SECU Rapport du Comité
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ÉTUDE DE LA SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE DANS LES DOMAINES CORRECTIONNEL ET DE L’IMMIGRATION1. INTRODUCTIONLe recours à la surveillance électronique est à la hausse au Canada et ailleurs dans le monde. L’émergence de ce type de surveillance dans les différents domaines est attribuable au fait que la surveillance électronique est considérée par plusieurs comme un outil de travail complémentaire aux méthodes de surveillance traditionnelles. Cela étant dit, les recherches effectuées jusqu’à présent démontrent que la surveillance électronique en soi n’est pas une panacée et que sa mise en application doit être bien ciblée. A. Mandat et processus d’examenLe 31 janvier 2012, le Comité a convenu d’entreprendre une étude sur le recours à la surveillance électronique dans les domaines correctionnel et de l’immigration afin d’en déterminer son efficacité, sa rentabilité et l’état de préparation à sa mise en œuvre. Par l’entremise des témoignages, le Comité tenait à connaître les avantages et les inconvénients de cette technologie ainsi que les différentes applications possibles. C’est pourquoi le Comité a voulu puiser des expériences vécues par les autres pays, notamment la Grande-Bretagne et les États-Unis. Le Comité a également pris connaissance de la documentation ainsi que des travaux de recherches qui ont été portés à son attention. Le Comité a consacré sept réunions à cette étude et a recueilli les témoignages des ministères de la Sécurité publique, de la Défense nationale, de la Citoyenneté et de l’Immigration, de l’Agence des services frontaliers du Canada, du Service correctionnel du Canada, du Edmonton Police Service, de la Société John Howard du Canada et de la John Howard Society of Manitoba, Inc. Le Comité a également eu la chance de colliger les points de vue de fournisseurs et de fabricants de dispositifs de surveillance électronique. À cette fin, le Comité a reçu les témoignages de JEMTEC Inc., de Safetracks GPS Solutions Inc., de 3M Company et de la Compagnie 3M Canada. Plusieurs intervenants ont également comparu devant le Comité à titre personnel. B. Organisation du rapportLe rapport se compose de deux sections; la première porte sur les connaissances accumulées par le Comité au sujet de la surveillance électronique dans le domaine correctionnel et la deuxième dans le domaine de l’immigration. Chaque section énonce une série de recommandations fondées sur nos observations. 2. SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE DANS LE DOMAINE CORRECTIONNELTout au long de l’examen du Comité, les témoins ont relaté les différentes méthodes d’utiliser la surveillance électronique. Les témoins ont aussi été nombreux à attirer l’attention du Comité à la variation entre la taille des programmes et les différents types de technologies utilisées. Au palier provincial, la surveillance électronique s’applique surtout aux délinquants qui purgent des peines d’emprisonnement de moins de deux ans et qui sont soumis à une ordonnance de probation, à une peine avec sursis, ou encore, aux délinquants qui sont libérés dans le cadre d’une absence temporaire ou d’une libération conditionnelle. Le Comité a appris que la surveillance électronique est aussi utilisée dans le cadre d’enquêtes sur le cautionnement où le prévenu n’a pas encore été déclaré coupable par le tribunal, mais dont la remise en liberté suscite des craintes d’ordre de sécurité publique. Présentement, sept provinces canadiennes opèrent un programme de surveillance électronique. Bien que certains de ces programmes soient relativement petits et comptent moins de 35 individus, le Comité a entendu que celui de l’Ontario compte près de 230 délinquants. La province du Manitoba, quant à elle, subventionne le Programme de réadaptation fonctionnelle. Il s’agit d’un groupe de délinquants qui présentent un risque de récidive faible, moyen ou élevé et qui sont susceptibles de recevoir une peine d’emprisonnement. Si le tribunal approuve sa candidature au Programme de réadaptation fonctionnelle, le délinquant peut alors purger sa peine dans la collectivité, selon les conditions du Programme, plutôt qu’en établissement. La surveillance électronique est aussi utilisée pour surveiller les délinquants qui ont purgé une peine de ressort fédéral, mais qui n’ont pas bénéficié d’une libération conditionnelle en raison de leur niveau de risque. Le service policier d’Edmonton dans la province de l’Alberta surveille présentement ce type de délinquant qui, à la fin de son mandat de dépôt (au terme de sa sentence), contracte un engagement de ne pas troubler l’ordre public aux termes de l’article 810 du Code criminel doté d’une condition de surveillance électronique. En 2008, le gouvernement du Canada a lancé le Programme pilote de surveillance électronique (PPSE) des délinquants sous la responsabilité fédérale. Le PPSE s’appliquait à 46 délinquants qui se portaient volontaires et qui présentaient un faible risque de récidive. Le programme a fait l’objet d’une évaluation en 2009[1] par le Service correctionnel du Canada (SCC). Les résultats n’indiquaient toutefois aucune diminution du taux de récidive chez les délinquants. Pour certains, les résultats s’expliquent du fait que l’échantillon en question était trop petit et qu’il était composé de délinquants à faible risque de récidive. On a expliqué au Comité que le PPSE avait été entamé pour mettre à l'essai certains types d'équipement : « Nous cherchions à nous faire une idée des possibilités et des limites de l'équipement, à déterminer ce qu'il nous fallait élaborer en termes de pratiques, protocoles et politiques, ainsi que la formation à prévoir. Nous tenions également à établir si le recours à ce genre de technologie pouvait aider un agent de libération conditionnelle à gérer les délinquants[2].» Le Comité est au courant d’une nouvelle disposition législative qui permettrait au SCC «[d’]obliger un délinquant à porter un dispositif de surveillance à distance lorsque la permission de sortir, le placement extérieur, la libération conditionnelle ou d’office ou l’ordonnance de surveillance de longue durée est assorti de conditions interdisant au délinquant l’accès à une personne ou à un secteur géographique ou l’obligeant à demeurer dans un secteur géographique[3].» Les précisions apportées par le commissaire du SCC au sujet de cette nouvelle disposition législative nous indiquent que la surveillance électronique ne serait pas imposée à tous les délinquants, qu’elle ne remplacerait pas la surveillance directe et qu’elle ne serait pas utilisée pour diminuer la population carcérale fédérale. Le commissaire a indiqué que même si le PPSE visait des délinquants à faible risque, le délinquant type ciblé par une telle initiative du SCC serait désigné comme présentant un niveau de risque modéré à élevé et exhiberait un besoin de limiter ses mouvements à un secteur géographique particulier ou de limiter son accès à une personne ou un endroit particulier. On a aussi expliqué au Comité que la surveillance électronique ne serait pas appliquée de manière indépendante, mais qu’elle serait intégrée aux programmes de réhabilitation et de surveillance dans la communauté. Lors de notre étude, les témoins ont présenté trois sortes de dispositifs qui, selon les besoins exprimés, permettent de surveiller des individus assujettis à des conditions: le bracelet muni d’émetteurs GPS[4] (système mondial de localisation), le bracelet muni d’émetteurs de fréquences radio[5] et le dispositif biométrique[6]. Les fournisseurs et les fabricants ont tous signalé au Comité que les besoins et les préférences de chaque client varient; c’est pourquoi il existe une vaste gamme de choix possibles. Selon les témoignages, les dispositifs de GPS sont les plus coûteux et la technologie va du plus simple au plus compliqué. Cela étant dit, les trois fournisseurs ont présenté au Comité des coûts très similaires: il coûte environ 5$ à 22$ par jour pour faire de la surveillance électronique. 2.1 Avantages et inconvénientsDes témoins qui ont présenté les avantages de la surveillance électronique ont qualifié la surveillance électronique d’outil complémentaire aux programmes de supervision et de soutien des délinquants dans la collectivité. Aux dires de ces témoins, la surveillance électronique permet de dissuader le comportement criminel et encourage le respect des conditions imposées. Par ailleurs, la surveillance électronique accorde aux agents de probation et de libération conditionnelle l’outil désiré afin d’accroître la responsabilisation du délinquant. Du point de vue du SCC, la surveillance électronique favorise l’interaction entre l’agent de libération conditionnelle et le délinquant permettant ainsi une mise en liberté graduelle, structurée et surveillée. Larry Motiuk, conseiller spécial au SCC, Équipe du renouvellement de l’infrastructure, a fait valoir que la surveillance électronique offre également des bénéfices à long terme : Nous savons qu'elle peut avoir pour effet de réduire la durée de l'application des conditions en matière de résidence. Elle pourrait être utilisée pour renforcer les stratégies communautaires et être intégrée à d'autres éléments, comme les rapports entre l'agent de libération conditionnelle et le délinquant. Nous savons également qu'elle peut être intégrée à une stratégie comportant des programmes communautaires, d'autres mécanismes de soutien, et qu'elle pourrait également renforcer ces mesures. Nous savons encore qu'elle peut offrir une solution de rechange à la suspension ou à la révocation de la libération, selon la situation particulière de l'individu concerné[7]. Certains témoins ont fait valoir que cette forme de surveillance pourrait dissuader le comportement criminel alors que d’autres ont noté qu’elle ne permet pas nécessairement de prévenir une infraction criminelle. Parmi les inconvénients techniques mentionnés, des témoins ont souligné des problèmes de fausses alertes (parfois en raison d’une pile qui doit être rechargée) ainsi que des problèmes de dérive (inexactitude des données). D’autres inconvénients notés sont liés à la mauvaise réception et à la pauvre qualité du signal satellite. Les témoins ont aussi fait part au Comité que la plupart des signaux GPS ne pénètrent pas toujours les zones souterraines ainsi que certains édifices. 2.2 Autres considérationsD’autres témoins ont noté que les systèmes de surveillance électronique génèrent d’énormes quantités d’informations qui, selon eux, sont susceptibles d’alourdir le travail des agents de libération conditionnelle. Certains témoins ont décrit une technologie complexe qui est efficace lorsqu’elle est jumelée à une bonne compréhension du système et une bonne formation de l’utilisateur. Le Comité s’est fait dire que ces éléments sont essentiels à sa fiabilité.[8] Steve Chapin de la 3M Company a fait une mise en garde à l’effet qu’un système de surveillance électronique efficace repose sur plus que l’appareil en soi. Il doit également y avoir, selon lui, une formation des agents de libération conditionnelle, une interface logicielle intuitive, des outils de gestion des cas personnalisés, des systèmes de sauvegarde, un soutien continu d’experts et des protocoles bien élaborés avec les agences impliquées. Il en suit qu’un programme de surveillance électronique nécessite une main d’œuvre qui a la capacité de fournir un soutien continu à la gestion de l’information et aux dépistages des bris de conditions. Par l’entremise du Dr Brian Grant, directeur général, Recherches, SCC, le Comité constate que les travaux de recherches effectués au sujet de la surveillance électronique dans le domaine correctionnel ne permettent pas de confirmer ou d’infirmer l’efficacité de cette méthode de surveillance : Ces diverses études se contredisent parfois, puisque certaines estiment que ce type de surveillance donne de bons résultats, alors que d’autres estiment qu’ils sont néfastes, et que d’autres encore ne détectent aucune répercussion. Donc, lorsque vous prenez l’ensemble des travaux qui ont été réalisés sur ce sujet, vous ne pouvez que conclure qu’il n’y a pas de preuve pour dire que la surveillance électronique contribue à la réduction du taux de récidive[9]. L’efficacité et la rentabilité de la surveillance électronique sont difficiles à cerner étant donné que les recherches effectuées ainsi que les programmes de surveillance électronique présentement en vigueur regroupent des variables et des objectifs fondamentalement différents. Il faut noter aussi les commentaires du Dr Grant à l’effet qu’il n’existe aucune analyse qui porte sur les coûts et les avantages de la surveillance électronique. Dr James Bonta a fait valoir que des travaux de recherches sont également de mise dans le cas de délinquants à risque élevé assujettis à des ordonnances de surveillance électronique. Selon lui, il pourrait s’agir d’un moyen efficace pour traiter les délinquants à risque élevé qui posent le plus de problèmes à la sécurité publique. Ce que le Comité retient de son étude est une nécessité d’effectuer des recherches qui ciblent le contexte particulier du système correctionnel fédéral canadien, étant donné que très peu de recherches ont été effectuées à ce sujet. Notre étude dévoile aussi l’importance d’établir des objectifs de recherche clairs et des protocoles d’application raisonnés. Le Comité croit qu’il est souhaitable de bien cibler le groupe de délinquants visé, tout en considérant leur âge, leur sexe ainsi que leur taux de risque. Il est primordial, croyons-nous, d’assurer que les politiques et les pratiques encouragent la communication entre les agents de libération conditionnelle et le délinquant tout en octroyant une certaine discrétion aux agents de libération conditionnelle au niveau de la mise en application de la surveillance électronique. Par conséquent, nous estimons que le SCC pourrait bénéficier de recherches additionnelles et de projets-pilotes permettant d’identifier les facteurs qui prônent le succès de la surveillance électronique dans le milieu correctionnel. À la lumière de toutes ces considérations: Recommandation 1 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral entreprenne une étude sur le rapport coût-efficacité de la surveillance électronique dans le domaine correctionnel. Recommandation 2 Le Comité recommande que la surveillance électronique soit appliquée dans le milieu correctionnel uniquement lorsqu’elle constitue une solution efficace et économique qui maximise la sécurité publique. Recommandation 3 Le Comité recommande que la surveillance électronique soit appliquée au milieu correctionnel uniquement lorsqu’elle est assortie d’un programme adéquat, qu’elle s’inscrive dans le cadre d’un programme de réinsertion et de surveillance communautaire, et qu’elle ne soit pas appliquée comme mesure indépendante. Recommandation 4 Le Comité recommande que le Service correctionnel du Canada étudie les différentes sortes de conditions imposées aux délinquants afin de déterminer l’application la plus efficace de la surveillance électronique aux fins de la libération conditionnelle. Recommandation 5 Le Comité recommande que des projets pilotes soient réalisés par le Service correctionnel du Canada afin de déterminer les méthodes de surveillance électronique les plus efficaces et des les appliquer aux différentes formes de mise en liberté sous condition. 3. SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE DANS LE DOMAINE DE L’IMMIGRATIONAu cours de la présente étude, le Comité a entendu des témoignages selon lesquels la surveillance électronique est rarement utilisée dans le contexte de l’immigration. L’expérience de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en matière de surveillance électronique se résume principalement aux quelques cas liés au processus de certificat de sécurité en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). En effet, le rapport final de novembre 2010 sur les Programmes de détention et de renvoi de l’ASFC[10] note que la direction chargée d’appliquer la LIPR a signalé seulement deux cas d’immigration non liés à un certificat de sécurité faisant l’objet d’une ordonnance de surveillance électronique. À l’heure actuelle, seulement trois personnes au Canada font l’objet d’un certificat de sécurité. La Cour fédérale a imposé la surveillance électronique de ces derniers comme l’une des conditions de leur mise en liberté du centre de détention de l’immigration. Les personnes qui demandent le statut de réfugié au Canada sont assujetties à des mesures de renvoi conditionnelles. Ces mesures de renvois sont annulées si leur demande de statut est approuvée, mais si la demande est refusée la mesure de renvoi devient exécutoire. Le directeur général des Programmes après le passage à la frontière de l’ASFC, M. Peter Hill, a signalé aux membres du Comité qu’environ 44 000 personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrestation sont introuvables : « La majorité d'entre eux — soit environ 80 p. 100 — sont des demandeurs de statut de réfugié déboutés et ne représentent pas une menace criminelle ou sécuritaire. Ils ont tout simplement disparu; ils ne se sont pas présentés pour la procédure d'immigration ou de renvoi. Ils sont donc sous mandat d'arrêt en vue de leur renvoi[11]. » La directrice de la division de la gestion de cas à la Direction générale des opérations de l’ASFC, Mme Susan Kramer, a pour sa part déclaré ce qui suit : J'aimerais ajouter que, en général, les demandeurs du statut de réfugié et les autres personnes inadmissibles se conforment très bien jusqu'à la fin. Vous comprenez? C'est à la fin que nous perdons de vue 90 p. 100 de ces personnes. Il n'est pas toujours valable d'appliquer la ligne dure à ceux qui, jusque-là, se sont montrés très accommodants. Il n'y a pas de raison de le faire. La personne se sera montrée très accommodante tout au long du processus, à toutes les étapes. C'est à la fin, quand vient le temps de partir que les gens s'enfuient[12]. Les membres du Comité ont entendu des témoignages selon lesquels les mandats d’arrestation visant ces individus sont acheminés au Centre d’information de la police canadienne (CIPC). Si un de ces individus est porté à l’attention des policiers ces derniers peuvent l’arrêter n’importe où au Canada et le transférer sous la responsabilité de l’ASFC. Ces individus sont par la suite détenus puis renvoyés. La sous-ministre adjointe des Opérations au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (CIC), Mme Claudette Deschênes, a par ailleurs attiré l’attention des membres du Comité au fait qu’au Canada, il est particulièrement difficile de savoir si un individu a quitté le pays. Il semble que certaines personnes n’informent pas les autorités de leur départ. Voici comment elle décrit la stratégie de CIC à cet égard : On part de l'idée que la majorité des gens qui sont dans le système d'immigration vont suivre les règles. Bien sûr, ce n'est pas le cas pour tout le monde. Citoyenneté et Immigration veut déployer plus d'efforts pour s'assurer que ceux dont on pensait qu'ils suivraient les règles vont bel et bien les suivre. Il y a aussi toutes les mesures que doit prendre l'Agence des services frontaliers. En fin de compte, la question est que le gouvernement pourrait toujours investir plus d'argent dans ces mesures. L'idée est de déterminer comment gérer nos risques le plus efficacement possible et, s'il y a des risques, se demander si des mesures supplémentaires peuvent être prises pour les gérer.[13] 3.1 FaisabilitéBien qu’elle soit utile pour localiser les déplacements d’un individu, les témoignages révèlent que la surveillance électronique n’empêche pas nécessairement aux immigrants de disparaître ou de devenir des immigrants clandestins. Selon le cas, lorsque le renvoi peut être effectué à bref délai, la détention pourrait être une alternative préférable à la surveillance électronique. On a aussi souligné que dans d’autres circonstances, des conditions de mise en liberté telles que des couvre-feux, des obligations de faire rapport, des dépôts d’argent et des cautionnements sont tout aussi efficaces. Le Comité note que, comme dans le domaine correctionnel, la surveillance électronique dans le contexte de l’immigration peut présenter des difficultés d’ordre technique telles que des fausses alertes et le fonctionnement défectueux des dispositifs. En outre, dans le contexte des certificats de sécurité, l’avocate spécialisée en droit de l’immigration et des réfugiés, Barbara Jackman, a soulevé certains points concernant l’utilisation à long terme : Si j'en crois mon expérience, je ne recommanderais jamais cette solution, à moins que ce soit à court terme, pendant une période fixe, pour des individus pour lesquels elle ne représente que la seule solution de rechange à une détention permanente dans le cadre de l'immigration. Je considère que cette solution peut être bonne dans certains cas, mais il faut que ce soit sur une période limitée[14]. Catherine Latimer, directrice exécutive de la Société John Howard du Canada, a indiqué que la surveillance électronique pourrait être efficace dans le contexte de l’immigration : Je pense que ça vaudrait la peine de faire l’essai. Je ne sais pas si les résultats seraient concluants, mais dans ce contexte, on opère sans les problèmes que pose une dépendance trop poussée à l’égard de la surveillance électronique dans le domaine correctionnel. Par exemple, vous devez amener des gens à une audience de déportation et vous voulez éviter qu’ils se dissolvent au sein de la population canadienne. En d’autres termes, votre souci n’est pas de les réhabiliter; vous voulez simplement pouvoir les suivre à la trace; or, d’après moi, c’est justement ce qu’accomplit la surveillance électronique. Je ne crois pas qu’elle constitue une aide à la réhabilitation, je crois qu’elle aide à localiser les gens. Donc, cela vaudrait peut-être la peine de faire un essai[15]. Peter Hill a expliqué que même si la technologie n’a été utilisée par l’ASFC qu’à très petite échelle jusqu’à présent, la surveillance électronique a tout de même permis d’atteindre les objectifs désirés lorsqu’elle a été utilisée. Le Comité s’est fait dire que les conditions et mesures appliquées par l’ASFC, dont les obligations de faire rapport, les couvre-feux et, de façon sélective, la surveillance électronique, visent à atténuer les risques que présente le délinquant pour la sécurité des Canadiens et à assurer l'intégrité du système d'immigration et du statut de réfugié[16]. Il a indiqué que l’utilisation de la surveillance électronique présente un très fort potentiel de développement et serait d’une grande utilité pour les agents. Le Comité prend note de la documentation fournie par le Haut-Commissariat de Grande-Bretagne[17] décrivant l’utilisation de la surveillance électronique dans le domaine de l’immigration et de l’exécution de la loi au Royaume-Uni : L’UK Border Agency (l’Agence frontalière du Royaume-Uni) a recours à la surveillance électronique depuis 2004, année où la loi autorisant son emploi a reçu la sanction royale. La surveillance électronique est permise au Royaume-Uni en vertu de l’article 36 de la Asylum and Immigration Act 2004 (Traitement des demandeurs). La surveillance électronique est employée actuellement comme moyen d’accroître le contact avec les personnes assujetties aux contrôles de l’immigration pendant que le traitement de leur dossier se poursuit. […] Selon des examens internes de la surveillance électronique, le bracelet électronique est un dispositif efficace pour l’Agence. Elle ne peut pas empêcher une personne de fuir, mais elle peut avoir un effet dissuasif. De plus, elle augmente beaucoup le contact de l’Agence avec la personne. Ce contact accru peut s’avérer utile lorsque le dossier de quelqu’un arrive aux dernières étapes et que son renvoi est en préparation. En Grande-Bretagne on considère que certaines catégories d’individus ne devraient pas être assujetties à la surveillance électronique dans le domaine de l’immigration, comme les personnes âgées de moins de 18 ans, les femmes enceintes et les femmes qui viennent d’accoucher. La documentation fournie n’explique pas les motifs de ces exceptions[18]. En conséquence : Recommandation 6 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral réalise une étude des travaux de recherche existants sur les effets de la surveillance électronique sur les femmes enceintes dans le domaine de l’immigration. Peter Hill, a informé les membres du Comité du fait que l’ASFC était ouverte à l’idée d’utiliser la surveillance électronique dans le contexte de l’immigration sur la base d’une étude approfondie : « Nous n'avons pas encore effectué d'analyse coûts-avantages pour déterminer dans quelle mesure il sera possible et rentable d'utiliser ce dispositif à plus grande échelle sur des individus à plus faible risque. Cependant, c'est quelque chose que nous envisageons[19]. » À la lumière de ces considérations: Recommandation 7 Le Comité recommande que l’Agence des services frontaliers du Canada devrait étudier l’utilisation et la rentabilité de la surveillance électronique en vue de réduire les incidences d’individus inadmissibles qui ne se présentent pas pour leur renvoi. 4. CONCLUSIONComme de nombreux témoins, le Comité croit que la surveillance électronique est un outil de travail à fort potentiel de développement qui est complémentaire aux méthodes actuelles de surveillance dans la communauté. Le Comité espère que les leçons retenues à ce jour éclaireront la formulation d’objectifs de recherche et de protocoles d’application judicieux, en vue de recenser les facteurs qui favoriseront la réussite de l’intégration de la surveillance électronique aux méthodes conventionnelles. Le Comité espère que les recommandations formulées dans le présent rapport mèneront à la détermination des usages les plus rentables et appropriés de la surveillance électronique dans les domaines correctionnel et de l’immigration. [1] Les conclusions du rapport peuvent être consultées au site Web suivant : http://www.csc-scc.gc.ca/text/pa/empp/index-fra.shtml. [2] Don Head, commissaire, Service correctionnel du Canada, Témoignages, 16 février 2012. [3] Article 64 du projet de loi C-10 : Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l’immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et d’autres lois, 41e Parlement, 1ère session. [4] Cette forme de surveillance produit un journal des déplacements du délinquant en communiquant avec le réseau de satellites GPS. Il a deux modes : actif ou passif. « Nous utilisons actuellement les termes « actif » et « passif » pour désigner les types de systèmes de GPS. Avec le système actif, l’appareil est en lien presque continu avec le centre de surveillance. La fréquence d’interaction avec le centre dépend, encore une fois, des besoins opérationnels: ça peut être aux cinq minutes ou aux 10 secondes. (…)Le système passif, comme je le comprends actuellement, enregistre les déplacements de l’individu dans l’appareil et ne communique avec le centre de surveillance que lorsque cet appareil est connecté à une espèce de transmetteur qui envoie les informations au centre, et ce n’est qu’à ce moment que l’on peut connaître les allées et venues de l’individu, avec plusieurs heures de décalage, évidemment.» Anthony Ashley, directeur général, Recherche et développement pour la Défense du Canada — Centre des Sciences pour la sécurité, ministère de la Défense nationale, Témoignages, le 14 février 2012. [5] La technologie des fréquences radio est selon les témoignages reçus la forme la plus ancienne de surveillance électronique. Elle permet de savoir si un individu se trouve à un endroit précis. [6] « Pour ce qui est des systèmes biométriques, dont on ne parle pas souvent, c'est dans le cas où on veut simplement savoir si la personne visée est rentrée chez elle ce soir-là. On pourrait utiliser un scanner biométrique quelconque qui scanne la rétine ou l'empreinte de pouce, par exemple, pour s'assurer que l'intéressé était bien à un certain endroit, à un moment donné. » Anthony Ashley, directeur général, Recherche et développement pour la Défense du Canada — Centre des Sciences pour la sécurité, ministère de la Défense nationale, Témoignages, le 14 février 2012. [7] Témoignages, 6 mars 2012. [8] Eric Canton, président-directeur général, JEMTEC Inc., Témoignages, 1 mars 2012. [9] Témoignages, 1 mars 2012. [10] Agence des services frontaliers du Canada, Programmes de détention et de renvoi de l’ASFC — Étude d’évaluation, Rapport final, novembre 2010. [11] Témoignages, 16 février 2012. [12] Ibid. [13] Témoignages, 8 mars 2012. [14] Témoignages, 6 mars 2012. [15] Témoignages, 14 février 2012. [16] Témoignages, 16 février 2012. [17] Document fourni au Comité, Home Office, UK Border Agency, UK Border Agency — Electronic Monitoring Overview, 22 mai 2012 [traduction]. [18] Ibid. [19] Témoignages, 16 février 2012. |