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PACP Rapport du Comité

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CHAPITRE 9 : LES ACTIVITÉS BANCAIRES À L’ÉTRANGER – AGENCE DU REVENU DU CANADA

INTRODUCTION

Dans le régime canadien d’impôt sur le revenu, les contribuables doivent déterminer l’impôt à payer d’après les revenus qu’ils gagnent au Canada comme à l’étranger. Les contribuables canadiens qui ont des comptes de dépôt et d’investissement dans des institutions financières étrangères doivent donc déclarer tous les revenus qu’ils gagnent à l’étranger. Il se peut que des contribuables utilisent des stratégies d’évitement fiscal, qui sont légales, mais ceux qui omettent de déclarer une partie de leurs revenus pour échapper à l’impôt contreviennent à la loi; en effet, dans la législation fiscale du Canada, l’évasion fiscale constitue une infraction criminelle et les fraudeurs fiscaux s’exposent à des poursuites au criminel. Il peut être ardu pour les autorités fiscales de combattre l’évasion, surtout si les revenus non déclarés se trouvent dans d’autres pays dotés de mesures législatives concernant le secret bancaire ou dans des « paradis fiscaux ». L’expression « paradis fiscaux » désigne les pays qui ont un taux d’imposition très bas sinon nul, dont le régime fiscal manque de transparence et qui n’échangent pas de renseignements fiscaux avec d’autres pays.

L’évasion fiscale, notamment au moyen d’activités fiscales à l’étranger, réduit l’assiette fiscale du Canada et, partant, les recettes fiscales perçues par l’Agence du revenu du Canada (ARC) au nom du gouvernement du Canada. L’ARC veille à l’application et à l’observation de la législation fiscale du Canada. Ces dernières années, elle a reçu des renseignements et des listes de noms de contribuables canadiens qui détiendraient supposément des comptes à l’étranger. En 2007, un informateur a fourni à l’ARC une liste de 182 noms de comptes dans une banque du Liechtenstein (la liste du Liechtenstein); c’était la première fois que l’ARC recevait une telle liste. Comme l’ARC reçoit encore des renseignements sur des contribuables canadiens qui détiendraient des comptes à l’étranger, on s’attend à ce que la charge de travail augmente dans le secteur de la vérification de la conformité fiscale à l’étranger.

Dans son rapport de l’automne 2013, le Bureau du vérificateur général (BVG) a publié les résultats d’un audit de performance qui visait à déterminer si l’ARC avait pris les mesures de vérification de l’observation de la loi qui s’imposaient à l’égard des contribuables inscrits sur la liste du Liechtenstein et si elle avait utilisé l’information recueillie pour confirmer ou réviser ses procédures de détection et de vérification d’activités bancaires à l’étranger[1].

Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a tenu une audience sur cet audit le 26 février 2014[2]. Du BVG, le Comité a rencontré Marian McMahon, vérificatrice générale adjointe, et Heather Miller, directrice. De l’ARC, le Comité a rencontré Richard Montroy, sous-commissaire de la Direction générale des programmes d’observation, et Gina Jelmini, directrice de la Division de l’observation à l’étranger.

APPLICATION DE LA PROCÉDURE HABITUELLE

Le BVG a cherché à savoir si l’ARC avait suivi la procédure habituelle pour déterminer quels supposés contribuables canadiens parmi les 182 noms inscrits sur la liste des comptes du Liechtenstein devaient faire l’objet d’une vérification. L’ARC a classé les 182 noms de la liste en 81 groupes familiaux et elle a décidé d’en soustraire 35 à la vérification parce que les membres du groupe n’étaient pas des résidents canadiens, parce qu’ils étaient décédés ou parce qu’il était impossible de les retrouver[3]. Marian McMahon, vérificatrice générale adjointe, a indiqué :

[N]ous avons constaté que les travaux qu'elle avait réalisés étaient suffisants, étant donné que certains noms de la liste n'étaient pas ceux de résidants canadiens et que d'autres ne pouvaient pas être identifiés. En l'absence de renseignements plus complets, il était difficile pour l'Agence d'en faire davantage. L'Agence a suivi ses procédures standards dans la plupart des vérifications et a réalisé celles-ci sans accuser de retard indu[4].

Le BVG a cependant fait observer que l’ARC n’avait pas acquis une grande expérience de la vérification de listes provenant de banques étrangères avant qu’on ne lui soumette la liste en question et que, pour cette raison, elle ne disposait pas d’un cadre de vérification assorti de délais de traitement stricts. À cet égard, Mme McMahon a signalé :

[N]ous avons constaté qu'aucune norme n'avait été établie quant au délai accordé pour le traitement des dossiers. Par conséquent, nous n'avons pas pu formuler de conclusion à cet égard, à savoir si l'un ou l'autre des retards de l'agence était indu. Des normes sur le délai d'exécution permettraient aux employés d'évaluer si leur travail prend trop de temps ou si le moment est venu d'établir un nouvel ordre de priorité pour les travaux[5].

Selon le BVG, le travail dans le dossier du Liechtenstein s’est échelonné sur environ six ans en raison de la nature peu commune des vérifications à faire et des structures d’investissement à l’étranger, ainsi que des retards causés par les entités étrangères et par les contribuables ou leurs représentants[6]. Le BVG a également relevé cinq cas où, durant l’audit, l’ARC n’avait pas travaillé activement aux dossiers[7]. Le BVG a recommandé que l’ARC établisse des délais précis pour les employés et pour les contribuables en ce qui a trait à la vérification des comptes à l’étranger. À ce propos, Gina Jelmini, directrice de la Division de l’observation à l’étranger à l’ARC, a précisé que, au moment de l’audience du Comité, les délais avaient été établis et communiqués aux équipes responsables de l’observation à l’étranger[8]. Par ailleurs, conformément à son plan d’action, l’ARC s’est engagée à fixer des échéances fermes pour l’établissement de points de repère au cours de l’exercice 2015-2016[9].

Pour prendre connaissance du réexamen, par l’ARC, des échéances types fixées par elle pour les vérifications à l’étranger, le Comité recommande ce qui suit :

RECOMMANDATION 1

Que, d’ici mars 2016, l’Agence du revenu du Canada fournisse au Comité permanent des comptes publics un rapport d’étape exposant les résultats du réexamen des échéances fixées pour l’établissement de points de repère aux fins des vérifications à l’étranger.

Pendant les travaux de vérification effectués par l’ARC relativement à la liste du Liechtenstein, les représentants de certains contribuables ont demandé à conclure une entente garantissant que, en échange de renseignements complets, les contribuables visés ne fassent pas l’objet de poursuites au criminel; aux termes des ententes, les contribuables se sont engagés à renoncer à leur droit d’appel et à payer toute somme due. L’ARC a signé des ententes avec 15 groupes familiaux[10]. Heather Miller, directrice au BVG, a expliqué la difficulté à laquelle ont fait face les vérificateurs de l’ARC affectés au dossier du Liechtenstein et la raison d’être des ententes :

En fait, l'Agence ne recevait que très peu de renseignements au sujet des contribuables [figurant sur la liste du Liechtenstein]. De plus, ces renseignements n'étaient pas très détaillés […] dans certains cas, on ne leur avait fourni [aux vérificateurs] que le nom ou la date de naissance, ainsi qu'un montant. C'est pourquoi dans certains cas, au moment de signer l'entente, la question n'était pas tellement de savoir que l'Agence renonçait aux poursuites, bien qu'il s'agisse du résultat. Au moment de signer ces ententes avec les contribuables, l'Agence n'était pas en mesure d'intenter des poursuites, puisqu'elle n'avait pas suffisamment de renseignements. Sans entente, elle n'aurait pas obtenu ces renseignements de la part des contribuables[11].

Parmi les 46 dossiers soumis à la vérification, l’ARC a établi de nouvelles cotisations d’impôt fédéral de 6,045 millions de dollars, des intérêts s’élevant à 10,328 millions de dollars et des pénalités représentant 8,278 millions de dollars, soit un montant total de 24,651 millions de dollars[12]. Le BVG a constaté que l’approche utilisée par l’ARC pour l’établissement de pénalités au cas par cas concordait avec les principes établis[13]. Selon l’ARC, au moment de l’audit effectué par le BVG, 10,138 millions de dollars du montant total avaient été perçus, tandis que trois des huit projets de vérification pour lesquels il n’y avait pas d’entente conclue avec l’ARC et qui représentaient 14,513 millions de dollars en impôts, intérêts et pénalités, faisaient l’objet d’un appel[14]. Au dire de Richard Montroy, sous-commissaire à la Direction générale des programmes d’observation de l’ARC, « nous [l’ARC] ne pouvons pas procéder à la perception[15] » à cause de ces appels.

Le BVG a indiqué que, parmi les huit cas dépourvus d’ententes entre l’ARC et les contribuables, deux ont été renvoyés à la Division des enquêtes criminelles de l’ARC en vue d’éventuelles poursuites. Le BVG a fait observer qu’aucun contribuable figurant sur la liste du Liechtenstein n’a été traduit en justice[16]. Cependant, l’audit du BVG ne couvrait pas la Division des enquêtes criminelles de l’ARC. Interrogé au sujet de l’absence de poursuites, M. Montroy a expliqué qu’« en ce qui concerne les enquêtes criminelles, pour poursuivre quelqu’un devant les tribunaux, il faut pouvoir prouver nos allégations au-delà de tout doute raisonnable […] Dans les quelques cas provenant de la liste du Liechtenstein, il n’y avait pas assez de preuves pour le dépôt d’accusations[17]. » Cependant, quand on lui a demandé si, dans les futures vérifications de listes de comptes de banque à l’étranger, l’ARC avait l’intention de poursuivre les contribuables qui se soustraient à l’impôt, M. Montroy a répondu :

Je dirais que les choses ont beaucoup changé depuis […] Les règles du jeu ont changé. Si vous êtes un fraudeur du fisc et que nous pouvons le prouver, nous allons vous poursuivre en appliquant toute la rigueur de la loi. Aujourd'hui, nous avons accès à des renseignements auxquels nous n'avions pas accès il y a six ou sept ans nous permettant ainsi de poursuivre si nécessaire[18].

Reconnaissant que certains contribuables s’en remettent à des conseillers professionnels pour éluder l’impôt par des activités bancaires à l’étranger, M. Montroy a expliqué que la Loi de l’impôt sur le revenu permet l’application de pénalités à des tiers. Interrogé au sujet de l’accès à l’information entravé par des accords de confidentialité des clients, il a indiqué : « [S]i nous soupçonnons que quelque chose est un peu louche, nous disposons de plusieurs moyens de recueillir de l’information […] Nous ne sommes plus limités à l’information liée au secret professionnel. Nous disposons d’autres moyens d’obtenir de l’information[19]. »

En ce qui concerne les futures vérifications de comptes à l’étranger, le BVG a signalé que l’ARC n’avait pas analysé le bien-fondé des ententes garantissant l’absence de poursuites en contrepartie de la communication de renseignements[20]. Pendant l’audit mené par le BVG, l’ARC a fourni l’assurance que les ententes de vérification conclues avec des individus figurant sur la liste du Liechtenstein ne seraient pas utilisées pour des individus figurant sur des listes subséquentes[21]. Mme McMahon a indiqué que le BVG craignait que, malgré cette assurance, l’Agence n’offre des conditions semblables à celles prévues dans les ententes de vérification aux contribuables figurant sur des listes subséquentes[22]. Pour cette raison, le BVG a recommandé que l’ARC analyse sa politique concernant l’utilisation des ententes de vérification afin de s’assurer qu’elle répond aux objectifs de ses projets et de ses programmes[23]. Dans son plan d’action[24], l’ARC a indiqué qu’elle avait créé la Division de l’observation à l’étranger pour s’assurer, grâce à la surveillance exercée par l’Administration centrale, que l’utilisation des ententes de vérification respecte réellement les objectifs des projets et des programmes. Au dire de M. Montroy, la nouvelle division sera constituée d’une

[…] équipe spécialisée qui sera composée de 70 employés de l'Agence possédant une expertise dans les domaines de l'analyse des données et de la vérification. Les membres de la division travailleront auprès d'équipes spécialisées qui chercheront à déceler les particuliers qui se livrent à l'inobservation internationale, à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies et des activités de programme efficaces pour contrer l'inobservation à l'étranger, ainsi qu'à renforcer la capacité globale de l'ARC de prendre des mesures dans les cas d'évasion fiscale et d'évitement fiscal abusif internationaux[25].

À la question de savoir si l’ARC effectue des analyses de rentabilité avant d’établir de nouveaux programmes ou divisions, M. Montroy a expliqué : « À coup sûr, les activités à l’étranger sont très rentables. En général […] notre taux de rendement est facilement de 8 pour 1 ou de 10 pour 1[26]. »

Pour garantir l’application d’une politique officielle concernant l’utilisation par l’ARC des ententes de vérification conclues avec des contribuables lors de la vérification d’activités à l’étranger, le Comité recommande ce qui suit :

RECOMMANDATION 2

Que, d’ici septembre 2014, l’Agence du revenu du Canada fournisse au Comité permanent des comptes publics un rapport d’étape exposant les mesures prises par la Division de l’observation à l’étranger afin de s’assurer que l’Agence utilise les ententes de vérification conclues avec des contribuables d’une façon qui respecte les objectifs de ses projets et programmes.

UTILISATION DES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS

Dans le travail de vérification qu’elle a effectué dans le dossier du Liechtenstein, l’ARC a souligné qu’il importe d’avoir accès à l’information provenant de sources étrangères pour déceler et combattre l’évasion fiscale. Par l’entremise de l’Organisation de coopération et de développement économiques et du Groupe des Vingt, le Canada a pris part à des initiatives multilatérales visant à accroître la transparence et l’échange de renseignements, ainsi qu’à promouvoir l’utilisation d’accords d’échange de renseignements fiscaux (AERF) entre les pays. Depuis 2008, le Canada a signé 18 AERF; il a également signé 92 conventions fiscales. M. Montroy a affirmé que « [l]’échange de renseignements et la coopération internationale sont indispensables », que « [l]’ARC a grandement renforcé sa capacité d’obtenir des renseignements fiscaux d’autres administrations » et que « [l]e Canada possède l’un des plus importants réseaux de conventions fiscales dans le monde »[27]. M. Montroy a ajouté que le 21 novembre 2013, le Canada avait ratifié la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale[28].

M. Montroy a expliqué au Comité qu’un certain nombre de pays, qui passaient jadis pour des paradis fiscaux, ont décidé de redorer leur blason en signant des AERF[29]. Il a mentionné que le Canada a adopté une approche stratégique en choisissant certains pays avec lesquels il conclut des AERF : « [N]ous avons établi une liste de priorités et c’est pourquoi nous avons des AERF avec les Bahamas, les Bermudes, Jersey, Guernsey, les îles Vierges britanniques, etc. […] Ce sont là les pays où les Canadiens investissent d’habitude[30]. »

Le BVG a constaté que l’ARC avait fait des progrès en utilisant les renseignements obtenus et les leçons tirées dans le dossier du Liechtenstein pour augmenter l’efficacité de ses programmes et procédures de détection des cas d’évasion fiscale à l’étranger[31].

Le travail de vérification de la liste du Liechtenstein a permis à l’ARC d’acquérir des connaissances sur les pratiques et les stratagèmes employés par les fraudeurs fiscaux à l’étranger. Selon le BVG, l’Agence pourrait désormais mieux détecter les fraudeurs du fisc à l’étranger grâce aux renseignements sur les contribuables qui lui ont déjà été communiqués[32]. Au sujet des leçons tirées de la liste du Liechtenstein, M. Montroy a déclaré :

Cette première liste nous a permis de voir comment les gens organisent leurs affaires pour échapper à la détection […] il s'agit des transactions effectuées, des pays par lesquels ils passent pour cacher leurs avoirs, que ce soit par l'entremise d'intermédiaires ou de fiscalistes, et de la façon dont ils gèrent leurs affaires pour s'assurer que l'argent, que nous n'avons pas pu identifier au départ, soit gardé à l'étranger. Je dirais donc que la liste du Liechtenstein nous a beaucoup aidés à comprendre la façon dont fonctionnent les gens qui tentent d'éviter de payer des taxes[33].

M. Montroy a conclu que « [l]es renseignements aideront l’Agence à déceler d’autres contribuables qui peuvent avoir des revenus non déclarés à l’étranger[34] » parce que « nous savons maintenant comment certaines structures sont montées. En termes simples […] nous savons maintenant où regarder[35]. »

Le Canada est doté d’un régime fondé sur l’autocotisation, et le Programme des divulgations volontaires de l’ARC permet aux contribuables de corriger des renseignements inexacts ou incomplets, ou encore de fournir des renseignements qu’ils auraient omis. M. Montroy a renseigné le Comité sur l’efficacité de ce programme ces dernières années :

Par l'intermédiaire du Programme de divulgations volontaires de l'ARC, les contribuables ont l'occasion de corriger leur situation fiscale avant de faire l'objet d'une vérification par l'Agence. Il s'agit pour l'ARC de la façon la plus efficiente d'aborder la question des revenus non déclarés. Depuis 2006, l'ARC a constaté une hausse spectaculaire du recours à ce programme, y compris en ce qui concerne les comptes et biens à l'étranger; le programme est passé de 1 215 divulgations en 2006-2007 à près de 4 000 divulgations en 2012-2013. Les revenus non déclarés pour cette période se sont élevés au total à 1,77 milliard de dollars et à un peu plus de 470 millions de dollars en impôts fédéraux dus[36].

M. Montroy établit un lien entre l’augmentation récente des divulgations volontaires et le recours accru aux AERF, car « les moyens de cacher [l]’information sont moins nombreux qu’avant[37] ». Le BVG a également constaté que l’ARC avait commencé à analyser les renseignements communiqués dans le cadre du Programme des divulgations volontaires afin de faciliter son travail de vérification des comptes à l’étranger[38].

Par ailleurs, l’ARC peut utiliser la demande péremptoire visant des personnes non désignées nommément pour obtenir auprès de tierces parties, par exemple les institutions financières, des renseignements sur des personnes non identifiées et soupçonnées de détenir des revenus non déclarés. Selon le BVG, grâce au travail fait dans le dossier du Liechtenstein, l’ARC a signifié six demandes péremptoires, qui lui ont permis de détecter des revenus non déclarés[39]. M. Montroy a toutefois fait état des difficultés auxquelles se heurte l’ARC pour obtenir de l’information sur les comptes à l’étranger :

Toute cette question des fonds de renseignement est très complexe […] Si l'information est détenue par une banque dans un autre pays, nous ne pouvons pas invoquer la Loi de l'impôt sur le revenu et les dispositions relatives aux demandes péremptoires visant des personnes non désignées nommément pour les forcer à nous fournir l'information. Elles ne sont évidemment pas résidentes du Canada. C'est pourquoi les AERF sont importants. Nous utilisons ces accords pour aller dans les paradis fiscaux comme les îles Caïmans, les Bermudes, les Bahamas et demander à leurs autorités fiscales d'obtenir l'information auprès des institutions financières locales[40].

Les leçons tirées par l’ARC ont permis d’orienter les décisions en matière de politiques et ont donné lieu à des modifications législatives qui ont été annoncées dans le budget fédéral de 2013. M. Montroy a fait savoir au Comité que, par suite du budget, la Division de l’observation à l’étranger de l’ARC a été mandatée pour surveiller l’application de nouvelles mesures de lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger. Voici les mesures prévues dans la mise à jour intégrée au budget fédéral de 2014 :

  • le 26 juin 2013, la sanction royale a été accordée aux mesures législatives visant à rationaliser le processus par lequel l’ARC peut obtenir des renseignements sur des personnes non désignées en s’adressant à des tierces parties, notamment les banques
  • l’ARC a révisé le formulaire T1135, Bilan de vérification du revenu étranger, de manière à exiger des renseignements plus détaillés des contribuables
  • le 12 décembre 2013, la sanction royale a été accordée aux mesures législatives visant à prolonger de trois ans la période pendant laquelle l’ARC peut établir de nouvelles cotisations à l’égard des contribuables qui n’ont pas correctement déclaré des revenus
  • le 15 janvier 2014, l’ARC a annoncé la mise en œuvre du Programme de dénonciateurs de l’inobservation fiscale à l’étranger, qui garantit l’anonymat aux dénonciateurs (privilège de l’indicateur); si l’ARC établit une cotisation qui dépasse 100 000 $ et perçoit un montant supérieur à 100 000 $, les dénonciateurs touchent entre 5 et 15 % du montant de la cotisation
  • les mesures législatives proposées pour qu’il soit possible d’exiger des banques et d’autres institutions financières qu’elles déclarent à l’ARC des renseignements sur les télévirements internationaux de plus de 10 000 $ ont été publiées le 9 janvier 2014 et devraient entrer en vigueur le 1 er janvier 2015[41]

M. Montroy estime que les mesures présentées dans le budget fédéral de 2013 sont « très importantes en ce qui concerne les activités à l’étranger[42] ». Le BVG qualifiait de prometteurs les résultats du travail de l’ARC dans le dossier du Liechtenstein, mais il a indiqué que l’ARC « devra structurer son approche de façon à pouvoir assumer la charge de travail plus élevée qui découlera de ces changements [législatifs][43] ».

Puisque le travail de l’ARC dans le dossier du Liechtenstein découle de renseignements fournis par un dénonciateur anonyme et que l’ARC a reçu d’autres listes, le Comité est d’avis que l’ARC et le gouvernement fédéral doivent s’assurer que le Programme de dénonciateurs de l’inobservation fiscale à l’étranger est bien conçu. Interrogé sur le détail de la conception du Programme, M. Montroy a indiqué que le Programme repose sur les pratiques exemplaires d’autres pays[44]. Mme Jelmini a décrit le processus de participation des éventuels dénonciateurs :

Nous avons également mis sur pied un numéro 1-800 ainsi qu'un numéro local qui peut être composé de partout dans le monde. Voilà la première étape, procéder à cet appel. Nous expliquons les paramètres du programme, les exigences et les critères d'admissibilité. Si une personne semble satisfaire aux exigences du programme, nous lui attribuons un numéro de cas et l'invitons à nous fournir tous les renseignements. Nous procédons à l'évaluation des renseignements et si la personne semble toujours satisfaire aux critères du programme, nous concluons une entente avec elle. C'est à ce moment-là que nous mettons en marche les mesures d'observation et suivons le cas qui fera l'objet du cycle complet de conformité[45].

En ce qui a trait à l’exigence qu’on propose d’établir pour obliger les banques et autres institutions financières à aviser l’ARC des télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus, M. Montroy a expliqué que même si l’ARC reçoit déjà des renseignements du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada sur les cas les plus flagrants de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, l’exigence proposée permettrait à l’ARC de « ratisser plus large pour examiner toutes les transactions, et pas seulement les cas les plus flagrants[46] ».

M. Montroy a également fait savoir au Comité que l’ARC accueillait favorablement d’autres mesures qui ont été adoptées au cours des dernières années pour combler les échappatoires fiscales et qui faciliteront la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger[47]. Il a cependant signalé que les fraudeurs fiscaux se montrent généralement ingénieux et proactifs pour élaborer de nouveaux stratagèmes afin d’échapper aux mesures de détection de l’ARC[48], ce qui risque de rendre le processus de vérification plus long et plus coûteux[49].

Depuis qu’elle a reçu la liste des comptes du Liechtenstein en 2007, l’ARC a obtenu d’autres listes et renseignements au sujet de résidents canadiens qui pourraient avoir des revenus non déclarés dans des comptes à l’étranger. Le BVG a indiqué que la charge de travail de l’ARC dans ce domaine risque d’augmenter et il a souligné la nécessité d’intégrer les leçons tirées des travaux concernant la liste du Liechtenstein à l’approche de l’ARC en matière de vérification[50].

Le BVG a constaté que le guide de vérification des comptes à l’étranger qu’utilise le personnel de l’ARC a été élaboré en 2001 et que l’ARC n’a pas effectué d’analyse complète ni rédigé de rapport sur ce qu’elle avait appris avec la liste du Liechtenstein afin de suivre les progrès dans les secteurs qui pourraient être améliorés[51]. Toujours selon le BVG, l’ARC s’affaire actuellement à l’élaboration d’un espace d’information interne et en ligne (une page de type wiki), pour permettre aux vérificateurs d’échanger des renseignements ainsi que de l’information sur les procédures et les pratiques qu’ils utilisent et pour fournir aux représentants de l’Agence une orientation fonctionnelle, des politiques, des procédures, des lignes directrices et une formation. Le BVG a cependant jugé qu’il n’y avait pas assez de progrès accomplis à cet égard pour aider les vérificateurs de l’ARC à s’acquitter de leurs responsabilités[52]. Le BVG a recommandé que l’ARC veille à ce que ses objectifs et ses procédures de vérification des comptes à l’étranger traduisent bien les leçons apprises, et que le tout soit documenté et bien compris du personnel[53].

Interrogé au sujet des révisions actuellement apportées au guide de vérification, M. Montroy a indiqué que l’ARC avait « envoyé des directives en janvier de cette année aux personnes qui travailleront sur les comptes à l’étranger pour leur présenter un certain nombre de mesures : le temps qu’il faut pour faire une vérification, les renseignements que l’on doit examiner, en gros, un guide sur ce qu’ils devraient faire[54] ». Par ailleurs, Mme Jelmini a fait savoir au Comité que la Division de l’observation à l’étranger est « en train de préparer la page de type wiki qu’utiliseront les équipes spécialisées dans l’observation à l’étranger lorsqu’elles seront pleinement fonctionnelles en avril [2014]. Nous sommes en train de la préparer et le travail va bon train[55]. »

Pour améliorer sans cesse la capacité de lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger, le Comité fait sienne la recommandation du BVG selon laquelle il est nécessaire que l’ARC intègre officiellement, à ses objectifs et procédures de vérification, les leçons tirées de ses travaux de vérification dans le dossier du Liechtenstein. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3

Que, d’ici septembre 2014, l’Agence du revenu du Canada fournisse au Comité permanent des comptes publics un rapport d’étape exposant les mesures prises pour que ses objectifs et procédures de vérification des comptes à l’étranger tiennent compte des leçons apprises, que son outil de référence en ligne (page de type wiki) soit suffisamment élaboré pour aider les vérificateurs de l’Agence à s’acquitter de leurs responsabilités et que les politiques, procédures et lignes directrices officielles concernant la vérification des comptes à l’étranger soient transmises au personnel.

CONCLUSION

L’évasion fiscale qui implique l’utilisation de comptes à l’étranger est un problème d’envergure internationale complexe qui évolue constamment. Le Comité est conscient des difficultés auxquelles a été confronté le personnel de l’ARC qui a travaillé au dossier du Liechtenstein, d’autant plus que la vérification portait pour la première fois sur des contribuables figurant sur une liste de comptes de banque à l’étranger et que l’information fournie était très limitée. Le Comité félicite l’ARC pour son travail dans ce dossier et pour avoir amélioré sa capacité à faire observer la législation fiscale canadienne grâce à la détection et au règlement de cas d’évasion fiscale à l’étranger. Comme l’ARC continue de recevoir de nouvelles listes de titulaires de comptes à l’étranger qui n’observent peut-être pas la législation fiscale, elle doit être prête à assumer une charge de travail accrue.

Le Comité sait gré à l’ARC de lui avoir communiqué son plan d’action détaillé avant l’audience publique. Il s’est réjoui d’apprendre que, selon le BVG, les engagements de l’ARC énoncés dans son plan d’action cadraient avec les recommandations présentées dans le rapport d’automne 2013 du BVG[56]. Les Canadiens s’attendent à ce que l’ARC améliore sa capacité de faire observer les lois fiscales, et ce, avec constance. C’est pourquoi le Comité s’attend à ce que l’ARC intègre les leçons apprises à ses objectifs, politiques et procédures officiels et à ce qu’elle augmente encore l’efficacité de son travail de vérification pour combattre l’évasion fiscale à l’étranger.


[1]             Vérificateur général du Canada, « Les activités bancaires à l’étranger – Agence du revenu du Canada », chapitre 9 du Rapport du Vérificateur général du Canada – automne 2013, Ottawa, 2013.

[2]             Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 2e session, 41e législature, 26 février 2014, réunion no 16.

[3]             Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.9 et 9.10.

[4]             Réunion no 16, 1535.

[5]             Ibid.

[6]             Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.14.

[7]             Ibid., par. 9.17.

[8]             Réunion no 16, 1645.

[9]             Agence du revenu du Canada, Plan d'action détaillé de l'Agence du revenu du Canada pour répondre aux recommandations du BVG, présenté au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes le 25 février 2014.

[10]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.25.

[11]           Réunion no 16, 1700.

[12]           Vérificateur général du Canada (2013), pièce 9.1, p. 7.

[13]           Ibid., par. 9.21.

[14]           Ibid., pièce 9.2, p. 8.

[15]           Réunion no 16, 1550.

[16]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.27.

[17]           Réunion no 16, 1615.

[18]           Ibid., 1555.

[19]           Ibid., 1605.

[20]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.28.

[21]           Ibid., par. 9.41.

[22]           Réunion no 16, 1535.

[23]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.29.

[24]           Agence du revenu du Canada, Plan d'action détaillé de l'Agence du revenu du Canada pour répondre aux recommandations du BVG, présenté au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes le 25 février 2014.

[25]           Réunion no 16, 1540.

[26]           Ibid., 1600.

[27]           Ibid., 1540.

[28]           Ibid.

[29]           Ibid., 1640.

[30]           Ibid., 1620.

[31]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.31.

[32]           Ibid., par. 9.32.

[33]           Réunion no 16, 1550.

[34]           Ibid., 1535.

[35]           Ibid., 1640.

[36]           Ibid., 1540.

[37]           Ibid., 1600.

[38]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.33.

[39]           Ibid., par. 9.34.

[40]           Réunion no 16, 1615.

[41]           Ibid., 1540.

[42]           Ibid., 1600.

[43]           Ibid., 1535.

[44]           Ibid., 1620.

[45]           Ibid., 1550.

[46]           Ibid., 1620.

[47]           Ibid., 1545.

[48]           Ibid., 1630.

[49]           Ibid., 1640.

[50]           Vérificateur général du Canada (2013), par. 9.38.

[51]           Ibid., par. 9.43.

[52]           Ibid., par. 9.40.

[53]           Ibid., par. 9.45.

[54]           Réunion no 16, 1625.

[55]           Ibid., 1620.

[56]           Ibid., 1535.