CIMM Rapport du Comité
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PRÉAMBULELe 19 février 2015, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes (le Comité) a convenu : d’entreprendre une étude sur les façons de promouvoir l’intégration économique au moyen des services d’intégration afin de s’assurer que les immigrants et les réfugiés soient capables d’utiliser leurs compétences et leur expérience pour décrocher un emploi et atteindre leur plein potentiel, et afin d’évaluer les activités d’intégration offertes au Canada et à l’extérieur, ainsi que les services de recherche d’emploi[1]. Dans le cadre de son étude, le Comité a entendu 13 témoins et reçu plusieurs mémoires. PROMOUVOIR L’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE AU MOYEN DES SERVICES D’INTÉGRATIONINTRODUCTIONLes immigrants peuvent aider grandement le Canada à relever les défis observés dans le marché du travail. Pourtant, les données sur le sujet montrent que le chômage et le sous-emploi continuent d’affliger les immigrants, et ce, même si une grande partie des nouveaux arrivants au Canada sont très scolarisés. Le phénomène des immigrants diplômés en médecine qui se retrouvent à conduire un taxi est tellement connu qu’il a fait l’objet d’un film[2] et d’un rapport de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC)[3]. Le gouvernement fédéral dispose de différents moyens politiques dont l’efficacité sur la situation économique des immigrants a été démontrée. Parmi ceux-ci, notons les critères de sélection des immigrants et des réfugiés, le nombre d’immigrants reçus chaque année, la proportion d’immigrants reçus dans les différentes catégories (regroupement familial, raisons humanitaires et immigration économique), et les services fournis dans le but exprès de faciliter l’intégration dans la société canadienne. Quelques‑unes de ces politiques ont été mise en œuvre récemment. C’est le cas, par exemple, des critères de sélection des demandeurs du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), qu’on a modifiés en 2012 afin de mettre l’accent sur les caractéristiques associées au succès économique, comme la jeunesse et la maîtrise des langues officielles. Mentionnons aussi le système Entrée express, entré en vigueur en janvier 2015, qui permet de noter et de classer les candidats à l’immigration économique en fonction de critères qu’on sait propices au succès économique, et qui accorde beaucoup de poids aux offres d’emploi et au soutien des provinces. Le gouvernement a aussi rajusté les proportions d’immigrants des différentes catégories, de manière à ce que l’immigration économique regroupe 60 % des nouveaux arrivants. Bon nombre de ces politiques concernent les critères d’entrée au Canada. L’étude du Comité est cependant axée sur l’intégration économique au moyen des services d’établissement, qui sont des services financés par le gouvernement fédéral et qui aident les nouveaux arrivants à s’intégrer dans la société canadienne. Comme l’indique le mandat de l’étude, l’intégration économique est réussie lorsque « les immigrants et les réfugiés sont capables d’utiliser leurs compétences et leur expérience pour décrocher un emploi et atteindre leur plein potentiel ». Outre les organismes qui reçoivent des fonds pour fournir des programmes d’intégration, certains acteurs jouent un rôle important dans l’amélioration de la situation économique des immigrants au Canada. Par exemple, les conseils d’emploi d’immigrants aident les employeurs à attirer et à maintenir en poste des immigrants qualifiés. Par ailleurs, certains organismes réglementaires simplifient leurs processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers et permettent même aux immigrants d’entamer le processus avant leur arrivée au Canada. Dans des localités de partout au Canada, des intervenants de toute une gamme de secteurs collaborent à concevoir et à mettre en œuvre un plan visant l’intégration réussie des immigrants. Comme l’a déclaré devant le Comité Audrey Andrews, de la municipalité régionale de Durham, « nous offrons tous des services d’établissement[4] ». Elle a également indiqué : D’après mon expérience, les immigrants sont plus susceptibles de s’intégrer et de réussir sur le plan économique lorsque les services d’établissement traditionnels financés par CIC et les autres services non financés, autrement dit, l’ensemble de la collectivité, travaillent en collaboration pour créer un environnement propice à la réussite des immigrants[5]. Comme on le constatera à la lecture du rapport, chaque intervenant a un rôle à jouer dans l’intégration économique réussie des immigrants. Le rapport indique d’abord « qui fait quoi » dans les services d’établissement facilitant l’intégration économique et décrit le Programme d’établissement de CIC ainsi que d’autres programmes connexes. La section suivante met en lumière quatre approches prometteuses en matière de services d’établissement, et qui pourraient, selon le Comité, faciliter l’intégration économique des immigrants. On y décrit chacune des approches, comment elles contribuent de façon positive à l’intégration économique des immigrants, et quelles mesures le Comité recommande. La troisième section résume les lacunes que les témoins ont constatées dans le modèle de services d’établissement. En conclusion, le Comité affirme que « nous offrons tous des services d’établissement » et il avance quelques principes directeurs susceptibles d’aider le gouvernement du Canada à contribuer à la réussite économique des immigrants au moyen des services d’établissement. QUI FAIT QUOI DANS LE DOMAINE DES SERVICES D’ÉTABLISSEMENT RELATIFS À L’INTÉGRATION ÉCONOMIQUECIC finance le Programme d’établissement, qui est mis en œuvre principalement par environ 700 fournisseurs de services (hors Québec)[6]. Comme l’a expliqué CIC, le Programme d’établissement vise à aider les immigrants [les résidents permanents] et les réfugiés à surmonter les obstacles qui caractérisent l’expérience des nouveaux arrivants (comme une maîtrise insuffisante des langues officielles et une connaissance limitée du Canada) afin que ceux‑ci puissent participer à la vie sociale, culturelle, civique et économique au Canada. Le programme met l’accent sur quatre éléments : information et orientation; formation linguistique et développement des compétences; accès au marché du travail; collectivités accueillantes[7]. Le Programme d’établissement de CIC finance aussi des « services de soutien » qui facilitent la participation aux autres services. Parmi les activités admissibles au titre des services de soutien, mentionnons les services de garde d’enfants fournis aux participants au programme, de même que l’aide pour le transport. Pour devenir fournisseurs de services du Programme d’établissement, les organismes doivent présenter une soumission à la suite d’une demande de propositions; ils peuvent offrir leurs services dans les quatre secteurs du programme ou dans un seul. En 2014, CIC a accordé 572 212 198 $ en paiements de transfert dans le cadre du Programme d’établissement[8]. CIC maintient aussi un site Web qui présente des pratiques exemplaires en matière de services d'établissement, lesquelles sont choisies par un groupe national d’experts provenant d’organismes d’aide à l’intégration et du gouvernement. Debbie Douglas, de l’Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, a expliqué que dans le domaine de l’intégration économique, les organismes ontariens d’aide à l’établissement « appuient leurs clients à divers égards, notamment pour ce qui est de la reconnaissance des titres de compétences, la formation linguistique professionnelle, la transition, l’apprentissage, la recherche d'emploi, la création d’emplois et l’engagement de l’employeur, le mentorat, les stages, l’entrepreneuriat, le réseautage professionnel et le soutien continu pour le maintien en emploi et le perfectionnement professionnel[9] ». Elle a également dit que la « plupart des services liés à l’intégration économique sont financés par le gouvernement provincial et d’autres sources de financement, en plus de bénéficier de l’appui de centaines de bénévoles ». CIC verse aussi des fonds pour la prestation de services d’orientation avant l’arrivée, lesquels sont fournis par des tiers à l’étranger, y compris l’Organisation internationale pour les migrations, Collèges et instituts Canada (CICan) (dont l’ancien nom est l’Association des collèges communautaires du Canada) et S.U.C.C.E.S.S. Comme l’illustre le tableau 1, ces programmes diffèrent selon les pays où ils sont offerts et la clientèle admissible. Le programme Orientation canadienne à l’étranger était au départ un programme d’orientation destiné aux réfugiés qui se réétablissaient au Canada, tandis que le Programme canadien d’intégration des immigrants s’adressait au début aux immigrants de la catégorie économique — comme ceux qui participent au Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) — et visait donc surtout l’intégration économique. Tableau 1 : Programmes de
services avant l’arrivée
Source : Citoyenneté et Immigration Canada, Évaluation des initiatives d’orientation à l’étranger, juillet 2012, p. 2‑4. Afin de combler les lacunes dans les services, CIC a lancé, pour l’exercice 2015‑2016, une demande de propositions de services avant l’arrivée ciblant les immigrants des catégories de l’immigration économique et du regroupement familial, de même que les réfugiés. Cette mesure est « une première étape pour faire en sorte qu’un plus grand nombre de nouveaux arrivants aient accès à de tels services, en personne ou en ligne — dans la mesure du possible — quel que soit l’endroit d’où ils proviennent dans le monde[10] ». Le 13 avril 2015, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Chris Alexander, a annoncé que 24 millions de dollars seraient consacrés au développement des services avant l’arrivée[11]. Dans le cadre du volet des « collectivités accueillantes » du Programme d’établissement, CIC soutient financièrement les Partenariats locaux en matière d’immigration (PLI), qui sont des initiatives de collaboration réunissant un large éventail d’intervenants en vue de l’élaboration d’une stratégie d’intégration locale conçue pour faciliter l’intégration des immigrants et améliorer la situation des nouveaux arrivants. Les PLI ont été créés en Ontario dans le cadre de l’Accord Canada‑Ontario sur l’immigration. Un modèle semblable, appelé « Collectivités accueillantes » a été élaboré en Colombie-Britannique à l’époque où la province était responsable des services d’établissement sur son territoire. On dénombre aujourd’hui plus de 30 PLI en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse[12]. Les PLI ne fournissent pas de services d’établissement. Leur mandat principal consiste plutôt à préparer les collectivités, les institutions et les organisations à l’arrivée des nouveaux arrivants en amenant les intervenants à travailler ensemble pour rendre les collectivités plus accueillantes pour les immigrants. Même s’ils diffèrent l’un de l’autre, les PLI visent tous l’intégration en milieu de travail et mettent particulièrement l’accent sur les programmes de recrutement et d’intégration, la reconnaissance des titres de compétences étrangers et le changement de la culture organisationnelle[13]. Les conseils d’emploi d’immigrants sont d’autres initiatives de collaboration qui reçoivent du financement du Programme ’ d’établissement. Ces conseils sont des groupes locaux à intervenants multiples qui s’affairent à résoudre les problèmes d’intégration économique que vivent les immigrants qualifiés. On en trouve officiellement dans 12 villes ou régions du Canada[14]. Chaque conseil est unique et sert une région aux réalités qui lui sont propres, mais certaines activités se ressemblent d’un conseil à l’autre. Les conseils travaillent surtout à donner les outils nécessaires aux employeurs et aux immigrants; pour ce faire, ils offrent du mentorat, orientent les immigrants qualifiés vers des possibilités d’emploi et aident les entreprises à recruter et à maintenir en poste des immigrants qualifiés. La reconnaissance des titres de compétences étrangers est un domaine connexe dans lequel le gouvernement fédéral maintient des programmes et accorde du financement. Il s’agit d’un processus consistant à « assurer que les connaissances, les compétences et l’expérience de travail acquises à l’étranger, de même que les études menées à l’étranger, sont comparables aux normes établies pour les professionnels et gens de métier du Canada[15] ». Le gouvernement fédéral, avec la collaboration des provinces, a mis sur pied le Cadre pancanadien d’évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger, une initiative fédérale‑provinciale servant à reconnaître en temps opportun les titres de compétences dans des professions ciblées. Emploi et Développement social Canada (EDSC) est le ministère responsable du Cadre pancanadien au niveau fédéral. EDSC administre aussi le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers, qui accorde du financement aux provinces, aux territoires et à d’autres intervenants — tels que des associations nationales et des organismes de réglementation — pour des projets destinés à améliorer le processus de reconnaissance des titres de compétences des personnes formées à l’étranger. CIC joue un rôle important à cet égard en informant les candidats à l’immigration au sujet de la reconnaissance des titres de compétences par le biais des services préalables à l’arrivée et du Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers. Enfin, CIC administre le Programme d'aide à la réinstallation (PAR), qui offre une assistance aux réfugiés qui ont été réétablis. Le PAR fournit du soutien financier aux réfugiés admissibles et des services d’orientation initiale adaptés aux membres de ce groupe, qui ont souvent recours, par la suite, aux services du Programme d’établissement. APPROCHES PROMETTEUSES EN MATIÈRE D’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE DES IMMIGRANTSAu cours de son étude, le Comité a pu dégager quatre approches prometteuses en prestation de services appuyant l’intégration économique des immigrants : commencer tôt (avant l’arrivée des immigrants au Canada), s’attaquer aux obstacles à l’emploi, engager les employeurs et soutenir les initiatives de collaboration déjà établies et celles mises en œuvre dans les nouveaux centres d’établissement. A. Commencer tôtLes témoins ont souligné qu’il est important de prendre contact avec les immigrants dans leur pays d’origine; ainsi, il est plus facile de les amener à avoir des attentes réalistes et à prendre des décisions éclairées sur l’immigration et les perspectives d’emploi au Canada. Les immigrants eux-mêmes ont d’ailleurs dit à l’occasion d’enquêtes qu’ils auraient aimé recevoir plus d’information sur l’établissement avant leur arrivée au Canada[16]. Plusieurs témoins ont fait l’éloge du Programme canadien d’intégration des immigrants (PCII). Ce programme, offert par Collèges et instituts Canada, consiste en une séance d’orientation en groupe et de rencontres individuelles qui permettent aux candidats à l’immigration de se donner un plan d’action individualisé, y compris des mesures relatives à l’emploi et à l’établissement à prendre avant et après l’arrivée au Canada. Le PCII aiguille également les candidats à l’immigration vers des conseillers au Canada (comme des collèges ou des organisations de services aux immigrants) et leur donne l’occasion de prendre part à des webinaires et des ateliers en ligne. La situation économique des participants au PCII est généralement bonne; trois mois après leur arrivée au Canada, 47 % de ceux qui terminent le programme avaient trouvé un emploi, et 63 % d’entre eux travaillaient dans leur domaine[17]. Margaret Eaton, du Toronto Region Immigrant Employment Council (TRIEC), a aussi souligné l’efficacité du PCII pour aider les candidats à l’immigration à mieux choisir leur lieu d’établissement au Canada : L’une des grandes réussites de l’excellent programme administré par mes collègues, le PCII, est de pouvoir diriger les gens vers la bonne ville. Les gens croient souvent à tort qu’ils pourront exercer la médecine à Toronto. Dans le cadre de ce programme, on essaie d’expliquer aux gens qu’il pourrait être plus facile pour eux de décrocher un poste à l’Île-du-Prince-Édouard. C’est une question très importante[18]. Les témoins ont convenu qu’il est nécessaire de fournir plus d’information au plus grand nombre possible d’immigrants avant leur arrivée au Canada. Un témoin est allé jusqu’à dire qu’il faudrait se concentrer « sur la restructuration de l’aide à l’établissement, de façon à offrir plus de services avant l’arrivée et moins de services après[19] ». Les témoins ont souligné qu’il fallait renseigner les immigrants avant leur arrivée sur le marché du travail, le processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers et la façon de pouvoir profiter des services d’établissement au Canada. S’il faut informer les immigrants sur le marché du travail canadien, c’est d’abord et avant tout pour les aider à juger du bien-fondé de déménager au Canada. Les témoins ont aussi indiqué que l’information sur les possibilités d’emploi offertes partout au Canada dans un domaine donné permettrait aux immigrants de déterminer le lieu où ils auraient les meilleures chances de trouver du travail. John Shields, professeur à l’Université Ryerson, a décrit précisément le type d’information sur le marché du travail qui serait utile pour les candidats à l’immigration : « Il faut connaître le nombre d’emplois disponibles dans un secteur précis à l’intérieur d’une région définie, le profil de population pour ces emplois, où les écarts possibles peuvent survenir, et les groupes d’âges. Idéalement, il faudrait des renseignements détaillés à cet égard[20]. » Des témoins ont aussi fait valoir qu’il était nécessaire d’informer davantage les candidats à l’immigration sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers; cela permettrait aux immigrants de mieux se préparer et même d’entamer le processus de reconnaissance dans leur pays d’origine[21]. Selon ces témoins, en effectuant des préévaluations ou des préqualifications dans le pays d’origine, on permet aux immigrants d’obtenir leur accréditation plus rapidement[22]. Des témoins ont exprimé l’avis que le gouvernement pourrait aller encore plus loin en ce sens en mandatant d’autres corps professionnels de faire les attestations d’équivalence requises par le système Entrée express[23]. Entrée express est le nouveau processus de traitement applicable à toutes les demandes présentées au titre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), du Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) et de la catégorie de l’expérience canadienne, de même que d’une partie des demandes des candidats des provinces. Les candidats qui font appel à Entrée express doivent présenter une attestation (faite par un organisme désigné) indiquant que leur diplôme, certificat ou titre de scolarité étranger est équivalent à un titre de scolarité canadien. Kim Allen, d’Ingénieurs Canada, a fait savoir que son organisme essayait d’obtenir cette désignation de manière à pouvoir traiter les dossiers des candidats à l’immigration ayant un diplôme d’ingénierie. Selon lui, de nombreux immigrants ingénieurs ne profitent pas de l’information et des possibilités qui existent actuellement concernant la reconnaissance des titres de scolarité[24]. Enfin, des témoins ont jugé qu’il était important que les immigrants soient en liaison avec des organismes d’établissement basés au Canada avant le départ de leur pays d’origine afin de savoir où obtenir du soutien à leur arrivée au Canada. Certains ont mentionné le besoin de fournir un soutien continu du pays d’origine au lieu d’établissement au Canada[25]. Les recherches de la professeure Victoria Esses ont révélé que les immigrants au Canada ne savaient pas exactement vers qui se tourner pour obtenir de l’aide ou de l’information à propos des services d’établissement[26]. Mme Esses a recommandé, à cet égard, la création d’un répertoire central des services d’établissement offerts dans différentes régions. Le répertoire pourrait être consulté dans divers formats, notamment en ligne. Le Comité se réjouit que les services fournis avant l’arrivée contribuent à améliorer la situation économique des immigrants et que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour favoriser l’accès à ces services à l’étranger. Pour que le gouvernement s’assure que son investissement récent profite le plus possible à la situation économique de la plupart des immigrants, le Comité formule les recommandations suivantes : Recommandation 1 Le Comité recommande que, dans le cadre des mesures prises visant à améliorer les données sur le marché du travail, le gouvernement du Canada veille à ce que de l’information détaillée sur le marché du travail soit accessible en ligne aux candidats à l’immigration et aux candidats qui reçoivent des services avant l’arrivée. Recommandation 2 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada surveille et évalue de façon continue des services préalables à l’arrivée qui existent déjà et des nouvelles initiatives afin de mesurer les résultats obtenus et de cerner les pratiques exemplaires. Recommandation 3 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine les services fournis avant l’arrivée aux candidats à l’immigration afin de s’assurer qu’ils profitent au plus grand nombre possible d’immigrants. B. S’attaquer aux obstacles à l’emploiTant dans la documentation étudiée que dans les témoignages entendus, le Comité a pu prendre connaissance d’obstacles à l’emploi des immigrants. Parmi ceux-ci, notons le manque d’accès aux services de garde d’enfant, les troubles de santé mentale, le manque de savoir-faire dans le marché du travail canadien, un manque de contacts et la difficulté à faire reconnaître les titres de compétences étrangers. Chacun des obstacles en question est analysé ci-dessous. Services de garde d’enfantLa difficulté à trouver des services convenables de garde d’enfant a été mentionnée au Comité. Ce problème nuit particulièrement à l’intégration économique des immigrantes. Mme Douglas, par exemple, a souligné que, « peu importe la région où les femmes s’établissent au pays, les garderies demeurent extrêmement importantes pour leur participation au marché du travail[27] ». Des témoins ont aussi évoqué l’importance du programme de réunion des familles, grâce auquel les grands-parents peuvent venir au Canada pour garder les enfants à la maison[28]. Certains témoins ont fait remarquer qu’un accès suffisant aux services de garde d’enfant était aussi nécessaire pour permettre aux immigrants de recevoir les services d’établissement, comme les cours de langue. Ils ont indiqué que le financement de services de garde par CIC était essentiel à la participation des immigrantes aux services d’établissement et ont recommandé que, dans la mesure du possible, l’accès aux services de garde soit élargi pour que plus de femmes puissent en bénéficier[29]. Recommandation 4 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de fournir aux immigrantes des soutiens, y compris des services de garde d’enfant, afin de les aider à recevoir des services d’établissement. Santé mentaleDes témoins ont dit que, pour certains nouveaux arrivants, les troubles de santé mentale sont un obstacle à l’emploi. Sherman Chan, du Conseil canadien pour les réfugiés, par exemple, a insisté sur « l’importance des services de soutien psychosocial et de soutien contre la maladie mentale, particulièrement aux réfugiés et aux autres nouveaux arrivants qui se trouvent dans des situations vulnérables, par exemple les jeunes et les conjoints maltraités, puisque, si on ne s’attaque pas aux problèmes de santé mentale, on ralentit tous les aspects de l’intégration et de la prospérité[30] ». Comme un autre témoin a observé, des services de soutien différents tel que du counselling pour ceux qui ont vécu des traumatismes — pourraient être nécessaires pour se préparer à l’emploi[31]. Bien que les organismes d’aide à l’établissement financés par CIC offrent des services limités de counselling, leur rôle dans ce genre de situation consiste à aiguiller les clients vers d’autres ressources locales qui possèdent l’expertise voulue. Cette approche concertée avec les services communautaires permet au Programme d’établissement, financé par le gouvernement fédéral, de maximiser l’efficacité des services fournis aux immigrants en faisant la promotion d’une synergie avec les ressources en santé communautaire financées par les provinces. Manque de savoir-faire en milieu de travail au Canada et manque de contactsDes témoins ont signalé que
certains immigrants ont du mal à trouver ou à garder un emploi parce qu’ils
manquent de savoir-faire en milieu de travail au Canada[32]. M. Shields a expliqué que le
savoir-faire permettait la « compréhension des facteurs culturels du
fonctionnement du marché du travail au Canada ». Il s’est dit d’avis que
plus d’argent pourrait être investi dans les programmes de développement du
savoir-faire et Catrina Tapley, de CIC, a observé que le fait de créer des contacts avec d’autres membres de la communauté et de former des réseaux facilite l’établissement et l’intégration des immigrants : « La création d’un réseau professionnel, personnel et sociétal efficace est également essentielle à la réussite d’un immigrant et l’aide à surmonter l’isolement et la solitude qu’il pourrait ressentir en arrivant au Canada[34] ». Les organismes d’aide à l’établissement savent très bien comment intervenir auprès des immigrants pour qu’ils améliorent leurs compétences générales et forment des réseaux; pour ce faire, les organismes offrent des programmes de préparation à l’emploi, de mentorat et de formation de transition. Comme l’a fait valoir M. Shields : Les agences sans but
lucratif d’aide à l'établissement offrent de précieux services, notamment la
mise en relation. Elles mettent en relation les immigrants avec d'autres
membres de la société canadienne et, ce qui est de plus en plus important, avec
les employeurs. En un mot, elles bâtissent le capital social des immigrants. Il
est absolument indispensable de créer ces réseaux si on veut réussir dans le
marché moderne du travail. Cela est clairement démontré par les programmes
d’emploi pour les immigrants qui mettent l’accent sur le mentorat professionnel
et qui visent à combler les déficits Plusieurs témoins ont indiqué que les programmes de mentorat sont particulièrement efficaces pour les immigrants et qu’ils sont un bon exemple de partenariat entre les organismes d’aide à l’établissement, les conseils d’emploi d’immigrants et les employeurs eux‑mêmes. Les immigrants qualifiés qui participent à ce type de programme sont jumelés à un mentor qui est un professionnel établi dans son domaine. « Il n’y a que 80 % des emplois environ qui sont affichés, donc nous nous fions tous beaucoup à nos réseaux personnels pour trouver un nouvel emploi ou obtenir une promotion [...] L’un des plus grands atouts du mentorat, c'est qu’il permet à la personne de se construire un réseau professionnel, et c’est ce qui permet de trouver un emploi[36] », a soutenu Mme Eaton. Selon Kelly Pollack, de l’Immigrant Employment Council of British Columbia, 85 % des immigrants qui participent au programme de mentorat en Colombie-Britannique réussissent à trouver un emploi dans leur domaine[37]. Mme Eaton a souligné que, d’après son expérience, le mentor profite lui aussi de sa participation à ce genre de programme : 95 % des mentors qui prennent part au programme de Toronto disent être davantage portés à recevoir un immigrant qualifié en entrevue ou à en embaucher un à la suite de leur participation[38]. Ces résultats éclatants expliquent sans aucun doute pourquoi les témoins ont recommandé d’intégrer le mentorat « à toutes les initiatives liées à l’emploi » et d’y consacrer plus d’investissements[39]. Mme Eaton a aussi dit au Comité que son organisme participe déjà à deux projets qui améliorent grandement l’accès au mentorat[40]. Conjointement avec LEAP: The Centre for Social Impact, TRIEC développe son programme de mentorat de la grande région de Toronto pour faire passer le nombre de jumelages avec un mentor de 1 300 à 6 000 par année. TRIEC travaille également avec d’autres conseils d’emploi d’immigrants afin de créer un programme national de mentorat destiné aux immigrants qualifiés. Le Comité, impressionné par les témoignages concernant les bienfaits que tous les participants tirent des programmes de mentorat, encourage CIC et d’autres intervenants à continuer d’y investir et de les promouvoir. Recommandation 5 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage les organismes qui ont un programme de mentorat efficace à soumettre la promotion de leur programme à CIC pour leur site Web Pratiques exemplaires en matière de services d’établissement de manière à faire connaître leur programme. Reconnaissance des titres de compétences étrangersSur la question de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, des témoins ont dit que les programmes de formation de transition fonctionnaient bien[41]. Selon Collèges et instituts Canada, ces programmes aident les nouveaux arrivants à acquérir les compétences qui leur manquent et à « faire la transition » vers l’obtention de leur accréditation professionnelle et/ou d’un emploi. Dans son mémoire au Comité, l’organisme explique que les programmes de formation de transition doivent, idéalement, proposer de l’enseignement en classe et de l’expérience pratique, de même que des cours d’intégration culturelle et linguistique. Les collèges et les instituts canadiens qui les offrent devraient aussi leur donner un format souple[42]. Un autre témoin a toutefois exprimé l’avis que les programmes de ce genre tendent à être offerts de façon sporadique et à changer d’institution. Parfois, ils prennent fin en même temps que le financement du projet pilote, ce qui nuit à la communication de renseignements justes et complets sur les programmes en cours[43]. Ces témoins ont recommandé que le gouvernement du Canada accorde un financement stable aux programmes de formation de transition et qu’il crée un répertoire national des programmes existants[44]. Des témoins ont affirmé que, même si beaucoup avait été fait pour améliorer le processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers, le travail n’est pas terminé. À ce sujet, Mme Eaton a recommandé que le gouvernement incite un plus grand nombre de corps professionnels à se donner une norme nationale[45], Mme Douglas a mentionné le besoin d’augmenter le nombre de stages ou de résidences afin de réduire l’engorgement à cette étape du processus de reconnaissance[46], et Moy Wong-Tam, du Centre for Immigrant and Community Services, a recommandé que le gouvernement, conjointement avec quelques organismes de réglementation, examine la possibilité de conclure des accords sur la reconnaissance mutuelle des titres de compétences avec les principaux pays d’origine des immigrants[47]. C. L’ engagement des employeursDes témoins ont insisté sur l’importance d’engager les employeurs, car « au bout du compte, ils doivent être disposés à embaucher davantage d’immigrants pour des emplois intéressants[48] ». Le Comité s’est fait dire que, chez certains employeurs, le préjugé contre les candidats scolarisés à l’étranger ou les membres des minorités visibles est manifeste, mais que chez d’autres, les obstacles à l’embauche d’immigrants sont plus subtils. Mme Pollack a donné un exemple au Comité : de nombreuses petites et moyennes entreprises sont dépassées par l’idée d’embaucher des immigrants[49]. Selon elle, beaucoup d’employeurs ne sont pas conscients des obstacles à la bonne intégration des immigrants qualifiés au lieu de travail, comme ceux qui ont trait à la culture de l’organisation. Ils ne se rendent pas compte, non plus, qu’en conservant les méthodes traditionnelles de recrutement comme l’affichage des offres d’emploi sur des sites Web tels que Workopolis ne leur permettra pas nécessairement d’entrer en contact avec les nouveaux immigrants qualifiés. En outre, d’après certains témoins, il existe encore des employeurs qui ne voient pas l’avantage de diversifier leurs effectifs; ceux-là ne sont pas prêts à changer d’eux-mêmes leurs façons de faire. Bientôt, l’intégration du Guichet-Emplois au système de demande d’immigration Entrée express procurera aux employeurs un accès sans précédent aux candidats à l’immigration. En effet, les employeurs pourront chercher, dans le bassin d’immigrants, un candidat qui répond aux critères d’au moins un des programmes de la catégorie économique et lui offrir un emploi. De leur côté, les candidats à l’immigration pourront consulter les offres d’emploi et communiquer directement avec les employeurs. Mme Pollack a fait remarquer, à cet égard : Puisque notre pays est en train de modifier son système d’immigration afin qu’il soit davantage fondé sur la demande, nous devons en même temps modifier nos services d’établissement afin que davantage d’employeurs participent au système. Le système Entrée express et le Guichet‑Emplois du gouvernement fédéral sont des outils essentiels, mais pour que les employeurs puissent utiliser ces outils, ils doivent obtenir les renseignements, la formation et le soutien nécessaires[50]. Bon nombre d’intervenants fournissent déjà le type de renseignements, de formation et de soutien que les employeurs requièrent avant d’envisager l’embauche de nouveaux immigrants. Il existe maintenant des ressources qui aident les employeurs à adopter une nouvelle perspective, à surmonter les obstacles liés à la reconnaissance des titres de compétences étrangers et à appliquer de bonnes pratiques concernant le recrutement, l’embauche, le maintien en poste et la promotion des immigrants. L’Immigrant Employment Council of British Columbia est un excellent exemple de ceci: l’organisme tient des forums communautaires sur l’emploi des immigrants, il établit des liens entre immigrants et employeurs dans les petites communautés, il forme des partenariats avec des entreprises et des associations de gens d’affaires, il met en liaison les organismes d’aide à l’établissement et le milieu des affaires, et il crée des contacts entre les employeurs et les réseaux professionnels d’immigrants[51]. La Chambre de commerce d’Ajax‑Pickering est un autre bon exemple : elle collabore avec le Partenariat local en matière d’immigration de Durham à la mise en place d’un plan de mobilisation pour favoriser la diversité, une première étape qui doit amener les représentants d’entreprise à « reconnaître qu’il est dans leur intérêt de comprendre les effets de l’immigration, d’Entrée express, des changements démographiques et de leur incidence sur les pratiques commerciales, les employeurs, les employés et les clients[52] ». Le système Entrée express a été mis en ligne cette année, et l’engagement des employeurs est devenu une priorité stratégique de CIC, comme en témoignent les initiatives de sensibilisation lancées par le Ministère auprès du milieu des affaires lors des premières étapes de l’élaboration du système et de sa mise en œuvre. CIC a également créé le Réseau de liaison avec les employeurs afin d’aider les employeurs à utiliser le système Entrée express[53]. Le Réseau est un moyen de faire connaître le système auprès des employeurs, d’inciter ces derniers à y recourir et d’aider l’immigrant à trouver le bon employeur et vice-versa. Les organismes d’aide à l’établissement travaillent aussi directement avec les employeurs, notamment pour créer des possibilités de placement et de réseautage pour leur clientèle d’immigrants. Selon certains témoins, ces partenariats sont de plus en plus importants, car les employeurs contribuent davantage à la sélection des immigrants[54]; il pourrait d’ailleurs y avoir encore plus de communications entre les organismes et les employeurs. Rob Henderson, de BioTalent Canada, est allé jusqu’à dire que le financement devrait dépendre de la collaboration entre les organismes d’aide aux immigrants et les employeurs; selon lui, ceci encouragerait les organismes à briser leur isolement[55]. Certains employeurs se montrent à l’avant‑garde : ils ont déjà élaboré et perfectionné des approches prometteuses qui gagneraient à se répandre. D’autres ont peut‑être besoin d’un incitatif pour changer leur approche; Mme Wong-Tam a recommandé que le gouvernement accorde un allégement fiscal aux employeurs qui offrent un premier emploi, stage ou programme d’apprentissage aux immigrants dont la profession est réglementée[56]. Conscient du fait que l’intégration économique passe obligatoirement par l’obtention d’un emploi (et la poursuite du cheminement professionnel), le Comité se réjouit des efforts qui sont déjà déployés pour amener les employeurs à reconnaître le talent formé à l’étranger et à adapter en conséquence leurs pratiques en milieu de travail. Le Comité appuie ce travail et juge qu’il faudrait le faire connaître largement. Toutefois, il constate aussi que l’engagement des employeurs fait intervenir de nombreux acteurs différents; à son avis, il serait bon d’établir une vision commune et des rôles clairement définis. Recommandation 6 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’appuyer les conseils d’emploi d’immigrants dans leurs efforts de sensibilisation des employeurs. Recommandation 7 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada crée une nouvelle catégorie de pratiques exemplaires relatives aux « initiatives de collaboration » afin de faire connaître des partenariats entre des organismes d’aide à l’établissement et des employeurs sur le site Web Pratiques exemplaires en matière de services d’établissement. Recommandation 8 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada élabore une stratégie d’engagement des employeurs plus vaste, de manière à ce qu’une vision commune puisse être développée, et à ce que des responsabilités claires soient conférées à chacun des intervenants concernés : conseils d’emploi d’immigrants, organismes d’aide à l’établissement, Partenariats locaux en matière d’immigration et CIC. D. Soutenir les initiatives de collaboration déjà établies et celles mises en œuvre dans les nouveaux centres d’établissementLe Comité a appris que les Partenariats locaux en matière d’immigration réussissent parfaitement à rendre les collectivités plus accueillantes, ce qui est un élément important du processus d’intégration économique des immigrants et de la capacité des collectivités de retenir les immigrants qui s’y établissent. Selon les témoins entendus par le Comité, les PLI parviennent à changer les attitudes, à générer du financement et à renforcer les liens entre les secteurs. Pour ce qui est de changer les attitudes, Mme Andrews a cité en exemple la Ville d’Ajax, où les acteurs concernés « adaptent leurs politiques, élargissent leurs programmes de loisirs et examinent leurs politiques de recrutement pour s’assurer qu’elles sont exemptes d’obstacles, répondent aux besoins de tous les résidents et aident les immigrants à intégrer la famille canadienne[57] ». Mme Andrews
a aussi expliqué comment, selon ce qu’elle a pu voir, le PLI de Durham a su
rallier d’autres intervenants à une vision de responsabilité partagée et les a
convaincus de contribuer financièrement à des activités d’apprentissage ou
d’échange de renseignements : « D’après ce que je peux constater,
tirer parti du financement que peut offrir la communauté pour notre événement
conjoint représente un immense rendement pour l’investissement fait par CIC.
Honnêtement, nous transformons le financement destiné à l’embauche de personnel
en prestations qui changent le sentiment de la collectivité à l’égard des
nouveaux venus et de la responsabilité qui est la sienne en Les PLI s’affairent à changer les attitudes et à imaginer de nouvelles façons de travailler. Comme l’ont fait remarquer plusieurs témoins, le type de changements systémiques qui sont exigés peut prendre du temps à survenir[59]. Pour cette raison, les témoins ont demandé le maintien du financement des PLI. Le Comité appuie cette recommandation. Recommandation 9 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de soutenir les Partenariats locaux en matière d’immigration. Nouveaux centres d’établissementDes témoins ont fait valoir que les immigrants pourraient avoir avantage à s’établir dans de plus petits centres urbains plutôt que dans les grandes villes. La chercheuse Kristen Frank a observé que, à Toronto, à Montréal et à Vancouver, les immigrants se trouvent du travail moins facilement que dans les villes plus petites[60]. Ce phénomène aurait différentes explications : la concurrence des jeunes nés au Canada qui entrent dans le marché du travail dans les grands centres urbains, de même que certains avantages de l’établissement dans une localité plus petite, par exemple la meilleure possibilité de se former un réseau social, l’obligation de maîtriser l’anglais ou le français, et l’importance des immigrants pour la survie économique des petites communautés ou pour le maintien d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire[61]. Par contre, les petites villes ne sont pas toujours bien outillées pour appuyer les immigrants. En raison de leur expérience limitée de l’immigration, certaines ne sont peut‑être pas des « collectivités accueillantes », terme désignant les collectivités qui prennent des mesures pour s’attaquer aux obstacles que doivent surmonter les nouveaux arrivants. Tracey Vaughan-Barrett, de la Ville d’Ajax a abordé cette question : Ces petites et moyennes villes affrontent de nombreux défis, notamment les attitudes rigides favorisées, au fil du temps, par une faible diversité démographique; la méconnaissance de certaines institutions publiques; le nombre limité de programmes et d'options de services offerts à la population[62]. En outre, les petites villes qui n’ont pas une longue tradition d’accueil des immigrants sont moins susceptibles d’offrir des infrastructures ou des services d’établissement que les grands centres urbains. L’accès limité à ce type de services défavorise les immigrants qui ont des besoins particuliers en matière d’établissement, comme les femmes. Par exemple, les organismes d’aide à l’établissement des petites villes ne peuvent peut‑être pas fournir de services de garde d’enfant ou d’autres services qui sont disponibles dans les grandes villes, comme des cours de langue de premier niveau, faute d’inscriptions suffisantes[63]. Confrontés au manque de services d’établissement financés par CIC, les employeurs des petites villes ou des nouveaux centres d’établissement n’ont parfois pas d’autre choix que d’orienter et d’appuyer eux-mêmes les nouveaux arrivants qu’ils embauchent et leurs familles. M. Henderson a dit que des grands employeurs comme Irving offrent une gamme impressionnante de soutiens à l’établissement, mais que d’autres sont mal outillés pour jouer ce rôle, surtout lorsqu’il s’agit non plus d’appuyer le demandeur principal, mais de répondre aux besoins du conjoint et des personnes à charge[64]. Compte tenu de ces obstacles — attribuables à un problème d’attitude ou de ressources — la rétention des immigrants peut s’avérer difficile dans les plus petites communautés[65]. Mohamed Al-Adeimi, du South London Neighbourhood Resource Centre, s’est exprimé sur le sujet : [I]l ne suffit pas de trouver un emploi. Il est important que la personne sente que ses enfants sont en sécurité et que les membres de sa famille obtiennent l’aide dont ils ont besoin, qu’ils aient un endroit où ils peuvent passer leurs temps de loisir, où ils peuvent se sentir chez eux et qui leur fait penser : « Je me sens bien dans cette communauté et j’en fais pleinement partie. Ma place est ici[66]. » Pour aider les immigrants à prospérer dans les petites villes et les nouveaux centres d’établissement, il faut de la créativité et de la collaboration. Il est donc important que ces communautés élaborent des plans stratégiques semblables à ceux des PLI; Mme Pollack a signalé que bon nombre de petites communautés, sensibles au besoin de retenir les immigrants, comptent le faire[67]. Un plan stratégique pourrait aussi aider la communauté à porter l’assistance nécessaire aux employeurs et à déterminer les besoins susceptibles d’être comblés d’autres façons. Par exemple, les institutions publiques de la communauté d’accueil (telles que la bibliothèque) pourraient offrir aux nouveaux arrivants les outils technologiques (ordinateurs, réseau Wi-Fi, vidéoconférence) nécessaires pour entrer en contact avec un fournisseur de services d’établissement situé dans une autre ville. L’utilisation de la technologie et l’accroissement des services en ligne sont des stratégies que les organismes d’aide à l’établissement envisagent d’adopter en vue de rejoindre une plus grande clientèle, mais elles ont des limites; par exemple, elles ne pourraient pas s’appliquer à tout le monde, et elles ne sauraient remplacer les services en personne[68]. Recommandation 10 Le Comité recommande que le gouvernement du Canada finance de la recherche sur les approches prometteuses afin d’appuyer les services d’établissement novateurs. RECOMMANDATIONS DES TÉMOINS CONCERNANT LE DÉVELOPPEMENT DES SERVICES D’ÉTABLISSEMENTLes témoins ont présenté quelques suggestions sur la manière de développer les services d’établissement pour que plus de gens puissent y faire appel ou pour répondre aux besoins qui ne sont actuellement pas satisfaits. Selon quelques témoins, il faudrait se pencher sur le bien-fondé de restreindre l’accès aux services d’établissement aux résidents permanents. Certains ont proposé d’offrir ces services aux résidents temporaires, car ceux-ci obtiennent souvent la résidence permanente, restent au Canada et se tournent vers les organismes d’aide à l’établissement pour recevoir les services dont ils ont besoin[69]. D’autres ont soutenu que tous les citoyens devraient être admissibles; selon eux, les restrictions imposées sont particulièrement problématiques pour les femmes, que le besoin de subvenir aux membres de leur famille oblige souvent à remettre à plus tard leur propre demande de reconnaissance des titres de compétences, le temps que leur conjoint stabilise sa situation financière[70]. Pour ce qui est des besoins non satisfaits, M. Shields a attiré l’attention du Comité sur le volume croissant d’« écrits sur les immigrants et le travail non organisé, surtout le travail autonome et l’entrepreneuriat[71] ». Ces approches d’intégration économique sont aussi de plus en plus importantes pour les immigrantes[72]. M. Shields a expliqué que les écrits mettent en lumière les obstacles particuliers auxquels se heurtent les immigrants qui veulent se lancer en affaires ou à leur compte, comme le fait de ne pas avoir de réseau solide ou de bonnes connaissances les réalités juridiques et financières au Canada. Il a aussi fait valoir que les formes de soutien offertes généralement aux entrepreneurs tiennent rarement compte des besoins propres aux nouveaux arrivants. À son avis, les organismes d’aide à l’établissement sont bien placés pour donner aux immigrants entrepreneurs le coup de pouce nécessaire pour surmonter ces obstacles. Leur aide pourrait prendre diverses formes : aide juridique, accompagnement dans les processus de demande de financement et de prêts, connaissances sur les affaires et possibilités de mentorat et de réseautage. Enfin, Mme Douglas a dit — tout simplement — que les services d’établissement destinés aux immigrants francophones hors Québec méritent d’être améliorés; elle a recommandé qu’ils soient « comparables aux services déjà offerts aux communautés anglophones et allophones[73] ». CONCLUSIONTout au long de son étude, le Comité a trouvé des raisons de se réjouir : non seulement a-t-il pu prendre connaissance de nombreuses initiatives prometteuses pour l’intégration économique des immigrants, mais il a aussi pu constater qu’une multitude d’acteurs se consacrent à la réussite des immigrants dans notre pays. Le succès économique des immigrants n’est pas seulement l’affaire du gouvernement fédéral, du secteur des services d’établissement et des immigrants eux‑mêmes; les conseils d’emploi d’immigrants, les Partenariats locaux en matière d’immigration, les organismes provinciaux de réglementation, les employeurs et tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer. Dans ce contexte, il importe que CIC adopte une approche stratégique : intervenir là où il est le mieux placé pour le faire (p. ex., le financement de l’orientation avant l’arrivée), dans les initiatives où le financement du Ministère peut servir à mobiliser d’autres acteurs (p. ex., les PLI), ou dans celles qui offrent la possibilité de développer les capacités (p. ex. la recherche, la coordination et la promotion de pratiques et de programmes efficaces). Le Comité est convaincu que, lorsque « nous offrons tous des services d’établissement », nous en tirons tous des bénéfices. [1] Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Procès-verbal, 41e législature, 2e session, réunion no 38, 19 février 2015. [2] Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM), Témoignages, 41e législature, 2e session, 10 mars 2015, 1000 (Margaret Eaton, directrice générale, Toronto Region Immigrant Employment Council). [3] Citoyenneté et Immigration Canada, Qui conduit un taxi au Canada?, mars 2012. [4] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0900 (Audrey Andrews, directrice, Diversité et programme d’immigration, municipalité régionale de Durham). [5] Ibid. [6] CIMM, Témoignages, 19 février 2015, 0915 (Catrina Tapley, sous-ministre adjointe, Politiques stratégiques et de programmes, Citoyenneté et Immigration Canada). Conformément à l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, le gouvernement du Québec est responsable de l’intégration des immigrants et des autres aspects de l’immigration dans la province. Le gouvernement du Québec reçoit un paiement de transfert unique du gouvernement fédéral pour s’acquitter de ces responsabilités; en 2014, le montant du paiement s’est élevé à 319 967 000 $ selon les Comptes publics du Canada 2014, vol. III, section 6 – Paiements de transfert. [7] Citoyenneté et Immigration Canada, Financement – Établissement et réétablissement. [8] Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Comptes publics du Canada 2014, vol. III, section 6 – Paiements de transfert. [9] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0855 (Debbie Douglas, directrice générale, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants). [10] CIMM, Témoignages, 19 février 2015, 0900 et 1005 (Catrina Tapley). [11] Gouvernement du Canada, Accroissement des services d'immigration à l'étranger pour accélérer l'intégration dans les collectivités canadiennes, 13 avril 2015. [12] Voies vers la prospérité : Canada, Partenariats locaux en matière d'immigration et initiatives adaptées au milieu. [13] Présentation de Citoyenneté et Immigration Canada intitulée Local Immigration Partnerships, réunions régionales de WelcomeBC, les 3, 5, 8 et 12 avril 2013. [14] Selon le site Web du réseau ALLIES, on trouve des conseils dans les villes ou les régions suivantes : Fredericton et Moncton, Halifax, région de Waterloo, London, North Bay, Montréal, Niagara, Ottawa, Toronto, Calgary, Colombie-Britannique et Edmonton. [15] Forum des ministres du marché du travail, Cadre pancanadien d'évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger : Rapport d'étape – novembre 2009-décembre 2010. [16] Victoria M. Esses, mémoire daté du 15 mai 2015, p. 2. [17] Collèges et instituts Canada, mémoire daté du 27 mars 2015, p. 4. [18] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015,1025 (Margaret Eaton). [19] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0935 (Kelly Pollack, directrice générale, Immigrant Employment Council of British Columbia). [20] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0955 (John Shields, professeur, Université Ryerson, département de politique et d’administration publique, à titre personnel). [21] Moy Wong-Tam, Centre for Immigrants and Community Services, mémoire daté du 24 mars 2015, p. 3. [22] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0930 (Kim Allen, chef de la direction, Ingénieurs Canada). [23] À l’heure actuelle, le Conseil médical du Canada et le Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada sont les seuls organismes de réglementation autorisés à faire des attestations d’équivalence en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, par. 75(4)). [24] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0930 (Kim Allen). [25] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0945 (Debbie Douglas). [26] Victoria Esses, p. 2. [27] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0900 (Debbie Douglas). [28] Par exemple, CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0920 (Sherman Chan, membre du comité exécutif, Conseil canadien pour les réfugiés). [29] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0930 (Kelly Pollack). [30] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0920 (Sherman Chan). [31] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015,1035 (Margaret Eaton). [32] Par exemple, CIMM, Témoignages, 26 février 2015, 0940 (Nooralhooda Hussein, coordonnatrice de projets, Partenariat local en matière d’immigration de London‑Middlesex). [33] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0930 (John Shields). [34] CIMM, Témoignages, 12 mars 2015, 0930 (Catrina Tapley). [35] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0925 (John Shields). [36] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 1045 (Margaret Eaton). [37] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0920 (Kelly Pollack). [38] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 1000 (Margaret Eaton). [39] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0900 (Debbie Douglas); CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0930 (John Shields). [40] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 1000 (Margaret Eaton). [41] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0930 (John Shields); CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0910 (Tracey Vaughan-Barrett, directrice, Loisirs et culture, Ville d’Ajax). [42] CICan, mémoire, p. 5. [43] Victoria Esses, p. 2. [44] CICan, p. 6; Victoria Esses, p. 2. [45] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 1030 (Margaret Eaton). [46] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0945 (Debbie Douglas). [47] Moy Wong-Tam, p. 3. [48] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0855 (Kelly Pollack). [49] Ibid., 0915. [50] Ibid. [51] Ibid., 0900. [52] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0905 (Audrey Andrews). [53] Citoyenneté et Immigration Canada, Avis – Questions et réponses sur le système Entrée express. [54] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0930 (John Shields). [55] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 1025 (Robert Henderson, président et directeur général, BioTalent Canada). [56] Moy Wong-Tam, p. 3. [57] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0900 (Audrey Andrews). [58] Ibid., 1040. [59] CIMM, Témoignages, 26 février 2015, 0855 (Nooralhooda Hussein); CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0915 (Tracey Vaughan-Barrett). [60] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0905 (Kristyn Frank, à titre personnel). [61] Ibid.; CERIS, Synthèse de la recherche sur l’établissement et l’intégration de 2009 à 2013 , document de référence fourni par M. Shields. [62] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0910 (Tracey Vaughan-Barrett). [63] Ibid., 1020. [64] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 1020 (Robert Henderson). [65] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015,1035 (Margaret Eaton) [66] CIMM, Témoignages, 26 février 2015, 0905 (Mohamed Al-Adeimi, coordonnateur, Service d’établissement des nouveaux arrivants, South London Neighbourhood Resource Centre). [67] CIMM, Témoignages, 10 mars 2015, 0855 (Kelly Pollack). [68] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 1030 (John Shields et Debbie Douglas). [69] Mohamed Soulami, Actions interculturelles, mémoire daté du 31 mars 2015, p. 8.; Moy Wong-Tam, p. 3. [70] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0950 (Sherman Chan). [71] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 0930 (John Shields). [72] CIMM, Témoignages, 26 mars 2015, 1045 (Debbie Douglas). [73] Ibid., 0900. |