:
Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir traiter des conséquences du projet de loi et des amendements qui nous viennent du Sénat et dont nous sommes maintenant saisis.
Ces amendements portent plus particulièrement sur un aspect du projet de loi, à savoir la disposition qui crée un nouveau délit international, ce qu’on a appelé la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme. Essentiellement, elle vise à permettre aux Canadiens de poursuivre d’autres pays ou des groupes terroristes pour les conséquences d’actes de terrorisme. C’est un nouveau délit au Canada. Il n’existait rien de tel auparavant. Nous en avons discuté en comité, mais pas tellement à la Chambre. Toutefois, nous sommes maintenant saisis de six amendements présentés par le Sénat.
Il est intéressant de constater que lorsque nous parlons du processus qui a abouti à ce projet de loi particulier, et compte tenu de ce que le vient de dire au sujet de l’acceptation des amendements, cet aspect est fort révélateur de l’approche adoptée par le gouvernement pour ce projet de loi. Il a réuni, comme l’a dit le ministre, neuf projets de loi. Quatre avaient déjà été déposés par le ministre de la Justice lui-même, les quatre lors d’une législature antérieure, quand la composition de la Chambre était différente et qu’il n’y avait pas la centaine de nouveaux députés que nous voyons aujourd’hui. Quatre ont été déposés par le et un autre, par le .
Ce projet de loi particulier a été renvoyé au comité. Le député de , qui a participé très activement aux discussions du comité sur cet aspect du projet de loi, a proposé un certain nombre d’amendements mûrement réfléchis. Nous avions entendu des experts témoigner devant le comité, et j’y reviendrai dans quelques instants. Ce député est particulièrement compétent dans le domaine juridique, puisqu’il a enseigné le droit pendant une trentaine d’années à l’Université McGill et qu’il fait autorité à titre de spécialiste du droit international humanitaire. Il a proposé un certain nombre d’amendements judicieux qui, d’après ce qu’il a expliqué au comité, devaient améliorer le projet de loi. Ces amendements ont eu droit à un traitement expéditif, c’est le moins qu’on puisse dire. Le comité a consacré deux heures à en discuter, et aucun n’a été accepté. Ils ont tous été défaits, apparemment à la suite d’instructions qui provenaient de l’extérieur du comité, et nous n’avons rien pu faire.
Le lendemain, nous sommes revenus, après avoir examiné huit des dispositions du projet de loi. C’est un projet de loi de grande envergure, qui compte 208 dispositions. Huit de ces articles ont été examinés lors de la première réunion, et nous avons sincèrement essayé d’améliorer le projet de loi, mais on ne nous a pas écoutés. Nous sommes revenus le lendemain à 8 h 45 pour une réunion de deux heures, pour poursuivre l'examen des quelque 200 articles restants, qui forment neuf projets de loi distincts, comme l’a dit le ministre, et nous avons eu droit à une motion voulant que la question soit réglée le jour même. Il n’y a eu aucun préavis, aucune consultation, aucune discussion ni considération.
Jusqu’à ce moment, nous avions entendu de nombreux témoins dans le cadre d’une série de réunions, dont des experts de l’Association du Barreau canadien et d’associations de policiers et d’agents de correction, des spécialistes et des universitaires du domaine des services correctionnels et du droit de l’enfant. Nous avons entendu des représentants du Barreau du Québec, qui réunit des avocats de la défense et des procureurs du système de justice pénale, tout comme l’Association du Barreau canadien. Nous avons reçu des tonnes de documents à examiner et une foule de suggestions qui, souvent, étaient reflétées dans les amendements présentés au comité dans le cadre du processus habituel, aux fins d'examen.
Toutefois, en raison de l’approche adoptée par le gouvernement, il semblait que nous aurions une journée pour les huit premiers articles, et une journée pour tout le reste. Si notre étude n’était pas terminée à 23 h 59, le projet de loi serait réputé avoir été présenté, adopté et renvoyé à la Chambre pour y être étudié. C’est ainsi que le gouvernement a géré l’étude de ce projet de loi, malgré les belles paroles du ministre, ce matin, qui affirmait vouloir écouter toutes les propositions, tous les amendements, et tous ceux qui avaient quelque chose à dire. De fait, nous avons participé à tout ce processus pour nous apercevoir, au bout du compte, qu’il s’agissait d’un exercice pour la galerie. Les gens prononçaient des paroles, mais personne, de l’autre côté, n’écoutait ce qui se disait. C’est vraiment malheureux, dans un pays démocratique.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire quand j’ai participé au débat sur l’opportunité de consacrer une seule journée à l’examen de ce projet de loi, il semble que dans notre Parlement, les députés de l’autre côté croient que parce qu’ils forment de justesse une majorité — comme le dit si bien le député de — avec une marge de 11 députés, ils ont le droit de faire tout ce qu’ils veulent aussi rapidement qu’il leur plaît, et ils soutiennent que la population du Canada leur a confié un mandat fort.
Comme je l’ai dit au comité, j’étais député lors de la 33e législature, quand le très honorable Brian Mulroney était premier ministre. Je crois qu’il y avait environ 295 députés à la Chambre à l’époque. Le parti ministériel, le Parti progressiste-conservateur, comptait quelque 211 députés sur un total de 295. Toutefois, pendant cette législature, quand les comités législatifs se réunissaient, ils discutaient et ils entendaient des témoignages. L’opposition proposait des amendements, et ces amendements étaient acceptés. J’ai proposé un certain nombre d’amendements à un projet de loi qui visait la création de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique. Ces amendements ont été acceptés par le comité. Nous nous déplacions, nous écoutions les gens, les amendements étaient proposés tant par les députés du parti ministériel et que par ceux de l’opposition. Il y régnait un esprit de collaboration parce que nous étions conscients que les membres du comité étaient des députés élus qui avaient les connaissances et le jugement nécessaires pour améliorer les projets de loi.
Cet esprit semblait faire totalement défaut dans notre comité, et il est certainement absent de l’approche du gouvernement actuel. Je le dis uniquement pour préparer le terrain aux commentaires de fond que je veux formuler ici, parce qu’il y a des questions de fond et des problèmes sérieux dans ce projet de loi, le projet de loi .
Le ministre a parlé de peines minimales obligatoires. Ici, je dois faire état d’une légère anomalie de la part de notre parti. Le NPD, en règle générale, est contre les peines minimales obligatoires, et je vais en expliquer les raisons. Nous avons toutefois fait deux exceptions à cette règle lors de la dernière législature. Dans un cas, il s’agissait des prédateurs sexuels qui s’en prennent aux enfants. Nous croyons qu’il est depuis longtemps admis dans notre pays qu’il convient d’imposer des peines minimales obligatoires pour les infractions sexuelles commises à l’égard des enfants, les infractions perpétrées grâce à l’Internet et que le projet de loi vise, et pour les agressions sexuelles en général qui ciblent les enfants. Dans le deuxième cas, il s’agissait de dispositions du projet de loi sur les armes à feu, et plus précisément lorsqu’une arme à feu est utilisée pour commettre un crime. Les peines minimales obligatoires devraient être imposées dans ces circonstances pour signifier très clairement que l’utilisation d’armes à feu dans le cadre d’activités criminelles ne sera absolument pas tolérée dans notre pays.
Toutefois, je crois que même là, il y a un enseignement à tirer. Notre parti a appuyé cela, mais je crois que nous avons appris notre leçon il y a environ un mois, car une juge de la Cour supérieure de l’Ontario a pu déceler un problème important que pose la peine minimale obligatoire de trois ans. Dans ce cas, quelqu’un tenait une arme à feu chargée à la main lorsque la police, qui cherchait quelqu’un d’autre, a fait irruption. Aux termes des dispositions du Code criminel, une peine minimale obligatoire de trois ans s’appliquait dans ce cas. La loi ne laissait pas le choix à la juge; elle devait imposer cette peine minimale obligatoire. Toutefois, dans cette affaire, et je présume qu’il y aura appel, elle a refusé d’imposer cette peine en dépit des dispositions de la loi.
Au vu des circonstances de l’affaire, où un type prenait une photo de lui-même pour la mettre sur Internet — ce que certains se sentent obligés de faire pour une raison ou une autre —, le montrant en dur à cuire avec une arme à feu à la main, la juge a décidé que l’imposition d’une peine minimale obligatoire de trois ans de prison constituerait, aux termes du Code criminel, un châtiment cruel et inusité. Elle a refusé d’imposer la peine. Cette décision sera-t-elle maintenue en appel? Nous l’ignorons. Toutefois, je serais étonné que le procureur ne s’adresse pas à la Cour d’appel de l’Ontario pour s’assurer que l’état du droit est bien ce que la juge a affirmé dans cette cause.
Il y a le problème des minimums obligatoires, et on a beaucoup écrit là-dessus. Il se dégage une impression générale selon laquelle il y a quelque chose qui cloche dans l’idée même de minimum obligatoire. Le gouvernement a décidé que c’était là le moyen principal qui était à la disposition du Parlement pour imposer des peines aux auteurs de certains crimes. Toutefois, notre société est bâtie sur l’idée que ce sont les juges qui déterminent ce qu’est une peine appropriée dans une affaire donnée parce qu’ils peuvent, en temps réel, voir ce qui constitue une peine appropriée.
Le ministre a parlé de témoins qui ont comparu au comité et qui s’inquiétaient de la lourdeur des peines prévues pour les infractions. Si nous demandions aux Canadiens qui ont été ou dont les familles ont été victimes d’un crime si la peine doit être proportionnelle au crime, je crois que tous répondraient par l’affirmative. Je ne crois pas que quiconque soutienne que le châtiment doit être trop sévère ou trop léger; il doit correspondre à la gravité du crime. Les gens sont d’accord. Ceux qui ont été victimes de crimes violents sont d’avis, bien entendu, que le châtiment doit être très sévère.
Notre civilisation exige que le châtiment soit proportionnel à la gravité du crime, et cela suppose qu’on tient compte non seulement des actes de l’accusé, mais aussi de sa responsabilité à l’égard du crime et de toutes les circonstances, y compris les antécédents de la personne. Celui qui commet un crime dans certaines circonstances risque d’avoir une peine plus sévère que quelqu’un d’autre dans des circonstances différentes. Pourquoi? Peut-être l’accusé était-il un récidiviste, ou peut-être avait-il de lourds antécédents. La victime était peut-être particulièrement vulnérable ou bien il y avait des circonstances aggravantes. Une assemblée législative ne peut pas décider de toutes les circonstances. Ce n’est pas le travail des députés.
Essentiellement, le Code criminel fixe une peine maximale et il revient ensuite au juge de déterminer la peine qui correspond à la gravité du crime, à la personnalité du délinquant, aux circonstances du crime. C’est le principe de la justice qui l’emporte.
Par exemple, certains amendements ont été présentés pour essayer d’atténuer certaines des peines arbitraires proposées. Nous avons parlé de l’expérience des États-Unis, où il y a beaucoup de peines minimales obligatoires. Nous avons discuté de ce qui rend ces peines négatives. Les opposants aux peines minimales obligatoires que le comité a entendus ont dit qu’elles avaient peu ou pas d’effet dissuasif ou dénonciateur. Particulièrement chez les enfants. Voilà pourquoi des modifications ont été apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ces peines ont un effet dissuasif minime ou nul.
Le problème des peines minimales obligatoires, c’est qu’elles maintiennent une structure de peines rigides qui limite la discrétion judiciaire, ce qui empêche d’imposer des peines justes.
On craint aussi que la rigidité des peines minimales obligatoires n’entraîne l’imposition de peines complètement disproportionnées. L’affaire ontarienne concernant cet individu qui a pris sa propre photo avec une arme chargée à la main est un bon exemple.
Les opposants affirment aussi que les peines minimales obligatoires rendent plus difficile la condamnation de prévenus dans les cas où la peine est perçue comme trop sévère. Il y a un ou deux facteurs qui jouent. Il arrive qu’on puisse persuader des inculpés de plaider coupable s’ils ont l’impression qu’ils seront traités par les tribunaux d’une manière qui correspond à la gravité du crime. Toutefois, s’il y a un minimum obligatoire, ils refuseront de plaider coupable, ils subiront leur procès, et ils risquent d’avoir gain de cause. Le taux d’acquittement dans les procès peut être plutôt élevé. Si le procès se déroule devant jury et si le jury est au courant de la peine minimale obligatoire, il arrive qu’il soit moins porté à condamner le prévenu, dans certains cas.
On craint aussi les conséquences financières des peines. Elles alourdiront la charge de la poursuite et une augmentation importante de la population carcérale. D’un bout à l’autre du Canada, on a dit que ce serait partout un lourd fardeau pour les provinces.
Une autre préoccupation encore: que les peines minimales obligatoires n’aggravent les préjugés raciaux et ethniques dans le système judiciaire si elles sont appliquées de façon disproportionnée aux groupes minoritaires. Il y a déjà dans les prisons une population autochtone nettement disproportionnée. Les Autochtones représentent le cinquième de la population carcérale au Canada, sinon plus.
Voilà quelques raisons pour lesquelles on s’oppose à ces peines par principe.
Dans ce cas, nous voyons des peines minimales obligatoires pour la possession de six plants de marijuana. Cela vaudrait une peine minimale obligatoire de six mois de prison. Plus de six plants, et ce serait neuf mois de prison si un facteur aggravant est en cause. Le ministre a parlé de la culture de la marijuana. Un facteur aggravant serait que les plantes poussent sur le terrain d’autrui. Cela, pour empêcher des gens de louer une maison pour y faire la culture de la marijuana.
Et si ce n’est pas du tout une culture? S’il s’agissait simplement de quelqu’un qui jette quelques graines dans le champ d’un agriculteur ou dans les bois de quelqu’un d’autre? Jeter quelques graines dans la forêt de quelqu’un constitue un facteur aggravant. Par conséquent si quelqu’un sème une demi-douzaine de graines et s’il y a six plantes qui poussent, il sera passible de neuf mois de prison. C’est horrible. Emprisonner quelqu’un avec tous les autres délinquants constitue une peine très lourde et très sévère.
L’Association du Barreau canadien nous a parlé de cette question. Certains ont tenté, en présentant des amendements au comité, de prévoir une soupape de sécurité permettant aux juges d’affronter le problème des peines minimales obligatoires, mais cela n’a pas été permis. On a beaucoup parlé des États-Unis et des terribles problèmes causés par les peines minimales obligatoires. C’est très vrai. Aux États-Unis, le rapport entre la population carcérale et la population totale est le plus élevé du monde. D’après l’Association du Barreau canadien, c’est de loin le taux d’incarcération le plus élevé du monde. Cette situation est attribuée pour une bonne part aux peines minimales obligatoires, à la règle californienne des trois infractions et aux politiques extrêmement sévères de détermination de la peine adoptées dans différentes régions. Toutefois, même aux États-Unis, les juges peuvent s’écarter des peines minimales obligatoires dans des circonstances bien définies, notamment lorsque le délinquant n’a pas d’antécédents judiciaires dignes de mention, n’a pas usé de violence ou d’une arme ou n’a causé à personne de sérieuses lésions corporelles.
Il en est de même au Royaume-Uni, qui a deux formes d’exemptions liées aux peines minimales obligatoires. Ces dispositions existent pour tenir compte de circonstances particulières qui rendraient les peines minimales « injustes en toute circonstance ». C’est un critère de loin plus facile à satisfaire que les dispositions de notre Charte relatives à une peine cruelle et inhabituelle.
Des dispositions tendant à adoucir les effets des peines minimales obligatoires, particulièrement dans les cas où elles sont appliqués d’une manière très arbitraire, ont été rejetées sans ménagement au comité. Comme nous avons pu l’entendre aujourd’hui, le ministre a adopté une politique de sévérité qui, d’après lui, vise à réprimer la criminalité et le crime organisé et correspond aux vœux des Canadiens. C’est un point de vue.
Selon ce point de vue, il devient de plus en plus clair que cette approche, que je qualifierais de « guerre contre la drogue », comme on l’appelle aux États-Unis et parfois au Canada, est nécessaire pour combattre le crime organisé et prévenir la prolifération des drogues dans notre société. Il y a cependant un autre point de vue, comme nous l’ont dit au comité des représentants de l’Association du Barreau canadien, c’est-à-dire des gens qui ont une grande expérience du trafic de la drogue et, plus généralement, du droit pénal. Pour ces gens, cette approche ne marche pas. Elle n’est efficace ni aux États-Unis ni au Canada. En fait, elle provoque une intensification de l’activité criminelle.
La semaine dernière — c’était un peu tard pour ce débat parce que la Chambre démocratiquement élue avait déjà disposé du projet de loi, qui était alors à l’étude devant le Sénat nommé —, la Commission mondiale sur la politique des drogues a publié une déclaration adressée au très honorable du Canada et aux membres du Sénat leur demandant de rejeter les peines minimales obligatoires. La Commission mondiale sur la politique des drogues est l’auteur de cette déclaration visant particulièrement le Canada.
J’ai mentionné certains des problèmes que nous avons à cause des peines liées au cannabis. Je vais lire la dernière phrase de la déclaration:
Le meilleur moyen de maîtriser l'industrie du cannabis au Canada et ailleurs dans le monde consiste de toute évidence à se détourner des stratégies de répression pénale, qui se sont soldées par un échec, pour plutôt adopter une démarche axée sur la santé publique et destinée également à enrayer la cause première du crime organisé. Le Canada a la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans l'adoption de politiques de cet ordre, ce qui serait par ailleurs entièrement conforme à sa réputation mondiale d'État moderne, tolérant et visionnaire.
Qui est membre de la Commission mondiale sur la politique des drogues? La lettre est signée par six commissaires. Les députés reconnaîtront quelques-uns de ces noms.
Louise Arbour est une ancienne juge de la Cour suprême du Canada. Elle a démissionné de ce poste lorsqu'elle a été nommée procureure de la Cour pénale internationale pour poursuivre les auteurs de crimes de guerre. Elle occupa alors un poste très important, qui témoigne de sa stature, de ses connaissances et de ses capacités. Sa nomination fut aussi un grand honneur pour le Canada. Plus tard, elle devint haute commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies. Elle est actuellement présidente de l'International Crisis Group, qui est un acteur très important dans les affaires internationales.
Ce groupe fournit aux États des avis utiles, réfléchis et de très haut niveau sur les moyens de gérer les crises internationales, comme celles de la Libye, de l'Afghanistan et de l'Iran, pour qu'on trouve des solutions qui n'impliquent pas un recours intensif à la force militaire, mais plutôt une collaboration avec les pays en vue de mettre fin à la crise.
Il est significatif qu'une Canadienne fasse partie de cette commission, dans laquelle on trouve aussi Richard Branson, un entrepreneur bien connu, fondateur du groupe Virgin. La société Virgin Airways fait partie de ce groupe, et il y en a d'autres également. M. Branson est commissaire, lui aussi. Les autres commissaires sont: l'ancien président du Brésil Fernando Cardoso; l'ancienne présidente et ancienne ministre de l'Intérieur de la Confédération helvétique Ruth Dreifuss; l'ancien ministre des Affaires étrangères de la Norvège et ancien haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés; l'ancien président de la Colombie et ancien secrétaire général de l'OEA César Trujillo.
Ce sont des acteurs très importants et de haut niveau sur la scène internationale, qui ont de l'expérience et des connaissances leur permettant de savoir quelles devraient être les politiques des États relativement aux drogues. Les changements qu'ils préconisent correspondent aussi aux choix faits par d'autres pays.
Voici un extrait de leur lettre:
Construire plus de prisons, ce qui a été fait pendant des décennies aux États-Unis dans le cadre de leur guerre contre la drogue et qui s'est soldé par un échec, ne fait qu'accentuer le problème de la drogue et ne réduit ni l'offre de cannabis ni son taux de consommation. [...] Plusieurs membres de la commission peuvent parler en connaissance de cause, car ils ont été confrontés aux problèmes liés aux marchés illégaux violents qui voient le jour dans les régions productrices de drogue. La corruption, le crime organisé et la violence y sont des problèmes inévitables découlant de l'interdiction du cannabis. Or, le renforcement de l'application des lois anticannabis ne permet pas de les régler avec succès. Nous espérons que le Canada — où tant la production que la consommation posent problème — reste ouvert à de nouvelles idées plus efficaces.
J'ai mentionné les gens qui ont signé cette lettre, mais la commission a précisé, dans sa lettre, que les personnalités suivantes en sont également membres: l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan; l'ancien secrétaire d'État des États-Unis, George Shultz; l'homme d'affaires que j'ai mentionné, Richard Branson; l'ancien président de la réserve fédérale américaine, Paul Volcker, et l'ancien président du Mexique.
Le Mexique et la Colombie sont confrontés à des problèmes semblables liés au trafic de drogue et ils savent de quoi ils parlent. Or, dans la lettre, il est uniquement question du cannabis et non des drogues en général. Les auteurs de la lettre laissent entendre que l'approche que le Canada adopte à l'égard du cannabis, notamment dans le projet de loi, est en fait erronée et qu'il devrait plutôt opter pour une approche visant à réduire les méfaits.
Ils proposent — et je ne dis pas que je suis entièrement d'accord — la mise en oeuvre d'un nouveau régime de taxation et de réglementation de la production. Nous sommes favorables à la décriminalisation de la marihuana et nous reconnaissons que l'approche proposée dans ce projet de loi ne fonctionne pas.
Je ne pense pas que les détails de cette approche aient déjà été élaborés. Le projet de loi dont nous sommes saisis renforce, d'une part, la mainmise du crime organisé sur la production de la marihuana et facilite, d'autre part, l'emprisonnement des petits joueurs, comme les appellent les policiers, les gens faciles à attraper, ceux qui ne jouent pas vraiment un rôle important dans l'organisation des opérations de trafic de drogue, c'est-à-dire ceux qui sont présents sur le terrain et dont l'implication n'est que très modeste. Ils seront emprisonnés. Ils disparaîtront des rues. Que se passera-t-il ensuite? Il y aura plus de gens armés et les activités d'envergure du crime organisé augmenteront, elles ne diminueront pas.
L'Association du Barreau canadien, la Global Commission on Drug Policy et des experts viennent témoigner au comité et nous disent: « Ce projet de loi s'intitule Loi sur la sécurité des rues et des communautés, mais les mesures que vous proposez rendront nos rues moins sécuritaires et il y aura littéralement plus de criminels dans les rues. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi? »
Le ministre n'a pas l'air de le comprendre. Il trouve cela comique. Pourtant, des experts comme le professeur Nicholas Bala et d'autres disent que, si l'on emprisonne un jeune pendant une période importante, la longueur de la peine n'a pas d'effet dissuasif. Il nous a dit que les jeunes ne réfléchissaient pas aux conséquences de leurs actes. Ils ne pensent pas à la sanction qu'entraîneront leurs gestes. C'est une des caractéristiques de l'adolescence. Ils n'ont pas encore appris à anticiper. On peut être impulsif quand on est adolescent.
Je vois le député de hocher la tête. J'imagine qu'il était impulsif quand il était adolescent, comme nous tous.
M. Pat Martin: Le cerveau n'est pas complètement formé.
M. Jack Harris: Le député dit que le cerveau n'est pas complètement formé. Dans les revues, on explique que le cerveau des adolescents est différent. Je pense que notre loi reflète cet état de choses ou devrait le faire.
Les représentants du gouvernement du Québec ont parlé avec passion à notre comité de leur expérience des 40 dernières années au niveau de l'application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et de leur approche à l'égard de la réadaptation. Je dois dire que j'admire le ministre qui est venu parler à notre comité avec autant de passion que de connaissance du genre d'individu qui a des démêlés avec le système de justice pénale pour les adolescents. Il a regardé autour de lui et expliqué qu'il parlait de jeunes qui n'avaient pas la chance des gens présents dans la salle, qui n'avaient pas grandi dans des foyers où ils avaient tout ce dont ils avaient besoin et à peu près tout ce qu'ils voulaient. Dans certains cas, ils viennent de milieux très défavorisés.
Pour lui, le système de justice pénale pour les adolescents est un moyen de récupérer ces enfants et ces jeunes gens par le biais de la réadaptation, au lieu de les mettre en prison pendant quatre ou cinq ans pour qu'ils fréquentent des individus qui ont commis des crimes, qu'ils s'instruisent auprès d'eux et qu'ils ressortent de prison avec une mentalité criminelle au lieu de se réintégrer à la société.
Il a dit que leur approche fonctionnait. Ils étaient furieux de voir qu'on allait la saper avec le projet de loi qui était proposé et qui a maintenant été examiné par la Chambre et par le Sénat.
Nous avons ici des propositions d'amendement du Sénat qui portent sur un aspect du projet de loi. Ceux qui effectuent un second examen objectif auraient dû en profiter pour renvoyer le projet de loi à la Chambre avec toute une série d'amendements en disant: « Arrêtez, vous allez trop loin. Cela ne va pas marcher ». Ce que le ministre de la Sécurité publique du Québec a dit au comité de la Chambre est vrai, ce que les experts ont dit au comité de la Chambre est vrai. Je suis sûr qu'ils auraient pu les écouter, et ils l'ont probablement fait. Alors pourquoi ne proposent-ils pas d'amendements là-dessus?
C'est ce qui cloche avec ce que nous avons sous les yeux aujourd'hui. Cela ne règle pas la question. Cela ne répond pas aux problèmes du projet de loi. J'ai parlé des peines minimales obligatoires. J'ai parlé de la Loi sur la justice pénale pour les adolescents.
La Loi sur la justice pénale pour les adolescents déterminait aussi notre politique de réadaptation à l'intention des jeunes. Ici, on dit que c'est une erreur. Désormais, on introduit les notions de dénonciation et de dissuasion dans la détermination de la peine. On nous a dit que la dissuasion ne marchait pas. On nous a dit que la dénonciation n'était pas une bonne chose. Quand des gens ont des démêlés avec la justice pénale, c'est parce que la société n'accepte pas ce qu'ils ont fait. Ils tombent sous le coup de la justice pénale. L'objectif du système de justice pénale pour les adolescents de moins de 18 ans, c'est la réadaptation.
Qu'y a-t-il d'autre dans le projet de loi? Le ministre a dit qu'il serait plus difficile d'obtenir une réhabilitation. En fait, le gouvernement va plus loin que cela. Il y a une distinction à faire entre « réhabilitation » et « pardon ». De nos jours, il est impossible d'obtenir un véritable pardon, à moins de présenter une demande au Cabinet. Le Cabinet peut accorder un pardon, de la même façon qu'un roi. La prérogative royale existe toujours.
Toutefois, en vertu de ce processus, une personne qui a été reconnue coupable d'une infraction de vol à l'étalage, ou qui a plaidé coupable à une telle accusation à 18 ou 19 ans, ne peut obtenir une réhabilitation. Elle doit présenter une demande à la Commission des libérations conditionnelles en vertu de la Loi sur le casier judiciaire. Une telle demande coûte maintenant 600 $, comparativement à 25 $ auparavant. De toute façon, même si une personne verse les 600 $ et suit le processus, elle n'obtiendra pas de réhabilitation. Si sa demande est acceptée, elle se verra accorder ce qu'on appelle une suspension du casier. Je ne sais pas trop ce que cela signifie. J'imagine que le casier de la personne est suspendu, mais qu'il existe toujours et qu'il peut refaire surface. Les gens ordinaires ne savent pas ce qu'est une suspension de casier. La majorité de ceux qui ont entendu parler de suspensions les associent aux condamnations avec sursis ou à quelque chose du genre.
La notion de réhabilitation sous-entend une certaine valeur rédemptrice. Cela équivaut à dire qu'une personne a commis une infraction à 18, 19 ou 20 ans et qu'elle a ensuite obtenu une réhabilitation. La personne a fait quelque chose de mal, mais elle s'est réhabilitée et elle peut prouver à la Commission des libérations conditionnelles que, depuis qu'elle a commis l'infraction, sa conduite confirme qu'il n'est pas nécessaire que son casier la suive pour le restant de ses jours.
S'il y en a qui ne croient pas que c'est important, ils devraient discuter avec la femme dans la quarantaine qui s'est récemment présentée à mon bureau. Celle-ci a dit qu'elle ne pouvait obtenir un emploi auprès de l'association d'un hôpital, qui refuse de l'embaucher. C'est une mère seule qui a des responsabilités envers ses enfants. Elle a suivi un cours et elle était prête à se joindre à la population active. Sa demande d'emploi avait été acceptée, mais elle ne peut occuper l'emploi, parce qu'à 18 ou 19 ans elle a plaidé coupable à une accusation de vol de quelques tablettes de chocolat. Ses parents ont payé une amende. Son casier judiciaire la suit depuis plus de 20 ans et l'empêche d'obtenir du travail.
Il existe encore une disposition qui pourrait lui permettre d'obtenir à grands frais une suspension de son casier, mais le processus pourrait prendre jusqu'à deux ans maintenant qu'il a été modifié. Nous nous sommes informés auprès de la Commission des libérations conditionnelles au nom d'une autre personne.
Il existait auparavant une disposition qui donnait instruction aux fonctionnaires de la Commission des libérations conditionnelles d'accélérer l'étude du dossier de toute personne qui avait une offre d'emploi conditionnelle à l'octroi d'une réhabilitation. Devinez ce qui s'est passé? L'automne dernier, on a donné ordre que cesse cette pratique. La première personne qui en fait la demande est la première personne dont le cas est étudié; les autres sont placées en bas de la liste. On ne prend pas en compte le fait qu'une personne se soit reprise en main, comme la femme que j'ai mentionnée, qui a une offre d'emploi, qui pourrait être un membre productif de la société, qui pourrait travailler et faire vivre sa famille grâce à un emploi dans le domaine de la santé. Non, c'est impossible. Son nom doit être placé au bas de la liste et, d'après ce que je sais, les listes d'attente sont de plus en plus longues.
Cela cadre avec l'attitude typique du gouvernement. C'est son attitude punitive envers les gens qui ont eu des démêlés avec la justice, qui ont posé des gestes répréhensibles à un moment donné dans leur vie. Je le concède, certains délits sont plus graves que d'autres. Il va de soi que les crimes graves méritent de lourdes peines. Personne ne dit le contraire. Le Code criminel prévoit des peines maximales fort lourdes pour des crimes graves. Des lignes directrices en matière de détermination de la peine sont prévues. Cependant, lorsqu'on adopte une approche punitive dans le domaine du droit pénal, au bout du compte, c'est le genre de résultat que l'on obtient. Une mère monoparentale est privée de la possibilité de travailler parce que le système ne peut lui accorder la réhabilitation dont elle a besoin pour obtenir un emploi. C'est une erreur.
C'est une erreur d'éliminer le terme réhabilitation et de le remplacer par suspension de casier. Pourquoi les conservateurs font-ils cela? Je n'ai pas entendu quelque justification que ce soit. Je n'ai entendu personne dire que quelque chose clochait avec le terme « réhabilitation ». Depuis le tout début du débat, je n'ai entendu personne nous expliquer cela, de l'autre côté. Nous connaissons la signification du terme « réhabilitation ».
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce terme véhicule une idée de rédemption. Que l'on se réfère à la Bible ou à divers aspects de la religion, quand quelqu'un s'excuse d'une faute, d'une certaine façon, cela atténue sa culpabilité. Un criminel qui purge sa peine paie sa dette à la société. En vertu de ce principe, l'État peut ordonner à la Commission des libérations conditionnelles de lui accorder une réhabilitation. Ainsi, par la suite, il peut marcher la tête haute. Un jeune qui a fait une connerie à l'âge de 18 ou 19 ans, et qui en a maintenant 24 ou 25, peut manifester le désir de recommencer à neuf, d'être un citoyen avec un casier vierge. La réhabilitation le lui permet, mais le gouvernement veut éliminer cette possibilité.
Il y a des tas de choses qui clochent dans le projet de loi, mais celle-ci est plus que répréhensible. En fait, c'est un geste punitif. Les mots me manquent pour exprimer combien il est répréhensible de dire à quelqu'un qu'il peut uniquement obtenir un pardon avec l'assentiment du Cabinet, ce qui est essentiellement ce qu'on dit. Le terme « pardon » existe toujours, mais seul le Cabinet a le pouvoir de l'accorder. J'ignore quand cela s'est produit pour la dernière fois, si tant est que cela soit déjà arrivé. En fait, c'est la prérogative royale du pardon.
Il y a aussi le problème de la drogue et du recours intensif aux peines minimales obligatoires. Cependant, je veux prendre le temps de commenter brièvement les éléments du projet de loi auxquels nous étions favorables. Nous sommes dans l'opposition, et les conservateurs se plaisent à dire que quiconque de ce côté-ci n'est pas d'accord avec absolument tout ce qu'ils proposent est du côté des pédopornographes. Je pense qu'alors, nous étions censés...
Une voix: Des prédateurs.
M. Jack Harris: Des prédateurs sexuels, oui. Nous somme du côté des prédateurs sexuels. Le pire, c'est que le n'a rien vu de mal à laisser entendre que les criminalistes, ceux qui défendent les gens — ce qu'ils ont le droit de faire —, étaient du côté des criminels et que c'était le choix de carrière qu'ils avaient fait. C'est le d'un gouvernement censé croire en la primauté du droit qui l'a dit. Je dois lui rappeler que la primauté du droit, c'est aussi la présomption d'innocence.
Dans notre système de justice pénale, ce n'est pas au gouvernement qu'il revient de déterminer qui est coupable et de faire emprisonner les gens, ni à la police. Ce n'est pas au qu'il revient de déterminer qui est coupable et de faire emprisonner les gens. Ce n'est pas au qu'il revient de déterminer qui est coupable et de faire emprisonner les gens. Dans notre société, ils n'ont pas ce droit. Quelqu'un sait pourquoi? C'est en raison de la primauté du droit.
Il a été question de la Libye, à qui l'on a demandé d'instaurer la primauté du droit. C'est aussi la priorité en Afghanistan. Nous souhaitons que l'appareil judiciaire fonctionne. Nous voulons que les gens se retrouvent derrière les barreaux seulement s'ils ont été poursuivis dans le respect de la loi. Il ne faut pas que les juges soient corrompus et se plient à la volonté des dirigeants politiques. Les tribunaux doivent être libres et équitables. Voilà ce qu'on entend par primauté du droit. Voilà ce qu'il faut que la Libye et l'Afghanistan instaurent. Nous avons demandé à de jeunes hommes et de jeunes femmes de mourir pour cet idéal.
Cependant, à la Chambre, des conservateurs accusent des députés de l'opposition, parce qu'ils ont une formation de criminalistes, d'avoir consacré leur carrière à défendre les criminels. Les députés d'en face disent, ironiquement, que c'est une noble carrière. Sur papier, leurs propos semblent mesurés, mais tout est dans la manière, et on pourrait croire, à les entendre, que c'est mal de veiller à ce que la primauté du droit soit respectée.
Comme je le disais à mes amis il y a de nombreuses années lorsqu'ils se demandaient pourquoi je pratiquais le droit, l'un des rôles des criminalistes est de s'assurer que nous sommes tous égaux devant la loi et que personne n'est incarcéré sans être déclaré coupable dans le respect de la loi. L'avocat de la défense se demande si la loi a été respectée, si l'accusé est vraiment coupable et si la preuve établit sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. La personne inculpée d'une infraction n'est pas outillée pour se défendre seule.
D’après un vieil adage que tous les avocats connaissent, probablement comme tout le monde, un homme qui assume lui-même sa propre défense a un sot pour client. J’ai même vu des avocats qui ont confirmé cet adage en se défendant eux-mêmes parce qu’ils ont prouvé qu’ils ne savaient absolument pas comment faire. Ils ne se souciaient pas suffisamment de la loi, étant trop préoccupés par leurs problèmes particuliers au lieu de penser aux défenses possibles. Nous avons au Canada un système de justice fondé sur la primauté du droit. Les avocats qui défendent des accusés sont là pour veiller à ce que les gens ne soient pas jetés en prison à moins de le mériter et d’avoir commis une infraction dont la preuve a été faite devant un tribunal. Tout cela fait partie de notre système de justice.
Nous avons un gouvernement qui méprise implicitement la primauté du droit puisqu’il s’attaque aux députés de l’opposition qui pratiquent le droit dans le pays. Depuis quand est-il répréhensible de jouer le rôle d’avocat, de défendre la primauté du droit et de veiller à ce que les accusés soient adéquatement défendus? Nous avons au Canada un système d’aide juridique parce que notre Charte des droits et libertés, parce que le droit à la liberté exige qu’un accusé soit défendu d’une façon appropriée. Ce n’est pas pour rien que nous avons une Charte des droits et libertés. Ce n’est pas un document sans valeur. Il est répréhensible de ne pas respecter cela et de faire fi de tout le processus.
Même si on nous accuse, de l’autre côté, de prendre la part des amateurs de pornographie juvénile, dans le cas du projet de loi , ou de prendre la défense des criminels, nous croyons que certains aspects du projet de loi à l’étude méritent d’être appuyés. Toutefois, pour éviter des retards, nous avons proposé que certains aspects du projet de loi soient séparés pour faire l’objet d’un examen spécial accéléré et qu’à cette fin, le projet de loi soit scindé. Nous avons proposé cela à la Chambre. J’ai moi-même pris la parole à ce sujet.
Toutefois, au lieu de reconnaître cette proposition comme un effort pour accélérer l’adoption d’une partie du projet de loi, comme je l’ai expliqué, le leader adjoint du gouvernement à la Chambre a pris la parole pour dire que ce n’était qu’une manoeuvre dilatoire. Je ne sais pas comment on peut parler de manoeuvre dilatoire quand nous proposions d’isoler certaines dispositions pour les adopter immédiatement. Ces dispositions constituaient la partie 2 du projet de loi. Elles comportaient deux articles. L’un d’entre eux créait la nouvelle infraction consistant à rendre accessible à des enfants du matériel sexuellement explicite. Cela fait partie de la « cour » que les prédateurs sexuels font à leurs victimes. Il y a aussi la nouvelle infraction liée à une entente visant à commettre une infraction sexuelle contre un enfant.
Ayant jugé que ces nouvelles infractions étaient importantes, nous avons voulu qu’elles soient immédiatement mises en œuvre. Ces dispositions auraient également augmenté les peines minimales obligatoires déjà prévues. Nous croyons qu’elles devraient être séparées et adoptées immédiatement. Comme nous l’avons dit, il y a consensus sur certains aspects du projet de loi, que nous souhaitions isoler et adopter, mais le gouvernement, en présentant un projet de loi omnibus, nous a imposé soit de l’accepter soit de le rejeter en totalité.
Nous souhaitions accélérer l’adoption des dispositions de la partie 2 concernant les infractions sexuelles contre les enfants. Toutefois, cela n’a pas empêché les conservateurs de dire que l’opposition vote contre toute mesure conçue pour protéger les enfants contre les prédateurs sexuels. Ils continuent à dire ces sottises. C’est pour cette raison que nous devons expliquer clairement que nous avons essayé de faire adopter immédiatement cet aspect particulier du projet de loi.
Notre comité a entendu des experts du Barreau du Québec qui, entre autres, nous ont parlé de leurs préoccupations au sujet du projet de loi , de ses répercussions sur les coûts et du fait que l'emprisonnement ne permet pas de réduire les taux de criminalité.
Le gouvernement a intitulé son projet de loi Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Il s'agit d'un titre très apolitique. Toutefois, le Barreau du Québec a fait remarquer que le projet de loi est présenté alors que, selon Statistique Canada, la criminalité est en baisse au pays. Les chiffres de cet organisme révèlent qu'en 2011, le taux de criminalité n'a jamais été aussi bas depuis 1973 et que les crimes violents sont aussi en baisse, bien qu'à un degré moindre que la criminalité en général.
Le Barreau du Québec a déclaré que, de toute évidence, le taux de criminalité national diminue constamment depuis 20 ans. Il a indiqué que ce taux est à son niveau le plus faible depuis 1973 surtout parce que le système de détermination de la peine recherche actuellement un équilibre entre la dénonciation, la dissuasion et la réadaptation des délinquants et parce que la proportionnalité et l’individualisation de la peine sont des valeurs fondamentales de ce système.
On nous a dit qu'en fait, le projet de loi réduirait la sécurité de nos rues. Je vais vous expliquer pourquoi. De nombreuses études ont révélé que l'incarcération ne permettait pas de réduire le taux de criminalité. Sécurité publique Canada a publié les résultats d'une étude portant sur l'incidence de l'incarcération sur la récidive dans le cas des délinquants qui purgent des peines d'emprisonnement. C'est ainsi qu'un grand nombre d'entre eux retournent en prison. Il s'agit du syndrome de la porte tournante dont le ministre a parlé. Nous devons savoir si les mesures proposées permettront de réduire la récidive et le syndrome de la porte tournante. Les conclusions de l'étude révèlent que, dans le cas de la plupart des délinquants, l'emprisonnement ne permet pas de réduire la récidive.
Par conséquent, l'affirmation voulant qu'un recours accru à l'emprisonnement permette de dissuader le comportement criminel est sans fondement empirique. On pourrait donc réserver l'emprisonnement aux fins de châtiment et de neutralisation sélective de ceux qui présentent les plus grands risques pour la société. Les coûts de l'emprisonnement doivent être évalués en regard de moyens plus rentables pour réduire la récidive et d'une utilisation judicieuse des fonds publics. Il ressort d'autres sources qu'il existe des moyens plus efficaces de réduire la récidive que l'emprisonnement.
De plus, un très grand nombre de preuves laissent entendre que le fait de garder les délinquants plus longtemps en prison fait d'eux des criminels endurcis qui en veulent à la société et qui sont plus susceptibles de commettre des crimes. Si on élimine ou réduit la réadaptation en vue de mettre l'accent sur le châtiment, les délinquants qui sortiront de prison seront plus en colère, moins en mesure de se réinsérer dans la société et plus susceptibles de commettre d'autres crimes.
Je n'ai pas encore abordé les dispositions du projet de loi modifiant la Loi sur le transfèrement international des délinquants et portant sur les Canadiens détenus à l'étranger.
Le traité que nous avons conclu prévoit que les Canadiens qui purgent une peine d'emprisonnement au Mexique, aux États-Unis ou dans un autre pays signataire peuvent demander de purger leur peine au Canada. Jusqu'à tout récemment, cette demande allait pratiquement de soi, non seulement pour les détenus, mais aussi pour les pays où ils purgent actuellement leur peine.
Mentionnons qu'un certain nombre de Canadiens sont actuellement incarcérés aux États-Unis. Ils purgent actuellement leur peine pour avoir commis différentes infractions, qu'il s'agisse des habituelles infractions criminelles ou des infractions relatives au trafic de drogue. Ces détenus peuvent demander aux gouvernements des États-Unis et du Canada de purger leur peine au Canada, où ils seront assujettis au droit pénal canadien et aux règles qui s'appliquent ici en ce qui concerne entre autres la durée de leur peine et les programmes de réadaptation offerts. Ces dispositions sont en vigueur depuis longtemps. Or, la situation a changé.
Le gouvernement, le et son prédécesseur ont décidé de refuser aux détenus la possibilité d'être transférés au Canada. Ils pourront toutefois revenir un jour. Le gouvernement ne peut pas les déporter. Lorsqu'ils auront purgé leur peine aux États-Unis ou au Mexique, ils pourront revenir au Canada en avion ou en autocar. On ne saura pas nécessairement qu'ils ont été incarcérés ailleurs. Ils pourront présenter leur passeport ou leur certificat de naissance à la frontière, puis entrer au pays. Personne ne saura alors où ils étaient et s'ils représentent un danger pour la société. Seuls ceux qui purgent une peine d'emprisonnement à vie pour une période indéterminée ou trois peines de 50 ans, ce qu'on voit parfois aux États-Unis, ne pourront pas revenir au Canada.
Il y a là une question de sécurité publique. Si ces personnes purgent leur peine au Canada, elles sont soumises à notre régime de libérations conditionnelles, à notre supervision, aux dispositions relatives à la libération d'office, au placement en maison de transition et à tout ce que cela comporte. On les réinsère dans la collectivité et on leur fait suivre des programmes de réadaptation.
Or, le gouvernement et le ministre actuels ont décidé de refuser le transfèrement de ces personnes pour des motifs qui paraissent arbitraires. La Cour fédérale ne semble pas approuver la décision du ministre. Elle estime qu'il ne se conforme pas aux dispositions de la mesure législative et lui ordonne d'examiner et de reconsidérer ces motions parce que la loi existante exige qu'une raison justifie la décision.
Cette mesure, tirée d'un projet de loi présenté antérieurement par le , a été glissée dans le projet de loi qui nous est soumis. Les modifications proposées à la loi donneraient au ministre un pouvoir discrétionnaire presque illimité en ce qui concerne le transfèrement international des délinquants. Ces dispositions légaliseraient ce qui était illégal et contraire à la loi existante. La Cour fédérale du Canada a signalé à plusieurs reprises au gouvernement et au ministre qu'ils ne se conforment pas à la loi existante.
Quelle est la réponse? Est-ce de se conformer aux dispositions de la loi et de respecter les principes qui assurent aux Canadiens la possibilité de revenir purger leur peine au Canada? Non, la réponse des conservateurs est de modifier la loi pour rendre légal ce qui ne l'était pas.
Les conservateurs ont ajouté que le ministre peut prendre en considération une série de facteurs pour consentir ou non au transfèrement d'un délinquant canadien. La liste est là. Beaucoup de ces facteurs figuraient déjà sur la liste précédente. Ils obligeraient notamment le ministre à tenir compte du fait qu'à son avis, le délinquant risque de poursuivre des activités criminelles après son transfèrement. Cela équivaut à dire que le ministre peut décider si la personne poursuivra plus tard des activités criminelles. N'est-ce pas pour cela que la Commission des libérations conditionnelles existe? N'est-ce pas pour cela que nous avons un système correctionnel? N'est-ce pas là toute la question?
Donc, si un délinquant purgeait une peine de six ans aux États-Unis, il pourrait revenir au Canada et faire ce qui lui plaît. Le ministre ne saurait même pas que le délinquant est au Canada. L'activité du délinquant aux États-Unis ne figurerait dans aucun dossier. Le ministre ne connaîtrait pas son existence. Pourtant, si un délinquant faisait une demande de transfèrement au Canada, le ministre pourrait déterminer s'il risque de continuer à s'adonner à des activités criminelles après le transfèrement. C'est un facteur que le ministre aurait le droit de prendre en considération.
Le projet de loi donne une longue liste de facteurs. Les conservateurs pourraient tout simplement retirer la liste puisqu'elle se termine par le point l): « tout autre facteur qu'il juge pertinent ». Autant supprimer a), b), c), d), e), f), g), h), i), j) et k) et dire « Le ministre peut tenir compte de tout facteur qu'il juge pertinent pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien. » C'est ce que dit essentiellement l'article 136 du projet de loi . En l'adoptant, nous donnerions au ministre un pouvoir absolu, sans politique ni ligne directrice, si ce n'est pour une liste de facteurs qu'il est libre de prendre en considération et auxquels s'ajoutent tous les facteurs qu'il juge pertinents.
C'est irresponsable. Il est irresponsable de donner au ministre le pouvoir de décider si un délinquant qui se trouve aux États-Unis peut revenir au Canada. Ce n'est pas une ligne directrice valable. Il n'est pas sage qu'un ministre du gouvernement du Canada, dans un pays comptant 33 millions d'habitants, puisse prendre des décisions en se basant sur n'importe quel facteur qu'il juge pertinent. À quel moment peut s'exercer la supervision judiciaire sur une chose qui met en cause la liberté d'un citoyen canadien? C'est de cela qu'on parle ici.
Lorsqu'un individu est condamné à une peine de prison, il peut en appeler du verdict. Dans ce cas-ci, le ministre pourrait décider si cet individu purge sa peine au Mexique, aux États-Unis ou au Canada. Comment le ministre se servirait-il de son pouvoir discrétionnaire? Sur quoi se fonderait-il? Sur des critères arbitraires? Serait-il pertinent qu'un individu connaisse un député, et que ce dernier estime que l'individu est une bonne personne qui devrait revenir au Canada? Si le ministre estime que c'est le cas, alors oui. Est-ce le genre de société que nous voulons, une société où le ministre pourrait refuser son consentement en se fondant sur n'importe quel critère qu'il jugerait pertinent? Ce n'est pas le genre de société que je souhaite, et ce n'est pas le genre de société que souhaitent les néo-démocrates.
Il existe d'autres facteurs, dont certains sont très pertinents. Historiquement toutefois, on a eu recours à cet article pour reconnaître que cela est pertinent non pas seulement pour l'individu, mais pour la société canadienne. Les Américains n'apprécient pas tellement que le Canada refuse des prisonniers. Habituellement, les États-Unis renvoient au Canada les Canadiens emprisonnés chez eux et le Canada fait de même pour les citoyens américains. C'est l'entente habituelle. Les Américains sont préoccupés par le fait que le Canada ne respecte pas sa part de l'entente. Je ne crois pas que cette entente soit consignée dans un document quelconque. C'est toutefois une question de relations internationales entre le Canada et les États-Unis que de respecter cette entente lorsqu'il y a de bonnes raisons de le faire. Je ne veux pas dire que nous devons respecter toutes les traditions pour la simple raison que les choses se sont toujours passées ainsi. Pourquoi préciser « tout autre facteur qu’il [le ministre] juge pertinent »? Cette phrase n'est là que pour une seule raison, soit protéger le ministre contre la supervision judiciaire de la Cour fédérale du Canada. Le gouvernement semble aimer faire cela.
Où est la primauté du droit dans tout cela? Les conservateurs diront qu'ils se conforment à la loi. D'accord, mais ils l'auraient modifiée simplement pour garantir que les tribunaux ne puissent avoir droit de regard. Ils respecteraient la loi qu'ils auraient eux-mêmes créées. C'est ainsi que se comporte le gouvernement. S'ils enfreignent la loi, si la Cour fédérale les désapprouve, les conservateurs utilisent leur faible majorité, qu'ils appellent un mandat clair, pour présenter une mesure législative visant à modifier la loi. Si les conservateurs n'aiment pas la loi ou s'ils se sentent limités par la législation en vigueur, eh bien il la modifie. C'est ainsi que les choses se passent.
Je veux parler des amendements parce que le Sénat a présenté des amendements dont nous sommes maintenant saisis. Il s'agit à peu près des mêmes changements que le député de avait présentés au comité, mais avec certaines différences.
Je veux parler de la façon dont fonctionne la Loi sur l'immunité des États. Nous n'avons pas une grande confiance en cette mesure législative. Elle a existé sous d'autres formes au cours de législatures précédentes. Il y a déjà eu un projet de loi intitulé Loi visant à décourager le terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États. Les conservateurs l'ont abandonné parce qu'il n'aurait eu aucun effet pour empêcher les actes de terrorisme commis contre le Canada et les Canadiens. Le titre abrégé du projet de loi était Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme. Cela se rapproche peut-être un peu plus de l'objectif du projet de loi, qui est de donner aux Canadiens le droit de poursuivre des États ou des acteurs non étatiques pour des actes de terrorisme.
Certains qualifient le projet de loi de champ de mines diplomatique. Le libellé actuel de la loi oblige le Canada à nommer les pays qui parrainent le terrorisme. Nous ne pouvons pas dire que nous allons engager des poursuites contre le pays X parce qu'il a subventionné une organisation ayant commis un acte terroriste dont moi-même ou ma famille avons souffert.
Dans les cas de délits civils ordinaires, lorsque l'on veut engager des poursuites contre l'un de nos concitoyens, on le fait. Il faut cependant prouver que cette personne est bien celle qui a fait ce qu'on lui reproche. Il n'est pas nécessaire que son nom figure sur une liste où une tierce partie l'aurait inscrit. Or, dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement du Canada établirait une telle liste. Confier au ministre des Affaires étrangères et au gouvernement la responsabilité de dresser cette liste et de la réviser occasionnellement équivaut à s'engager dans un champ de mines diplomatique.
Ainsi, les pays comme l'Afghanistan et le Pakistan sont largement considérés comme des incubateurs du terrorisme, mais le fait de les inscrire sur une liste pourrait mener à d'importantes complications diplomatiques, car le gouvernement canadien cherche à appuyer les gouvernements de ces pays. Ils ne seraient donc pas inscrits sur la liste. Or, si, par exemple, le Pakistan appuie les talibans, que ceux-ci commettent en Afghanistan un acte pouvant être jugé comme terroriste aux termes du projet de loi et qu'un soldat ou un civil canadien est blessé, ses proches ne pourront pas engager de poursuites contre le Pakistan, même s'ils peuvent prouver qu'il existe un lien direct entre le gouvernement ou les forces armées de ce pays et les actions d'un groupe donné, à moins que le Pakistan figure sur une liste.
Nous avons donc un gouvernement doté du pouvoir de dresser une liste. Qui y figurera? Quels pays pourraient s'y trouver? Que se passe-t-il dans les autres pays qui ont recours à une telle liste?
D'autres pays, comme les États-Unis, ont une liste. Les États-Unis ont adopté une loi similaire il y a une dizaine d'années. Seuls les pays qui figurent sur la liste peuvent être poursuivis. Cuba, l'Iran, la Syrie et le Soudan y figurent actuellement. Il est intéressant de souligner que la Corée du Nord, l'Irak et la Libye y figuraient, mais que leur nom en a été retiré depuis. Par conséquent, advenant qu'un plaignant poursuive la Libye en représailles à l'attentat de Lockerbie, par exemple, et qu'il soit au beau milieu de poursuites judiciaires, mais que les Américains décident de retirer la Libye de la liste pour améliorer leurs relations avec Mouammar Kadhafi — ce qu'ils ont fait au milieu des années 2000 —, la poursuite fera tout à coup chou blanc en raison de la modification apporté à la liste par le gouvernement américain.
Un problème fréquent qu'on a constaté, dans le cas de ces poursuites en droit civil, c'est que les défendeurs refusaient de reconnaître la compétence des tribunaux américains. En conséquence, les défendeurs, que ce soit l'Irak, la Libye ou tout autre pays, ne se présentaient pas au procès. Leur absence donnait lieu à des jugements par défaut dont les pays débiteurs ne tenaient aucun compte ou ils refusaient de payer les dommages imposés. Pourquoi intenter une poursuite en vue d'obtenir un jugement si les actifs du pays restent inaccessibles parce que celui-ci a refusé de payer et qu'il ne se soumet pas à l'ordonnance des tribunaux?
Ainsi, le recouvrement est devenu un problème majeur aux États-Unis, car la majorité de ces pays ont peu d'actifs aux États-Unis. En fait, le pouvoir exécutif américain s'est montré plutôt réticent à l'idée d'utiliser à cette fin des actifs bloqués. Au fil du temps, le Congrès a tenté de créer des mécanismes de recouvrement, mais le pouvoir exécutif a résisté à ces efforts par crainte de représailles contre les actifs américains notamment en Libye. Il se préoccupait des mesures de représailles et de la perte d'influence sur le pays en cause et il craignait d'enfreindre le droit international en matière d'immunité des États. Cela a créé tout un bourbier.
Je donne comme exemple les accords d'Alger de 1981, qui ont permis la libération des employés de l'ambassade des États-Unis détenus en otage en Iran. Ces accords interdisaient aux otages d'intenter des poursuites civiles. Ces derniers avaient été retenus en Iran, puis libérés grâce à l'accord mais l'entente conclue par le gouvernement leur interdisait d'intenter des poursuites civiles contre l'Iran ou les groupes terroristes. Le Congrès américain a proposé divers projets de loi visant à leur donner un droit de recours, mais l'exécutif s'y est opposé à cause des conséquences internationales que risquerait de provoquer le non-respect des dispositions de ces accords. Par la suite, la situation en Irak est venue brouiller les cartes, amenant l'administration Bush à radier l'Irak de la liste.
Sous Saddam Hussein, l'Irak était, bien sûr, un pays inscrit qui pouvait être poursuivi. Certaines poursuites ont d'ailleurs permis aux demandeurs d'obtenir réparation par la saisie de biens irakiens. Or, après l'invasion de l'Irak, le gouvernement américain n'avait plus vraiment intérêt à faciliter la saisie de ces biens. Il voulait plutôt que ces biens profitent aux Irakiens et qu'ils servent à reconstruire le pays. Alors, en réalité, de nombreuses victimes d'actes terroristes n'ont pas pu obtenir réparation même si elles avaient obtenu gain de cause dans leur poursuite contre l'Irak. Les biens, ou ce qui avait été obtenu dans les poursuites, sont restés en Irak parce que le gouvernement américain en avait décidé ainsi. En réalité, l'Irak a été radié avec effet rétroactif et de nombreux défendeurs n'ont pas pu recouvrer les sommes qui leur avaient pourtant été accordées dans des jugements. Voilà en partie ce qu'ont vécu les États-Unis avec les listes politiques que le Cabinet souhaite instaurer. Tous ces amendements, sauf un seul, font valoir implicitement l'importance de ces listes pour un plaignant qui désire intenter une poursuite en vertu de cette partie du projet de loi .
Il pourrait arriver également que des pays susceptibles de figurer dans la liste n'aient pas suffisamment d'actifs pouvant être saisis au Canada. Les victimes seraient alors en concurrence pour l'obtention de ces actifs éventuels. Les inquiétudes décrites auparavant concernant les représailles semblent s'être vérifiées dans le cas des États-Unis, car des mesures équivalentes ont été adoptées par Cuba et l'Iran par la suite. Donc, non seulement des pays placés dans la liste ne posséderaient pas d'actifs importants justifiant une poursuite au Canada, mais ils pourraient exercer des représailles.
Le projet de loi a été présenté avec de bonnes intentions. Des propositions ont en outre été faites pour y apporter d'importantes modifications.
La Coalition canadienne contre le terrorisme nous propose de changer complètement d'approche et de permettre les poursuites contre les États étrangers qui n'ont pas de traité d'extradition avec le Canada. Autrement dit, la liste serait constituée par défaut, et non activement. La coalition craint aussi qu'en ajoutant un pays dans la liste, le Canada s'expose à de continuelles pressions politiques et diplomatiques. Selon elle, l'expérience des États-Unis nous montre que des facteurs n'ayant rien à voir avec le soutien au terrorisme risquent d'être déterminants parfois, dans le cas d'un pays. On ne se laisserait plus guider par des principes, et la crédibilité du gouvernement, du mécanisme de constitution de la liste et du projet de loi lui-même serait entachée.
La coalition précise par ailleurs qu'en n'ajoutant pas à la liste des pays qui devraient en toute objectivité y figurer, le Canada attesterait dans les faits que ces pays ne commanditent pas le terrorisme, ce qui minerait le pouvoir dissuasif du projet de loi.
Nous sommes en présence d'un projet de loi très complexe, qui entraînerait des procès très complexes, ce qui en fait un projet de loi largement symbolique, bien que le gouvernement refuse de l'admettre.
L'avocat de Toronto qui collabore avec la Coalition canadienne contre le terrorisme admet que les procédures seraient passablement complexes: de l'information secrète serait en cause; il faudrait prouver les liens entre les terroristes et les États en question, ce qui ne serait pas facile; il serait difficile aussi de démontrer la relation de cause à effet. Par exemple, un gouvernement pourrait avoir financé une organisation impliquée dans de nombreuses activités, des services de santé au terrorisme, et il serait long et coûteux, voire impossible de savoir à quoi certaines sommes d'argent auraient servi. Le gouvernement reconnaît que de telles poursuites seraient complexes et comporteraient de grandes difficultés, mais il prétend quand même que la loi ne serait pas seulement un geste symbolique.
Le projet de loi qui nous est soumis présente de multiples problèmes politiques et diplomatiques. Il prévoit des solutions inefficaces en matière de recours et de réparation des préjudices. Selon nous, il serait compliqué et difficile pour le Canada d'être fidèle à des principes, comme je l'ai expliqué.
Quand on tente de tenir compte des caractéristiques des États figurant dans une liste, on se bute à des problèmes importants. La position du Canada à l'égard de cette mesure législative serait beaucoup plus solide s'il décidait de laisser les tribunaux en décider, s'il décidait de confier aux tribunaux la responsabilité d'évaluer si certains États étrangers parrainent des activités terroristes. Le gouvernement canadien entretient différents types de relations avec ces États.
Comme on l'a mentionné à propos de l'expérience des États-Unis, certains des facteurs qui entrent en ligne de compte n'ont rien à voir avec le fait qu'un État parraine des activités terroristes ou non. Je pense par exemple à l'Irak où, même quand des citoyens avaient obtenu gain de cause contre l'État, ils ne pouvaient pas obtenir réparation parce que le gouvernement avait retiré cet État de la liste. Des gens dont les démarches avaient abouti se sont donc retrouvés devant rien, après avoir déployé beaucoup d'efforts pour pouvoir intenter un procès.
Comme le ministre l'a signalé, le projet de loi touche de nombreuses dispositions de plusieurs lois. Parmi les neuf lois touchées, quatre portent sur la sécurité publique, quatre sont liées au Code criminel et la dernière porte sur un nouveau délit, le terrorisme d'État. Une autre concerne l'immigration; je ne sais pas pourquoi on inclut la Loi sur l'immigration.
Il y a donc une partie de ce projet de loi qui ne semble pas liée au reste, mais les conservateurs l'ont ajoutée parce qu'ils croyaient qu'elle passerait inaperçue dans ce projet omnibus. Cette mesure donnerait aux agents d'immigration un autre pouvoir discrétionnaire grâce auquel ils pourraient refuser à une personne d'entrer au Canada, en fonction des instructions du . Avec l'autorisation du ministre, des agents pourraient refuser des permis de travail à des citoyens étrangers qui risquent peut-être de subir des traitements humiliants et dégradants et d'être exploités sexuellement. Nous sommes d'accord pour que le processus de demande de visa serve à prévenir la traite et l'exploitation des personnes. Mais cela doit faire partie d'un processus plus vaste. Le projet de loi demeure très vague en matière de prévention de l'exploitation; il ne permettra pas, à lui seul, de mettre fin à la traite des personnes. Il ne fait rien pour renforcer les droits des personnes qui travaillent au Canada. Cet aspect, qui est la source réelle du problème, permettrait vraiment de protéger les travailleurs contre l'exploitation.
Nous avons des cas concrets de travailleurs qui se font exploiter. Les dispositions en question ont déjà été présentées sous d'autres formes; à l'origine, elles ont été proposées dans la foulée d'une affaire où des danseuses exotiques ont obtenu un visa pour travailler à Toronto. On a fait valoir que la danse ne servait qu'à camoufler d'autres activités et que les nouvelles dispositions donneraient au ministre le pouvoir de refuser l'entrée à toute personne qui risque d'être exploitée.
Toute personne admissible à un visa qui court un risque d'être exploitée doit certainement bénéficier de la protection des dispositions de la législation canadienne du travail interdisant l'exploitation. Si des personnes qui viennent au Canada sont à risque d'être exploitées, il est préférable de les accueillir et de faire en sorte que leur liberté de mouvement ou leur choix d'emploi ne soient pas dictés par des criminels ou des gens qui cherchent à les exploiter. Ce serait la situation idéale.
Les gens qui viennent au Canada ne cherchent pas à se faire exploiter. Il faut leur expliquer que, quel que soit leur emploi, il est possible qu'on cherche à les exploiter après leur arrivée. Que devrions-nous faire? Devrions-nous les laisser chez eux ou les accueillir au Canada, où ils pourront bénéficier d'une protection aux termes de la loi? Le problème, c'est que les dispositions législatives dont nous sommes saisis semblent seulement viser les danseuses exotiques. Or, tous les travailleurs étrangers sont vulnérables, pensons aux aides familiaux. Il y en a beaucoup au Canada. Les travailleurs agricoles sont eux aussi à risque d'être exploités.
Nous avons une longue histoire avec les travailleurs temporaires, qui remonte à l'époque de la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. Ces travailleurs peuvent être victimes d'exploitation. Les travailleurs temporaires sont les travailleurs les plus susceptibles d'être exploités au Canada, mais le projet de loi ne leur viendra sûrement pas en aide parce qu'il ne s'inscrit pas dans le cadre d'un effort ciblé de la part du gouvernement visant à réduire l'exploitation des travailleurs en général. Je pense en effet que le gouvernement conservateur ne prend pas ce problème-là bien au sérieux.
Beaucoup de groupes dans l'ensemble du pays partagent notre position. L'Association du Barreau canadien, par exemple, a exprimé des réserves à l'égard de plusieurs aspects du projet de loi, autant dans les médias et les communiqués de presse que dans un mémoire de 100 pages soumis au comité. Elle se soucie des peines minimales obligatoires et du recours excessif du gouvernement à l'incarcération ainsi que des contraintes imposées au pouvoir discrétionnaire des juges, limitant leur capacité d'arriver à une décision juste. L'association se soucie de l'incidence du projet de loi sur certains groupes déjà désavantagés et parle, dans son mémoire, de son incidence sur les Canadiens autochtones en particulier.
Dans un mémoire étoffé, l'Association du Barreau canadien a parlé des modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, dont les dispositions qui prolongeraient les peines minimales obligatoires pour les infractions relatives aux drogues. L'association a dit qu'elle était contre l'adoption de ce que l'on appelait à l'époque le projet de loi et qu'elle est toujours contre les dispositions du projet de loi ayant trait à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Elle croit que l'on pourrait mieux régler les préoccupations liées à la sécurité publique à l'aide des outils législatifs actuels. Voici ce que l'association a dit:
Nous estimons que le projet de loi ne serait pas efficace, serait très coûteux, alourdirait le fardeau de l'administration de la justice, pourrait mener à l'imposition de peines injustes et démesurées et ne permettrait pas de réaliser le but visé, soit celui d'accroître la sécurité publique.
Elle a ajouté ce qui suit:
[...] [Le projet de loi] ne permettrait pas de réaliser le but visé, soit celui d'accroître la sécurité publique.
Je ne dis pas que ce sont là des paroles d'évangile parce que l'Association du Barreau canadien les a prononcées. Je suis un ancien membre de cette association, comme bien d'autres députés à la Chambre. C'est une organisation d'avocats de partout au pays qui ne représentent pas qu'un seul côté du barreau. Elle compte des procureurs, des avocats de la défense, des fonctionnaires du ministère de la Justice ou des services de ministères de la Justice ou de ministères publics de partout au pays, qui poursuivent des criminels en cour jour après jour, mais aussi des avocats de l'autre côté qui défendent les accusés. Comme notre système est fondé sur la primauté du droit, des gens sont responsables de s'assurer que notre système fonctionne, que les individus sont présumés innocents jusqu'à preuve du contraire. Il y a deux types d'avocats et, ensemble, ils ont présenté ce mémoire. S'ils disent que, d'après eux, le projet de loi ne permettrait pas de réaliser le but visé, soit celui d'accroître la sécurité publique, on doit les prendre au sérieux.
Lorsque l'association parle des peines minimales obligatoires relativement aux plants de marijuana, par exemple, elle dit que le projet de loi imposerait des peines minimales obligatoires même si les circonstances entourant l'infraction et le degré de responsabilité varient énormément.
Les peines énoncées dans la mesure législative sont fondées sur des facteurs arbitraires et ne font pas de distinction claire entre les niveaux de culpabilité. Par exemple, la disposition qui prévoit des peines minimales obligatoires progressives pour la production de marijuana est axée sur le nombre de plants produits. Ainsi, si une personne cultive six plants ou plus, la peine sera de six mois. Si les plants sont cultivés sur le terrain d'une autre personne ou dans le but de faire le trafic de la marijuana, la peine minimale sera de neuf mois. Une peine d'un an sera imposée à une personne qui cultive 200 plants, mais moins de 500. C'est comme si on disait aux juges de consulter la liste, qui comporte, d'un côté, le nombre de plants, et de l'autre, la peine minimale obligatoire.
En fait, il s'agit d'un affront aux juges de notre pays. Bon nombre d'entre eux affirmeront que l'une de leurs fonctions les plus importantes consiste à déterminer la peine appropriée à une infraction criminelle donnée. Or, cette mesure législative prévoit qu'ils devront rendre une décision en fonction du nombre de plants cultivés. Ainsi, la peine sera différente selon qu'une personne cultivera cinq plants, six plants ou 200 plants, et elle augmentera encore si les plants sont cultivés sur un terrain appartenant à quelqu'un d'autre, même si la personne a seulement planté quelques graines le long d'une clôture mitoyenne et qu'elle cultive les plants sur le terrain du voisin.
Je peux comprendre pourquoi les gens font cela. Ils le font peut-être en pensant qu'ils ne se feront pas prendre. C'est probablement l'idée derrière tout ça. Cela dit, si une personne cultive ses plants sur le terrain de quelqu'un d'autre, on lui imposera un peine minimale obligatoire plus élevée qui si elle les avait cultivés sur son propre terrain. C'est insensé.
Je suis convaincu que les députés présents ici et tous ceux qui nous écoutent se demandent si tout cela tient la route. Je souscris aux propos de l'Association du Barreau canadien, selon laquelle ces peines sont arbitraires. Elles sont totalement arbitraires et n'ont rien à voir avec le degré de responsabilité, le degré de culpabilité et le niveau de sanctions requis.
Lorsque l'Association du Barreau canadien dit cela, elle appuie le gros bon sens des gens qui disent que quelque chose ne va pas lorsque les peines ont ce caractère arbitraire. Pour une raison quelconque, le gouvernement ne fait pas confiance aux juges qui sont nommés pour décider de ce qui est juste et raisonnable.
À Toronto, une juge a entendu la cause d'un jeune homme qui tenait un pistolet chargé dans une main et un ordinateur dans l'autre main lorsque la police a fait irruption dans son appartement. La situation était plutôt loufoque. Sauf erreur, le jeune était en bobettes avec un ordinateur dans une main et un pistolet chargé dans l'autre. Il prenait une photo de lui-même pour l'afficher sur Facebook.
Je dois admettre que je ne comprends absolument pas pourquoi quelqu'un voudrait faire une telle chose.
Bonne question.
M. Jack Harris: Le député dit que c'est une bonne question. Pourquoi quelqu'un voudrait-il faire une telle chose?
En vertu de la loi applicable, cette infraction appartenait à une catégorie qui fait l'objet d'une peine obligatoire de trois ans. La juge a décidé qu'une telle peine était très arbitraire et que malgré le degré de responsabilité de la personne en cause, ou la stupidité de son geste —selon le point de vue —, personne n'avait été en danger.
La juge était aussi préoccupée par ce qui allait arriver à ce jeune homme si elle l'envoyait en prison pour un minimum de trois ans. Quel effet une telle peine aurait-elle sur lui? Est-ce qu'elle lui permettrait de se réhabiliter? De tirer une leçon de son erreur?
Que dire des victimes?
M. Jack Harris: C'est une très bonne question. Que dire des victimes? Je ne sais pas trop qui étaient les victimes dans ce cas-ci. Les infractions criminelles ne font pas toujours de victime.
Le type allait prendre une photo de lui et l'afficher sur l'Internet. Je ne vois pas qui sont les victimes ici. De toute évidence, le fait d'avoir un pistolet chargé lorsque la police s'amène est un crime contre la société.
En vertu de la loi, la peine d'emprisonnement minimale était de trois ans. La juge a décidé qu'une telle peine était arbitraire et qu'elle ne satisfaisait pas au critère selon lequel la peine doit être proportionnelle au crime. En fait, elle a plutôt conclu qu'une telle peine correspondait à ce qu'on appelle une peine cruelle ou inusitée dans la Charte des droits et libertés. C'est la même disposition dont se sont servis nos tribunaux pour dire que la peine capitale était cruelle et inusitée. C'est pour cette raison que celle-ci est contraire à nos lois depuis 50 ans.
C'est là que le bât blesse. Les ministériels demandent « Qu'en est-il des victimes? » et disent que nous, de ce côté-ci, ne nous soucions pas des victimes. Je trouve cela plutôt ridicule, mais c'est à l'image des conservateurs qui cherchent à diviser les Canadiens. Ils disent « Nous sommes en faveur des victimes, contrairement à eux ». Ils ne se contentent pas de dire que nous n'appuyons pas les victimes, ils disent également que nous sommes en faveur des criminels et que nous nous rangeons du côté des prédateurs ou des agresseurs d'enfants. Voilà le genre de dynamique que le gouvernement essaie d'imposer aux Canadiens raisonnables et logiques, mais c'est carrrément faux. En fait, c'est tellement faux que je dois l'expliquer.
Nous avons demandé, à la Chambre, d'enlever la partie 2 du projet de loi qui contient les dispositions sur les infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants, les nouvelles dispositions relatives au leurre sur Internet, ainsi que la nouvelle infraction consistant à montrer des images pornographiques aux enfants, afin de les « préparer » en vue de commettre des infractions d'ordre sexuel. Nous voulions retirer ces dispositions du projet de loi, en débattre et les adopter sur-le-champ. Qu'ont dit les conservateurs? Ils ont refusé et ils ont dit que c'était une perte de temps et que nous voulions simplement retarder l'adoption du projet de loi. En fait, nous voulons accélérer l'adoption de ces mesures.
Pourquoi? Je peux revenir sur l'intervention que j'ai faite cette journée-là. J'ai dit que les néo-démocrates pensent que ces mesures devraient être adoptées immédiatement parce qu'elles permettraient d'éviter que d'autres crimes d'agression et de prédation sexuelle ne soient commis. Ces dispositions, que nous appuyons, éviteraient que des crimes d'agression sexuelle ne soient commis. Si une personne était surprise en train de faire du leurre sur Internet, de préparer des enfants en vue de les exploiter sexuellement ou de commettre d'autres infractions, et qu'elle était arrêtée, elle n'aurait pas la possibilité de commettre une agression ou de faire de la prédation sexuelle. Elle serait arrêtée avant. Les experts et les spécialistes en matière d'infractions sexuelles savent qu'un processus est en place et qu'une chose en amène une autre. On observe une progression dans le comportement des délinquants et cette mesure législative les arrêterait. Nous pensions aux victimes en voulant faire cela.
En passant, je tiens à dire aux députés d'en face qui pensent que personne de ce côté-ci ne se soucie jamais des victimes, que j'en ai assez entendu. J'ai passé sept ans à me battre pour que les victimes du scandale de l'orphelinat Mount Cashel obtiennent justice. Voilà ce que j'ai fait pendant sept ans et je refuse qu'un député d'en face laisse entendre qu'un des nôtres ou mon caucus ne se soucie pas des victimes.
Les gens qui comparaissent devant les tribunaux et sont victimes d'une injustice méritent eux aussi d'être protégés par la loi et par le Parlement. Je ne veux pas m'attarder trop sur les propos des conservateurs, qui affirment être les seuls à se soucier du sort des victimes et qui prétendent que personne dans notre parti ne s'en préoccupe. La justice est importante pour nous. Nous voulons que les lois adoptées permettent de faire régner la justice au Canada.
Il y a des groupes dans notre société, des organisations non gouvernementales et des groupes de la société civile, qui ont également le droit de se faire entendre. Ils se sont adressés au comité et à la Chambre. Ils ont parlé à des députés. L'Association canadienne des libertés civiles est un organisme important, qui surveille les lois adoptées.
Elle a fait part de ses préoccupations en ce qui concerne les coûts à long et à court termes associés à l'incarcération d'un plus grand nombre de gens, plus particulièrement si on tient compte de la surreprésentation croissante des Autochtones, des personnes atteintes de maladies mentales et des toxicomanes dans les prisons canadiennes. Nous partageons les inquiétudes de l'association à cet égard.
Nous observons une incapacité de répondre adéquatement aux besoins en matière de santé mentale des Canadiens. C'est un grave problème. La Commission de la santé mentale cherche des façons d'y remédier. Même si quelqu'un peut être reconnu, en termes juridiques, non coupable pour cause d'aliénation, certaines personnes se retrouvent devant les tribunaux en grande partie à cause d'une maladie mentale ou de problèmes mentaux dont elles souffrent ou des inquiétudes et de la détresse qu'elles ressentent. On les emprisonne au lieu de leur faire suivre un traitement. C'est parce que ces personnes ne reçoivent pas le traitement dont elles ont besoin qu'elles se trouvent dans des situations qui les mènent en prison. Voilà une autre source de préoccupation. On ne les traite pas de manière juste.
Grâce à de meilleurs programmes de traitement pour les personnes atteintes de maladies mentales ou de troubles mentaux, nous pouvons rendre nos rues plus sûres, ce qui est l'objectif du projet de loi, au lieu de les mettre en prison. Même les détenus qui ont des problèmes de santé mentale n'obtiennent pas l'aide nécessaire. Ils ne sortent pas de prison dans un état qui fait que nos rues sont plus sûres.
Au sujet des coûts, le Centre canadien de politiques alternatives estime que les coûts liés à ce programme de répression de la criminalité seraient colossaux. Selon ses porte-parole, une grande partie de ces coûts seraient assumés par les provinces, à qui incombe la mise en oeuvre. Les provinces et les territoires devraient payer notamment pour tout le personnel supplémentaire, les juges, les greffiers, les procureurs de la Couronne, les shérifs et les sténographes judiciaires, sans compter les tribunaux et les établissements dans lesquels les détenus seront incarcérés. Bon nombre de provinces se sont vigoureusement opposées à ce qu'on leur refile ces coûts.
Le gouvernement du Québec a exprimé de fortes objections. Le ministre de la Justice et procureur général du Québec, M. Jean-Marc Fournier, a comparu devant notre comité en novembre dernier. Il a présenté avec éloquence des objections sérieuses aux dispositions du projet de loi, particulièrement en ce qui a trait à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
C'est la dernière occasion pour la Chambre de se pencher sur cette mesure. Nous l'avons examiné dans un temps limité à la première, à la deuxième et à la troisième lectures. On nous avait dit que lorsqu'elle serait renvoyée au comité, ce dernier aurait tout le temps pour l'examiner, mais il en a précipité l'étude. Dans certains cas, on a imposé aux témoins des délais très courts pour faire leurs exposés, cinq minutes dans la plupart des cas, pour commenter un projet de loi comportant 200 dispositions. Certains groupes qui avaient présenté un mémoire d'une centaine de pages n'ont eu que cinq minutes pour en parler.
Le projet de loi a été examiné à toute vapeur. Les conservateurs ont tenté de comprimer l'étude du projet de loi en deux jours, le premier pendant deux heures, et le second, ils nous ont dit: « Il est maintenant 8 h 45, et nous nous allons terminer aujourd'hui ». Bien entendu, cette suggestion des députés ministériels n'a pas été acceptée par l'opposition, et il s'en est suivi une longue discussion de plusieurs heures pour leur expliquer pourquoi c'était inacceptable. Nous avons obtenu un changement, soit deux jours de plus, mais ce n'était pas très long et, comme nous l'avons fait remarquer, aucun amendement de l'opposition n'a été accepté.
Le projet de loi est revenu à la Chambre pour la troisième lecture et, ô surprise, certaines des propositions d'amendements présentées au comité par le député de ont été soumises à la Chambre par le ministre lui-même. Devinez quoi? Le Président les a jugés irrecevables pour la simple et bonne raison qu'elles auraient pu être étudiées en comité.
Quoi qu'il en soit, ces amendements n'ont pas été étudiés en comité. Pour une raison quelconque, on a dit au comité qu'étant donné que ces propositions émanaient de l'opposition, elles ne seraient pas acceptées. Non seulement ces propositions d'amendements n'ont pas été acceptées, mais aucun amendement ne l'a été. Nous avions soumis de nombreux amendements au comité. Une foule d'amendements ont été présentés au comité et discutés, mais ils n'ont pas été acceptés. Aucun amendement n'a été accepté.
Le gouvernement est prêt à agir de façon arbitraire en matière de détermination de la peine. Il est disposé à accorder au le pouvoir discrétionnaire ultime relativement à la libération de citoyens canadiens incarcérés à l'étranger. Il imposerait des peines minimales obligatoires qui ont été jugées arbitraires et, dans certains cas, injustes. En ce qui concerne les drogues, particulièrement la marijuana, le projet de loi aura pour effet d'entraîner une recrudescence des activités criminelles et de la violence perpétrée avec des armes par des gangs et des groupes criminalisés.
On a qualifié cette approche d'erreur. Il est temps de voir les choses en face. Il faut trouver autre chose que cette guerre contre la drogue qui a échoué aux États-Unis et qui est un échec au Canada aussi. Ce n'est pas facile. Je ne dis pas que la solution est simple, mais cette approche ne ferait qu'empirer la situation au lieu de l'améliorer.
Monsieur le Président, au cas où certains députés d'en face se demandent si je suis à court de notes pour mon intervention, je peux leur dire que je n'en manque pas.
Ce projet de loi a suscité plus d'objections que n'importe quel projet de loi examiné par la Chambre depuis que je suis arrivé en 2008. Nous avons reçu des milliers de courriels. Des Canadiens de partout au pays nous demandent ce qui ne va pas avec ce gouvernement qui n'est pas capable de voir que la criminalité baisse. Le taux de crimes violents a diminué. D'après Statistique Canada, la criminalité est à son niveau le plus faible depuis 1973. C'était il y a 39 ans. Nous avons le taux de criminalité le plus faible depuis près de 40 ans, mais le gouvernement dit qu'il est temps de serrer la vis aux criminels parce qu'il y a une explosion de la criminalité. Il a parlé d'une explosion de la criminalité, de crimes liés à la drogue, de gangs de trafiquants de drogues et de prolifération des drogues, mais ce n'est pas vrai. Le gouvernement est complètement déconnecté de la réalité. Il ne veut pas voir les principes qui sont au coeur de notre droit.
M. Jean-Marc Fournier, ministre de la Justice et procureur général du Québec, a dit que depuis 40 ans « nous avons montré que ce système marchait. Notre formule de justice pénale pour les jeunes marche. Nous récupérons des jeunes qui risquent d'être entraînés sur la pente du crime et nous leur donnons la possibilité de devenir des membres productifs de la société. Cela a très bien fonctionné et nous avons eu de bons résultats ». Il est venu à notre comité supplier le gouvernement de ne pas adopter les modifications prévues dans le projet de loi.
M. Fournier a proposé des changements. Notre parti les a soumis sous forme d'amendements, mais ils ont été rejetés. Je vais parler de quelques-uns des problèmes évoqués.
Il a dit que l'idée de maintenir l'inclusion des notions de dissuasion et de dénonciation spécifiques au système de justice pour les adultes menaçait le caractère distinct du système de justice pénale pour les adolescents et semblait entrer en contradiction totale avec les enseignements de la Cour suprême du Canada. Il a ajouté qu'il ne suffisait pas d'adapter le Code criminel aux adolescents comme semble le faire le projet de loi , mais qu'il fallait plutôt prévoir un système équilibré véritablement adapté à leur situation du début à la fin du processus judiciaire et extrajudiciaire.
Ce sont de sages paroles. M. Fournier a dit que le projet de loi allait forcer les procureurs publics à révéler l'identité des adolescents. À la place du régime actuel, qui interdit totalement la divulgation de l'identité des adolescents, les procureurs n'auraient désormais plus le choix et seraient obligés de publier l'identité des adolescents, sans quoi on les accuserait de ne pas faire leur travail.
Parlant au nom des Québécois, M. Fournier a dit qu'au lieu de proposer ces modifications à la loi actuelle, il faudrait plutôt essayer d'assouplir le système et de donner aux intervenants, aux tribunaux et au système de justice pénale pour les adolescents une plus grande marge de manoeuvre pour faire le bon choix au bon moment pour chaque jeune délinquant.
Le ministre parlait de flexibilité. Le projet de loi parle de rigidité. M. Fournier était très inquiet parce qu'au Québec, le principe fondamental de réadaptation et de réinsertion sociale des jeunes contrevenants a été conçu pour assurer la protection à long terme de la société, plutôt que de privilégier la répression immédiate, sans suivi adéquat. Il a dit que ces principes avaient permis au Québec de présenter les taux de récidive les plus faibles au pays depuis des décennies.
Lors de son intervention ce matin, le ministre a déclaré que nous devons mettre un terme au syndrome de la porte tournante. Eh bien, il s'agit en fait de la récidive. Un délinquant est envoyé en prison, est libéré, puis il commet un crime. Il retourne en prison, est libéré, puis il est renvoyé en prison. La seule solution qu'a trouvée le ministre pour mettre un terme au syndrome de la porte tournante, c'est de la verrouiller lorsque le délinquant est incarcéré. Il n'y a pas de porte de sortie; le délinquant reste en prison plus longtemps.
Que se passe-t-il ensuite? Lorsque les délinquants sortent de prison, sont-ils de meilleurs citoyens ou des citoyens plus en colère?
Des voix: C'est l'école du crime.
M. Jack Harris: Quelqu'un vient de dire que c'est l'école du crime. La prison fait-elle d'eux des criminels endurcis? À leur sortie de prison, sont-ils des citoyens plus en colère, qui sont moins en mesure de se réadapter ou de se conformer aux normes de la société? Sont-ils moins enclins à jouer un rôle constructif dans la société en occupant un emploi? Voilà ce que seront les conséquences de l'incarcération prolongée. C'est ce que ferait le projet de loi, et ce, à un coût très élevé.
Il faut déboulonner le mythe selon lequel cette mesure législative permettra d'assurer la protection à long terme de la société et rendra nos rues plus sûres. Je pense que l'idée qui sous-tend ce mythe c'est que, au moins, les délinquants ne pourront pas commettre de crimes pendant qu'ils sont en prison. Voilà l'idée simpliste que fait valoir le gouvernement. Je pense qu'il ne croit pas vraiment dans la réadaptation.
Les conservateurs soutiennent que tant que les contrevenants sont en prison, les rues sont plus sûres. Le problème, c'est que c'est faux. Pour bien comprendre comment rendre nos rues plus sûres grâce au système de justice pénale pour les adolescents, il suffit de se reporter aux décennies d'expérience du Québec. Un ministre québécois est venu nous expliquer l'approche de sa province dans ce domaine. Il a parlé avec beaucoup d'enthousiasme de la manière dont le Québec tenait à ce que les jeunes qui ont des démêlés avec la justice aient une chance de se réadapter.
Depuis des décennies, le Québec affiche les taux de récidive les plus faibles du pays. Le gouvernement ne veut-il pas en tirer des leçons? Le gouvernement ne veut-il pas se rendre à l'évidence: quelque chose fonctionne, quelque chose qu'il faut étudier et chercher à prendre en exemple? Le Québec a les taux de récidive les plus faibles du pays, alors nous disposons du laboratoire par excellence, où cette approche a été mise à l'essai et a fait l'objet d'un suivi étroit parce qu'on savait ce qu'on faisait. Ce n'était pas improvisé. Ce n'était pas par accident. C'est le résultat des politiques et de l'approche du Québec, de sa compréhension de ce qui fonctionne avec les jeunes. C'est ce qu'il applique depuis des décennies.
Lorsqu'une province a le taux de récidive le plus faible du Canada pendant 10, 20 ou 30 ans, pourquoi le Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador, l'Ontario et la Colombie-Britannique — n'oublions pas la Colombie-Britannique — ne voudraient-ils pas l'imiter? Les Albertains ne veulent-ils pas découvrir comment s'y prend le Québec pour avoir le taux de récidive le plus faible du pays? Sont-ils, pour une raison ou pour une autre, moins dans le coup que le reste du pays? Je ne le crois pas. Nous devrions demander aux Albertains s'ils aimeraient que les jeunes qui font l'expérience du système traditionnel ne commettent plus de crimes lorsqu'ils en sortent après avoir été traités. N'est-ce pas là le résultat que nous préférerions avoir, ou préférons-nous plutôt le statu quo, la porte tournante actuelle? Même si nous les emprisonnons plus longtemps, ils sortiront un jour. Nous n'emprisonnons pas les gens jusqu'à leur mort. Qu'ils aient une peine de deux, de trois, de quatre ou de cinq ans, ils finiront par sortir.
Quand un délinquant est libéré, comment est-il? Est-ce une personne nouvelle, réadaptée? Devient-il meilleur s'il reste plus longtemps en prison? Ce n'est pas ce qu'on lit dans les études ni ce que disent les spécialistes. Cela ne fonctionne pas. C'est pourquoi la réadaptation est au nombre des principes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La réadaptation n'a pas été conçue d'abord comme une peine, bien qu'elle comporte une forme de châtiment.
Certains délinquants seront mis à l'écart de la société et détenus dans ce qu'on appelle un milieu fermé parce qu'ils représentent un danger. Je ne me fais pas d'illusion à ce sujet. Ce n'est pas parce qu'ils sont jeunes qu'ils ne peuvent pas représenter un danger. Des jeunes de 14, 15 et 16 ans peuvent poser des gestes horribles, et il y en a qui le font. La question est de savoir ce qu'on fait d'eux. On ne les mettra pas en prison jusqu'à la fin de leurs jours. On les mettra en prison, on les gardera en détention préventive ou on les soumettra au système de justice pénale. Qu'est-ce qu'on veut obtenir, en fait? On veut une société plus sûre, des jeunes capables de se réadapter, des jeunes qui peuvent avoir besoin d'un programme ou d'une aide pour sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Je ne prétends pas que tous ceux qui commettent un crime sont d'une façon ou d'une autre des victimes de la société. J'ai trop d'expérience pour penser ainsi. Des gens de toutes les couches de la société ont maille à partir avec le système de justice pénale. Toutefois, bon nombre de ceux qui ont des démêlés avec la justice ont des problèmes sociaux ou viennent d'un milieu pauvre. Certains ont des problèmes familiaux et n'ont peut-être pas de domicile fixe. Ils vivent peut-être dans la pauvreté et leurs besoins essentiels ne sont pas comblés. Ils sont peut-être obligés de s'adresser à une banque alimentaire. Le nombre de banques alimentaires en est la preuve. Nous savons que bien des Canadiens vivent dans la pauvreté, en particulier les familles monoparentales, dont les enfants n'ont peut-être pas les mêmes chances que d'autres. Ils ne bénéficient pas de leçons de musique. Ils ne font pas partie d'une équipe de hockey ou de soccer, et ne participent pas à des activités parascolaires. Ils ont peut-être même de la difficulté à avoir les vêtements appropriés pour aller à l'école et être acceptés par leurs camarades de classe et leurs amis. Ils grandissent peut-être dans une collectivité autochtone où ils fréquentent une école de piètre qualité. Ils ne jouissent peut-être pas des avantages et des perspectives qui leur permettent d'envisager l'avenir avec optimisme, et ils finissent pas avoir des démêlés avec la justice d'une façon ou d'une autre, notamment avec le système de justice pénale pour les adolescents.
Quelle attitude ou approche devons-nous adopter? Sous sa forme actuelle, le système de justice pénale pour les adolescents est fondé sur la réadaptation. Cette optique, et l'approche utilisée avec succès au Québec depuis des décennies, doivent bien signifier quelque chose.
Je ne sais pas si cela a déjà fait l'objet d'un débat à la Chambre, mais lorsque le et le procureur général du Québec disent que cette approche est en vigueur au Québec depuis presque 40 ans et qu'elle a permis d'obtenir le taux de récidive chez les jeunes le plus bas au pays, j'ai le goût de crier alléluia! Je suis heureux que quelqu'un ait démontré que la réadaptation fonctionne. Suivons donc le mouvement et reproduisons cette approche de Terre-Neuve-et-Labrador jusqu'au Yukon.
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Monsieur le Président, un certain nombre de victimes et de proches de victimes ont témoigné en comité. Nous avons entendu une femme de l'Alberta, membre d'une collectivité mennonite, qui travaillait avec les victimes et le système de justice pénale. Son fils avait été assassiné. Elle nous a dit que notre système de justice pénale devrait être adéquat, mais qu’il devrait aussi être fondé sur la réhabilitation. Ce n'était pas le genre de personne à vouloir emprisonner quelqu'un le plus longtemps possible pour le faire payer. Au contraire, elle pensait que la réhabilitation, c’était extrêmement important. Les témoins n'étaient pas tous d'un côté ou de l'autre. Ils avaient des opinions variées. J'ai la plus grande sympathie pour quiconque a vu son enfant, son conjoint ou un parent être victime d'un crime violent. Nous avons entendu le témoignage d'une femme dont le fils s’est fait tirer dessus dans la rue et est mort de ses blessures.
Notre parti condamne avec véhémence le crime violent. Nous condamnons avec véhémence l'utilisation d'armes, la prolifération des armes à feu dans notre société, les armes illégales, les fusils à canon tronqué pour commettre des crimes. J'aimerais bien savoir ce que font nos forces de police pour empêcher l'importation illégale d'armes à feu. J'aimerais bien avoir un rapport là-dessus.
On ne peut s'empêcher d'être choqué quand on entend parler des actes criminels qui se produisent dans nos villes. Certains sont tout à fait arbitraires. Un passant se fait tirer dessus tout simplement parce qu'il se trouvait là où il ne fallait pas. Le nombre d'armes à feu illégales en circulation est un énorme problème auquel il va bien falloir s'attaquer. Certains pensent que c'est super d'avoir un pistolet, mais ce n'est pas le genre de société dont nous rêvons au Canada. Et il faut que nos forces policières fassent respecter cela.
Il y a beaucoup de ministériels qui parlent de dissuasion et de peines plus lourdes. Tous les criminologues et spécialistes que nous avons entendus, que ce soient des professeurs d'université, des gens qui ont étudié la criminologie ou des gens qui ont travaillé sur le terrain, tous nous ont dit que le plus grand facteur de dissuasion, c’est la certitude de se faire prendre. Nous devons appuyer nos forces policières. Si les gens ont peur de se faire prendre s'ils commettent un crime, c'est un facteur de dissuasion plus efficace que de faire passer la peine d'emprisonnement de six mois à neuf mois ou même douze mois. Les gens ne lisent pas le Code criminel avant de commettre un crime. Ils ne réfléchissent pas pour savoir quel genre de crime ils vont commettre. Et ce que je vous dis, c'est étayé par la recherche. Les peines minimum obligatoires sont rarement un facteur de dissuasion; par contre, la certitude de se faire prendre en est un, qui amène le délinquant potentiel à y réfléchir à deux fois avant de commettre son crime.
C'est un problème important dont nous débattons ici. C'est bien que nous ayons cette occasion d'exhorter le gouvernement à faire certaines choses. Il faut que les décisions qui sont prises soient fondées sur des preuves. Si notre gouvernement veut modifier les lois et alourdir considérablement la facture de notre système de justice pénale et celle des provinces, il faut qu'il nous démontre que ça va marcher. Or, de nombreux spécialistes nous ont dit et répété que ces lois ne parviendront ni à réduire le nombre de criminels et ni à réduire le taux de récidive. Autrement dit, elles ne rendront pas nos rues plus sûres qu'avant.
La réhabilitation, ça ne concerne pas uniquement l'individu, car moi-même, en tant que membre de la société, je tiens à ce que celui qui a été reconnu coupable d'un crime et qui est envoyé en prison — sous la supervision du Service correctionnel du Canada — soit réhabilité, dans mon intérêt personnel. Certes, je veux que cet individu soit réhabilité parce que c'est une bonne chose, parce qu'il faut qu'il devienne un membre productif de la société, mais je veux aussi que cet individu ne commette pas d'autres crimes.
La réhabilitation, ça ne profite pas seulement aux criminels. Il ne s’agit pas d’être aux petits soins avec les criminels, comme certains se plaisent à le dire de temps à autre. La réhabilitation, c'est rendre nos rues et nos communautés plus sûres et réduire le nombre de crimes qui sont commis. La réhabilitation, c’est un objectif sociétal important car ça contribue à rendre la société meilleure et nos collectivités, plus sûres.
Si les gens ne comprennent pas ça, c'est qu'ils n'utilisent pas leur tête. Et prendre des décisions fondées sur des preuves, c'est utiliser sa tête. C'est se demander qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne fonctionne pas.
Ça ne me procure aucun plaisir de voir quelqu'un qui a commis un crime être condamné à une longue peine d'emprisonnement. Bien sûr que nous voulons que justice soit faite. Celui qui commet un crime abominable mérite une lourde sanction. Cependant, nous devons être conscients que nous ne pouvons pas avoir un système qui repose avant tout sur le châtiment et la justice vengeresse, et qui ne reconnaisse pas l'importance de la réhabilitation.
L'expérience du Québec est certainement quelque chose dont le gouvernement du Canada devrait tenir compte. Le Québec a dit regretter infiniment les modifications apportées par le gouvernement fédéral à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, et ce, pour les motifs que je viens de mentionner, c'est-à-dire qu'à long terme, c'est la société dans son ensemble qui profite d'une protection à long terme. Que nous avons l’obligation de réfléchir à la façon dont nous emprisonnons, réhabilitons et réintégrons un adolescent pour qu'il ou elle puisse devenir un membre productif de la société, étant donné que le châtiment qui lui a été imposé arrivera un jour ou l'autre à son terme. Une société qui fait fi des circonstances entourant le comportement criminel d'une personne ne peut prétendre à une protection adéquate pour l'avenir.
Si l'on n’essaye pas d'améliorer les circonstances qui entourent le comportement criminel d'une personne, on ne peut pas se protéger pour l'avenir étant donné qu'on n'a rien fait pour empêcher que ces circonstances ne favorisent la répétition d'un autre crime. Il y a plusieurs façons de dire la même chose, mais ce que je veux faire valoir, c'est qu'en réhabilitant un criminel, on protège la société. Si on réhabilite un jeune, non seulement on protège la société, mais on donne à cette jeune personne la possibilité d'avoir une vie normale, qui va s'améliorer avec le temps.
Dans ce projet de loi, on prend toutes sortes de facteurs en considération pour augmenter la durée des peines prévues dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. J'ai parlé tout à l'heure du caractère arbitraire de ces mesures. Par exemple, la durée de la peine minimale obligatoire augmente avec le nombre de plants de marijuana. Je crois que c'est l'Association du Barreau canadien qui a fait valoir au comité, et à juste titre, que le nombre de plants n'avait en soi aucun lien avec la gravité de l'infraction.
Nous avons malheureusement un système arbitraire, qui fait fi des droits et des obligations des juges. L'une des principales obligations d'un juge consiste à déterminer une peine qui soit adaptée à l'infraction, à l'auteur de l'infraction et aux circonstances propres à l'infraction et au délinquant.
Les tribunaux criminels, les juges et les avocats qui se sont penchés sur ce dossier ont longuement étudié la question. En fait, les procès criminels se résument bien souvent à des audiences portant sur la détermination de la peine parce que beaucoup de délinquants plaident coupables. Le système de divulgation qui existe actuellement est très utile. Avant même que l'accusé plaide coupable ou non coupable, la Couronne est tenue de divulguer les renseignements sur lesquels se fondent l'accusation.
Très souvent, la question est déjà réglée, notamment parce que la preuve est probante, parce que la personne a été prise sur le fait ou parce qu'elle a reconnu sa culpabilité et qu'elle a remis les biens volés. Il ne s'agit pas alors de savoir si la personne est coupable, mais de déterminer la peine appropriée. Le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense s'adressent alors au juge et cherchent à déterminer la peine en fonction des dispositions qui s'appliquent, des précédents établis, d'autres arrêts et des circonstances. Le procès porte alors sur cette question, c'est-à-dire la détermination de la peine appropriée pour le délinquant.
Les juges ne peuvent pas avoir d'opinion politique, mais ils diront tous en privé que la détermination de la peine est très importante pour eux et qu'ils n'aiment pas qu'on limite leur pouvoir discrétionnaire au point où ils ne peuvent pas imposer une peine appropriée au crime commis.
On entend dire parfois que certains tribunaux laissent les délinquant s'en tirer à bon compte. J'ai longtemps exercé le droit. En fait, j'ai été admis au barreau en 1980. Je n'ai pas seulement pratiqué le droit criminel, mais j'ai fait beaucoup de travaux dans ce domaine et je l'ai étudié à l'université, dans les facultés de droit. Au fil des années, j'ai lu sur le sujet et j'ai suivi les arrêts qui ont été rendus. Certaines peines sont scandaleusement élevées et d'autres, scandaleusement faibles. Le système est ainsi fait. Il y a des mécanismes qui permettent de tendre vers le juste équilibre.
Il existe une procédure d'appel. Si un juge d'une cour provinciale inflige une peine aberrante, la personne peut s'adresser à la Cour suprême, qui décide de sa justesse. Si la personne n'est pas satisfaite, elle peut s'adresser à la Cour d'appel. La Cour suprême du Canada s'est déjà penchée sur des cas où la peine était contestée. Ce système vise à garantir qu'à partir d'une gamme de peines appropriées, le juge ne donne pas une peine inadéquate.
C'est une fonction à laquelle nos juges accordent beaucoup d'importance et ils la remplissent bien la plupart du temps. La nature humaine étant ce qu'elle est, toutes les peines ne sont pas absolument justes et c'est pour cette raison qu'il y a un processus d'appel. De par sa teneur générale, cette mesure législative laisse penser qu'il y a quelque chose qui cloche dans le système, qu'il importe peu aux juges que des crimes soient commis et qu'ils ne prennent pas les victimes en considération.
Nous avons maintenant les déclarations des victimes. C'est une nouveauté. Leur raison d'être est justement que les victimes aient leur mot à dire dans le processus. Certains trouvaient que, dans les procès au criminel, tout tournait autour des délinquants. Eh bien, s'il en est ainsi c'est parce que c'est le délinquant qui est jugé et qui est censé être puni pour le crime qu'il a commis. Les victimes ont un rôle à jouer. À une époque, la victime était considérée comme un simple témoin et était parfois traitée sans respect et c'était choquant. La victime n'était pas admise dans la salle d'audience pendant que les témoins comparaissaient. La victime était parfois expulsée de la salle d'audience et devait attendre à l'extérieur, en compagnie de la famille et des amis de l'auteur du crime.
C'était choquant. Il a fallu un certain temps avant que les victimes soient traitées avec respect et dignité et que leurs droits fondamentaux soient reconnus. Une personne était victime d'un crime et, pourtant, le système tout entier semblait n'en avoir que pour le procureur de la Couronne, celui de la défense, les juges, la police, bref tout le monde, sauf elle. Les choses ont changé. Dans ma province, des organismes offrent aide et services aux victimes pendant le processus judiciaire.
Comme je l'ai dit plus tôt, je me suis occupé d'une série de cas, pour lesquels je n'ai pas participé directement aux procédures pénales, mais plutôt au volet civil. Nous avons poursuivi en justice des gouvernements, des ordres religieux et des particuliers relativement à des abus sexuels. Les personnes en cause avaient aussi été poursuivies au pénal. On avait alors tenu compte des besoins des victimes, et des conseillers étaient chargés de les aider à composer avec le fait de se retrouver dans la même pièce que la personne qui avait abusé d'elles pendant leur enfance et dont les actes continuaient à les hanter dans leur quotidien, même s'ils avaient été commis de nombreuses années auparavant.
J'ai eu l'occasion de me familiariser avec le trouble de stress post-traumatique, qu'on désigne parfois par le sigle TSPT. Le plus souvent, nous en entendons parler lorsqu'il est question des soldats qui reviennent de mission en Afghanistan, dans le cas de personnes qui ont subi un traumatisme de cette nature. Nous savons maintenant à quel point ce trouble peut être invalidant pour les soldats. Lorsque j'ai commencé à en entendre parler, en 1989 environ, je ne dirais pas que c'était quelque chose de méconnu, mais nous en avions beaucoup à apprendre à ce sujet. Dans les cas dont je parlais, les enfants victimes d'abus sexuels souffraient tous de trouble de stress post-traumatique. J'ai énormément appris au sujet du TSPT.
Ces personnes, les victimes d'un crime, devaient témoigner au procès de leur agresseur. Elles ont été traitées avec respect et dignité parce que le système avait reconnu leurs besoins et offert les services de conseillers. Le système avait évolué pour devenir à l'écoute des victimes.
En plus, une fois la condamnation obtenue, au moment de déterminer la peine, ces victimes avaient la possibilité de présenter une déclaration sur les répercussions du crime sur elles. Dans les poursuites au civil, nous notions tous les effets découlant du trouble de stress post-traumatique, le besoin de réadaptation et l'effet du crime sur la vie des victimes. Ces personnes souffrent encore aujourd'hui d'un trouble de stress post-traumatique qui remonte à l'époque où elles étaient de jeunes garçons de 8, 9, 10 ou 12 ans victimes d'agression sexuelle.
Les victimes occupent une place extrêmement importante dans notre système de justice pénale. Il y a eu des progrès considérables à cet égard. De ce côté-ci de la Chambre, nous le savons très bien. Nous nous préoccupons beaucoup des victimes. Je tiens à ce que la Chambre ne l'oublie jamais. Je ne veux pas que les députés d'en face demandent: « Qu'en est-il des victimes? », en donnant à entendre que leur sort nous laisse froids. L'autre côté de la Chambre nous sert régulièrement ce genre de propos. Ils disent lutter pour les droits des victimes alors que nous luttons pour les droits des criminels. C'est insensé.
Nous luttons pour la justice. Je reconnais que c'est aussi ce que fait l'autre côté, mais il le fait d'une étrange manière. Les conservateurs s'y prennent parfois d'une manière odieuse. Toutefois, leur façon de voir la justice est aberrante à bien des égards, car elle ne prend pas en compte certains faits dont je parle aujourd'hui.
Ce que nous voulons vraiment, c'est un système judiciaire juste et raisonnable, qui permettra aussi de protéger la société de la meilleure façon qui soit. Nous voulons réduire le nombre de crimes, de criminels et de victimes. Pour y parvenir, on peut s'y prendre de différentes façons. Nous croyons qu'il a été prouvé que notre façon de faire est la meilleure.
Lorsque des experts reconnus internationalement, qui ont étudié dans des universités de renom partout dans le monde, sont venus témoigner au comité nous avons constaté quelque chose de très étrange. L'un des membres du comité, un député ministériel, avait pris l'habitude de ne pas tenir compte de leurs nombreuses compétences et de leur demander plutôt s'ils avaient déjà été victimes d'un crime. Ces criminologues de renommée mondiale étaient perplexes et se demandaient quel était le but de cette question. Or, il semble que si ces personnes n'avaient pas été victimes d'un crime, le député n'était pas disposé à écouter ce qu'elles avaient à dire, car leur opinion ne valait rien. Le député se moquait bien que ces personnes aient étudié à Harvard ou à Stanford; ce qui lui importait, c'était de savoir si elles avaient été victimes d'un crime. Bien franchement, j'ai trouvé que c'était pour le moins renversant. Ces personnes ont dit qu'elles avaient toutes été victimes d'un crime quelconque au fil des ans et ont demandé ce que cela avait à voir avec leur témoignage.
Une des personnes ayant fréquenté ces universités était un expert en criminologie reconnu internationalement. Il pouvait appuyer ses opinions sur des faits. Ces chercheurs, qui publient des articles, ces spécialistes ne se contentent pas d'exprimer leur opinion. Ils travaillent dans le domaine. Ils étudient les statistiques au fil des ans et les répercussions de l'incarcération, ils évaluent si l'incarcération fonctionne ou non et dans quels cas. Ils peuvent dresser pour nous l'historique de la lutte contre la drogue aux États-Unis et nous présenter les répercussions que le taux d'incarcération a eu sur la criminalité et les coûts, entre autres. Ces gens ont communiqué leurs connaissances à un comité de la Chambre afin qu'elles servent de base à une mesure législative, afin que nous prenions des initiatives qui fonctionnent, au lieu de simplement répondre aux besoins idéologiques d'un député ou du gouvernement.
Nous ne sommes pas censés adapter les dispositions en droit criminel en fonction des positions politiques ou idéologiques d'un parti qui veut répondre aux attentes d'une partie de son électorat. Ce n'est pas ce à quoi les lois servent. Nous nous opposons aux mesures simplistes. Il faut débattre des mesures qui rendront nos rues plus sûres. On ne peut pas se contenter d'affirmer que, pour lutter contre la criminalité, il faut rendre les peines d'emprisonnement plus sévères et instaurer des peines minimales obligatoires. Voilà, à notre avis, le véritable objectif politique de ce parti: pouvoir dire au public et à ses électeurs qu'il respecte ses promesses et lutte contre la criminalité, même si, pour ce faire, il doit faire fi de l'expérience, des faits et de l'avis des experts, comme ceux du gouvernement du Québec en matière de justice pénale pour les adolescents.
Nous avons aussi parlé des coûts ainsi que des modifications qui sont envisagées. Non seulement les rues ne seront pas plus sécuritaires, mais la loi entraînera des dépenses exorbitantes. Les journalistes nous demandent combien cela va coûter. Je dois avouer que je n'en ai pas la moindre idée. Des chiffres ont été avancés. Un certain nombre de provinces ont dit que l'adoption du projet de loi entraînerait des dépenses à hauteur d'un milliard de dollars, d'autres ont plutôt parlé de centaines de millions.
Le gouvernement est aussi dans le noir, parce qu'il n'a jamais vraiment essayé de savoir combien il en coûterait.
Le directeur parlementaire du budget a présenté un rapport la semaine dernière concernant une toute petite section d'une partie du projet de loi, soit les peines d'emprisonnement avec sursis. La partie 2 du projet de loi prévoit l'élimination des peines d'emprisonnement avec sursis pour les infractions passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans ou plus et pour d'autres infractions poursuivies par mise en accusation passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de 10 ans.
Les peines d'emprisonnement avec sursis ne visent pas à remettre en liberté des délinquants. Les tribunaux peuvent décider qu'une personne sera incarcérée, mais qu'au lieu de purger sa peine dans un établissement pénitencier, elle sera plutôt prise en charge par les services correctionnels.
Le directeur parlementaire du budget n'a étudié que cette disposition. Le gouvernement a déclaré que ces changements ne coûteraient rien au gouvernement fédéral. Les provinces ne le savaient pas. Le directeur parlementaire du budget a procédé à une analyse avec l'appui de spécialistes chevronnés et bien informés. Alors qu'il était porte-parole en matière de justice, mon collègue, le leader de l'opposition à la Chambre, a demandé au directeur parlementaire du budget d'estimer combien coûteraient les peines minimales obligatoires prévues par le projet de loi, et l'élimination des peines d'emprisonnement avec sursis prévue à la partie 2.
Le directeur parlementaire du budget n'avait pas les ressources nécessaires pour faire une analyse complète des peines minimales obligatoires, puisqu'il n'a pas assez de personnel et qu'aucune source de renseignements ne semble exister. Par contre, au chapitre des peines d'emprisonnement avec sursis, son personnel a obtenu des données de Statistique Canada, des provinces et de la Commission nationale des libérations conditionnelles. D'après ses conclusions, cette partie de la loi coûterait 8 millions de dollars par année au gouvernement fédéral et 137 millions de dollars de plus aux gouvernements provinciaux.
Il a produit un tableau précisant le coût par province. Quand un gouvernement estime le coût d'une mesure législative comme celle-là, il se fonde généralement sur une période de cinq ans. Cette disposition de la loi coûterait à elle seule 750 millions de dollars au total.
À la séance d'information, nous avons demandé pourquoi on n'avait pas évalué le coût de mise en oeuvre de toutes les dispositions de la loi. Les membres du personnel ont répondu qu'ils n'avaient pas les ressources requises, mais qu'ils avaient tenté de trouver l'information. Ils ont demandé à Statistique Canada quel était le nombre de peines d'emprisonnement avec sursis et quels étaient les crimes qui y étaient associés. Ils ont été surpris de constater qu'ils étaient les premiers à s'aventurer sur ce terrain. Personne d'autre n'avait posé ces questions avant eux. Le gouvernement ne les a jamais posées.
Puisque le directeur parlementaire du budget ne travaille pas dans le vide, il a commencé par demander aux ministères concernés de lui transmettre leur analyse des coûts liés à la mise en oeuvre de ce projet de loi. Or, il n'a rien reçu. Son personnel a lui-même cherché l'information, car cela n'avait jamais été fait. Personne n'avait jamais demandé ces renseignements. Statistique Canada a donc créé une méthodologie pour les obtenir à partir de ses bases de données et a sorti l'information.
Il est intéressant de savoir s'il y aurait plus ou moins de personnes condamnées. Le directeur parlementaire du budget a découvert qu'en supprimant les peines d'emprisonnement avec sursis, moins de personnes seraient reconnues coupables de crimes. Pourquoi? Parce qu'avec les peines minimales obligatoires, une personne qui, d'ordinaire, plaiderait coupable après avoir négocié un plaidoyer ou conclu une entente avec la Couronne — laquelle se traduirait par une peine d'emprisonnement avec sursis — purgerait une peine plus longue. Les statistiques montrent que la durée moyenne d'emprisonnement d'une personne reconnue coupable d'un crime est de 248 jours, alors que les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement avec sursis purgent en moyenne une peine de 350 jours.
Par conséquent, ces dernières étaient plus longtemps sous surveillance correctionnelle. Autrement, elles purgeaient une peine plus courte et se retrouvaient dans la collectivité sans supervision. Environ 15 p. 100 de moins de personnes seraient condamnées. Par conséquent, moins de personnes seraient condamnées, en plus d'être moins longtemps sous surveillance correctionnelle. La seule conclusion possible, c'est que ce système ne fonctionnait vraiment pas. Bien sûr, les délinquants seraient emprisonnés, mais le coût serait 16 fois supérieur. Donc, nous paierions 16 fois plus et moins de personnes seraient condamnées, mais celles qui seraient condamnées seraient incarcérées et sous surveillance correctionnelle moins longtemps.