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Monsieur le Président, juste avant la période des questions, j'expliquais pourquoi le projet de loi m'inquiète grandement. J'ai dit plus tôt que cette mesure législative est intitulée Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes. Or, elle ne créera pas une loi distincte, elle modifiera plutôt le Code criminel, et ces modifications portent sur les suramendes compensatoires et les amendes qui devront être payées.
Ces modifications au Code criminel n'ont qu'un seul but: imposer une suramende à quiconque est déclaré coupable d'une infraction criminelle. La suramende est actuellement fixée à 15 % de l'amende infligée lors de la détermination de la peine. Cette mesure législative la ferait passer à 30 %, soit le double, ce qui, en soi, ne m'inquiète pas. Il est important que les services aux victimes soient suffisamment financés.
Je veux préciser, pour ceux qui nous écoutent, que ces sommes ne sont pas directement versées aux victimes; elles sont plutôt données aux provinces et aux territoires, qui sont censés les utiliser pour financer les services aux victimes. Ce n'est pas même chose que le dédommagement, au titre duquel la personne déclarée coupable verse directement de l'argent à la victime de son crime. C'est une sorte de cagnotte générale qui est censée financer les services aux victimes. Je souligne qu'un certain nombre de personnes qui ont témoigné au comité avaient des réserves parce qu'on ne sait pas si les provinces et les territoires assurent un suivi serré de ces fonds et s'ils utilisent vraiment ces sommes pour les services aux victimes, mais ce n'est pas ce sur quoi mon intervention portera principalement aujourd'hui.
En plus de doubler les amendes, qui passeront de 15 % à 30 %, ces modifications du Code criminel créeraient une amende automatique de 100 $ dans les cas où aucune amende particulière n'aurait été imposée. Quiconque serait déclaré coupable à l'issue d'une procédure sommaire se verrait imposer une amende de 100 $, et quiconque serait déclaré coupable par mise en accusation se verrait imposer une amende de 200 $ si le juge ne précise aucune amende.
Cette disposition engendrerait des difficultés importantes. Les victimes de crime ont toute ma sympathie ainsi que la sympathie du Parti vert et des autres députés des Communes, je crois. Être victime d'un crime, même petit, est traumatisant. Un crime grave peut avoir des conséquences catastrophiques pour la victime. Ce n'est pas que je ne me soucie pas des victimes. Cependant, lorsqu'on cherche à déterminer qui sont les victimes dans la société et où elles se trouvent, on s'aperçoit qu'elles ne sont pas toujours hors des prisons. Certaines victimes sont dans les prisons. C'est le point que je veux soulever en m'appuyant sur le témoignage de Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Le comité a entendu Mme Pate le 1er novembre.
Avec votre permission, monsieur le Président, je voudrais lire un extrait de son témoignage. Voici ce qu'elle a dit:
[...] la majorité des femmes — 91 p. 100 des femmes autochtones, 82 p. 100 des femmes en général — ont été victimes d'agressions physiques ou sexuelles et [...] se sont retrouvées derrière les barreaux principalement en raison du manque de ressources, notamment dans les secteurs communautaires des services sociaux et des soins de santé [particulièrement de santé mentale...]
Elle dit encore ceci:
Le directeur parlementaire du budget a estimé qu'il coûtait 343 000 $ par année au gouvernement pour détenir une femme dans un établissement fédéral. Et dans les établissements provinciaux, cela peut aller de 30 000 $ à plus de 200 000 $. Quand on pense aux coûts que cela implique, il semble au mieux contre-productif d'emprisonner quelqu'un pour le non-paiement d'une amende ou d'une suramende compensatoire.
Essentiellement, si nous enlevons tout pouvoir discrétionnaire au juge comme le prévoit le projet de loi , il se produira deux choses. Premièrement, le pourcentage de la suramende compensatoire à verser sera doublé et passera de 15 % à 30 %. Il y aura une amende automatique de 100 $ dans le cas d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire et une amende automatique de 200 $ dans le cas d'une déclaration de culpabilité par mise en accusation. Deuxièmement, le juge n'aura plus le pouvoir de dispenser l'accusé de l'amende dans le cas où il pense qu'elle constitue un préjudice injustifié en raison de la situation de l'accusé.
Voici ce qui est prévu actuellement aux termes du paragraphe 737(5) du Code criminel.
Le tribunal peut ordonner qu’aucune suramende compensatoire ne soit infligée aux termes du paragraphe (1), si le contrevenant en fait la demande et lui démontre que cela lui causerait — ou causerait aux personnes à sa charge — un préjudice injustifié.
La mesure législative supprimerait le pouvoir discrétionnaire des juges. Les juges auraient seulement le pouvoir discrétionnaire d'augmenter l'amende.
Toutefois, nous devons pouvoir nous pencher sur le cas des accusés et sur leurs circonstances personnelles et déterminer s'ils ont eux-mêmes été des victimes. Je pense, par exemple, à Ashley Smith. Toutes les personnes qui ont vu ce qui est lui est arrivé savent qu'elle n'était pas tant l'auteur d'un acte criminel, mais davantage — et cela à cause d'une série d'erreurs horribles — une victime de l'incarcération, qui l'a finalement menée à la mort. Si une personne dans sa condition avait été libérée de prison — et cela aurait été une bien meilleure solution —, puis avait dû payer cette amende, où aurait-elle trouvé l'argent nécessaire? Comment pourrait-elle subvenir à ses besoins? Est-ce que cette mesure aurait eu des résultats contre-productifs comme la Société Elizabeth Fry le prétend?
Je veux terminer en citant l'Association du Barreau canadien, qui affirme ceci:
À notre avis, les modifications proposées, qui porteraient les suramendes compensatoires au–delà de la capacité de payer d'un plus grand nombre de personnes, entraîneront davantage de défauts et d'incarcérations des pauvres et empêcheront les juges de se prévaloir de leur pouvoir discrétionnaire pour assurer un résultat juste.
Cette mesure législative ne répond pas à ses objectifs. Les victimes d'actes criminels devraient avoir accès à des ressources adéquates, mais ce n'est pas de cette façon que cela doit être fait.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui pour participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi , Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes. Le projet de loi propose des modifications aux dispositions du Code criminel concernant la suramende compensatoire, afin de remédier à des problèmes de longue date touchant l’application de la suramende.
Je suis également heureux de dire que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a fait rapport à la Chambre du projet de loi sans amendements.
Tous les députés qui croient que la responsabilité du crime incombe tout d’abord à celui qui l’a commis devraient applaudir les modifications qu’apporte cette mesure législative. Le projet de loi n’est pas très long, et les modifications qu’il propose ne sont ni trop techniques ni trop compliquées. Toutefois, nous ne devons pas faire l’erreur de croire que ces modifications ne sont pas d’une importance vitale. En effet, le projet de loi C-37 est un petit projet de loi qui a de grandes répercussions. Il aura des conséquences pour les contrevenants, qui seront tenus responsables de leurs actes, ainsi que pour les victimes du crime, qui ont besoin de services pour les aider à se rétablir des effets de leur victimisation.
La suramende compensatoire actuellement prévue dans le Code criminel n’a pas atteint ses objectifs. L’obligation pour les contrevenants de verser la suramende remonte aux modifications apportées au Code criminel en 1988. Dix ans plus tard, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne avait produit le rapport Les droits des victimes -- Participer sans entraver dans lequel il proposait de modifier les dispositions initiales relatives à la suramende.
Dans sa réponse au rapport, le gouvernement avait précisé que les dispositions initiales visaient deux objectifs. Le premier était d’imposer à chaque contrevenant d’assumer une petite part de responsabilité envers les victimes du crime, en tant que groupe. Le second était de produire des recettes pour financer les services aux victimes. La réponse du gouvernement au rapport du comité notait en outre que les dispositions initiales relatives à la suramende compensatoire n’avait pas du tout répondu aux attentes. Les modifications apportées par la suite à ces dispositions en 2000 n’ont pas non plus réussi à remédier au problème. Comment le savons-nous? C’est que la suramende compensatoire n’est pas encore appliquée dans tous les cas où elle devrait l’être et ne produit pas les recettes voulues pour financer les services aux victimes.
Deux conséquences très importantes découlent des problèmes occasionnés par ces dispositions. La première, c’est que les contrevenants ne sont pas tenus responsables de leurs actes. À l’heure actuelle, le tribunal qui détermine la peine peut dispenser le contrevenant du versement de la suramende s’il juge qu’elle causerait un préjudice indu à lui-même ou à ses personnes à charge. Toutefois, des taux de dispense beaucoup trop élevés ont révélé que la suramende n’est pas imposée comme elle devrait l’être parce que la dispense est couramment accordée sans les preuves requises établissant qu’elle occasionnerait un préjudice indu.
Le produit de la suramende compensatoire est utilisé par la province ou le territoire où le contrevenant a été condamné pour financer les services offerts aux victimes du crime. C’est ainsi que le premier objectif de la responsabilisation des contrevenants est censé être atteint, en obligeant les contrevenants à assumer une petite part des services aux victimes de leur province ou territoire. Comme beaucoup de contrevenants sont injustement exemptés du versement de la suramende, il est clair que cet objectif n’est pas atteint.
La seconde conséquence découlant des problèmes occasionnés par les dispositions actuelles est que les recettes de la suramende n’ont jamais atteint le potentiel prévu. Les provinces et les territoires ont signalé ce problème dès la mise en vigueur de la suramende. Par conséquent, nous savons aussi que le second objectif de la suramende, qui consiste à produire des recettes pour financer les services aux victimes, n’a pas non plus été atteint.
C’est pour cette raison que nous avons présenté le projet de loi : nous voulions être sûrs que, pour la première fois, les objectifs de la suramende seraient atteints. Le projet de loi C-37 réglerait les problèmes qui se posent actuellement de trois façons. Premièrement, il garantirait l’application de la suramende compensatoire à tous les contrevenants en éliminant la possibilité pour les tribunaux de lever la suramende si le contrevenant démontre que le paiement lui causerait un préjudice injustifié. C’est là une étape essentielle de la réforme de ces dispositions.
Au cours des audiences que le comité a consacrées au projet de loi , plusieurs témoins ont dit que, pour eux, cette disposition constituait l’élément le plus important du projet de loi. Pourquoi? Si les contrevenants sont dispensés de la suramende, aucune modification ne permettra de régler efficacement les problèmes occasionnés par ces dispositions. Par conséquent, la première mesure à prendre pour responsabiliser les contrevenants envers les victimes et produire des recettes pour financer les services consiste à rendre la suramende obligatoire dans tous les cas sans exception.
La seconde mesure prévue dans le projet de loi est d’offrir un choix aux contrevenants qui n’ont absolument pas les moyens de payer. Le montant de la suramende n’est pas élevé, mais nous reconnaissons qu’il y a des cas où le contrevenant est incapable d’effectuer le paiement.
À l’heure actuelle, le contrevenant ne peut pas se décharger de la suramende en optant pour une solution de rechange. Le projet de loi règle le problème en permettant aux contrevenants qui n’ont pas les moyens de payer la suramende de s’acquitter de leur obligation en participant à des programmes provinciaux ou territoriaux d'option-amende. En offrant cette option aux contrevenants, on s’assure que la suramende est appliquée dans tous les cas, tout en prévoyant que certains contrevenants qui ne sont pas en mesure de payer assument la responsabilité du tort qu’ils ont causé aux victimes en s’acquittant des tâches communautaires associées aux programmes d'option-amende. C’est là un bon compromis qui permet d’atteindre le premier objectif de la suramende compensatoire.
Les deux modifications proposées, qui enlèvent aux tribunaux le pouvoir de dispenser le contrevenant du versement de la suramende et permettent de recourir aux programmes d'option-amende, vont de pair, contribuant ensemble à la responsabilisation des contrevenants.
Les défenseurs des victimes qui ont comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont exprimé leur point de vue sur la participation des contrevenants à des programmes de remplacement d'option-amende s’ils n’ont pas les moyens de contribuer au financement des services aux victimes. Ils ont tous convenu que c’était un compromis raisonnable.
Le troisième domaine de réforme proposé par le projet de loi consiste à doubler le montant de la suramende compensatoire. À l’heure actuelle, la suramende s’élève à 15 p. 100 de toute amende imposée. En vertu du projet de loi , le taux passerait à 30 p. 100. Dans les cas où le contrevenant n’est pas condamné à payer une amende, la suramende compensatoire passerait de 50 $ à 100 $ pour les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité et de 100 $ à 200 $ pour les infractions punissables par mise en accusation.
A première vue, il peut sembler que ces dispositions n’intéressent que le second objectif de la suramende compensatoire, consistant à produire des recettes pour financer les services aux victimes. Toutefois, ce n’est pas le cas. En fait, ces modifications favorisent les deux objectifs parce qu’elles responsabilisent les contrevenants envers les victimes, comme groupe, en les obligeant à contribuer concrètement au financement des services.
Comme je l’ai déjà noté, la suramende compensatoire n’a pas augmenté depuis 2000. Douze ans sont passés depuis la dernière augmentation. Pendant cette période, les services aux victimes n’ont pas profité des recettes attendues et les victimes n’ont pas pu avoir accès à la gamme de services dont elles ont besoin à cause du manque de financement.
Une fois de plus, je vais me reporter au témoignage des victimes et de leurs porte-parole aux audiences du comité sur le projet de loi , car ce sont eux qui disent le mieux les choses. Ils ont décrit leur expérience immédiate quant à la nécessité des services aux victimes et expliqué comment les revenus non réalisés de la suramende compensatoire ont compromis la disponibilité des services.
Nous avons entendu parler de victimes qui s’étaient endettées et avaient réhypothéqué leur maison pour payer les coûts découlant de leur victimisation. Nous avons entendu parler de victimes qui ont retenu les services de conseillers spécialisés pour les aider à affronter les séquelles du crime, mais qui ont dû payer elles-mêmes ces services parce que les programmes provinciaux et territoriaux de services aux victimes ne les offrent pas ou ne les offrent que pendant une courte période.
Ces témoignages n’avaient pas pour but de dénoncer les programmes provinciaux et territoriaux de services aux victimes. Nous savons que les responsables de ces programmes sont dévoués, qu'ils tiennent à aider les victimes et qu'ils accomplissent de grandes choses, compte tenu de leurs ressources limitées. Ces témoignages visaient plutôt à montrer qu’il fallait des ressources plus importantes pour que les victimes puissent obtenir l’aide nécessaire sans s’endetter.
Les augmentations proposées dans le projet de loi ne sont pas outrancières. Ce ne sont pas des montants énormes. Ces montants sont gérables pour la plupart des contrevenants. Toutefois, dans le cas des contrevenants qui ne peuvent payer la suramende compensatoire, les programmes d’option-amende seraient là pour permettre d’acquitter le montant dû.
Même s'il est établi qu'il faut modifier les dispositions sur la suramende compensatoire et que l’approche proposée par le projet de loi comporte de nombreux avantages, des questions ont surgi au sujet des conséquences possibles de ces modifications pour les contrevenants impécunieux. On est même allé jusqu’à dire que le problème n’avait pas été pris en considération au cours de l’élaboration du projet de loi C-37.
Comme je l’ai déjà dit, le projet de loi propose de modifier le Code criminel de manière à ce que les contrevenants puissent s'acquitter de la suramende compensatoire en participant à un programme d’option-amende. Malgré cela, il a été avancé qu'en éliminant la possibilité d’annuler la suramende compensatoire dans les cas où elle causerait un préjudice injustifié au contrevenant ou aux personnes à sa charge, on entraînerait l’emprisonnement des contrevenants incapables de payer. Certains sont allés jusqu’à dire que les réformes prévues par le projet de loi auraient pour conséquence un retour à l’emprisonnement des débiteurs qui avait cours à l’époque de Dickens. Ce n’est pas vrai.
Il y a des programmes d’option-amende dans toutes les provinces sauf trois. Par conséquent, dans la majorité des cas, les contrevenants qui sont incapables de payer la suramende compensatoire peuvent se prévaloir de ces programmes pour s’acquitter de leur dû. Ces programmes n’existent pas en Ontario, en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve-et-Labrador. En revanche, ces trois provinces proposent d’autres mécanismes pour les contrevenants qui sont incapables de payer une amende sur-le-champ. Tous ces mécanismes seraient à la disposition des contrevenants incapables de payer la suramende compensatoire.
Par exemple, la Colombie-Britannique donne au contrevenant qui est incapable de payer la suramende compensatoire la possibilité de demander au juge de transformer la suramende en services communautaires. À Terre-Neuve-et-Labrador, la division de l’administration des amendes offre des conseils financiers aux débiteurs et elle peut conclure une entente de paiement final avec le contrevenant. Le tribunal peut aussi accorder un délai plus long au contrevenant qui est incapable de payer immédiatement l’amende qui lui a été infligée.
D’autres mécanismes comme la suspension ou la révocation de permis peuvent être utilisés dans les trois provinces pour encourager les contrevenants à payer. Je dois également ajouter que tout tribunal au Canada qui détermine la peine peut ordonner l’application d’un plan de paiement ou une prolongation de délai dans le cas du contrevenant qui doit payer une suramende compensatoire. Cela a toujours existé, et le projet de loi n’y changera rien.
Le projet de loi ferait donc en sorte qu’il y ait des solutions de rechange pour les délinquants incapables de payer la suramende compensatoire, et cela permettrait d’atteindre le premier but de la suramende, soit amener les délinquants à assumer leurs responsabilités, modestement, envers les victimes.
Enfin, je signalerai un dernier point que les victimes et leurs porte-parole ont fait valoir avec éloquence au cours des audiences du comité sur le projet de loi . Ils ont fait remarquer que, au cours des 25 dernières années, les risques de préjudice injustifié causé aux contrevenants qui doivent payer la suramende compensatoire ont été largement pris en considération. Toutefois, personne n’a tenu compte du préjudice injustifié que constitue, pour les victimes, l’annulation ou le non-versement de la suramende compensatoire. Leur point de vue est important, et il mérite réflexion.
Les victimes ont besoin d’aide pour se remettre après un crime. Les effets d'un crime sont profonds et peuvent durer toute la vie. Les victimes, sans qu’elles y soient pour quoi que ce soit, se retrouvent dans une situation où elles ont besoin de services pour remettre leur vie sur les rails. Ces services sont essentiels, et ils doivent être financés adéquatement. La suramende compensatoire vient s'ajouter aux fonds fournis par les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral.
Dans le cadre de la Stratégie fédérale d’aide aux victimes, nous affectons 11,6 millions de dollars par année au Fonds d’aide aux victimes, qui verse des subventions et des contributions pour créer et améliorer des services destinés aux victimes. Le gouvernement est toujours déterminé à obliger les contrevenants à rendre compte de leurs actes et à aider les victimes.
Une façon d’atteindre cet objectif, c’est de veiller à ce que les contrevenants paient la suramende compensatoire. En contribuant ainsi au financement des services aux victimes, ils peuvent reconnaître leur responsabilité. C’est là un objectif que le projet de loi appuie et qui mérite le soutien de tous les députés.
J’ai bon espoir que tous les députés conviendront que ces réformes serviront notre objectif commun, qui est de faire en sorte que les dispositions sur la suramende compensatoire livrent enfin leur plein potentiel.
Nous avons attendu 25 ans. Les victimes ont attendu 25 ans. N’attendons pas davantage. Il est temps d’exiger que les contrevenants assument leurs responsabilités. J’espère que nous pouvons compter sur l’appui de tous les députés pour faire adopter rapidement ce très important projet de loi sur la criminalité.
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Monsieur le Président, je surprendrai peut-être mon collègue le député de , mais l'opposition officielle a l'intention d'appuyer le projet de loi.
Des voix: Bravo!
Mme Françoise Boivin: Mes collègues applaudissent et je les en remercie au nom des victimes. Cela fait longtemps qu'on le dit: le Nouveau Parti démocratique n'est pas contre les victimes, n'en déplaise à certains, il est, au contraire, en faveur d'un système juste, logique et intelligent. Or ce n'est parfois pas tout à fait le cas des projets de loi présentés par le gouvernement en place. Je ne dirai certainement pas que ce projet de loi est parfait, car il entraînera énormément de déceptions. Même si nous l'appuyons dans sa forme actuelle — il est difficile d'être contre la vertu, comme dirait ma mère —, nous avons certaines préoccupations, entre autres, à savoir si nos collègues d'en face ont bien écouté les 14 témoins venus témoigner en comité.
Je profite de l'occasion pour ouvrir une parenthèse afin de remercier les gens qui ont fait partie du comité étudiant ce projet de loi. Ce n'est peut-être pas le cas du projet de loi , qui s'est terminé en queue de poisson et qui a connu une fin extrêmement décevante, mais en ce qui concerne le projet de loi , un travail sérieux a été effectué en comité. Des témoins extrêmement valables ont expliqué leurs préoccupations et les problématiques vécues.
Ils ont également fait ressortir ce que le nous a expliqué tout à l'heure, soit que les victimes de crime sont malheureusement souvent laissées à elles-mêmes au Canada, et ce, de manière différente d'une province à l'autre ou d'un territoire à l'autre. Elles dépensent souvent des fortunes pour tenter d'obtenir réparation, ce qu'elles n'obtiendront jamais totalement, et nous en sommes tous fortement conscients. Elles n'obtiendront jamais totalement réparation pour la simple et bonne raison que, lorsqu'on a été victime d'un viol, par exemple, ou qu'une personne de notre famille a été tuée ou kidnappée, on ne peut pas être compensé. Rien ne permet de compenser ce genre de victimes. Il n'existe tout simplement pas de façon de le faire. On peut peut-être les aider, mais c'est tout. D'ailleurs, c'est ce que ce type de projet de loi tente de faire.
Il y a un problème avec la suramende compensatoire — the victim surcharge, en anglais — , et ce, depuis sa création à la fin des années 1980. Le Code criminel est ainsi conçu: un certain montant peut être ajouté à la peine. Nous avons maintenant doublé ce montant, mais je n'en parlerai pas, car suffisamment de gens en ont parlé et d'autres le feront. D'ailleurs, après toutes ces années, ce n'est pas la fin du monde, j'en conviens. Or c'est là où le bât blesse depuis le début, et c'est pourquoi nous avons accepté d'envoyer le projet de loi en comité, c'est-à-dire pour vraiment entendre les témoins à ce sujet.
Mon interrogation concerne le pouvoir discrétionnaire appartenant aux juges. D'ailleurs, ma collègue la députée d' posait cette même question tout à l'heure. C'est un peu inquiétant, car le gouvernement retire tout le temps l'aspect discrétionnaire du pouvoir des juges. Cependant — j'y reviendrai plus en profondeur —, je suis rassurée, non pas à 100 %, mais plutôt à 98 %, car le système judiciaire canadien compensera l'incurie conservatrice. C'est un peu comme cela que je le vois. Il est triste de s'en remettre aux tribunaux, mais en même temps, l'importance des victimes a pesé plus lourd dans ma balance, et je pense que c'est la même chose pour le caucus du NPD et pour tous les députés de la Chambre.
En ce qui concerne les juges canadiens, par contre, je ne suis pas nécessairement fière de voir que depuis l'instauration du système de suramende compensatoire, ils n'ont imposé la suramende que dans un minime pourcentage des cas. Pourtant, ce système a été conçu pour aider les victimes. Si cela avait été parce que l'accusé ou la personne reconnue coupable était dans l'incapacité de payer, comme le Code criminel le prévoyait, cela aurait été autre chose.
Le fardeau de la preuve appartenait à l'accusé, il lui revenait donc de démontrer à la cour que c'était trop onéreux et qu'il était incapable de payer la suramende.
On aurait eu des statistiques extraordinaires sur le genre d'individu qui va devant nos tribunaux. Mais non, invariablement et sans explication, les juges ne l'imposaient pas. C'est là que le problème a commencé. Les provinces s'attendaient à toucher un certain revenu de cette suramende compensatoire. Cette somme s'en va dans le fonds d'indemnisation aux victimes d'actes criminels des provinces, sauf les trois provinces qu'a mentionnées le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice. Un beau matin, les provinces se sont réveillées et ont demandé où étaient les fonds de cette suramende compensatoire.
Je conviens aussi que cela ne doit pas être le seul fonds. En 2003, on s'est fait dire que les coûts des dommages faits aux victimes représentaient environ 70 milliards de dollars. Ce ne sont pas des pinottes. Or les suramendes ne peuvent apporter que quelques centaines de millions de dollars dans les coffres. On est donc encore loin du compte.
Il ne faut pas que les victimes s'imaginent que c'est une panacée. Ce n'est pas en adoptant le projet de loi qu'on va régler tous les problèmes au Canada et que soudainement, le gouvernement conservateur, grand champion des victimes canadiennes, pourra aller brandir son projet de loi . Ce n'est absolument pas suffisant, d'autant plus que la grande majorité des provinces et territoires permettent ce qu'on appelle un programme compensatoire.
C'est l'autre aspect qui me réconcilie avec le fait que certaines personnes dans le système carcéral soient incapables de payer cette somme. Ces personnes emprisonnées sont incapables de payer ce genre d'amende, le crime qu'elles ont commis n'ayant rien à faire dans l'argument que je veux apporter.
Les gens du ministère de la Justice nous ont bien dit que l'arrêt R. c. Wu allait continuer à trouver son application. Selon cet arrêt de la Cour suprême du Canada, on ne peut pas mettre une personne en prison sur la simple base d'une incapacité de payer une amende. Dans ce contexte, le système est sauf.
Cela étant dit, encore une fois, j'aimerais mettre en lumière un problème des programmes compensatoires. Des groupes, qui se sont déplacés pour venir témoigner en comité lors de l'étude du projet de loi, sont convaincus qu'ils pourront soudainement, si ce projet de loi est adopté, être indemnisés pour les dommages reçus. Or cela n'arrivera pas. En effet, dans la majorité des cas, ces personnes ne paieront pas et elles devront faire des travaux compensatoires.
Le secrétaire parlementaire a bien noté que cela convenait à certains, car on leur a demandé s'ils seraient déçus de ne pas recevoir d'argent si la personne bénéficiait du programme compensatoire. Le programme compensatoire ne s'adresse pas qu'aux gens qui n'ont pas d'argent, mais à quiconque peut le faire de cette façon. Tout le monde a accès à ce programme à condition que le programme existe dans la région où la demande est faite. Pour ce qui est de la réponse, certains, mais pas tous, ont affirmé qu'ils voudraient l'argent.
Je profite de l'occasion qui m'est allouée pour dire que, plutôt que de tomber dans des systèmes de suramende compensatoire comme ceux-ci, il faudrait peut-être que ce gouvernement conservateur génial, de loi et d'ordre, commence à se mettre à la mode de l'an 2012, suivant les différents pays qui existent sur cette magnifique planète qui penchent beaucoup vers la justice réparatrice.
Je vois le député qui a présenté le projet de loi sur cette question et un exemple me vient en tête. Une personne qui commet un crime en détruisant des monuments nationaux, c'est absolument abject. Qu'est-ce qui est le plus difficile pour cette personne, sortir 100 $ de sa poche ou aller parader devant les membres d'une légion et devoir s'excuser?
Je vais faire un petit retour dans mon passé d'enfant. Quand mes parents me punissaient en m'envoyant dans ma chambre toute seule, ça ne me faisait ni chaud ni froid. J'avais la sainte paix. Par contre, quand mes parents me disaient d'aller m'excuser auprès de la personne que j'avais offensée, j'avoue que c'était pour moi la pire punition, parce que c'est un peu une forme d'humiliation que d'être obligé d'admettre qu'on a commis une erreur.
C'est vers ça que doivent se tourner les différents pays un peu plus « in tune » avec la réalité derrière ce qu'une punition devrait être, c'est-à-dire faire réaliser à quelqu'un quelque chose et faire en sorte qu'il ne recommence pas. C'est un conseil que je donne à mes amis d'en face: au lieu de toujours sortir le bâton pour frapper sur les mains des gens, il faudrait peut-être réaliser que, finalement, ça ne donne pas grand-chose et commencer à regarder d'autres avenues.
Tout ça pour dire que, dans le contexte du projet de loi , oui, ça me fatigue qu'il n'y ait plus cette discrétion allouée au juge. Néanmoins, je vais dire à tous mes collègues en cette Chambre, y compris la collègue de , que de toute façon, ils utilisaient cette discrétion à mauvais escient. C'est-à-dire qu'on n'a aucune idée de la raison pour laquelle ils donnaient une exemption pratiquement à tous ceux qui passaient devant les tribunaux. C'est comme si la suramende compensatoire n'existait plus. Pour moi, c'est aussi aberrant que de dire qu'on enlève une discrétion.
Cependant, il y a quand même l'impact de l'arrêt R. c. Wu. Par suite de l'étude qu'on a faite en comité, il est clair que les provinces et les territoires n'imposent pas de peine d'emprisonnement automatique parce que l'individu ne paie pas, à moins que quelqu'un ne le fasse exprès. Il y en a qui vont s'organiser pour retenir des permis de conduire ou certains documents de certaines provinces. Certains collègues ici vont me dire que les personnes les plus démunies avec qui l'on traite n'ont pas de voiture. Je suis bien d'accord: elles n'en ont pas, donc on ne peut pas retenir un permis. Toutefois, elles ont d'autres possessions qui nous permettent de prendre des arrangements avec elles. C'est fini le temps où on mettait des gens en dedans juste pour le plaisir, parce qu'ils ne payaient pas leur amende.
Je répète parce que ce message doit être envoyé. On sait qu'à la veille de Noël, les collègues d'en face vont se promener en disant qu'ils viennent encore une fois de sauver la vie de tant de victimes. Ce qui m'attriste, c'est qu'on élève les attentes des gens et on leur fait croire des choses qui ne sont pas vraies. On ne peut pas crier victoire trop vite pour les victimes, parce qu'il faut s'assurer que les montants d'argent qui vont être amassés dans le compte de la suramende compensatoire vont aussi être bien versés dans les comptes des provinces et des territoires pour qu'ils puissent les appliquer et redonner aux groupes de victimes.
Il ne me reste pas beaucoup de temps, mais je veux quand même profiter de l'occasion qui m'est donnée. Au Comité permanent de la justice, on en aura vu de toutes les couleurs. On est en train de refaire un système de justice criminelle au Canada, qui suscite beaucoup de questions et qui nous laisse sur notre faim à bien des égards. Beaucoup d'études n'auront pas eu le temps d'être faites en profondeur. En ce qui concerne le projet de loi , on va probablement se faire dire par les tribunaux, sur certains aspects, que ça a été fait beaucoup trop vite. C'est le gouvernement qui portera l'odieux de cette façon de faire.
En ce qui a trait au projet de loi , je suis quand même raisonnablement satisfaite, car on a pu rencontrer la quasi-totalité des témoins qu'on voulait voir. Quant à ceux qu'on n'a pas pu voir, ce n'est pas parce qu'on nous en empêchait, mais parce que ces gens ne pouvaient pas se déplacer. Je suis consciente que le projet de loi n'est pas parfait et qu'il pose les mêmes problèmes à mes collègues du Barreau canadien et du Barreau du Québec qu'à nous-mêmes. C'est triste, parce qu'on a le temps. Ça fait déjà 30 ans que ça n'a pas été changé, et avant de faire certains ajustements, ça vaut parfois la peine de prendre un peu plus de temps pour tenter de parfaire cela.
J'apprécie ma collègue de , la porte-parole du gouvernement au comité. J'apprécie les échanges que nous avons eus et cette nouvelle façon de procéder, qui a un peu « floppé » la semaine dernière, ce que je vais mettre sur le compte de la fatigue de tout le monde. Je souhaite à tout le monde de revenir dans d'excellentes dispositions.
J'enjoins tout le monde d'appuyer ce projet de loi pour les victimes. Au NPD, nous avons fait des promesses. Nous avons bien entendu les recommandations de l'ombudsman des victimes. Cela faisait partie de notre plateforme électorale lors de la dernière campagne électorale. Nous la présenterons mieux quand nous serons au pouvoir, en 2015. Nous nous assurerons de compenser et de combler les trous sur le terrain de ce qu'on appelle la justice au Canada.
Je termine en remerciant mes collègues du NPD. Je remercie le porte-parole adjoint en matière de justice, mon collègue de , mon collègue de et mon collègue de pour l'excellent travail qu'ils ont fait au comité. C'était un travail colossal, dans lequel ils ont investi tout le sérieux que requiert le dossier de la justice. Monsieur le Président, vous connaissez ce dossier pour avoir été porte-parole en matière de justice pendant de longues années et pour avoir été le mentor de nombre d'entre nous à la Chambre. Souvent, dans ce dossier, on tente de s'élever au dessus de la partisanerie, parce qu'on joue avec la vie des gens et qu'il s'agit de la justice.
Je m'en voudrais de ne pas remercier les gens du comité, ainsi que le greffier, Jean-François Pagé, et ses adjoints, et surtout les gens de la Bibliothèque du Parlement, qui travaillent beaucoup dans l'ombre. On ne le souligne pas assez, mais ils font un travail de fond, non partisan, et du niveau des travaux des universitaires chevronnés. Cela nous permet de rencontrer les différents témoins qui se présentent devant nos comités et d'avoir de bonnes notions du sujet.
J'encourage ceux qui s'intéressent aux suramendes compensatoires et aux programmes existant dans les différentes provinces et les territoires. Je leur recommande de lire les deux documents qui ont été écrits dans le contexte de l'étude du projet de loi .
Je remercie évidemment les gens de mon équipe, ceux que j'appelle « Team Gatineau », de l'appui qu'ils m'ont donné en 2012.
Sur ce, je souhaite à tous une bonne année.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole relativement au projet de loi , qui porte sur les suramendes compensatoires. Si la mesure est adoptée, elle doublera le montant des suramendes compensatoires fédérales et retirera aux juges le pouvoir discrétionnaire de dispenser un contrevenant de payer la suramende s'ils jugent qu'elle causerait un préjudice indu à lui-même ou aux personnes à sa charge.
Avant toute chose, je répète que tous les députés sont favorables au financement des services aux victimes. Il y a consensus à ce sujet. La question consiste plutôt à déterminer quel est le meilleur moyen d'indemniser les victimes. Toutefois, même un simple survol du projet de loi nous permet de voir qu'il procède d'une approche stratégique laissant profondément à désirer qui aura des répercussions préjudiciables, surtout pour les Canadiens les plus vulnérables.
Avant d'en venir aux réserves particulières que m'inspire la politique qui sous-tend le projet de loi, je mentionnerai brièvement d'autres possibilités. Le gouvernement a d'abord fait valoir que le fédéral doit financer davantage les services aux victimes. Nous sommes tout à fait d'accord de ce côté-ci de la Chambre. Nous sommes favorables au financement direct d'une telle initiative au moyen, par exemple, de subventions. Le problème, c'est que la mesure dont nous sommes saisis ne traite pas de l'augmentation du financement aux services aux victimes.
La Chambre a adopté le projet de loi d'exécution du budget pas plus tard que la semaine dernière. Les Canadiens seront peut-être intéressés d'apprendre que le mot « victime » ne figure pas dans cette mesure législative. Ce n'est probablement pas surprenant, vu que le mot « victime » ne figurait pas non plus dans le discours du budget. Je ne prétends pas que le gouvernement ne finance pas les services aux victimes. Ce que je veux dire, c'est plutôt que si l'objectif était vraiment d'assurer le financement adéquat de ces services, je crois qu'il aurait été logique que le budget en fasse état et prévoie les fonds nécessaires, vu que les conservateurs ne cessent de répéter qu'il s'agit d'une priorité.
Malheureusement, le gouvernement a choisi de ne pas inclure le financement direct des services aux victimes dans son projet de loi d'exécution du budget. Il a plutôt proposé d'augmenter ce financement en doublant la suramende.
Pourtant, comme on l'a déjà indiqué à l'étape de la deuxième lecture, et comme des témoins l'ont expliqué au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, la décision de doubler la suramende n'est pas fondée sur des consultations adéquates auprès des parties intéressées, en particulier les procureurs généraux des provinces. En effet, le gouvernement n'a fourni aucune justification solide permettant de conclure que le fait de doubler la suramende suffirait à offrir des services durables aux victimes d'actes criminels dans l'ensemble des provinces et des territoires, ce que nous souhaitons tous.
À la première séance du comité, j'ai fait part de cette préoccupation au , en précisant que lorsque j'occupais cette fonction, en 2005, le procureur général du Manitoba de l'époque avait recommandé de ne hausser que de 5 % le montant de la suramende, la faisant passer de 15 % à 20 % de l'amende. N'oublions pas que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui doublerait la suramende dans tous les cas. Même si je suis conscient que les circonstances — tout comme le procureur général du Manitoba d'ailleurs — ont peut-être changé depuis 2005, il semblait tout à fait logique de demander au ministre quels conseils ses homologues provinciaux lui avaient fournis à cet égard.
Le ministre n'a rien dit au sujet des montants et des pourcentages mais, en réponse à une question semblable d'un collègue, il a dit ceci:
Encore une fois, je crois que cette proposition sera bien reçue. Les fonds seront versés directement dans les coffres des provinces, directement dans les programmes que les provinces ont créés pour aider les victimes d'actes criminels. Selon mes prévisions, cette proposition sera très bien reçue.
[Français]
Monsieur le Président, les « prévisions » du ministre, pour reprendre ses propres mots, ne constituent pas un processus de consultation adéquat.
A-t-il abordé cette question auprès de ses homologues du provincial? Quand en a-t-il parlé avec le ministre de la Justice du Québec? Quand en a-t-il parlé avec le ministre de la Justice du Nunavut?
Il n'est pas nécessaire d'être ministre ou clairvoyant pour comprendre que ces deux champs de compétence ont des besoins différents. Qu'est-ce que les ministres provinciaux ont voulu savoir? Comment ces distinctions sont-elles exprimées dans ce projet de loi?
[Traduction]
Soyons clairs. Nous savons qu’il existe des disparités. En 2006, dernière année pour laquelle nous possédons des statistiques, le produit de la suramende fédérale a varié énormément selon les régions. Au Québec, elle a rapporté environ 2,2 millions de dollars et en Ontario, 1,2 million de dollars. Comment l’expliquer? Comment le projet de loi à l’étude tient-il compte de ce fait? Voilà qui me ramène à ma question principale: comment en est-on arrivé à la conclusion qu’il fallait doubler la suramende? Quels sont les faits sur lesquels on s’est appuyé?
À ce propos, j’ai reçu récemment un message électronique de l’ancien ombudsman des victimes d’actes criminels, M. Steve Sullivan. Il m'a fait part de son inquiétude au sujet du témoignage que Mme Susan O’Sullivan, sa successeure au poste d'ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, a livré au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
M. Sullivan juge troublant que Mme O’Sullivan prétende que sa recommandation de doubler la suramende se fonde sur la recommandation de son prédécesseur, M. Sullivan. Ce dernier insiste sur le fait que, en 2009, pendant son mandat au poste d’ombudsman, il n’a rien recommandé de tel. Il est vrai que, à l’époque, il s’est prononcé en faveur de l’élimination de la défense fondée sur les difficultés excessives, mais il souligne qu’il pensait à l’époque et pense toujours qu’il ne convient pas de doubler les amendes si les juges les annulent parce qu’ils sont d’avis que les délinquants ne peuvent pas payer les amendes existantes. Je veux ici simplement rectifier les faits au nom de M. Sullivan.
Au risque de reprendre un thème récurrent que j’ai du reste abordé à la deuxième lecture, je rappelle qu’on a posé cette question : quand serons-nous de retour au Parlement pour doubler de nouveau la suramende? Est-ce que le Parlement devra revenir là-dessus chaque année? Certaines provinces considèrent peut-être que le montant qu'elles reçoivent à l'heure actuelle est suffisant. S’il n’y a pas de consultations satisfaisantes sur le projet de loi, il n’y a aucun bon moyen de prédire quand nous serons de retour ici pour débattre encore de cette mesure, ce que le ministre a dit être disposé à faire, et pour essayer de voir si elle aura l’effet bénéfique que le gouvernement escompte.
Au-delà de l’approche problématique qui consiste à légiférer sans tenir compte des besoins particuliers des diverses provinces et des divers territoires, le projet de loi est entaché d’une grave imperfection, car il présuppose que la suramende devrait être la principale source de fonds pour offrir des services aux victimes. En clair, la suramende n’est imposée que lorsqu'il y a condamnation. Autrement dit, lorsque aucun suspect n’est arrêté ou lorsque personne n’est condamné faute de preuves, aucune suramende n'est imposée.
Il y a un exemple que j’ai déjà donné, mais je crois qu’il vaut la peine de le reprendre. L’un des crimes les plus courants au Canada, l’agression sexuelle, est l’un de ceux qui sont les moins susceptibles de donner lieu à une condamnation. Dans bien des cas d’agression sexuelle, aucune accusation n'est portée. Ceci est attribuable à diverses raisons, notamment au fait que les victimes ne sont pas forcément à l’aise d'affronter leur agresseur au tribunal. Comment le gouvernement se propose-t-il d’aider les victimes au moyen de la perception d’une suramende obligatoire, s’il n’y a jamais de condamnation?
Même si toutes les provinces et tous les territoires avaient été adéquatement consultés et si le projet de loi tenait compte du résultat de ces consultations, il resterait quand même une bonne raison de s’opposer au projet de loi, étant donné qu’il prive les juges de la discrétion judiciaire qui leur permettrait de tenir compte des difficultés excessives que la suramende risque d’imposer à certains accusés et aux personnes à leur charge. Cet aspect du projet de loi fait particulièrement problème et est contre-productif.
Comme l’a dit Catherine Latimer, de la Société John Howard, lors de sa comparution devant notre comité, ce changement peut occasionner de grandes difficultés financières aux nombreux membres de notre société qui sont marginalisés: les pauvres, les malades mentaux et les personnes à faible revenu, de même que les membres de minorités telles que les Autochtones canadiens, qui sont déjà surreprésentés dans notre système de justice pénale.
Le problème, c’est que le non-paiement d’une amende ou d’une suramende ordonnée par un tribunal peut avoir de graves conséquences, y compris l’incarcération. Je n’exprime pas seulement mon opinion ou celle d’un certain nombre de Canadiens en disant qu’une sanction financière obligatoire, qui échappe au pouvoir discrétionnaire des juges d’accorder une dispense pour incapacité de payer, est injuste et inéquitable. En fait, c’est le point de vue de la Cour suprême du Canada, qui a déclaré dans l’affaire R. c. Wu qu’« il est irrationnel d’emprisonner un délinquant qui n’a pas les moyens de payer [une amende] au motif que cela l’obligera à payer ». Dans cette affaire, la Cour suprême avait ajouté: « […] pour les délinquants impécunieux, l’emprisonnement pour non-paiement d’une amende ne constitue pas une sanction facultative — ils n’ont pas vraiment le choix. »
Ce projet de loi place les Canadiens les plus vulnérables dans une situation qui peut entraîner l'incarcération, non parce qu’un tribunal a jugé que l’emprisonnement est la peine qui convient compte tenu de l’infraction pour laquelle ils ont été condamnés, mais simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acquitter la suramende obligatoire. Je soutiens que cela est préjudiciable et contraire à la loi telle qu’elle a été définie par le plus haut tribunal du pays.
Quant aux autres conséquences de l’adoption de ce projet de loi, nous pouvons nous attendre à ce qu’il ait des effets différents sur les Canadiens selon leur province ou territoire de résidence. On a beaucoup parlé au comité des détails des programmes provinciaux qui offrent des solutions de rechange à l'amende, auxquels j’ai brièvement fait allusion au début de mon discours. Malheureusement, la discussion qui s’est déroulée au comité au sujet de ces programmes a été très insuffisante et a montré que le gouvernement ne comprenait rien à cette question.
Le gouvernement a défendu la suppression du pouvoir discrétionnaire des juges au sujet de la suramende en soutenant que ceux qui n’ont pas les moyens de payer peuvent se prévaloir des programmes provinciaux qui offrent une solution de rechange en permettant à un contrevenant de s’acquitter de son obligation en faisant du travail communautaire. Toutefois, comme les députés le savent fort bien, j’en suis sûr, ces programmes n’existent ni en Ontario, ni en Colombie-Britannique ni à Terre-Neuve-et-Labrador. De plus, là où ils existent, leur disponibilité et les conditions d’admissibilité qui y sont associées varient énormément.
J’espère que mes collègues n’ont besoin d’aucune explication pour comprendre les raisons qui m’amènent à m’opposer à ce projet de loi qui exerce sur les Canadiens une discrimination fondée sur leur lieu de résidence et ce, sans aucun motif raisonnable.
Toutefois, je trouve particulièrement troublante l’insouciance manifestée par certains de mes collègues au cours de l’étude en comité. Il y a en fait un député qui, notant que le programme de solution de rechange relevait clairement de la compétence provinciale, a concédé que ce n’était pas une chose dont le gouvernement fédéral devait se mêler et a ajouté qu’il suffisait de savoir que toute province pouvait se servir des recettes tirées de la suramende pour mettre en œuvre un tel programme et que, là où il n’en existait pas, on pouvait recourir à d’autres moyens pour faire exécuter la suramende.
Malheureusement, ce raisonnement est carrément fautif. Il est irresponsable d'adopter un projet de loi en s'appuyant simplement sur des présomptions et des prévisions de ce qui pourrait se produire. De plus, les divergences entre les provinces et les territoires à cet égard se traduiraient par des préjudices différents.
En substance, selon la province ou le territoire, les Canadiens à faible revenu qui n'auraient pas les moyens de payer une suramende seraient pénalisés de façon outrancière du fait de leur situation financière et de leur lieu de résidence. En fin de compte, ils risqueraient d'être incarcérés pour des raisons totalement indépendantes de leur volonté. J'estime que c'est préjudiciable, injuste et inacceptable dans une société libre et démocratique.
En conclusion, permettez-moi de résumer les raisons pour lesquelles je suis contre ce projet de loi.
Premièrement, il faut rejeter le doublement proposé de la suramende parce qu'il est arbitraire. Comme je l'ai dit, les besoins des victimes varient considérablement d'une province ou d'un territoire à l'autre.
Deuxièmement, il faut autoriser une certaine discrétion judiciaire et permettre aux juges de tenir compte des faits, notamment du préjudice excessif que risquent de subir dans certains cas le délinquant ou les personnes à sa charge.
Troisièmement, la démarche du gouvernement en matière de justice pénale s'appuie sur des suppositions douteuses puisqu'il considère les mesures punitives après-coup comme une bonne formule de dissuasion sans le moindrement tenir compte de l'importance des mesures préventives et de la nécessité de prendre en considération une trame complexe de facteurs sociaux qui contribuent à créer à la fois des criminels et des victimes. Il y a d'ailleurs un facteur critique indéniablement lié au problème de la criminalité et de la récidive, c'est le cycle de la pauvreté et de la marginalisation de segments bien précis de notre société. Malheureusement, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne ferait qu'exacerber ce problème.
J'aimerais brièvement revenir sur les amendements que j'ai proposés en comité et qui avaient tous pour but commun d'apporter un soutien aux victimes d'actes criminels dans toutes les provinces et dans tous les territoires de façon efficace, durable et non discriminatoire. Malheureusement, ils ont tous été rejetés, mais je pense qu'ils méritent qu'on en discute ici, d'autant plus que cela pourrait être utile à nos collègues de l'autre endroit lorsqu'ils débattront de cette mesure.
Mon premier amendement visait à rétablir le principe du préjudice injustifié actuellement existant mais à exiger que le tribunal énonce par écrit les raisons justifiant une dispense de suramende. L'objectif était d'améliorer directement le taux d'application de la suramende sans empiéter à tort sur le pouvoir des juges de tenir compte de tous les faits entourant un cas donné.
Mon second amendement aurait permis au tribunal, là où il n'existe pas de programme offrant une solution de rechange, de suspendre l'obligation de payer la suramende s'il constatait que son application immédiate causerait un préjudice injustifié au délinquant ou à ses personnes à charge. Cet amendement qui s'inscrit dans le droit fil de la décision de la Cour suprême aurait préservé le caractère obligatoire de la suramende dans tous les cas et aurait simplement permis au tribunal de différer le paiement. La suramende serait restée exigible advenant un changement de la situation financière du délinquant. De plus, en vertu de cet amendement, seuls les tribunaux de régions où il n'existe pas de programme de solution de rechange auraient été autorisés à surseoir au paiement de l'amende.
Mon troisième amendement visait un objectif de notre politique de justice pénale que j'estime fondamental, c'est-à-dire prévenir la récidive par la réadaptation des délinquants. Il aurait habilité le tribunal à dispenser le délinquant de payer la suramende, mais seulement là où il n'existe pas de mode facultatif de paiement et seulement s'il appert qu'exiger le versement immédiat de la suramende nuirait à la réadaptation de la personne. Encore une fois, si les circonstances venaient à changer, le délinquant serait tenu d'acquitter la suramende.
Le dernier amendement que j'ai proposé visait à codifier la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Wu afin qu'aucun Canadien ne soit emprisonné parce qu'il est incapable de payer une amende. D'ailleurs, cet amendement n'aurait nullement empêché le tribunal d'ordonner l'emprisonnement dans le cadre d'une peine si les faits particuliers d'une affaire le justifient. Il aurait permis d'éviter qu'un délinquant soit envoyé en prison en raison de sa situation financière ou de l'absence de mode facultatif de paiement dans une province donnée. En clair, cet amendement aurait éliminé l'effet préjudiciable du projet de loi tout en préservant son objectif fondamental. Or, même s'il s'agit d'un principe établi par la Cour suprême, mon amendement a été rejeté.
L'étude en comité aurait pu nous permettre de produire un projet de loi conforme à l'intention du gouvernement et, j'en suis sûr, de tous les députés, soit soutenir les victimes d'actes criminels sans porter préjudice à quiconque. Hélas, nous revoici aujourd'hui en train de débattre de cette même version imparfaite du projet de loi qui a été envoyée au comité. Je n'ai donc d'autre choix que de m'opposer à cette mesure législative, dans sa version actuelle, et j'invite tous les députés à faire de même.
En conclusion, le meilleur moyen de soutenir les victimes de crimes est de proposer des lois qui empêchent les gens de devenir des victimes et qui favorisent la réadaptation pour prévenir la récidive après le retour inévitable des délinquants dans la collectivité. Malheureusement, le gouvernement n'a jamais présenté de mesures législatives axées sur la prévention, la réadaptation et la réintégration. Le projet de loi ne favorise aucunement l'atteinte de ces objectifs. Je suis profondément en faveur d'une loi destinée à financer les programmes d'aide aux victimes, mais le projet de loi dans sa forme actuelle demeure inefficace, contre-productif, discriminatoire et préjudiciable. Je vais donc voter contre.
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Monsieur le Président, je vous remercie de ce temps de parole, que je partagerai avec le député de , et qui m'est accordé dans le but de prendre position sur le projet de loi . Je souhaite profiter de ce moment afin de souligner notre appui à la Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes.
Cette mesure répond à un besoin émis par les intervenants et les groupes de pression. Même si notre soutien comporte certains bémols, nous sommes satisfaits qu'une telle mesure permette d'accorder des sommes supplémentaires aux victimes. Depuis toujours, notre parti a eu une position claire quant aux questions liées au système judiciaire. Nous plaidons pour une justice équitable, impartiale et progressive.
Nous considérons que les victimes méritent toute l'aide dont elles ont besoin, et nous croyons que, comme parlementaires, notre rôle est de les soutenir dans cette voie. Les criminels doivent répondre de leurs actes, mais nous devons garder en tête qu'il est également de notre devoir de favoriser leur réhabilitation. En ce sens, le principe du projet de loi correspond à cette logique, puisqu'il reconnaît les besoins des victimes. Il oblige les criminels à affronter les conséquences de leurs gestes, tout en permettant la conversion de la peine financière établie en heures de travail communautaire.
La Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes doublerait les montants de la suramende compensatoire et rendrait ceux-ci obligatoires pour tous les contrevenants déclarés coupables d'une infraction criminelle. Actuellement, en cas de perte ou de destruction des biens d'une personne, de blessures corporelles ou de dommages psychologiques infligés à quelqu'un ou de menaces en ce sens, le juge peut ordonner au délinquant condamné ou absous de verser une somme directement à la victime en guise de dommages et intérêts.
À ce montant, une suramende de 15 % est actuellement imposée. Les sommes en question servent à financer des programmes qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels dans la province où a été commis le crime en question. Avec le projet de loi , ces montants seraient augmentés de façon significative, passant à 30 %, afin de venir en aide aux victimes. Ainsi, une suramende serait de 100 $ plutôt que de 50 $ ou de 200 $ plutôt que de 100 $, et ainsi de suite.
Le projet de loi modifie également un autre aspect de cette suramende. Actuellement, un contrevenant peut se soustraire au montant s'il est considéré que le versement de celui-ci pourrait lui causer préjudice ou causer préjudice aux personnes à sa charge.
Le projet de loi élimine cette composante de la loi actuelle. Il donne toutefois le droit de participer à des programmes provinciaux où le contrevenant peut s'acquitter de sa peine monétaire en gagnant des crédits pour du travail effectué. Cette mesure est saluée par l'opposition officielle, dans la perspective où elle alloue aux contrevenants la possibilité de s'impliquer dans leur communauté afin de compenser leur délit.
Toutefois, nous croyons que l'absence de ces programmes en Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador limite de façon significative l'uniformité de l'application de la loi. Par cette mesure, le projet de loi vise à responsabiliser les criminels quant à leurs actes commis et, surtout, à venir en aide aux victimes d'actes criminels. Nous sommes en parfait accord sur le principe.
En contrepartie, nous croyons que, derrière la criminalité, se cachent également des problèmes sociaux non négligeables qui méritent une attention particulière. À titre d'exemple, 82 % des femmes emprisonnées en milieu carcéral ont déjà été victimes d'agressions physiques ou sexuelles. Cela n'excuse pas la criminalité, mais cela en explique certains aspects. Dans le même ordre d'idées, la pauvreté vient souvent influer sur le niveau et la nature de la criminalité, et on ne peut ignorer cet état de fait.
Certes, le projet de loi aide les victimes, et nous sommes en parfait accord sur cette orientation. Toutefois, il importe également de s'attaquer aux racines de la criminalité de même qu'à la réhabilitation des contrevenants, ce que l'orientation actuelle du gouvernement ne prend pas en compte malgré l'avis en ce sens de multiples spécialistes.
Plutôt que de couper massivement dans les programmes sociaux du gouvernement fédéral, nous aurions pu nous attaquer à ces racines de la criminalité. Plutôt que de construire des prisons pour répondre à une répression accentuée par les plus récentes mesures conservatrices, nous aurions pu nous attaquer à ces racines de la criminalité.
Lors de la deuxième lecture, nous avions appuyé le projet de loi, puisque nous étions d'accord sur le principe, mais nous souhaitions travailler à l'amélioration des mesures à différents égards.
D'ailleurs, nous avions émis quelques réserves quant à son application et à ses résultats.
Nous trouvions plutôt délicat que l'application de la loi ne soit pas uniforme, sur l'ensemble du territoire canadien, particulièrement sur la question des programmes compensatoires. L'absence de programme de compensation, en Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que cité dans le projet de loi, limite l'opérationnalisation des modifications présentées par le gouvernement.
Ainsi, les conséquences d'un crime commis à Montréal n'auront pas les mêmes paramètres que le même crime commis à Toronto. On ne peut pas mettre en place une loi comme celle-ci et nous retrouver avec des composantes qui sont complètement inopérantes sur une partie du territoire canadien.
Il sera donc important pour les autorités fédérales de s'asseoir avec leurs homologues provinciaux, afin qu'il y ait une seule justice pour tous et non une justice à deux vitesses, en raison de l'absence de structure.
Dans le même ordre d'idées, actuellement, la stratégie fédérale en matière d'aide aux victimes dispose d'un budget de 16 millions de dollars. En contrepartie, seulement, 3 millions de dollars sont utilisés. Ainsi, plus de 80 % de l'enveloppe budgétaire est inutilisée. Encore une fois, il serait donc essentiel que le gouvernement ne se limite pas aux simples aspects du projet de loi, mais qu'il pousse plus loin son application, une fois le processus législatif terminé. Il est, certes, important que ces sommes soient consacrées aux victimes d'actes criminels, mais encore faut-il que ces victimes puissent en profiter réellement.
D'ailleurs, la criminalité au Canada coûterait environ 70 milliards de dollars par année, dont 70 % sont assumés par les victimes. Dans ce contexte, il est impératif que les montants recueillis par la suramende aillent réellement aux victimes et que des sommes supplémentaires leur soient octroyées.
Sur ce point, notre position rejoint directement celle de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, qui se positionne pour un financement accru des programmes consacrés à ce groupe souvent négligé et directement touché par les compressions budgétaires du gouvernement conservateur.
Je veux également profiter de ce temps de parole afin de plaider pour que le gouvernement canadien s'inspire d'initiatives prises à l'extérieur de nos frontières. Par exemple, le Royaume-Uni, comme d'autres pays, d'ailleurs, développe présentement un approfondissement du concept de justice réparatrice pour les victimes de même que pour les contrevenants. Il serait intéressant que les conservateurs envisagent de façon sérieuse cette avenue, dans l'élaboration de leurs politiques.
Les notions d'assistance mutuelle, de médiation entre les parties, de réparation des dommages causés et de restitution seraient mises en valeur pour le bien tant des victimes que des ex-contrevenants. Pourquoi ne pourrions-nous pas amener à un autre stade notre système de justice et dépasser la simple logique technocratique?
En conclusion, nous donnerons notre appui au projet de loi . Nous croyons que cette mesure est justifiée, qu'elle répond aux demandes du milieu et qu'elle viendra en aide aux victimes. Toutefois, nous considérons comme essentiel que le gouvernement s'assure de mettre en place une application efficace des mesures. Nous ne pouvons nous permettre qu'une loi ne soit pas équitable pour tous, d'une province à l'autre.
Nous considérons que le gouvernement doit explorer d'autres avenues, afin de développer un système moderne et proactif qui favorise tant la réhabilitation que le soutien aux victimes. Une chose est sûre: nous garderons un oeil attentif sur l'application du projet de loi et nous continuerons de plaider pour la défense des victimes et la réhabilitation des criminels.
:
Monsieur le Président, dans un souci constant de mise en lumière de l'application concrète et de l'emprise réelle de mesures répondant à un enjeu social identifié, il m'apparaissait essentiel de ponctuer le présent débat en introduisant certains aléas venant pondérer les cas donnant ouverture à l'imposition, par un juge siégeant en chambre criminelle et pénale, d'une suramende compensatoire.
Quitte à être redondant et à me répéter, je puiserai dans mon expérience passée au bureau d'aide juridique afin d'illustrer la teneur de mes propos. Lorsque je me suis joint au bureau d'aide juridique, l'une des premières notions que j'ai apprises concernait les barèmes financiers. On m'avait fourni un cartable avec les barèmes financiers applicables aux individus, c'est-à-dire aux clients, qui se présentaient dans nos bureaux afin de vérifier leur admissibilité financière à la prestation de services juridiques, et ce, qu'il s'agissait des instances criminelle, pénale ou civile. C'est l'une des premières notions que l'on apprend quand on commence dans le métier.
À l'époque où j'ai joint les rangs du bureau d'aide juridique de Sept-Îles, en 2007, la limite financière était d'environ 20 000 $ à 25 000 $ pour qu'un individu bénéficie de la prestation des services gratuits. Si le montant dépassait les 20 000 $ à 25 000 $, la prestation de services était toujours possible, mais avec une légère contribution financière de la part du client. Je le réitère, c'est l'une des premières notions que l'on apprend quand on commence dans le métier.
De plus, lorsqu'on rencontre un client, on doit compléter une fiche incluant des informations comme sa source de revenu principale et toutes les sources de revenus additionnelles. Ce sont donc les premières notions apprises. Il faut remplir cette fiche et, avant de rencontrer les clients, la prendre et vérifier si la prestation de services peut s'appliquer.
Même si je fais référence à ce barème financier, il est bien entendu que la majorité de mes clients du bureau d'aide juridique étaient prestataires d'aide sociale ou d'autres mesures de sécurité du revenu. Ils étaient donc admissibles à la prestation des services pourvus par le bureau d'aide juridique. Dans mon cas, c'est un peu devenu un automatisme. Mon employeur de l'époque, c'est-à-dire le plaideur qui m'a initié à la pratique sur le terrain, m'a un peu inculqué cet automatisme. À la fin d'une plaidoirie sur sentence ou à la fin des représentations sur sentence, on dit plus souvent qu'autrement: « Je demanderais que mon client soit dispensé du paiement de la suramende compte tenu du fait qu'il est prestataire de l'aide sociale. »
Encore aujourd'hui, même si cela fait deux ans que je ne plaide plus, c'est encore vraiment machinal, c'est-à-dire que je peux répéter cette phrase de mémoire. C'était un peu redondant, car à la fin de chacun de mes dossiers, je devais répéter cette phrase puisque mes clients étaient en majorité prestataires d'aide sociale. Même lorsque j'ai pratiqué au privé, j'ai d'abord et avant tout réalisé des mandats d'aide juridique. C'est donc devenu un automatisme pour moi.
En bref, si l'avocat indique au juge que le client doit être dispensé du paiement de la suramende au stade du prononcé de la sentence, le juge est alors appelé à décider de la sentence applicable à l'individu en se basant notamment sur ses sources de revenus et sa capacité de paiement d'une amende. J'y ferai référence plus tard et j'approfondirai le sujet. Je tenais simplement à aborder cette notion.
Il est à noter que la capacité de payer d'un délinquant sera l'élément déterminant au stade de la présentation des arguments sur sentence. À l'instar des lignes directrices codifiées applicables aux cas impliquant un délinquant aborigène, les juges disposent d'une latitude appréciable en matière d'identification et d'imposition de sentences substitutives à l'emprisonnement. Je ferai référence à l'article du Code criminel qui traite de ce cas particulier.
Par contre, il faut comprendre que le juge a une certaine latitude au moment de prononcer la sentence. Même si ce n'est pas dit d'office, le juge posera tout de même des questions afin de vérifier quelle sentence serait appropriée dans un cas donné. Or peu de choix s'offrent à lui, c'est-à-dire qu'il peut choisir entre deux ou trois avenues, soit une peine d'emprisonnement, le versement d'une amende ou des travaux communautaires. Cela dépend toujours de la volonté et de la capacité de paiement d'une amende de l'individu.
J'ai parlé du Code criminel tout à l'heure. J'en ferai maintenant la lecture. Il est parfois bien de revenir aux textes de lois, au phrasé, car cela empêche d'errer en droit. C'est donc ce que je fais actuellement. L'alinéa 718.2e) du Code criminel indique que:
718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants: [...]
e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.
Lorsque je pratiquais le droit, les délinquants autochtones étaient dans ma marge de manoeuvre et dans mon oeuvre quotidienne puisque la majorité de mes clients étaient des Innus et des Naskapis de la circonscription.
Cet article du Code criminel indique que le juge doit être appelé à se positionner quant à une sentence substitutive à l'emprisonnement dans un cas donné. Évidemment, ce type de sentence ne concerne pas seulement les délinquants aborigènes, mais cela s'applique particulièrement à eux.
La Cour suprême du Canada a également statué qu'un délinquant ne peut être emprisonné pour le non-paiement d'une amende lorsqu'il n'est véritablement pas en mesure de la payer. Le juge dispose donc d'une certaine latitude, ce qui lui permet de vérifier la volonté réelle de paiement du contrevenant.
Habituellement, lorsque des clients, surtout les prestataires de l'aide sociale, sont dispensés de payer l'amende, il peut parfois arriver qu'il y ait une sentence substitutive. Je l'ai déjà vu dans certains dossiers. Même si le client est prestataire de l'aide sociale, il devra tout de même payer l'amende, si le juge considère qu'il peut le faire. Par contre, un échéancier va être établi. Le juge va s'enquérir du fait en demandant quel montant l'individu serait prêt à contribuer mensuellement pour payer cette amende. Ce n'est pas parce qu'un individu est prestataire de l'aide sociale ou bénéficie d'une mesure de sécurité du revenu qu'il ne peut pas nécessairement s'acquitter d'un paiement. Il y a toujours une possibilité, même si l'individu a des ressources limitées sur le plan financier. Il y a toujours une possibilité de payer une amende. Je ne parle pas de suramende, je parle d'une amende. D'abord et avant tout, le juge va tenter de vérifier si ce serait préférable pour l'individu de faire des travaux communautaires ou de faire un don.
Pour ce qui est de la suramende, lorsque le client bénéficie de mesures de sécurité du revenu, le juge sera plutôt enclin à ne pas exiger le paiement de la suramende. Il va même l'en dispenser, puisque sa capacité de paiement est limitée. La suramende, c’est d’abord et avant tout pour les gens qui disposent d’une assise financière qui n'est pas nécessairement élevée, mais qui leur permet de payer cette suramende.
La suramende vise d'abord la responsabilisation de l'individu. C'est une forme d'empowerment, afin que l'individu se responsabilise et qu'il redonne à la société. C'est donc la raison ultime du prononcé d'une suramende compensatoire.
Finalement, j'insisterai sur le caractère compensatoire de la suramende à être imposé à un délinquant. Il faut aussi regarder du point de vue de l'étymologie.
Les montants de la suramende financent en partie les services aux victimes d'acte criminel. Au Québec, on a l'IVAC, soit l'Indemnisation aux victimes d'actes criminels. Les victimes bénéficieront donc directement de l'augmentation des suramendes compensatoires, ce qui milite amplement en faveur d'un appui à ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
Maintenant, je ferai un bref aparté. Je vais aborder les cas des bureaux d'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Le mode de vie d'un juriste et la pratique courante d'un juriste criminaliste qui plaide devant la cour font en sorte qu'il est appelé à travailler sur une base régulière avec l'IVAC. Au palais de justice de Sept-Îles, le bureau de l'IVAC est tout près de celui des procureurs de la Couronne. Ce sont d'abord et avant tout des intervenants sociaux qui travaillent dans ce bureau. Ils assistent à presque toutes les audiences de dossiers. Je blaguais avec certaines personnes qui en connaissaient plus que moi en matière de droit, puisqu'ils assistaient à l'audience de presque tous les dossiers qui passaient au palais de justice.
Bref, une partie de ces suramendes compensatoires sera ultimement dirigée vers les bureaux d'indemnisation aux victimes d'actes criminels. Ces bureaux sont essentiels. Les intervenants de ces bureaux vont travailler d'abord avec les victimes, avec des enfants. Il y a même plusieurs jouets à l'intérieur de ces bureaux. C'est convivial et familial, parce qu'il y a toute une gamme de victimes. C'est donc essentiel que ces montants d'argent soient redistribués. Ceux qui ont la capacité de payer, ceux qui ont des revenus substantiels, ceux qui ont des assises financières bien établies et qui sont en mesure de débourser ces montants se doivent d'être responsabilisés et se doivent de se voir imposés une suramende compensatoire plus élevée, afin de fournir ces services qui sont d'abord et avant tout essentiels pour le maintien d'une norme sociale acceptable.
Je soumets le tout humblement.
:
Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole à la Chambre au sujet du projet de loi . Les néo-démocrates appuient le principe du projet de loi, ce qui doit être un grand soulagement pour mes collègues d'en face. Nous appuyons le projet de loi d'abord et avant tout parce que nous soutenons les victimes de crime, leurs proches et les communautés.
Nous prenons acte des recommandations que le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a formulées il y a quatre ans, notamment l'abrogation des paragraphes 737(5) et (6) du Code criminel afin que les juges n'aient d'autres choix que d'imposer des suramendes et que ces dernières soient automatiquement imposées dans tous les cas. Le retrait du pouvoir discrétionnaire des juges a fait l'objet de débats à la Chambre.
Selon ce rapport, les juges ont souvent invoqué leur pouvoir discrétionnaire et l'ont mal utilisé. En outre, les juges eux-mêmes ont écrit au afin qu'il double le montant de ces amendes. À cet égard, les néo-démocrates appuient le projet de loi et les recommandations, mais voici matière à réflexion.
Bien que nous appuyions le projet de loi , nous avons encore des réserves en ce qui concerne la gestion de ces fonds et les résultats escomptés. Les victimes obtiennent-elles vraiment justice grâce à ces fonds? Je me pencherai sur cette question un peu plus tard.
[Français]
Je le dis très clairement: notre priorité a toujours été et demeure les services offerts aux victimes d'actes criminels. L'utilisation transparente de ces fonds pour les besoins des victimes d'actes criminels est un pas dans la bonne direction.
[Traduction]
Il ne faut pas perdre de vue l'objectif premier, soit la prévention de la criminalité. Bien souvent, la criminalité découle directement de la précarité sociale et économique. Bien souvent, les crimes sont la conséquence terrible, mais prévisible, de la pauvreté et d'un avenir que l'on pense sans espoir. Bien souvent, nous essayons de répondre aux besoins des victimes tout en enfermant ceux qui sont déjà laissés-pour-compte dans un cycle de marginalisation.
Voici la question. Pouvons-nous répondre aux besoins des victimes sans enfermer ceux qui sont déjà laissés-pour-compte dans un cycle de marginalisation? Nous devons concentrer nos énergies sur la prévention, car on réduira ainsi la marginalisation, donc les actes criminels, ce qui réduira du coup le nombre de victimes.
[Français]
Bien sûr, la tâche n'est pas facile. Quand nous sommes confrontés aux effets des actes criminels, notre réaction en est une de dégoût, de revirement, de colère ou de vengeance. Il y a moins d'une semaine, nous nous sommes levés tous ensemble à la Chambre pour observer une minute de silence. Nous n'avons pas oublié les 14 femmes mortes à cause d'un acte affreux de violence, chez moi, à Montréal.
[Traduction]
En ce moment, nous sommes tous conscients de l'horreur de la violence, et plus particulièrement de la violence fondée sur le sexe. Tout comme nous n'oublierons jamais ce qui s'est passé ce jour-là, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de faire uniquement le strict minimum et de nous contenter de régler le problème de la criminalité en imposant des mesures punitives. Comme dirait ma grand-mère, cela équivaut à refermer la porte de l'écurie une fois que le cheval s'est enfui.
Nous devons reconnaître que les peines et les amendes n'exercent qu'une influence limitée. En toute honnêteté, les citoyens attendent davantage de nous. Ils savent que les crimes sont commis pour des raisons complexes, et même si notre principal objectif consiste à appuyer les victimes, la meilleure façon d'utiliser nos ressources, nos talents et notre temps consiste à éviter qu'il y ait d'autres victimes et que la victimisation se poursuive en prévenant le crime.
J'aimerais donner à mes collègues un exemple de la complexité de cette question et expliquer pourquoi il est nécessaire d'adopter une approche plus globale en matière de criminalité. Cet aspect a été soulevé plus tôt par l'une de mes collègues dans sa question. Nous savons que 82 % des femmes incarcérées ont déjà été victimes d'agressions physiques ou sexuelles. J'aimerais aussi ajouter à cela le fait que 91 % des femmes incarcérées sont d'origine autochtones, ce qui signifie qu'il y a une surreprésentation évidente de ce groupe dans le système carcéral. On peut se demander pourquoi ces femmes n'ont pas reçu le soutien dont les victimes ont besoin, qu'il s'agisse de soutien financier, psychologique ou sociologique.
Ces statistiques illustrent la nécessité d'offrir du soutien aux victimes, d'allouer davantage de fonds aux services d'aide aux victimes et de mettre en place une approche plus globale qui comprendrait un élément de justice réparatrice. Les femmes qui ont subi des abus, peu importe la raison, que ce soit parce qu'elles avaient une piètre estime de soi ou parce qu'elles devaient tout simplement survivre, ont commis des actes criminels: elles ont fait des chèques sans provision, se sont prostituées ou ont commis de petits vols. Si des services leur avaient été offerts afin de les aider à rebâtir leur estime personnelle et de les aider dans ce processus et si, à vrai dire, la société était un peu plus informée à ce sujet et essayait de se renseigner davantage sur les répercussions à long terme des agressions sexuelles et de la violence fondée sur le sexe, y aurait-il parmi la population carcérale féminine une proportion de 82 % de victimes de cette violence? C'est la question que nous devons nous poser.
Des amendes plus élevées sont des amendes plus élevées: elles ne sont efficaces que dans une certaine mesure. Selon ce que j'ai compris, on prévoit consacrer l'argent ainsi recueilli à des services aux victimes, mais comment procédera-t-on? Nous constatons une diminution des services offerts aux victimes. C'est un pas dans la bonne direction, mais les amendes, qu'elles soient plus élevées ou non, ne brisent pas et ne briseront pas le cycle de la criminalité.
[Français]
Chez moi, au Québec, nous avons un système judiciaire reconstituant, un système qui favorise les réformes et la réintégration pour assurer la justice. On n'a qu'à se rendre dans les quartiers de la Petite-Bourgogne, de Saint-Henri et de Pointe Saint-Charles, tous dans ma circonscription.
Je suis très fier de représenter ces communautés. On n'a qu'à visiter ces quartiers pour voir comment des quartiers anciennement en proie à la criminalité peuvent être transformés lorsqu'ils sont bien guidés.
Nous soutenons sans équivoque un meilleur financement des services pour les victimes d'actes criminels. Un meilleur financement ainsi qu'un système ouvert et transparent qui donnerait aux victimes l'accès aux services dont elles ont besoin, c'est une intervention importante.
[Traduction]
Le soutien aux services d'aide aux victimes ne doit pas se limiter à demander plus d'argent aux criminels, pour la simple et bonne raison que, à mon avis, la vaste majorité de ces petits criminels n'auraient que très peu d'argent à donner à ces organismes. Nous devons concentrer nos efforts sur la création d'un soutien financier pour les victimes d'actes criminels, lequel serait fourni par divers organismes. Ce soutien doit être axé sur la restitution, non seulement de ce qui a été volé aux victimes, mais de ce qu'elles ont l'impression d'avoir perdu.
J'ai été victime d'un cambriolage. Une personne s'est introduite dans mon appartement alors que le système d'alarme était en voie d'être remplacé. Oui, c'était suspect. Quoi qu'il en soit, on rentre chez soi et on constate que quelqu'un s'est introduit dans l'appartement, a fouillé dans nos affaires et a volé non seulement des choses qui ont une valeur pécuniaire, mais des choses qui ont une valeur sentimentale, comme le cadeau d'un enfant ou le dernier souvenir d'un grand-parent. Même si ma mère n'a pas élevé des mauviettes, il m'a fallu du temps pour surmonter le sentiment d'avoir été agressé — pourtant je n'ai été victime que d'un cambriolage.
Comme je l'ai mentionné, les services d'aide aux victimes sont une nécessité. Pour les personnes marginalisées, laissées-pour-compte et isolées, ces services sont essentiels. Si de tels services existaient, on pourrait certainement éviter que bon nombre de crimes de cette nature soient commis par des femmes qui se retrouvent du mauvais côté de la loi. Ces dernières commettent des crimes motivés par la survie et la nécessité.
Nous devons adopter une approche tridimensionnelle à l'égard de la justice. Ce n'est pas parce qu'une personne a fait quelque chose de mal qu'il faut obligatoirement l'emprisonner. Nous devons comprendre les raisons qui poussent les gens à commettre ces actes.
Ceux qui ont un esprit criminel resteront toujours des criminels. Ils commettent des actes répréhensibles, sont méchants et se verront imposer la peine prévue par le système judiciaire. Or, les criminels n'ont pas tous un esprit criminel. Dans certains cas, les criminels sont motivés par une raison. Par conséquent, nous avons besoin de plus de ressources pour veiller à ce que les victimes d'actes criminels, les victimes de violence sexuelle ou de violence fondée sur le sexe, ne se retrouvent pas dans une situation où elles doivent commettre un crime parce que les actes criminels dont elles ont été victimes les ont tellement déshumanisées qu'elles ne sont plus capables de fonctionner dans la société.
Il y a des mesures très importantes que nous devons et que nous pouvons prendre. Je parle de mesures financières, d'aide aux organisations et d'aide aux personnes qui ont perdu des êtres chers ou qui ont perdu des fortunes. Ces mesures font partie des nombreuses mesures importantes que nous pouvons prendre pour améliorer notre système de justice.
Notre objectif doit être de rendre notre système de justice plus logique, plus équilibré et plus utile pour nos citoyens. C'est ce que nous espérons que le gouvernement va retenir des débats que nous avons sur ce projet de loi. Nous appuyons ce projet de loi, mais il est incomplet. Il n'aborde pas le principe de la justice réparatrice, qui est davantage axé sur la prévention du crime que sur l'imposition de peines sévères.
Quand nous discutons de ce genre de projets de loi, nous entendons constamment dire que l'opposition appuie les criminels ou qu'elle fait preuve de laxisme en matière de criminalité.
Nous devons nous rappeler que les lois actuelles, même celles qui sont enfreintes par les personnes commettant des crimes, ont été mises en place pour protéger les innocents. Elles visent à garantir que les gouvernements, la police et les organismes d'application de la loi ne bafouent pas les droits constitutionnels de la population. Elles n'ont pas pour objectif de protéger les criminels. Elles servent à empêcher les gens de se trouver dans une situation dont ils ne sont pas responsables et à leur permettre d'avoir accès à tous les recours de la loi afin qu'ils puissent prouver leur innocence.
Malheureusement, comme dans toutes les situations, il y a des personnes qui en abusent, mais nous ne pouvons pas modifier ces mesures de protection parce que nous avons peur de ces personnes. Si nous le faisons, les Canadiens respectueux des lois perdront eux aussi ces protections.
J'aimerais revenir sur la dernière partie de mon exposé en disant que les interventions, comme l'aide aux groupes de défense des victimes, sont extrêmement importantes et que nous devons tout faire pour rendre notre système juridique plus logique, plus équilibré et plus utile pour nos citoyens.