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Madame la Présidente, je suis ravi de lancer le débat sur le projet de loi , présenté pour la première fois au cours de la législature précédente en tant que projet de loi . Le projet de loi prévoit une extension raisonnable des pouvoirs d'arrestation par des citoyens ainsi qu'une simplification et une clarification s'imposant depuis longtemps du droit à l'égard de la légitime défense et de la défense des biens.
Avant la présentation de l'ancien projet de loi , la question de l'arrestation par des citoyens avait déjà été l'objet de deux projets de loi d'initiative parlementaire et d'une multitude de débats dans les Parlements, dans les journaux et, sans aucun doute, dans les cafés de tout le pays. La réforme sans flaflas des dispositions législatives relatives aux pouvoirs d'arrestation par des citoyens contenues dans le projet de loi est donc bien comprise de tous les partis, qui lui réservent un accueil favorable. Je n'aborderai le sujet que brièvement aujourd'hui.
[Français]
Les réformes proposées à la défense de la propriété et des personnes ont un historique et un but différents. Certains députés ont été surpris par l'inclusion de ces réformes dans le projet de loi quand il a été introduit. Permettez-moi de commencer par expliquer pourquoi ces réformes sont présentées ensemble.
Alors que la défense de la propriété et le pouvoir d'arrestation du citoyen sont des questions juridiques distinctes, dans le monde réel, les actualités font en sorte que ces concepts peuvent entrer en jeu simultanément dans certaines situations données. Par exemple, imaginez un agent de sécurité qui découvre un intrus dans un bâtiment et que ce dernier se dirige vers la porte avec un ordinateur portable dans ses mains. L'agent de sécurité peut appréhender le voleur et, par la suite, appeler la police pour que soit portée une accusation contre l'individu. Voilà l'exemple type de l'arrestation par un citoyen. C'est la situation type où le citoyen fait l'arrestation lui-même et, par la suite, convoque les autorités.
Dans cette situation d'urgence, la loi autorise l'agent de sécurité à procéder à l'arrestation, en tant que substitut à la police, mais le gardien de sécurité pourrait également utiliser un niveau minimal de force contre le voleur. Par exemple, il pourrait saisir son bras, et ce, en tentant de saisir l'ordinateur. Parce que son intention est différente, ce comportement pourrait être qualifié d'action pour la défense de la propriété, soit l'ordinateur. Si le voleur résiste au gardien de sécurité ou répond avec force, il serait aussi question d'autodéfense pour le gardien s'il doit se défendre.
[Traduction]
Il existe trois mécanismes juridiques distincts, mais ils ont tous un rapport direct avec la question générale de savoir comment les citoyens peuvent légalement réagir devant une menace imminente et sérieuse à leurs biens, à eux-mêmes et à d'autres personnes.
Le gouvernement reconnaît que ces lois, qui peuvent toutes s'appliquer à une situation donnée, doivent être claires et souples et assurer un juste équilibre entre la légitime défense et le recours à la police. C'est pourquoi toutes ces mesures sont réunies dans le projet de loi .
Je vais maintenant décrire brièvement les réformes proposées aux dispositions concernant l'arrestation par des citoyens et je consacrerai le reste de mon temps à la réforme des dispositions relatives aux moyens de défense.
Pour ce qui est de l'arrestation par des citoyens, personne ne peut contester le fait que les arrestations relèvent d'abord et avant tout de la police. Elles demeureront la responsabilité des agents de police et rien ne sera modifié à cet égard. Cependant, comme la police ne se trouve pas toujours sur les lieux quand un crime est commis, le Code criminel autorise depuis longtemps les citoyens à arrêter d'autres personnes dans des situations bien définies, notamment lorsqu'une infraction liée à des biens a été commise.
Le paragraphe 494(2) du Code criminel n'autorise actuellement l'arrestation par un citoyen que si une personne est trouvée en train de commettre une infraction. Cela dit, il est arrivé récemment qu'une personne procède à une arrestation peu de temps après que le crime ait été commis parce que c'est alors que la possibilité s'est présentée. Ces situations ont suscité des questions sur la pertinence de la portée actuelle du pouvoir d'arrestation des citoyens.
Le gouvernement croit qu'il est raisonnable de prolonger pendant un certain temps après la perpétration de l'infraction la période pendant laquelle une personne peut en arrêter une autre.
Pour décourager les gens de vouloir se faire justice eux-mêmes et afin que leur pouvoir d'arrestation ne soit que légèrement élargi dans les cas d'urgence réelle, le projet de loi exige que la personne croie, pour des motifs raisonnables, que l'arrestation par un agent de la paix n'est pas possible dans les circonstances. Ce sont là des réformes raisonnables et responsables, et tous les députés devraient les appuyer.
[Français]
Bien que nos réformes sur l'arrestation des citoyens soient assez simples, les changements apportés à la défense de la personne et des biens nécessitent des explications plus approfondies.
Les défenses de la personne et des biens, telles qu'elles sont actuellement formulées, sont complexes et ambiguës. Les lois sur l'autodéfense, en particulier, ont fait l'objet de plusieurs décennies de critiques de la magistrature, y compris de la Cour suprême du Canada, des avocats, des universitaires, des associations d'avocats et des organismes de réforme du droit. Maintes critiques ont porté sur le fait que la loi existante est floue et difficile à appliquer. Il est juste de dire que la réforme dans ce domaine est attendue depuis très longtemps.
Les défenses ont été incluses dans le tout premier Code criminel. Le texte de cette loi est resté très semblable depuis la formulation originale du Code criminel de 1892. La défense de la propriété s'étalait sur neuf dispositions séparées et distinctes contenant de multiples sous-défenses et d'autres dispositions très complexes qui sont inutiles aujourd'hui et pas nécessaires.
[Traduction]
Le professeur Don Stuart de l'Université Queen's, dont les manuels sur le droit pénal sont couramment utilisés par les étudiants canadiens de première année en droit, a écrit ce qui suit:
Dans le droit canadien, la défense des personnes et des biens est embrouillée par des dispositions du code excessivement complexes et parfois obscures.
Il est toutefois important d'établir clairement que les critiques formulées ne portent pas sur le fond de la loi, mais plutôt sur sa forme. L'autodéfense de la personne et la défense des biens ont toujours eu de solides fondements juridiques au Canada. On a beaucoup parlé dans les journaux du droit de recourir à la légitime défense et de défendre ses biens. Certains articles mentionnent cependant que ces droits ont été restreints ou qu'ils ne sont pas suffisamment protégés. Ce n'est pas vrai. La loi est solide, malgré le fait que les règles, telles qu'elles sont énoncées dans le Code criminel, comportent de graves lacunes et que les médias ont fait de cette question une couverture négative ces derniers temps.
Le Parlement doit s'assurer que les lois sont claires et compréhensibles pour les Canadiens, les intervenants du domaine de la justice pénale et même les médias. C'est précisément le but que nous cherchons à atteindre au moyen du projet de loi , même si, à l'heure actuelle, les droits des Canadiens sont solides et que les tribunaux du pays les respectent. Lorsque les lois qui énoncent les règles prêtent à confusion, nous manquons à notre devoir d'informer adéquatement les Canadiens de leurs droits. Il va sans dire que les lois obscures peuvent également compliquer la tâche des policiers responsables des mises en accusation, s'ils ont de la difficulté à consulter le Code criminel et à comprendre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Le projet de loi propose donc de remplacer les dispositions actuelles du Code criminel qui portent sur cette question par des dispositions claires et simples qui permettraient de conserver le niveau de protection prévu par la législation en vigueur tout en répondant aux besoins actuels des Canadiens.
Comment nous prévoyons y parvenir? Je vais commencer par la défense de la personne, parce que cette question est soulevée plus souvent que celle de la défense des biens, parce que les demandes de réforme ont davantage visé ce type de défense et en raison de l'importance fondamentale qu'accorde le droit pénal canadien au droit à la légitime défense.
[Français]
Je crois que si nous demandions à un citoyen ordinaire s'il pense qu'il est acceptable de se défendre, il répondrait que ça le serait quand il y a une certaine menace contre son intégrité corporelle ou celle d'une autre personne. Je crois qu'il dirait aussi que la force utilisée devrait être raisonnable et être une réponse directe à la menace.
Les réformes contenues dans le projet de loi se concentrent sur ces éléments de base. À cause de la nature générale de ces idées, une loi basée sur ces principes fondamentaux doit pouvoir régir l'ensemble des situations de défense de la personne. Nous n'avons tout simplement pas besoin de règlements différents pour des circonstances différentes. Nous n'avons besoin que d'un seul principe qui peut être appliqué à toutes les situations.
[Traduction]
Selon la nouvelle mesure sur les moyens de défense, une personne serait à l'abri de toute responsabilité criminelle si trois conditions sont réunies. Tout d'abord, la personne a des motifs raisonnables de croire qu'on menace d'employer la force contre elle ou une autre personne. Ensuite, elle agit dans le but de se défendre ou de protéger l'autre personne contre la menace en question. Enfin, elle agit de façon raisonnable dans les circonstances. Permettez-moi de clarifier quelques points saillants.
Premièrement, contrairement à la loi actuelle, qui prévoit différents moyens de défense pour différentes circonstances, la nouvelle loi s'appliquerait à la fois à la défense de soi et à celle d'autrui. Les mêmes critères régissent les moyens de défense dans les deux cas.
Deuxièmement, les députés doivent savoir qu'une personne a le droit de se tromper dans sa perception d'une menace contre elle ou contre autrui, pourvu que l'erreur soit raisonnable. Par exemple, si un voisin en état d'ébriété essaie d'entrer dans la mauvaise maison au milieu de la nuit, le propriétaire a un motif raisonnable de croire que sa famille ou lui sont menacés, même si ce n'est pas vraiment le cas; il s'agissait simplement d'un voisin ivre et fatigué, qui s'est trompé de maison.
La loi doit permettre aux gens de prendre des moyens de défense, y compris dans les cas où une personne commet une erreur que quiconque pourrait raisonnablement commettre. Les erreurs déraisonnables, toutefois, ne sont pas tolérées. Une personne ne peut pas chercher à s'excuser d'un geste qui serait normalement un acte criminel selon la loi; elle doit agir raisonnablement, notamment dans son évaluation de la menace contre elle ou une autre personne.
Troisièmement, le but du défendeur est d'une importance primordiale. Une personne qui agit pour se défendre ou défendre une autre personne est dans son droit. Elle ne peut plaider la force défensive pour déguiser ce qui est, en fait, de la vengeance. Tout geste ne visant pas la protection n'est pas un moyen de défense, et la personne risque d'être condamnée pour l'avoir commis.
[Français]
Quatrièmement, si les autres conditions sont comblées, un défenseur ne peut agir que d'une façon considérée raisonnable dans les circonstances. Ce qui est raisonnable dans les circonstances dépend entièrement des circonstances de chaque cas particulier, tel qu'évalué par l'hypothèse de la personne raisonnable. La question qui se pose est la suivante: une personne raisonnable dans la situation du défenseur aurait-elle fait ce que le défenseur a fait? Il n'y a pas une seule réponse raisonnable à toute situation. Ce qu'il importe de savoir, c'est que la conduite du défenseur s'inscrit dans une série d'actions que le juge estime raisonnables dans ces circonstances particulières.
L'ensemble des facteurs qui peuvent être pertinents pour déterminer si une action défensive était raisonnable sont beaucoup trop nombreux pour être énoncés dans le Code criminel. Toutefois, pour faciliter le processus délibératif, mais sans limiter la nature et la portée des facteurs qui pourraient être pris en compte, la réforme proposée comporte une liste de caractéristiques bien reconnues associées à des situations d'autodéfense présentées devant nos tribunaux. Cette liste aidera les juges et les jurés dans leur application de la nouvelle loi, et confirme que la jurisprudence existante sur l'autodéfense continue d'être applicable.
[Traduction]
Parmi les facteurs qui figurent sur la liste et qui seraient probablement pertinents, mentionnons la nature de la menace et la réaction à cette menace. Par exemple, est-ce que l’attaquant menaçait de vous casser un doigt ou de vous tuer? Un autre facteur est la présence d’une arme. Il y a aussi les capacités physiques relatives des intéressés, par exemple leur âge, leur taille, leur sexe. Évidemment, une petite femme âgée et un jeune homme en pleine forme n’ont pas les mêmes options pour contrer une même menace. Il faut aussi tenir compte d’une éventuelle relation préexistante entre les parties, y compris des antécédents de violence et de mauvais traitements.
Ce dernier facteur est particulièrement important dans les cas de violence conjugale, où un conjoint maltraité doit se défendre contre son ou sa partenaire. Comme l’a signalé la Cour suprême dans l’arrêt de principe Lavallee, il est parfois difficile pour un jury composé de citoyens de comprendre comment un conjoint maltraité peut rester dans une relation violente ou comment la personne peut finir par interpréter les habitudes de violence de son ou de sa partenaire. Ces cas ne se présentent pas souvent, mais lorsqu’il faut les trancher, il est essentiel de tenir compte de ces facteurs.
Le caractère raisonnable de la réaction doit tenir compte de la nature de la relation et des antécédents des parties pour qu’il soit possible d’en arriver à une décision équitable.
La loi proposée établirait un cadre décisionnel simple et logique. Il faut d'abord établir les faits pertinents, puis la règle peut être appliquée. Pour évaluer s’il convient de porter des accusations, les policiers et les procureurs devraient réunir tous les faits et les évaluer en fonction des arguments exposés dans la défense pour déterminer s’il existe des possibilités raisonnables d’obtenir une condamnation et s’il est dans l’intérêt public de déposer des accusations. Si des accusations sont déposées et que la défense est présentée, le juge des faits devra déterminer, en fonction de son évaluation des faits exposés au procès, de sa propre expérience et de son bon sens, si les mesures prises étaient raisonnables, compte tenu de la menace.
[Français]
Enfin, je tiens à porter à l'attention des députés un changement modeste. La loi actuelle n'autorise l'usage de la force que pour la défense de la personne. Il s'agit essentiellement d'un comportement violent contre l'attaquant, dans la défense. Le projet de loi élargit la défense afin de reconnaître le fait que, dans certaines circonstances d'urgence, une personne pourrait, pour sa défense, avoir à recourir à d'autres formes de conduite, comme l'entrée par effraction d'un bâtiment à la recherche d'un refuge ou même le vol d'une voiture pour s'enfuir.
Comme pour la réforme de la défense de la personne, le projet de loi remplacerait l'ensemble des dispositions existantes par un seul critère pour la défense des biens. Celui-ci englobe ces composantes essentielles tout en conservant le même niveau de protection que la loi actuelle.
[Traduction]
Il existe trois conditions primordiales à la défense proposée. Premièrement, le défendeur doit raisonnablement penser que quelqu’un vient de poser un des gestes suivants ou est sur le point de le faire: entrer sur sa propriété sans en avoir légalement le droit, ou encore prendre, endommager ou détruire des biens. Deuxièmement, le défendeur doit agir dans le but d’empêcher ou d’interrompre cette atteinte aux biens. Troisièmement, les mesures prises doivent être raisonnables en l’occurrence.
Comme dans les cas de défense de la personne, une personne peut s’être honnêtement trompée quant à la menace ou à l’atteinte aux biens et pouvoir encore invoquer cet argument. Le but du défendeur doit être défensif. La défense des biens ne peut servir de prétexte à la vengeance. La question primordiale que le juge des faits doit se poser est de savoir si les mesures prises par le défendeur étaient raisonnables, compte tenu des circonstances.
Il est en outre indispensable de reconnaître que la défense des biens est différente de la défense de la personne et qu'elle est également plus complexe à un égard. En effet, chacun a le droit de décider qui peut le toucher et de quelle façon, et il est très clair que la menace qui pèse sur l’intégrité physique de la personne peut devenir un déclencheur.
Il y a une grande différence entre défendre des biens et défendre sa personne. Plusieurs personnes peuvent convoiter le même bien, ce qui peut créer des différends quant à l’importance et à la nature des intérêts en jeu. Par conséquent, la défense des biens doit être guidée par les réalités des lois sur les biens outre les autres conditions de base inhérentes.
Il s’ensuit qu’en droit criminel il existe une condition supplémentaire pour invoquer la défense des biens, notamment que la personne qui invoque la défense ait été en possession paisible du bien au moment où l’acte a été commis.
La notion de possession paisible d’un bien existe dans les lois actuelles et est incluse dans les réformes proposées. Ce terme a été interprété par nos tribunaux qui ont dit que la personne doit être en possession physique du bien ou en avoir le contrôle au moment de la menace ou de l’acte et que la possession en soi doit être peu susceptible de troubler la paix et ne doit pas être contestée. Voilà qui décrit ce qu’est la possession paisible. Elle ne doit pas être contestée ni entraîner des risques de violence ou de désordre public.
Par exemple, les protestataires qui occupent un immeuble gouvernemental et les criminels qui protègent des biens volés ne sont pas en possession paisible du bien et ne peuvent donc pas invoquer la défense du bien si quelqu’un tente d’entrer dans l’immeuble ou de s’emparer du bien.
Les citoyens respectueux de la loi qui vaquent à leurs affaires, en revanche, seront presque assurément en possession paisible de leurs biens. S’ils ont des raisons de croire que quelqu’un menace leurs biens, par exemple, un voleur tente de leur vider les poches ou un cambrioleur tente d’entrer dans leur demeure en pleine nuit, et s’ils agissent dans le but de protéger leurs biens, ils seront lavés de toute responsabilité criminelle pour toute mesure qu’ils auront prise et qui sera considérée comme raisonnable eu égard aux circonstances.
Nous pouvons voir en quoi les menaces aux droits de propriété ne justifient pas des réactions qui seraient autrement considérées comme criminelles. Le droit de propriété et bien d’autres intérêts valables en droit relèvent du droit des biens et sont des questions qui doivent être tranchées par les tribunaux si les parties ne peuvent s’entendre.
Seules les menaces immédiates réelles à la possession physique d’un bien autorisent une personne à réagir d’une manière qui, en d’autres circonstances, serait considérée comme criminelle. La fonction globale du droit criminel est de favoriser l’ordre public. La loi ne peut donc pas autoriser le recours à la force pour protéger des biens en n’importe quelles circonstances, sauf au moment même où une menace est telle que le fait d'exercer un recours civil plus tard risquerait d’entraîner la perte permanente du bien.
La loi permet aux gens de préserver le statu quo, et non de régler des différends par la violence.
[Français]
En conclusion, j'invite tous les députés à appuyer ce projet de loi. Ces réformes sont attendues depuis longtemps et représentent une réponse raisonnée et mesurée à des situations juridiques très complexes.
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Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et concernant l'arrestation par des citoyens et les moyens de défense relativement aux biens et aux personnes.
Ce projet de loi découle de l'attention portée à l'arrestation d'un Torontois survenue il y a environ deux ans. Si je ne m'abuse, on l'appelait l'affaire Lucky Moose, ainsi nommée en raison du nom de cette épicerie située au centre-ville de Toronto. Le propriétaire du commerce était continuellement victime de vol à l'étalage. Un voleur à l'étalage, qu'il avait vu quitter les lieux avec des articles, y est retourné environ une heure plus tard. Compte tenu de son expérience passée lorsqu'il avait fait appel aux policiers lors de vols à l'étalage perpétrés dans son magasin, le propriétaire a estimé que la seule façon de faire accuser l'individu était de l'appréhender.
Le propriétaire a par la suite été accusé d'avoir agressé et séquestré l'individu. Je pense qu'à un moment donné, il a également été accusé d'enlèvement. Au final, c'est lui qu'on a traduit en justice.
L'affaire a suscité beaucoup de controverse. On se demandait notamment si la surveillance policière était suffisante dans le secteur. On sait que, dans de gros établissements tels que des supermarchés et des magasins de détail, il y a souvent des services de sécurité sur place. Les agents de sécurité ont reçu de la formation sur la façon d'appréhender les gens. Ils procèdent à des arrestations s'ils surprennent un individu en flagrant délit de vol à l'étalage. Ils téléphonent ensuite à la police et retiennent le voleur à l'étalage jusqu'à l'arrivée des policiers.
Ce qui était différent dans ce cas-ci, c'est que l'individu avait quitté le magasin et y était revenu. À son retour, il n'était pas en train de commettre un acte criminel, comme le secrétaire parlementaire l'a souligné. Par conséquent, M. Chen, le propriétaire du commerce, ne respectait pas les dispositions de l'article 494 du Code criminel qui prévoient qu'un citoyen peut arrêter un individu qu'il trouve en train de commettre un acte criminel ou qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a commis une infraction criminelle, est en train de fuir et est immédiatement poursuivi.
Il prétend avoir agi conformément à l'alinéa 494.(2)b), qui prévoit ce qui suit:
Une personne autorisée par le propriétaire ou par une personne en possession légitime d’un bien peut arrêter sans mandat une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant ce bien.
Il est ensuite précisé: « Quiconque, n'étant pas un agent de la paix, arrête une personne sans mandat doit aussitôt la livrer à un agent de la paix. »
La procédure normale, c'est que le détective du magasin ou le propriétaire peut appréhender un voleur, appeler la police et livrer l'individu aux policiers qui s'occupent de la suite. Dans le cas dont je parle, comme l'arrestation s'est produite une heure après quand l'individu est revenu, le propriétaire du magasin n'était pas fondé à l'arrêter en vertu de l'article 494.
C'est pourquoi ce projet de loi a été au départ un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par notre collègue, la députée de . Je pense qu'elle aurait même pu l'intituler le projet de loi Lucky Moose en l'honneur de M. Chen. Il a reçu un appui massif de tous les partis représentés à la Chambre.
De nombreux législateurs ont de grandes réserves à l'égard des lois qui encouragent les gens à devenir des justiciers. Voici pourquoi c'est une question très délicate.
Comme l'a dit le secrétaire parlementaire, nous avons dans tout le pays un corps de policiers parfaitement formés. Nous avons une police nationale et des polices locales et communautaires. Il y a des agents qui patrouillent à pied dans le quartier chinois, où cet incident est survenu, et dans d'autres quartiers de Toronto. Ce sont les gens sur qui nous comptons.
Par contre, les propriétaires de magasin n'ont pas tous des gardes de sécurité ou des détectives sur place. Le problème ici, c'est la personne qui essaie de faire marcher son commerce. En l'occurrence, M. Chen essayait de faire marcher son magasin et de protéger ses biens. Je pense que la plupart des gens diraient qu'il a agi raisonnablement et qu'il a détenu le malfaiteur sans utiliser une force excessive. Mais c'était de la séquestration, et c'est de cela que M. Chen a été accusé. Si l'on utilise la force pour empêcher la personne de s'enfuir, c'est une infraction. Toutefois, la disposition sur l'arrestation par des citoyens justifie la séquestration en la transformant en arrestation à condition que celle-ci intervienne dans un délai raisonnable.
J'imagine que si l'on connaît l'individu, on peut téléphoner à la police pour lui dire qu'on sait que ce n'est pas la première fois et qu'on l'a vu prendre quelque chose et sortir du magasin. On ne se lance pas à sa poursuite en raison du risque que cela présente et on appelle la police. Mais si on ne connaît pas son identité, le seul moyen de l'appréhender, c'est de se lancer à sa poursuite.
Nous appuyons sans réserve cet aspect du projet de loi. Je crois que c'est une intervention minime sur l'article 494. Quand je dis minime, je veux dire qu'on ne fait qu'exprimer ce qu'il faut faire dans la situation où se trouvait M. Chen.
Il doit y avoir deux conditions: on doit être témoin de l'infraction et l'arrestation doit être effectuée au moment de l'infraction ou dans un délai raisonnable. On doit aussi avoir des motifs raisonnables de croire qu'un agent de la paix ne peut pas procéder à l'arrestation dans les circonstances.
On pourrait dire que quand l'individu est revenu dans le magasin, au lieu de l'arrêter, il aurait fallu appeler tout de suite la police. Mais M. Chen savait d'expérience que bien souvent les policiers n'arrivent pas assez vite et il se disait que l'individu allait encore filer. M. Chen aurait pu invoquer cette défense si elle correspondait à la réalité.
Évidemment, à titre de législateurs, nous ne devrions pas adopter des lois chaque fois qu'un événement inhabituel se produit. Cependant, lorsqu'un événement inhabituel révèle une lacune dans une loi qui constitue, aux yeux de la population, une injustice, je crois qu'il est alors raisonnable que le Parlement prenne des mesures, et nous appuyons cela sans réserve.
Je veux maintenant parler du pouvoir de légitime défense. Comme le secrétaire parlementaire l'a dit, c'est une question complexe. Je ne désapprouve pas la teneur générale de ses observations.
Dans l'état actuel des choses, les articles 34 à 42 du Code criminel portent sur la défense de la personne. Il s'agit de dispositions spécifiques qui permettent la défense de la personne, des biens et des habitations. Il y a des raisons historiques qui expliquent cela.
Dans la disposition sur la légitime défense, il y a deux catégories. La première vise la victime d'une agression non provoquée. L'autre porte sur la victime qui a pu commencer une bataille, mais qui doit se défendre parce que la réaction de l'autre personne est très violente.
Je ne doute pas que les règles sont compliquées. Je consulte le Code criminel annoté. Cela commence avec l'article dont nous parlons. Il y a ensuite une série d'annotations tirées de la jurisprudence et couvrant ce que les tribunaux ont déclaré au sujet des différentes dispositions. Je constate que même s'il s'agit d'articles relativement courts du Code criminel, au moins une dizaine de pages est consacrée aux affaires où une interprétation des articles a été donnée. Cela nous apprend deux choses: premièrement, les dispositions sont contestées relativement fréquemment; deuxièmement, les tribunaux ont souvent donné une interprétation de ces articles.
L'article 41, qui porte sur la défense d'une maison d'habitation et les voies de fait par un intrus, contient ceci:
Quiconque est en possession paisible d’une maison d’habitation [...] est fondé à employer la force pour en empêcher l’intrusion par qui que ce soit, ou pour en éloigner un intrus, s’il ne fait usage que de la force nécessaire.
C'est là une limitation précise du recours à la force. J'ai été victime d'une entrée par effraction dans ma maison. Par exemple, si quelqu'un entrait dans ma maison sans que j'aie la moindre idée de ce qui se passe, je ne pourrais pas prendre un deux-par-quatre, attendre l'intrus au détour d'un couloir et le frapper sur la tête simplement parce que cette personne est dans ma maison. Si je possède une arme enregistrée ou un fusil de chasse, je ne peux pas tirer sur l'individu uniquement parce qu'il est dans ma propriété.
Quand nous étions enfants, nous avons entendu des histoires sur les vols de pommettes. Nous avons peut-être entendu parler de propriétaires qui possédaient des fusils à sel. Je n'ai jamais vu ce type d'armes, mais c'étaient des fusils qui étaient remplis de sel. Nous avions des voisins dont nous avions peur parce que nous croyions qu'ils avaient un fusil à sel. Si une personne se faisait attraper en train de voler des pommettes elle pouvait se faire tirer dessus avec un fusil à sel. Je n'ai jamais rencontré personne à qui cela est arrivé, mais cela ne veut pas dire que cela ne s'est jamais produit. L'utilisation d'un fusil à sel dans de telles circonstances serait probablement illégale; en tout cas, je l'espère. Si une personne entre sur ma propriété et je lui demande de s'en aller, je ne peux pas la cribler de balles si elle refuse. Ce serait faire usage d'une force excessive, ce qui est interdit par le Code criminel.
En droit pénal et dans l'interprétation des lois, les termes sont très importants. C'est d'autant plus vrai lorsque, comme dans le cas de ces dispositions du Code criminel, 100 ans ou plus d'interprétation judiciaire ont aidé à déterminer comment interpréter ces termes. Prenons l'exemple d'une situation où une force plus grande que nécessaire est utilisée. Toute personne qui utilise une force plus grande que nécessaire sera déclarée coupable d'une infraction. En effet, indépendamment des dispositions sur la légitime défense, l'article 26, qui s'applique aussi à l'arrestation par des citoyens, prévoit ceci:
Quiconque est autorisé par la loi à employer la force est criminellement responsable de tout excès de force, selon la nature et la qualité de l’acte qui constitue l’excès.
Nous ne modifions pas ça. Quels que soient les changements apportés aux articles 34 à 42, cette disposition sur la force excessive demeurera. Je dis cela en l'air, mais on pourrait peut-être supprimer la disposition sur l'utilisation d'une force plus grande que nécessaire parce qu'il y a une disposition sur la force excessive à l'article 25. J'utilise seulement cela comme exemple.
Nous convenons qu'il peut y avoir une certaine confusion. Selon la Cour suprême du Canada, la loi peut effectivement prêter à confusion. Elle a encore ajouté à la confusion dans l'affaire McIntosh, en décidant que les articles 34 et 35 ne représentaient pas des démarches distinctes et qu'il convenait de les considérer ensemble. La question est de savoir comment nous pouvons éliminer cette confusion sans causer d'autres problèmes ou encourager les gens à se faire justice eux-mêmes et à poser des gestes dangereux.
Nous appuyons, en principe, l'arrestation par un citoyen, et nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de modifier cette disposition. Pour ce qui est d'examiner toute la question de la légitime défense, allons-nous ouvrir la porte à un usage abusif? Ce principe sera-t-il plus facile à comprendre et à appliquer? Envoyons-nous le bon message aux citoyens? Les recours à l'autodéfense vont-ils se multiplier dans des situations où il aurait été préférable d'appeler la police ou de faire preuve de la plus grande modération? Évidemment, les gens ont le droit de se défendre.
Au fil des années, entre autres aspects du droit, j'ai pratiqué le doit pénal. J'ai eu connaissance du cas d'une personne accusée d'homicide involontaire qui avait été acquittée après avoir invoqué la légitime défense. Les circonstances étaient extrêmement tragiques. L'individu qui est mort n'aurait pas dû mourir. L'affaire était compliquée car il est mort plusieurs jours après que sa tête ait heurté le sol. Il s'agissait simplement de savoir si le coup qui avait provoqué sa chute était une agression ou un geste de légitime défense. Si c'était une agression, son auteur était coupable d'homicide involontaire, même si c'était un coup banal. Si le coup avait été porté en légitime défense, alors, ce n'était plus un homicide involontaire. L'homme a subi un hématome subdural, une fracture du crâne. Il n'a pas été traité correctement à l'hôpital et il est mort trois jour plus tard. La légitime défense est très importante pour cette raison: elle peut faire la différence entre le genre de conséquences que je viens d'invoquer et une défense appropriée contre une accusation. Nous devons être très prudents en la matière.
Nous allons appuyer le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Nous voulons qu'il puisse faire l'objet d'un examen approfondi. Autrement dit, ne pas précipiter les choses Je le précise à l'intention du et du comité. Nous ne voulons pas qu'il soit étudié à toute vapeur. Nous ne voulons pas que son examen se résume à une seule séance. Nous voulons entendre des avocats spécialistes du droit pénal. Nous voulons entendre des experts du ministère de la Justice, de l'Association du Barreau canadien et d'autres aussi. Nous devons examiner la question très sérieusement. Nous voulons nous assurer qu'en apportant des changements, nous ne jetons pas aux orties 100 ans de précédents et tous les avis présentés par les tribunaux jusqu'ici. Si nous repartons de zéro et que nous formulons une nouvelle loi, il faudra peut-être attendre encore 10 ou 20 ans pour accumuler la jurisprudence qui permettra d'en comprendre les ramifications. Est-il vraiment nécessaire d'emprunter cette voie? À mon avis, nous devons répondre à cette question au moyen d'une étude approfondie menée en comité. Je sais que le député d'Athabasca qui a pris la parole tout à l'heure siège à ce comité, tout comme le secrétaire parlementaire, des avocats et d'autres députés ayant une formation juridique qui ont pratiqué dans ce domaine. En outre, au-delà des compétences des membres du comité, nous pourrions profiter de l'expertise de personnes qui ont analysé ces dispositions, qui ont étudié tous les cas et qui peuvent nous empêcher de faire des erreurs.
Cela dit, nous allons appuyer le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, mais nous voulons qu'elle fasse l'objet d'un examen très approfondi en comité.
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Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir participer au débat actuel sur le projet de loi , Loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense. Bien que je n'approuve pas une bonne partie du programme du gouvernement concernant la criminalité et le durcissement des sanctions, je souscris au principe du projet de loi dans ce cas précis. J'ai des réserves, mais je crois qu'on pourra y trouver des réponses adéquates lors des travaux du comité.
Comme mes collègues l'ont indiqué, ce projet de loi vise à remplacer les dispositions actuelles du Code criminel sur la légitime défense et la défense des biens. C'est un changement qui est le bienvenu, car la législation canadienne en matière de légitime défense est complexe et dépassée, comme le démontre la jurisprudence elle-même. Ce constat a été mis en évidence encore davantage par des affaires récentes très médiatisées ayant produit des résultats qui sont loin d'être idéaux, comme on l'a relevé ce matin dans le cours du présent débat. Le projet de loi aurait pour effet d'apporter des éclaircissements utiles pour les procureurs, les juges et les jurys de même que pour ceux qui pourraient rencontrer des circonstances où ils auraient besoin de se défendre ou de défendre leurs biens.
Bref, j'appuie cette modification législative nécessaire. D'ailleurs, il faudrait réviser et simplifier la totalité du Code criminel, comme je l'ai indiqué pendant que j'étais ministre de la Justice et procureur général. Je suis certain que le gouvernement s'engagera à procéder à une réforme approfondie du droit pénal et rétablir, à cette fin, la Commission du droit du Canada, que nous considérions, moi et d'autres personnes, comme un instrument très utile dans ce domaine.
Le projet de loi se borne à modifier une section du Code criminel, alors il reste beaucoup à faire. Par exemple, il est important de souligner que le texte du projet de loi C-10 contient encore un passage discordant, même si celui-ci a été relevé au sein du comité, ce qui ajouterait, peut-être par inadvertance, une autre erreur au Code criminel. De plus, lors des délibérations du comité, nous avons constaté quatre erreurs dans la version française du Code criminel actuel ainsi qu'un manque de concordance entre les versions anglaise et française. Je suis d'avis que, si nous comptons faire des ajouts au Code criminel, comme le propose le projet de loi C-10, nous devrions corriger le Code criminel dans la mesure du possible.
Je reviens au projet de loi . Les modifications des dispositions sur la légitime défense auraient pour effet de remplacer les dispositions complexes qui se trouvent actuellement dans quatre articles différents du Code criminel par une nouvelle disposition unique. Pour le moment, les articles 34 à 37 du Code criminel prévoient des motifs de défense distincts pour ceux qui emploient la force pour assurer leur protection ou celle d’une autre personne en cas d’attaque, selon qu’ils ont provoqué l’attaque ou non, et selon qu’ils avaient ou non l’intention d’utiliser une force mortelle. Le recours à une force mortelle est permis seulement dans des circonstances très exceptionnelles, par exemple si la personne l’a jugé nécessaire en vue de se soustraire elle-même à la mort ou à des lésions corporelles graves.
Les nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi permettraient à une personne croyant raisonnablement qu’on risque d'employer la force ou de menacer d'employer la force contre elle-même ou une autre personne, de commettre un acte raisonnable pour se protéger ou protéger l’autre et ce, en vertu d’un article unique du Code criminel. Le projet de loi établit des facteurs dont il faudra tenir compte pour décider si l’acte était raisonnable. J’y reviendrai dans un instant.
Concernant la défense des biens, les articles 38 à 42 du Code criminel énumèrent plusieurs motifs de défense relatifs à la « paisible possession » des biens. Ces motifs varient selon qu’il s’agit de biens meubles ou immeubles et que le bien est défendu en vertu d’un droit ou non. La proportionnalité du mode de défense et de la menace est aussi prise en compte. En outre, le Code criminel exige qu’on tienne compte du degré de force employé pour défendre un bien.
Je n’ai pas l’intention de discuter des dispositions du projet de loi concernant ces motifs particuliers de défense. Je résume en disant que le projet de loi révoquerait l’interprétation que la jurisprudence et les experts ont faite de ces dispositions complexes sur la défense des biens, établies dans cinq articles du Code criminel, et qu’il supprimerait une partie des distinctions faites entre la défense de biens immeubles et la défense de biens meubles.
En vertu du projet de loi , une nouvelle disposition sur la défense des biens serait créée. Cette disposition éliminerait beaucoup d’autres distinctions qui sont actuellement établies dans le Code, dont certains pourraient dire qu’elles n’ont d’autre objectif que de brouiller les faits et l'interprétation. En termes clairs, les nouvelles dispositions permettraient à une personne en paisible possession d’un bien de commettre un acte raisonnable, y compris l’usage de la force, pour protéger un bien meuble qu’une autre personne voudrait prendre ou endommager, ou un bien immeuble où une personne voudrait entrer.
Je m’inquiète en particulier non des dispositions relatives à la défense des biens, que j’appuie, mais plutôt de la nouvelle disposition concernant la légitime défense que je trouve excessivement vaste, même si je suis favorable à cette approche.
Je dirai d’entrée de jeu qu’il n’est pas vrai qu’en l’absence de ce projet de loi, il n’y aurait ni droit de légitime défense ni droit d’arrestation par des citoyens. Les deux droits existent en vertu de la common law. Les deux ont été codifiés. En fait, si nous n’avions pas eu une base législative, nous pourrions toujours recourir à la common law. La réforme législative nous permettra de préciser et, je l’espère, d’améliorer notre approche et notre compréhension de la question.
La première préoccupation découle du fait que le Code criminel prévoit actuellement ce qui suit: « Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque […] » Cette disposition limite la légitime défense aux situations d’agression, à condition qu’il n’y ait pas eu provocation.
Les nouvelles mesures législatives supprimeraient complètement le critère de l’agression en parlant d’emploi ou de menace d’emploi de la force. Elles supprimeraient également l’élément de provocation. Je crois que c’est là que l’étude du comité sera très utile.
Quelle forme d’emploi ou de menace d’emploi de la force les nouvelles mesures législatives envisagent-elles? On peut considérer qu’il s’agit ici de force physique, mais il serait peut-être bon alors de le préciser. On peut également se demander si le projet de loi envisage aussi la menace d’emploi de la force sur un plan économique, par exemple dans une situation de négociation. Cela ne revient pas à dire que la limitation actuelle de la légitime défense aux cas d’agression est justifiée, mais nous pourrions sans le vouloir ouvrir la porte à d’autres revendications et préoccupations.
Le projet de loi propose une liste de facteurs à considérer pour déterminer si les mesures prises sont raisonnables dans les circonstances. Si, comme je l’ai noté, le Code criminel mentionne la provocation, le projet de loi, tout en supprimant cet élément, impose de tenir compte du rôle joué par la personne dans l’incident.
On peut donc se demander si cette disposition vise à prendre en compte la provocation. Nous pourrions songer à modifier la disposition en lui ajoutant « y compris la question de savoir s’il y a eu provocation de sa part ». Pour moi, cela rendrait plus claire et la règle et son objet, parce qu’il ne conviendrait peut-être pas de faire abstraction de toute la jurisprudence entourant la notion de provocation.
J’aimerais maintenant examiner de plus près la liste des facteurs, que nous pourrions avoir à étudier au comité, même si, comme je l’ai dit, j’appuie le principe du projet de loi.
Le facteur le plus inquiétant ou le plus déconcertant se trouve à l’alinéa e) de ce qui deviendrait l’article 34.2 du Code criminel. Le facteur, dont il faut tenir compte pour déterminer si les mesures prises en état de légitime défense étaient raisonnables dans les circonstances, parle de la taille, de l’âge et du sexe des parties en cause. Je peux comprendre la taille et l’âge. Faisant partie des doyens de la Chambre, je peux confirmer que les gens posent parfois certaines hypothèses concernant l’âge — allant parfois jusqu'à présumer du départ imminent d’un député à la retraite — qui peuvent s’écarter considérablement de la réalité.
La mention du sexe dans ce facteur justifie une certaine critique. On pourrait peut-être qualifier cette critique de féministe, mais elle n’est pour moi que fondée sur la valeur intrinsèque de cette mention. Qu’est-ce que le sexe a vraiment à voir avec ce qui est raisonnable ou ce qui ne l’est pas? Ne suffit-il pas dans ce cas de déterminer s’il y avait un déséquilibre de taille entre les parties à l’incident? Si nous examinons un incident sous l’angle d’un déséquilibre de puissance ou de force, pouvons-nous utiliser ces mots pour exprimer une perception de la force susceptible d’être exercée? Si nous ajoutons le sexe, nous pourrions ouvrir la porte au retour de toute une série de mythes et de stéréotypes qui ont malheureusement miné notre droit pénal, comme nous avons notamment pu le constater dans le domaine de l’agression sexuelle.
Cela ouvrirait la porte à toutes sortes de suppositions au sujet des deux sexes, soit dans les décisions des policiers d’intenter des poursuites, soit dans les arrêts des juges, par exemple.
Ce qui est préoccupant, c’est qu’on risque de revenir à l’idée dépassée de la femme faible et sans défense et de renforcer cette idée. Si la femme n’est pas armée, il y a là un facteur réel, comme le prévoit l’alinéa d): la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme. Là encore, on se demande ce que peut bien ajouter la mention du sexe.
La présence de cette notion dans le texte donne à penser qu’il existe quelque différence fondamentale entre les capacités de se protéger des hommes et des femmes. Bien que je demeure peu convaincu qu’il faille aborder la question de cette façon, ce qui compte, c’est la différence de taille et de force et le fait qu’il y ait des armes ou non, et non le sexe de la personne.
Sur ce même point, il se peut aussi que nous ayons des stéréotypes au sujet de la masculinité. Des hommes qui sont attaqués ou sentent qu’une attaque est imminente peuvent avoir une réaction agressive, alors que d’autres seront plus passifs. La question qui se pose est celle de savoir si ce facteur suppose qu’un seul type de réaction est acceptable. Voilà un point qui devrait peut-être être abordé pendant les délibérations du comité.
Un dernier facteur que nous voudrons peut-être examiner est celui de l’alinéa f): la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace. Je peux imaginer que cela suscitera des difficultés dans le cas de relations conjugales où il y a une histoire longue et complexe entre les conjoints, et le service de police ou le juge mettront peut-être l’accent sur la relation physique ou la force, sans tenir compte de considérations comme la dépendance économique ou la force psychologique, qui peuvent avoir leur importance.
Je crains même, plus particulièrement, que lorsque des couples qui ont eu des relations perturbées au fil du temps et qu’un des conjoints va trop loin, le juge ne trouve que c’est normal au lieu de considérer le geste comme un acte grave de violence conjugale. Voilà encore un point qu’il vaudra mieux étudier au comité.
Mon dernier motif de préoccupation au sujet du projet de loi a été soulevé par de nombreux universitaires et a encore été évoqué ce matin. C’est le risque que certains ne cherchent à se faire justice eux-mêmes, ce que nous ne voulons sûrement pas encourager.
Quant aux propos que j’ai tenus plus tôt au sujet de la portée de la légitime défense, qui ne se limiterait plus aux cas d’attaque, et de l’ajout du terme « menace » d’emploi de la force, je dirai que nous élargissons peut-être un peu trop la portée du projet de loi, au point de donner une permission à des gens qui ne devraient pas se mêler de ces questions et laisser plutôt agir nos premiers intervenants qui sont bien informés et qui portent l'uniforme.
Je vois d'un bon oeil cette modification de la législation pénale du Canada. Elle clarifiera et simplifiera les questions de légitime défense et de défense des biens. Toutefois, comme je l’ai dit, certains des facteurs énoncés dans le projet de loi me préoccupent. J’espère que, grâce à des délibérations sérieuses et éclairées au comité, nous pourrons aborder ces questions et trouver des solutions raisonnables. Le projet de loi peut recevoir un appui total de la Chambre, qui en appuie sans réserve le principe, mais l’appui pourrait être meilleur encore si on tenait compte des préoccupations que certaines dispositions suscitent.
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Madame la Présidente, je suis heureuse de parler aujourd'hui du projet de loi C-26, et portant sur l'arrestation par des citoyens et les moyens de défense relativement aux biens et aux personnes.
Le projet de loi prévoit une extension raisonnable des pouvoirs d'arrestation par les citoyens et simplifie les dispositions du Code criminel portant sur la défense des personnes et des biens. Les réformes en question sont équilibrées et nécessaires. Aujourd'hui, je voudrais aborder certains des détails de la législation concernant l'arrestation par des citoyens.
De nombreux députés savent ce qui a conduit aux réformes concernant l'arrestation par des citoyens qui sont proposées dans le projet de loi. Pour la gouverne des députés qui connaissent peut-être un peu moins bien cette question, permettez-moi d'abord de vous expliquer en quoi consiste une arrestation. Il s'agit de saisir ou de toucher le corps d'une personne avec l'intention de placer cette dernière en détention. Le simple fait de dire à une personne « vous êtes en état d'arrestation » peut constituer une arrestation si la personne visée obtempère à la demande.
Un éventail de lois fédérales et provinciales prévoient des pouvoirs d'arrestation. Le Code criminel en renferme plusieurs. À l'heure actuelle, aux termes de l'article 495, un policier peut arrêter sans mandat un individu qu'il trouve en train de commettre un acte criminel ou une personne qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel.
Pour que l'arrestation soit légale, l'agent qui procède à l'arrestation doit croire qu'il a des motifs requis pour le faire, lesquels motifs doivent être établis de manière objective, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable qui se mettrait à la place de l'agent serait d'avis qu'il existe des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation, parce qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise.
En comparaison, à l'heure actuelle, aux termes de l'article 494 du Code criminel, un citoyen peut procéder à l'arrestation, sans mandat, d'un individu en train de commettre un acte criminel, un individu en train de fuir des personnes légalement autorisées à l'arrêter et un individu qu'il trouve en train de commettre une infraction criminelle liée à ses biens. Dans tous les cas, l'article 494 prévoit l'obligation légale de livrer aussitôt la personne arrêtée à la police, ce que les tribunaux ont interprété comme étant le plus rapidement possible compte tenu de toutes les circonstances.
Comme les députés peuvent le voir, il y a une distinction nette entre le pouvoir d'arrestation qu'ont les agents de police et celui des citoyens, et ce, pour de bonnes raisons qui sont souvent évidentes. Les policiers ont pour fonction d'appliquer le droit pénal. Ils ont la formation voulue dans le recours à la force. Ils savent notamment comment éviter d'être blessés eux-mêmes et comment infliger le moins de blessures possibles à autrui. De plus, ils ont une formation juridique leur permettant de savoir si une arrestation est légale. Enfin, les policiers sont assujettis à une surveillance et ainsi, un citoyen victime d'une bavure a des recours.
Les simples citoyens ne sont pas soumis à ces conditions, mais quoi qu'il en soit, la loi reconnaît que, parfois, seul un simple citoyen est en mesure d'agir face à un acte criminel. La loi n'atteindrait pas son objectif de protection de l'ordre public si elle ne laissait au citoyen aucun autre choix que de regarder sans broncher les criminels commettre leurs infractions. La loi doit donner et donne aux citoyens, dans des circonstances limitées, le pouvoir de participer à l'administration de la justice au besoin.
Ainsi, la règle qui nous dérange est celle qui s'applique lorsque le citoyen veut arrêter une personne ayant commis une infraction relative à des biens. Comme je l'ai déjà mentionné, le droit du citoyen d'effectuer une arrestation peut être exercé au moment où l'infraction à l'égard d'un bien est commise. Autrement dit, l'auteur de l'infraction doit être en train de la commettre pour qu'un citoyen puisse l'arrêter. Le droit est donc limité, et la loi n'autorise pas le citoyen à effectuer l'arrestation par la suite, ne serait-ce que peu de temps après qu'il a constaté l'infraction.
Je pense que nous pouvons tous voir que l'interdiction faite au citoyen d'effectuer une arrestation à un autre moment qu'au cours de l'infraction peut engendrer des injustices dans certaines situations. Les Canadiens désapprouvent les accusations qui sont portées contre un citoyen ayant essayé d'arrêter l'auteur d'une infraction peu de temps après, par exemple lorsque cette personne revient sur les lieux quelques heures plus tard et qu'elle peut être identifiée comme celle qui a volé les biens.
Par conséquent, le projet de loi vise à apporter une modification simple consistant à prolonger la période pendant laquelle il est permis à un citoyen d'effectuer une arrestation. Il s'agit de modifier le paragraphe 494(2) du Code criminel du Canada pour permettre au propriétaire d'un bien ou aux personnes autorisées par lui à arrêter une personne non seulement pendant qu'elle commet une infraction criminelle relative à ce bien, mais également dans un délai raisonnable par la suite.
Beaucoup de questions ont été posées quant à ce que l'on peut considérer comme un délai raisonnable pour effectuer une arrestation. Il n'est pas possible de fixer un délai d'une durée exacte, par exemple, un délai de quatre heures suivant l'infraction. On risquerait ainsi de causer des injustices dans certains cas, tout comme les injustices qu'engendre la disposition actuelle limitant le droit de procéder à l'arrestation au moment où le crime est commis.
De plus, il n'est pas possible de définir ou de décrire ce qu'est un délai raisonnable. Il faut en juger au cas par cas, selon les faits et les circonstances relatifs à l'arrestation, notamment le temps s'étant écoulé, les raisons expliquant cet intervalle ainsi que la conduite du suspect et du citoyen ayant effectué l'arrestation.
Les réformes proposées contiennent aussi une exigence additionnelle pour les situations où l'arrestation est effectuée une fois le crime commis. Cette exigence, c'est que pour que l'arrestation soit légale, la personne qui l'effectue doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'il ne serait pas possible aux policiers de procéder eux-mêmes à l'arrestation. Le projet de loi intégrerait cette nouvelle précaution à la loi, de façon à éviter que la loi encourage des comportements de justiciers. Cette exigence vise à garantir que les citoyens auraient recours à ce pouvoir d'arrestation élargi uniquement en cas d'urgence, et seulement après s'être demandés si des policiers seraient en mesure de procéder à l'arrestation.
Il faut garder à l'esprit que cette nouvelle exigence vient s'ajouter aux autres exigences de la Loi sur l'arrestation par des citoyens. À titre d'exemple, comme je l'ai déjà mentionné, le citoyen qui arrête quelqu'un a le devoir de confier cette personne aux forces policières le plus tôt possible. Ainsi, on évite qu'un citoyen se retrouve dans une situation où il arrêterait un présumé criminel et devrait l'enfermer pendant une longue période. Dès que le suspect a été appréhendé, il doit être livré à la police. Un citoyen qui contrevient à cette règle risque de rendre l'arrestation illégale et d'être poursuivi en justice.
Ces exigences sont raisonnables et créent un juste équilibre entre les droits des citoyens, qui peuvent agir afin de prévenir un crime et d'appréhender des criminels, et l'objectif général qui vise à ce que la police s'occupe des suspects. En effet, les corps policiers ont le devoir de préserver la paix publique et doivent demeurer le premier et le principal organisme d'exécution du droit pénal. C'est ce que permettra la nouvelle exigence, particulièrement en combinaison avec les autres.
Finalement, afin de rendre les choses encore plus claires, les réformes précisent que les dispositions en vigueur touchant le recours à la force et les arrestations s'appliquent aussi aux arrestations effectuées par des citoyens. Ces règles sont décrites à l'article 25 du Code criminel. Elles régissent tous les gestes posés par des policiers ou des citoyens qui agissent dans le but d'appliquer ou d'exécuter la loi. D'après l'article 25 du Code criminel, si un particulier qui procède à une arrestation « agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables », il est « fondé à employer la force nécessaire pour cette fin. »
Cela dit, je souligne que la personne qui procède à une arrestation ne sera jamais autorisé à recourir à une force destinée à causer la mort ou des lésions corporelles graves ou susceptible de le faire, sauf si elle a des motifs raisonnables de croire qu'il est justifié de le faire afin d'assurer sa propre protection ou d'éviter la mort ou des lésions corporelles graves à un tiers placé sous sa protection. Ce sont les mêmes règles qui s'appliquent aux policiers. Les avantages est les objectifs d'une telle mesure coulent de source.
Il s'agit de réformes capitales qui garantiront aux Canadiens que s'ils arrêtent quelqu'un qu'ils ont surpris à commettre un crime, ils seront considérés sur le plan juridique comme des agents d'application de la loi agissant en situation d'urgence et non comme des criminels.
Toutefois, le projet de loi ne se limiterait pas à ça: il simplifierait également les dispositions législatives relatives à la défense des biens et des personnes, qui ont grandement besoin d'être précisées. Il y a des lustres que les barreaux, les associations d'avocats et les juges demandent des réformes de cet ordre. Non pas que la loi ne confère pas aux Canadiens le pouvoir de se défendre, mais son libellé est si opaque qu'il est très difficile de définir ce qui est ou non autorisé.
Néanmoins, il y a d'autres conséquences. Lorsqu'une loi opaque est invoquée dans un tribunal, les procureurs et les avocats doivent consacrer du temps et un argumentaire à en défendre leur propre interprétation, et il peut être difficile pour les juges de donner leurs directives aux jurys. Il en découle un prolongement des procès, l'interjection d'appels inutiles et des coûts additionnels pour le système.
Bref, le projet de loi vise à simplifier l'encadrement des deux types de défense afin que les Canadiens comprennent les règles qui régissent leur capacité à se défendre eux-même et à défendre leurs proches et leurs biens. Simplifier les mesures législatives permettrait aussi aux policiers de disposer de directives plus claires lorsqu'ils sont dépêchés sur une scène de crime. Ils seraient ainsi mieux à même de prendre les bonnes décisions pour déterminer s'il y a ou non lieu de porter des accusations.
Les nouvelles défenses proposées se résument à quelques simples considérations. Dans un cas de défense de la personne, les intervenants ont-ils perçu de façon raisonnable une menace d'utilisation de la force contre eux ou contre une autre personne ou ont-ils été assaillis?
Dans un cas de défense des biens, les intervenants ont-ils perçu de façon raisonnable que quelqu'un portait atteinte, ou s'apprêtait à le faire, à une propriété en leur possession, notamment en prenant, endommageant, détruisant un bien ou en entrant dans une propriété sans autorisation légale?
Dans les deux cas, les intervenants ont-ils réagi dans le but de se protéger ou de protéger une autre personne contre l'utilisation de la force ou dans le but d'empêcher qu'on porte atteinte à un bien ou une propriété?
Enfin, dans les deux cas, les intervenants ont-ils agi de façon raisonnable dans les circonstances?
Voilà les éléments clés de défense qui permettent à une personne en situation d'urgence de poser des actes qui, dans d'autres circonstances, seraient considérés comme une infraction criminelle. Tout comme il n'est pas possible de fournir une définition ou une réponse abstraite pour ce qui est du délai raisonnable pour procéder à une arrestation, il n'est pas non plus possible d'établir quels actes sont raisonnables en situation d'auto-défense ou de défense des biens.
Ce qui est raisonnable dépend entièrement des circonstances et des perceptions de la personne confrontée à une menace. De nombreuses considérations sont pertinentes. En fait, une liste des facteurs susceptibles d'être considérés est fournie pour ce qui est de l'auto-défense et de la défense d'une autre personne. Cette liste comprend divers facteurs qui se présentent fréquemment dans les cas d'auto-défense, notamment la nature de la menace, la présence d'armes, l'existence d'un rapport préalable entre les parties et la proportionnalité entre la menace et la réaction de défense.
Dans un cas de défense des biens, la nature de la menace est vraisemblablement la considération la plus importante. Un individu qui menace de mettre le feu à la maison du voisin justifie une réaction défensive plus vigoureuse qu'un individu qui menace d'apposer un autocollant indésirable sur la voiture du voisin.
J'ose espérer qu'il est maintenant clair pour quelles raisons le caractère raisonnable de la réaction de défense peut uniquement être évalué en fonction de l'ensemble des faits.
J'aimerais simplement aborder quelques points mineurs concernant la défense des biens. Il est crucial de comprendre les limites légales du recours à la force en ce qui concerne la défense des biens. Cette défense ne permet pas aux gens de recourir à la force pour protéger ou affirmer des droits de propriété.
Les droits de propriété et bien d’autres intérêts légaux à l’égard de biens relèvent du droit des biens, qui est du ressort des provinces. Les différends en la matière doivent se régler devant les tribunaux civils si les parties n’arrivent pas à s’entendre.
La défense des biens ne s’applique que dans les cas où la possession physique du bien est immédiatement menacée ou que l’état du bien est immédiatement menacé, par exemple, si on menace de le détruire ou de le rendre inutile et inefficace. Cette défense a sa raison d’être parce qu’en situation d’urgence, on ne peut pas s’en remettre aux tribunaux. Si une personne vole ou détruit les affaires de quelqu’un d’autre, elle aura vite fait de disparaître avant que les tribunaux puissent intervenir.
La fonction globale du droit criminel est de favoriser l’ordre public. La loi ne peut donc pas autoriser le recours à la force pour protéger des biens en n’importe quelles circonstances, sauf au moment même où une menace est telle que ne pas agir en attendant de faire un recours civil risquerait d’entraîner la perte permanente du bien.
La loi permet aux gens de préserver le statu quo, et non de régler des différends par la violence.
J’aimerais aborder un dernier point relativement à la défense des biens. Les nouvelles dispositions législatives sur la défense des biens, tout comme les dispositions actuelles, ne définissent pas expressément de limites sur ce qu’il est permis de faire pour défendre des biens; toutefois, je signale aux députés que nos tribunaux criminels ont toujours clairement condamné le recours intentionnel à une force mortelle pour défendre des biens parce que l’usage d’une telle force est considéré comme déraisonnable.
Dans les cas où une personne agit pour se défendre ou défendre quelqu’un d’autre, le recours intentionnel à une force mortelle est permis, selon les circonstances, car c’est une vie qui est menacée. Il est tout à fait raisonnable qu’une personne qui est dangereusement menacée par une autre cherche à se protéger. Si la menace est telle qu’il est raisonnable de la contrer par une force mortelle, l’usage d’une telle force peut être considéré comme acceptable, selon les circonstances.
Pour les menaces à la propriété, il en va autrement. La vie humaine compte toujours plus que notre intérêt pour un bien. Donc, dans les cas où l’endommagement ou la destruction d’un bien doivent être mis en balance avec la vie humaine, l’intérêt pour le bien doit toujours passer après l’intérêt supérieur qu’est la vie humaine.
Dans certaines situations, une menace qui, en apparence, pèse seulement sur les biens pourrait aussi représenter un risque pour la vie humaine. Par exemple, une personne qui est victime d'un cambriolage a le droit de recourir à la force pour expulser le cambrioleur parce qu'elle croira vraisemblablement que sa propriété est menacée. On ne doit pas en conclure pour autant qu'elle est sans recours et qu'elle doive laisser le cambrioleur agir sans rechigner. Dans ce cas-là aussi, elle peut se sentir menacée par la simple présence du cambrioleur.
Lorsqu'un intrus pénètre chez quelqu'un par effraction, surtout la nuit, la victime pourrait raisonnablement y percevoir un danger pour sa vie ou pour la vie des autres occupants. Il peut alors devenir légitime et justifié d'invoquer la légitime défense ou la défense d'autrui, même si cela devait causer la mort du cambrioleur.
Je pense que tous les députés conviendront que des défenses claires et simples, de même qu'une loi sur l'arrestation par des citoyens qui prévoit une certaine souplesse en fonction des circonstances permettront aux Canadiens de prendre les mesures nécessaires et raisonnables qui s'imposent lorsqu'ils n'auront pas d'autre choix.
J'exhorte tous les députés à appuyer cette mesure législative importante.
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Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi .
Voilà un excellent exemple, bien rare je dois le dire, de bonne loi proposée par le gouvernement parce qu'il a recherché et obtenu un consensus sur le fond du projet de loi.
Tous les partis sont d'accord sur le fond. Tous en ont parlé publiquement et ont annoncé d'avance au gouvernement depuis deux ans que cette mesure modifierait positivement le Code criminel. Comme je l'expliquerai un peu plus tard, cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas examiner de près certaines dispositions du projet de loi. Je suis sûr qu'on le fera au comité.
En gros, le projet de loi modifie les conditions dans lesquelles une arrestation par des citoyens peut avoir lieu. Il précise le délai dans lequel une personne peut se défendre ou défendre son bien. Ce sont de bonnes choses et ce n'est pas trop tôt.
Nous avons là l'exemple d'une bonne loi. Le gouvernement peut recevoir un appui massif quand il recherche un consensus. C'est aussi le moyen de faire adopter sans problème et rapidement un projet de loi, comme le souhaitent tous les Canadiens, au lieu d'avoir un projet de loi qu'on va freiner, qui va se heurter à de l'obstruction et être massivement critiqué.
Je voudrais simplement dire que ceci contraste avec la démarche caractéristique du gouvernement qui consiste en général à foncer tête baissée avec des projets de loi hautement partisans, à caractère idéologique et souvent controversés qui ne reflètent pas l'opinion majoritaire au Canada.
Les députés ministériels ont manifestement bien appris leur récitation. Il est rare qu'un jour se passe à la Chambre sans qu'on en entende quatre ou cinq répéter que la population canadienne leur a confié un mandat fort à l'appui de leur programme. Nous savons bien que c'est du boniment politique et que ce n'est pas vrai parce que nous savons compter.
Nous savons qu'aux dernières élections fédérales, 61 p. 100 des Canadiens ont voté et que le gouvernement a obtenu l'appui de 39 p. 100 de ces 61 p. 100. Nous savons aussi que 61 p. 100 des Canadiens n'ont pas confié de mandat au gouvernement conservateur. Le gouvernement ferait bien de s'en souvenir. S'il veut avoir un programme législatif positif et fructueux, il ferait bien de se souvenir qu'il vaut beaucoup mieux chercher un consensus, comme il l'a fait avec ce projet de loi, pour gouverner de façon plus saine et plus démocratique.
Je tiens à féliciter le gouvernement pour ce projet de loi. Notre regretté chef Jack Layton plaçait l'équité au-dessus de tous les autres attributs de la vie politique. Il disait souvent que le travail de l'opposition était de proposer tout autant que de s'opposer, et que quand on s'oppose il faut le faire de façon constructive. Il aurait été le premier ici à recommander qu'on rende à César ce qui appartient à César.
En l'occurrence, je suis heureux de donner acte au gouvernement d'avoir proposé ce projet de loi. Ce n'est pas difficile à faire puisque l'idée de fond avait en fait été proposée par les néo-démocrates, et plus précisément par ma collègue de . J'y reviendrai dans un instant.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de la genèse du projet de loi . Il vise à modifier l'article 494 du Code criminel qui concerne l'arrestation par des citoyens, en le rendant plus souple. Un citoyen pourra ainsi procéder à une arrestation sans mandat dans un délai raisonnable après l'incident. En vertu du texte actuel de l'article 494, l'arrestation par un citoyen doit avoir lieu au moment de l'infraction.
À mesure que je décris la genèse du projet de loi, les députés comprendront mieux en quoi la définition actuellement utilisée dans le Code criminel s’est avérée problématique.
Le projet de loi irait plus loin. Il modifierait également les articles du Code criminel qui portent sur la légitime défense et la défense des biens, soit les articles 35 à 42 du Code criminel du Canada. Selon le gouvernement, ces changements constituent des réformes bien nécessaires pour simplifier et préciser des dispositions complexes du Code criminel en matière de légitime défense et de défense des biens. Ils préciseraient en outre quand le recours à une force raisonnable est justifié.
On me dit que le libellé actuel figure dans le Code criminel depuis très longtemps. D’après ce que je sais, il s’agit peut-être même du libellé original ou au moins d’un texte qui a plus de 50 ans, sinon presque 100 ans. Il est toujours bon pour nous, législateurs, de revoir le libellé de nos lois et de vérifier s’il est à jour et si les Canadiens peuvent le comprendre.
Comme nous le savons, l’un des principes du droit canadien suppose que les citoyens connaissent la loi. Pour que les citoyens puissent se conformer au droit criminel dans notre pays, ils doivent évidemment le comprendre.
Il est bon d’examiner concrètement ces articles du Code criminel. Je ne suis pas entièrement convaincu que le libellé du projet de loi corresponde exactement à ce que nous voulons, mais je félicite le gouvernement d’avoir attiré notre attention sur ces articles. Je crois effectivement que le projet de loi aide beaucoup, même sous sa forme actuelle, à préciser ces dispositions complexes.
La moitié du projet de loi propose des mesures que les néo-démocrates ont déjà demandées, dans le cadre du projet de loi d’initiative parlementaire que ma collègue de a déposé il y a un an et demi. Il s’ensuit donc que nous allons appuyer le projet de loi, du moins à l’étape de la deuxième lecture. La partie du projet de loi que nous avons proposée est celle qui modifie l’article 494, relatif à l’arrestation par un simple citoyen, pour autoriser les arrestations sans mandat pendant un délai raisonnable suivant la perpétration des infractions.
Je tiens à bien faire comprendre que nous devons agir avec la plus grande prudence, car l’élargissement du rôle des citoyens pour leur permettre d’intervenir dans des arrestations ou de recourir à la force pour se défendre ou défendre leurs biens doit être soigneusement encadré. Nous ne voulons pas encourager les citoyens à s’arroger un rôle malsain ou dangereux de justicier. L’équilibre entre, d'une part, veiller à ce que les citoyens aient le droit d’agir avec raison et logique pour se protéger et protéger leurs biens et, d'autre part, leur permettre de contribuer à l’arrestation de criminels doit être assuré de façon équitable, sûre et légale.
J’exposerai brièvement le contexte du projet de loi, c’est-à-dire la raison pour laquelle ce projet de loi a été présenté à la Chambre.
Le 23 mai 2009, M. David Chen, qui est propriétaire du Lucky Moose Food Mart à Toronto, a appréhendé un homme, M. Anthony Bennett, qui avait déjà commis un vol dans son magasin. M. Bennett a été filmé par la caméra de sécurité alors qu’il volait des articles dans le magasin. Il a quitté le magasin, mais il est revenu au Lucky Moose une heure plus tard. M. Chen, le propriétaire, et deux de ses employés ont alors appréhendé M. Bennett. Ils l’ont attaché, puis enfermé à l’arrière d’une camionnette de livraison avant d’appeler la police. Quand les policiers sont arrivés, ils ont fait le point sur la situation et appliqué le Code criminel tel qu’il est actuellement. Au bout du compte, ils ont, de façon inique, porté contre M. Chen des accusations d’enlèvement, de port d’arme dangereuse -- un couteau polyvalent, que la plupart des employés d’épicerie ont normalement sur eux —, de voies de fait et de séquestration.
Nous nous sommes retrouvés avec le cas d'un commerçant qui voulait protéger ses biens, qui avait une preuve irréfutable que l'individu l'avait volé — non seulement dans les heures précédentes, mais à plusieurs occasions dans le passé — et qui a fait ce que, selon moi, toute personne raisonnable ferait dans les circonstances. Il a appréhendé l'individu et il a appelé la police.
Par la suite, les procureurs de la Couronne ont laissé tomber les accusations d'enlèvement et de port d'arme, mais ils ont conservé celles de séquestration et de voies de fait.
Encore une fois, selon le libellé actuel du Code criminel, un propriétaire peut uniquement faire une arrestation de citoyen si le présumé contrevenant est pris sur le fait. Finalement, M. Chen et ses deux coaccusés n'ont pas été reconnus coupables de séquestration et de voies de fait le 29 octobre 2010. Nous discutons souvent de décisions judiciaires que nous n'aimons pas, ou nous critiquons les juges lorsque nous avons le sentiment qu'ils n'ont pas pris la bonne décision. Dans ce cas-ci, tous les Canadiens féliciteraient le juge d'avoir eu la sagesse de rendre justice en dépit des dispositions du Code criminel.
Par ailleurs, en août 2009, Anthony Bennett a plaidé coupable à une accusation de vol et il a été condamné à 30 jours de prison.
Je veux prendre quelques instants pour dire respectueusement à ceux qui croient que le projet de loi encourage les gens à se faire justiciers que ce n'est pas le cas. Il n'élargit pas les pouvoirs actuels des citoyens en matière d'arrestation. Il modifie simplement le délai au cours duquel l'arrestation peut être faite. À l'heure actuelle, si M. Chen avait attrapé M. Bennett au moment même où il volait, il aurait eu pleinement le droit d'agir comme il l'a fait. Toutefois, étant donné que l'arrestation a été faite une heure plus tard, son geste devenait un acte criminel en vertu de la loi actuelle. Je pense que tous les Canadiens sont d'accord avec les députés pour dire que cette façon d'appliquer la loi n'est ni raisonnable ni logique.
En février 2011, le gouvernement a présenté le projet de loi , qui s'inspirait du projet de loi d'initiative parlementaire de la députée de . Je signale qu'immédiatement après que des accusations eurent été portées contre M. Chan, c'est ma collègue de Trinity—Spadina qui a rencontré M. Chan et qui l'a aidé à présenter son point de vue aux médias et au public. La députée s'est ensuite mise au travail, comme elle le fait toujours, et elle a rédigé puis présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui prévoyait exactement ce que propose le projet de loi , c'est-à-dire une prolongation du délai pendant lequel un citoyen peut faire une arrestation.
Je félicite de nouveau le gouvernement d'avoir agi judicieusement en appuyant ce projet de loi; c'est tout à son honneur. Les conservateurs ont su reconnaître une bonne idée lorsqu'elle s'est présentée. Cela démontre également que le Parlement peut très bien fonctionner, malgré ce qu'en pensent certains Canadiens. Ils nous arrivent de collaborer et de promulguer une loi qui améliore le pays dans son ensemble.
Malheureusement, le projet de loi d’initiative parlementaire de la députée et le projet de loi sont morts au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissout, en mars 2011. Le projet de loi présenté en cette 41e législature est presque identique au projet de loi de la législature précédente.
J'aimerais me pencher sur d'autres dispositions du Code criminel visées par le projet de loi. En plus de modifier l'article 494 du Code criminel, le projet de loi , comme le projet de loi qui l'a précédé, propose également de modifier les dispositions du Code criminel concernant la défense des biens et de la personne. Le projet de loi C-26 propose une modification importante du libellé des articles 34 à 42 du Code criminel. Cinq de ces articles sont tirés de la première version du Code criminel, qui remonte à 1892. Comme je l'ai mentionné, il est grand temps de moderniser et de clarifier ce libellé.
Quant aux cours de justice, elles ont également fait valoir que ces dispositions manquent de clarté. Par exemple, les dispositions actuelles du Code criminel concernant la légitime défense ont été jugées trop compliquées et imprécises, ce qui leur a valu maintes critiques. Dans l'affaire Regina c. McIntosh, le juge Lamer de la Cour suprême du Canada a déclaré que les articles 34 et 35 sont « fort techniques, et sont des dispositions excessivement détaillées qui méritent d'être fortement critiquées. Ces dispositions se chevauchent et sont en soi incompatibles à certains égards. »
Cependant, dans l'affaire McIntosh, le jugement rendu à la majorité a été jugé très malheureux, car on estimait qu'il rendait encore plus floues les dispositions concernant la légitime défense. Pendant ce procès, la majorité a statué que la défense pouvait invoquer le paragraphe 34(2) du Code criminel lorsque l'accusé était le premier agresseur. On a fait valoir que le Parlement devait avoir l'intention de limiter l'application du paragraphe 34(2) aux attaques non provoquées, puisqu'il avait promulgué l'article 35, dont les dispositions s'appliquent exclusivement aux situations où l'accusé est le premier agresseur.
Cet argument a fait chou blanc. La décision semblait aller à l'encontre de la jurisprudence en matière de légitime défense, qui faisait une nette distinction entre les attaques avec provocation et celles sans.
J'ai lu le projet de loi du début à la fin. Il dissipe remarquablement bien la confusion que le plus haut tribunal du pays avait signalée.
Je le répète, le gouvernement a pour thème dominant la criminalité et le respect de la loi. Nous souhaitons tous que les Canadiens respectent la loi. À titre de parlementaires, il nous incombe d'étudier les lois et de nous assurer que celles-ci sont claires et compréhensibles. On peut difficilement s'attendre à ce que les gens respectent une loi qu'ils ne comprennent pas. Je dois dire que le projet de loi clarifie remarquablement le recours à l'autodéfense dans les cas où une personne sent que sa sécurité physique ou ses biens sont menacés.
Il y a des points importants à considérer dans ce projet de loi. Je suis certain que le comité en tiendra compte lorsqu'il étudiera celui-ci.
Une arrestation par un citoyen est une action grave et potentiellement dangereuse. Contrairement à un agent de la paix, un simple citoyen n'a ni le devoir de préserver et de maintenir la paix ni l'entraînement nécessaire pour appréhender une personne soupçonnée d'avoir commis un crime. Dans la plupart des cas, une arrestation consiste à toucher physiquement un individu ou à s'emparer de lui en vue de le détenir ou à amener l'individu à consentir à se laisser arrêter. Cela peut être dangereux pour la personne qui fait l'arrestation, pour la personne qui est arrêtée, et, à vrai dire, pour toute personne se trouvant à proximité.
Une arrestation par un citoyen sans égard aux risques encourus peut avoir des conséquences graves non voulues pour toutes les personnes concernées. Au moment de décider s'il convient de procéder à une arrestation par un citoyen, les gens devraient être au fait de la loi en vigueur et songer à préserver leur sécurité personnelle et celle des autres, signaler la situation à la police au lieu d'agir seul, ce qui est normalement la meilleure chose à faire et identifier correctement le suspect et sa conduite criminelle.
Je me hâte d'ajouter que le projet de loi n'autorise pas la personne qui procède à une arrestation à prendre n'importe quelle mesure qu'elle croit possible en vertu de la loi. En fait, il limite plutôt rigoureusement les situations où une personne peut procéder à une arrestation ou invoquer la légitime défense, qu'il s'agisse d'une infraction contre elle-même ou contre ses biens.
Par exemple, le projet de loi comporte de nombreuses dispositions qui reposent sur le principe du caractère raisonnable, principe bien connu et souvent utilisé dans les lois canadiennes à différents égards, tant au civil qu'au criminel. Selon ce principe, on ne peut se prévaloir de ces dispositions du Code criminel que si on agit raisonnablement. Il faut agir pour des motifs raisonnables, et la légitime défense n'autorise pas à enfreindre soi-même la loi. On n'a pas le droit d'agresser quelqu'un. On n'a pas le droit d'user d'une force excessive. On a le droit de poser des gestes raisonnables en intervenant le moins brutalement possible en vue d'atteindre les trois objectifs fondamentaux suivants: procéder à l'arrestation, si c'est la seule perspective raisonnable dans les circonstances, se défendre ou défendre ses biens.
C'est une notion que le comité ne devrait pas perdre de vue lorsqu'il étudiera le projet de loi. Nous devons nous assurer qu'en précisant, en améliorant et en modernisant la loi, nous maintenons cet équilibre. Certains ont critiqué le principe du projet de loi parce qu'ils craignent qu'il incite les gens à vouloir systématiquement se faire justice eux-mêmes. Ils ont raison de s'inquiéter et nous devons nous assurer que le projet de loi n'aura pas cet effet.
En terminant, j'aimerais signaler que l'aspect le plus troublant est la différence qui existe entre la défense des biens et la défense des personnes. Je crois que ces deux notions sont légèrement différentes, et que les mesures qui pourraient être considérées raisonnables pour se défendre ne le seraient peut-être pas pour défendre ses biens. En effet, bien qu'il soit important de défendre ses biens, je crois qu'il y a une distinction importante entre la défense des biens et celle des personnes.
Je félicite le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. Les néo-démocrates appuient le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, et nous désirons collaborer avec le gouvernement afin de le rendre acceptable pour tous les Canadiens.
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Monsieur le Président, c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour participer au débat sur le projet de loi .
Le projet de loi précisera, à l’intention des Canadiens, la façon dont ils peuvent réagir à des actes qui menacent leurs biens ou une personne ainsi qu’à des actes criminels nécessitant une arrestation d’urgence.
Beaucoup de députés connaissent bien l’histoire des Canadiens qui ont été accusés de crimes parce qu’ils avaient pris des mesures pour se défendre eux-mêmes et pour défendre leur famille ou leurs biens. Nous pouvons tous imaginer des situations dans lesquelles des personnes accusées d’une infraction violente soutiennent qu’elles n’ont recouru à la force qu’à des fins de légitime défense, sans que cela soit nécessairement vrai. Il est également vraisemblable qu’il arrive à l’occasion qu’une personne prenne prétexte d’une menace ou d’une insulte mineure pour attaquer violemment quelqu’un d’autre.
Nous voulons faire en sorte que nos lois ne permettent pas de telles situations. Autrement, de nombreux Canadiens innocents pourraient devenir des victimes sans que les coupables soient inquiétés.
Par ailleurs, la loi doit préciser clairement quelle force est autorisée et dans quelles conditions des mesures défensives sont acceptables. Ce sont ces conditions et critères qui permettent de faire la distinction entre une vengeance et une défense réelle ainsi qu’entre une conduite raisonnable et une conduite déraisonnable.
Le projet de loi étendrait le pouvoir d’arrestation par les citoyens relativement aux infractions touchant les biens et préciserait les principes de défense légitime et de défense des biens. Ces modifications ont pour objet, d’abord et avant tout, de veiller à ce que les Canadiens comprennent la loi dans ce domaine et soient en mesure de défendre leurs intérêts vitaux et d’appréhender les malfaiteurs.
Ils ne sont pas tenus d’assister en spectateurs au vol ou à la destruction de leurs biens ou à une agression dirigée contre un étranger. En l’absence de la police, les Canadiens doivent pouvoir se défendre. Ils doivent avoir la possibilité de s’aider eux-mêmes, d’aider leurs concitoyens et, au besoin, de jouer un rôle actif en vue de traduire en justice des malfaiteurs.
Les modifications proposées ont également pour but d’aider les agents de police et les procureurs qui doivent user tous les jours de leurs pouvoirs discrétionnaires pour décider s’il convient ou non de porter des accusations et de poursuivre en justice, de façon à éviter que des accusations soient portées au criminel dans des cas évidents de défense de biens ou de personnes. Le fait de rendre la loi plus claire permettra, nous l’espérons, d’éliminer les cas où des mesures raisonnables ont été prises et qui ne nécessitent donc pas de porter des accusations. Elle permettra aussi de faire la distinction avec les cas où il n’y a pas de concordance entre les dépositions des témoins, où la menace était faible par rapport au préjudice causé ou encore les cas où on n'est pas certain du caractère raisonnable des mesures prises.
Enfin, une loi plus claire accélérera le déroulement des procès quand les accusations sont vraiment justifiées. Elle réduira en outre les appels inutiles et fera gagner du temps à notre système judiciaire surchargé.
Comment le projet de loi fera-t-il tout cela?
D’abord, il accroît modestement le pouvoir existant d’arrestation par des citoyens dans les cas de crimes contre les biens. En ce moment, le citoyen ne peut faire l’arrestation que s’il surprend la personne sur le fait. Cela veut dire que, s’il n’y a pas possibilité de faire l’arrestation immédiatement, par exemple parce que le voleur est plus rapide et s’enfuit, mais qu’il y a une occasion de l’arrêter après un laps de temps raisonnable, l’arrestation est illégale. Dans l’état actuel de la loi, il faut littéralement prendre la personne en flagrant délit et l’arrêter immédiatement. Le projet de loi est conçu pour ceux qui essaient de traduire en justice des gens qui ont commis un infraction sur leurs biens ou à l’égard de leurs biens et qui pourraient être inculpés et peut-être condamnés pour une infraction grave au Code criminel qu’ils auraient commise en appréhendant le suspect dans ces circonstances.
J’espère que tous les députés peuvent s’entendre, ce qui semble être le cas, pour dire qu’il est logique d’autoriser les citoyens à faire une arrestation dans un laps de temps raisonnable suivant la perpétration d’un crime. Nous ne voulons pas transformer en criminels des personnes qui sont par ailleurs des citoyens respectueux des lois et des propriétaires d’entreprises qui essaient de protéger leurs biens contre des voleurs et des fauteurs de trouble. Il arrive qu’une personne qui a été vue en train de commettre une infraction revienne sur les lieux du crime ou soit vue ailleurs et soit facilement reconnaissable. L’arrestation devrait être possible dans ces circonstances assez rares.
Soyons clair: cette proposition ne fait qu’étendre modestement les dispositions existantes. Certains Canadiens craignent que la modification proposée des pouvoirs d’arrestation par des citoyens n’encourage les gens à se faire justice eux-mêmes. Je ne suis pas d’accord.
Les dispositions sur ce type d’arrestation prévoient une très importante garantie pour éviter que celui qui fait l’arrestation ne s’appuient sur les lois à des fins inacceptables. Cette garantie, c’est l’exigence prévue au paragraphe 494(3) du Code criminel:
Quiconque, n’étant pas un agent de la paix, arrête une personne sans mandat doit aussitôt la livrer à un agent de la paix.
Ainsi, l’arrestation par un citoyen devient le plus tôt possible l’affaire de la police.
Le projet de loi prévoit une nouvelle garantie pour éviter cette dérive dans l’exercice des nouveaux pouvoirs d’arrestation par des citoyens. Il sera désormais possible à celui qui a vu une autre personne commettre une infraction d’arrêter cette personne « dans un délai raisonnable » suivant la perpétration de l’infraction.
Toutefois, lorsqu’une personne veut utiliser ce pouvoir élargi, elle doit vérifier au préalable si un agent de la paix peut procéder à l’arrestation. Il y aurait donc désormais deux garanties contre l’arrestation abusive, lorsque l’arrestation a lieu un certain temps après que le citoyen a été témoin de l’infraction.
Les citoyens qui font une arrestation doivent songer à la possibilité que la police fasse elle-même l’arrestation. S’il leur semble que, dans les circonstances, cela n’est pas possible, ils doivent communiquer avec la police le plus rapidement possible après l’arrestation et lui remettre le suspect.
Évidemment, les règles primordiales régissant le recours à la force au cours d'une arrestation continuent de s'appliquer. Ces règles garantissent qu'une personne qui fait une arrestation peut recourir à la force, mais cette force doit être raisonnable dans les circonstances. Si le suspect se soumet volontairement à l'arrestation, aucune force n'est nécessaire. S'il résiste, il faut alors utiliser une certaine force, mais cette force doit demeurer raisonnable dans les circonstances.
La force excessive, par définition, n'est pas raisonnable. Une force mortelle, qu'elle soit exercée par un policier ou par un citoyen, ne se justifie que lorsqu'une vie humaine est en jeu. Cette règle est clairement établie à l'article 25 du Code criminel. Le projet de loi fait référence à l'article 25 pour que tout le monde sache quelles règles s'appliquent.
Le projet de loi ne susciterait pas l'émergence de groupes d'autodéfense. Le gouvernement décourage la création de tels groupes. Le projet de loi vise à permettre aux citoyens de se protéger et de protéger leur propriété uniquement lorsque les policiers ne sont pas en mesure de le faire pour eux. Il instaure un équilibre raisonnable.
Le projet de loi ferait bien plus que prolonger la période pendant laquelle une arrestation par un citoyen peut être faite. Une telle arrestation a souvent lieu au moment de la défense de biens; aussi le projet de loi rendrait claires et efficaces les dispositions sur la défense des biens.
Actuellement, la défense des biens est prévue dans cinq dispositions qui font la distinction entre des circonstances légèrement différentes, notamment lorsque la propriété est un objet ou un terrain.
Des dispositions différentes s'appliquant à différents cas ne sont pas nécessaires lorsque le même principe général est en jeu, à savoir que les personnes ne devraient pas être accusées d'un crime lorsqu'elles agissent raisonnablement pour tenter de protéger un bien en leur possession contre un vol, des dommages, la destruction ou l'intrusion.
Le projet de loi remplacerait toutes les règles existantes par une défense générale unique pouvant s'appliquer à n'importe quel type de situation de défense de biens.
Je dois admettre que j'ai lu les dispositions existantes juste avant d'entrer à la Chambre et qu'elles sont complexes. J'ai eu de la difficulté à appliquer chacune à une situation précise. C'est pourquoi le projet de loi clarifie les règles relatives à la défense des biens. C'est précisément le genre de simplification qui aidera les policiers à recueillir des éléments de preuve et à rendre des décisions ou à formuler des recommandations concernant des accusations pénales. C'est aussi le genre de simplification dont les Canadiens ont besoin.
Les conflits touchant les biens immobiliers peuvent survenir lorsqu'une personne fait quelque chose d'illégal — voler une voiture ou entrer par effraction dans une maison, par exemple —, mais le recours à une forme de défense comme celle-là peut aussi être nécessaire dans le cas d'un véritable conflit touchant les biens immobiliers, où les personnes concernées respectent la loi mais ne s'entendent pas sur l'identité du propriétaire d'un bien donné ou sur ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire du bien en question.
Par exemple, les litiges concernant l'accès à un droit de passage ou l'emplacement de la ligne de terrain entre deux maisons peuvent mener et mènent effectivement parfois à la violence, à l'instar des conflits entre le propriétaire d'un bien et la personne qui tente de le voler ou qui entre par effraction sur sa propriété. La défense des biens s'applique dans tous ces cas.
Il est donc essentiel que les principes entourant la défense, devant les tribunaux, des propriétaires qui ont cherché à protéger leurs biens n'entrent pas en conflit avec la législation sur la propriété. C'est pourquoi la défense des biens est fondée sur la notion de « possession paisible » d'un bien. Les tribunaux ont interprété cette notion comme correspondant au fait pour un possesseur de ne pas être sérieusement importuné par autrui. Pour évaluer la gravité d'un dérangement, on détermine si celui-ci est susceptible d'entraîner une violation de la paix. Bien sûr, le propriétaire d'un bien n'est pas autorisé à recourir à la force pour défendre son bien en cas de violation de la paix, par exemple lorsque des manifestants occupent un immeuble du gouvernement.
Un autre aspect de la loi que les Canadiens devraient connaître, c'est que les tribunaux ont toujours soutenu qu'il n'est jamais raisonnable de causer la mort à seule fin de défendre un bien, contrairement à ce qui se produit dans les cas de légitime défense. Ce principe repose sur le fait que notre société accorde une plus grande importance à la vie humaine qu'aux biens. Je suis convaincu que tous conviendront qu'il s'agit d'une façon raisonnable de voir les choses. Rien dans cette interprétation n'empêche le recours à la légitime défense, qui est l'autre forme de défense dont l'interprétation serait simplifiée par le projet de loi .
Toute situation créant raisonnablement une impression de menace contre une personne — et une invasion de domicile tombe clairement dans cette catégorie ainsi que, entre autres, un acte de piraterie routière — donne le droit de défendre la personne menacée. La force mortelle est permise mais, comme toujours, il faut bien sûr que ce soit une réaction raisonnable dans les circonstances.
Les nouveaux motifs de défense proposés dans le projet de loi résument l’essentiel de ce qui est prévu dans la loi actuelle, mais dans un libellé beaucoup plus simple. La nouvelle loi établirait clairement et simplement les circonstances dans lesquelles la prise de mesures défensives est justifié.
Premièrement, il faut que la perception d’une menace contre un bien soit raisonnablement justifiée. Par exemple, quand une personne menace d’endommager ou de détruire un bien ou de le rendre inopérant, il s’agit d’une menace contre un bien. C'est aussi le cas quand une personne menace d’entrer sans en avoir le droit dans un bien immeuble, par exemple une maison, un bâtiment ou même un véhicule.
Il faut penser que les gens peuvent se tromper au sujet d’une menace perçue. Dans un tel cas, il faut se demander si l’erreur aurait pu être commise par toute personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Nous ne pouvons pas supprimer un motif de défense quand une personne a réagi raisonnablement, ayant fait une interprétation raisonnable de la situation, même si elle s’est trompée.
Toutefois, si une personne fait une erreur déraisonnable, c'est-à-dire si sa réaction et sa perception ne peuvent être jugées raisonnables, elle ne pourra pas invoquer la légitime défense.
Mon collègue de a parlé de l’importance du principe du caractère raisonnable, un concept reconnu en droit civil et criminel. J’approuve son interprétation quant à l’importance de ce concept au civil et au criminel, ainsi que dans le projet de loi.
Deuxièmement, afin de pouvoir invoquer la légitime défense, la personne doit avoir réellement agi pour se défendre. La défense des biens ne doit jamais servir de prétexte à une revanche. Si la personne ne tient pas particulièrement à son bien, mais profite de la menace pour agresser son adversaire, la loi ne justifiera pas sa conduite.
Troisièmement, quelles que soient les mesures prises en légitime défense, celles-ci doivent correspondre à ce que toute personne raisonnable aurait fait ou envisagé de faire dans les mêmes circonstances.
On ne peut pas préciser quelles seraient ces mesures raisonnables, parce que ce qu’il est raisonnable de faire pour défendre un bien face à une menace particulière peut différer grandement selon le type de bien et la gravité de la menace. Voilà une bien longue phrase pour dire que ces situations sont toutes différentes. Il faut chaque fois examiner les circonstances.
Les Canadiens n'ont aucune difficulté à comprendre ces situations. La police et les jurys ne devraient pas non plus avoir de la difficulté à les évaluer si les accusations portées sont pertinentes. Les Canadiens n'auront pas de difficulté à comprendre que leur seul but doit être de défendre leurs biens et non de se venger. Ils comprendront également que leur comportement, pour qu'il soit jugé raisonnable, doit respecter des normes socialement acceptables. Tant et aussi longtemps que les Canadiens adopteront un tel comportement, leur recours à la force nécessaire pour se défendre et défendre leur famille et leur résidence sera justifié.
En outre, le projet de loi clarifierait et simplifierait la défense de la légitime défense. La nouvelle défense proposée s'appliquerait également aux cas où une personne utilise la force pour protéger un tiers.
Actuellement, le Code criminel stipule qu'une personne peut défendre uniquement une autre personne « placée sous sa protection ». Les tribunaux interprètent cette disposition de différentes façons. En effet, il n'est pas clair si les citoyens peuvent défendre non seulement leurs enfants ou leurs parents âgés, mais également leurs concitoyens ou même de parfaits étrangers dans une situation qui constitue une grave menace. Le projet de loi apporterait les précisions appropriées à cette disposition législative.
La réforme des dispositions de légitime défense ne s'arrête pas là. Le projet de loi simplifierait la loi d'autres façons et regrouperait différentes règles, pour n'en faire qu'une, laquelle s'appliquerait dans toutes les circonstances. Les principes fondamentaux de la légitime défense sont identiques à ceux de la défense des biens, mais ils sont plus simples, car les concepts compliqués liés aux biens en sont exclus.
Actuellement, quatre articles distincts du Code criminel traitent de la défense de la personne et chacun s'applique dans des circonstances légèrement différentes. La loi est tout simplement trop compliquée et porte à confusion. Cette complexité est inutile car les principes fondamentaux de la légitime défense sont assez simples. L'objet du projet de loi est de ne retenir que ceux-là.
En vertu du projet de loi , les conditions justifiant la défense de la personne peuvent être résumées brièvement. Premièrement, la personne a des raisons de croire qu'on menace d'employer la force contre elle ou une autre personne. Deuxièmement, la personne agit dans le but de se défendre ou de défendre l’autre contre l'emploi de la force. Troisièmement, les actes de cette personne sont raisonnables dans les circonstances.
En ce qui a trait à la défense de biens, la personne qui les défend a droit à l’erreur en autant que l’erreur est raisonnable. Elle doit agir sincèrement dans le but de se défendre et ne doit pas se servir de la menace comme prétexte pour commettre des actes de violence qu’elle voudrait commettre, de toute façon. Le caractère raisonnable des mesures prises pour se défendre doit être évalué à la lumière de tous les faits pertinents et des circonstances.
Le projet de loi propose une liste de facteurs pour guider cette évaluation. Ces facteurs sont souvent présents dans les situations de légitime défense. La liste comprend entre autres les facteurs suivants: la question de savoir si l’une des parties était armée, la nature de la menace et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment s’il y avait déjà eu de la violence et des menaces. En outre, la proportionnalité de la réaction de la personne à la menace sera un facteur important pour déterminer si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances.
Ces facteurs ont été établis compte tenu d’affaires réelles et de l’interprétation que font les tribunaux des lois en vigueur. Le but de ces dispositions est d’indiquer aux tribunaux, ainsi qu’à la police et aux procureurs, qu’essentiellement, les dispositions sur la légitime défense ne changent pas. Les actes jugés raisonnables en vertu des lois actuelles devraient continuer de l’être en vertu des nouvelles dispositions proposées.
C’est le genre de décisions que les tribunaux rendent régulièrement. Toutefois, en simplifiant la loi, en enlevant tout ce qui est superflu et en incluant dans le Code criminel les questions et les facteurs cruciaux, le projet de loi leur faciliteraient le travail et leur permettraient de s'attaquer directement aux questions importantes.
Grâce au projet de loi, il serait également plus facile pour la police d’appliquer la loi sur la scène d’un crime avant de porter des accusations. Clarifier la loi veut dire que, dans les cas de légitime défense, la police et les procureurs jugeront qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de porter des accusations. Ainsi, le projet de loi continue de défendre les victimes.
Le projet de loi établit un équilibre délicat, mais comme d’autres députés l’ont dit, c’est ce qu’il faut pour tenir compte à la fois des droits des personnes et des droits de ceux qui les menacent ou menacent leurs biens.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi , même si je ne m'exprimerai probablement pas avec autant d'éloquence que mes collègues précédents, étant donné que je ne suis pas avocat. Je sais qu'ils sont rénumérés au nombre d'heures facturées, mais je ne sais pas trop s'ils le sont au nombre de mots facturés. Néanmoins, ce fut très intéressant de les écouter parler de ce qui est, et n'est pas, codifié en droit, de l'alinéa x ou y. Toutefois, les simples citoyens vivant dans les collectivités sont pour leur part confrontés à la réalité.
Heureusement, ma famille n'a pas vécu le traumatisme d'une introduction par effraction. Quelqu'un a volé ma souffleuse neuve l'année dernière, mais elle était dans le cabanon. Le voleur s'est introduit, non pas chez moi, mais simplement dans mon cabanon. C'était la deuxième fois que cela arrivait. Le voleur a pris la souffleuse et d'autres articles disparates. Ni ma famille ni moi-même n'avons été affectés personnellement car nous étions absents. Je suis sûr que les chiens ont aboyé de toutes leurs forces, mais ils étaient dans la maison. La souffleuse est maintenant quelque part ailleurs, et je suppose qu'elle fait le bonheur de quelqu'un.
Malgré ma plaisanterie de tout à l'heure au sujet des heures et des mots facturés, il existe manifestement un équilibre fragile entre ces aspects compliqués. Nous tentons d'établir un équilibre entre les besoins des victimes d'une introduction par effraction ou d'une agression, et « ce qui est raisonnable », pour reprendre l'expression de mes collègues. Comme le député d' l'a dit, au bout du compte, la question sera tranchée en fonction des faits, ce qui suppose de prendre une décision.
À l'évidence, la loi actuelle comporte des lacunes, comme l'a démontré l'affaire R. c. McIntosh. Une fois le jugement rendu, les avocats ont dit que les choses étaient encore moins claires qu'avant. Alors qu'on croyait que le jugement allait apporter des éclaircissements pour les juristes, ce ne fut pas le cas.
Si les choses sont encore moins claires pour les spécialistes qui travaillent avec le Code criminel tous les jours, que ce soit des juges ou des avocats, qu'en est-il pour les gens comme nous, qui n'avons pas étudié le droit? Pour ceux qui pourrait tenter de faire une arrestation par eux-mêmes ou d'avoir recours à la légitime défense, comment savoir ce qui est raisonnable ou déraisonnable?
Cela me rappelle un vieux dicton: qui peut s'enfuir, doit s'enfuir. S'il est possible de s'enfuir, dans certains cas, vaut mieux s'enfuir que se battre. Nous devons prendre cela en compte.
Je ne veux absolument pas que l'on pense que cette modification de la loi suggère qu'il faudrait se battre plus souvent que fuir. J'ai simplement évoqué cela pour que les gens gardent cette possibilité à l'esprit s'ils sont chez eux lors d'une entrée par effraction ou qu'ils sont victimes de violence. En certaines occasions, s'il est possible de fuir, il faut tout simplement le faire et appeler les autorités compétentes. Malheureusement, il arrive dans la vie que les choses ne se passent pas ainsi, et il faut tenir compte de ces circonstances.
Si l'on remonte aux années 1100, on s'aperçoit que la common law britannique reconnaissait déjà le bien-fondé d'une arrestation par un citoyen. Par conséquent, ce n'est pas quelque chose de nouveau. La mesure présentée par le gouvernement ne met pas sur la table une nouvelle pratique. Il semble que ce soit un tentative pour clarifier ce qui figure présentement dans la loi actuelle ou dans le Code criminel, pour que l'on sache exactement ce qu'il en est.
Au cours de la dernière législature, la députée de a présenté un projet de loi similaire, inspiré d'un incident survenu dans sa circonscription et mettant en cause M. David Chen. On se souviendra qu'il avait arrêté un individu qui avait commis des vols dans son commerce à plusieurs reprises. M. David Chen a fait une arrestation citoyenne, et il a ensuite été accusé de séquestration, de rapt et d'un tas d'autres choses. Heureusement, la plupart de ces accusations ont été abandonnées et, en fin de compte, il a été acquitté.
Nous ne voulons pas que d'autres personnes vivent l'expérience de M. Chen ou de Mme Chen. Ce commerçant voulait tout simplement protéger sa propriété et faire une arrestation citoyenne raisonnable. Le voleur a par la suite plaidé coupable et il a passé 30 jours en prison. De toute évidence, M. Chen a voulu, de façon raisonnable, empêcher un individu de commettre un vol, parce qu'il savait que ce dernier avait déjà volé dans sa boutique à maintes occasions.
Il semble que l'homme qui a volé chez M. Chen se considérait comme un client régulier, sauf qu'il ne payait jamais pour rien. Il venait tout simplement prendre ce dont il avait besoin. J'imagine qu'il croyait avoir un compte à crédit qu'il réglerait plus tard, mais comme on le sait bien, ce n'était pas le cas.
La question est de trouver un équilibre entre ces éléments dans la mesure législative dont nous sommes saisis.
Le discours des ministériels est encourageant. Ils souhaitent prendre le temps d'écouter des experts, des victimes et des gens qui possèdent une grande expérience dans ce domaine. Ils sont prêts à discuter pour élaborer une mesure législative qui protégera les droits de toutes les parties concernées. Les deux parties en cause ont des droits. Les gens qui ont pris des mesures raisonnables pour protéger des biens et des personnes et pour se protéger eux-mêmes et leur famille ont des droits et les accusés en ont également. En un mot, l'arrestation citoyenne permet de dire qu'un individu doit être accusé d'un acte criminel. C'est au tribunal qu'il revient de trancher si un individu est coupable d'une infraction criminelle, non aux citoyens qui procèdent à une arrestation.
Nous devons établir un équilibre. Il ne doit pas y avoir d'autres cas comme celui de M. Chen, un honnête commerçant qui est intervenu pour ne pas se faire voler et qui s'est retrouvé dans l'obligation de retenir les services d'un avocat et d'encourir énormément de frais pour se défendre, sans compter le traumatisme qu'il a subi du fait qu'il a été traduit en justice pour avoir posé un geste qu'il estimait raisonnable.
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement entend faire cela dans le cas de ce projet de loi, mais pas dans d'autres situations. Le projet de loi en est un exemple frappant. À l'étape de l'étude en comité, le député de a proposé des amendements au projet de loi C-10. Le gouvernement ne les a pas jugés suffisamment utiles ou ne les a pas trouvés dignes d'intérêt et les a donc rejetés, ce qui est sa prérogative. Par la suite, le ministre a proposé pratiquement les mêmes amendements, mais, malheureusement, ils ont été jugés irrecevables. Ils avaient été présentés trop tard parce que le gouvernement avait réduit le temps alloué pour proposer des amendements, pourtant raisonnables.
Si le gouvernement croit qu'il est utile d'étudier cette question — ce qui est le cas —, je pense que les projets de loi importants, comme le projet de loi , sont aussi dignes d'être étudiés, analysés et assujettis à la procédure établie. Nous devrions les étudier article par article.
Nous sommes saisis aujourd'hui d'un projet de loi, le , qui ne porte que sur un aspect du droit, et non sur de multiples facettes. Il y est question de l'arrestation par des citoyens et de ce qu'une personne raisonnable est censée faire.
Je sais que, pour certains d'entre nous, il est difficile de définir ce qu'est une personne raisonnable. Mes collègues, les députés de , d' et de , se sont penchés sur ces questions dans leurs carrières antérieures. Les avocats et les juges de notre pays ont de la difficulté à déterminer ce qu'une personne raisonnable devrait être autorisée à faire, mais, comme ils appartiennent à la magistrature ou au barreau, nous leur accordons ce droit, puis nous acceptons leurs décisions. C'est ainsi que s'applique le principe de la primauté du droit.
En définitive, il faut trouver un juste équilibre. Il faut se demander pourquoi une telle mesure est nécessaire.
Nous avons vu, dans le passé, des actes que certains parmi nous pourraient qualifier de graves être commis contre des gens que nous voyons comme des victimes. Ces gens ont été agressés chez eux, ou on est entré par effraction dans leur maison pendant qu'ils dormaient, comme nous l'avons souligné en donnant quelques exemples. Comment devons-nous nous y prendre pour expliquer aux gens qu'ils ont le droit de protéger leurs biens et leur famille si quelqu'un s'introduit chez eux ou les vole? Comment y arriver? Voilà le juste équilibre que les députés devraient essayer de trouver.
Quel que soit leur parti politique, les députés ne veulent pas qu'on s'en prenne de nouveau à une personne qui est déjà une victime. C'est essentiellement ce que nous disons aux Canadiens. Nous comprenons que cette personne est déjà une victime et nous comptons changer la loi comme nous avons le pouvoir de le faire, parce que nous ne voulons pas que la victime le soit doublement. Voilà un objectif équitable.
Comme mon collègue de l'a indiqué tout à l'heure, la loi existe depuis plus de 100 ans. Il y a eu des débats, et décisions ont été rendues pour bâtir une jurisprudence sur laquelle les tribunaux et la profession juridique peuvent s'appuyer pour déterminer si une personne a agi de manière raisonnable ou non. Or, comme le gouvernement l'a souligné à raison, cette jurisprudence a été interprétée de travers dans certains cas, compte tenu de l'incertitude qui entoure encore la question. Si les tribunaux sont incertains, comment voulez-vous que le citoyen moyen, qui n'est pas un spécialiste du droit, sache ce qu'il peut faire et ce qu'il ne peut pas faire?
Si une personne entre chez vous, il est possible que, sous l'effet de la montée d'adrénaline, vous n'ayez pas nécessairement le temps de penser à ce que disent les tribunaux, la loi ou le paragraphe 494(1) sur la conduite à adopter dans le cas d'une entrée par effraction. Les gens savent comment agir de manière responsable pour dissuader les malfaiteurs d'entrer chez eux. Ils doivent agir pour protéger leurs enfants, leurs êtres chers et leurs biens. En ce qui me concerne, je garderais deux gros chiens dehors et je verrouillerais la porte. Ce serait probablement un moyen raisonnable qui suffirait pour dissuader un adolescent d'entrer par effraction chez moi, car je sais qu'il n'aurait pas envie de se faire mordre par les chiens.
Une intervention physique peut être nécessaire de la part de la personne ou des personnes qui veulent neutraliser le délinquant. La majorité d'entre nous sait comment réagir de façon raisonnable et responsable dans ce que j'appellerais un moment de panique. En fin de compte, c'est ce que nous essayons de prévoir dans la mesure législative. C'est aussi pourquoi nous, de ce côté-ci de la Chambre — comme l'a mentionné plus tôt le député de — nous souhaitons que le projet de loi soit renvoyé au comité, tout comme les ministériels d'ailleurs.
Le comité pourra étudier la mesure législative et convoquer des témoins, afin que, lorsque celle-ci aura été adoptée, les victimes qui interviendront, comme c'est leur droit, et qui effectueront une arrestation ou qui se défendront d'une façon légale, sauront qu'elles ne feront pas l'objet d'accusations. C'est l'équilibre que nous recherchons. Je suis heureux que le gouvernement saisisse cette occasion de trouver avec nous un tel équilibre, parce que nous ne voulons pas que la situation soit aussi confuse qu'à l'heure actuelle. Même la magistrature dit que des dispositions qui ne sont pas claires ne sont guère utiles. Or, si la magistrature dit qu'elle éprouve des difficultés avec des dispositions, il va de soi qu'il nous incombe d'apporter les correctifs appropriés.
J'espère que mes collègues du Comité de la justice vont prendre le temps de bien faire les choses. Si nous agissons trop rapidement, nous risquons de nous tromper. Nous ne rendrons pas service à la collectivité si nous allons trop rapidement pensant avoir la bonne solution.
Comme mon collègue et ami le député d' l'a mentionné, c'est une question d'équilibre. Parvenir à un équilibre est la chose la plus difficile dans la vie. Nous nous souvenons tous de l'époque où, très jeunes, nous étions assis sur une balançoire à bascule avec quelqu'un qui, nous l'espérions, était à peu près du même poids que nous, ou qui, à tout le moins, ne descendrait pas de la balançoire avant nous, parce que nous frapperions alors le sol à grande vitesse.
Il est à espérer que nous trouvions cet équilibre, afin de ne pas basculer dans un sens ou dans l'autre. Je sais que le gouvernement veut trouver un équilibre relativement aux droits de ceux qui se retrouvent dans des situations délicates, lorsque leur personne ou leurs biens sont menacés. Ces personnes veulent avoir la possibilité, comme c'est déjà le cas en vertu de la loi actuelle, de se protéger et de protéger leurs êtres chers ainsi que leurs biens.
Le porte-parole de notre parti a déclaré que nous sommes en faveur du renvoi du projet de loi au comité après l'étape de la deuxième lecture, car nous estimons que nous pouvons aider le gouvernement à faire du projet de loi une bonne mesure législative. Le a souvent dit que les conservateurs étaient ouverts aux bonnes idées. Or, nous en avons à cet égard.
Selon ce que nous a dit le gouvernement ce matin, il serait possible actuellement, peut-être pas d'agir de concert, mais au moins d'être au diapason quant à la mesure législative dont nous sommes saisis. Nous aurons de bonnes suggestions et nous espérons que le gouvernement sera prêt à en tenir compte. Nous pourrions dire un jour que la mesure législative est issue de la collaboration des députés et que la Chambre peut donc l'adopter. Nous pourrions dire aux gens que nous avons uni nos efforts pour eux parce que la mesure législative était importante pour les Canadiens.
Il aura peut-être fallu du temps pour y parvenir, comme c'est souvent le cas. Il faut parfois réunir des preuves juridiques et étudier des décisions avant de se rendre compte enfin que ce qui, selon nous, fonctionnait assez bien ne convient plus. Je crois que le gouvernement reconnaît que nous en sommes là. Je l'en félicite, d'ailleurs.
Ce que le gouvernement a dit ce matin, à savoir qu'il est ouvert au débat et qu'il est prêt à ce que le comité entende des spécialistes pour que nous atteignions l'équilibre recherché par tous les députés, fera plaisir à mes collègues du Comité de la justice.
Le projet de loi pourrait être une bonne mesure législative si nous prenions le temps de l'examiner et de nous écouter les uns les autres. Il faut élaborer une mesure législative qui propose un juste équilibre pour l'ensemble de la société et les citoyens d'un bout à l'autre du Canada.
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Monsieur le Président, bien que l'histoire du Lucky Moose ait été intéressante et effrayante, je dois avouer très franchement que ce projet de loi est ma première chance de voir en profondeur ce qui s'est passé et les problèmes que M. Chen a eu avec loi. Monsieur Chen réside dans le comté de ma collègue de . Je pense que les intentions qu'elle a mises de l'avant avec son projet de loi lors de la 40
e législature sont plus ou moins identiques à ce qu'on retrouve aujourd'hui dans le projet de loi .
Je pense qu'il y a deux volets importants à regarder. On parle de la capacité des citoyens de faire des arrestations, comme dans le cas de M. Chen, mais je pense qu'il faut aussi le qualifier. Si on regarde le cas de M. Chen, c'est un propriétaire d'une entreprise locale qui ne dispose pas nécessairement du financement nécessaire pour avoir la capacité d'avoir un dédommagement ou la capacité de se sécuriser comme une grande entreprise comme McDonald's.
Pour les députés du NPD — et je suis certain que c'est la même chose pour mes collègues d'en face —, c'est un des aspects très importants. On veut donner à des citoyens, particulièrement à des entrepreneurs susceptibles d'être victimes de tels crimes, la capacité de pouvoir se défendre. Cela est très important, mais il y a un autre élément auquel il faut penser également, soit le fait qu'en tant que citoyens, nous vivons tous dans une collectivité, nous avons tous le droit de nous protéger — nous devrions à tout le moins l'avoir — et nous avons le droit de nous entraider et de protéger les autres.
L'exemple hypothétique qui m'est venu à l'esprit quand j'ai eu la chance de lire le projet de loi et d'y penser est celui des aînés dans mon comté. Il y a une population importante d'aînés dans mon comté et on remarque que, dans plusieurs aspects de leur vie quotidienne, on doit les aider pour certaines choses. Cela serait un exemple parfait parce que, quand on veut aider les gens qui ont besoin d'aide, si on n'est pas certains des dispositions présentes dans le Code criminel, cela devient très difficile et très inquiétant pour un citoyen de s'engager dans une telle situation. On ne devrait pas avoir de craintes quand on arrive dans une situation où on veut aider quelqu'un de façon raisonnable, comme cela est mentionné dans le projet de loi. C'est encore une fois le mot « raisonnable » qui revient à maintes reprises et dont je parlerai un peu plus tard.
Je pense que c'est ce qui est important. En revenant à ce que mes collègues de et de ont souligné, il faut vraiment trouver une façon de créer de la législation qui est claire lorsqu'on parle d'une arrestation de la part de citoyens, de défense de la propriété ou d'autodéfense. Comme l'a dit mon collègue de — il semble qu'on soit tous fondamentalement d'accord —, on veut avoir une législation qui est claire pour faire en sorte qu'on agisse immédiatement et sur-le-champ dans une situation urgente et critique. Il ne faudrait pas qu'on soit pris dans une situation où on se demande ce qui se trouve dans la section 494, à l'article 2, et comment cela va nous affecter. On devrait avoir la capacité d'agir.
Cela étant dit, je pense qu'on a été assez clairs, de ce côté-ci de la Chambre, que cela doit être fait d'une façon raisonnable. Je ne suis pas un expert en matière de droit, mais c'est quand même bien connu que le terme « raisonnable » est bien défini dans le domaine du droit. C'est tout ce qui serait considéré raisonnable par toute personne raisonnable. Habituellement, c'est de cette façon qu'on regarde cela. Des collègues ayant une formation d'avocat pourraient me dire si je me trompe ou ajouter plus de précisions. Quand on arrive avec ce projet de loi, on veut non seulement être certains qu'il y a ces termes, mais on veut aussi qu'ils soient bien compris par les citoyens.
On a l'exemple parfait quand on regarde les dispositions par rapport à l'autodéfense ou la défense de la propriété.
J'aimerais saisir cette occasion pour citer la cause de la Cour suprême, R. c. McIntosh, où le juge en chef en chef Lamer a indiqué ce qui suit:
[...] les art. 34 et 35 [...] sont fort techniques, et sont des dispositions excessivement détaillées qui méritent d'être fortement critiquées. Ces dispositions se chevauchent et sont en soi incompatibles à certains égards.
C'est très important parce qu'on voit ici que même des juges de la Cour suprême du Canada ne sont pas en mesure de comprendre de façon adéquate le Code criminel. Donc ce n'est certainement pas évident pour un citoyen qui n'est pas nécessairement un expert en matière de droit, d'autant plus, comme je l'ai déjà mentionné, s'il se trouve dans une situation critique, d'urgence, où sa vie est potentiellement en danger.
Ce qu'on propose est assez simple et clair. On l'a répété à maintes reprises et vous me permettrez de le répéter encore. Il faut donner l'opportunité à des experts, des victimes ou des avocats d'étudier cela de façon approfondie en comité. Je sais que la plupart de mes honorables collègues qui siègent au Comité permanent de la justice sont soit des avocats, soit des gens qui s'y connaissent beaucoup dans cette matière. Comme mon collègue de , je suis très heureux de voir que c'est un sentiment partagé par nos collègues d'en face.
Il faut également faire cette étude parce qu'on veut s'assurer que le projet de loi est clair, non seulement pour se donner les droits de se défendre, comme je l'ai déjà mentionné, mais aussi afin qu'on ne tombe pas dans le phénomène que j'appellerai le « phénomène Clint Eastwood », alors qu'on devient tous des cow-boys voulant se défendre. Or, à force de se défendre, on finit par créer plus de mal que de bien. On devient tous des policiers. Cela irait alors à l'encontre de ce qu'on croit être le but de ce projet de loi. Encore une fois, on revient au terme « raisonnable ». Je pense que cela sera très important.
Il y a quelques années, on a eu des cas très médiatisés d'invasions de domicile au Québec, qu'on pense à Brossard ou au West Island. Dans ces cas très documentés et très révoltants — qui ont eu parfois des résultats tragiques —, il y a eu beaucoup de chroniques ou de commentaires, autant dans les médias que dans le public, quant au fait que ce n'était pas clair, justement. Il faut qu'on soit en mesure de bien comprendre nos droits et les restrictions pour ne pas avoir à réfléchir dans ces circonstances et qu'on puisse se défendre. Il faut s'entendre aussi sur le fait que, dans certains cas, il faut exercer un peu de jugement.
Prenons l'exemple hypothétique d'un couple. L'homme pousse la femme et celle-ci l'attaque de façon très violente, d'une façon qu'on pourrait qualifier de trop violente, d'excessive, de non raisonnable — pour revenir à ce terme. En même temps, on ne connaît pas les antécédents.
Il faut vraiment prendre le temps d'étudier le projet de loi pour s'assurer que dans des situations particulières, comme celles où il y a des antécédents, des mesures sont en place afin que les policiers et les juges puissent prendre des mesures adéquates et appropriées.
Le travail en comité est très important. On parle ici d'experts. Je ne suis pas un expert en matière de droit et je pense que plusieurs de mes collègues ne le sont pas non plus. C'est là où nos responsabilités deviennent très importantes en tant que parlementaires, autant pendant le débat en cette Chambre, qu'en comité. Il faut bien profiter des ressources que nous avons à notre disposition. Je reconnais particulièrement les experts en droit, mais il y a aussi des victimes, des gens qui ont vécu des situations assez sérieuses, des cas comme celui de M. Chen. Malgré son cas très médiatisé et très surprenant, il doit certainement y avoir d'autres circonstances où on vit des situations semblables.
Il est important de mentionner un autre aspect. J'ai parlé des aînés, mais il y a aussi d'autres groupes.
Je ne connais pas tous les détails du cas de M. Chen, alors je formulerai mes commentaires prudemment. Dans son cas, un certain profilage ethnique a été fait, comme on le fait aussi pour d'autres communautés ethniques.
M. Chen provient d'une communauté ethnique et il a été jugé pour kidnapping, alors qu'en réalité, il ne faisait que défendre son entreprise. Le fait de nuancer le projet de loi donne des outils aux policiers, qui ne risqueront pas de juger ou d'accuser les gens d'avoir agi de cette façon.
Je trouve malheureux de devoir soulever un certain point, mais puisque mon collègue de l'a déjà fait, je vais saisir l'occasion qui m'est donnée de le faire. Depuis le début de cette session parlementaire, les travaux en comité ont été très précipités, tout comme l'ont été les débats à la Chambre des communes. C'est dommage, puisqu'on parle de projets de loi.
Prenons l'exemple du projet de loi , dans lequel il est question du Code criminel. Il ne faut pas se cacher que cette matière est très complexe.
Il aurait fallu profiter de ces occasions, tant à la Chambre qu'en comité, et se référer à l'expertise et à la sagesse de nos collègues. Nous savons tous que le député de est très instruit à cet égard, tout comme le sont aussi d'autres députés. Il faudrait saisir la chance de profiter des connaissances de notre collègue afin de peaufiner une matière très complexe. En effet, le Code criminel est très complexe. Il est rempli de nuances auxquelles il faut faire attention. C'est ce qu'on recherche.
La position du NPD est très claire: on cherche à trouver des nuances. On veut défendre les victimes, mais aussi s'assurer que les mesures sont raisonnables à cet égard. Or c'est là que les nuances deviennent importantes.
Dans les articles qui composent la législation, certains exemples parlent de délais. Dans le cas de M. Chen, le temps qui s'est écoulé entre le moment où le crime a été commis et l'arrestation citoyenne était trop long.
Il faut trouver une certaine flexibilité. Toutefois, il faut aussi s'assurer que si un propriétaire de commerce pense reconnaître quelqu'un qui a commis un crime 10 ans plus tôt — un vol de bonbons dans une tabagie par exemple —, ce dernier ne sera pas mis en état d'arrestation. Les propriétaires d'entreprise sont essentiels à l'économie locale et doivent pouvoir se défendre.
En tant que députés, nous vivons tous ce genre de situation.La circonscription de mon collègue de est mi-urbain et mi-rural. Plus tôt, il a parlé des compressions dans les services policiers. Pensons-y, ce ne sont pas seulement les communautés rurales qui auront des services plus limités. Ma circonscription est considérée comme étant majoritairement située en banlieue et vit les mêmes situations. Dans certains cas, il y a un partage de policiers entre les différentes municipalités. Les municipalités n'ont pas nécessairement les mêmes ressources, et elles essaient donc de les partager en vue d'offrir un meilleur service.
C'est ainsi dans certains cas, mais dans d'autres cas, lorsque quelque chose est jugé plus urgent, les forces policières se concentrent là-dessus, avec raison.
Entre-temps, on n'a pas la chance de profiter de ces avantages. On peut citer plusieurs exemples, comme lorsqu'on pense à de petits vols commis dans de petits commerces locaux.
Dans ces cas-là, on met souvent beaucoup de temps à répondre, à tout le moins selon mon expérience ou celles dont on m'a fait part. Or c'est justement là que l'on vit ce problème.
Étant donné que nos policiers travaillent très fort et n'ont pas nécessairement les ressources pour faire tout le travail qu'ils souhaiteraient faire, on se doit de s'entraider collectivement.
J'ai aussi mentionné qu'il fallait faire attention à ne pas devenir tous des policiers. Il faut aussi réfléchir à d'autres aspects, notamment aux étudiants qui travaillent dans un commerce à temps partiel pour payer leurs études.
Si un voleur surgissait dans ce commerce, il ne faudrait pas que la pression populaire — si je peux me permettre cette expression — fasse en sorte que cette personne se sente obligée d'intervenir.
Bien qu'on ait le droit de faire des arrestations citoyennes, on a également le droit de se protéger soi-même et de ne pas nécessairement intervenir dans une situation potentiellement dangereuse.
Pour revenir à cet exemple, une pression peut être exercée par des collègues poussés par des patrons. Il ne faut pas que la législation soit formulée de façon à ce qu'on sente la pression de son patron, un propriétaire de commerce par exemple, pour qu'on intervienne à tout prix. Cela ne serait pas très approprié.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, cela causerait même plus de mal que de bien dans certaines circonstances. Il ne vaudrait pas la peine de mettre sa vie en danger pour un simple vol. On s'entendra pour dire que la vie n'a pas de prix.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que bien des situations sont hypothétiques. C'est le problème, ici. On n'a pas nécessairement tous le vécu de M. Chen, mais l'important est la santé d'esprit, dont j'ai parlé plus tôt. On partage tous le désir de ne pas avoir à vivre ces inquiétudes dans sa communauté.
Je veux revenir encore une fois sur la décision de la Cour suprême. Dans cette instance, on constate aussi une difficulté. Au contraire, lors d'arrestations citoyennes, la situation est généralement beaucoup plus claire. En effet, si quelqu'un se fait prendre la main dans le sac pendant qu'il est en train de voler un dépanneur, c'est plutôt noir et blanc. La personne a été appréhendée au moment où elle commettait son crime.
Les cas d'autodéfense sont plus difficiles à juger. Plus tôt, j'ai mentionné les cas où, justement, on connaît moins les antécédents.
La façon dont c'est rapporté à la police est aussi importante. Dans une situation assez cliché, on pourrait se trouver dans un coin moins sécuritaire ou dans un endroit plus dangereux et se faire attaquer. On utiliserait alors notre droit à se défendre.
On va peut-être se défendre pour ensuite se sauver en courant. On appelle la police, parce qu'évidemment, on ne sera pas resté là, avec la personne qu'on vient peut-être d'abattre en se défendant. Il faut évidemment se sauver et penser à sa sécurité.
Après, selon la façon dont les faits seront rapportés, les policiers devront exercer un certain jugement, ce pour quoi ils sont très qualifiés.
Toutefois, notre responsabilité en tant que parlementaires est de fournir les outils pour exercer ce jugement, tant aux policiers qu'aux juges quand arrive le moment de juger.
Il est donc très important de travailler ensemble et de s'assurer que les nuances sont bien comprises. Ensemble, on peut arriver à un très bon projet de loi.
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Monsieur le Président, je suis d'accord avec le député de . Je crois que sa position est qu'il aimerait que le projet de loi soit adopté, même s'il faut y apporter quelques amendements, et que le gouvernement serait ouvert à des amendements à l'étape de l'étude en comité. C'est pourquoi nous voulons écouter ce que les gens peuvent avoir à dire sur le sujet. Ce sont des paroles encourageantes comme celles-là que les députés de l'opposition aiment entendre pour la simple raison que, si le gouvernement parle sérieusement, cela signifie que des améliorations nécessaires pourront être apportées au projet de loi.
Le projet de loi suscite quelques préoccupations pour nous, mais nous en appuyons le principe. Nous parlons de cas particuliers. Un député a parlé d'une souffleuse à neige disparue d'un garage. Un autre a parlé de bâtons de golf. Dans mon cas, deux bicyclettes sont disparues de mon garage. Il y a de nombreux types d'actes criminels et certains sont moins graves. La disparition d'une bicyclette est décevante et décourageante. On se sent victimisé parce qu'un individu est entré dans notre garage en plein jour et y a pris notre bien.
Henry Celones travaille pour moi et c'est un homme remarquable. Il vient d'avoir 70 ans et il marche beaucoup. Un bon matin, il marchait dans le coin de la rue Sheppard et de l'avenue Jefferson lorsque deux individus bien plus costauds que lui l'ont abordé. Henry est un homme frêle. Il n'est pas plus gros que moi. Les deux individus lui ont dit de leur remettre son argent ou des cigarettes et il s'est senti très intimidé. Un des deux individus s'est approché de lui. La manière dont Henry a réagi et s'est défendu est étonnante. Les deux individus, à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine, étaient grands, mais Henry les a littéralement terrassés. Nous avons raconté l'incident à quelques personnes qui ont félicité Henry de s'être défendu. Il y a des crimes mineurs, mais d'autres peuvent menacer la vie. Différentes personnes réagissent différemment.
Nous avons parlé d'un vol dans un magasin où le voleur est revenu après un certain temps. Le magasin est le moyen de subsistance d'une personne. Les gens ne devraient-ils pas avoir le droit de protéger leur propriété? La grande majorité des Canadiens diraient oui, tout à fait, les gens ont le droit de protéger leurs biens et leur moyen de subsistance. Je ne pense pas que quiconque contesterait ce droit.
Il faut s’interroger sur ce qui est raisonnable et sur ce qui ne l’est pas. Nous devons examiner chaque situation séparément et prendre ensuite une décision. C’est la raison pour laquelle, dans une large mesure, nous avons un processus judiciaire.
Le projet de loi est essentiellement un complément au travail de nos organismes d’exécution de la loi. Il ne signifie pas que nos services de police, que ce soit la GRC ou les services de police locaux, ne font pas leur travail. Compte tenu des ressources dont ils disposent, ils font un excellent travail pour veiller à ce que la population se sente protégée et en sécurité dans nos collectivités.
Quand j’étais plus jeune, il y a un certain nombre d’années, et que je fréquentais l’université, j’ai travaillé pendant l’été à un sondage dans la collectivité. J’allais de porte à porte et je posais des questions sur des aspects comme la sécurité dans la collectivité. Je me souviens que, dans les vieux quartiers, les gens disaient se souvenir de Ralph, un agent de police qui patrouillait dans les rues. Ralph connaissait les fauteurs de trouble, et grâce à lui la collectivité se sentait en sécurité.
Puis, nous avons abandonné les services policiers communautaires que les Canadiens respectaient depuis tant d’années. Nous avons commencé à utiliser plus de voitures de police en raison de la croissance des banlieues, entre autres. Nous avons ensuite investi de plus en plus pour accroître le nombre d’agents, et dans de nombreuses collectivités, aujourd’hui, l’ordre est assuré par un nombre croissant de policiers et, au bout du compte, par des policiers de service communautaire.
Quand je pense à l’avenir, je crois qu’il nous faut investir encore plus dans les services policiers au niveau communautaire, car il s'agit, selon moi, du meilleur moyen de permettre à nos citoyens de s’engager dans leur milieu. Je pense que les citoyens veulent s’engager. Il y a bien des exemples de citoyens qui sont disposés à s’engager. Ce projet de loi, aujourd’hui, en est un exemple.
Je pourrais parler de préoccupations qui ont été soulevées dans le secteur que je représente. Sans crier gare, par conviction, un certain nombre de personnes ont décidé de former un groupe pour patrouiller dans certaines rues, dans certains quartiers. Ce sont des groupes d’action citoyenne. Il n’y a rien à y redire. Les personnes qui prennent ce genre d’initiative devraient être félicitées. Elles portent des vestes voyantes et elles sont bien identifiées. Ce ne sont pas des justiciers qui cherchent la bagarre. Ce sont des personnes qui ont le souci de nos collectivités. Ce sont des groupes de surveillance. Ils ont un rôle à jouer.
Il est encourageant de voir que nos policiers appuient la création de ces groupes. Ils apportent notamment leur appui en faisant savoir ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire. Quand des citoyens font une arrestation, ils doivent être prudents. Ils doivent bien évaluer la situation. Nous devons nous demander s’il s’agit bien d’une situation à laquelle nous voulons nous mêler directement, s’il existe un meilleur moyen. Il pourrait y avoir un poste de police communautaire pas loin. On peut reconnaître un individu dans un magasin et signaler sa présence à la police. On peut s’en sortir ainsi au lieu de l’arrêter soi-même.
Voici l’histoire d’une femme qui travaille dans un bureau voisin de mon bureau de circonscription. Elle s’est fait voler et poignarder au cou par un jeune délinquant. Elle a reconnu l'individu qui a commis le crime. Au lieu de partir en courant pour le rattraper, elle est restée dans le magasin où elle était et a appelé la police. Après un moment, la police est arrivée. Elle a dû attendre un peu, mais les policiers se sont rendus au magasin. Elle a pu décrire son assaillant aux policiers et même leur indiquer où se trouvait sa maison, et la police est intervenue. Ce jeune est maintenant en détention. Espérons que justice sera faite dans ce cas particulier.
Selon moi, cette femme a pris la bonne décision. C’était ce qu’il fallait faire. C'est ce que les gens doivent envisager quand ils ont à intervenir devant une menace contre leurs biens. Dans ce cas, il ne s’agissait pas seulement de biens, mais aussi de la vie de cette femme qui avait reçu un coup de couteau. Elle avait dû aller à l’hôpital et se faire faire des points. Elle a évalué la situation et décidé que la meilleure chose à faire était d’appeler la police.
Cependant, il arrive aussi que cette attitude ne convienne pas. Il est parfois nécessaire de…