EXAMEN DE L’INDUSTRIE CANADIENNE DU
LONG MÉTRAGE PAR LE COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE
CANADIEN
OPINION
COMPLÉMENTAIRE LIBÉRAL
Stéphane Dion
Porte-parole libéral pour le Patrimoine
canadien
5 juin 2015
Au nom du Caucus libéral, j’appuie le rapport
du Comité et souhaite que le gouvernement y donne suite. Bien qu’il soit loin
de couvrir adéquatement tous les enjeux, ce rapport, s’il était mis en œuvre, contribuerait
à l’amélioration des conditions de production, de promotion et de diffusion des
longs métrages canadiens dans les marchés francophones et anglophones,
canadiens et internationaux.
Je tiens d’entrée de jeu à remercier tous
ceux et toutes celles qui ont pris le temps de partager leurs points de vue
avec le Comité, soit en y comparaissant soit en lui faisant parvenir un
mémoire. Je remercie aussi le personnel du Parlement pour son appui remarquable
et tiens à souligner la cordialité qui a prévalu entre les membres du Comité.
Le rapport du comité laisse de côté plusieurs
aspects cruciaux de l’industrie du long métrage canadien. Le Comité faillit ainsi
en partie à son mandat, qui était de faire le bilan du chemin parcouru depuis son
rapport de 2005, « Scénario, grand écran et auditoire : une nouvelle
politique du film pour le XXIème siècle » et de « formuler
des recommandations au gouvernement sur l’aide accordée à l’industrie
cinématographique canadienne ».
Compte tenu des témoignages entendus, le
Caucus libéral considère qu’il est nécessaire d’ajouter quatre recommandations
au Rapport afin de répondre aux besoins suivants:
- Il
faut reconnaître le rôle crucial de Téléfilm Canada dans toute politique du
film canadien pour le XXIème siècle;
- Il
faut étudier la possibilité de devancer le paiement des crédits d’impôts afin de
faciliter les montages financiers et d’améliorer la qualité des films produits
avec l’aide gouvernementale;
- Il
faut explorer les façons de favoriser la promotion du cinéma canadien;
- Compte
tenu des changements importants dans la façon dont on « consomme »
aujourd’hui les longs métrages, il est impératif que nous ayons des données
fiables sur la distribution faite par les services de contournement.
1. Restaurer
le budget de Téléfilm Canada à son niveau de 2011-2012
Comme le mentionne le Rapport du comité, « la
très grande majorité des témoins ont reconnu d’emblée le rôle clé joué par
Téléfilm Canada dans le développement, la production et la commercialisation
des longs métrages au Canada. (…) Plusieurs ont tenu à rappeler que Téléfilm Canada
avait procédé à une diminution de 10% de son budget échelonné sur trois ans en
2011-2012. » (para. 46)
Entre autres témoins, Mme Marie Collin,
Présidente de l’AQPM, a salué le travail réalisé par les dirigeants de Téléfilm
Canada qui, malgré les compressions imposées par le gouvernement, « ont
tenté de toucher le moins possible au cœur de leur fonctionnement ».
Plusieurs témoins, issus des milieux de la
distribution, de la production et des bailleurs de fonds, ont insisté
sur l’importance de réinvestir dans le budget de Téléfilm Canada, en raison de
son rôle essentiel dans la production et la diffusion de contenu canadien.
La première recommandation du Caucus libéral reflète
le point de vue des témoins entendus sur le rôle crucial que joue Téléfilm Canada
dans l’écologie générale du long métrage canadien :
Il
est recommandé que le gouvernement réinvestisse dans Téléfilm Canada.
2. Devancer le versement des crédits
d’impôts
Outre le rôle central des subventions
accordées à la production de longs métrages par Téléfilm Canada, grand nombre
de témoins ont identifié les crédits d’impôt fédéraux comme l’autre instrument
prioritaire à la disposition du gouvernement pour encourager la production de
films canadiens et de films étrangers tournés au Canada, laquelle contribue à
la santé du secteur, à la compétence de nos artisans et au maintien de milliers
d’emplois.
Le rapport du comité couvre une des
préoccupations principales soulevées par plusieurs des témoins entendus, soit
la dilution des crédits d’impôt en fonction des crédits d’impôt provinciaux (Recommandation
2), mais il ignore totalement un autre aspect de la question soulevé par ces
mêmes témoins, à savoir la date du versement des crédits. Ces crédits ne sont
versés qu’après que l'Agence du revenu du Canada ait reçu et examiné la
déclaration des revenus. Ces délais diminuent la valeur de ces crédits car tant
qu’ils ne sont pas versés, les producteurs doivent emprunter auprès
d’institutions
financières pour financer leur film. Les intérêts à verser sur les sommes
avancées font en sorte que moins d’argent peut aller à la production, ce qui
peut affecter la qualité des films produits.
C’est la raison pour laquelle certains témoins ont recommandé
qu’une partie du paiement soit versé au départ, tandis que le reste ne serait
versé qu’après la reddition de compte finale. Le Caucus libéral est sensible
aux représentations faites à ce chapitre et fait donc la recommandation
suivante :
Il
est recommandé que le ministère du Patrimoine canadien, en partenariat avec le
ministère des Finances, examine la possibilité de devancer le versement de 75%
ou de 85% des crédits d’impôt destinés à appuyer la production de longs métrages
canadiens.
3. Promotion et marketing
De nombreux témoins ont
souligné que l’un des principaux obstacles au succès des films canadiens est le
manque de ressources consacrées à la promotion et au marketing. Ils ont demandé
un appui du gouvernement fédéral dans ce domaine, pour la commercialisation
domestique et internationale sur les plateformes diversifiées, y compris les
plateformes numériques. On a fait valoir que les productions américaines
disposent souvent de budgets de marketing supérieurs aux budgets de production
de films canadiens. En effet, comment les Canadiens peuvent-ils avoir accès aux
films dont le gouvernement appuie la production et dont la qualité est internationalement
reconnue s’ils n’en ont jamais entendu parler?
Il est opportun de noter que ce thème avait
déjà été abordé lors de l’étude du Comité du patrimoine en 2005 et fait l’objet
d’une recommandation spécifique. Dix ans plus tard, et sans aucune action de la
part du gouvernement, le problème est exacerbé par les changements de modes de
consommation du public causés par les changements technologiques.
Plusieurs solutions ont été mises de l’avant.
Certains témoins ont invité Téléfilm Canada à inclure dans ses critères de
sélection la nécessité d’avoir une allocation suffisante pour la promotion et
le marketing. Plusieurs intervenants ont insisté sur le rôle important des
télédiffuseurs à ce chapitre, et tout particulièrement celui du diffuseur
public national, compte tenu du fait que les films canadiens jouissent en
général d’un accès très limité aux salles de cinéma.
Au-delà de la cinquième recommandation
générale incluse dans le Rapport du comité concernant l’appui que le
gouvernement doit donner à la mise en marché des films canadiens dont il finance
en partie la création, une suggestion a particulièrement retenu notre attention
: étendre le régime de crédits d’impôt aux dépenses de marketing. Cette mesure,
si elle était adoptée, devrait être applicable à des initiatives novatrices
visant à promouvoir les films canadiens et à engager les auditoires. Par
conséquent,
Il est recommandé que le ministère du Patrimoine
canadien et le ministère des Finances étudient la faisabilité de rendre
certaines activités de commercialisation des longs métrages canadiens
admissibles au Crédit d’impôt pour production cinématographique ou
magnétoscopique canadienne.
4. Accès à
des données d’auditoire fiables
Pour pouvoir établir des politiques et des
programmes pertinents aux objectifs culturels et aux enjeux du jour, il faut
disposer de données d’auditoire fiables et à jour. Presque tous les témoins
entendus et les mémoires soumis ont fait valoir que c'est d’autant plus
important actuellement que les nouvelles technologies ont complètement
bouleversé la façon dont le public entend parler des productions
cinématographiques et consomme ces dernières.
Il est essentiel de disposer de données solides
sur les nouvelles habitudes des consommateurs face aux nouvelles plateformes de
distribution. Comme le disait le représentant même de Patrimoine canadien au
début des audiences, un des défis pour les organismes publics est d’obtenir « des
statistiques disponibles, fiables et abordables » sur la consommation
de films en ligne et les recettes générées sur ces plateformes. Selon Mme Carolle
Brabant de Téléfilm Canada, un accès aux données sur le visionnement de longs
métrages par l'entremise des services de contournement permettrait de «
savoir ce qu’on pourrait faire de plus pour rejoindre les Canadiens ».6 En conséquence :
Il est recommandé que le ministère du Patrimoine
canadien et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes (CRTC) rassemblent des données sur les services de contournement, notamment
sur les habitudes des consommateurs, la disponibilité des films canadiens, les
revenus générés et les dépenses associés à ces services.
Conclusion
Le Rapport du Comité permanent du
Patrimoine canadien sur l’industrie canadienne du long métrage est le résultat
d’une consultation qui, sans être aussi exhaustive que celle de 2005, a mis le
doigt sur plusieurs enjeux importants dans les marchés francophones et anglophones
et suscité une série de recommandations fort intéressantes de la part des
intervenants. Il doit donc être examiné avec attention par le gouvernement. Le
Caucus libéral y souscrit, mais propose d'ajouter quatre recommandations
essentielles :
- Reconnaître
le rôle crucial de Téléfilm Canada dans toute politique du film canadien pour
le XXIème siècle en réinvestissant dans sa capacité d’exercer son
mandat et d’atteindre ses objectifs;
- Envisager
le devancement des crédits d’impôts afin de faciliter les montages financiers;
- Explorer
toutes les façons d’améliorer la promotion et le marketing de nos films;
- Enfin,
obtenir des données fiables sur la consommation de longs métrages par
l'entremise des services de contournement.
S’il est mis en œuvre, le Rapport
ainsi amendé, favorisera la création, la promotion et la diffusion des longs
métrages canadiens et aidera l’industrie dans son ensemble à surmonter les
défis de l’ère du numérique. Ainsi, le gouvernement du Canada pourra plus
solidement épauler une industrie qui est importante non seulement pour notre
culture, mais aussi pour notre économie et notre rayonnement international
comme nation.
Nous exhortons donc le
gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre du
Rapport du Comité et de l’Opinion complémentaire du Caucus libéral.