de la Feuille de route

Le rapport du Comité contient trop de recommandations nécessaires pour qu’il convienne de s’en dissocier. Cependant, il a pour défaut de ne pas mettre en garde suffisamment le gouvernement contre les deux faiblesses fondamentales de son approche actuelle. La première faiblesse a trait à l’opacité budgétaire déplorable qui entoure toute la question du financement de la dualité linguistique. La deuxième tient à l’absence d’une vision qui mobiliserait tous les efforts vers une direction précise.

1.      Pour une transparence budgétaire

Les témoignages recueillis par le Comité, tout comme ses propres délibérations, sont habités par la crainte que la Feuille de route soit une vitrine par laquelle le gouvernement se vante d’investir un certain nombre de millions de dollars, alors qu’en fait, l’enveloppe consacrée à la dualité linguistique puisse fort bien ne pas avoir augmenté ou même avoir diminué. En effet, on n’a pas la garantie que l’argent de la Feuille de route constitue un supplément au financement des programmes réguliers. Même Patrimoine canadien reconnaît le besoin « de nous attarder davantage sur la question de la traçabilité des fonds sur le terrain » (par. 474).

Certes, le rapport du Comité tente de régler ce problème en précisant que le prochain plan doit être « une bonification des programmes existants » (recommandation 2), que Santé Canada doit reconnaître ses responsabilités « indépendamment de la Feuille de route » (recommandation 5), que la collaboration avec les provinces a pour « but d’ajouter à leurs propres initiatives » (recommandation 6), que ces provinces sont encouragées à « fournir des résultats tangibles et des mécanismes de reddition de comptes » (recommandation 10), que le gouvernement doit lui-même améliorer ses « pratiques de reddition de comptes (…) pour bien distinguer les investissements qui sont financés par la Feuille de route de ceux qui relèvent des programmes réguliers » (recommandation 37) et que le ministre du Patrimoine canadien doit assurer « une meilleure coordination intergouvernementale » (recommandation 37). Toutes ces recommandations sont salutaires, mais insuffisantes.

Même avec elles, on peut encore craindre que les ministères soient peu motivés à aller chercher les montants nécessaires pour le maintien ou l’amélioration de leurs programmes réguliers, puisqu’ils pourront toujours espérer obtenir le manque à gagner en puisant dans les fonds de la Feuille de route.

Le rapport du Comité confirme que « la Feuille de route aurait provoqué chez certaines institutions fédérales un désengagement de leurs responsabilités » au point que certaines institutions fédérales « ont cessé d’investir leurs propres ressources » (par. 41; voir aussi par. 472-473).

Ce risque est d’autant plus grand que, dans le contexte de restriction budgétaire actuel, les ministères et organismes doivent procéder à des compressions sévères. Ils seront tentés de réduire le financement de la dualité linguistique, sachant qu’ils pourront par la suite puiser dans le financement de la prochaine Feuille de route. Le résultat pourrait être brutal pour les communautés de langue officielle car, en comparaison avec les communautés majoritaires, elles ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre financières ou économies d’échelle. 

 Il sera impossible de contrer cet « effet pervers de la Feuille de route » (par. 41) tant que tant les montants alloués aux programmes réguliers que ceux qui sont consacrés à la Feuille de route ne seront pas rendus publics de façon transparente et continue.

Voilà pourquoi le Parti libéral du Canada formule les recommandations suivantes :

Recommandation 1

Que la prochaine initiative horizontale soit dotée d’un tableau de bord, incluant un portail Web, qui permettra à la fois de chiffrer les fonds existants pour les programmes réguliers et de suivre les investissements additionnels de la prochaine initiative, au fur et à mesure qu’ils se feront, par ministère, par année et par programme.

(Cette recommandation est inspirée des suggestions de Patrimoine canadien (au par. 474 du rapport du Comité) et de la recommandation formulée par la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada (par. 475). Elle précise la recommandation 37 du  rapport du Comité.)

Recommandation 2

Que la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles soit assortie de ressources financières au moins équivalentes à celle de la Feuille de route 2008-2013 et que ce financement soit véritablement un ajout à celui des programmes réguliers.

(La recommandation 1 du rapport du Comité limite inutilement les ambitions du gouvernement en excluant la possibilité que le financement octroyé à son prochain plan soit supérieur à celui accordé au plan actuel.)

Recommandation 3

Que le financement de la prochaine initiative horizontale soit garanti pour la durée de l’initiative, et qu’au cas où un programme financé en tout ou en partie par elle serait la cible de compressions ou être carrément aboli, le ministre responsable des langues officielles fasse rapport au Comité permanent des langues officielles quant à la façon dont ces fonds seront réalloués.

(Le programme Destination Canada, louangé aux par. 89 et 99, a été aboli avec les fonds que la Feuille de route lui consacrait.)

Recommandation 4

Que, dans le contexte de restriction budgétaire actuel, le gouvernement tienne compte du fait que les communautés de langue officielle ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre financières ou économies d’échelle que les communautés majoritaires. Qu’à la suite de chaque budget, le ministre responsable des langues officielles fasse rapport à ce propos au Comité permanent des langues officielles.

Recommandation 5

Que le financement accordé à la prochaine initiative horizontale n’inclue pas le paiement des salaires des fonctionnaires du Secrétariat des langues officielles.

(C’est là une source de confusion et une façon artificielle de gonfler les chiffres dont les communautés se plaignent avec raison.)

2.      Pour une vision

En l’état, le rapport du Comité donne l’impression de partir dans toutes les directions. Il n’y a  pas d’orientation précise, tout est à plat et semble avoir la même importance.

Pour réussir, il nous faut une vision, une orientation d’ensemble, avec des objectifs mesurables. Cet objectif d’ensemble doit être celui-là même qui avait inspiré le premier plan d’action qui avait précédé la Feuille de route en 2003 et qui s’intitulait : « Le prochain acte : un nouvel élan pour la dualité linguistique canadienne ». Cet objectif global, qui doit guider tous les autres, est celui que la Société franco-manitobaine avait, en 2001, justement nommé : « agrandir l’espace francophone ».  Entre autres, cela signifie d’offrir une aide efficace aux couples exogames pour qu’ils transmettent leur double héritage linguistique à leurs enfants.

Les couples exogames sont formés par les francophones et les non-francophones qui se mettent en ménage et fondent des familles ensemble. C’est là un  phénomène massif qui n’a cessé de croître au fil des décennies, reflet du brassage des populations de notre temps.

 En 2003, c’était les deux tiers des enfants francophones hors Québec qui grandissaient dans des familles dont l’un des deux parents n’avait pas le français pour langue maternelle (la proportion de couples exogames était presque aussi élevée (55%) au sein de la communauté anglophone du Québec). Toujours en 2003, en dehors du Québec, la transmission du français aux enfants se faisait à la hauteur de 95% lorsque les deux parents étaient francophones. Mais ce taux baissait à 42% lorsque l’un des deux parents n’était pas francophone. Cependant, ce taux remontait à 70% lorsque le parent non-francophone parlait le français.

Il faut intégrer ces couples exogames à l’espace francophone et les aider à transmettre leur double héritage linguistique à leurs enfants. Il n’ y’a pas d’enjeu plus crucial que celui-là pour combattre l’assimilation et permettre à nos communautés de langue officielle de s’épanouir.

Or, le rapport du Comité effleure à peine cet enjeu qui a pourtant été souligné devant lui (par. 205 et 212). Il le ramène à une question parmi d’autres.

Pour corriger cette grave lacune, plusieurs des recommandations incluses dans le rapport du Comité seront utiles. Mais il y aurait bien des recommandations à reformuler ou à ajouter. Pour s’en tenir à l’essentiel, le Parti libéral du Canada formule les recommandations suivantes :

Recommandation 6

Que, avec l’aide de Statistiques Canada (voir la recommandation 33 du rapport du Comité), le gouvernement :

  • fasse connaître la proportion des couples exogames au sein des communautés de langue officielle, ainsi que les taux de transmission de la langue maternelle aux enfants, selon que les parents forment un couple endogame, exogame avec un conjoint unilingue, ou exogame bilingue;
  • fasse connaître la proportion des élèves admissibles inscrits dans les écoles des minorités de langue officielle et qu’il se fixe un objectif à ce propos à atteindre d’ici la fin de la prochaine initiative horizontale; Que le ministre responsable des langues officielles fasse rapport au Comité sur la façon dont le gouvernement entend atteindre cet objectif;
  • Fasse connaître la proportion de jeunes Canadiens âgés de 15 à 19 ans connaissant l’autre langue officielle et qu’il se fixe un objectif à ce propos à atteindre d’ici la fin de la prochaine initiative horizontale; Que le ministre responsable des langues officielles fasse rapport au Comité sur la façon dont le gouvernement entend atteindre cet objectif.

Recommandation 7

Que, lors d’une prochaine initiative horizontale, le gouvernement procède à une campagne nationale majeure de sensibilisation des parents ayant-droit, leur montrant les conditions favorisant le bilinguisme de leur enfant et leurs droits linguistiques en vertu de l’article 23 de la Charte.

Recommandation 8

Que, lors d’une prochaine initiative horizontale, le gouvernement, dans le respect de la compétence provinciale, offre un appui à des services de petite enfance, notamment dans le but d’aider les parents exogames à promouvoir la socialisation de leur enfant en français.

Recommandation 9

Que, lors d’une prochaine initiative horizontale, le gouvernement, en partenariat avec les provinces et en consultation avec les communautés, favorise la mise en place d’une structure d’accueil dans les garderies et les écoles de langue française qui est ouverte à une clientèle diverse, de plus en plus exogame et multiculturelle.

(Les recommandations 7, 8 et 9  sont tirées du plan proposé par l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques au par. 212 du rapport au Comité).

Recommandation 10

Que, lors d’une prochaine initiative horizontale, le gouvernement du Canada, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, prenne les mesures nécessaires pour garantir aux Canadiens le droit d’apprendre une seconde langue officielle dans l’optique d’un continuum éducatif allant de la petite enfance au postsecondair.

(Cette recommandation procède des par. 293-296 du rapport du Comité.)

Recommandation 11

Que, lors d’une prochaine initiative horizontale, le gouvernement du Canada, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, mette en place des programmes structurants qui favorisent l’engagement citoyen des jeunes francophones, la valorisation d’initiatives à l’extérieur du milieu scolaire et des investissements au niveau postsecondaire sur le plan de l’accès et de la qualité, de façon à aider ces jeunes à acquérir à l’extérieur du système scolaire les compétences linguistiques dont ils ont besoin.

(Cette recommandation a été formulée par la Fédération de la jeunesse canadienne-française, au par. 311 du rapport du Comité.)

Recommandation 12

Que, lors d’une prochaine initiative horizontale, le gouvernement du Canada prenne les mesures qui s’imposent pour que soit doublé le nombre de jeunes Canadiens prenant part chaque année à des échanges linguistiques de courte et de longue durée, aux niveaux secondaire et postsecondaire.

(Cette recommandation figure dans le Rapport annuel 2011-2012 du Commissaire aux langues officielles du Canada.)