Le rapport publié en 2002 par notre prédécesseur,
le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants,
intitulé « Faire face à nos responsabilités — L’État de préparation des
Forces canadiennes » a exercé une forte influence, et son président,
le libéral David Pratt, c.r., est plus tard devenu ministre de la Défense. À
ce titre, il a pu mettre en œuvre une partie des recommandations qu’il
contenait. Le présent rapport sur la disponibilité opérationnelle des Forces
canadiennes aurait dû être une mise à jour du précédent. Malheureusement, le
rapport de la majorité conservatrice s’étend longuement sur les descriptions,
passe rapidement sur l’analyse et ne comporte aucune recommandation vraiment
utile. N’importe quel rapport supprimant ou réduisant au minimum toute allusion
à l’approvisionnement militaire, à la défense intelligente, à notre relation
avec l’OTAN ou à l’élégant rapport du général Leslie intitulé « Rapport
sur la transformation 2011 » ne peut être que d’une utilité douteuse.
Il se tient une discussion active et animée au sein de la société
canadienne au sujet de notre rôle en tant que nation dans les conflits
internationaux. D’aucuns font valoir que nous devrions revenir à l’approche adoptée
après Pearson, celle d’une nation de Casques bleus œuvrant au maintien de la
paix, tandis que d’autres affirment que nous sommes un État guerrier, en
donnant pour preuve le rôle que nous avons joué au cours de la Première et de
la Seconde Guerre mondiale, et plus récemment, en Afghanistan et en Libye. Mais
la réponse se situe quelque part entre les deux, et varie selon les circonstances.
Parfois, nous nous comportons en État guerrier, et d’autres fois, nous œuvrons
au maintien de la paix, mais dans tous les cas, nous devrions nous efforcer de
réduire au minimum, sinon d’éliminer les conflits et la violence.
À l’heure de réfléchir au rôle futur de notre force militaire et à
son état de préparation, il est important de réfléchir aux conséquences que
l’adoption de ce rôle aura sur nos forces armées. Ces dernières années, nous
avons mis l’accent sur la participation de nos militaires à des missions de
résolution de conflit, comme en Afghanistan et en Libye. Les gestes de bravoure
posés par nos militaires au cours de ces missions ont été louangés avec raison,
et le Parti libéral est fier des courageux sacrifices que nos hommes et nos
femmes en uniforme ont consentis.
Malheureusement toutefois, nous avons perdu une partie de notre
capacité à intervenir aux étapes initiales des conflits. Si nous avions disposé
d’une capacité plus robuste de maintien ou de rétablissement de la paix, nous
aurions peut-être envisagé différemment notre rôle avant et après les conflits
en Afghanistan et en Libye. « Gagner la guerre » pourrait se révéler
en réalité plus facile à faire que « gagner la paix ».
Bien entendu, les missions de maintien de la paix ne sont pas
toujours le meilleur moyen de régler un conflit qui s’amorce, mais dans les
circonstances où on peut les envisager et où elles visent un problème émergent
plutôt qu’un conflit en plein essor, elles se révèlent souvent l’approche la
moins coûteuse. Nos alliés sont aux prises avec les réalités qui découlent des
contraintes budgétaires, et la prévention des conflits devrait constituer un aspect
essentiel de la politique de défense de tout pays. Le lieutenant-général Peter
Devlin a comparu devant le Comité et il a assuré ses membres que les Forces
canadiennes entraînent leurs militaires de manière à ce qu’ils puissent « passer
facilement d'un environnement de combat à la stabilité et ensuite aux
opérations de maintien de la paix[1] ».
La recherche du juste milieu entre la capacité d’exécution de missions de
maintien de la paix et la capacité d’exécution de missions de combat doit
demeurer au centre des préoccupations.
C’est pourquoi le Parti libéral recommande :
1) Que l’on continue de répartir adéquatement l’instruction, l’éducation
et la disponibilité opérationnelle suivant les impératifs respectifs des missions
de maintien de la paix et des missions de combat.
L’avancée la plus remarquable au cours de la dernière décennie dans
le domaine des affaires étrangères et de la politique de défense est
probablement la doctrine de la responsabilité de protéger (R2P) et son
corollaire, la volonté d’intervenir (WTI). Il est certain que jamais nous ne
connaîtrons d’absence de conflit, aussi les vraies questions à se poser sont
comment et à quel moment est-il approprié d’intervenir. Il est plus que
probable que le XXIe siècle sera à l’image des précédents. Il y aura
« des guerres et des rumeurs de guerre, des guerres régulières et
irrégulières, et l’ordre régional et international sera fragile, sans cesse
menacé, instable et susceptible de s’effondrer ». Nous sommes en droit
d’espérer un avenir où « la violence cessera d’être utilisée en tant que
moyen de communication politique[2] »,
mais la prudence demeure la vertu suprême des stratèges politiques, et elle
enseigne à se préparer au pire.
« Quand le Canada a signé les protocoles relatifs à la
responsabilité de protéger, certains ont soutenu qu'il y avait un codicille
associé: la capacité de protéger. On doit disposer d'une certaine mobilité si
l'on veut exercer une influence dans l'acheminement des ressources. Le centre
stratégique était peut-être sous-développé à l'époque, si bien que nous
n'avions pas les moyens de transport lourd nécessaires ni de bonnes
communications stratégiques sécuritaires. Nous n'avions pas non plus
nécessairement l'architecture du renseignement, le commandement national et
l'architecture de contrôle que nous avons maintenant. Ce sont là des
améliorations très importantes[3]. »
Il faut comprendre que notre perception de l’« intérêt
national » doit changer. Certains ont avancé que les États n’ont pas de
valeurs, ils n’ont que des intérêts, et à ce chapitre, le Canada n’est pas
différent des autres. Il existe très peu de conflits, de
catastrophes ou de pandémies dans lesquels le Canada ne possède aucun intérêt
direct ou indirect.
De ce fait, le Parti libéral recommande :
2) Que le gouvernement adopte explicitement la doctrine de la
responsabilité de protéger, et qu’il s’en inspire pour guider ses décisions en
matière d’interventions et d’état de préparation.
3) Que le gouvernement crée un centre de liaison national en ce qui
concerne les interventions dans les cas d’atrocités de masse et d’autres violations
des droits de la personne.
Lors d’une conférence du CDI tenue à Ottawa, le général Sir David
Richards, chef d’état-major de la Défense britannique, a déclaré que seul un
homme téméraire tablerait sur l’inaction militaire. Effectivement, il serait
bien téméraire, de la part d’un État, de tabler sur l’inaction sur le plan
militaire, aussi la publication d’un rapport sur la disponibilité
opérationnelle devrait-elle être la bienvenue. Le problème avec un rapport
« militaire » indépendant sur la disponibilité opérationnelle, c’est
qu’il ne tient pas compte du fait que la « disponibilité
opérationnelle » est nécessairement tributaire de la « disponibilité
opérationnelle de la politique étrangère ». Les deux sont indissociables. Toutefois,
le gouvernement conservateur a choisi de ne pas diffuser de stratégie en
matière de politique étrangère et, de ce fait, les militaires ont dû articuler
leur disponibilité opérationnelle autour d’une liste de souhaits. En l’absence
d’une politique étrangère globale, l’État se retrouve avec un document comme la
Stratégie de défense Le Canada d’abord, qui n’est rien de plus qu’une vulgaire
liste d’achats de matériel militaire, une liste qui a d’ailleurs été depuis
discréditée et qualifiée d’irréaliste et de trop onéreuse. Dans
une note d’information rédigée à l’intention du ministre associé de la Défense
nationale, on pouvait lire que les réductions budgétaires imposées dans le
Budget de 2010 conjuguées à la politique de réduction des dépenses publiques
contribueraient à rendre la Stratégie de défense Le Canada d’abord inabordable,
et pourtant, pour des raisons que l’on ignore, le Comité continue de faire
référence à cette Stratégie.
Le gouvernement conservateur n’a pas réussi à faire obtenir au
Canada un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies et y a en fait renoncé
avant même d’avoir perdu. Nous sommes en train d’abdiquer notre rôle au sein de
l’ONU, et cela malgré les conséquences désastreuses que cela promet sur le plan
de la défense. Il n’est pas nécessaire d’être doué d’une grande perspicacité
pour comprendre que l’ONU est dysfonctionnelle; cependant, il s’agit de
l’unique organisme international susceptible d’autoriser une intervention
militaire.
De ce fait, le Parti libéral recommande ce qui suit :
4) Que le gouvernement publie sans tarder un livre blanc décrivant
sa vision de la politique étrangère du Canada et que, parallèlement, il mette à
jour l’irréaliste Stratégie de défense Le Canada d’abord;
5) Que le gouvernement présente au Parlement un examen stratégique
bisannuel décrivant les menaces potentielles pour l’intérêt national du Canada
auxquelles il faudrait éventuellement réagir;
6) Que l’examen stratégique bisannuel soit renvoyé au Comité
permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, lequel produira
dans un délai de six mois un rapport à l’intention du gouvernement au sujet de
son évaluation de l’examen en question;
7) Que le gouvernement conservateur redevienne plus actif aux
Nations Unies, de manière à pouvoir faire entendre sa voix dans l’éventualité
où une intervention serait envisagée dans le futur.
On a déjà dit que la surprise est l’une des caractéristiques les
plus marquantes de l’état de préparation, et qu’il serait très utile d’éliminer
le plus de surprises possible. Il s’ensuit que le
« cyber-renseignement » est l’un des plus importants atouts de la
« disponibilité ».
Au cours de son témoignage devant le Comité, le général Vance a
déclaré qu’au fil du temps, « il faudra accroître notre cybercapacité, de
façon à ce qu'elle demeure proportionnelle à la cybercapacité du reste du monde »
et que, même si le Canada possède une bonne cybercapacité, « c'est un
domaine que nous devrons continuer à développer et dans lequel nous devrons
investir[4] ».
David Skillicorn, professeur à la School of Computing de l’Université Queen’s, a
fait des commentaires semblables. Il a ajouté que pour combattre efficacement
les cybermenaces il faut pouvoir compter sur des analystes ayant reçu une
éducation fondée à la fois sur les sciences sociales et sur l’analyse de
données. Traditionnellement, nous avons eu recours à des analystes formés
principalement dans le domaine des sciences sociales. Compte tenu des aptitudes
techniques requises dans le monde informatique de nos jours, il nous faut des analystes
en mesure de combler l’écart entre la formation en sciences sociales et
l’analyse de données. Le professeur Skillicorn a aussi mentionné
l’existence de synergies importantes entre « les façons de faire en
matière de cybersécurité et les façons de faire en matière de renseignements
d'origine électromagnétique ». Il a conclu en affirmant que le
gouvernement « devrait confier au Centre de la sécurité des
télécommunications la responsabilité de la cybersécurité ainsi que de toutes
les autres questions connexes[5] ».
Dans son rapport, le Comité a consacré très peu de temps aux
questions entourant la collecte et l’application du renseignement militaire. Malheureusement,
le rapport présente aussi une discussion très limitée en ce qui concerne le
cyber-renseignement. Le Comité a entendu quelques témoins au sujet des menaces,
et les recommandations contenues dans le rapport sont opportunes, en ce qui les
concerne. Toutefois, la doctrine militaire comporte à la fois la défense et
l’offensive. Nous n’avons pas abordé la question des capacités offensives du
cyber-renseignement, ni le rôle que le Canada pourrait jouer, le cas échéant,
dans l’utilisation du cyber-renseignement à des fins offensives ou préventives.
Après nos audiences sur la disponibilité opérationnelle, le
vérificateur général a publié son rapport de l’automne 2012. Il y décrit
l’existence de faiblesses importantes dans notre réseau de coordination.
« … le Centre [CCRIC] n’est pas en mesure de
surveiller entièrement l’évolution des cybermenaces au Canada, ce qui l’empêche
de fournir en temps opportun des conseils sur la façon de se défendre contre
les nouvelles cybermenaces. De plus, le Centre n’est toujours pas en
fonction 24 heures par jour, sept jours par semaine, comme on l’avait
prévu au départ, ce qui peut retarder la détection de nouvelles menaces et la
diffusion d’information à ce sujet aux intervenants[6] ».
Mais ce qui est encore plus troublant, c’est la réponse qu’a
transmise le gouvernement au rapport du vérificateur général, comme s’il était
suffisant de faire passer l’horaire actuel de travail, qui est de 8 h à
17 h, à un horaire de 15 heures par jour.
« Comme le CCRIC n’est pas ouvert en tout
temps, il y a un risque de délai relativement à la transmission d’information
essentielle liée à des vulnérabilités récemment découvertes ou à des
incidents cybernétiques en cours signalés au CCRIC après les heures
d’ouverture. Une restriction des heures de travail signifie que le CCRIC ne
peut surveiller l’évolution des cybermenaces 24 heures par jour, comme le
prévoit son mandat. Les représentants de Sécurité publique Canada nous ont
affirmé que le Ministère s’affairait actuellement à prolonger ses heures
d’ouverture de 6 h à 21 h (heure d’Ottawa), sept jours par semaine,
même s’il n’a pas de plan d’établi en vue d’être éventuellement ouvert
24 heures par jour. D’après les discussions que nous avons eues avec les
représentants du Ministère, nous sommes d’avis qu’il est important que le
Centre soit ouvert en tout temps pour assurer la détection des cybermenaces et
la diffusion des avertissements en temps opportun, ainsi que pour
permettre une communication avec les équipes d’intervention en cas
d’urgence cybernétique des alliés étrangers du Canada (qui travaillent dans un fuseau
horaire différent)[7] ».
L’ensemble du cyber-renseignement est en interrelation. Par exemple,
les renseignements recueillis par la Sécurité publique peuvent se révéler
pertinents ou pas pour le ministère de la Défense nationale (MDN), mais si le
MDN n’est pas informé en temps opportun, il sera impossible de déterminer s’ils
sont utiles ou non. On peut se demander si le gouvernement du Canada comprend
bien l’ampleur de cette menace pour la sécurité, et même s’il est capable d’y
réagir. Selon un nouveau courant d’idées, la guerre électronique équivaudrait à
la nouvelle guerre totale. Tout le monde et tous les systèmes seraient touchés,
et deviendraient inopérants, avec les conséquences catastrophiques que l’on
imagine pour le perdant.
C’est pourquoi le Parti libéral recommande :
8) Que le ministère de la Défense nationale revoie son
infrastructure en matière de cybersécurité à la lumière du rapport du
vérificateur général, et qu’il présente un rapport au Parlement concernant les
mesures qu’il aura prises en vue de corriger les lacunes, le cas échéant.
9) Que le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada
devienne le principal organisme responsable de la coordination et de la gestion
des efforts du Canada visant à lutter contre le cyberterrorisme et la cyberguerre.
Le Canada est la terre d’accueil de représentants de tous les
groupes ethniques connus de l’humanité. Bon nombre de ces personnes possèdent
des connaissances en matière de défense et d’affaires étrangères susceptibles
de présenter une valeur énorme pour notre disponibilité opérationnelle.
Des représentants militaires de haut niveau nous ont fourni de
manière répétée l’assurance que l’on tenait compte des caractéristiques
culturelles et linguistiques lors du recrutement. Il est à
espérer que cette sensibilité puisse se transformer en renseignement — en
particulier dans les domaines de la défense et des affaires étrangères. Il
n’est pas évident que cette transition se soit effectuée entièrement.
De ce fait, le Parti libéral recommande :
10) Que les Forces canadiennes recrutent activement des membres de
la diaspora possédant des capacités particulières sur le plan linguistique ou
du renseignement.
On n’insistera jamais assez sur l’importance d’investir dans l’éducation
et la recherche et développement. Lorsqu’ils ont visité les installations de
Recherche et développement pour la défense Canada situées à Toronto, les
membres du Comité ont été très impressionnés par le travail qui s’y effectuait.
Ce que nous avons vu et entendu nous a convaincus que RDDC apporte une
contribution significative à l’efficacité et au bien-être de nos militaires. Le
chef d’état-major de la Défense (CEMD), le général Walter Natynczyk, a
lui-même loué récemment le travail accompli par RDDC en déclarant que
l’organisme avait contribué à sauver des vies, d’innombrables vies, et qu’il
leur devait vraiment beaucoup[8].
Cependant, en raison des réductions budgétaires, il se pourrait que
d’importants programmes soient supprimés. Ainsi, RDDC a décidé de mettre fin à
un projet de détection de bombes dans son établissement de Suffield, en Alberta
et dans le Centre de technologie antiterroriste, qui effectue des recherches
dans le domaine des incidents chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires
et explosifs[9].
Les recherches menées à Suffield et dans d’autres établissements sont destinées
à protéger les militaires en première ligne et contribuent à améliorer leur
efficacité. Compte tenu des environnements de combat dans lesquels nos troupes
ont des chances de se retrouver, on peut se demander s’il est bien sage
d’imposer ces compressions budgétaires à RDDC.
Dans le même ordre d’idées, les récentes coupures imposées au CMR
devraient aussi être remises en question. On a ordonné au Collège d’effectuer
des coupures de 1 million de dollars dans son budget au cours de l’année
qui vient, aucune coupure l’année suivante, puis une réduction de 3,5 millions
de dollars pour l’exercice 2014-2015. Cette décision pourrait entraîner la
perte d’au moins 32 membres du personnel enseignant, et amputer le
programme des cadets de 160 cours. Par ailleurs, le programme dans le
cadre duquel des sous-officiers d’expérience s’inscrivent au CMR en vue d’y
décrocher des diplômes sera lui aussi éliminé[10]. Une fois
qu’on l’a perdu, le capital intellectuel n’est pas facile à récupérer.
C’est pourquoi le Parti libéral recommande :
11) Que les compressions budgétaires imposées à Recherche et
développement pour la défense Canada soient annulées.
12) Que le financement du Collège militaire royal et des autres
collèges d’état-major soit ramené au niveau où il se trouvait avant les
récentes compressions budgétaires.
Dans une époque de restrictions financières, les marges pour
l’approvisionnement sont minces comme le fil d’un rasoir. Nous sommes d’accord
avec la ministre des Travaux publics qui a déclaré récemment, parlant de
l’approvisionnement, qu’elle était fatiguée de se faire dire pourquoi il
était impossible de faire quelque chose. Et qu’elle était aussi fatiguée de se
faire répondre que les idées neuves ne pouvaient pas remporter l’adhésion
complète des gens, parce qu’on préfère attendre que les autres aient échoué
d'abord. Et, elle a ajoutée qu’elle était aussi fatiguée de constater l’ampleur
du chevauchement et des conflits entre les programmes. Elle a dit qu’elle était
pleinement consciente de tous les obstacles internes qui s’opposent au
changement, mais qu’elle réalisait surtout que l’on ne parviendra pas à transformer
le système d’approvisionnement du jour au lendemain.
Les désastres qu’a connus l’approvisionnement sous ce gouvernement
sont bien documentés. Pratiquement sans exception, tous les
approvisionnements individuels soit dépassent leur budget, sont en retard par
rapport à l’échéancier ou encore, donnent lieu à de multiples annonces, qui ne
sont pas suivies de livraison. Le système d’approvisionnement militaire
canadien est un vrai gâchis, le mot n’est pas trop fort. Qu’on pense par
exemple au projet des avions de recherche et de sauvetage, aux camions militaires,
aux véhicules de combat rapproché et aux F-35.
La propension du gouvernement à annoncer, encore et encore, les
mêmes projets d’approvisionnement a atteint des sommets de sottise lorsque le
Ministre a tenu une conférence de presse frôlant les 47 000 $ pour
parler des avions F-35 que nous n’achèterons peut-être jamais.
Au cours de la dernière décennie, nous avons entendu bien des
arguments en faveur de la réforme de ce processus. Ces arguments ont été
présentés notamment par le vérificateur général du Canada (VG), par des comités
parlementaires et dans des études internes et indépendantes commandées par le
gouvernement lui-même. Certains ont fait valoir le manque d’appels d’offres
concurrentiels et de retombées pour les industries et les économies régionales
du Canada; d’autres ont critiqué les coûts élevés rattachés à certains projets.
Inutile de dire que le programme d’acquisition de l’avion d’attaque interarmées
F-35 a suscité passablement d’attention chez les parlementaires, dans les
médias et au sein du public. Même si depuis quelques années, tant le MDN que le
ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux ont mis en place
un éventail d’initiatives destinées à rationaliser le processus
d’approvisionnement de la défense et à raccourcir les calendriers d’acquisition,
il reste que ce processus continue de soulever des problèmes. C’est sans doute
la raison pour laquelle certains ont laissé entendre qu’il fallait entreprendre
des réformes beaucoup plus poussées du processus d’approvisionnement de la
défense. L’un des remèdes souvent suggérés consisterait à
centraliser l’approvisionnement de la défense sous l’égide d’un organisme
gouvernemental unique. Selon certains, le système actuel serait trop
bureaucratique, trop lent à réagir et il en résulterait de l’inefficacité et
des doubles emplois. Un système simplifié, assorti d’une ligne de
responsabilité ministérielle claire pourrait être mis en place si un organisme
unique était chargé de l’ensemble des approvisionnements de la défense[11].
En 2008, le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre
des communes, au cours de l’étude du processus d’acquisition avait mentionné ce
qui suit : « Bien que le Comité reconnaisse que le système actuel de
division du processus d’approvisionnement entre les ministères comporte
d’excellents éléments, notamment le fait de servir de système de freins et de
contrepoids entre les ministères, il comprend les raisons invoquées pour
renoncer à un tel système, notamment les temps d’attente, une responsabilité
ministérielle plus claire et un processus plus simple. » Le Comité a
poursuivi en recommandant que « le gouvernement étudie des moyens de
modifier le processus d’approvisionnement du ministère de la Défense nationale
afin de réduire substantiellement les temps d’attente pour les grands projets
d’immobilisations nécessaires à la sécurité nationale » et il a ajouté que
le gouvernement « devrait notamment se pencher sur l’opportunité d’un
processus d’approvisionnement ministériel « maison » (c.-à-d. une
agence d’approvisionnement pour le ministère de la Défense)[12] ».
L’« agitation » causée récemment par l’acquisition de
chasseurs F-35 ne peut que nous amener à la conclusion qu’il y a encore quelque
chose qui cloche sérieusement dans le processus d’approvisionnement. Le Parti
libéral croit que les préoccupations entourant la manière dont le matériel de
la défense est acquis existent depuis trop longtemps déjà, et que des
changements fondamentaux doivent être apportés.
De ce fait, le Parti libéral recommande :
13) Que le gouvernement mette sur pied une commission indépendante,
formée d’un à trois commissaires appuyés par le personnel de soutien voulu, chargée
d’examiner les lacunes du processus d’acquisition du matériel militaire, et que
la commission présente d’ici un an son rapport faisant état des mesures que le
gouvernement devrait prendre en vue d’améliorer le processus.
14) Qu’une fois présentées au gouvernement, les conclusions de la Commission
sur la réforme du processus d’approvisionnement soient renvoyées au Comité
permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.
Malheureusement, le Comité n’a pas pu bénéficier du témoignage du
général Leslie qui a consacré un an à l’analyse de la transformation et du
maintien en puissance. Son rapport intitulé « Rapport sur la
transformation 2011 » est une lecture obligatoire pour ceux qui
souhaitent étudier et comprendre la transformation, une condition indispensable
à la disponibilité opérationnelle. Ce rapport constitue l’un des examens les plus
exhaustifs de la disponibilité opérationnelle militaire depuis le début du
conflit en Afghanistan. Le Comité n’a pas pu connaître l’opinion du Ministre au
sujet des commentaires formulés par le lieutenant-général Leslie sur les
crédits périmés, l’incohérence administrative, la croissance ininterrompue du
nombre de contractuels et d’employés non combattants, ou sa recommandation
visant à redresser la situation en ce qui concerne la « frappe » et
les « arrières ». C’est regrettable, mais le gouvernement n’a pas
encore présenté de réponse officielle aux commentaires formulés par le général
Leslie. Par conséquent, nous ne disposons d’aucun point de référence sur lequel
nous fonder pour évaluer la transformation de l’appareil militaire. En
l’absence d’un point de référence, il ne peut être question ni de réussite, ni
d’échec, seulement de fouillis.
De ce fait, le Parti libéral recommande :
15) Que le gouvernement dépose immédiatement devant le Parlement sa
réponse officielle au rapport du général Leslie;
16) Que le ministère de la Défense nationale présente chaque année
au Comité permanent de la défense de la Chambre des communes un rapport sur
l’évolution du processus de transformation. Le rapport doit contenir des
renseignements détaillés et transparents sur les réductions de personnel, l’incidence
sur les réserves, notamment en matière de dotation, la durée de l’instruction, les
progrès réalisés en matière de protection de l’emploi et d’appui des employeurs;
les échéanciers relatifs à l’acquisition de matériel, et ainsi de suite.