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Madame la Présidente, je reprends le fil de l'allocution que j'avais faite il y a quelques semaines. J'avais parlé de l'utilité de signer des traités bilatéraux de libre-échange avec des pays d'un peu partout dans le monde. La question se pose d'autant plus quand on parle de pays avec lesquels on a des échanges commerciaux très marginaux, comme la Jordanie.
Lundi, dans mon allocution sur ce projet de loi portant sur le traité de libre-échange avec le Panamá, je rappelais que les échanges commerciaux entre le Panamá et le Canada représentaient une fraction insignifiante des échanges commerciaux totaux du Canada avec le reste du monde. Finalement, on peut se demander si le prix à payer en s'associant avec le Panamá vaut le risque relativement à la réputation du Canada sur la scène internationale. On peut se poser la même question au sujet de la Jordanie.
Juste en guise de rappel, en 2009, le volume total des échanges entre la Jordanie et le Canada représentait à peine 86 millions de dollars. Comme pour ce qui est du Panamá, d'ailleurs, les échanges commerciaux entre la Jordanie et le Canada augmentent quand même rapidement, et ce, sans qu'aucun traité de libre-échange soit encore en vigueur.
Je reviens à la fin de la première partie de l'allocution que j'avais présentée au sujet de la Jordanie. En outre, nous avons des exemples de pays très performants partout dans le monde. J'ai cité les cas du Brésil et de la Chine. Ils augmentent énormément leurs échanges internationaux sans signer de traités de libre-échange. Au contraire, ces pays sont très actifs grâce à d'autres moyens. Ils utilisent des moyens beaucoup plus puissants et même beaucoup plus intéressants pour augmenter leurs échanges extérieurs et soutenir leur économie.
C'est vraiment important de prendre cela en considération. Car de mon point de vue, conclure des traités de libre-échange de manière désordonnée, sans examen préalable, sans s'assurer s'ils sont de petite envergure ou non, relève beaucoup plus de questions d'ordre religieux ou, à tout le moins, d'un fond de croyance qui ne s'appuie pas sur les faits — pensons à un progrès qu'on pourrait mesurer et qui nous permettrait d'avantager l'ensemble de la population canadienne.
C'est une approche du gouvernement, que je trouve vraiment très inquiétante. On peut même se poser une question sur l'interprétation qu'on pourrait en faire: le gouvernement ne pratique-t-il pas, comme je l'ai dit lundi, une sorte de fuite en avant pour éviter de s'occuper de problèmes intérieurs grandissants?
Je suis porte-parole en matière de petite entreprise et de tourisme. Je constate que, dans l'économie canadienne, actuellement, nous avons des problèmes à soutenir le lancement d'entreprises. L'entrepreneuriat connaît de graves carences et le gouvernement ne s'en occupe pas. Au contraire, ce dernier surcharge de travail les fonctionnaires affectés à l'examen et à la mise en place des traités de libre-échange en multipliant des traités superficiels, artificiels, qui ne répondent pas aux besoins de l'ensemble des Canadiens, et ce, pour des pinottes, pour des choses insignifiantes qui auront par contre des répercussions importantes.
Je voudrais signaler à cette Chambre que, si jamais elle approuve le projet de loi , le Canada, sans avoir aucune garantie et sans examiner sérieusement ce qu'il en est, va se retrouver lié avec un pays qui a peut-être encore de graves problèmes en matière de droit du travail.
Précédemment, alors que le NPD avait d'énormes préoccupations à ce sujet, il avait pu apprendre et comprendre qu'il y avait des cas d'exploitation outrageuse de travailleurs provenant de l'étranger. Prenons un exemple concret qui se passe dans les usines de textile en Jordanie. Des gens se retrouvaient à travailler dans des conditions exécrables, étaient logés dans des conditions totalement inhumaines et étaient pratiquement traités en esclaves.
La Jordanie a quand même voulu faire progresser les choses à cet égard. Mais est-ce suffisant pour que le Canada s'associe avec la Jordanie sans porter une atteinte grave à la réputation de ce pays ayant une forte influence sur la scène internationale? C'est la situation du Canada. C'est la raison pour laquelle le NPD ne tient pas à s'opposer à tout prix à la conclusion d'un traité de libre-échange avec la Jordanie ou avec d'autres pays dans le monde. Cependant, il tient à avoir des garanties suffisantes pour l'appuyer.
En tant que membre du Comité permanent du commerce international, un comité qui est souvent dysfonctionnel et auquel on refuse trop facilement les outils de base pour évaluer le travail des fonctionnaires et du ministre concerné, ainsi que les projets de traités de libre-échange en négociation ou déjà conclus, je suis passablement inquiet.
Le fait que le Nouveau Parti démocratique soit d'accord pour renvoyer le projet de loi au comité pour étude n'est pas du tout un chèque en blanc. Ce n'est pas une caution pour le projet de loi tel qu'il est; nos questions et nos inquiétudes demeurent. Cela ne met absolument pas fin à l'attitude du gouvernement, qui multiplie les distractions pour cacher à la population toutes les carences de sa gestion, sans parler d'autres aspects scandaleux qui sont révélés jour après jour.
J'ai l'honneur d'être membre d'un caucus où la moyenne d'âge des députés est très peu élevée; plusieurs députés du NDP sont dans la vingtaine. On se trouve ici à engager le Canada à long terme, pour très longtemps. On peut faire un parallèle. Un traité de libre-échange peut être assimilé à un contrat de mariage entre conjoints. C'est la raison pour laquelle il faut qu'il soit étudié sérieusement, afin qu'on puisse peser le pour et le contre et savoir dans quoi on s'engage.
Dans les histoires d'amour, il arrive parfois que le processus menant à l'union de deux personnes se fasse dans la légèreté et trop rapidement, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses. Le gouvernement du Canada a adopté une approche beaucoup trop précipitée et imprudente. Je prône plutôt que tous les députés de cette Chambre et tous les membres du comité participent à un examen ouvert, clair et transparent.
Si le gouvernement veut obtenir l'appui unanime de cette Chambre concernant ce projet de loi, il a tout intérêt à impliquer toutes les parties concernées, ce qu'il ne fait pas. Enfin, il ne l'a pas fait jusqu'à maintenant. Depuis six ans qu'il forme le gouvernement, le Parti conservateur a adopté une approche d'isolement. On peut se demander ce que ça représente pour l'intérêt de notre pays et pour notre avenir. Il y a là quelque chose de malsain.
C'est la raison pour laquelle le Nouveau Parti démocratique manifeste une ouverture pour que le gouvernement puisse nous faire bénéficier, en toute bonne foi, des informations qu'il détient et qu'il nous démontre clairement, au moyen de faits reconnus et étayés, la valeur de ce futur traité de libre-échange.
Je vais quand même me permettre de garder cette ouverture d'esprit, bien que j'aie été passablement déçu de l'attitude précédente. Nous allons cependant faire une recension rapide des problèmes de l'accord tel qu'il existe et qu'on cherche à faire adopter par la Chambre.
Nous sommes prêts à faire un bout de chemin avec le gouvernement pourvu qu'il soit prêt à examiner les problèmes que présente l'accord actuel. Quand l'accord a été conclu et que le Nouveau Parti démocratique a pu s'exprimer lors de la législature précédente à ce sujet, il avait remarqué que nous étions déjà été interpellés par des organismes internationaux crédibles et indépendants sur les problèmes d'abus subis en général par les travailleurs et les travailleuses en Jordanie, et surtout les travailleurs provenant de l'étranger.
Je rappelle que dans l'exemple des usines de textile, on a malheureusement pu constater des cas d'esclavage. Il y a eu des rapports crédibles là-dessus. Le Canada ne peut pas cautionner ça, car notre pays, dans le cadre des ententes internationales, est complètement contre cela.
Signer ce traité sans avoir la garantie du gouvernement de Jordanie qu'il corrige la situation, en fait qu'il y travaille activement et qu'il lutte contre les abus envers les travailleurs provenant de l'étranger, serait carrément une trahison de nos engagements internationaux. Pour un prix aussi ridicule que 85 millions de dollars d'échanges en 2009, je regrette, je ne suis vraiment pas prêt à risquer notre excellente réputation.
Par ailleurs, on parle encore de protection des investissements dans ce traité de libre-échange. Bien qu'on n'ait pas eu suffisamment de temps pour négocier dans le cas du traité de libre-change avec l'Europe, j'y ai passablement travaillé. Je le dis et je le répète, les dispositions de protection des investisseurs qui viendraient au Canada brasser des affaires sont des aberrations. C'est un non-sens, le Canada est un État de droit. Il a tout l'appareil juridique et les protections légales nécessaires pour garantir aux investisseurs qu'ils seront traités avec respect et que leurs droits seront respectés. Quel sens le gouvernement peut-il donner à une disposition de protection des investisseurs jordaniens au Canada ou même des investisseurs européens au Canada? Le Canada est-il une république de bananes? Il faudra que le gouvernement rende des comptes là-dessus en comité. Il va falloir que le gouvernement explique ce que cela donne et pourquoi on s'engage là-dedans.
Les leçons de l'Accord de libre-échange nord-américain ont montré que le Nouveau Parti démocratique avait parfaitement raison d'être prudent et de réclamer des garanties. Nous allons le faire concernant ce projet de traité de libre-échange comme pour les autres.
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Madame la Présidente, je suis ravie de prendre la parole sur cette question. Je suis en faveur d'un renvoi de ce projet de loi au comité, où, je l'espère, les amendements visant à rendre cet accord de libre-échange plus humain, plus respectueux de l'environnement et certainement plus avantageux pour la Jordanie et le Canada seront bien accueillis.
Bon nombre de personnes se demandent sans doute si la Jordanie est un grand pays. C'est en fait un petit pays. Il fait partie de nos partenaires commerciaux, mais ce n'est pas l'un des plus importants. Parmi nos 100 plus importants partenaires sur la planète, la Jordanie se classe au 88e rang. Néanmoins, nos échanges avec ce pays ne sont pas négligeables. Nos échanges bilatéraux s'élèvent à 85,9 millions de dollars. Nous exportons pour environ 70,1 millions de dollars de biens et en importons pour environ 18,7 millions de dollars, surtout dans le secteur du vêtement et des textiles. Si on compare ces échanges à ceux que nous avons avec la Norvège, qui se classe au 10e rang parmi nos partenaires commerciaux, où nos exportations se chiffrent à 2,5 milliards de dollars, on se rend compte que la Jordanie est un partenaire important, mais que sa contribution à nos importations et à nos exportations est modeste. D'où la question suivante: pourquoi conclure un accord de libre-échange avec la Jordanie?
Nous devrions favoriser les échanges commerciaux avec de nombreux pays dans le monde. Nous vivons dans une économie mondiale et nous devons relever de nombreux défis mondiaux.
J'ai fait quelques recherches, quoique très peu en raison du temps dont je disposais. Le traité avec la Jordanie me semble valable non seulement parce que nous entretenons déjà de bons rapports avec la Jordanie, mais aussi parce qu'il pourrait servir de porte d'entrée dans tout le Moyen-Orient et dans le Nord de l'Afrique. Il ne semble peut-être pas avoir une grande valeur en soi, mais il nous permettrait de nous tailler une place et de nous ouvrir une voix d'accès dans d'autres pays. Il faut tenir compte de cela.
J'ai aussi constaté que la diaspora jordanienne est très active. Selon le dernier recensement, près de deux tiers des Canadiens d'origine jordanienne vivent dans la région de Toronto. Un certain nombre réside aussi dans ma circonscription, Newton—Delta-Nord. Ces Canadiens prennent part à notre société, mais ils entretiennent aussi, et à juste titre, de forts liens avec leur pays d'origine.
Étant donné ce qui se passe sur la scène internationale, il est toujours bon d'explorer des marchés étrangers, qu'ils soient petits ou grands. Par contre, il faut aussi voir ce que cela représente.
Pensons à l'ALENA. Je n'étais pas au Parlement lorsque cet accord a été négocié, mais je sais qu'il a eu certaines répercussions négatives sur les Canadiens.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, on envoie des camions chargés de billes de bois aux États-Unis tandis que certaines localités se transforment en villes-dortoirs ou en villes abandonnées à mesure que ferment les scieries.
En Colombie-Britannique et dans d'autres provinces, des emplois bien rémunérés qui procuraient à leurs titulaires une certaine sécurité en matière de soins de santé et de pensions sont délocalisés ailleurs dans le monde. Ces gens s'interrogent sur le sens véritable du libre-échange. Signifie-t-il la délocalisation d'emplois canadiens? C'est la question qu'il faut se poser tout au long du processus.
On nous dit toujours qu'un comité sera chargé d'examiner ceci et cela. Or, l'expérience que j'ai vécue avec les comités d'examen n'a pas été très positive.
Par exemple, examinons la situation chez notre voisin au sud de la frontière. Après tout, nous avons signé l'ALENA avec les Américains. Lors d'un discours à la nation, le gouvernement américain a déclaré sans ambages que les sociétés qui réussiraient à ramener des emplois dans ce pays bénéficieraient d'allègements fiscaux plus généreux. Le gouvernement a aussi ajouté qu'il aurait un préjugé favorable pour les entreprises qui créent des emplois à l'échelle nationale.
Lorsque nous sommes saisis d'accords de libre-échange, nous avons souvent l'impression qu'il n'est pas possible de soulever des questions de ce genre. Est-ce qu'il arrive souvent à nos négociateurs gouvernementaux de le faire? D'autres pays n'hésitent pas à protéger leurs emplois intérieurs. Les Américains n'hésitent pas à mettre en place des mesures supplémentaires pour inciter des sociétés à rester aux États-Unis, ce qui permet de créer des emplois à l'échelle nationale, au lieu de passer des contrats avec des centres d'appels et des usines de fabrication un peu partout dans le monde.
Il faut toujours être conscient de cet aspect des accords de libre-échange, c'est-à-dire de l'effet net sur les travailleurs d'un bout à l'autre de notre pays.
L'envers de la médaille, c'est qu'il faut toujours surveiller ce qui se passe dans le pays avec lequel nous avons signé un accord bilatéral. Nous avons déjà conclu des accords bilatéraux avec des pays qui se trouvent au sud de notre frontière. Lorsque j'étais présidente de la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique, puis lorsque j'oeuvrais au sein de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, j'ai eu le privilège de me rendre dans de nombreux pays, où j'ai pu voir des ateliers clandestins et constater les conditions de travail qui y régnaient. J'ai vu les routes magnifiques qui assurent le transport des marchandises vers le Nord. Cependant, dès qu'on quitte ces artères principales, on constate la pauvreté absolue dans laquelle vit la population.
Les Canadiens doivent se demander comment ils entrevoient leur avenir. Souhaitent-ils vraiment encourager la main-d'oeuvre enfantine? Souhaitent-ils voir des enfants être forcés à travailler dans des conditions déplorables? Souhaitent-ils vraiment épargner quelques sous alors que, dans d'autres pays, la main-d'oeuvre doit travailler dans des conditions misérables?
Examinons la situation des travailleurs en Jordanie. Tout porte à croire qu'elle est loin d'être enviable. Cependant, à la décharge de la Jordanie, il faut dire qu'elle a signé des accords et des protocoles. Malheureusement, très peu d'efforts sont déployés pour les faire respecter. En tant que partenaire commercial, souhaitons-nous vraiment finaliser cet accord commercial si rien n'est fait pour donner un peu plus de mordant à sa mise en application?
À l'origine, les Métallurgistes unis d'Amérique étaient en faveur de l'accord de libre-échange. C'est par la suite qu'ils ont commencé à se rendre compte des conditions de travail réelles.
Selon le témoignage de Charles Kernaghan, directeur exécutif du comité national pour la main-d'oeuvre, aux États-Unis, neuf ans après l'entrée en vigueur d'un accord entre son pays et la Jordanie, des milliers de travailleurs invités qui se trouvaient dans le royaume du Moyen-Orient se faisaient encore confisquer leur passeport, devaient toujours travailler 99 heures — j'ai bien dit 99 heures — par semaine et ne touchaient pas le salaire auquel ils avaient droit, tout en étant hébergés dans des dortoirs infestés de punaises.
Bien que les Métallurgistes unis d'Amérique aient initialement appuyé l'accord de commerce entre les États-Unis et la Jordanie au moment de sa négociation, ils affirment aujourd'hui regretter amèrement cette décision. Ils n'y sont plus favorables. L'accord a immédiatement dégénéré en trafic de dizaines de milliers de travailleurs étrangers dans les usines jordaniennes.
Nous savons que la Jordanie dépend aussi fortement des domestiques migrants. Certains sont recrutés pour travailler non pas seulement chez des particuliers, mais aussi dans des usines de textile. Une fois embauchés, ils peuvent difficilement changer d'emploi, même après des années. Ils sont à la merci de leur employeur. Par conséquent, bien que la Jordanie se soit engagée dans un accord auxiliaire à examiner sa législation du travail, il nous incombe de faire preuve de diligence raisonnable afin de nous assurer qu'elle passe à l'action et l'applique.
En octobre 2011, l'organisme Human Rights Watch Canada a publié un rapport intitulé Domestic Plight: How Jordanian Law Officials, Employers, and Recruiters Fail Abused Migrant Domestic Workers. Le rapport expose en détail les conditions de travail absolument déplorables des travailleurs domestiques. La plupart de ces travailleurs viennent de pays où les gens veulent à tout prix aller ailleurs pour gagner leur vie. Ils viennent d'Indonésie, du Sri Lanka, des Philippines et de l'Inde. Le rapport révèle que bien peu de choses ont changé depuis que ces problèmes ont été soulevés en 2010. Cet aspect devrait vraiment attirer notre attention et nous pousser à agir. Je suis certaine que nos négociateurs exerceront de fortes pressions à ce sujet. Nous essaierons d'obtenir des engagements en ce sens lors de l'étude en comité.
Lorsque nous concluons une entente de libre-échange avec un autre pays, nous devons nous intéresser non seulement aux avantages que nous pouvons tirer de cette entente, mais aussi aux répercussions qu'elle aura sur le développement au sein de l'autre pays. Par exemple, est-il juste que des investisseurs étrangers obtiennent un niveau de protection supérieur à celui des investisseurs jordaniens? Absolument pas. C'est une attitude tellement colonialiste de dire: « Nous arrivons, nous faisons des échanges commerciaux avec vous et, par conséquent, nous devrions obtenir de meilleures protections en matière d'investissement. Nos sociétés, les gens du Canada qui investissent en Jordanie, devraient bénéficier de meilleures conditions de protection de leurs investissements que les Jordaniens eux-mêmes. »
J'ignore comment nous pourrions nous regarder dans le miroir si nous signions de tels accords. Il est certain que, en tant que Canadienne, je trouve très difficile d'accepter que des sociétés étrangères bénéficient de meilleures conditions que des sociétés canadiennes. Par conséquent, pourquoi appuierais-je une mesure qui protégerait aussi peu les investisseurs jordaniens? Nous devons absolument nous assurer que cet accord n'entraîne pas la création d'un système à deux vitesses, l'une pour les investisseurs étrangers et l'autre pour les investisseurs locaux.
La situation est très semblable en ce qui concerne les enjeux environnementaux. Nous vivons dans un économie mondiale. Nous vivons dans un monde qui semble rétrécir chaque jour. Nous pouvons observer ce qui se passe depuis notre salon. Je peux allumer mon téléviseur et voir ce qui se passe dans la partie de l'Afrique qui est frappée par la sécheresse. Je peux voir la pauvreté abjecte et le besoin immédiat en matière d'aide humanitaire. Je peux voir la violence qui sévit en Syrie et la ressentir, bien assise dans mon fauteuil, dans mon salon.
De même, l'environnement ne se limite pas à un seul pays. Chaque fois que nous négocions, il est absolument impératif non seulement pour notre génération, mais aussi pour les générations à venir, que nous prenions le temps de veiller à intégrer dans ces accords des mesures de protection environnementale. La situation en Jordanie et les règlements adoptés là-bas ont une incidence directe non seulement sur la Jordanie et ses pays avoisinants, mais aussi sur la terre entière, tout comme nous savons que les coupes dans les forêts pluviales ont des répercussions directes sur notre environnement.
Il est souvent facile de dire que nous nous en occuperons plus tard, que nous serons en mesure de négocier une entente auxiliaire ou que nous ne pouvons pas demander le règlement de questions environnementales tant que nous ne sommes pas des partenaires commerciaux. L'une des leçons que j'ai apprises, c'est que nous avons une meilleure chance de réussir lorsque nous avons toujours un certain pouvoir de négociation. C'est le cas en ce moment, alors ne remettons pas cela à demain.
Il en va de même pour les droits de la personne. La position que j'ai adoptée à la Chambre n'a pas changé au fil des années. Depuis longtemps, notre pays est fier non seulement de défendre les droits de la personne partout dans le monde, mais aussi de jouer un rôle de champion à cet égard. Au cours des dernières années, notre réputation dans ce domaine a été légèrement entachée. Hier, lors d'une séance de comité, j'ai entendu parler d'un commentaire émanant de l'Amérique du Sud selon lequel le Canada ne se préoccupe plus vraiment de sa réputation à l'étranger, et qu'il ne jouit plus du même genre de réputation qu'il avait auparavant. Je peux affirmer à la Chambre que les Canadiens se soucient grandement de notre réputation sur la planète.
Quand j'étais beaucoup plus jeune, j'ai fait le tour de l'Europe alors que je vivais en Angleterre. J'étais toujours étonnée de voir tant d'Américains arborer le drapeau canadien sur leur sac à dos. C'était l'époque où je pouvais voyager avec un sac à dos. Je ne pense pas que je le pourrais encore aujourd'hui. J'ai souvent demandé à ces jeunes Américains pourquoi ils n'affichaient pas le drapeau de leur propre pays. Ils me répondaient qu'ils étaient beaucoup mieux traités lorsqu'ils portaient le drapeau canadien, qu'on avait envers eux une attitude tout à fait différente. Avant de quitter les États-Unis, ils s'arrangeaient pour se procurer un drapeau canadien qu'ils cousaient sur leur sac à dos ou portaient sur eux pour montrer qu'ils venaient du Canada. Ils disaient qu'ils étaient bien accueillis et que les gens voulaient leur parler et leur dire combien ils étaient impressionnés par ce que nous faisions sur le plan des droits de la personne, de la lutte contre la pauvreté et du travail avec les pays en développement. Nous étions connus comme les gardiens de la paix, comme un pays qui négociait la paix, et pour cette raison, ils avaient envers nous une grande admiration.
Maintenant, nous n'avons plus de siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, et, à mon avis, c'est à cause de la façon d'agir du gouvernement. Le Canada n'a plus cette réputation sans tache de gardien de la paix. Quand nous envisageons de signer des accords de libre-échange, que ce soit avec la Chine, la Jordanie ou n'importe quel autre pays, nous devons absolument veiller à faire des droits de la personne une question primordiale, et je supplie le gouvernement de ne pas l'oublier. Nous ne devons pas nous contenter de défendre les droits de la personne, nous devons faire de ceux-ci une de nos conditions et négocier avec fermeté pour en assurer le respect dans ces pays.
On nous a dit que nous pouvions faire cela après avoir conclu un accord de partenariat commercial. J'affirme que nous devons le faire maintenant. Comme je l'ai dit au début, j'appuie le renvoi du projet de loi au comité, où les néo-démocrates exprimeront ces préoccupations.
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Madame la Présidente, le nouveau projet de loi sur le libre-échange entre la Jordanie et le Canada nous permet de nous pencher sur la nature de cette entente. Une entente de libre-échange, c'est une ouverture de portes. Le Canada ouvre sa porte à la Jordanie et la Jordanie ouvre la sienne au Canada. Mais qu'est-ce qui va entrer? C'est une question fondamentale. Notre culture est différente sur le plan des droits humains, du droit du travail et du droit de l'environnement. Est-il possible d'harmoniser ces deux pays? Eh bien, c'est toute la question et tout le problème.
Nous espérons que cette entente fera évoluer la Jordanie sur le plan des droits humains, du droit de l'environnement et du droit économique, mais ce n'est pas évident. De prime abord, les problèmes sont majeurs. En matière de droit du travail, dans certains domaines, la Jordanie tient plus du Moyen Âge que d'un pays moderne.
Nos confrères des Métallos nous ont dit qu'au cours d'une visite, ils avaient observé des aberrations par rapport aux travailleurs migrants, qui sont très nombreux dans le secteur textile et celui du soutien domestique. Premièrement, ces travailleurs sont très souvent dépouillés de leur passeport à leur entrée au pays. On leur impose une cadence de travail infernale, qui dépasse allègrement les 90 heures par semaine. Bien souvent, leur salaire n'est pas payé ou il est difficile pour eux de l'obtenir. Quant à leurs conditions de logement et d'alimentation, elles font défaut, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce sont des logements ou des dortoirs exigus et sales. Leur nourriture n'est pas extraordinaire, elle est pauvre en calories et faible en vitamines.
De telles conditions de travail sont inacceptables, d'autant plus que nous serons en concurrence économique avec ce pays. Nos entrepreneurs, qui paient des salaires et qui s'assurent que les lois sociales et humaines de notre pays sont respectées pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Canada, devront faire face à des concurrents qui, eux, n'ont pas ce souci et dépensent le moins possible pour leur main-d'oeuvre. Il ne faudrait pas que cette entente, qui risque de se reproduire dans de nombreux pays du Proche-Orient, conduise nos entrepreneurs à la faillite et les Canadiens au chômage. C'est une question assez élémentaire pour les représentants politiques du peuple canadien. Nous voulons une entente commerciale qui favorise les deux pays et qui ne va pas conduire à la diminution des droits économiques et sociaux des Canadiens et Canadiennes.
Ce n'est pas le seul problème, mais on a quand même observé des éléments encourageants. La Jordanie a fait des mouvements importants. Premièrement, il y a eu une réforme du droit du travail qui reconnaît le droit d'association, le droit d'union, le droit de parler et le droit de négocier une convention collective. Ce sont des éléments importants dont il faut tenir compte. Ce pays a aussi interdit le trafic de personnes. C'est tout de même important, dans un pays où le recrutement de gens au Sri Lanka, aux Philippines et en Inde pour les faire travailler en Jordanie était une industrie florissante. On recrutait ces gens et une fois rendus en Jordanie, on ne les payait pas. Maintenant, la Jordanie veut mettre fin à cette pratique.
Dans son code du travail, la Jordanie a aussi criminalisé le travail forcé. On m'excusera de le dire, mais c'est là une forme de reconnaissance de l'esclavage. Le travail forcé, c'est obliger quelqu'un sous la contrainte à faire des heures de travail déraisonnables. La Jordanie a criminalisé cette action dans son code criminel. Elle est interdite. En 2011, la Jordanie a harmonisé ses relations avec le Bureau international du travail et l'Organisation internationale du travail. Ce sont des choses très intéressantes et c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas contre cette entente, mais nous voulons la vérifier.
Ce sont des pas intéressants. Si la Jordanie a fait ce mouvement pour s'intégrer au marché international, ma foi, pourquoi pas? C'est là quelque chose d'extrêmement encourageant. Toutefois, constater que la Jordanie a adopté des lois est une chose, mais s'assurer qu'elles ont été mises en pratique en est une tout autre. C'est là l'élément important que nous voulons vérifier, et nous recommandons cette législation en deuxième lecture afin qu'elle soit mieux étudiée et qu'on vérifie que les promesses ont été tenues. C'est bien normal.
Nous aborderons ce projet de loi en comité avec une grande ouverture d'esprit. Nous étudierons ce que la Jordanie a fait. Cela dit, nous serons excessivement curieux, nous serons prudents et nous ne prendrons pas des déclarations pour paroles d'évangiles. Nous nous assurerons véritablement qu'il y a eu des résultats, que ces lois ont apporté de véritables changements et que les employés domestiques ne sont plus des esclaves, malheureusement des esclaves sexuels dans certains cas. Nous exigerons de constater un changement.
Il y a aussi la question de l'environnement. Avant l'arrivée du gouvernement conservateur, le Canada avait une véritable volonté de combattre la pollution, de s'assurer d'un environnement serein pour les Canadiens et les travailleurs. On avait garanti que le lieu de travail n'était pas un lieu de décès automatique. On s'était assuré que le rejet dans l'environnement ne serait pas nuisible, à long terme et dans l'immédiat, pour les Canadiens d'aujourd'hui et ceux de demain. C'est assez élémentaire. Il n'y a pas de dépotoir sauvage au Canada, il n'y a pas de soupe chimique dans nos eaux. Nous ne tolérerons pas que notre environnement soit souillé et que l'accès à l'eau potable soit menacé. Cela est assez élémentaire bien que, en ce qui concerne l'eau potable, on puisse constater des carences, particulièrement dans les réserves des Premières nations. C'est très désagréable pour un pays comme le Canada, mais nous avons, paraît-il, la volonté de le changer. J'en prends bonne note et j'espère que ça va se produire.
Qu'en est-il de la Jordanie? Les règles à ce sujet ne sont pas claires. On indique simplement que les deux pays n'ont pas le droit de supprimer les règles élémentaires en ce qui concerne l'environnement. Toutefois, présentement, la Jordanie répond-elle déjà au strict minimum de ces règles? Sur ce plan, la Jordanie peut-elle se comparer au Canada? Tout indique que ce n'est pas le cas. Cela veut-il dire que c'est une invitation à toutes les industries polluantes du Canada de se relocaliser en Jordanie où elles n'auront pas à faire de coûteux investissements pour se soumettre aux normes canadiennes, et où elles n'auront pas à payer une main-d'oeuvre aussi bien qu'au Canada? C'est une question importante.
Dans certains pays, on a dit que l'amiante était sécuritaire s'il était bien travaillé dans des conditions d'hygiène acceptable. Il paraît que c'est le cas au Canada. Cependant, on sait que dans les pays où on exporte l'amiante, ce n'est absolument pas le cas. Cette question est pertinente et mérite d'être vérifiée. Nous ne voulons pas encourager un pays à devenir le dépotoir du monde entier parce qu'il a une entente avec le Canada. Ce ne serait ni acceptable ni tolérable. Il en va de notre image publique partout au Canada, et il en va aussi de notre morale en tant que communauté. Voulons-nous développer une culture économique et politique où le profit l'emporte sur le respect?
Bref, on ne signera certainement pas un chèque en blanc. Sur le plan des droits économiques, il y a aussi encore des problèmes. L'expropriation est interdite. On investit dans un pays et on n'a pas le droit d'être exproprié. Je suis désolé, mais non! Un pays peut, légitimement, pour promouvoir les droits économiques de ses citoyens, estimer qu'il est nécessaire d'exproprier une entreprise privée, même si cette entreprise privée est une entreprise étrangère venant d'un pays avec lequel on a une entente de libre-échange. Les plans médical, du développement économique ou de l'enseignement figurent parmi une multitude de raisons pour procéder à une expropriation, dans le cadre d'un gouvernement démocratique.
L'expropriation ne veut pas dire qu'on vole. On procède tout simplement à l'achat forcé d'une entreprise qu'on estime essentielle au pays. C'est un droit économique souverain d'un pays. Or il semble qu'on veuille mettre une limite à cette entente. La limite risque plus de viser la Jordanie que le Canada, car les compagnies minières canadiennes et les compagnies de fabrication du Canada sont extrêmement nombreuses et multinationales. Il y a peu de compagnies jordaniennes qui risquent d'investir au Canada dans des secteurs clés de notre économie. Cependant, si cela se produisait, je ne vois pas pourquoi le Canada devrait s'imposer une barrière de cette nature. Oui, un pays souverain, peu importe lequel, a le droit de protéger les droits économiques de ses citoyens en procédant à une expropriation. Hydro-Québec est née d'une expropriation, Ontario Hydro aussi. Petro-Canada a été fondée par des expropriations. On ne s'en plaint pas.
Il y a aussi la question du rapatriement des profits. Cela peut être un objet de disputes. Le rapatriement des profits, s'ils sont excessifs, risque de conduire un pays dans l'embarras, à une balance des paiements déficitaire, à une absence d'investissements. Au Canada, présentement, nous subissons ce qu'on appelle le syndrome hollandais. On subit une hausse de la valeur de notre dollar en raison d'exportations massives de ressources naturelles, particulièrement du secteur énergétique. En même temps, nous subissons un déficit majeur en ce qui a trait à notre balance des paiements. C'est ce qu'on appelle le syndrome hollandais, le tout ajouté à une perte de notre industrialisation.
Un pays souverain peut décider de s'attaquer à ce problème en limitant les rapatriements de profits par l'entremise d'une loi obligeant un réinvestissement des profits partiel ou total. Ce n'est pas illégal pour un pays de vouloir s'assurer qu'un partenaire économique garantira un rendement financier. Un pays souverain n'a pas à limiter ses pouvoirs dans une entente de libre-échange. Le libre-échange commercial doit enrichir les deux pays. Dans le cas présent, on peut douter que ce soit bien le cas. On nivelle par le bas l'ensemble des pouvoirs d'un État en faveur d'entreprises privées et du capital. On oublie que nous sommes élus par des citoyens pour les défendre, et non pas pour vendre ou abandonner leurs droits. Il va falloir y réfléchir bien avant de voter ce genre de loi.
On a des problèmes qui se répètent sur ce plan. On négocie des ententes avec de petits pays sans se poser de questions sur la nature même des droits en vigueur dans ces pays. Le Panamá en est le plus bel exemple. Certains disent que c'est un problème parce que c'est un paradis fiscal. Non, le Panamá n'est pas un paradis fiscal, c'est un dépotoir fiscal. Tous les narcotrafiquants passent par le Panamá. Ce n'est pas une référence. Allons-nous pouvoir garantir que ces pratiques prendront fin? Non, et c'est un problème. C'est exactement la même nature de ce problème. On n'interdit pas ce qui est inacceptable. On l'apprécie, on le reçoit et on l'encaisse.
Dans ce qui nous est proposé, l'entente est déficitaire en ce qui concerne les règles de correction. Dans une entente entre deux pays, il est important d'inscrire ce qui peut être une source de problèmes et surtout comment nous allons nous y prendre pour résoudre ces problèmes. Là encore, il existe des carences majeures. Nous désirons mettre fin à ces carences. Au cours des discussions en comité, nous désirons recevoir des avis et des propositions afin de modifier une entente qui est douteuse pour le moment. Cela ne veut pas dire que nous rejetons toute possibilité d'entente avec un pays du Moyen-Orient, loin s'en faut. Nous apprécions qu'un pays accepte de négocier avec nous des ententes qui peuvent être fort profitables, qui peuvent conduire à une augmentation des exportations et des importations et, surtout, qui peuvent permettre à un pays d'avoir accès à une amélioration de ses lois.
Il semble que la Jordanie veut véritablement devenir un pays qui ne soit pas un pays de bas de gamme sur le plan des droits humains, qui ne soit pas le dépotoir de toutes les entreprises polluantes. Elle ne veut pas être un pays où le travail domestique est presque associé à de la prostitution. Nous en prenons acte. Nous sommes très agréablement enchantés de voir cette orientation de la part du peuple et du gouvernement jordaniens. Si elle est avérée et véridique, cette orientation mérite d'être encouragée. Si tel est le cas, nous négocierons d'égal à égal avec un pays qui nous a donné satisfaction à propos des garanties les plus élémentaires des droits humains.
Il faudra prendre en compte bien d'autres éléments en plus des droits économiques, du travail et de l'environnement, soit les droits religieux ainsi que les questions relatives au droit familial et matrimonial. Comment allons-nous harmoniser ces ententes? Tout cela s'avérera un élément essentiel dans les discussions qui devront se tenir en comité.
C'est en raison même de cette possibilité de discuter de ces éléments que nous allons appuyer en deuxième lecture ce projet de loi concernant l'entente commerciale entre le Canada et la Jordanie.
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet de ce projet de loi. Je vais lancer quelques idées en ce qui concerne la situation générale et l'importance du commerce pour notre pays.
Nous comprenons l'importance des lois sur le travail et du droit du travail. Nous sommes conscients de la valeur de notre environnement. Nous reconnaissons que nous devons absolument préconiser un environnement solide, sain et durable dans un contexte de développement économique. Nous sommes conscients qu'il importe de consacrer les droits de la personne, la responsabilité morale et les principes, non seulement au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde.
Puisque de plus en plus, nous faisons partie d'une économie mondiale, nous devons nous attarder à ces enjeux sociaux très importants. Je ne remets pas du tout cela en question. En fait, j'incite tous les ordres de gouvernements, autant national que provinciaux, et quelle que soit leur allégeance politique, à se pencher sur ces enjeux sociaux et à intervenir à ce chapitre lorsqu'ils le peuvent. Je peux dire sans me tromper que ces enjeux préoccupent tous mes électeurs, y compris ceux qui vivent à Winnipeg-Nord. L'exploitation des enfants et les torts causés à l'environnement sont une source de préoccupation pour chacun d'entre nous. Certains pays sont pires que d'autres. Certains pays ont des normes beaucoup plus élevées.
Cela risque de surprendre les députés, mais le Canada n'est pas un chef de file à tous ces égards. J'aime croire que dans l'ensemble, nous faisons preuve d'un très grand leadership, mais ne nous leurrons pas; il y a place à l'amélioration au pays. Cela dit, il importe de reconnaître que nous avons beaucoup à gagner du commerce et que nous avons tout intérêt à le favoriser. Le Canada est un pays commerçant.
J'ai fait des recherches, ce qui m'a permis d'obtenir certaines données. En 2010, les importations du Manitoba, une province qui compte 1,25 million d'habitants, totalisaient 13,8 milliards de dollars, une somme qui correspond au PIB total de nombreux pays. Ainsi, 81,4 p. 100 de ce montant total provenait des États-Unis, tandis que 648 millions de dollars provenaient de la Chine, 380 millions de dollars, du Mexique, 210 millions de dollars, de l'Allemagne et 203 millions de dollars, du Danemark. Le reste provenait d'autres pays partout dans le monde.
Hier, nous avons parlé d'un accord de libre-échange avec le Panama. Aujourd'hui, il est question d'un accord avec la Jordanie. Lorsque nous parlons d'autres pays dans le monde, ce sont de ces pays que nous parlons. Les députés du Nouveau Parti démocratique ont déclaré qu'il s'agit d'une somme infime et que la Jordanie se classe au 88e rang des pays avec lesquels nous faisons des échanges commerciaux; le montant de ces échanges totalisait environ 86 millions de dollars l'an dernier.
Les critiques n’ont pas manqué à l’égard du Panama, mais nous devons être très prudents. Oui, le Panama connaît certains problèmes, tout comme la Jordanie et de nombreux autres pays. Toutefois, il ne faut pas sous-évaluer les possibilités qu’offrent ces pays, et nous savons que le commerce peut améliorer la vie de tous leurs citoyens s’il est mené de façon équitable.
Certains sont d’avis que, lorsque nous concluons un accord commercial avec un pays, nous entérinons ce qui se passe dans ce pays en matière de droit du travail et de l’environnement, de droits de la personne et d’autres préoccupations. En toute logique, nous pourrions dire la même chose pour le commerce international. Peut-on dire que, parce que nous autorisons un tel volume d’échanges entre le Canada et d’autres pays qui ont ce genre de problèmes sociaux, nous appuyons le comportement de ces pays? Je ne le pense pas. Les Canadiens sont sincèrement préoccupés par ces graves problèmes sociaux. Nous avons pu constater l’importance du développement économique entre nations. Aujourd’hui, le débat porte sur la Jordanie.
J’aimerais mentionner le cas d’un pays qui me passionne, les Philippines. C’est un pays qui m’est très cher. Les Philippines sont la principale source d’immigrants au Canada aujourd’hui. Elles sont la principale source d’immigrants au Manitoba depuis un certain nombre d’années déjà. J’aime à croire que la relation entre le Canada et les Philippines dépasse le cadre étroit de l’immigration. Il nous faut développer et encourager cette relation. Je mets au défi le gouvernement du Canada et le de trouver des moyens d’aller au-delà de l’immigration. Selon moi, le Canada a plus besoin des Philippines que les Philippines ont besoin du Canada. Nous devrions envisager d’élargir cette relation.
Mon collègue du Nouveau Parti démocratique a parlé de fréquentations, par opposition au mariage. Selon lui, les fréquentations équivalent à permettre les échanges commerciaux, tandis que le mariage correspond à un accord de libre-échange. Nous devrions penser à officialiser notre relation avec un pays comme les Philippines en raison des avantages économiques et sociaux que nos deux grands pays en tireraient.
Il n’est pas nécessaire de déconsidérer le commerce mondial ou l’immigration, ou n’importe quel autre secteur, lorsque l’activité fait intervenir un accord de libre-échange. C’est de là que vient la confusion dans le message des néo-démocrates.
Hier, j’ai demandé au porte-parole du NPD en matière de finances de me donner un exemple d’accord de libre-échange que le NPD avait appuyé à l’occasion d’un vote. Il ne m’a pas vraiment répondu, mais j’ai pu poser une question de suivi, et la première chose qui est venue à l’esprit du député, c’est que le NPD avait appuyé le pacte de l’automobile.
Bien des gens ont appuyé le pacte de l’automobile, et ce, pour une très bonne raison. Le pacte de l’automobile est un accord qui a été conclu par Lester Pearson en 1965, et les Canadiens en ont immensément bénéficié. Des millions d’emplois ont été créés en conséquence directe de cet accord. Il garantissait un rôle au Canada dans la fabrication des véhicules. C’était un excellent accord, et Lester Pearson était, comme par hasard, un premier ministre libéral. L’accord a été l’un de ses plus beaux succès. Il a préparé le terrain pour ce qui est des avantages que nous pouvons tirer d’accords bien négociés. Je me réjouis que les néo-démocrates aient appuyé cet accord.
Mais revenons à notre époque et examinons le rôle précieux que nous pourrions jouer en facilitant le commerce international, de façon à ce que tous les Canadiens puissent en tirer parti. À mes yeux, c’est sur ce point que le débat devrait porter.
La plus grande critique que j’adresserais au gouvernement au sujet de ce projet de loi concerne son attitude à l'endroit des échanges commerciaux avec certains de nos plus grands partenaires. Il semble avoir failli à sa tâche. Il n’a pas réussi à garantir l'accès, dont les Canadiens ont besoin, à certains des marchés américains et européens pour lesquels nous devrions nous battre.
Il y a un bon exemple de cela au Manitoba. Cette province s’enorgueillit d’un merveilleux secteur de l’élevage porcin très dynamique. J’ai eu l’occasion, il y a quelques années, de constater de visu la vigueur de l’élevage porcin au Manitoba. Je me suis rendu dans une colonie huttérienne qui avait une porcherie d’environ 10 000 têtes que l’on amenait jusqu’à un certain poids. Une fois ce poids atteint, on chargeait les porcs sur un camion et on les acheminait à l’abattoir de Brandon. J’ai pu visiter les différentes installations, depuis la naissance des porcelets jusqu’au conditionnement ultime de la viande exportée. C’était très impressionnant.
La première chose qu’il m’a fallu faire en entrant dans la porcherie était de me désinfecter. J’ai dû prendre une douche, enfiler une combinaison spéciale, et la première pièce dans laquelle je suis entré était une salle d’ordinateur. Nos agriculteurs des Prairies se sont largement convertis à la haute technologie de nos jours. L’ordinateur nous indiquait précisément combien de nourriture chaque porc mangeait. Toute l’alimentation était fonction de l’âge de l’animal en semaines et calculée de façon à ce que chacun reçoive la bonne quantité de protéines et de nourriture. Ensuite, les porcs sont expédiés à Brandon. Des centaines d’emplois sont créés dans des localités comme Brandon et Neepawa et de nombreuses autres localités rurales grâce à l’expansion de l’élevage porcin. Celui-ci est passé d’une industrie qui, au début des années 1990 — et c’est une estimation au jugé que je vous donne là — rapportait probablement moins de 500 000 $ à un secteur qui vaut aujourd’hui des millions de dollars.
Le porc produit au Manitoba est exporté. Le Manitoba doit pouvoir exporter ce porc s’il veut conserver les emplois actuels, des emplois très précieux qui mettent le pain et le beurre sur la table de centaines de familles de la province. Nous avons besoin de ce débouché. Par conséquent, lorsque la Corée a ouvert des négociations avec les États Unis, il est compréhensible que nombre de nos agriculteurs au Manitoba demandaient pourquoi le Canada n’en faisait pas autant.
Nous pourrions parler de la crise de l’ESB et de la panique qu’elle a engendrée chez les éleveurs de bovins dans les provinces des Prairies. Là encore, des centaines, voire des milliers d’emplois, étaient en jeu. Les échanges commerciaux comptent énormément pour ces gens-là.
Mais cela va encore plus loin. Il n’y a pas que nos industries agroalimentaires. L’industrie vestimentaire a connu des hauts et des bas dans la province du Manitoba, et je pense qu’il en a été de même dans tout le pays. C’est pourquoi je considère que nous avons manifestement intérêt à trouver des débouchés stables. Les nouvelles ne sont pas toujours mauvaises. Il existe quantité d’exemples de réussite.
Certaines parties du secteur manufacturier du Manitoba sont en pleine expansion et obtiennent d’excellents résultats, comme en témoignent les autocars de New Flyer Industries, magnifique exemple de réussite de la province du Manitoba, et la société Carte, de l’avenue Logan, qui est plus petite, mais qui a un grand succès. Je parle d’entreprises qui fabriquent de tout, qu’il s’agisse d’autocars ou de composantes pour le secteur de l’électricité. Leur production n’est pas juste destinée aux marchés locaux du Manitoba. Si c'était le cas, elles ne survivraient pas. Elles fabriquent des produits qui sont vendus sur les marchés internationaux. Par conséquent, lorsque nous examinons des projets d’accords de libre-échange, nous y voyons des avantages possibles pour les Canadiens.
Toutefois, nous avons effectivement besoin de faire attention avant de signer ces accords. Il y a l’exemple de l’industrie des vêtements. Au cours des années 1990, entre 8 000 et 9 000 Manitobains y étaient directement employés, travaillant sur des machines à coudre, etc. Au cours des dernières années, soit entre 1999 et 2007, notre industrie des vêtements a terriblement périclité, son effectif passant à moins de 1 000 travailleurs.
J’ai eu l’occasion d’en discuter avec les responsables de quelques entreprises, comme Peerless Garments et Freed & Freed, qui font du très bon travail. Je crois comprendre que, même maintenant, il y a une certaine croissance dans cette industrie. Il n’en reste pas moins qu’elle m’inquiète.
Nous avons une très importante industrie aérospatiale au Manitoba. Lorsque nous examinons des accords de libre-échange, je crois que, s’ils sont bien conçus, ils peuvent bénéficier à de nombreuses industries de la province et, en fait, de tout le Canada. La libéralisation du commerce avec les différents pays et, d’une façon générale, la conclusion d’accords commerciaux officiels constituent à mon avis des mesures positives.
Cela étant dit, on peut s’inquiéter du fait que le gouvernement n’agit pas dans d’autres domaines qui ont de grandes répercussions sur l’emploi et sur le secteur manufacturier, partout dans le pays. Tandis que les économies cherchent à se sortir comme elles peuvent de la dernière récession, nous avons une situation marginale pour ce qui est de notre orientation dans les prochaines années. Nous craignons que le gouvernement n’ait pas pris les mesures nécessaires pour appuyer les industries autant qu’il pourrait le faire, ce qui cause une grande préoccupation. Le gouvernement a fait certaines choses, comme l’abolition de la Commission canadienne du blé, qui auront de profondes répercussions sur nos provinces de l’Ouest.
Encore une fois, nous sommes heureux d’examiner ce projet de loi et souhaitons qu’il finisse par aboutir au comité, mais nous croyons vraiment que le gouvernement doit porter une plus grande attention et s'intéresser davantage à toute la question du commerce avec certains de nos grands partenaires.
J’ai mentionné les exportations. Au chapitre des importations, je répète que 81,4 p. 100 des importations du Manitoba viennent des États-Unis. Les Canadiens s’inquiètent beaucoup parce que des dizaines de milliers d’emplois de ces marchés seront touchés lorsque des entreprises de l’Ontario iront s’établir aux États-Unis. Ils s’inquiètent aussi du rôle que joue le gouvernement dans la protection de nos emplois. Voilà le genre de préoccupations que nous avons aujourd’hui. Il est nécessaire que le gouvernement adopte une approche beaucoup plus proactive sur ce front.
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Monsieur le Président, nous avons remarqué que les libéraux ont tendance à appuyer aveuglément toutes les mesures proposées par les conservateurs. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles ils occupent ce coin-là de la Chambre des communes. Chaque fois que les conservateurs présentent des mauvais accords qui n'ont pas été bien négociés et qui risquent d'avoir des répercussions négatives, les libéraux votent en faveur de ceux-ci. Les électeurs les ont punis, et à juste titre, pour leur tendance à voter aveuglément en faveur de tous les projets de loi conservateurs, sans se soucier de leurs conséquences. Nous ne sommes pas comme eux. Nous lisons les projets de loi et les analyses, et nous évaluons les répercussions que ces mesures législatives auront sur nos industries.
Prenons l'exemple de l'Accord sur le bois d’oeuvre. Les témoins avaient indiqué clairement au Comité du commerce international que nous perdrions des dizaines de milliers d'emplois si nous signions cet accord. Il était mal négocié. La disposition anti-contournement était vague au point de n'avoir aucun effet. L'industrie et les contribuables canadiens ont dû payer les amendes de dizaines de millions de dollars qui ont été imposées depuis la signature de ce mauvais accord bénéficiant de l'appui des libéraux et des conservateurs.
Quand l'accord commercial avec la Colombie a été proposé, nous avons exprimé des inquiétudes à la Chambre à propos de la situation des droits de la personne. Les conservateurs et leurs alliés libéraux nous ont dit que cet accord résoudrait les problèmes relatifs au respect des droits de la personne en Colombie. Laissez-moi vous lire un extrait du rapport le plus récent d'Human Rights Watch. On y affirme que les nouveaux groupes paramilitaires reliés au régime:
[...] ont ciblé à maintes reprises les défenseurs des droits de la personne, les dirigeants afro-colombiens et autochtones, les syndicalistes et les groupes de victimes tentant d'obtenir justice et de recouvrer leurs terres. Ces groupes semblent être à blâmer pour la hausse de 34 p. 100 du nombre de massacres enregistrés en 2010 et pour l'augmentation continue du nombre de cas signalés durant la première moitié de 2011.
Tant les libéraux que les conservateurs nous ont dit que la signature de cet accord avec la Colombie réduirait les massacres, les viols, les cas de torture et les violations incroyables des droits de la personne dont sont responsables les groupes paramilitaires liés au gouvernement colombien. Toutefois, c'est le contraire qui s'est produit, et nous avons observé une augmentation de ce genre de situations.
Nous avons parlé hier de l'accord panaméen. La députée de et de nombreux députés néo-démocrates ont pris la parole à ce sujet. Je ne peux absolument pas concevoir que, en dépit du fait que l'OCDE, le département d'État américain et l'IRS aient déclaré le Panama un pays blanchisseur de narcodollars, le gouvernement n'ait même pas conclu un accord d'échange de renseignements fiscaux avant de présenter à la Chambre l'accord avec le Panama. C'est là un geste irresponsable qui ne mènera pas à la création d'emplois que nous voulons au pays. Le NPD est le seul parti qui semble évaluer les répercussions de ces accords. Les néo-démocrates interviennent et se battent à la Chambre pour défendre les valeurs canadiennes profondes et faire en sorte que nous ayons un système commercial qui respecte ces valeurs.
Ces derniers jours à la Chambre, les conservateurs, reprenant l'argumentaire rédigé par le cabinet du premier ministre, font valoir que les accords ont contribué à notre prospérité économique. Là encore, les néo-démocrates, mettant à profit leur ardeur au travail, leurs connaissances et leurs antécédents professionnels très variés, ont consulté les statistiques pour connaître notre bilan, et ils sont les seuls à l'avoir fait. Avant de saisir la Chambre de ces accords, le gouvernement n'a effectué aucune évaluation et aucun député conservateur n'a fait preuve de la moindres diligence raisonnable pour vérifier les résultats que ces accords produisent.
Comme je l'ai mentionné hier, notre bilan n'est pas très reluisant. Nous enregistrons un déficit commercial record. Les usines de fabrication, telles que White Birch et Electro-Motive, ferment leurs portes et nous perdons des milliers d'emplois. Le Canada n'arrive pas à maintenir l'équilibre et accuse un déficit commercial. Ces produits manufacturés sont maintenant importés. Ces emplois se retrouvent maintenant dans d'autres pays.
Le déficit de la balance des paiements atteint actuellement un record. Même les matières premières que les conservateurs adorent exporter ne compensent pas nos besoins d'importation. Les déficits records dans ces deux domaines sont la preuve d'un échec patent de la part du gouvernement, qui n'a pas su mettre en place une stratégie commerciale efficace.
S'agissant des pertes d'emplois, le bilan est encore plus désastreux. Je sais que les conservateurs se plaisent à citer chaque jour des chiffres différents; ils se vantent en tout cas d'avoir créé de très nombreux emplois. Depuis mai 2008, il y a eu environ 200 000 nouveaux emplois. Le problème est que la main-d'oeuvre a augmenté de 450 000 personnes. Avant même d'entrer en récession, le ralentissement qui s'est produit à l'automne, le gouvernement avait déjà un déficit d'un quart de million d'emplois. De septembre à février, 60 000 emplois à temps plein ont été perdus. À cela s'ajoutent les fermetures d'usines que nous avons pu constater dans diverses régions du pays.
Les conservateurs diront qu'il est acceptable de perdre des emplois, qu'il est acceptable de voir que le marché n'a pas suivi la croissance de la main-d'oeuvre, qu'ils ont un déficit d'un quart de million d'emplois et qu'ils ont perdu 60 000 emplois, mais qu'ils ont créé de bons emplois. Voilà un autre message des conservateurs, message qu'ils n'ont jamais pu étayer par la moindre preuve. Si l'on s'en tient aux chiffres de Statistique Canada, nous voyons un bilan très différent. Les emplois qui ont été créés ont tendance à être des emplois à temps partiel et temporaires, le type d'emploi qui ne permet pas de faire vivre une famille.
Le résultat est que les emplois que les conservateurs ont réussi à créer sont rémunérés 10 000 $ de moins par an que ceux qui ont été perdus sous leur gouverne au cours des six dernières années. Nous le savons, ils ont perdu 400 000 emplois dans le secteur manufacturier. Les quelques emplois que les conservateurs ont créés sont rémunérés 10 000 $ de moins par an. C'est une réalité statistique. Ce n'est pas mon instinct qui le dit, c'est Statistique Canada. Les quelques emplois qui ont été créés sont des emplois de piètre qualité, des emplois précaires, à temps partiel ou temporaires.
Quel est le résultat net de la gestion de l'économie par les conservateurs? Nous observons une diminution des revenus de la famille canadienne moyenne au cours de la dernière année. Si les députés parlent aux gens de leur circonscription, ils verront que la plupart des familles canadiennes ont de la difficulté à joindre les deux bouts ces temps-ci. C'est qu'en dollars constants, sans l'inflation, les revenus sont de moins en moins élevés.
On dit souvent que les temps sont durs sous les conservateurs. C'est particulièrement vrai pour les familles canadiennes, car elles gagnent de moins en moins d'argent. Il est indéniable que les familles canadiennes sont plus pauvres lorsque ce sont les conservateurs qui gouvernent.
Quel est le résultat? Les conservateurs sont en train de se réveiller et de reconnaître qu'ils auraient dû regarder ces statistiques économiques et bien les étudier. Je les encourage à prendre connaissance du bilan économique pour voir ce que vivent les familles canadiennes actuellement. Ils en apprendront beaucoup. Je sais que certains communiquent avec leurs électeurs, alors ces électeurs leur diront qu'une diminution de 2 p. 100 des salaires n'est pas un motif de réjouissance pour les familles canadiennes.
Le résultat est que les familles canadiennes sont aujourd'hui plus endettées que jamais. Au cours de l'histoire du pays, elles n'ont jamais eu à supporter un tel fardeau. Le taux d'endettement atteint des niveaux record. Les familles canadiennes gagnent de moins en moins d'argent. Les emplois disparaissent. Les emplois créés sont de moins bons emplois. Ce sont des emplois à temps partiel et des emplois temporaires, et ils sont moins bien rémunérés. Voilà le bilan économique des conservateurs.
Quand les conservateurs affirment à la Chambre des communes que, leurs autres mesures n'ayant pas fonctionné, ils comptent nous faire avaler un autre accord commercial en espérant que ça fonctionne, que la prospérité désirée soit au rendez-vous et que le NPD soit d'accord, nous ne nous arrêtons pas aux boniments politiciens. Nous examinons la réalité. Nous cherchons à savoir si les effets de ces accords ont été évalués. Mais il n'y a pas eu d'évaluation et il n'y en aura jamais, car on révélerait ainsi les difficultés que causent souvent ces accords. Que se passe-t-il maintenant? Le gouvernement nous propose ce nouvel accord commercial.
Comme je l'ai dit hier à la Chambre, nous avons aussi de sérieuses réserves en ce qui concerne l'accord avec le Panama. Nous avons exprimé des préoccupations à la Chambre au sujet de l'accord avec la Colombie et de la capitulation sur le bois d'oeuvre. Quant à la Jordanie, c'est un pays qui fait des progrès au chapitre des droits de la personne, mais ce qui nous préoccupe dans les accords proposés par les conservateurs, c'est leur structure ou le modèle dont ils s'inspirent.
Ils les qualifient d'accords de libre-échange. Nous parlons de pratiques commerciales loyales et, pour tout dire, la différence entre les deux concepts est aussi grande que celle entre conduire une Ferrari moderne et conduire la voiture de Fred Flintstone, qui roule sur des pierres. C'est là la différence entre la politique commerciale des conservateurs et ce que le NPD propose à partir de maintenant.
Le modèle archaïque des conservateurs remonte aux années 1980, à l'époque où Ronald Reagan était président. Il comporte certaines choses comme des dispositions investisseur-État, qui ont préséance sur la volonté de gouvernements démocratiquement élus. Nous avons vu des gouvernements qui, parce qu'ils avaient pris des décisions dans l'intérêt public et conformes à la volonté des citoyens, ont dû payer des amendes salées, non pas parce qu'ils avaient mal agi ou que le processus sapait d'une manière ou d'une autre la démocratie. En fait, ils ont fait exactement ce qu'un gouvernement prudent devrait faire: ils ont pris des décisions dans l'intérêt public, comme d'interdire des neurotoxines extrêmement nuisibles pour la santé. Mais, en raison des dispositions investisseur-État, une fois que le gouvernement prend cette décision, les citoyens, ou contribuables, doivent dédommager l'entreprise. Les dispositions investisseur-État correspondent à un idéal de la droite proposé dans les années 1980 sous Reagan, dont on trouve des traces encore aujourd'hui, en 2012, dans le modèle d'accord commercial utilisé par les conservateurs.
Les conservateurs se défendent en disant que les libéraux en ont fait autant et c'est vrai. Toutefois, dans la réalité mondiale actuelle, nous privilégions les accords commerciaux justes et progressistes, dont le Mercosur — qui vise des objectifs sociaux et des mesures pour contrer la pauvreté — est un exemple. C'est ce genre d'approche que nous voulons voir.
Nous parlons de l’Union européenne et de ses obligations contraignantes en matière de droits de la personne. Le gouvernement conservateur a signé un accord commercial avec la Colombie. Et qu’observe-t-on aujourd’hui? Le gouvernement colombien est de plus en plus associé à des actes de violence paramilitaires et l'on constate une augmentation du nombre de massacres, étant donné que notre accord avec ce pays n’est assorti d’aucune obligation contraignante en matière de droits de la personne. Certes, cet accord prévoit la publication éventuelle d’un rapport plus ou moins édulcoré, à un moment ou à un autre, mais aucun rapport n’a encore été déposé à la Chambre. Le fait est, monsieur le Président, que d’autres gouvernements progressistes ont insisté pour inclure des obligations en matière de droits de la personne. Ça fait partie des valeurs fondamentales que chérissent les Canadiens. C’est là le genre d’approche progressiste que les Canadiens veulent que leur gouvernement adopte pour la négociation d’un accord assurant un commerce loyal.
Nous parlons du modèle australien; le gouvernement travailliste de ce pays s’est dit opposé à des dispositions régissant les rapports investisseur-État. Ça remonte aux années 1980, à l’époque où la droite exerçait des pressions sur le gouvernement et sur la démocratie. Nous en percevons aujourd’hui certains relents, malheureusement, mais le fait est que les accords progressistes de commerce équitable ne comportent pas de dispositions régissant les rapports investisseur-État, entre autres.
Ce sont de tels accords qui ont notre soutien. Voilà donc le type d'amendements que nous proposons. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici, à la Chambre des communes, pour proposer des idées intelligentes, progressistes et modernes. Nous l’avons fait pour chacun des accords et, chaque fois, les conservateurs ont refusé de moderniser leur approche. Ils se cantonnent dans leur idéologie de droite et leur vision étroite, sans tenir compte des conséquences. Pour eux, l’idéologie est plus importante que les objectifs qu’un accord commercial devrait avoir pour bien refléter les valeurs canadiennes et pour être efficace.
Avant de passer au point suivant, j’aimerais faire encore une tentative. Nous avons proposé cette infrastructure moderne pour la négociation d’un accord de commerce équitable, mais nous nous sommes chaque fois heurtés à un refus de la part du gouvernement. Nous avons proposé une dizaine d’amendements pour le dernier accord, mais ils ont tous été rejetés.
Pour ce nouvel accord, nous allons faire une nouvelle tentative, car même ceux qui sont les plus arqueboutés sur leurs principes idéologiques peuvent un jour voir la lumière. Nous avons donc fermement l’intention de continuer de proposer d’autres options positives.
J’aimerais parler de ce qui se passe après la signature d’un accord commercial. Quel que soit le contenu de l’accord, que ses dispositions fleurent le paléolithique fraîchement décongelé ou qu’elles s’inscrivent dans un agenda axé sur un commerce équitable moderne et progressiste, ce que notre parti recommande, la question qu’il faut se poser c’est quels genres d’aides à l’exportation nous allons pouvoir mettre en place pour stimuler la croissance de l’économie canadienne.
Notre parti a fait ses recherches, lui, et il s’est débrouillé pour obtenir ces statistiques, car cela faisait un an que j’avais demandé au MAECI de me faire parvenir des chiffres sur le développement des marchés d’exportation...
NPD, ça veut dire Non à la Politique de Développement.
M. Peter Julian: Je vois que les conservateurs sortent de leur torpeur, monsieur le Président. À la bonne heure. Je m’en réjouis. C’est avec ce genre d’interventions qu’on va faire progresser le pays.
Mais le MAECI n’a pas pu me fournir ces données, en chiffres réels. Un dollar perd de sa valeur avec les années, à cause de l’inflation. Par conséquent, si nous voulons analyser l’évolution des exportations du Canada vers un pays avec lequel nous avons signé un accord commercial, nous avons besoin d’utiliser des dollars constants, car il faut comparer des choses identiques, n’est-ce pas? Tous mes collègues du NPD sont d’accord avec moi, et je vois que, du côté des conservateurs, ils le sont peut-être un peu moins. Peu importe. Ce que je voulais dire, c’est que nous n’avons pas pu obtenir ces chiffres auprès du MAECI et que nous avons donc dû faire les calculs nous-mêmes.
Il est intéressant de constater que, jusqu’en 2009, dans pratiquement tous les cas où un accord a été signé, et je signale en passant que c’était la même chose avec les libéraux, les conservateurs n’ayant fait que poursuivre dans la même voie, les exportations du Canada vers ces pays-là ont régressé après la signature d’un accord commercial. Je ne parle pas uniquement des exportations de produits fabriqués mais de toutes nos exportations. En revanche, nos importations de ces pays ont augmenté, confirmant ainsi bien pire que le syndrome hollandais: notre devise est artificiellement gonflée, ce qui nuit à la capacité de notre secteur manufacturier. C’est quelque chose dont les gens parlent beaucoup, souvent avec inquiétude.
Autrement dit, nos accords commerciaux présentent un syndrome particulier en ce sens qu’après leur signature, nos exportations vers ces pays régressent, mais nos importations augmentent. Les députés savent ce que cela veut dire: les emplois disparaissent, et la prospérité des Canadiens diminue. Dans pratiquement tous les cas, à l’exception notoire du Mexique, et j’y reviendrai dans un instant, nos exportations ont régressé. Dans certains cas, elles se sont redressées avec le temps, mais dans d’autres, non. Au Costa Rica, par exemple, nos exportations sont encore inférieures à ce qu’elles étaient à la signature de l’accord.
Ce qu’on observe, c’est un manque de détermination de la part du gouvernement qui, une fois que l’accord est signé, n’agit pas en conséquence. Les autres grandes économies industrialisées, comme l’Union européenne, les États-Unis et l’Australie, se sont dotées de mécanismes de promotion des exportations. Elles ont mis en place toutes sortes d’aides à la promotion des produits, pour faciliter leur exportation.
J’ai rencontré des délégués commerciaux du Canada à l’étranger qui n’ont même pas l’argent pour offrir un café à un client potentiel. Selon le chiffre que le MAECI nous a donné, le Canada consacre environ 13 millions de dollars à la promotion commerciale dans le monde entier. Je parle de la promotion des exportations. L’Australie y consacre un demi-milliard de dollars. L’Union européenne consacre 125 millions de dollars rien qu’à la promotion de ses vins. Les États-Unis, eux, dépensent plus de 80 millions de dollars rien que pour la promotion des produits du bœuf. C’est ça agir en conséquence, et ce n’est pas ce que fait le gouvernement actuel.
Maintenant, dans le cas de l’accord commercial avec la Jordanie, notre parti a l’intention de proposer des amendements en comité. Nous allons exercer toute la diligence voulue, comme les néo-démocrates l’ont toujours fait à propos d’enjeux commerciaux. Nous allons examiner de fond en comble le projet de loi qu’on nous a soumis et nous allons proposer des amendements. Notre porte-parole, le député de , et d’autres membres du Comité du commerce international présenteront ces amendements en temps voulu.
Nous espérons que les conservateurs finiront par voir la lumière et qu’ils accepteront les amendements que nous allons proposer et qui visent un accord de commerce plus progressiste et plus équitable. Pourquoi? Parce que c’est dans l’intérêt du Canada d’actualiser son modèle de négociation des futurs accords commerciaux. C’est dans l’intérêt du Canada de se doter d’une stratégie d’exportation qui stimulera la création d’emplois. Bref, c’est dans l’intérêt du Canada et des Canadiens de signer les accords progressistes de commerce loyal que les néo-démocrates préconisent à la Chambre.
J’espère que nos amendements recevront les appuis nécessaires en comité.
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Monsieur le Président, quand les esprits s'échauffent, cela me fait toujours plaisir d'intervenir. J'ai l'intention de calmer le jeu. Je ne dis pas que mon allocution sera ennuyante; je suis persuadé du contraire. Comme mon collègue de le sait pertinemment et comme il vient de le dire, de notre côté, au Bloc québécois, on a toujours des choses intéressantes à dire, notamment concernant les accords de libre-échange.
Cela me fait plaisir de prendre la parole, d'autant plus qu'avec toutes les motions d'attribution de temps que le gouvernement conservateur nous a imposées dernièrement — et je ne veux surtout pas leur donner d'idées pour les projets de loi dont la Chambre est saisie actuellement —, notre tour ne vient pas vite et pas souvent.
Je vais donc en profiter pleinement pour parler de la politique de libre-échange du gouvernement conservateur depuis qu'il est au pouvoir et plus particulièrement concernant le projet de loi , l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie. J'avais déjà eu l'occasion de me prononcer sur ce dossier à quelques reprises lors des précédentes législatures. Le Bloc québécois est en faveur du principe du projet de loi. Le Canada a déjà conclu une entente de libre-échange avec Israël. On connaît les susceptibilités propres à cette région et les conflits qui y règnent. Le message à envoyer serait effectivement positif: il s'agirait de conclure une entente de libre-échange avec un pays tel que la Jordanie.
Évidemment, si on regarde avec la lorgnette du Québec, on peut comprendre la raison pour laquelle on appuie ce projet de loi. Évidemment, on va toujours mettre les éléments dans la balance pour savoir si cet accord de libre-échange est bon ou mauvais pour l'économie québécoise. Nous ne sommes pas contre tous les accords de libre-échange, ni non plus en faveur de tous ces accords. Il faut évidemment peser le pour et le contre par rapport à l'économie québécoise.
Dans le cas de la Jordanie, on ne va pas prétendre que c'est une entente de libre-échange qui va être extrêmement fructueuse, mais ça peut être intéressant notamment pour le milieu agricole. Il n'y a pas beaucoup d'eau en Jordanie, pas beaucoup de cultures, pas beaucoup d'élevage. C'est donc une porte qui peut être intéressante pour le milieu agricole. Je donnerai des statistiques tout à l'heure concernant nos échanges avec ce pays. Elles prouveront que ce n'est pas énorme pour le moment, mais toute porte ouverte à cet égard peut être intéressante.
Le bois pourrait également être une avenue intéressante pour le Québec et, bien sûr, les pâtes et papiers. Cela me touche particulièrement, tout comme l'agriculture d'ailleurs, car des compagnies comme Cascades et Domtar sont bien implantées dans ma circonscription. Ce sont des possibilités pour le secteur des pâtes et papiers, le secteur québécois qui exporte déjà le plus en Jordanie d'ailleurs.
J'ai des statistiques qui datent de 2008. Je n'en ai pas trouvé de plus récentes. À cette époque, les échanges du Canada avec la Jordanie se chiffraient à 92 millions de dollars. On est donc loin des chiffres qu'on entend actuellement concernant l'accord de libre-échange en cours de négociation avec l'Union européenne. De ces 92 millions de dollars, 35 millions de dollars viennent du Québec et 25 millions de dollars viennent du secteur des pâtes et papiers. C'est donc la raison pour laquelle j'informais la Chambre de cette avenue intéressante à suivre. D'ailleurs, le Québec est la province canadienne qui a le plus d'échanges commerciaux avec la Jordanie: 45 p. 100 des échanges actuels se font à partir du Québec. Pour ce qui est des exportations canadiennes, comme je le disais, c'est un total de 92 millions de dollars, et ça va sans doute s'améliorer un peu grâce à cet accord de libre-échange. On peut donc en conclure que ça va s'améliorer également pour le Québec.
Selon certaines informations, la Jordanie a entrepris une modernisation de son État et de son économie. C'est un pays où l'éducation est très importante. Comme je le disais au début de mon allocution, favoriser le développement des relations commerciales avec ce pays pourrait envoyer un signal d'appui clair aux autres pays du Moyen-Orient en ce sens. Comme je le disais aussi, le Canada a déjà signé un accord de libre-échange avec Israël, un pays voisin de la Jordanie. Conclure cet accord avec la Jordanie pourrait démontrer une certain équilibre de nos intérêts dans la région compte tenu de la situation politique tendue qui existe entre l'État d'Israël et l'ensemble du Moyen-Orient, incluant la Jordanie.
Ce qu'on déplore actuellement de l'approche des conservateurs dans ces ententes de libre-échange, c'est d'avoir choisi de faire des ententes de libre-échange bilatérales. Tout ce qu'on entend actuellement en ce qui a trait au développement du commerce international, ce sont des possibilités d'accords de libre-échange bilatéraux. On l'a fait récemment avec la Colombie, avec le Panamá. On discute avec l'Union européenne. On me dira que ce n'est pas un seul pays.
On a carrément laissé tomber le cycle de Doha. Toutes les ententes multilatérales sont actuellement sur la glace, et on discute d'autres ententes de libre-échange, dont une très importante avec la Chine.
De notre côté, cela nous pose évidemment problème, parce que cette approche est beaucoup moins efficace que l'approche multilatérale pour le développement d'un commerce plus équitable respectant les intérêts de l'ensemble des nations. Par exemple, dans le cycle de Doha, les pays en développement fondaient énormément d'espoir sur une entente multilatérale. Cependant, les pays les mieux nantis ne sont pas du tout à l'écoute et ne sont pas intéressés à changer les choses, de sorte qu'il y a un blocage continuel des ententes de libre-échange multilatérales. Ce n'est évidemment pas le Canada qui aide cette cause-là.
On souhaite un changement dans les priorités commerciales. Après la libéralisation des échanges, on doit se concentrer sur l'établissement de règles permettant des échanges plus équitables. Le Bloc québécois estime que la politique commerciale doit viser une mondialisation équitable plutôt que de rechercher le profit seulement en laissant tomber les conditions humaines et environnementales. Nous voulons que les nouveaux accords de libre-échange contiennent des dispositions exécutoires qui exigent le respect des standards minimums en matière de droits de la personne, de droits du travail et de respect de l'environnement.
On me dira qu'on ne retrouve pas ça dans toutes les ententes de libre-échange bilatérales. Bien sûr, on en a eu la preuve cette semaine, alors qu'on discutait encore de l'accord de libre-échange entre le Canada et le Panamá. Le Panamá est un paradis fiscal. Comment peut-on accepter, en 2012, qu'un pays comme le Canada fasse un accord de libre-échange avec un pays où il est encore possible que les banques et les grandes entreprises bénéficient de paradis fiscaux. D'ailleurs, au Canada, il n'y a toujours rien de mis en place pour empêcher de telles pratiques. Certes, il y en a, mais il y a encore des trous et des failles qui rendent cela encore possible. Quel message envoie-t-on aux grandes entreprises, aux banques et aux gens ont des idées pas nécessairement droites — et non pas à droite — et qui voient que le Canada décide de faire un accord de libre-échange avec le Panamá? Le message est évidemment de ne pas se gêner, que la porte est ouverte et qu'on peut bénéficier de ces paradis fiscaux.
On ne peut pas accepter ce genre d'accord de libre-échange. Un autre accord est assez récent est l'accord de libre-échange avec la Colombie, pays où les droits humains sont bafoués, où des journalistes sont assassinés ou mis en prison et où les syndicats sont absolument interdits.
Je ne comprends pas que des accords de libre-échange se fassent encore avec ces pays en croyant que la situation dans ces pays va s'améliorer, peut-être de façon magique, grâce à la signature d'un accord commercial. C'est plutôt le message contraire qu'on envoie, à savoir qu'il n'y a pas de problème, que dans ces pays on peut continuer les exactions, qu'on peut faire aux gens de ces pays ce qu'on refuserait de faire, ici, à notre peuple. On leur dit que ce n'est pas grave parce qu'on va faire quand même du commerce avec eux et que tout va bien aller. Cette approche n'est pas du tout crédible. C'est pourquoi des accords multilatéraux amélioreraient nettement la situation.
Dans leur forme actuelle, les accords parallèles en matière de normes minimales du travail et de protection de l'environnement manquent d'un mécanisme contraignant qui permettrait de leur donner une efficacité réelle. C'est ce qu'on veut dans les futurs accords de libre-échange.
Pour être crédible sur cette question, on doit rapidement adhérer aux grandes conventions de l'Organisation internationale du travail contre les discriminations, le travail forcé, qui existe encore dans des pays avec lesquels on fait des échanges, le travail des enfants, qui existe malheureusement encore aujourd'hui, ainsi qu'à celles qui sont pour le droit des associations syndicales et la libre négociation.
Dans ce sens, il faut examiner tous les accords de libre-échange pour s'assurer qu'on fait affaire avec des pays qui sont, à tout le moins, sur la bonne voie, des pays qui sont prêts à effectuer les changements nécessaires pour pouvoir faire du commerce. J'ai toujours pensé qu'avant même d'entériner un accord de libre-échange comme celui qu'on entend faire avec la Chine, par exemple, il fallait mettre cartes sur table et s'assurer que ces pays allaient se conformer aux normes minimales d'ici et qui veillent à ce qu'il n'y ait pas d'enfant au travail ni de syndicaliste en prison, et à ce que l'environnement soit respecté.
Je ne suis pas sûr, dans les discussions embryonnaires avec la Chine, qu'on va réussir à exiger de ce pays qu'il adopte des normes environnementales minimales. Pensons seulement à l'agriculture. Quand des produits sont importés de Chine, on ne sait pas du tout comment ils sont cultivés, quelle eau et quels pesticides sont utilisés. Même aujourd'hui, il y a des produits qui entrent chez nous et qui sont sans aucun doute d'une qualité douteuse dans certains cas. Il y a eu des scandales. Il y a eu le scandale de la mélamine dans le lait en Chine. Il y a eu aussi des scandales mettant en cause des jouets dans lesquels la concentration de plomb était beaucoup trop élevée. Compte tenu de tout cela, avant de conclure un accord bilatéral avec ce genre de pays — par exemple, la Chine —, il faut s'assurer que les changements ont été faits.
Depuis quelques années, la Jordanie démontre qu'elle peut faire des échanges commerciaux d'une façon qui nous apparaît correcte, au Québec. On peut lui faire confiance et avoir avec ce pays des échanges qui pourraient être bénéfiques pour les deux parties. On a donné des chiffres tout à l'heure et on peut dire que ce ne sont pas des accords de libre-échange de la même envergure que celui qu'on est en train de négocier avec l'Union européenne.
Concernant les accords de libre-échange, il y a une autre façon de faire du gouvernement qui est très critiquable. Dans le cas de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, pour la première fois, on a laissé sur la table la gestion de l'offre. Dans toute l'histoire, tous les gouvernements et tous les partis ont toujours exclu la gestion de l'offre pour nos producteurs agricoles, de volaille, de lait et d'oeufs. Ils ont une façon de faire très bénéfique tant pour les producteurs que pour les consommateurs. On avait exclu cette façon de fonctionner chez nous pour que les autres pays ne viennent pas jouer dans nos tarifs et essayer de faire entrer plus de produits chez nous. Malheureusement, avec l'Union européenne, on a laissé sur la table le système de la gestion de l'offre. C'est extrêmement inquiétant, même si les conservateurs nous disent de ne pas s'en faire, qu'ils vont respecter la motion que j'ai déposée et parrainée en 2005 visant à attacher les mains des négociateurs canadiens quant à la gestion de l'offre sur la scène internationale.
Il n'en demeure pas moins qu'il n'y a aucune transparence dans les discussions entre l'Union européenne et le Canada ni dans aucun accord de libre-échange. Il serait temps que le Parlement fasse comme dans d'autres pays et qu'on puisse discuter des détails de ces accords pendant que les négociations sont en cours, afin d'être informés de la teneur des discussions et de se prononcer sur les tenants et aboutissants des accords de libre-échange.
En ce qui concerne le Canada et l'Union européenne, on ne sait pas du tout s'il y a des discussions sur la gestion de l'offre. Il y a parfois des fuites qui nous apprennent, par exemple, que les Français aimeraient nous envoyer plus de fromage. Si les Français nous envoyaient plus de fromage, le Québec, qui est un grand producteur de fromage, pourrait en subir les conséquences. Il faut être excessivement prudent à cet égard.
Je parle d'agriculture, mais il en va de même de la culture québécoise. Dans ce genre d'entente de libre-échange, il faut absolument être vigilant. Aujourd'hui, la transparence aurait droit de cité. Or ce n'est malheureusement pas le cas avec le gouvernement conservateur.
L'approche utilisée dans les ententes bilatérales n'est pas la bonne. En même temps, il faut faire du cas par cas, quand on nous présente un projet de loi comme celui dont on discute aujourd'hui, le projet de loi entre le Canada et la Jordanie. On doit examiner ce projet de loi à la lumière de ce qui est indiqué dans l'accord de libre-échange. En toute bonne foi, on ne peut pas dire que ce n'est pas un bon accord. On va donc accepter de voter en faveur de ce projet de loi.
Il y a un petit bémol concernant l'exportation de l'eau. J'en avais parlé dans un de mes discours à la législature précédente. Je sais que dans le projet de loi de mise en oeuvre de l'accord entre le Canada et la Jordanie, il est question d'exclure toute eau, qu'elle soit sous forme liquide ou gazeuse, mais ce n'est pas indiqué spécifiquement dans l'accord de libre-échange.
Peut-être que les négociateurs pourraient prendre bonne note de cette information et que ça pourrait être discuté en comité, également. Tout à l'heure, je parlais de nos possibilités de faire des échanges dans le milieu agricole. Une des raisons pour lesquelles la Jordanie n'a pas beaucoup de cultures, c'est qu'elle n'a pas beaucoup d'eau. Il ne faudrait surtout pas que, pour ce qui est des accords actuels ou futurs, on se mette à penser qu'on peut se servir de l'eau — particulièrement de celle du Québec, qui est bien nanti de ce côté — pour attirer d'autres pays à importer beaucoup d'eau. C'est totalement exclu, de notre façon de voir les choses, de faire le commerce de notre eau. Cela fait en sorte qu'il serait peut-être bon non seulement d'indiquer cette interdiction dans la loi de mise en oeuvre, mais également de faire de même en ce qui concerne l'accord proprement dit.
Pour toutes ces raisons, malgré tout, il est possible de faire des échanges fructueux avec la Jordanie. Comme je le disais plus tôt, sur le plan symbolique, il est important dans cette région du monde de montrer qu'on est également ouvert à des échanges commerciaux non seulement avec Israël, mais également avec d'autres pays, comme la Jordanie. C'est un bon exemple à donner. Car on sait qu'actuellement, le gouvernement conservateur a tendance à avoir des oeillères et à ne prendre parti que pour un seul pays — Israël, pour ne pas le nommer. Il me semble que ce message qu'on envoie est beaucoup plus un message d'ouverture, et il fera en sorte que tout le monde pourra en bénéficier.
En ce qui concerne les ententes futures, il faudra également s'assurer de ne pas conclure de façon aveugle des ententes de libre-échange sans prendre en compte les droits humains, environnementaux et du travail. Car on va se retrouver avec des ententes de libre-échange comme celle avec la Colombie. J'ai bien hâte de voir s'il va y avoir des améliorations grâce à cette entente de libre-échange. Je suis convaincu que non, parce que le message qu'on envoie, c'est le message contraire.
On leur dit de continuer comme ça, qu'il n'y aura pas de problème, qu'ils vont faire de l'argent et réussir à faire du commerce sans même qu'on leur tape sur les doigts ou qu'on les avertisse qu'il n'y aura pas de commerce avec eux tant qu'ils n'auront pas amélioré cette situation. C'est un mauvais exemple. Il y a de bons exemples, et c'est celui où il y a une possibilité de faire du commerce avec des pays qui, même s'ils ne sont pas nécessairement à l'image du Canada ou du Québec, ont de bonnes intentions. La Jordanie est un cas qui est fort intéressant à cet égard.
De la lorgnette du Québec, de notre point de vue, on ne peut pas se permettre, compte tenu de toutes les petites et moyennes entreprises qu'il y a un peu partout sur le territoire, de dire non à toute entente de libre-échange. J'en appelle à tous les députés québécois de faire en sorte d'accepter qu'on puisse faire des accords de libre-échange avec certains pays. Celui-là est un. Le Panamá n'est pas un bon exemple, la Colombie non plus. Mais dans ce cas-là, compte tenu des chiffres, il n'y a pas nécessairement d'argent à faire, mais il y a une ouverture intéressante pour les milieux agricole et forestier, notamment, qui en ont grandement besoin, et pourquoi pas le secteur des pâtes et papiers, comme je le disais.
Peut-être suis-je un peu égoïste dans cette histoire, puisque dans ma circonscription, ça va être fort intéressant pour des compagnies comme Cascades et Domtar. Dans la région, il y a également Kruger. Ce sont des possibilités qui s'offrent à nous qui font en sorte que le Bloc québécois a décidé d'appuyer le principe de ce projet de loi.
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Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler au sujet du libre-échange, particulièrement dans le contexte de la globalisation. Maintenant, après la création de l'Organisation mondiale du commerce, nous avons un contexte qui est tout à fait différent de ce qu'il était avant la création de l'OMC.
Comme toujours, les modèles pour le libre-échange sont basés sur les principes de l'ALENA et non pas sur les principes des autres ententes qui, à mon avis, engendrent plus de bénéfices pour l'environnement et pour l'ensemble des sociétés.
[Traduction]
Cet accord commercial soulève des questions propres à la Jordanie. J’aimerais toutefois commencer par revenir sur l’évolution qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui en ce qui concerne les intérêts du Canada en tant que société, et pas simplement les échanges de marchandises. Tous ces débats reposent généralement sur la notion que si des députés posent des questions au sujet de ces accords de libre-échange, c’est parce qu’ils s’opposent au commerce avec un autre pays. Je me souviens d’un vénérable sénateur qui avait été ministre de l’Agriculture pendant de nombreuses années et qui disait que le commerce n’avait rien de neuf, que Marco Polo en faisait déjà. Le commerce existe certainement depuis la nuit des temps. Personne n’est contre les échanges.
Dans le contexte du commerce mondial, nous avons connu une transition remarquable. Nous vivions autrefois dans un univers de barrières tarifaires qui a permis à l’économie canadienne de croître et de s’épanouir jusqu’au point où nous sommes maintenant. Après la Deuxième Guerre mondiale, les obstacles tarifaires ont été ciblés, et nous les avons vus peu à peu disparaître. Les efforts pour imposer la notion qu’un pays ne devrait pas agir de façon discriminatoire envers un autre ont renversé la situation que nous connaissions avant la Deuxième Guerre mondiale.
Ces efforts ont mené à la création de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Au début, le GATT était fort restreint et se limitait aux échanges de marchandises. C’est encore ce que la plupart des Canadiens comprennent quand nous parlons d’accords commerciaux: le commerce des marchandises, notre capacité d’acheter et de vendre, la capacité de nos voisins d’acheter et de vendre. Ce commerce de marchandises a été réglementé par le GATT pendant très longtemps.
Les choses ont considérablement changé dans les années 1990. Il a fallu neuf ans de négociations, le cycle d’Uruguay, pour s’entendre sur une version modernisée de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, et à l’intérieur de ce nouvel accord, pour faire des choses qui n’avaient jamais été faites auparavant. Nous avons commencé à aller au-delà des marchandises pour englober le commerce des services, à aller au-delà de ces catégories qui étaient purement commerciales et à apporter des changements qui allaient avoir des conséquences sur la culture, la société en général, l’environnement et les travailleurs. Autrement dit, la philosophie du commerce mondial a commencé à empiéter sur d'autres aspects de la société. Les accords ne portaient plus uniquement sur le commerce; ils modifiaient la relation fondamentale entre les citoyens et leur gouvernement, par opposition à la relation des grandes sociétés avec le gouvernement.
Si à une certaine époque, nous avions trop de barrières tarifaires, si à une certaine époque nous étions trop protectionnistes, cette époque est bien révolue. Le pendule a balancé si loin que la soi-disant libéralisation des échanges ne sert plus seulement à favoriser la circulation des marchandises. Dans l’intérêt du dogme de la mondialisation, elle permet à un nombre croissant de multinationales de dicter les politiques, d’exercer une influence et, on peut même le soutenir, de jouer un rôle plus important que les citoyens.
Revenons en arrière et regardons le modèle auquel j’ai fait allusion précédemment, le modèle de l’ALENA. Cet accord a dicté bien des choses depuis que nous l’avons conclu. La partie la plus odieuse du modèle de l’ALENA est probablement celle des dispositions sur le règlement des différends entre les investisseurs et l’État, qui permettent à une société basée dans un pays signataire de l’accord commercial, dans le cas de l’ALENA les sociétés basées aux États-Unis ou au Mexique, de poursuivre le gouvernement canadien si celui-ci adopte une loi qui ne lui plaît pas.
Le chapitre 11 de l’ALENA, qui contient les dispositions sur le règlement des différends entre les investisseurs et l’État, permet à une société américaine ou mexicaine de poursuivre le gouvernement canadien, au niveau fédéral. Une société étrangère a donc plus de droits qu'une société canadienne. Je devrais préciser qu’une société canadienne n’a pas le droit de poursuivre notre gouvernement. Cette disposition accorde aux sociétés étrangères un traitement préférentiel, puisqu’elles peuvent poursuivre le Canada si la Chambre des communes adopte un règlement. Dans notre assemblée démocratique, nous pouvons adopter une loi que les sociétés canadiennes ne peuvent pas contester, mais pour laquelle une société étrangère peut intenter des poursuites en dommages-intérêts.
Les dispositions de l’ALENA sur le règlement des différends entre les investisseurs et l’État permettent à une société américaine ou mexicaine de poursuivre non seulement le Canada, mais aussi une province ou une administration municipale. Nous voyons des exemples de contestation en vertu du chapitre 11 de l’ALENA depuis un bon moment déjà. Des lois adoptées par la Chambre ont dû être abrogées en raison de contestations en vertu du chapitre 11. Je pense en particulier à la poursuite intentée par Ethyl Corporation de Richmond, en Virginie, qui a réclamé au gouvernement canadien le remboursement de ses coûts et le versement de dommages-intérêts quand la Chambre a décidé de restreindre l’accès à un additif à base de manganèse pour l’essence parce que les milieux de la santé avaient indiqué qu’il était neurotoxique et que la communauté environnementale le considérait comme une menace à l’environnement. Les fabricants de voitures ont déclaré qu’ils n’en voulaient pas dans leurs voitures parce qu’il abîmait les convertisseurs catalytiques et nuisait à la garantie; ils voulaient des mesures à ce sujet.
Même si le fondement scientifique de la mesure prise par le gouvernement est reconnu et que la mesure elle-même ne vise nullement à établir une discrimination commerciale, autrement dit même si nous n’essayons pas d’accorder un traitement préférentiel à une industrie ou à des produits canadiens, l’accord est un motif suffisant. Selon l’avocat qui représentait Ethyl Corporation à l’époque, Barry Appleton, un avocat de Toronto, on pourrait ajouter du plutonium liquide aux céréales des enfants, et si le gouvernement l’interdisait, les fabricants de ce produit pourraient nous poursuivre en disant que cette mesure leur fait perdre des profits.
Je me suis peut-être trop étendue sur cet exemple précis, mais je voulais bien faire comprendre que les accords commerciaux vont maintenant trop loin. Nous ne parlons plus d’accès aux marchandises et aux services, nous parlons de modifier les fondements de la relation. La principale relation d’un gouvernement devrait être avec les citoyens qui élisent les députés qui siègent au Parlement. Le droit de recours d’une société étrangère ne devrait pas avoir la préséance, mais c’est ce que nous avons vu à maintes reprises.
L’exemple le plus récent et le plus odieux est celui du qui a décidé d’intervenir dans un dossier où une société d’exploitation forestière contestait des mesures prises par Terre-Neuve-et-Labrador. En l’occurrence, AbitibiBowater était titulaire d’un bail de 99 ans qui, pour une somme dérisoire, lui donnait accès à un vaste domaine forestier, à condition qu’elle y exploite une usine de pâte. Et ce bail de 99 ans, croyez-le ou non, incluait les droits relatifs à l’eau et d’autres avantages auxiliaires.
Quand Terre-Neuve-et-Labrador a déclaré qu’elle ne laisserait pas AbitibiBowater fermer son usine et vendre tout ce qu’elle possédait en vertu du bail, y compris les droits relatifs à l’eau et la forêt elle-même, parce que selon Terre-Neuve-et-Labrador elle n’y avait pas droit, la société étrangère a intenté des poursuites. Dans ce cas particulier, le a semoncé le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et lui a imposé de verser des dizaines de millions de dollars à AbitibiBowater. Il a clairement indiqué qu’il ne voulait pas qu’une chose semblable se reproduise.
Ces dispositions sur le règlement des différends entre les investisseurs et l’État s’insinuent dans tous ces soi-disant traités bilatéraux d’investissement, les TBI. Le rentre à peine de Pékin et il est absolument ravi d’avoir un nouveau projet d’accord commercial avec la Chine qui comprendrait ces mêmes dispositions permettant à un gouvernement étranger de nous poursuivre en justice.
Aujourd’hui, nous examinons un projet d’accord avec la Jordanie. Il existe bien des raisons valables et convaincantes d’améliorer nos relations avec la Jordanie. La Jordanie a la réputation d’être l’un des États arabes les plus stables et les moins xénophobes, elle le démontre depuis longtemps, et elle est certainement le pays arabe le plus favorable à l’existence de l’État d’Israël si on la compare aux autres nations de la région.
La Jordanie a beaucoup de choses à son crédit, mais la démocratie n’en fait pas partie. C’est une monarchie. Certes, le roi Hussein de Jordanie est réputé pour sa grande sagesse. Je dois dire que j’ai moi-même toujours été impressionnée par sa grande sagesse, ainsi que par la reine Noor, qui milite beaucoup en faveur de l’environnement.
J’ai eu le grand honneur de siéger à la commission de la Charte de la terre, qui était co-présidée par Mikhaïl Gorbachev et Maurice Strong. Et j’ai eu le grand bonheur de faire la connaissance de la princesse Basma de Jordanie, qui est la sœur du roi Hussein. Dans tout ce débat, j’ai l’impression d’avoir une bonne idée de la place de la Jordanie dans le monde et en même temps d’y avoir un tout petit réseau de connaissances.
Néanmoins, lorsqu’on mesure les conséquences d’un accord commercial avec la Jordanie, j’estime qu’il ne faut pas s’empresser de le signer sans avoir des réponses plus précises à plusieurs questions fondamentales. Nous avons entendu dire par de nombreux commentateurs que l’accord de libre-échange Canada-Jordanie pourrait encourager le passage de clandestins, un afflux de travailleurs étrangers dans les usines jordaniennes, ce qui risquerait d’avoir une incidence négative sur les droits des travailleurs en Jordanie.
Lorsque nous entreprenons ce genre de négociations, je pense qu’il y a des étapes dont nous ne pouvons pas faire l’économie. La première est de consolider nos relations avec l’État, en l’occurrence, la Jordanie, puisque c’est de ce pays qu’il s’agit aujourd’hui, mais hier, c’était le Panama. Comment pouvons-nous consolider nos relations? Traditionnellement, le Canada établit ses relations par l’intermédiaire d’un solide ministère des Affaires étrangères. Nous avions d’excellents diplomates dans ces pays, qui parlaient les langues locales, prenaient la peine d’aller rencontrer les ONG locales et étaient ainsi en mesure de nous brosser un tableau de la situation dans ces pays. Le rôle et la portée de nos services diplomatiques ont beaucoup diminué au cours des dernières années. Dans bien des pays, nos ambassades et nos consulats sont fermés, si bien que notre rôle en est réduit d’autant.
Lorsque nous entretenons des relations avec un pays, qu’il s’agisse du Panama, de la Jordanie ou de la Chine, il est important que ces relations s’arc-boutent sur un certain nombre de piliers. Le premier est le pilier diplomatique, dont je viens de parler. Le deuxième est l’interaction sociale et les échanges culturels. Or, force nous est de constater que le gouvernement a supprimé tous les programmes qui permettaient aux artistes de faire des tournées à l’étranger, ce qui, pourtant, permettait de renforcer les liens culturels.
Il faut aussi que les relations soient fondées, non pas sur le modèle de l’ALENA, mais plutôt sur le modèle de l’Union européenne, Selon ce modèle, les pays européens qui veulent devenir membres de l’Union doivent s’engager à respecter les normes les plus strictes en matière d’environnement et de droit du travail qui existent dans les pays qui sont déjà membres de l’Union. C’est un principe fondamental, qui est totalement absent de l’ALENA puisque cet accord n’exige pas le respect de normes plus élevées. Tout ce que nous avons pu obtenir, c’est que l’ALENA interdise à un pays d’abaisser ses normes environnementales dans le but de favoriser le commerce.
Il y a une grande différence entre d’une part l'approche de l’ALENA qui dit que les pays ne sont pas autorisés à abaisser leurs normes environnementales pour favoriser le commerce, et d’autre part celle de l’Union européenne qui dit que les États membres doivent rehausser leurs normes. En général, c’est l’Allemagne qui a les normes environnementales les plus élevées, et les autres membres ont dû hausser les leurs en conséquence. Comme certains de ces pays sont pauvres, des ressources ont été mises à leur disposition pour les aider à atteindre cet objectif.
Si l’on cherchait les modèles d’accords commerciaux les plus susceptibles de promouvoir d’autres enjeux, on ne retiendrait jamais le modèle de l’ALENA. C’est le pire scénario. Mieux vaut choisir d’autres modèles nettement plus performants. Si nous voulons établir des relations commerciales, il faut hausser la barre et dire aux entreprises étrangères qu’elles doivent respecter un code d’éthique international, de la même façon que nous protégeons la propriété intellectuelle. Nous savons comment libeller des accords, comme l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui exige de tous les pays signataires qu’ils adoptent une loi pour protéger les droits de propriété intellectuelle et qui leur donne des pouvoirs de perquisition et de saisie sur les produits qui passent la frontière et qui ne répondent pas aux normes en matière de droits de propriété intellectuelle. Nous savons fort bien ce qu’il faut faire à cet égard.
Par exemple, pourquoi n’interdirait-on pas à la frontière tout produit dont la fabrication a nécessité le travail d’enfants? On pourrait faire de même pour les produits qui nécessitent la destruction de précieux écosystèmes. Mais non, notre devise commerciale est de ne pas toucher aux méthodes et procédures de production, les MPP. La violation d’un droit de propriété intellectuelle n’est finalement qu’une MPP, puisque le produit résulte du vol d’un bien intellectuel appartenant à quelqu’un d’autre. Pourquoi, en vertu de l’accord commercial, est-il plus répréhensible de voler un bien intellectuel que d’exploiter des enfants, détruire des forêts ou augmenter les émissions de gaz à effet de serre?
Au chapitre de la gouvernance des échanges commerciaux à l’échelle mondiale, je pense qu’on pourrait faire de très bonnes choses. Comme on l'a fait pour les droits de propriété intellectuelle, on pourrait notamment protéger les normes du travail, les enfants et les écosystèmes et promouvoir une économie à faible utilisation de carbone. Voilà des choses qu’on peut faire, mais que le gouvernement ne fait pas.
Toutes les entreprises canadiennes, américaines, hollandaises, chinoises ou autres qui sont implantées dans la zone commerciale couverte par le GATT, c’est-à-dire pratiquement tous les pays à l’exception de Cuba, devraient être tenues de respecter des normes minimales en matière de travail et d'environnement. De cette façon, aucune entreprise ne serait défavorisée puisqu’elles seraient toutes obligées de respecter les mêmes normes. Ce serait un progrès, compte tenu des leçons que nous avons tirées notamment du GATT, de l’OMC, de l’Accord ADPI et de l’Accord général sur le commerce des services. Mais nous n’avons rien fait de tout ça.
L'accord dont la Chambre est saisie suit les modèles établis. Il accorderait notamment le droit à l'investissement, et on y trouve les belles formules d'usage. Davantage d'examens environnementaux seraient menés. Nous avons eu un aperçu de ce qu'il adviendrait à la suite des négociations liées à l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie. Une sorte d'accord a été conclu pour que les parties se penchent ensemble sur les enjeux environnementaux. Cependant, des problèmes planent encore: les piètres normes du travail en Jordanie, le risque de traite des personnes et les tensions que cet accord ont créé avec divers autres États, qui ont l'impression que, tout ce qui compte pour le Canada, c'est le commerce.
Je suppose que la Chambre est maintenant capable de voir le fil conducteur dans mon propos. Nous ne sommes pas contre le commerce ni contre l'établissement de nouveaux accords commerciaux, mais il faut établir un équilibre pour que nos relations avec les autres pays du monde soient fondées sur le multilatéralisme et l'internationalisme. Le Canada doit toujours plaider pour que ce soient les citoyens qui, en priorité, prennent les décisions et les fassent appliquer; les sociétés privées ne doivent pas avoir plus de droits que les citoyens. Il doit remettre au premier plan l'importance de la diplomatie, des échanges et du commerce loyal. Il doit insister pour que les règles qui régissent nos accords commerciaux nous permettent de renforcer et d'améliorer nos relations; il ne faut pas que les citoyens des autres pays se retrouvent oppressés.
La Chambre sera bientôt saisie de l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne. J'ai parlé plus tôt des accords commerciaux avec l'Union européenne, il est donc assez amusant de constater que l'ébauche de cet accord ne reprend pas le modèle instauré par l'Union européenne, mais ressemble davantage au modèle de l'ALENA; ainsi, ce sont notamment les sociétés pharmaceutiques européennes qui en tireront le plus profit. Mais la Chambre n'a pas encore été saisie de cet accord.
Je ne m'oppose pas au renvoi du projet de loi au comité, où il sera possible de l'améliorer. Nos relations avec la Jordanie sont importantes, mais on ne peut pas se contenter d'un accord commercial qui n'est pas à la hauteur de son plein potentiel; nos accords et nos relations avec la Jordanie doivent être plus profonds, plus complexes et plus nuancés. Il faut réévaluer cet accord, défendre les droits des travailleurs et protéger l'environnement.