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ENVI Rapport du Comité

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RAPPORT DISSIDENT DE L’OPPOSITION OFFICIELLE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE SUR L’ÉTUDE SUR LA QUALITÉ DE L’EAU DES GRANDS LACS

Le Nouveau Parti démocratique du Canada remercie tous ceux qui ont témoigné ou présenté un mémoire au Comité permanent de l’environnement et du développement durable dans le cadre de son étude sur la qualité de l’eau des Grands Lacs.

Tout en étant d’accord avec certains des points fondamentaux du rapport majoritaire, nous avons des préoccupations sous certains aspects importants. Étant donné le nombre de pages qui nous sont imparties, nous ne pouvons malheureusement en exposer ici que quelques-unes.

L’une des grandes lacunes du rapport, c’est qu’il ne formule aucune recommandation concernant les répercussions des changements climatiques sur l’écosystème des Grands Lacs.

Avant le lancement de l’étude, les néo-démocrates ont déposé des motions visant à faire en sorte que les répercussions des changements climatiques soient explicitement considérées lors de cette étude, mais la majorité des membres du comité n’étaient pas convaincus.

Or, pendant les témoignages, les changements climatiques ont été cités des dizaines de fois parmi les facteurs affectant le plus la qualité de l’eau des Grands Lacs.

Mme Nancy Goucher de Environnental Defense Canada a fait état des effets du réchauffement des températures et de l’augmentation de la pluviométrie sur la croissance des algues, notamment dans le lac Érié.

« Les eaux seront plus chaudes et les pluies plus intenses et ces deux phénomènes vont entraîner une augmentation de la prolifération des algues, en particulier dans le lac Érié. D'autre part, en raison des eaux plus chaudes et des hivers plus doux, la couche de glace sera plus mince, ce qui occasionnera une plus grande évaporation et par conséquent une diminution du niveau des lacs. […] Pour ce qui est des solutions, je dirais que nous devons à la fois envisager des mesures d'atténuation et d'adaptation. Sur le plan de l'adaptation, les organismes de conservation et leurs partenaires sur le terrain ont fait un excellent travail en vue de construire des villes et des quartiers plus résilients.

Quant au rôle fédéral, je pense que le gouvernement a un rôle direct à jouer : en appuyant les collectivités pour les aider à réagir aux inondations et aux périodes de sécheresse, en finançant les mises à niveau des infrastructures et la planification d'urgence et en renouvelant le Programme de réduction des dommages dus aux inondations afin de ne plus construire dans des zones inondables.

Je pense également que les changements climatiques nous obligeront à rationaliser nos politiques de réglementation des eaux. Toutes les décisions que nous prenons relativement aux eaux devront tenir compte de l'impact des changements climatiques.

Par ailleurs, il nous faudra prendre des mesures d'atténuation. Au niveau provincial et même au niveau municipal, je pense que beaucoup de collectivités travaillent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Là aussi, nous avons besoin d'un engagement plus ferme de la part du gouvernement fédéral. »

Selon M. David Sweetnam, directeur exécutif de Georgian Bay Forever : « Les effets des changements climatiques sont à la fois étendus et profonds. Pour y faire face, il nous faut des modes de gestion évolutifs, mis en œuvre par des institutions en mesure de réagir vite. Il nous faut en outre une réglementation qui ait la souplesse nécessaire, et aussi des systèmes d'alerte précoce.

Selon le rapport sur les changements climatiques rendu public hier par les Nations Unies, cependant, les maux entraînés par les changements climatiques vont être d'une telle ampleur qu'il faudra mettre en œuvre des mesures d'atténuation pour éviter les risques les plus graves. Réagissant à ce rapport, John Kerry, secrétaire d'État américain, a déclaré que d'après les données de la science, si nous ne prenons pas, dès maintenant, des mesures radicales, notre climat et notre mode de vie seront mis en péril.

C'est à la fois un avertissement et un puissant appel à l'action.

Les effets secondaires que les changements climatiques auront sur l'environnement — et je parle là de la qualité de l'eau, des espèces envahissantes, du niveau des eaux, de l'érosion des habitats — ont de quoi nous alarmer. Mais les impacts économiques qui en découlent pourraient se chiffrer par milliards, portant gravement atteinte au tourisme, au prix des propriétés, à la navigation et à divers autres secteurs clés de l'activité économique. Il nous faut effectuer davantage de recherches sur les impacts économiques, mais au plan de l'environnement, les maux anticipés sont déjà manifestes. »

Selon Mme Patricia Chow-Fraser, de l’univesité McMaster, les changements climatiques affectent le niveau et la température de l’eau, ce qui se répercute sur la qualité de l’eau. « Une des nombreuses conséquences des changements climatiques à l'échelle planétaire, c'est que les niveaux d'eau dans les Grands Lacs sont plus bas que la normale, et c'est ce que nous constatons actuellement. […] Cela entraîne de nombreuses répercussions, mais les faibles niveaux d'eau soutenus ont eu des effets immédiats et dévastateurs sur la quantité et la qualité de l'habitat du poisson dans les milieux humides riverains. Dans certains cas, jusqu'à 24 % des lieux de reproduction et d’alevinage ont été perdus, car ils ne sont plus accessibles pour les poissons migrateurs. Il y a une détérioration de la structure de l'habitat liée à la disparition de certaines plantes submergées dans les eaux profondes et une réduction de la diversité des espèces de poissons et de plantes. Si les niveaux d'eau s'abaissent à 174 mètres — conformément aux prévisions des modèles de circulation générale —, l'accès à 50 % des milieux humides restants sera perdu.

Même si les milieux humides ne s'assèchent pas, nous sommes également préoccupés par la qualité thermique de ces milieux humides. Nous avons surveillé la température de l'eau dans certaines de ces échancrures, et nous avons constaté que le brochet vit dans des eaux d'environ 27,5°C. Si l'eau est plus chaude, les poissons cessent de se nourrir. Nous savons que, s'ils ne se nourrissent pas, ils ne grandissent pas et commencent à mourir.

Il existe très peu d'information concernant les changements de température dans ces habitats sublittoraux. À l'heure actuelle, le gouvernement n'utilise aucun système de suivi dans les secteurs est et nord de la baie Georgienne. Cela met en relief le besoin de mener des travaux de recherche plus ciblés en vue de comprendre de quelle façon les eaux en réchauffement et le faible niveau d'eau menacent la santé des échancrures. »

Les universitaires et les groupes communautaires ne sont pas les seuls à se préoccuper des changements climatiques et de ses répercussions sur les Grands Lacs. C’est le cas aussi de représentants du gouvernement provincial.

M. Maurice Bitran, sous-ministre adjoint, Division des politiques environnementales intégrées, ministère de l’Environnement de l’Ontario, a souligné l’importance des Grands Lacs pour l’Ontario et les risques associés aux changements climatiques.

« Les Grands Lacs revêtent une importance capitale pour l'Ontario. Le bassin des Grands Lacs, région où se concentrent la plupart des activités économiques, agricoles et sociales, accueille la grande majorité des Ontariens et ses lacs représentent une source d'eau potable pour 80 % de la population.

Les changements climatiques s'avèrent être une grave menace pour la qualité de l'eau des Grands Lacs. Par exemple, des phénomènes météorologiques violents liés à ces changements ont accru le ruissellement vers les Grands Lacs et, par là même, les déversements de matières polluantes d'origine urbaine, industrielle et agricole.

L'Ontario s'efforce de mieux comprendre les facteurs de stress tels que les changements climatiques et de renforcer sa capacité d'adaptation. Elle améliore notamment l'accès du grand public aux données scientifiques sur les Grands Lacs, et elle renforce les activités de surveillance et de modélisation en vue de comprendre et de prévoir les répercussions des changements climatiques et les autres impacts cumulatifs.

M. Jim Richardson, directeur de la gestion environnementale au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de l’Ontario, a précisé les lacunes des connaissances et insisté sur l’importance de la recherche pour protéger l’environnement et venir en aide à l’agriculture.

« Il nous reste encore beaucoup à apprendre sur l'interaction entre les activités humaines et l'écosystème du bassin des Grands Lacs et sur le surcroît de complication apporté par les changements climatiques, les espèces envahissantes et d'autres facteurs.

L'objet du Programme de vérification et de démonstration des pratiques de gestion optimales des deux ministères est d'étudier certains de ces défis, du point de vue de l'environnement et de l'économie, par la mise à l'essai sur le terrain de pratiques nouvelles et améliorées pour gérer les problèmes, par exemple les événements météorologiques extrêmes. C'est par ces programmes de recherche et en œuvrant de concert avec nos collègues fédéraux et américains que nous acquérons une meilleure compréhension des mesures que nous pouvons prendre pour favoriser la santé de l'écosystème du bassin des Grands Lacs. »

Certains témoins ont même dû demander la permission pour parler des changements climatiques. C’est le cas de M. Michael D'Andrea de la ville de Toronto.

« Si vous voulez bien m'accorder une minute, monsieur le président, je reconnais que votre comité souhaitait parler des stratégies d'adaptation aux changements climatiques de la ville de Toronto, pour faire face aux inondations urbaines, ainsi que du travail que nous avons fait pour protéger les eaux à proximité du front du lac Ontario. »

M. Gordon W. Walker, président par intérim, Section canadienne, Commission mixte internationale, a fait des déclarations prenantes.

« Les changements climatiques sont un enjeu énorme pour nous tous, et personne ici dans la salle ne pourrait nier avoir constaté l'incidence des changements climatiques, comme des hivers plus doux, bien qu'on ne puisse pas dire que cela s'applique à la situation actuelle. Nous avons eu un hiver assez impressionnant, et il y a deux semaines, seulement, 90 % de la superficie des Grands Lacs était recouverte de glace. C'est la première fois que cela se produit depuis 1994, mais si j'étais venu dans l'intervalle, j'aurais déploré l'insuffisance de la couche de glace qui cause une évaporation si phénoménale qu'on perd d'énormes volumes d'eau, ce qui est lourd de conséquences pour les Grands Lacs.

La façon de stopper les changements climatiques est sujet à débat dans le milieu scientifique depuis longtemps, et, bien sûr, il existe des centaines d'arguments sur la façon d'y arriver. Je ne suis pas certain de pouvoir contribuer beaucoup à la question, mais, de toute évidence, s'il y avait un quelconque moyen de ralentir ou d'inverser les changements climatiques, cela aurait une énorme incidence sur les Grands Lacs et sur nous tous. À partir de l'extrémité où se situe le lac Supérieur jusqu'à l'autre bout, le golfe du Saint-Laurent, l'incidence sur les eaux est énorme, sur le plan de la quantité ainsi que des conséquences qui en découlent.

Lorsque les changements climatiques causent une diminution de la quantité, c'est un problème. Cela nuit à l'expédition de marchandises, cela nuit à la pêche. Cela mine la qualité de l'eau, alors toute mesure susceptible de stopper, de freiner ou d'inverser les changements climatiques est importante. C'est peut-être beaucoup demander. Il faudra la participation du monde entier. »

Il était évident tout au long de l’étude que les changements climatiques avaient un effet énorme et manifestement délétère sur la qualité de l’eau de l’écosystème des Grands Lacs et sur l’eau potable de millions de Canadiens et d’Américains. Fermer les yeux sur cette réalité et en nier les impacts, c’est faire preuve non seulement d’imprudence, mais d’irresponsabilité.

Les néo-démocrates croient que le Canada doit prendre sans délai des mesures énergiques pour prévenir et atténuer les effets des changements climatiques et aider les Canadiens et leurs gouvernements provinciaux et municipaux à s’y adapter. Ce n’est pas un risque théorique auquel pourraient faire face les générations futures, c’est un problème immédiat et urgent.

En minimisant leurs contributions, le gouvernement fait preuve d’un manque de respect envers la science, les savants, les groupes environnementaux, les groupes autochtones et les collectivités. Il doit associer tous ces intervenants à l’élaboration d’un plan national de lutte contre les changements climatiques et d’amélioration de la qualité de l’eau des Grands Lacs.