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HESA Rapport du Comité

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L’EXAMEN LÉGISLATIF DE LA LOI SUR LES PRODUITS ANTIPARASITAIRES, 2015

CONTEXTE

Le 9 décembre 2014, Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a adopté la motion suivante :

Que le Comité procède à l’examen de la Loi sur les produits antiparasitaires comme l’exige l’article 80.1 de la Loi; que la première réunion de 2015 compte une présentation de fonctionnaires du Ministère; que deux réunions complètes supplémentaires soient consacrées à la question et que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre des communes.

La Loi sur les produits antiparasitaires (LPA) a obtenu la sanction royale le 12 décembre 2002, mais n’est entrée en vigueur que le 28 juin 2006.

L’article 80.1 de la LPA prévoit que la Loi est soumise tous les sept ans à l’examen d’un comité désigné, soit de la Chambre des communes, soit du Sénat, soit mixte. Le comité visé

examine à fond, dès que possible, les dispositions de la présente loi ainsi que les conséquences de son application en vue de la présentation, dans un délai d’un an à compter du début de l’examen ou tel délai plus long autorisé par la Chambre des communes, le Sénat ou les deux chambres, selon le cas, d’un rapport où sont consignées ses conclusions ainsi que ses recommandations, s’il y a lieu, quant aux modifications de la présente loi ou des modalités d’application de celle-ci qui seraient souhaitables (paragraphe 80.1(2)).

Dans le cadre de cet examen, le Comité a d’abord entendu l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), la direction générale de Santé Canada responsable de la réglementation des produits antiparasitaires. Le mandat de l’ARLA est exposé dans son rapport annuel :

Notre mandat est d’éviter que l’utilisation de ces produits présente des risques inacceptables pour les humains et l’environnement. Nous encourageons aussi l’élaboration et l’application de stratégies de lutte antiparasitaire durable, et nous facilitons l’accès à des produits antiparasitaires à moindre risque. Nous utilisons des techniques d’évaluation scientifique modernes pour déterminer les risques pour la santé humaine et l’environnement lorsque nous évaluons et réévaluons les produits antiparasitaires. L’ARLA s’efforce en outre de répondre aux préoccupations de la population et des intervenants, et de mettre au point des mécanismes visant à faciliter l’accès à des produits plus récents et plus sûrs[1].

Le Comité a tenu deux autres réunions, au cours desquelles il a entendu divers témoins, y compris des groupes représentant le secteur agricole, des groupes liés à des produits de consommation et des organismes environnementaux. Le Comité a également reçu plusieurs mémoires.

La plupart des témoins ont laissé entendre que la LPA était solide. Sauf pour quelques exceptions, les problèmes mentionnés par rapport à la LPA dans les témoignages et les mémoires touchaient l’interprétation et l’application de la LPA par l’ARLA. Il a notamment été question des problèmes touchant la santé humaine et de l’environnement; la communication, le processus de consultation et la transparence; le financement de l’ARLA; l’harmonisation des limites maximales de résidus (LMR); et l’accès à des pesticides génériques moins coûteux.

Dans quelques cas, des témoins ont recommandé des modifications à la LPA, sinon leurs recommandations portaient sur l’application de cette loi par l’ARLA.

PROBLÈMES LIÉS À LA SANTÉ HUMAINE ET DE L’ENVIRONNEMENT

Plusieurs témoins ont parlé de l’interprétation faite du critère du « risque inacceptable » prévu dans la Loi et de l’utilisation du « principe de précaution » dans l’examen et l’approbation des produits antiparasitaires. Autre sujet souvent soulevé : l’homologation conditionnelle des produits antiparasitaires prévue au paragraphe 12(2) de la LPA, plus particulièrement dans le cas des néonicotinoïdes, un produit lié à la mortalité chez les abeilles. Il a également été question de la protection des travailleurs agricoles contre les risques associés à l’utilisation de produits antiparasitaires, et l’utilisation de pesticides viraux. Les témoignages sur ces questions sont résumés dans les pages qui suivent.

A.  « Risque acceptable » et « principe de précaution »

Plusieurs témoins[2] ont souligné le fait que la LPA a pour objectif premier « de prévenir les risques inacceptables pour les personnes et l’environnement que présente l’utilisation des produits antiparasitaires[3] ». Le paragraphe 2(2) de la LPA énonce :

Pour l’application de la présente loi, les risques sanitaires ou environnementaux d’un produit antiparasitaire sont acceptables s’il existe une certitude raisonnable qu’aucun dommage à la santé humaine, aux générations futures ou à l’environnement ne résultera de l’exposition au produit ou de l’utilisation de celui‑ci, compte tenu des conditions d’homologation proposées ou fixées.

Lors de sa comparution, Richard Aucoin, directeur exécutif de l’ARLA, a parlé du risque inacceptable :

De par leur nature, les pesticides peuvent être des substances dangereuses, c’est pourquoi nous devons prendre des précautions particulières quant à notre façon d’effectuer nos examens scientifiques afin d’assurer qu’il n’existe aucun risque inacceptable. Par exemple, la loi nous oblige à examiner toutes les sources possibles d’exposition, y compris les aliments, l’air et l’eau. Une telle démarche nous permet d’obtenir le portrait le plus juste possible des risques associés à l’utilisation des pesticides.

Certaines couches de la population canadienne, comme les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées, peuvent être plus sensibles aux effets de l’exposition aux pesticides. Dans cette optique, la Loi sur les produits antiparasitaires nous oblige à appliquer des marges de sécurité supplémentaires afin de protéger ces personnes pouvant être vulnérables.

La science ne cesse d’évoluer, et de nouvelles méthodes d’évaluation des risques sont constamment en développement. Il est important de nous tenir au courant de ces méthodes afin d’assurer le plus haut niveau de protection possible aux Canadiens. Même si la loi se veut stricte dans sa démarche visant la protection de la santé et de l’environnement, elle offre néanmoins assez de souplesse pour permettre l’inclusion de nouvelles méthodes scientifiques et de nouveaux processus dans un contexte où le milieu réglementaire change rapidement[4].

Maggie MacDonald, d’Environmental Defence Canada, a d’ailleurs signalé qu’il est question de la notion de « risque acceptable » dans le préambule de la Loi :

Selon son préambule, la loi vise à « homologuer pour utilisation seulement les produits antiparasitaires présentant des risques acceptables lorsqu’il est démontré que celle-ci serait efficace et lorsqu’il peut être établi que les conditions d’homologation préviennent toute conséquence néfaste pour la santé ou la pollution de l’environnement ». Une absence de preuves liées à la présence de risques n’est pas la même chose qu’une preuve démontrant qu’il n’y a aucun risque[5].

De l’avis d’un témoin, l’ARLA évalue adéquatement le risque que présentent les produits antiparasitaires avant de procéder à leur homologation, avec ou sans condition, et il n’est pas nécessaire de « faire preuve de plus de précaution[6] ».

Des scientifiques de partout dans le monde signalent des problèmes quant à la mauvaise utilisation de ce principe de précaution. Certains l’utilisent comme excuse pour faire entrave au progrès et à l’innovation. D’ailleurs, si l’on se fiait à l’interprétation du mot précaution proposée par certains de ces groupes, les producteurs n’auraient aucun outil à leur disposition. Il faut s’assurer que ce point de vue déformé n’occupe pas une place importante au Canada[7].

Le paragraphe 20(2) de la LPA prévoit qu’« [e]n cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures rentables visant à prévenir toute conséquence néfaste pour la santé ou la dégradation de l’environnement ».

Un certain nombre de témoins estimaient cependant que l’ARLA ne fait pas suffisamment preuve de prudence dans l’évaluation des produits antiparasitaires. Selon l’un d’eux, le principe de précaution dicte que

si la commercialisation d’un produit pose un risque, quel qu’il soit, nous devrions nous abstenir de le mettre sur le marché. L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ne suit cependant pas ce principe. Elle dit qu’elle a des doutes sur toutes sortes de choses et elle accorde une homologation conditionnelle. […] Nous devrions vraiment adopter un système selon lequel ce sont les fabricants qui doivent faire preuve de prudence et avoir la responsabilité de prouver qu’il n’y a absolument aucun problème — le public ne devrait pas avoir à prouver qu’il y a un problème après qu’un malheur s’est produit[8].

Lorsqu’on lui a demandé de présenter un exemple d’administration modèle sur le plan de la réglementation des produits antiparasitaires, Lara Tessaro, d’Ecojustice Canada, a mentionné l’Union européenne :

Pour se prononcer sur une demande d’homologation d’un herbicide à usage agricole, par exemple, elle demande effectivement, sous le régime de ses lois sur la protection des végétaux, au demandeur de l’homologation s’il possède des renseignements ou une étude prouvant l’innocuité du produit. Une réponse négative entraîne un refus de l’homologation.

C’est l’application du principe de précaution: faute de prouver l’innocuité du produit, on ne peut pas s’appuyer sur l’ambiguïté scientifique. C’est ce que réussit à très bien faire l’Union européenne[9].

Pour ce qui est du principe de la précaution, les témoins ont indiqué que le paragraphe 20(2) de la LPA fait référence à ce principe[10]. Un témoin a déclaré que le « principe de prudence devrait figurer dans la loi[11] », et un autre a expliqué au Comité que l’ARLA est déjà liée par ce principe :

Le principe de précaution ne s’applique, en droit, qu’à partir d’un certain seuil. C’est codifié dans de nombreuses conventions internationales. Il s’applique lorsqu’il y a un risque de dommages graves irréparables; pas chaque fois qu’il manque des bribes de données ou qu’on est dans l’impossibilité d’agir. Dans le contexte des néonicotinoïdes et de l’absence admise de données essentielles sur leur toxicité pour les abeilles, nous dirions que ce seuil a été atteint.

[…] d’après nous, l’agence est déjà tenue par la loi de prendre des décisions, en matière d’homologation, qui respectent le principe de précaution. Nous prétendons que c’est le cas, du fait de l’arrêt Hudson et Spraytech de la Cour suprême du Canada, il y a une décennie.

Nous ne sommes pas contre l’inclusion, peut-être, d’un renvoi général au principe de précaution dans la loi, ce qui serait approprié, mais nous considérerions cela comme simplement une codification de l’état des choses[12].

Dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, l’Association des apiculteurs de l’Ontario écrit : « Nous croyons que le principe de la prudence devrait s’étendre à tous les pesticides et que ce principe en soi devrait suffire à décréter un refus ou une suspension[13]. »

Dans le contexte du principe de précaution, Meg Sears soutient qu’une « gestion responsable des risques devrait s’appuyer sur la démonstration de la nécessité d’un produit, et de sa supériorité, en matière de répercussions sur la santé et sur l’environnement, à d’autres moyens d’obtenir le même résultat[14] ». Deux autres témoins ont déclaré que les produits antiparasitaires ne devraient être homologués que si le titulaire peut prouver que le produit est nécessaire[15].

Deux mémoires présentés au Comité traitent de l’utilisation de produits antiparasitaires à des fins non agricoles, plus précisément pour éradiquer les punaises de lit. Selon l’un d’eux, il faut approfondir la recherche sur les effets des punaises de lit et des produits chimiques utilisés pour les éliminer sur la santé des Canadiens[16]. Dans l’autre, on insiste sur le fait qu’il faut continuer de se pencher sur le problème des punaises de lit[17].

Vu ce qu’il a entendu au sujet des punaises de lit, le Comité recommande ce qui suit :

RECOMMANDATION 1

Que l’ARLA collabore avec les parties intéressées, y compris les fabricants, pour encourager la recherche sur le développement de nouveaux produits et de stratégies de rechange pour lutter contre les punaises de lit en tout sécurité et qu’elle étudie en priorité les demandes connexes.

B.  Conditions de l’homologation

Aux termes du paragraphe 12(1) de la LPA, le ministre de la Santé (le ministre) peut exiger du titulaire d’un produit antiparasitaire

  • qu’il effectue des essais, accumule des renseignements et surveille l’expérimentation du produit antiparasitaire en vue d’obtenir des renseignements supplémentaires quant à la valeur du produit ou quant à ses effets sur la santé et la sécurité humaines ou sur l’environnement;
  • qu’il lui communique les renseignements en la forme et dans le délai qu’il y précise.

On parle souvent d’« homologation conditionnelle » dans les cas où le ministre exige que des renseignements additionnels lui soient communiqués.

Un témoin a présenté son interprétation du concept d’homologation conditionnelle :

On indique très clairement quand l’homologation conditionnelle peut être utilisée. L’ARLA doit disposer des données suffisantes, sur le plan de la santé humaine et de l’environnement, pour être en mesure d’effectuer une évaluation complète des risques sans les données qui sont conditionnelles. Ce n’est pas qu’il manque des données et qu’on émet des hypothèses sur les éléments de risque, c’est qu’on a suffisamment de données pour prendre une décision sur l’évaluation des risques, tant du point de vue de la santé que de l’environnement.

Souvent, l’homologation conditionnelle permet de demander des données supplémentaires. Il peut s’agir de données de confirmation ou de données à plus grande échelle que celles qui ont été présentées durant l’évaluation. On vise ainsi à confirmer la validité des hypothèses et de l’évaluation du risque. On l’utilise pour de nombreux produits.

[…] C’est une pratique assez courante, et on ne devrait pas considérer cela comme des données manquantes. Ce sont des données de confirmation, et je pense que l’ARLA l’a expliqué en détail au comité sénatorial qui s’est penché sur la santé des pollinisateurs[18].

Dans son mémoire, Ecojustice Canada a émis des réserves au sujet des homologations assorties de conditions.  Selon ce groupe:

La pratique d’homologation conditionnelle de l’Agence ne préoccupe pas seulement les organismes environnementaux. La commissaire à l’environnement et au développement durable a vérifié les pratiques d’homologation conditionnelle (temporaire) de l’Agence en 2003 et en 2008. Dans la vérification de 2008, elle a jugé que l’Agence avait réalisé des progrès insatisfaisants pour régler le problème du recours massif aux homologations conditionnelles temporaires[19].

Lara Tessaro a expliqué que l’Agence de protection environnementale des États‑Unis effectue un suivi en ligne des homologations conditionnelles. Elle a recommandé que l’article 42 de la LPA, qui prévoit que le ministre doit établir et tenir à jour un registre des produits antiparasitaires, soit modifié « pour exiger que le registre public électronique publie les mêmes renseignements sur les pesticides homologués sous condition qui sont publics aux États-Unis[20] ».

Un témoin a observé qu’il « est important que l’ARLA ait la capacité d’imposer des conditions à l’homologation. Notre préoccupation n’est pas liée à l’homologation conditionnelle en général, mais plutôt au renouvellement de l’homologation lorsque les conditions imposées au départ ne sont pas satisfaites dans la période allouée[21]. »

Les témoins qui désapprouvaient du traitement par l’ARLA des homologations assorties de conditions étaient particulièrement inquiets du recours à l’homologation conditionnelle dans le cas des néonicotinoïdes[22].

C.  Protection des travailleurs agricoles

La protection des travailleurs agricoles contre les pesticides figurait parmi les sujets préoccupants pour la santé soulevés. Andrew Gage, de la West Coast Environmental Law Association, a expliqué au Comité que « l’ARLA compte énormément sur les étiquettes de pesticides pour contrôler l’exposition aux produits dangereux[23] ». Or, il est difficile de savoir à quel point les directives sur les étiquettes sont respectées dans les champs.[24] Toujours au sujet de la santé des travailleurs agricoles, le Comité a appris que même lorsque des risques pour la santé ont été signalés et que les produits antiparasitaires sont réévalués, beaucoup de temps s’écoulent parfois avant la mise en place de mesures de protection provisoires, de sorte que les travailleurs sont potentiellement exposés à des risques[25].

M. Gage a laissé entendre que l’ARLA pourrait mieux protéger les travailleurs agricoles si elle prenait en considération leur exposition aux produits antiparasitaires à la fois en milieu de travail et ailleurs[26].

D.  Pesticides viraux

Le Comité a entendu que certains virus (comme les baculovirus qui infectent les insectes et les bactériophages qui détruisent des bactéries) et des organismes biologiques sont approuvés à titre de pesticides. Richard Aucoin a précisé que ces produits « sont assujettis à une évaluation des risques très particulière[27] ».

Vu les préoccupations pour la santé humaine et de l’environnement exprimées par plusieurs témoins lors de leur témoignage et dans des mémoires, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2 

Que l’ARLA examine le recours à des conditions d’homologation afin de s’assurer que ces conditions sont utilisées d’une manière qui protège la santé des Canadiens et de leur environnement.

COMMUNICATION, PROCESSUS DE CONSULTATION ET TRANSPARENCE

Richard Aucoin de l’ARLA a expliqué au Comité que l’un des plus grands défis pour son organisme était la communication avec le public :

Je dois avouer, très honnêtement, que la communication des risques à la population constitue un défi. Nous sommes une organisation scientifique. Les données et les renseignements que nous utilisons pour prendre nos décisions sur les pesticides sont très compliqués. Ils le sont vraiment. Je pense qu’un de mes plus grands défis au cours des prochaines années sera d’améliorer la communication avec la population.

Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, il ne suffit pas d’être transparent avec la population. Il faut aussi savoir si nous sommes entendus. Est-ce qu’on communique vraiment avec la population? Nous ne voulons pas seulement diffuser beaucoup d’information scientifique, nous voulons aussi que les Canadiens comprennent bien sur quoi reposent nos décisions. C’est donc là à la fois un défi et une priorité pour nous au cours des deux prochaines années[28].

Certains témoins étaient d’accord que l’ARLA doit améliorer la communication avec les Canadiens en général. Pierre Petelle (CropLife Canada) a déclaré que la sensibilisation du public à la question des pesticides est « un aspect que le gouvernement peut améliorer et qu’il doit le faire[29] ». Il a soutenu que le gouvernement doit « prendre la défense du système de réglementation et […] contribuer à l’éducation des Canadiens concernant la sécurité des produits que les agriculteurs utilisent pour produire leurs aliments[30] ». Shannon Coombs, de l’Association canadienne de produits de consommation spécialisés, a fait remarquer que « les Canadiens qui sont au courant du rôle de Santé Canada dans le processus réglementaire ont confiance en ce processus. Santé Canada devrait en faire plus pour faire connaître ce que le ministère fait en vue de protéger la santé et l’environnement des Canadiens en ce qui concerne les produits antiparasitaires[31]. »

D’autres témoins ont insisté sur la nécessité de rendre le processus d’approbation plus transparent et sur l’importance d’offrir plus d’occasions de communiquer des données sur les produits dont on envisage l’homologation. Lors de son comparution devant le Comité, Richard Aucoin, de l’ARLA, a déclaré qu’en « vertu des dispositions très précises de la loi en la matière, les activités réglementaires de notre agence doivent être facilement accessibles au public [32] ». Il a expliqué :

[A]vant de prendre une telle décision à propos d’un nouveau pesticide, nous [l’ARLA] rendons publics les résultats de nos examens scientifiques pour savoir si les gens ont des préoccupations, des observations ou des ajouts à suggérer. En outre, le public peut prendre connaissance des données sur nos essais scientifiques et des renseignements sur lesquels nous nous fondons pour en arriver à nos décisions. Les Canadiens peuvent avoir recours à ces mécanismes pour faire valoir leurs opinions et leurs préoccupations à l’égard de nos propositions de décisions réglementaires[33].

Certains témoins estimaient toutefois que le processus de consultation de l’ARLA laisse à désirer. Par exemple, John Bennett, de la Fondation du Sierra Club du Canada, a affirmé, en parlant des consultations, que :

[L’ARLA] ne le fait qu’après avoir pris les décisions, et qu’il n’est pas possible pour les gens de connaître les raisons scientifiques qui l’amènent à prendre ses décisions. On donne aux gens l’occasion de donner leur point de vue, mais ce n’est pas possible pour eux de le faire vraiment, car ils ne peuvent pas examiner les données scientifiques sur lesquelles l’agence s’est basée pour prendre sa décision.

Il ne s’agit pas de vraies consultations. On parle plutôt d’une campagne de relations publiques visant à faire un petit crochet dans la case « commentaires »[34].

Il a recommandé que la LPA soit modifiée afin d’établir un comité d’examen formé de citoyens « incluant des spécialistes qui examineraient les décisions, les politiques et les pratiques de l’ARLA et qui fourniraient des avis à la ministre[35] ».

Lara Tessaro a exposé que le problème lié aux consultations publiques (exigées par l’article 28 de la LPA) est en partie attribuable au fait que

l’agence dispense la grande majorité des homologations et la grande majorité des modifications aux homologations de faire l’objet d’avis publics ou de consultations publiques […] [en raison des] articles 14, 15 et 16 du Règlement sur les produits antiparasitaires […] [qui] visent à exempter la plupart des homologations conditionnelles et la plupart des modifications aux homologations conditionnelles de devoir répondre à trois exigences, c’est-à-dire l’exigence liée aux avis publics et aux consultations publiques, l’exigence de permettre à la population de présenter une objection et l’exigence de s’acquitter de certaines obligations en matière de transparence[36].

Elle a d’ailleurs recommandé l’abrogation de ces trois articles du Règlement.

Des témoins ont également signalé qu’il est difficile d’obtenir des renseignements sur les produits antiparasitaires homologués et les informations sur lesquelles l’ARLA fonde ses décisions, précisant que les documents peuvent être consultés seulement dans la salle de lecture de l’Agence et que l’on « n’est pas autorisé à voir les documents les plus importants, ce qu’ils appellent les rapports d’évaluation des données[37] ». Comme l’a mentionné Lara Tessaro, le registre électronique public que le gouvernement est tenu de mettre en place en vertu de l’article 42 de la Loi ne contient pas toujours les renseignements requis, et il s’agit d’un « outil très difficile à utiliser pour la population[38] ». Elle a d’ailleurs recommandé que la LPA soit modifiée « pour exiger que l’agence vérifie l’accessibilité et l’exhaustivité de son registre public sous forme électronique[39] ».

Au sujet de l’amélioration de la transparence concernant l’utilisation et la vente de pesticides, Andrew Gage, de la West Coast Environmental Law Association, a signalé que le règlement sur la production de rapports pris en vertu de la LPA exige que les personnes inscrites communiquent les quantités de tous les pesticides qu’elles vendent par province. Il était d’avis que la communication de ces renseignements (comme on le fait dans plusieurs États américains) aux Canadiens contribuerait à informer et à protéger les travailleurs agricoles et d’autres groupes vulnérables[40].

À la lumière des préoccupations au sujet de la communication, du processus de consultation et de la transparence exprimées par plusieurs témoins lors de leur témoignage ainsi que dans des mémoires, le Comité recommande

RECOMMANDATION 3 

Que l’ARLA vérifie l’ouverture et la transparence de ses processus d’homologation des produits antiparasitaires pour faire en sorte que les Canadiens puissent apporter des commentaires utiles et éclairés dans le cadre du processus décisionnel et qu’ils puissent bien comprendre les décisions prises.

FINANCEMENT DE L’ARLA

Deux témoins et un mémoire ont traité de l’importance d’accorder un financement adéquat à l’ARLA. Un témoin a mentionné le processus actuel de recouvrement des coûts de l’Agence pour les consultations et appuyait la proposition d’accroître les frais d’utilisation : « il faut davantage de fonds pour permettre à l’ARLA de poursuivre la prestation de ses programmes actuels, d’atteindre ses objectifs et de respecter les mesures de performance établies [41] ». Dans un mémoire, Producteurs de Grains du Canada était aussi d’accord pour une hausse de ces frais[42]. Gord Kurbis a signalé que « [m]ême le Conseil consultatif de la lutte antiparasitaire de l’ARLA a souligné que les niveaux de financement de l’ARLA en appui à ses activités [leadership dans le cadre de discussions internationales au sujet des seuils de tolérance internationaux] sont inadéquats[43] ». Il a recommandé « de verser les fonds recueillis [frais accrus demandés à l’industrie pour le traitement des demandes d’homologation] à l’ARLA plutôt que dans la trésorerie générale de façon à l’aider à combler son manqué [sic] de ressources[44] ».

Vu l’importance des travaux réalisés par l’ARLA, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 4 

Que Santé Canada mette de l’avant un projet de recouvrement des coûts liés aux pesticides afin de moderniser les frais d’utilisation.

HARMONISATION DES LIMITES MAXIMALES DE RÉSIDUS

On entend par « limites maximales de résidus » (LMR) « la quantité maximale de résidus de pesticides qu’on peut légalement autoriser dans un produit alimentaire[45] ». Quelques témoins ont insisté sur le fait que l’ARLA doit continuer de participer activement aux examens mixtes et aux activités d’harmonisation de la réglementation visant à établir des LMR harmonisées pour s’assurer que les produits agricoles canadiens peuvent être exportés en toute sécurité[46]. Comme l’a expliqué Corey Loessin, de Pulse Canada,

Le problème, c’est que les systèmes d’évaluation du Canada et des pays importateurs ne sont pas harmonisés. Il est donc difficile pour les agriculteurs comme moi de savoir si le grain cultivé respecte les LMR des différents systèmes de réglementation. Les risques sont élevés.

[…]

Chaque année, les risques augmentent en raison des essais de plus en plus détaillés — on parle de parties par billions — et du nombre croissant de pays qui adoptent leur propre système. Le Canada doit maintenir son leadership à l’échelle mondiale par l’entremise de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Il doit poursuivre ses efforts dans ce domaine afin de faire face aux défis croissants et l’examen de la Loi sur les produits antiparasitaires doit faire en sorte que cette loi ne devient pas un obstacle à l’harmonisation[47],

ACCÈS À DES PRODUITS GÉNÉRIQUES DE PROTECTION DES RÉCOLTES MOINS COÛTEUX

Bob Friesen, de Farmers of North America, a insisté dans son exposé sur l’importance de l’accès à des produits génériques de protection des récoltes moins coûteux[48]. Il a expliqué :

Malheureusement, le règlement dans la loi permet aux titulaires de droits de retarder le processus et, dans certains cas, d’empêcher des fabricants de produits génériques d’homologuer des produits génériques économiques.

[…] Actuellement, le Canada est l’un des pays où il est le plus difficile d’homologuer un produit générique. Par conséquent, certains fabricants de produits génériques ont retiré leurs demandes et ont revu leur plan d’affaires concernant le Canada.

Environ seulement 15 % de nos produits de protection des cultures au Canada sont génériques, alors que c’est à 50 % aux États-Unis[49].

M. Friesen a présenté certains des obstacles dans la LPA qui font entrave à l’accès à des produits génériques, tout en précisant que « l’ARLA s’est enfin engagée à essayer de trouver des solutions aux problèmes que pose le règlement dans le cadre législatif. Je tiens à demander au ministre et au comité de suivre le dossier et de s’assurer de maintenir la cadence[50]. »

Puisqu’il est important que les producteurs agricoles sachent que leurs produits seront acceptés à l’étranger, le Comité recommande

RECOMMANDATION 5

Que l’ARLA continue à jouer un rôle de leadership pour réduire les irritants commerciaux en participant aux efforts de coopération en matière de réglementation, comme l’harmonisation des LMR, et qu’elle s’efforce d’éliminer les autres obstacles non tarifaires.


[1]              Santé Canada, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire —- Rapport annuel 2013-2014, janvier 2015.

[2]              Voir, par exemple, HESA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 3 février 2015, 1535 (Pierre Petelle, vice‑président, Chimie, CropLife Canada); 5 février 2015, 1445 (Lara Tessaro, avocate-conseil, Ecojustice Canada).

[3]              Paragraphe 4(1), Loi sur les produits antiparasitaires, L.C. 2002, ch. 28.

[4]              HESA, Témoignages, 27 janvier 2015, 1630 (Richard Aucoin, directeur exécutif, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada).

[5]              HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1655 (Maggie MacDonald, gestionnaire du programme des produits chimiques toxiques, Environmental Defence Canada).

[6]              HESA, Témoignages, 3 février 2015, 1535 (P. Petelle, CropLife Canada).

[7]              Ibid.

[8]              HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1535 (John Bennett, directeur du programme national, Fondation du Sierra Club du Canada).

[9]              HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1510 (L. Tessaro, Ecojustice Canada).

[10]           Le paragraphe 20(2) de la Loi sur les produits parasitaires, L.C. 2002, ch. 28 prévoit : « Si, au terme des évaluations et des consultations requises, il conclut que la valeur du produit antiparasitaire et les risques sanitaires et environnementaux qu’il présente sont acceptables, le ministre confirme l’homologation. ».

[11]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1535 (J. Bennett, Fondation du Sierra Club du Canada).

[12]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1730 (L. Tessaro, Ecojustice Canada).

[13]           Association des apiculteurs de l’Ontario, Lettre au président, 5 février 2015.

[14]           Meg Sears, Au Comité permanent de la santé, au sujet de l’examen législatif de la Loi sur les produits antiparasitaires, 5 février 2015.

[15]           HESA, Témoignages, 1535 (J. Bennett, Fondation du Sierra Club du Canada); Association des apiculteurs de l’Ontario, Lettre au président, 5 février 2015.

[16]           ACORN Canada, Mémoire présenté au Comité de la santé par ACORN Canada, concernant l’examen législatif de la Loi sur les produits antiparasitaires.

[17]           Janet Davis, OBJET : Examen législatif de la Loi sur les produits antiparasitaires, 26 février 2015.

[18]           HESA, Témoignages, 3 février 2015, 1700 (P. Petelle, CropLife Canada).

[19]           Ecojustice Canada, Mémoire au Comité permanent de la santé dans le cadre de l'examen législatif de la Loi sur les produits antiparasitaires, Lara Tessaro et Tanya Naylor.

[20]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1650 (L. Tessaro, Ecojustice Canada).

[21]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1655 (M. MacDonald, gestionnaire du programme des produits chimiques toxiques, Environmental Defence Canada).

[22]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1535 (J. Bennett, Fondation du Sierra Club du Canada); HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1730 (L. Tessaro, Ecojustice Canada); 1655 (M. MacDonald, Environmental Defence Canada).

[23]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1635 (Andrew Gage, avocat-conseil, West Coast Environmental Law Association).

[24]           Ibid.

[25]           Ibid., 1440.

[26]           Ibid.

[27]           HESA, Témoignages, 27 janvier 2015, 1725 (R. Aucoin, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire).

[28]           Ibid., 1720.

[29]           HESA, Témoignages, 3 février 2015, 1540 (P. Petelle, CropLife Canada).

[30]           Ibid.

[31]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1600 (Shannon Coombs, présidente, Association canadienne de produits de consommation spécialisés).

[32]           HESA, Témoignages, 27 février 2015, 1630 (R. Aucoin, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire).

[33]           Ibid.

[34]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1535 (J. Bennett, Fondation du Sierra Club du Canada).

[35]           Ibid.

[36]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1650 (L. Tessaro, Ecojustice Canada).

[37]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1535 (J. Bennett, Fondation du Sierra Club du Canada).

[38]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1645 (L. Tessaro, Ecojustice).

[39]           Ibid.

[40]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1640 (A. Gage, West Coast Environmental Law Association).

[41]           HESA, Témoignages, 3 février 2015, 1535 (Jan Dyer, Canadian Canola Growers Association).

[42]           Producteurs de grains du Canada, Lettre au président, 19 février 2015.

[43]           HESA, Témoignages, 3 février 2015, 1600 (Gord Kurbis, Pulse Canada).

[44]           Ibid.

[45]           HESA, Témoignages, 27 janvier 2015, 1700 (R. Aucoin, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire).

[46]           HESA, Témoignages, 3 février 2015, 1530 (J. Dyer, Canadian Canola Growers Association); 1540 (P. Petelle, CropLife Canada); 1545 (Corey Loessin, vice-président, conseil d’administration, Saskatchewan Pulse Growers, Pulse Canada).

[47]           Ibid., 1545 (C. Loessin, Pulse Canada).

[48]           HESA, Témoignages, 5 février 2015, 1540 (Bob Friesen, vice-président, Affaires gouvernementales, président-directeur général, Farmers of North America Strategic Agriculture Institute, Farmers of North America).

[49]           Ibid., 1545.

[50]           Ibid., 1550.