Passer au contenu

NDDN Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Opinion dissidente de l’opposition officielle au rapport du Comité permanent de la défense nationale sur la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes

A. Introduction

1)       Même si nous approuvons une grande partie du rapport de la majorité, il reste que nous, les membres néo-démocrates du Comité, tenons à exprimer notre désaccord sur plusieurs points. C’est la raison pour laquelle nous refusons de signer le rapport. De plus, nous constatons que diverses questions n’ont pas été mentionnées dans le rapport, ou ont été seulement effleurées, alors qu’à notre avis, elles auraient dû occuper une plus grande place ou faire l’objet d’une attention plus soutenue au cours de l’étude  du maintien en « disponibilité opérationnelle » des Forces canadiennes.

2)       Le rapport du Comité s’inspire largement de la Stratégie de défense Le Canada d’abord (SDCD). Or, la SDCD est dépassée; le ministère de la Défense nationale a même déclaré au gouvernement qu’elle était inabordable. Et il est vrai que l’on compare parfois cette stratégie à une simple liste d’achats de matériel militaire, sans stratégie cohérente à l’appui. Lors de sa comparution, le professeur Philippe Lagassé a déclaré : « Toutefois, même si elle était fondée sur de bonnes intentions, la Stratégie de défense Le Canada d'abord s'est rapidement révélée irréaliste. Les chiffres prévus dans la stratégie pour remplacer les grandes flottes des FC et maintenir une force polyvalente capable de mener des opérations sur terre, en mer et dans les airs partout au Canada, à l'intérieur de l'Amérique du Nord et un peu partout dans le monde, se sont révélés beaucoup trop optimistes. (…) Tous ces problèmes font que la Stratégie de défense Le Canada d'abord a donné au Canada des programmes et des politiques de défense non viables[1] ».

3)       En plus d’être dépassée et trop onéreuse, la SDCD ne définit pas clairement les priorités pour nos militaires. Il est clair que nous avons un urgent besoin d’un livre blanc sur la défense nationale en vue de réévaluer la vision d’une politique de défense moderne pour le Canada, une politique fondée sur les priorités et sur notre capacité financière. Un livre blanc sur la défense nous fournirait une base plus concrète et réaliste en vue d’accomplir la tâche à laquelle nous prépare la « disponibilité opérationnelle ». Parce que, en réalité, la question à se poser est la suivante : prêt à effectuer quoi au juste?

4)       Nos militaires doivent assumer principalement trois rôles : le premier consiste à défendre le Canada et à protéger la sécurité des Canadiens; le deuxième vise la défense de l’Amérique du Nord en collaboration avec nos alliés au sein du NORAD et l’exécution d’autres engagements; et le troisième consiste à participer aux efforts collectifs visant à assurer la paix et la sécurité internationales, à contribuer aux missions multilatérales de maintien de la paix et aux missions humanitaires, et à fournir un soutien à la politique étrangère, au besoin. La disponibilité opérationnelle repose sur l’équipement et l’instruction des membres des Forces canadiennes chargés de remplir tous ces rôles.

B. Avions de chasse et approvisionnement au sens large

5)       Notre flotte de chasseurs CF-18 constitue l’un des principaux éléments en vue d’assurer la défense de la souveraineté du Canada et de la sécurité de ses citoyens. C’est pourquoi le programme de remplacement revêt une telle importance pour les besoins du Canada en matière de défense, et pourquoi il est tellement surprenant que le rapport de la majorité passe sous silence l’état de la situation que le gouvernement a créée en bâclant sa tentative d’approvisionnement auprès d’un fournisseur unique pour les chasseurs F‑35 en tant qu’aéronefs de remplacement pour la flotte actuelle. Les révélations se succèdent depuis que le gouvernement conservateur a annoncé en juillet 2012 son intention d’acheter les avions F-35 de Lockheed Martin, après avoir déclaré à la Chambre quelques semaines auparavant qu’il tiendrait un appel d’offres ouvert. La disponibilité opérationnelle doit pouvoir compter sur un programme de remplacement compétent et crédible pour les biens dont on a besoin. Elle doit reposer aussi sur un processus d’approvisionnement transparent et qui inspire confiance au public parce qu’il est clairement établi en fonction de besoins réels, plutôt qu’en fonction du désir de choisir un produit en particulier. L’absence d’un tel processus contribue à miner l’appui du public pour le processus d’approvisionnement en question et entraîne, dans le meilleur des cas, des retards inévitables. Cette situation se vérifie tout particulièrement dans le cas du projet d’acquisition des F-35, compte tenu du coût énorme et indéterminé, ainsi que du manque de transparence du gouvernement à l’égard du public.

6)       Les Néo-démocrates appuient entièrement la nécessité de remplacer notre flotte existante de CF-18. Toutefois, nous croyons que le gouvernement doit assumer la responsabilité à l’égard des Canadiens de réaliser cette initiative dans le cadre d’un processus d’appel d’offres ouvert et transparent. Ce processus doit garantir des retombées pour les économies régionales et les industries canadiennes, et déboucher en fin de compte sur le choix d’un aéronef correspondant aux critères de la disponibilité opérationnelle, donc aux besoins réels du Canada en ce qui concerne les priorités de la défense.

7)       À titre d’exemple des tentations associées à l’approvisionnement auprès d’un fournisseur unique, il suffit de mentionner les œillères qui sont implicites dans l’acceptation et la promotion de l’argument avancé par le gouvernement comme quoi les F-35 étaient nécessaires afin de garantir l’interopérabilité avec nos alliés qui avaient eux aussi décidé d’en faire l’acquisition. Cependant, le général Stéphane Abrial, commandant suprême allié (Transformation) de l’OTAN, a jeté un éclairage différent sur cette affirmation lorsqu’il a déclaré au Comité au sujet de l’interopérabilité : « Nous ne voulons certainement pas que tous possèdent les mêmes équipements. » Toujours selon le général Abrial : « Dans un contexte interopérable, vous êtes distinct, mais vous collaborez. Cela commence par l'attitude, par l'esprit évidemment, avec l'éducation et l'instruction[2] ». Il faisait référence aux membres de l’OTAN qui travaillent de concert lors d’actions militaires communes. Nous avons été ravis d’entendre son point de vue, et d’obtenir des éclaircissements de la part d’un officier supérieur de grande expérience de l’OTAN, qui se définit lui-même comme un pilote d’avion de chasse, et qui assume la responsabilité de faciliter la coordination des actifs militaires des divers États membres de l’Alliance.

8)       On a relevé d’autres problèmes plus généraux liés au processus d’approvisionnement qui influent sur la disponibilité opérationnelle à long terme. Lors de son témoignage devant le Comité, le vérificateur général adjoint Jerome Berthelette a déclaré notamment que le rapport d’audit au sujet des F-35 réalisé par le vérificateur général était arrivé à la conclusion que « la capacité de la Défense nationale à satisfaire aux exigences de formation et d'opérations à long terme est menacée par l'écart permanent entre la demande de services d'entretien et de réparation et les fonds disponibles pour ces services, par des faiblesses persistantes touchant la façon dont les contrats d'entretien et de réparation de l'équipement militaire sont passés et surveillés ainsi que par l'insuffisance au chapitre de l'information disponible sur les coûts et le rendement pour la prise de décisions[3] ».

9)       Nous avons aussi trouvé assez troublant d’entendre que le processus d’approvisionnement ne figure pas au centre des priorités de la transformation des Forces canadiennes. Tant au chapitre de la formation que de l’exécution des tâches, les Forces canadiennes doivent avoir accès à l’équipement nécessaire en temps utile. Le manque d’efficience du processus d’approvisionnement est un éternel problème, et il est clair qu’il faut procéder à des changements majeurs. De nombreuses voix ont réclamé une réforme du processus d’approvisionnement, notamment le vérificateur général du Canada, des comités parlementaires, des spécialistes externes, et des études réalisées à l’interne et à l’externe à la demande du gouvernement lui-même.

10)     Malheureusement, les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ne sont toujours pas en mesure de cerner objectivement les problèmes, encore moins de trouver des solutions. L’approche morcelée adoptée par le gouvernement lors de l’établissement du Secrétariat national d’approvisionnement en chasseurs – rebaptisé « Secrétariat du F-35 » – par exemple, ne peut remplacer une solution permanente. De plus, même à court terme, ce n’est pas une solution de rechange à un processus ouvert et transparent requis pour une acquisition d’une telle importance. Il faudrait envisager la création d’un processus d’approvisionnement distinct et autonome (p.ex. un organisme d’approvisionnement de la défense) assorti d’un mécanisme de surveillance parlementaire solide. Le Comité de la défense nationale avait formulé une recommandation semblable en 2008.

C. Recherche et sauvetage

11)     Un aspect important de la protection des Canadiens est la prestation de services de recherche et sauvetage (SAR). Dans ce contexte, il faudrait s’occuper le plus rapidement possible du remplacement des avions de recherche et de sauvetage (FWSAR), tout en s’assurant de respecter rigoureusement un processus d’appel d’offres concurrentiel transparent, et de collaborer entièrement avec le Comité permanent de la défense nationale en vue de faciliter la surveillance parlementaire. De plus, dans le cadre du projet remplacement des avions de recherche et de sauvetage (FWSAR), il faudrait spécifier que la capacité d’intervenir doit respecter un délai de 30 minutes, en tout temps, comme c’est le cas aux États-Unis et en Australie, par exemple. Même si c’est actuellement le délai d’intervention respecté par l’ensemble des avions de recherche et de sauvetage des FC, entre 8 h et 16 h, du lundi au vendredi, en-dehors de cet horaire, le délai d’intervention est de deux heures.

12)     Même si les dirigeants des Forces canadiennes et le gouvernement continuent de défendre le statu quo, il est clair que dans le monde d’aujourd’hui, un délai d’intervention de deux heures est une anomalie. À notre avis, il s’agit certainement d’un critère inférieur à ce que les citoyens d’un pays comme le Canada sont en droit de s’attendre lorsqu’ils sont aux prises avec une situation d’urgence qui menace leur existence, surtout en mer où la rapidité d’intervention est cruciale. Un élément vient s’ajouter à la somme des constatations troublantes. En effet, le ministère de la Défense nationale a réalisé une étude qui montre que 83 % des incidents nécessitant l’intervention d’un avion de recherche et de sauvetage se produisent en-dehors de la période de 8 h à 16 h, du lundi au vendredi. Par conséquent, le délai d’intervention pour ces incidents se situe dans une période de deux heures à partir du décollage de la base. Étant donné que l’un des principaux rôles des Forces canadiennes consiste à protéger la sécurité des Canadiens, les Néo-démocrates sont d’avis que l’on devrait garantir un délai d’intervention de 30 minutes en tout temps en ce qui concerne les avions de recherche et de sauvetage.

D. Évacuation des Canadiens se trouvant à l’étranger

13)     Au cours des 20 dernières années, de nombreuses missions exécutées par les Forces canadiennes ont consisté à évacuer des civils coincés dans des environnements instables. Les Néo-démocrates sont fermement convaincus que les Forces canadiennes devraient continuer à jouer un rôle de premier plan en ce qui concerne l’aide à apporter aux Canadiens aux prises avec des urgences, que ce soit au pays ou à l’étranger. Comme le nombre de Canadiens à l’étranger continue d’augmenter, les Forces canadiennes doivent se tenir prêtes à répondre à la demande du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international lorsque ce dernier leur demande de se porter rapidement au secours des Canadiens aux prises avec des situations d’urgence occasionnées par la détérioration de la situation politique ou par une catastrophe naturelle. En 2010, près de 10 400 Canadiens ont bénéficié de cette assistance dans le cadre d’au moins 37 crises ou situations d’urgence différentes, dont des tremblements de terre en Haïti et au Chili, une explosion dans un centre de villégiature au Mexique et un glissement de terrain au Pérou.

14)     S’il est vrai que les Forces canadiennes n’ont pas à intervenir dans tous les types d’évacuation, il reste que dans certaines circonstances, les FC doivent procéder à une opération d’évacuation de non-combattants (NEO). L’évacuation sans précédent de plus de 14 000 Canadiens du Liban en 2006, le sauvetage des Canadiens en Haïti après le tremblement de terre de 2010 et l’évacuation des Canadiens en Libye en 2011 témoignent clairement de l’importance cruciale que revêt la disponibilité des Forces canadiennes à cet égard. Les opérations d’évacuation récentes ont aussi montré que l’on pourrait améliorer considérablement la coordination et l’exécution de ce genre d’opérations. Compte tenu du défi croissant que pose la protection de la sécurité et du bien-être des citoyens canadiens, au pays et à l’étranger, nous regrettons que cette composante de la disponibilité opérationnelle n’ait pas été étudiée de façon plus approfondie, et qu’elle n’ait pas été mentionnée dans le rapport du Comité.

E. Opérations d’urgence et de secours humanitaire

15)     Les Forces canadiennes possèdent des capacités particulières qui les amènent à jouer un rôle essentiel dans les plans d’intervention en cas de catastrophe, ici-même au Canada. Ces capacités peuvent et ont été déployées en vue d’aider les civils de partout dans le monde aux prises avec des situations d’urgence comme des catastrophes naturelles ou d’autres circonstances menaçantes. Comme le major-général Jonathan Vance l’a déclaré au Comité : « L'EICC est un exemple d'unité ayant un haut niveau de disponibilité opérationnelle et pouvant partir pour appuyer des individus en crise partout dans le monde, tout en se préservant pendant une certaine période[4] ».

16)     Notre comité a entendu des témoignages très positifs au sujet de la capacité des Forces canadiennes à fournir une aide humanitaire à l’étranger. Une représentante du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a notamment formulé ces commentaires : « Je dirais simplement que depuis notre acquisition des C-17, il ne fait aucun doute que nous avons beaucoup amélioré notre capacité de transport aérien stratégique: nous pouvons transporter des choses, en peu de temps, vers des endroits situés à l'autre bout du monde[5]. »

17)     Le lieutenant-général Peter J. Devlin, chef d’état-major de l’Armée des Forces canadiennes a brossé pour le Comité un tableau complet de la dextérité avec laquelle l’Armée canadienne s’acquitte de ses responsabilités, il a notamment déclaré : « L'Armée canadienne doit être agile, hautement qualifiée et capable de relever sans préavis une foule de défis nouveaux et imprévus. L'armée doit être formée, équipée et financée de manière à pouvoir mener des opérations sur de nombreux théâtres, et ce, souvent en même temps: que ce soit sur les territoires enneigés de l'Arctique ou dans la jungle du Congo, ou encore sur les lieux d'un déraillement de train suivi d'une évacuation à Port Hope ou ceux d'une inondation provoquée par le débordement de la rivière Rouge. L'armée doit avoir la souplesse nécessaire pour être en mesure de fournir, grâce à son Équipe d'intervention en cas de catastrophe, l'EICC, de l'eau potable aux victimes d'un tsunami, dans le Pacifique Sud, tout en participant aux efforts de secours déployés en Haïti[6] ».

F. Maintien de la paix

18)     Même si les Forces canadiennes ont démontré leur état de préparation lors de missions récentes visant à fournir de l’aide humanitaire ou à effectuer une opération d’évacuation de non-combattants (NEO), il reste un domaine dans lequel le Canada doit améliorer sa disponibilité opérationnelle, et c’est celui des missions de maintien de la paix. Le Canada a tout intérêt à évoluer au sein d’un système multilatéral fort, stable et pacifique, et il peut s’enorgueillir d’un passé et d’une réputation enviables en tant que participant efficace et dynamique. Les missions de maintien de la paix des Nations Unies constituent l’un des meilleurs outils pour maintenir un ordre international stable. Jusqu’en 1995, le Canada a participé à pratiquement toutes les missions de maintien de la paix onusiennes. De nos jours, la demande pour les missions de maintien de la paix de l’ONU n’a jamais été aussi élevée, mais la participation du Canada à ce chapitre n’a quant à elle jamais été plus faible. « À l’heure actuelle, nous participons à 8 des 16 missions actives de l’ONU (…) En janvier 2012, 198 personnes en uniforme, soit 38 militaires et 160 policiers, étaient affectées à des opérations de l’ONU[7] ». Avant 1992, le Canada s’est classé à maintes reprises dans le peloton de tête des participants aux missions de maintien de la paix onusiennes; de nos jours, il se classe au 55e rang parmi les pays qui participent à ces missions.

19)     L’Organisation des Nations Unies, même si elle est loin d’être parfaite, a néanmoins considérablement amélioré la manière dont les opérations de maintien de la paix se déroulent aujourd’hui après avoir connu de sérieux déboires lors de missions menées dans les années 1990. L’efficacité des missions de maintien de la paix des Nations Unies a permis de gagner la confiance de la communauté internationale. Mis à part les États-Unis, l’ONU compte aujourd’hui davantage de troupes sur le terrain que tout autre acteur dans le monde, elle en a plus que le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie réunis. En dépit de la décision prise par certains de ses alliés de l’OTAN de se réengager, à l’instar de puissances émergentes comme le Brésil, l’Inde et la Chine, la contribution du Canada aux opérations de maintien de la paix de l’ONU demeure minime. Nous pensons qu’il est essentiel que les Forces canadiennes soient entraînées et équipées de manière à pouvoir prendre part à toute une gamme d’opérations multilatérales, dont les missions de maintien de la paix de l’ONU. Nous tenons à répéter que nous déplorons que cette situation n’ait pas été examinée de manière plus approfondie pendant cette étude.

G. Éducation et formation

20)     Nous reconnaissons que la disponibilité opérationnelle de nos militaires dépend en grande partie de l’enseignement qu’ils reçoivent dans les deux collèges militaires canadiens, soit le Collège militaire royal du Canada (CMRC), à Kingston et le Collège militaire royal (CMR) à Saint-Jean. Nous pensons qu’un niveau d’instruction élevé est essentiel pour permettre aux dirigeants militaires de réaliser avec succès la mission des Forces canadiennes ainsi que la conduite des opérations militaires. De plus, des chefs militaires instruits sont davantage en mesure de faire preuve d’originalité, de réflexion critique et de résolution de problèmes en souplesse dans le cadre des tâches imposées par la direction, la planification et l’organisation des affaires militaires, lesquelles sont essentielles à la disponibilité opérationnelle.

21)     Le gouvernement a, semble-t-il, demandé récemment au Collège militaire royal d’effectuer « des coupures de 1 million de dollars dans son budget au cours de l’année qui vient, aucune coupure l’année suivante, puis une réduction de 3,5 millions de dollars pour l’exercice 2014-2015 ». Selon Jean-Marc Noël, président de l’Association des professeurs des collèges militaires du Canada, 32 postes de professeurs sur 182 seront éliminés – soit près du cinquième du corps professoral, une décision qui risque d’amputer le programme des cadets de 160 cours. En 1998, le groupe d’étude Withers’ avait été chargé de réviser le programme d’études du CMR. Le groupe avait formulé diverses recommandations et avait notamment déclaré qu’un vaste programme d’études équilibré était essentiel.

22)     Un programme d’études amputé de certains cours offre moins de possibilités aux étudiants de suivre des cours en-dehors de leur programme spécialisé, ce qui les prive d’un vaste programme d’études équilibré. Par ailleurs, on envisage aussi l’élimination du programme qui permettait aux sous-officiers expérimentés de s’inscrire au CMR en vue d’y décrocher des diplômes. Les répercussions à long terme de ces décisions seront négatives, et il ne sera pas facile de revenir en arrière. Les Néo-démocrates sont d’avis que le financement du CMR doit être rétabli sans tarder.

23)     Un deuxième sujet de préoccupation concerne les programmes d’études francophones du Collège militaire royal de Saint-Jean. En 1995, sous le gouvernement libéral de l’époque, ce collège militaire qui conférait des grades universitaires avait été fermé. Même si on l’a rouvert en 2008 en lui attribuant le statut d’établissement collégial, il n’offre plus de programme complet ou universitaire aux étudiants francophones originaires du Québec et d’ailleurs au Canada. Cette situation influe négativement sur le nombre d’officiers francophones comparativement aux officiers anglophones dans les Forces canadiennes. Nous sommes d’avis que la direction des Forces canadiennes, du bas jusqu’en haut de la chaîne de commandement, devrait refléter fidèlement la dualité linguistique et culturelle nationale du Canada, telle qu’elle est représentée par nos deux langues officielles. Cette représentation ne se limite pas au bilinguisme; la représentation francophone est impérative dans toute la chaîne de commandement. Selon nous, il est impossible d’atteindre cet objectif en l’absence d’un établissement francophone conférant des grades universitaires. Par conséquent, le Collège militaire royal de Saint-Jean devrait redevenir un établissement décernant des grades universitaires.

24)     Pendant toute la durée de l’étude, le Comité a entendu des témoins venus expliquer à quel point il était difficile de recruter des employés spécialisés essentiels au sein des Forces canadiennes. En effet, plusieurs témoins sont venus décrire les pénuries d’employés qualifiés dans certains métiers. Le major-général Steve Bowes est venu témoigner devant le Comité au sujet de la pénurie d’officiers de l’arme blindée et de techniciens en véhicules[8]. De plus, le vice-amiral Paul Maddison a exprimé sa préoccupation au sujet de l’effectif d’ingénieurs navals et d’électroniciens navals. Voici ce qu’il a déclaré au sujet des électroniciens navals : « Il s'agit d'un métier tactique clé qui exige des ensembles de compétences de haut calibre. Ce sont eux qui assurent l'entretien et le réglage des radars, des systèmes de commande du tir, des canons et des missiles — et ils sont très peu nombreux à l'heure où nous parlons[9]».

25)     Comme suite à ce que nous avons entendu en comité, le rapport du vérificateur général de l’automne 2012 à l’intention de la Chambre des communes insiste lui aussi sur les pénuries enregistrées dans les corps de métier qui travaillent dans le domaine de la construction militaire. Selon le rapport, cette pénurie ne serait pas sans conséquence, et le personnel militaire et civil qui s’occupe des biens immobiliers est trop sollicité, ce qui le rend vulnérable au stress excessif et à l’épuisement professionnel, et les membres moins expérimentés du personnel assument des responsabilités au-delà de leurs compétences. Par conséquent, nous recommandons que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes évaluent et déterminent les pénuries d’employés dans les divers corps de métier, et mettent de l’avant un plan d’action destiné à corriger ces lacunes.

H. Disponibilité de l’infrastructure

26)     Comme pour le processus d’approvisionnement, il est évident qu’il y a un problème dans le processus utilisé pour assurer la maintenance de l’infrastructure dans les bases des Forces canadiennes partout au pays. Et comme c’est le cas pour l’approvisionnement, ces problèmes non réglés entraînent des coûts en ressources et des délais. Le rapport du vérificateur général de l’automne 2012 contient un chapitre sur les biens immobiliers du MDN. Selon ce rapport, même si des crédits étaient affectés à l’entretien, aux réparations et aux immobilisations, les bases ne recevaient pas les ressources financières en temps opportun pour planifier les travaux à effectuer en respectant le cycle de construction. Le rapport ajoute enfin que « la façon dont la Défense nationale gère ses ressources pour soutenir les biens immobiliers doit changer fondamentalement ». Chaque jour qui passe, le parc immobilier se détériore, et on ne peut pas compter sur un plan de gestion clair et coordonné. Certains bâtiments ne sont même pas conformes aux exigences de base en matière de santé et sécurité, comme celles du Code national de prévention des incendies. Du point de vue de la disponibilité opérationnelle, le vérificateur général a constaté que les faiblesses relevées dans la gestion des biens immobiliers de la Défense nationale peuvent compromettre la capacité des Forces canadiennes d’accomplir leurs missions

I. Sécurité et surveillance

27)     Dans le plus récent rapport du vérificateur général, le chapitre sur la cybersécurité signale des lacunes graves dans la capacité du gouvernement du Canada de se protéger contre les cybermenaces et de coordonner les réactions aux attaques. Le Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CSTC) relève du ministère de la Défense nationale, et s’est vu confier de nouvelles responsabilités en matière de protection des systèmes contre les cybermenaces. Il est donc justifié de recommander l’examen des rôles et des responsabilités des organismes gouvernementaux en la matière, de même que l’ajout d’une nouvelle étape de surveillance parlementaire. Afin de mener à bien cette surveillance, il faudrait que les parlementaires chargés d’exercer cette surveillance obtiennent des cotes de sécurité.

28)     Selon Philippe Lagassé : « Un comité parlementaire devrait avoir la cote de sécurité nécessaire pour être en mesure d’étudier les secrets opérationnels. Ainsi, les députés auraient une meilleure idée de ce qui se déroule sur le terrain et sauraient si la mission est aussi fructueuse qu’on le leur dit[10] ». De tels pouvoirs permettraient aux parlementaires de connaître de manière générale l’état réel de préparation des Forces canadiennes, notamment dans des domaines tels que la cybersécurité et le cyber-renseignement, sans pour autant compromettre l’intérêt de la sécurité nationale, une raison a laquelle on a eu recours dans le passé pour retenir de l’information.

Respectueusement soumis par,

Jack Harris, député
Christine Moore, députée
Matthew Kellway, député
Tarik Brahmi, député

 


[1]              Philippe Lagassé (professeur adjoint, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa), Témoignages, 16 février 2012.

[2]              Général Stéphane Abrial (commandant suprême allié (Transformation), Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), Témoignages, 3 mai 2012.

[3]              Jerome Berthelette (vérificateur général adjoint, BVG), Témoignages, 7 février 2012, 1220.

[4]              Major-général Jonathan Vance (directeur d’état-major, État-major interarmées stratégique), Témoignages, 1er novembre 2011.

[5]              Jill Sinclair (sous-ministre adjointe, Politiques, ministère de la Défense nationale), Témoignages, 8 mars 2012.

[6]              Lieutenant-général Peter J. Devlin (chef d’état-major de l’Armée, ministère de la Défense nationale), Témoignages, 22 novembre 2011

[7]              Kerry Buck (sous-ministre adjoint, Secteur de la sécurité internationale et directeur Politiques, MAECI), Témoignages, 8 mars 2012.

[8]              Major-général Steve Bowes (commandant, Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre, ministère de la Défense nationale), Témoignages, 20 octobre 2011.

[9]              Vice-amiral Paul Maddison (commandant, Marine royale canadienne, ministère de la Défense nationale), Témoignages, 6 décembre 2011.

[10]           Philippe Lagassé (professeur adjoint, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa), Témoignages, 16 février 2012, 1240.