INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 2: LES DÉFIS ET LES OPPORTUNITÉS ET LE RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ, DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT ET DU GOUVERNEMENT FÉDÉRALA. Pénurie de main-d’œuvre qualifiée et expérimentéeDeirdreAyre (membre, Other Ocean Group Canada, Alliance interactive canadienne), PierreMoisan, (vice-président, Affaires stratégiques et opérationnelles, Frima Studio), M.Lutz, MmePoulin, MmeVerge, M.Henderson, M.Hilchie et M.Carrier ont fait état de la pénurie de main‑d’œuvre qualifiée et expérimentée au sein de l’industrie canadienne du jeu vidéo. Selon leur analyse, trois grands facteurs expliquent cette pénurie:
i) Le rôle des programmes gouvernementauxBien qu’ils disent préférer embaucher, à compétences et à expériences égales, un travailleur canadien plutôt qu’un travailleur étranger, M.Lutz, M.Moisan, M.Hilchie, MmePoulin et MmeAyre ont indiqué que, au Canada, il est parfois impossible de trouver des employés appropriés sans les voler à un concurrent. Selon les témoins, pour atténuer la pénurie, il y aurait lieu d’améliorer et de faciliter l’accès aux travailleurs étrangers à l’aide du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) et, plus particulièrement, au moyen de son volet de transfert intra-entreprise. MmeAyre a noté que les cadres intermédiaires et supérieurs embauchés à l’étranger devenaient souvent des mentors pour les employés canadiens moins expérimentés. Elle estime que pour chaque cadre supérieur embauché à l’étranger, on compte trois ou quatreemployés canadiens débutants dans l’industrie canadienne du jeu vidéo. M.Hilchie a affirmé que les retards dans le traitement des avis relatifs au marché du travail (AMT) et dans la délivrance des permis de travail se font de plus en plus fréquents en raison des modifications apportées au PTET, adoptées pour prévenir les abus du programme qui sont survenus dans d’autres industries. Pour sa part, MmePoulin s’est dite préoccupée par les retards et la bureaucratie associée au programme de transfert intra-entreprise: Nous faisons face à certains obstacles au cours du processus d’embauche au plan international, notamment les longs délais encourus pour obtenir des avis sur le marché du travail, surtout depuis la suspension du processus accéléré, des resserrements proposés au programme de transfert intra-entreprise, une limite de quatre ans pour les permis de travail, des délais et un traitement inégal dans les ambassades, etc. Tout cela complique beaucoup le processus servant à trouver ces ressources, qui sont vraiment essentielles pour nous. Au sujet des modifications potentielles au programme de transfert intra-entreprise, M.Lutz a prévenu que la productivité d’EA pourrait grandement souffrir si l’on adoptait les modifications faisant passer de un à troisans le nombre minimal exigé d’années d’expérience, majorant d’au moins 30% la rémunération des employés étrangers et bloquant l’accès aux sociétés qui emploient trop de travailleurs étrangers. Alexis Conrad (directeur général, Direction des travailleurs étrangers temporaires, Emploi et Développement social Canada) a expliqué que le ministère avait eu l’occasion de rencontrer de nombreux représentants de l’industrie du logiciel de divertissement et que le gouvernement est conscient que l’industrie a besoin de pouvoir embaucher sans délai indu des travailleurs étrangers. DavidManicom (directeur général, Direction générale de l’immigration, Citoyenneté et Immigration) a indiqué que le PTET sert à attirer des travailleurs étrangers hautement qualifiés pour qu’ils en viennent à s’établir au Canada de manière permanente et à obtenir la citoyenneté. M.Conrad a indiqué que, par les récentes réformes au PTET et par les modifications à venir, le gouvernement veut faire en sorte que les employeurs ayant un bon dossier et ayant démontré le manque de Canadiens en mesure d’occuper un poste bien rémunéré aient un accès rapide à des travailleurs étrangers temporaires. Comme l’a expliqué M.Conrad, l’objectif des réformes est de s’assurer que l’on ne fait pas appel à des travailleurs étrangers temporaires pour ne pas devoir embaucher des travailleurs canadiens ou pour contourner un processus d’embauche traditionnel visant l'embauche et la formation de Canadiens. Ce dernier élément est la raison pour laquelle le gouvernement met en place des dispositions obligeant les sociétés qui font une demande pour embaucher des travailleurs étrangers temporaires de présenter un plan détaillant les mesures qu’elles prendront pour faire la transition vers l’embauche de travailleurs canadiens. M.Manicom a mentionné que, pour embaucher un travailleur étranger, les employeurs doivent d’abord présenter une demande à Emploi et Développement social Canada pour obtenir un AMT. Une fois cette permission accordée, l’employé potentiel peut présenter une demande d’autorisation de travail à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). S’ils passent par le volet de transfert intra‑entreprise du PTET, les employeurs sont exemptés du processus entourant l’AMT. M.Manicom a fait remarquer que le volet de transfert intra-entreprise fait l’objet d’un examen par le gouvernement fédéral et que des consultations avec les employeurs et les intervenants ontlieu. M.Manicom a également fait observer que d’autres programmes, comme la Catégorie de l’expérience canadienne et le Programme fédéral des travailleurs qualifiés, visent à attirer des professionnels hautement qualifiés au Canada. CIC déploiera un nouveau système électronique pour ces programmes en janvier 2015 afin de gérer les demandes d’immigration de type «économique». Ce nouveau système permettra aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, de même qu’aux employeurs, de cibler activement des immigrants hautement qualifiés et de les diriger vers les postes vacants au Canada nécessitant les compétences qu’ilsdétiennent. ii) Le rôle des programmes universitairesSur la question des pénuries de main-d’œuvre, JocelynBenoit, professeur, École des arts numériques, de l'animation et du design, qui a comparu à titre personnel, a présenté les suggestions suivantes pour accroître le nombre de travailleurs canadiens qualifiés et expérimentés dans l’industrie du jeu vidéo:
Sur ce dernier aspect, M.Benoit a cité l’exemple d’Ubisoft, qui a lancé un concours interuniversitaire du meilleur prototype de jeu vidéo. Une fois le meilleur concept sélectionné, une équipe de40 à50 personnes est formée pour produire le jeu dans les locaux de l’université. Il y a d’abord un mentorat de la part de professeurs, puis de la part de professionnels d’Ubisoft. Certains témoins ont fait valoir qu’il serait également possible d’atténuer à long terme la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et expérimentée si l’on améliorait les programmes universitaires menant à une carrière dans l’industrie du jeu vidéo. À ce sujet, M.DellaRocca a insisté sur l’importance, au collège et à l’université, de former des étudiants à l’entrepreneuriat et d’améliorer leur capacité de réaction plutôt que d’axer exclusivement leur formation sur l’emploi. En outre, RichardSmith, directeur et professeur, Master of Digital Media Program, Centre for Digital Media, a indiqué que le programme Master of Digital Media comprend de la formation entrepreneuriale et appuie les projets d’entrepreneuriat. Il a également noté que bon nombre des étudiants du programme ont lancé leur propre entreprise, soit durant leurs études, soit après l’obtention de leur diplôme. Le Comité a appris que les frais annuels d’inscription au programme sont d’environ 30000$ pour un étudiant canadien et de 52000$ pour un étudiant étranger puisque l’école fonctionne au seuil de la rentabilité et ne jouit d’aucune subvention gouvernementale lui permettant de réduire ses frais d’inscription. En ce qui concerne la formation artistique, M.Peacock est d’avis que les collèges et les universités devraient offrir des programmes d’études en théâtre et de la formation en cours de carrière pour donner aux étudiants les compétences artistiques que recherchent les concepteurs de jeux vidéo (interprétation vocale, jeu d’acteur en capture de mouvement, etc.). B. Compétitivité fiscaleTel que présenté au tableau 1, en 2013, six provinces offraient des crédits d’impôt à leur industrie du jeu vidéo. Bien que les taux et les montants de ces crédits varient d’une province à l’autre, tous les crédits sont des dépenses fiscales qui subventionnent le coût de la main-d’œuvre. Tableau 1 – Crédits d’impôt provinciaux pour l’industrie du jeu vidéo, 2013
Source: PricewaterhouseCoopers LLP, Digital media and animation incentives in Canada 2013. [Disponible en anglais seulement] À l’heure actuelle, il n’existe aucun crédit d’impôt fédéral visant précisément l’industrie canadienne du jeu vidéo. Cela dit, les concepteurs de jeux vidéo sont admissibles au Programme d’encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE) du gouvernement fédéral, de même qu’à plusieurs autres initiatives fédérales visant à encourager la recherche, le développement et l’innovation. M.DellaRocca a expliqué le fonctionnement du crédit d’impôt disponible au Québec pour la production des titres multimédias comme suit: Dans l’industrie des jeux, l’allègement fiscal porte sur la main-d’œuvre. AuQuébec, il se chiffre à 37,5% pour la main-d’œuvre. Si mon équipe de programmeurs, d’artistes, de concepteurs et d’autres professionnels me coûte 1million de dollars, je recevrai en fin d’année 375000$ du gouvernement provincial après avoir soumis ma déclaration. M.Henderson a dit au Comité que des gouvernements de partout au monde cherchent à attirer les investissements des entreprises conceptrices de jeux vidéo puisque celles-ci créent des emplois très bien rémunérés et génèrent d’énormes recettes fiscales. À cet égard, M.Hilchie a fait valoir que l’adoption de crédits d’impôt est maintenant pratique courante, citant en exemple le cas desÉtats‑Unis, où 25États offrent des crédits d’impôt pour les médias numériques ou la production de jeux vidéo. MmeVerge a noté qu’il est important pour le Canada de conserver sa compétitivité fiscale tant en ce qui concerne les crédits d’impôt provinciaux que le programme RS&DE puisque ces mesures incitatives favorisent les studios canadiens lorsque Ubisoft, qui est présent dans 28pays, détermine où sera produit son prochain jeu. En effet, la concurrence pour les investissements se produit non seulement entre les entreprises conceptrices de jeux vidéo, mais également entre les différents studios d’une même entreprise. MmeVerge a également souligné le fait que les crédits d’impôt provinciaux permettent aux concepteurs de jeux vidéo de prendre davantage de risque, de faire preuve d’une plus grande créativité et d’innover. M.Henderson a indiqué que les crédits d’impôt provinciaux et le programme de RS&DE du fédéral étaient utilisés par les entreprises de l’Ontario pour favoriser leur croissance, créer de nouvelles propriétés intellectuelles et améliorer leurs marques. À ce sujet, MichaelSchmalz, président, Digital Extremes, a déclaré que son entreprise a conçu, au cours des 10dernières années, sa propre technologie de conception de jeux avec l’aide du programme fédéral de RS&DE. M.Lutz a informé le Comité qu’EA présente des demandes au programme de RS&DE dans toutes les provinces canadiennes où l’entreprise a des studios. Ce programme est l’un des principaux facteurs qui incitent EA à mener des activités de recherche et de développement au Canada. M.Lutz et MmePoulin ont fait valoir que les sociétés multinationales devraient être traitées de manière équitable dans le programme de RS&DE puisque ces sociétés, comme EA et Ubisoft, mènent des activités de recherche et de développement considérables et innovatrices au Canada. SaraMorton, directrice, Interactive Ontario, MaritStiles, directrice, Politiques publiques et communications, ACTRA – National, et M.Henderson ont recommandé la création d’un crédit d’impôt fédéral pour les médias numériques interactifs qui complèterait les crédits provinciaux enplace. C. Accès au financement de démarrageDe nombreux témoins ont décrit la difficulté d’accès au financement de démarrage comme un obstacle à la création d’entreprises canadiennes de logiciel du divertissement. M.DellaRocca a décrit les différentes étapes du financement de projets ainsi: Différents investissements se font à différentes étapes. À la toute première, l’investissement est souvent dicté par un sentiment proche de l’amour fou, parce qu’il faut être assez fou pour le faire. C’est là qu’interviennent les oncles riches et les investisseurs providentiels. Il y a ensuite l'investissement de prédémarrage ou en début de croissance. À Montréal, un exemple serait Real Ventures, très actif dans la création de l'écosystème des entreprises de démarrage. Ce n'est pas avant la rentabilité, la production de revenus, pas avant le besoin de capitaux pour la croissance qu'interviennent Fondaction et la FTQ. Il est beaucoup trop risqué pour eux d'investir par sentiment et au début de la croissance, parce que le taux d'échecs est très élevé et les enjeux beaucoup plus petits. En général, ils versent de plus gros montants à un stade ultérieur. Selon M.Carrier, l’accès au financement est très important pour les plus petites entreprises de l’industrie des jeux vidéo. Cela peut se faire par la disponibilité du financement par le biais du Fonds des médias du Canada, par exemple, ou encore par un accès au capital de risque. Hibernum, qui a été appuyé par le Fonds d’investissement de la culture et des communications du Québec, cofinancée par le Fonds de solidarité de la FTQ, a été cité comme un exemple. M.Della Rocca a quant à lui souligné l’importance des fonds de démarrage pour les petites entreprises du secteur, en donnant Real Ventures en exemple de réussite, également financé par le Fonds de solidarité. Selon KhaledShariff, directeur général, Project Whitecard Inc., si le capital de risque était facilement accessible au Canada, les crédits d’impôt pour l’industrie du logiciel de divertissement ne seraient pas nécessaires. En outre, M.Shariff est d’avis que l’aide du gouvernement devrait être soumise au marché, c’est-à-dire que le soutien financier dépende de l’obtention de capital de risque au sein du secteur privé. M.DellaRocca a présenté une perspective différente, expliquant que les encouragements fiscaux sont pratiquement inutiles pour une entreprise en démarrage puisque, pour en tirer profit, l’entreprise doit d’abord avoir de l’argent et en dépenser. M.DellaRocca a ajouté que les gouvernements ne devraient pas nécessairement optimiser les allègements fiscaux, mais qu’ils devraient plutôt diversifier les types de programmes d’aide gouvernementaux, en investissant dans les entreprises en démarrage, par exemple. M.DellaRocca a applaudi le Fonds des médias du Canada, qui finance la production au démarrage et aide à produire du contenu, et a souligné que les effets bénéfiques du soutien financier aux jeunes entreprises, notamment la formation de jeunes employés dans leur milieu detravail. M.DellaRocca a également affirmé qu’il y a toute une tendance en faveur des entreprises en démarrage et de l’entrepreneuriat et a souligné le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral pour fournir du capital de risque. Il a toutefois indiqué que l’industrie du logiciel de divertissement ne tire pas nécessairement profit de ces tendances. À cet égard, il a fait valoir que le repositionnement de l’industrie vers les jeux mobiles et en ligne change la dynamique d’investissement dans l’industrie, qui accorde désormais plus d’importance stratégique au capital de risque. M.DellaRocca a également expliqué que si l’on facilite l’accès aux capitaux en début de croissance, l’effet serait spectaculaire sur le volume et la vitesse d’évolution des nouvelles entreprises et la création de nouvelles propriétés intellectuelles au Canada. M.DellaRocca a indiqué que cette approche pourrait protéger l’industrie du «dilemme de l’innovateur»: Pour résumer [le propos du livre The Innovator’s Dilemma], les causes mêmes du succès d’une entreprise, aujourd’hui, sont celles qui l’empêcheront de réussir demain. Notre propre réussite nous empêche d’apercevoir les changements et les bouleversements actuels. La meilleure solution qui permet de trancher le dilemme de l’innovateur consiste à créer et à appuyer de jeunes entreprises qui ne s’embarrassent pas des règles qui ont mené à la réussite d’hier; elles peuvent explorer de nouveaux territoires, expérimenter et connaître l’échec; elles peuvent devenir la nouvelle coqueluche. Toutes les ressources et tous les soins consacrés au paradigme actuel seront complètement perdus quand il sera remplacé par un autre. Selon MmeMorton, la meilleure façon pour les gouvernements d’augmenter la quantité de capital de risque serait d’offrir aux financiers privés des fonds de contrepartie plutôt que de sélectionner des gagnants. Elle note également que les mesures fiscales visant à appuyer le financement à un stade précoce méritent d’être prises en considération. À ce sujet, SergeLandry, président et chef de la direction, Alliance interactive canadienne, a précisé que ce ne sont pas tous les types de capital de risque qui manquent au Canada; le problème d’accès au financement touche surtout le financement de démarrage, c’est-à-dire l’aide financière au démarrage de 100000 à 2millions de dollars. M.Landry a également suggéré que le gouvernement fédéral envisage de mettre en place une politique de financement collectif semblable à celle adoptée par le Royaume-Uni. D. Création de marques et de propriétés intellectuelles canadiennesPlusieurs témoins, notamment M.Moisan, M.DellaRocca, M.Landry et M.Benoit, ont fait valoir qu’il est important de créer des marques et des propriétés intellectuelles canadiennes si l’on veut que le Canada tire profit au maximum de son industrie du jeu vidéo. M.DellaRocca a recommandé l’établissement de nouvelles mesures du succès, par exemple: 1) le volume de la nouvelle propriété intellectuelle créée; 2) le nombre de nouvelles entreprises en démarrage; et 3) les montants des fonds et des capitaux de risque investis. M.Moisan, M.Shariff et MmeAyre ont souligné le rôle important que joue le Fonds des médias duCanada dans la création des nouvelles propriétés intellectuelles au pays. M.Moisan a qualifié d’«essentiel» le rôle du programme, et M.Shariff et MmeAyre estiment que les fonds accordés par le programme devraient augmenter ou, du moins, ne pas diminuer. M.Shariff a toutefois recommandé de simplifier le processus de demande de participation au programme. Il a affirmé que, au cours des quelques dernières années, il a eu «peut-être plus de 1000 pages à remplir» pour présenter des demandes. Il a ajouté que même les réponses de 100pages sont trop longues, et a cité l’exemple d’un projet appuyé par la National Aeronautics and Space Administration (NASA) desÉtats-Unis, où la réponse faisait 15pages en plus d’une présentation. M.Moisan a souligné le fait que le besoin de subventions diminuera lorsque le Canada possèdera ses propres marques, ajoutant que «Garfield et Mickey Mouse n’ont pas besoin d’être subventionnés». Au sujet des subventions gouvernementales, M.Henderson a exprimé des réserves, indiquant que l’objectif des subventions devrait être le développement de l’industrie plutôt que la subvention de produits culturels. M.Henderson a ajouté que le soutien aux médias numériques interactifs doit permettre au gouvernement de recouvrer ses investissements par l’intermédiaire de l’emploi et de l’impôt, par exemple. Pour sa part, M.Benoit a noté que beaucoup de fonds sont disponibles pour la recherche appliquée en génie et en programmation, mais que peu de fonds soutiennent le domaine artistique, comme la conception de jeux vidéo et la conception des différents niveaux. M.Benoit a recommandé de rendre plus accessibles les fonds de recherche liés aux aspects visuel et narratif de la production de jeux vidéo. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, selon M.Lutz, les pays qui appliquent les lois les plus rigoureuses en matière de protection de la propriété intellectuelle sont ceux qui réussiront dans l’ère de l’économie numérique. Il a applaudi la Loi sur la modernisation du droit d’auteur de2012, la qualifiant de premier pas décisif dans cette direction pour le Canada. E. Nouvelles opportunités de croissance: exemple de l'étrangerLes ventes de jeux vidéo par internet ont permis aux entreprises de joindre de plus en plus facilement un public mondial; grâce à la distribution en ligne, la vente de jeux vidéo sur le marché asiatique est désormais aussi simple que la vente de ces mêmes jeux sur le marché local. Les ventes en ligne ont entraîné une réduction radicale des coûts de distribution et une augmentation correspondante des possibilités pour les nouvelles entreprises canadiennes en croissance. En effet, le succès d'un seul titre de jeu vidéo pour une nouvelle entreprise peut mettre celle-ci sur une voie rapide qui la mènera à une évaluation de plusieurs milliards de dollars. M.Della Rocca et M.Landry ont tous deux donné l'exemple de la réussite de Supercell en Finlande pour illustrer ce point. L'encadré1 donne un extrait du témoignage de M.Della Rocca sur la réussite de Supercell. Encadré1 — Le succès de Supercell Jason Della Rocca, directeur général, Execution Labs: Il y a là une entreprise du nom de Supercell, dont les bureaux se trouvent à Helsinki et qui a été fondée en 2010, donc il y a moins de quatre ans. Elle a été fondée par de vieux routiers de l’industrie du jeu, avec quelques autres studios de la Finlande et quelques employés de Nokia […] Elle a reçu un financement de démarrage de deuxmillions de dollars, à peu près, en 2010. Environ deuxans plus tard, elle obtenait 780millions de dollars de financement. Elle a commercialisé deuxjeux pendant sa courte vie, deux jeux qui généraient plus d’un million de dollars par jour. C’est un type de jeu particulier, en ce sens qu’on peut y jouer gratuitement d’un téléphone cellulaire, c’est‑à‑dire qu’on peut le télécharger et jouer gratuitement. Mais une fois qu’on est embarqué dans le jeu, il y a d’autres possibilités, et on peut acheter une super épée, obtenir certains bonus plus vite, etc. Essentiellement, ce sont des jeux gratuits, mais ils génèrent unmillion de dollars parjour. Il y avait 125 employés qui travaillaient à développer ces deux jeux. Par comparaison, ElectronicArts, l’une des grandes bêtes de l’industrie du jeu à ce moment-là, qui avait une librairie de plus de 800jeux et 5000 ou 6000 employés dans le monde, était bien loin de générer autant de revenus. Moins de quatre ans plus tard, à peu près, je pense que c'était en octobre ou en novembre, Supercell a vendu 51% de ses actions à des investisseurs du Japon pour 1,5milliard de dollars. Bref, une poignée de personnes qui se sont lancées en affaires à Helsinki en 2010, avec deux jeux et de la propriété intellectuelle originale, ont réussi à mettre la main sur 1,5milliard de dollars après avoir déjà engrangé 780millions de dollars. Ces gens étaient tellement fiers d'eux et des revenus qu'ils ont générés. Il faut souligner qu'il y a divers programmes d'aide gouvernementaux en Finlande, des mécanismes de financement de la R. et D., etc. Ils ont publié leur facture d'impôt de 345millions de dollars dans les journaux tellement ils étaient fiers de redonner leur part de taxes sur les profits réalisés à leur pays. F. La révolution des appareils mobiles et la commercialisation des jeux vidéo canadiensM.Moisan, M.Henderson et M.Hilchie sont tous d’avis que l’intérêt grandissant des consommateurs et des développeurs pour les applications sur appareils mobiles comme les téléphones intelligents et les tablettes est l’une des tendances influençant le plus l’industrie du jeu vidéo. La révolution des appareils mobiles change de façon draconienne la manière dont les jeux sont conçus, consommés et monétisés. Au sujet des répercussions de cette tendance, M.Moisan a observé que les jeux vidéo d’aujourd’hui peuvent communiquer entre plusieurs plateformes, comme les ordinateurs personnels, les consoles et les appareils mobiles, pour permettre aux consommateurs de commencer une partie sur un appareil puis de la continuer sur un autre. Selon M.Henderson, en parallèle avec l’avènement des appareils mobiles, une nouvelle façon de monétiser les jeux vidéo est apparue, soit le modèle de «jeu libre»: Il a été question du nouveau modèle de conception de jeux qui consiste à donner le produit de base, puis à essayer d’en tirer de l’argent par la suite. Vous attendez que les utilisateurs soient emballés par le jeu au point de vouloir payer pour en avoir plus. Lephénomène est assez récent. Il s’observe dans le secteur du jeu vidéo depuis plusieurs années, mais cette façon de faire a radicalement changé le fonctionnement de l’industrie, surtout du côté des produits numériques comme les tablettes et les téléphones cellulaires. M.Moisan a indiqué que le modèle de «jeu libre» présente une difficulté
supplémentaire puisque les consommateurs s’habituent à la gratuité: «Les
gens ne paient plus pour les jeux au départ; ils vont payer s’ils les
aiment.» En raison de magasins d’applications mobiles comme l’App Store et
GooglePlay, il est de plus en plus facile pour les entreprises de
distribuer et de vendre des jeux à un grand public, et pour les consommateurs
d’accéder à ces produits. Selon M.Della Rocca, l’avantage des magasins
d’applications est la disparition des intermédiaires entre le jeu et le
consommateur. [I]l fut un temps où les entreprises de garage pouvaient concevoir des jeux. La tendance a ensuite favorisé les titres triple A, et seules les grandes entreprises pouvaient créer des jeux à succès, car le risque était considérable. Les entreprises de garage effectuent aujourd’hui un retour pour de nombreuses applications mobiles. C’est cette concurrence que nos efforts de marketing doivent contrer, car nous devons composer avec le fait qu’il existe des centaines de milliers d’applications. M.Schmalz, de Digital Extremes, a expliqué au Comité la décision de son entreprise de distribuer son dernier jeu vidéo, Warframe, gratuitement sur Internet. Ce jeu génère d’excellents bénéfices puisqu’une foule de joueurs dans 125pays achètent des fonctions additionnelles. Au sujet de l’accès au marché international, M.Moisan et M.Landry ont tous deux souligné l’importance de l’aide gouvernementale à l’exportation des jeux vidéo. Plusparticulièrement, ils ont mentionné que les bureaux consulaires et les ambassades pourraient aider les entreprises canadiennes à établir des liens dans les grandes économies émergentes. M.Landry a noté qu’il y a au Canada une culture du développement du jeu vidéo, mais pas de culture de l’édition; cette réalité doit changer pour que les jeux canadiens puissent être distribués par des éditeurs canadiens. Selon M.Landry, une agence canadienne d’édition pourrait être mise sur pied avec l’aide du gouvernement fédéral. M.Landry a également proposé que la Banque de développement du Canada et Exportation et développement Canada s’impliquent davantage dans l’industrie du logiciel de divertissement et se montrent plus disposés à prendre des risques. Il a également suggéré que le gouvernement fédéral offre son soutien aux activités locales, comme le Sommet international du jeu de Montréal et la conférence GameON: Finance, tenue à Toronto. Enfin, MmeVerge a dit appuyer l’établissement par le gouvernement fédéral d’une politique globale à long terme visant l’industrie. Selon MmeVerge, une politique de ce genre compléterait les mesures provinciales similaires et assurerait la durabilité del’industrie. |