Passer au contenu
Début du contenu

ENVI Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

ÉTUDE DE LA QUALITÉ DE L’EAU DES GRANDS LACS

INTRODUCTION

En juin 1969, la rivière Cuyahoga, couverte d’une couche de pétrole, a pris feu, et ce n’était pas la première fois[1]. Cette rivière se jette dans le lac Érié qui, à peu près à la même époque, était en proie à un grave problème de prolifération d’algues causé par la quantité excessive de phosphore dans l’eau, contribuant à créer des zones mortes au fond du lac et à dégrader certaines régions du littoral. À cela s’ajoutait « la grande présence de produits chimiques toxiques qui contaminaient le poisson, l’eau et les sédiments[2] ». Or, ces problèmes environnementaux ne se limitaient pas au lac Érié. L'enrichissement excessif en phosphore et la présence de produits chimiques à contamination s’étendaient à tous les Grands Lacs[3].

Les gouvernements canadiens et américains ont réagi à la crise en signant, en 1972, l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. « Sa portée était vaste, et il [l’Accord] était fondé en grande partie sur nos travaux de recherche. Un grand effort de nettoyage s’imposait, et les deux pays — le Canada et les États-Unis — ainsi que l’Ontario et huit États américains se sont clairement engagés dans l’accord et dans l’entente canado-ontarienne connexe à mettre en œuvre des programmes antipollution[4]. »

Après la signature de l’accord, les différents ordres de gouvernement des deux pays se sont attaqués énergiquement aux problèmes frappant les Grands Lacs. On a construit des usines de traitements des eaux usées pour les municipalités et l’industrie. On a aussi réglementé l’utilisation du phosphore dans les détergents. Les agriculteurs ont adopté des pratiques de travail du sol écologiques, et on a interdit l’utilisation de BPC et de DDT[5] dans les deux pays. « Cette initiative a produit des résultats formidables, et à la fin des années 1980, la majeure partie des masses d’eau des lacs a de nouveau été déclarée saine[6]. » En 2012, le gouvernement du Canada a réaffirmé son engagement envers le rétablissement des Grands Lacs et a signé une version modifiée de l’Accord relatif à la qualité de l’eau des Grands Lacs, qui « est considéré comme l’un des accords environnementaux les plus durables et réussis dans le monde[7] ».

Malgré les grands succès attribués aux efforts de rétablissement déployés dans le passé, certains témoins ont mentionné de nouveaux défis. En 2011, « le tristement célèbre problème de prolifération d’algues [...] qui a commencé par le bassin ouest du lac Érié [...] s’est graduellement étendu à une bonne partie du lac[8] ». « Le problème de la prolifération d’algues dans le lac Érié — surtout les algues bleu-vert [...] — semble maintenant pire que ce qu’il était avant le grand nettoyage amorcé en 1972. [...]En ce qui concerne le mercure — métal très toxique —, après les diminutions observées de 1970 à 2005, nous assistons de nouveau à une hausse des concentrations dans certains poissons et certains oiseaux piscivores, tels les huards [... et] une foule de nouveaux contaminants qui ne sont pas éliminés par les usines de traitement des eaux usées classiques [... et] finissent dans les lacs. Entre autres, il y a les produits pharmaceutiques, qui s’y retrouvent soit par immersion, soit par excrétion. On trouve des concentrations faibles, mais croissantes de médicaments anti-inflammatoires dans les eaux libres du lac Érié, loin des berges. On trouve aussi des antidépresseurs dans le lac Ontario et des antibiotiques plus haut, dans le Saint-Laurent. En outre, la présence de perturbateurs endocriniens a été détectée dans le lac Huron[9]. »

Conscient de l’immense importance économique, environnementale et sociale des Grands Lacs pour près du tiers (30 %) de la population canadienne habitant dans la région[10], le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes (le Comité) a entrepris une étude sur la qualité de l’eau dans le bassin des Grands Lacs. Le 10 décembre 2013, le Comité a adopté la motion suivante :

Que le Comité entreprenne une étude sur la qualité de l’eau dans le bassin des Grands Lacs et qu’il y consacre dix (10) réunions. L’étude sera axée sur trois (3) domaines : (a) l’établissement des secteurs préoccupants sur le plan environnemental dans le bassin des Grands Lacs et de la priorité à accorder à chacun; (b) l’examen des efforts en cours ou prévus pour assainir les secteurs préoccupants; (c) la formulation de recommandations de pratiques exemplaires qui faciliteront la mise en œuvre d’autres mesures d’assainissement dans les secteurs préoccupants dans le bassin des Grands Lacs[11].

Après avoir entendu de 31 témoins au cours de 9 réunions tenues de février à avril 2014, le Comité est maintenant heureux de présenter son rapport et ses recommandations sur la qualité de l’eau dans le bassin des Grands Lacs au gouvernement du Canada.

La qualité de l’eau et le bassin des Grands Lacs

Les témoins ont insisté sur l’importance de la qualité de l’eau dans le bassin des Grands Lacs pour l’Ontario et le Canada en général. Selon un représentant du gouvernement provincial, les Grands Lacs représentent une source d’eau potable pour 80 % des Ontariens[12]. De plus, « 98 % des Ontariens habitent dans le bassin des Grands Lacs[13] », où l’on trouve également plus de 90 % des terres agricoles de la province, et « cette industrie est à l’origine de la majeure partie du PIB du Canada pour l’agriculture et la transformation des aliments, soit 33,2 %[14] ». En outre, les retombées de la pêche, en tenant compte des impacts dérivés, sont évaluées à 8,3 milliards de dollars[15].

Manifestement, les eaux des Grands Lacs sont essentielles à des millions de personnes; c’est pourquoi leur préservation est une grande priorité pour le gouvernement du Canada. Les dépôts de sédiments contaminés qui se sont accumulés au fil des ans, ainsi que les charges excessives de phosphore et les nouvelles substances toxiques sont la source de certains nouveaux défis. À lui seul, le problème de la recrudescence des proliférations d’algues toxiques risque d’entraîner une augmentation des coûts de traitement des eaux, de détériorer les écosystèmes aquatiques et fauniques, ainsi que de nuire au tourisme et à la pêche[16].

Un témoin a mentionné une étude suggérant qu’un investissement de 26 milliards de dollars dans la mise en œuvre de mesures d’assainissement le long des rives des Grands Lacs aux États-Unis aurait des retombées régionales à long terme de 50 milliards de dollars et à court terme, de 30 à 50 milliards de dollars[17]. Il faut donc voir la restauration de la qualité de l’eau comme un investissement qui peut rapporter beaucoup, surtout dans les régions où la qualité de l’eau est mauvaise.


[1]             Incident mentionné par un représentant de la Commission mixte internationale comparu devant le Comité dans le cadre de l’étude sur la qualité de l’eau dans le bassin des Grands Lacs. Voir Chambre des communes, Comité permanent de l’environnement et du développement durable [ENVI], Témoignages, 25 février 2014 (M. Gordon W. Walker, président par intérim, section canadienne, Commission mixte internationale). Pour plus d’information, voir Michael Rotman, « Cuyahoga Fire », Cleveland Historical. [en anglais seulement]

[2]             ENVI, Témoignages, 27 mars 2014 (James Bruce, représentant, Forum for Leadership on Water).

[3]             Ibid. Le lac Supérieur n’a pas connu les mêmes problèmes de détérioration du littoral et de destruction des fonds causée par l’excédent de phosphore.

[4]             ENVI, Témoignages, 27 mars 2014 (James Bruce).

[5]             Les BPC (biphényles polychlorés) et le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) sont des produits toxiques et font partie de la « sale douzaine » d’agents chimiques visés par la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de 2001.

[6]             ENVI, Témoignages, 27 mars 2014 (James Bruce).

[7]             ENVI, Témoignages, 25 février 2014 (Gordon Walker)

[8]             Ibid. (William Taylor, professeur émérite, Biologie, Université de Waterloo).

[9]             Ibid. (James Bruce).

[10]           ENVI, Témoignages, 25 février 2014 (Robert Lambe, secrétaire exécutif, Commission des pêcheries des Grands Lacs).

[11]           ENVI, Procès-verbal, 10 décembre 2013.

[12]           ENVI, Témoignages, 4 mars 2014 (Maurice Bitran, sous-ministre adjoint, ministère de l'Environnement, Division des politiques environnementales intégrées, gouvernement de l'Ontario).

[13]           Ibid. (Jim Richardson, directeur, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Direction de la gestion environnementale, gouvernement de l'Ontario).

[14]           Ibid.

[15]           ENVI, Témoignages, 13 février 2014 (David Burden, directeur général régional par intérim, Pêches et des Océans Canada).

[16]           Ibid. (Chris Forbes, sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique stratégique et Bureaux des directeurs généraux régionaux, Environnement Canada).

[17]           ENVI, Témoignages, 3 avril 2014 (Robert Florean, membre du conseil et conseiller technique, Manitoulin Area Stewardship Council) citant John Austin et coll., America’s North Coast: A Benefit-Cost Analysis of a Program to Protect and Restore the Great Lakes, Septembre 2007. [en anglais seulement]