Passer au contenu
;

SECU Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

A. INTRODUCTION

1. Mandat et structure

Le 29 avril 2014, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes (le Comité) a entamé une étude sur le financement social dans le cadre de la prévention du crime au Canada.

Ce rapport contient un résumé de l’information obtenue par le Comité au cours de son étude. Le Comité a reçu le témoignage du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile (Sécurité publique Canada), du ministère de l’Emploi et du Développement social (EDSC), du Center for Law and Social Policy of Washington, de Social Capital Partners, de Purpose Capital, de Deloitte, de Finance for Good, de MDRC[1], de la Harvard Kennedy School, du MaRS Discovery District, du service policier d’Edmonton, de la Société HomeFront pour la Prévention de la Violence Familiale et de plusieurs autres témoins qui ont comparu devant le Comité à titre personnel.

B. LA PRÉVENTION DU CRIME ET LE CONCEPT DE LA FINANCE SOCIALE

Les premiers témoins qu’a entendus le Comité au cours de son étude sur le financement social dans le cadre de la prévention du crime provenaient de Sécurité publique Canada. Kathy Thompson, sous‑ministre adjointe, Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, a commencé son témoignage en abordant les questions de la hausse des coûts de la criminalité, de la capacité des gouvernements à maintenir les ressources financières nécessaires pour répondre à ces coûts ainsi que des répercussions des initiatives de prévention du crime sur les enjeux de justice pénale. Elle a situé son intervention en ces termes :

Les coûts croissants de la criminalité et les enjeux liés à la justice pénale préoccupent tous les ordres de gouvernement au Canada. Il convient donc de se demander si ces coûts sont viables, surtout à long terme, et si les gouvernements, à eux seuls, peuvent continuer à les gérer tous.
La prévention du crime est une composante clé des efforts en vue d’atténuer les pressions grandissantes sur le système de justice pénale.
Il est possible, grâce à la mise en place d’une prévention du crime bien conçue et par des interventions ciblées en conséquence, d’influencer les comportements de façon positive et, partant, de réduire ou de prévenir la criminalité en combattant les facteurs de risque qui conduisent à la délinquance.
Les interventions stratégiques peuvent non seulement aider à restreindre les coûts croissants du système de justice pénale, mais également à réduire les pressions dans les autres secteurs comme ceux des services sociaux[2].

Au Canada, le Centre national de prévention du crime (CNPC) est responsable de la mise en œuvre et des cadres stratégiques des programmes de prévention du crime. Ces initiatives visent à prévenir et réduire le crime parmi les populations les plus à risque, notamment :

  • les enfants et les jeunes adultes de 6 à 24 ans qui présentent de multiples facteurs de risque associés au comportement délinquant;
  • les délinquants à risque élevé dans les communautés qui ne sont plus sous la surveillance des services correctionnels;
  • les communautés autochtones et les collectivités du Nord, en particulier les collectivités ayant des taux élevés de criminalité ainsi que des problèmes constants de crime[3].

Le mandat du CNPC comprend le financement et la surveillance de ses initiatives de prévention du crime et le partage des connaissances pratiques acquises au moyen d’évaluations des programmes[4]. Les représentants de Sécurité publique Canada ont souligné deux rapports du CNPC sur des programmes de prévention du crime prometteurs et modèles, le premier, Programmes prometteurs et modèles pour prévenir la criminalité – volume I, a été publié en 2008, et le second, Programmes prometteurs et modèles pour prévenir la criminalité – volume II, en 2011.

Dans une réponse écrite adressée au Comité, Sécurité publique Canada indique que, depuis 2010, le CNPC a mené 11 évaluations de 10 modèles de prévention mis en œuvre auprès de jeunes de 12 à 17 ans dans 16 sites différents au Canada. Selon les représentants de Sécurité publique Canada, ces modèles ont eu des effets bénéfiques; on a notamment mesuré des changements dans les comportements liés à la criminalité.

Par exemple, trois programmes (Thérapie multisystémique, Velocity, et Youth Inclusion Program) ont eu un impact favorable sur les arrestations de jeunes ou les contacts avec la police. Dans l’ensemble, plusieurs programmes de prévention ont entraîné un changement positif pour plus d’un indicateur, notamment une amélioration des connaissances et des attitudes concernant la consommation de substances, l’école et le comportement violent ou agressif. Les programmes ont eu l’impact le plus positif sur le comportement des jeunes. En effet, la plupart des interventions montrent une diminution d’au moins un des comportements ayant mené le jeune à être dirigé vers le programme. L’impact s’est avéré particulièrement positif sur la réduction des contacts avec la police. Toutes les évaluations pour lesquelles des données ont pu être recueillies […] montrent une amélioration chez les participations aux programmes[5].

Malgré ces réussites, Shawn Tupper, sous-ministre adjoint, Secteur de la gestion des urgences et des programmes, Sécurité publique Canada, a indiqué au Comité que les initiatives de prévention du crime au Canada « se heurtent en permanence à l’ampleur, à la complexité et à l’imbrication des problèmes affrontés[6] » et que « [l]es gouvernements ne disposent pas des ressources financières nécessaires au maintien durable de[s] programmes [de prévention du crime][7] ».

Kathy Thompson a expliqué que, en ce qui concerne certains programmes de prévention du crime ayant connu un succès, lorsque des économies de coûts sont démontrées, le financement se poursuit à l’échelle provinciale ou municipale ou par l’entremise d’organismes communautaires, de fondations et, dans certains cas, d’universités. Mme Thompson a également abordé la question des compétences en matière d’administration de la justice :

[L]’administration de la justice revient aux provinces. Comme plusieurs de ces initiatives se sont efficacement traduites par des réductions de coûts pour les tribunaux, les services de police et l’aide juridique, par exemple, et puisqu’une grande partie de ces coûts est assumée par les provinces ou, dans certains cas, par les municipalités, ces dernières ont tout intérêt à prendre la relève du financement[8].

M. Tupper a souligné l’importance d’obtenir du financement provenant d’autres sources :

[L]a mise à profit de nouveaux partenariats peut prendre le relais des financements gouvernementaux temporaires; cette transition est essentielle si nous voulons répondre aux besoins de nos collectivités en matière de sécurité publique […] À titre d’exemple, un programme de prévention du crime financé par Sécurité publique Canada et ayant fait ses preuves pourrait être appliqué de façon élargie à l’ensemble du pays, à condition de trouver de nouveaux partenaires pour son financement et de pouvoir s’appuyer sur de nouveaux réseaux permettant d’accroître la portée de l’intervention[9].

Il a également indiqué au Comité « qu’un secteur ou un organisme ne peut, à lui tout seul, apporter des solutions durables aux problèmes sociaux et qu’il convient, par conséquent, d’aborder ces problèmes en recourant aux compétences et aux capacités conjuguées d’une multiplicité de partenaires opérant à l’échelle intersectorielle[10] ».

Lors de la deuxième réunion consacrée à l’étude, le Comité en a appris davantage sur le concept de la finance sociale et sur les efforts déployés pour appliquer cette approche afin de régler des enjeux sociaux. EDSC a fourni au Comité la définition suivante de la finance sociale :

La finance sociale est une approche visant à mobiliser de multiples sources de capitaux générant un dividende social et un rendement économique pour atteindre des objectifs sociaux et environnementaux. Elle donne l’occasion de mobiliser des investissements supplémentaires afin d’augmenter les fonds disponibles pour étendre la portée d’approches éprouvées. Elle fournit aussi aux investisseurs l’occasion de financer des projets qui profitent à la société et donne aux organisations communautaires l’accès à de nouvelles sources de financement. La finance sociale présuppose une nouvelle approche en matière d’investissement, appelée investissement d’impact, que le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale décrit comme un investissement actif de capitaux dans des entreprises et des fonds qui produisent des résultats sociaux ou environnementaux et au moins un capital symbolique pour l’investisseur[11].

Ces efforts au Canada ont amené EDSC à lancer, en novembre 2012, un appel d’idées pour tester le niveau de connaissances et d’intérêt pour la finance sociale[12]. À l’issue de ce processus, en mai 2013, l’EDSC a publié un rapport intitulé Exploiter le pouvoir de la finance sociale : Réponse des Canadiens à l’Appel national d’idées sur la finance sociale.

Siobhan Harty, directrice générale, Direction de la politique sociale, Division de la politique stratégique et recherche, EDSC, a fait valoir au Comité que « l’émergence des initiatives de finance sociale est motivée par la demande d’intervenants du secteur privé et de groupes communautaires sans but lucratif. En effet, un nombre croissant d’organisations cherchent à accéder aux marchés des capitaux pour créer des organisations plus durables et étendre la portée de leur travail[13]. » Elle a toutefois noté que « le travail sur la finance sociale actuellement mené par le gouvernement constitue une approche prudente, progressive, pour faire l’essai de la finance sociale de façon à voir où cette approche fonctionnerait le mieux au Canada et à faire des ajustements sur la base des premières leçons apprises[14] ». À son avis, « [l]a finance sociale est un autre outil potentiel dans notre coffre à outils; elle complète les programmes existants qui s’attaquent aux problèmes sociaux. Elle n’est donc pas destinée à remplacer complètement ces programmes, et elle ne conviendrait pas non plus à tous les enjeux sociaux[15]. »

Tout au long de l’étude du Comité, les témoins ont fourni de nombreux renseignements sur la finance sociale et ses applications possibles aux initiatives de prévention du crime actuelles et à venir afin d’atténuer le fardeau placé sur le système de justice pénale. Les parties C et D du présent rapport sur l’approche de la finance sociale et ses principaux éléments font état de l’information fournie par les témoins sur les différents mécanismes de finance sociale, y compris l’entreprise sociale, les obligations à impact social et les prêts sans intérêt ou à intérêts réduits.

C. LA PRÉVENTION DU CRIME ET SA COMPATIBILITÉ AVEC L’APPROCHE DE LA FINANCE SOCIALE

La prévention de la criminalité est, de par sa nature, un effort communautaire. La responsabilité n’en revient pas uniquement à la police ou aux tribunaux. Ce n’est pas non plus au secteur social d’assumer seul la responsabilité des effets négatifs de la criminalité[16].

Mme Margaret Shaw, ancienne directrice des analyses et des échanges, Centre international pour la prévention de la criminalité, a fait valoir au Comité que la prévention du crime « a beaucoup évolué[17] » au cours des 30 dernières années et que les programmes de prévention du crime adoptent désormais une multitude d’approches, que l’on peut regrouper en quatre grandes catégories :

  • Les approches sociales et pédagogiques (qui comprennent les projets d’intervention précoce auprès des familles, des enfants et des écoles). Ces approches peuvent cibler les parents et les familles à risque élevé et les enfants à risque élevé (comme les jeunes qui font partie de gangs).
  • Les approches de prévention du crime communautaires ou locales axées sur les collectivités et les régions. Ces approches mobilisent les communautés locales, les résidents, les entreprises et les services locaux afin de résoudre collectivement les problèmes propres à la région. Ces approches visent souvent les communautés aux prises avec de sérieux problèmes économiques et sociaux.
  • Les approches liées aux situations et aux milieux, qui visent les facteurs qui encouragent les infractions, comme l’absence de lampadaires dans les rues et les parcs et les immeubles mal conçus. La prévention du crime liée aux situations vise à réduire les avantages qui découlent des crimes et les facteurs favorables, ainsi qu’à rehausser le risque pour les contrevenants.
  • Les programmes de réinsertion, qui favorisent la réinsertion sociale et communautaire de personnes ou de groupes d’enfants, de jeunes et d’adultes à la fin de leurs peines ou de leurs traitements[18].

On a indiqué au Comité que, compte tenu de la grande diversité des causes de la criminalité et des compétences et responsabilités requises pour s’y attaquer[19], la coopération et les partenariats font partie intégrante des initiatives de prévention du crime efficaces. La prévention du crime est devenue un mouvement international soutenu par deux directives de l’Organisation internationale des Nations Unies, qui établissent les éléments d’une prévention efficace ainsi que ses principes fondamentaux[20], notamment le fait que tout le monde dans la collectivité, le secteur privé, le secteur des entreprises, la société civile, les ONG, les résidents, les ministères, les organismes et les services doivent tous participer à la prévention du crime[21].

Norm Tasevski, cofondateur et associé, Purpose Capital, une firme d’experts‑conseils en investissement d’impact de Toronto, a expliqué que la finance sociale encourage ce genre de participation : « [d]errière la notion de financement social se trouve le souhait de nous ramener à une situation où toute la collectivité se mobilise pour résoudre les problèmes sociaux[22] », et la finance sociale « apporte ce que nous appelons une réaction mixte au crime et à ses effets et, surtout, une action préventive mixte qui diminue la fréquence des crimes pour commencer[23] ».

Cette approche peut créer une nouvelle dynamique où la communauté elle-même s’attaque aux racines de la criminalité, à ses répercussions et à sa prévention de façon mixte[24]. Elle permet également d’obtenir du financement par des sources autres que le gouvernement. Gianni Ciufo, associé de l’une des firmes de Deloitte offrant des services-conseils en financement, a présenté son avis :

[T]raditionnellement, les contribuables et les citoyens se tournaient souvent vers le gouvernement, [mais] on constate que de nos jours, un grand nombre de ces problèmes sont souvent réglés par des acteurs du secteur privé, qui peuvent ainsi bénéficier de retombées économiques en plus de saisir l’occasion pour renforcer leur image de marque, encourager les changements et les améliorations sur le plan social, et contribuer au développement de leur collectivité[25].

Il a ensuite expliqué l’intérêt que portent les investisseurs du secteur privé à l’investissement d’impact :

[L]’investisseur [du secteur privé] profite davantage du gain social qui en découle : la contribution à la société et l’amélioration de son image. Les organisations réinvestissent normalement dans la collectivité où elles engrangent des profits; elles font des dons de bienfaisance […] [L]es investisseurs qui normalement tireraient seulement un rendement du capital investi profiteraient également de leur contribution à des actions positives dans leur collectivité et de l’amélioration de leur image de marque de commerce et l’apprécieraient. Les investisseurs chercheraient de telles occasions[26].

Shawn Tupper, de Sécurité publique Canada, a souligné que « [b]eaucoup de sociétés dépensent déjà pas mal d’argent qui ne rapporte vraiment rien sur le plan économique, mais cela contribue aux collectivités[27] ».

Selon James Tansey, directeur exécutif, Centre de recherche ISIS, Sauder School of Business, Université de la Colombie-Britannique, qui examine le caractère durable de l’innovation sociale, le système de justice pénale pourrait être particulièrement bien adapté aux interventions de finance sociale. Il a indiqué que « [l]e taux d’échec du système traditionnel est très élevé » et que, par conséquent, « si l’objectif est la réadaptation, alors il y a aussi beaucoup de place à l’amélioration dans ce domaine. Si le taux de récidive est de 75 %, une simple réduction de 25 % du taux de récidive constituera une très grande réussite comparativement au statu quo[28] ».

Le Comité a appris que la réduction du taux de récidive est un objectif réaliste qui permettrait de structurer les populations cibles et les résultats mesurables[29]. De manière générale, les initiatives sociales peuvent avoir plusieurs objectifs; des résultats positifs pour des objectifs facilement mesurables peuvent en fait cacher de mauvais résultats relativement à d’autres objectifs, tout aussi importants, voire davantage, qui sont plus difficiles à mesurer[30].

[C]et outil fonctionne mieux quand on peut mesurer le résultat désiré et que ce résultat est un indicateur global de ce qu’on essaie de faire. […] Dans un domaine comme celui de la justice pénale, où la réduction de la criminalité et l’imposition de peines d’emprisonnement sont notre principal objectif, je crois que c’est un très bon outil[31].

Dans son témoignage devant le Comité, Shawn Tupper, de Sécurité publique Canada, s’est prononcé sur le rôle du gouvernement dans la finance sociale, indiquant qu’« il appartient au gouvernement d’appuyer l’élaboration et la mise en application d’instruments d’innovation et de financement à vocation sociale. Si nous voulons que le financement à vocation sociale s’épanouisse au Canada, il faut que nous nous montrions innovants et proactifs[32]. » Il a ajouté que le rôle du gouvernement dans la finance sociale « consiste […] à encourager et à faciliter des synergies et à intervenir à tous les niveaux – niveaux fédéral, provincial, municipal, secteurs non lucratif et privé – afin de mettre au point des pratiques exemplaires[33] ».

D’autres témoins ont également souligné les rôles que doit jouer le gouvernement en ce qui concerne l’application de la finance sociale à la prévention du crime. Norm Tasevski, de Purpose Capital, a fait valoir au Comité que « le rôle du gouvernement est de créer des incitatifs et des mécanismes pour que le financement social trouve sa place, sans que le gouvernement assume le principal risque sur le plan du capital[34] ». Kevin McNichol, directeur exécutif, Société HomeFront, un organisme sans but lucratif de Calgary visant la réduction de la violence familiale, a indiqué qu’un rôle de surveillance serait essentiel pour s’assurer que tous les aspects du filet de sécurité sociale soient suffisamment appuyés[35].

Certains témoins ont noté qu’une approche de ce type ne remplacerait pas la participation du gouvernement à la prévention du crime. Andy Broderick, vice-président, Investissement communautaire, Vancity Credit Union, Colombie-Britannique, a indiqué qu’« il est trop tôt pour se préoccuper de mobiliser des capitaux privés afin de remplacer les fonds gouvernementaux – il faudra attendre une dizaine d’années avant que nous en arrivions à devoir nous préoccuper de cela[36] ». Dans la même veine, Denise Hearn, agente d’élaboration des programmes, Finance for Good, un intermédiaire dans le domaine des obligations à impact social au Canada, a dit au Comité : « [N]ous ne pensons pas du tout que les finances sociales ou les OIS [obligations à impact social] remplaceront la structure existante. Elles se veulent tout simplement une source supplémentaire d’afflux de capital dans le système, et visent à mettre à l’essai de nouveaux projets et idées novateurs[37]. » En outre, Elizabeth Lower-Basch, coordonnatrice des politiques et analyste principale en matière de politiques, Center for Law and Social Policy, Washington, a noté que, « [d]’une manière générale, ces modèles ne prévoient pas que les gouvernements vont cesser d’être des partenaires et d’offrir du financement. Je pense qu’il s’agit en fait de savoir si les gouvernements vont fournir du financement dès le départ, ou si leur aide se manifestera plus tard dans le processus lorsque des résultats auront été obtenus[38]. »

Shawn Tupper, de Sécurité publique Canada, a indiqué que certains domaines, comme la réinsertion sociale de contrevenants à faible risque, pourraient facilement bénéficier de solides partenariats au sein des communautés fondés sur des investissements communautaires importants. Dans ces secteurs, le gouvernement pourrait remplir son rôle par la surveillance et le contrôle. Il a toutefois prévenu que le gouvernement doit avoir une plus forte présence dans certains autres domaines, comme ceux des délinquants à risque élevé et la santé mentale des contrevenants[39].

[Cela] ne signifie pas que le gouvernement se lave les mains de ses obligations de recherche de bonnes politiques en matière de réintégration. Il s’agit plutôt d’élargir la gamme des partenaires avec lesquels nous travaillons[40].

Certains témoins ont mis en doute le caractère durable général des initiatives de finance sociale dans le domaine de la prévention du crime. Ils ont exprimé des préoccupations par rapport au phénomène d’« écrémage » (c.-à-d. lorsque les fournisseurs de services concentrent leurs efforts sur les personnes qui ont le plus de chances de réussite puisque les bénéfices sont liés au rendement) et se sont demandé si ces initiatives peuvent être efficaces dans toutes les communautés[41] et si les programmes peuvent être appliqués dans les régions éloignées[42].

Est-ce que toutes les collectivités pourraient en bénéficier? Je ne pense pas, mais c’est la raison pour laquelle je disais que nous devons envisager la question comme une liste de possibilités. En y ajoutant d’autres éléments, espérons que nous serons en mesure d’offrir un plus grand filet de sécurité sociale. À mon avis, plus il sera grand, plus le nombre de personnes qui en bénéficieront sera élevé, et mieux cela vaudra d’un bout à l’autre du pays[43].

Certains témoins ont indiqué, dans leur témoignage, qu’il est trop tôt pour faire des prédictions définitives ou pour tirer des conclusions générales sur les modèles de la finance sociale dans son ensemble[44]. À l’international, les initiatives de finance sociale n’ont pas encore porté leurs fruits, et le milieu de la finance sociale canadien en est à ses balbutiements[45].

Des témoins ont également fait valoir que les initiatives de finance sociale peuvent être plus coûteuses pour le gouvernement que ne le sont les mécanismes de financement traditionnels en raison des coûts de mise en œuvre initiaux élevés et des coûts associés à l’évaluation et au versement des rendements aux investisseurs[46]. En outre, on a signalé au Comité que les économies de coûts potentielles qui découleraient de la finance sociale dans le domaine de la prévention du crime ou tout autre domaine social complexe ne se réaliseraient pas immédiatement, puisque les changements de comportement chez des populations peuvent exiger de nombreuses interventions, souvent de la part de plusieurs ministères et juridictions[47].

En outre, Siobhan Harty, d’EDSC, a noté que « [l]es économies pourraient augmenter avec le temps. Nous ne le savons pas encore. Cet outil est nouveau et doit être éprouvé; il est de nature préventive. Il s’agit vraiment d’un modèle d’investissement[48]. »

D’autres témoins ont souligné que la réduction des coûts n’est peut-être pas la seule mesure du succès :

[C]’est une erreur à mon avis de croire que les obligations à impact social ne se limitent qu’aux projets qui nous font économiser de l’argent. C’est l’élément central jusqu’à maintenant, mais il y a beaucoup d’autres objectifs possibles qui seraient souvent plus importants pour aider la population ciblée, mais qui ne nous feraient pas nécessairement économiser[49].
[I]l est important de reconnaître que l’investissement dans la prévention ne représente pas dans tous les cas des économies pour le gouvernement. Cela étant dit, la justice pénale fait probablement partie des cas où les économies sont plus probables à court terme. Mettre des gens en prison coûte très cher, et les possibilités de faire des économies sont considérables, même à court terme[50].

Certains témoins ont présenté des exemples de domaines où la finance sociale pourrait être appliquée. Shawn Tupper, de Sécurité publique Canada, a souligné qu’il est possible d’appliquer cette approche aux initiatives d’intégration des jeunes immigrants :

[I]l est possible de trouver des partenaires et [il] existe des personnes intéressées à investir. Nous travaillons, par exemple, avec un organisme d’aide à l’établissement des immigrants dans certaines collectivités. Nous voulions investir dans cet organisme parce qu’il travaille auprès des jeunes immigrants. L’objectif consistait à s’occuper de ces jeunes avant qu’ils n’intègrent des gangs de rue ou n’aient des problèmes avec la justice, et à leur offrir des façons d’intégrer la société canadienne et de réussir en tant que citoyens canadiens. Or, tout cela dépend des occasions qui leur sont offertes au Canada. Voilà un exemple simple où l’on pourrait probablement éveiller l’intérêt du secteur privé afin d’offrir des emplois au sein d’un organisme sans but lucratif qui travaille dans une communauté auprès des immigrants, où le gouvernement pourrait verser un financement de démarrage ou, à l’autre extrême, envisager de lancer des obligations à impact social et n’offrir de financement que si l’entreprise aboutit[51].

Sarah Doyle, conseillère de direction principale du MaRS Discovery District, un centre d’innovation sociale situé au centre-ville de Toronto, a dit au Comité que les bonnes idées novatrices – celles qui ont fait leurs preuves – devront peut-être recevoir du financement supplémentaire si on veut les répéter dans d’autres collectivités[52]. Selon elle, on peut trouver des exemples de ces bonnes idées « à divers endroits, que ce soit dans un projet de formation professionnelle visant la réintégration d'ex-délinquants sur le marché du travail, dans la pratique d'un établissement de santé mentale qui consiste à combattre certaines des causes profondes de la criminalité ou dans un programme d'éducation préscolaire conçu en fonction du principe de l'enseignement[53] ».

Selon Andy Broderick, de la Vancity Credit Union, il est peu probable que la finance sociale soit considérée comme pertinente pour les jeunes à risque « tant qu'on n'aura pas prouvé l'efficacité de la finance sociale pour régler certains de ces problèmes. À ce moment-là, les personnes responsables de ce dossier très difficile seront plus à l'aise avec ce type d'initiatives[54]. » Par contre, il a ajouté : « [l]es bons résultats obtenus dans des secteurs autres que celui des prisons indiquent que ce type de financement peut susciter l'innovation plus facilement que ne peut le faire le financement conventionnel par le gouvernement. D'après ce que j'ai pu observer en Colombie-Britannique, il est justifié que le gouvernement fédéral envisage de mener un certain nombre de projets pilotes et d'effectuer un certain nombre d'essais d'investissement visant à modifier la démarche relative aux prisons[55]. »

Andrew McWhinnie, directeur d’Andrew McWhinnie Consulting, a dit au Comité qu’il recommanderait comme initiative de finance sociale un programme comme les Cercles de soutien et de responsabilité. C’est une initiative communautaire de justice réparatrice qui aide les délinquants sexuels à réintégrer la société après leur peine de prison. Ce programme est prêt pour des investissements de ce type[56].

Cependant, Shawn Tupper, de Sécurité publique Canada, croit que les obligations à impact social, dans le contexte du système de justice pénale, n’auront peut-être pas au Canada les mêmes résultats rapides qu’elles ont eus au Royaume-Uni :

Cela fait huit ans que je m’intéresse à ce domaine et je dois dire que les obligations à impact social se situent à l’extrémité de l’éventail des instruments disponibles en matière de financement à vocation sociale […]
[N]ous avons consacré deux années à analyser ce concept, notamment dans le cadre de la sécurité publique, et nous sommes parvenus à la conclusion qu’il nous serait très difficile de mettre en place une obligation à impact social dans le contexte de la justice pénale. La principale différence entre notre système et le système britannique, où plusieurs types d’obligations ont été émis, tient peut-être que nous avons considérablement progressé dans la réduction des taux de récidivisme pour les infractions pénales; nous réussissons à intervenir au niveau des contrevenants avec de bien meilleurs résultats que d’autres systèmes de justice pénale. C’est pourquoi ces instruments sont beaucoup plus répandus chez eux, mais le rapport avec les résultats reste à établir. De notre côté, le déficit est beaucoup moins important et c’est pourquoi nous considérons ces instruments comme un peu hasardeux[57].

Cela dit, M. Tupper a mentionné que le gouvernement envisage actuellement la rémunération au rendement comme modèle de finance sociale; ce serait une façon d’adapter ses programmes de subventions et de contributions[58].

On a signalé au Comité que le marché de la finance sociale suscite beaucoup d’intérêt dans le secteur privé et qu’on commence à voir un niveau de préparation élevé. Gianni Ciufo, de Deloitte, a déclaré que « Deloitte et le Centre d'investissement d'impact MaRS ont examiné et consulté 80 investisseurs potentiels du marché de la science sociale, à savoir des banques, des coopératives de crédit, des fondations et des particuliers bienveillants, et constaté qu'ils sont disposés à participer à ce marché et qu'ils cherchent des occasions de le faire[59] ».

D. LES INITIATIVES DE FINANCE SOCIALE – PRINCIPAUX ÉLÉMENTS

1. Finance sociale – mécanismes d’investissement

La finance sociale est une « approche de gestion de l’argent qui procure à la fois un avantage social et des retombées économiques pour les investisseurs[60] ». On a expliqué au Comité qu’il existe de nombreux mécanismes d’investissement qui, sous la rubrique de la finance sociale, pourraient être appliqués avec succès au Canada[61], comme les entreprises à vocation sociale, les obligations à impact social ou les emprunts.

a. Entreprise sociale

Une entreprise sociale est une entreprise dont le but est de fournir des biens et des services tout en exécutant un programme social[62].

Au sujet des entreprises sociales, Siobhan Harty, d’EDSC, a dit que « [c]e modèle d'entreprise en émergence contribue à accroître la solidité financière des organismes communautaires en fournissant une source alternative de revenus pour s'attaquer à des problèmes sociaux complexes[63] ». Certains témoins ont décrit au Comité des approches mises en œuvre pour appuyer les entreprises sociales, comme la création par la Colombie-Britannique d’une nouvelle tribune pour les entreprises sociales[64], et le lancement récent en Ontario d’une stratégie qui comprend un fonds pour fournir des subventions et des investissements[65].

Les entreprises sociales peuvent, outre leurs résultats sociaux, générer des recettes qui assureront sa viabilité ou attireront des investissements initiaux. Selon Shawn Tupper, « les entreprises sociales bénéficiant de subventions de démarrage d’origine publique ou privée pourraient atteindre une rentabilité durable grâce au réinvestissement de leurs recettes dans l’entreprise[66]».

b. Obligations à impact social

Les obligations à impact social (OIS) sont un instrument de financement de projets qui prévoit le versement d’un montant d’argent préétabli si les résultats en matière de rendement sont atteints. Les OIS combinent la rémunération au rendement à une approche fondée sur l’investissement : les investisseurs du secteur privé fournissent le capital initial pour financer des interventions et peuvent s’attendre à récupérer leurs principaux investissements ainsi qu’un rendement financier si les résultats sont atteints[67].

Essentiellement, le gouvernement entre en partenariat avec ce qu'on appelle un intermédiaire. L'intermédiaire réunit des fonds et gère un capital obtenu auprès de banques, d'institutions financières, de fondations et de particuliers, puis l'investit dans les prestataires de services, ceux-ci assurant ensuite la prestation de programmes sociaux. Par conséquent, le besoin de financement direct provenant du gouvernement est réduit. Si le programme suscite des économies, le partenaire du gouvernement en verse un pourcentage aux investisseurs selon un taux d’intérêt prédéterminé[68].

Lars Boggild, agent d’élaboration des programmes chez Finance for Good, un intermédiaire pour OIS, a expliqué au Comité que les OIS comportent « en fait deux éléments[69] ». Il y a premièrement « une entente de paiement à la réussite; le gouvernement s'engage à payer ce qui est inscrit dans l’entente, à condition que certains résultats soient atteints ». Le deuxième élément est « le financement en soi : l'affectation du fonds de roulement dès le départ pour que les organisations et les organismes sans but lucratif soient en fait capables de concrétiser le programme sur le terrain pour obtenir les importants résultats escomptés sur le plan social[70] ». M. Boggild a ajouté que « dans bien des cas, les contrats d'impact social sont administrés par l'État, notamment dans le cadre d'appels d'offres qui définissent ces paramètres : la population, l'endroit, les communautés et les raisons pour lesquelles c'est une priorité stratégique[71] ».

Plusieurs témoins ont parlé des principaux éléments des OIS, y compris le contrat négocié et signé par tous les participants, le rôle des investisseurs et des intermédiaires et la rigueur des évaluations.

Jeffrey Liebman, directeur du Laboratoire d'assistance technique en obligation à impact social, à la Harvard Kennedy School, a décrit la nature des contrats que signent les parties à une OIS :

[S]elon le modèle le plus commun des obligations à impact social, le gouvernement signe un contrat pour la prestation de services sociaux avec un fournisseur local, ou parfois avec une équipe de fournisseurs, puis le gouvernement paie la totalité de la facture ou presque en fonction des résultats obtenus, comme une hausse de l'emploi de 10 %, une réduction des récidives de 30 % ou une réduction de 50 % des consultations aux urgences. Le rendement est évalué rigoureusement […] par comparaison des résultats dans la population touchée avec les résultats d'un groupe de comparaison, pour que l'incidence du projet puisse être évaluée[72].

Comme l’a illustré Lars Boggild, l’intermédiaire utilise l’OIS « en vue de permettre aux collectivités canadiennes d’investir dans la prévention en tout genre […] L'autre fonction d'un intermédiaire est que nous collaborons avec les organismes sans but lucratif, les gouvernements qui passent une telle commande et les investisseurs en vue de structurer le plan, d'aider à lever les fonds requis, d’évaluer les résultats et de superviser la mise en œuvre relativement aux obligations à impact social[73]. » M. Boggild a ajouté que l’intermédiaire, comme Finance for Good, s’occupe habituellement de la surveillance, mais que ce sont des évaluateurs indépendants qui déterminent si les résultats qui génèrent des bénéfices ont bien été atteints.

De plus, selon Jeffrey Liebman, directeur du Social Impact Bond Technical Assistance Lab, « [c]e genre de contrat semble permettre au gouvernement de s'attaquer plus efficacement aux problèmes complexes grâce à l'aide de fournisseurs de services privés et de le faire dans un horizon de quatre à six ans, ce qui correspond souvent au temps qu'il faut pour ouvrir une brèche dans un problème social[74] ». Dans le cadre d’une OIS, le rôle des investisseurs est de combler l’écart entre la prestation des services et le moment où les résultats peuvent être mesurés; ils sont donc là pour « fournir des fonds de fonctionnement aux fournisseurs de services sociaux afin qu'ils puissent offrir des services en amont, dans l'attente d'être remboursés plus tard, lorsque les résultats auront été prouvés[75] ».

Au Canada, les OIS sont par exemple utilisées en Saskatchewan, où le gouvernement de la province a lancé la première obligation à impact social canadienne axée sur le logement de soutien pour les mères de famille monoparentale à risque, et en Ontario, où un appel d'idées pour des OIS a été lancé dans les domaines du logement, des jeunes à risque et des obstacles à l'emploi[76].

D’autres témoins ont décrit certains des avantages qu’apportent les OIS. Par exemple, Jeffrey Liebman, du Social Impact Bond Technical Assistance Lab, a signalé que les OIS peuvent permettre aux gouvernements de conclure des partenariats pluriannuels et de réaffecter les ressources de réparation vers la prévention :

Ce modèle apporte une grande discipline de marché au processus décisionnel pour ce qui est de déterminer quelles interventions reproduire à plus grande échelle et financer davantage, parce que seules les interventions dont le bilan est assez solide pour réussir à attirer des investisseurs privés peuvent être financées selon ce modèle […]
[I]l aide les gouvernements à réaffecter leurs ressources de réparation vers la prévention, de sorte qu'on n'attend plus les mauvais résultats pour en absorber les coûts; ce modèle permet aux administrations, même en période de contraintes budgétaires, de hausser leurs investissements et d'investir dans la prévention qui, en plus d'améliorer les résultats, a de bonnes chances de leur faire économiser de l'argent à long terme, puisqu'elles n'auront pas à payer pour des mesures de réparation.
Le dernier avantage de ce modèle — et je pense que c'est le plus important —, c'est qu'il permet aux administrations d'établir des ententes de collaboration pluriannuelles beaucoup plus efficaces avec des fournisseurs de services pour s'attaquer aux problèmes sociaux complexes[77].

Adam Jagelewski, codirecteur de MaRS Discovery District, a expliqué que les OIS peuvent servir à la prévention « dans les domaines de la prévention où il est possible d'économiser de l'argent ou d'améliorer la prestation de services. Les organismes sans but lucratif désirent examiner avec nous les obligations à impact social étant donné qu'elles représentent un modèle de revenus qui permet de financer une croissance plus forte ou de soutenir la prestation de services, et les investisseurs sociaux sont attirés par le dynamisme qui découle de l'association des résultats au rendement financier[78] ».

Bien que les OIS soient un moyen souvent plus coûteux ou plus complexe de financer un service que l’octroi d’une subvention directe, M. Jagelewski estime qu’elles peuvent servir lorsque le gouvernement n’a pas les ressources pour mettre à l’essai, faire croître ou reproduire des programmes novateurs[79].

Andy Broderick, de la Vancity Credit Union, a mis en garde le Comité : les OIS n’ont pas encore fait leurs preuves et elles ne sont qu’un instrument de finance sociale parmi plusieurs autres :

Les obligations sociales sont prometteuses, mais, à la lumière de mon expérience en Colombie-Britannique et aux États-Unis, je reste sceptique à l'égard de l'enthousiasme actuel pour l'utilisation des obligations d'impact social en tant qu'instrument financier pour s'attaquer à des problèmes sociaux bien ancrés au Canada. Ma première préoccupation concerne le fait que la notion d'obligation d'impact social n'est pas bien définie. Ce à quoi les gens pensent habituellement ne prend pas vraiment la forme d'une obligation. Je suis beaucoup plus à l'aise avec des termes comme la rémunération au rendement ou les paiements en fonction de la réussite, mais même ces termes revêtent l'aspect chauvin d'un slogan […] Du point de vue de l'investissement, on parle de régime de paiements contractuels. Encore une fois, ces régimes peuvent être de très bonnes structures d'investissement, mais je crois qu'il faut les appeler par leur nom [80].

David Butler, conseiller principal à MDRC, un partenaire dans le secteur des OIS aux États-Unis, a signalé au Comité que dans son pays, l’efficacité des OIS ne fait pas encore consensus, et que l’opinion dominante est pour l’instant : « [v]oyons si cela peut produire ce qu'ils disent pouvoir produire, puis nous en jugerons[81]. »

Jeffrey Liebman, du Social Impact Bond Technical Assistance Lab, a expliqué que « [l’obligation à impact social, aux États‑Unis, permet] à certains gouverneurs et maires novateurs de s’attaquer à des problèmes qui n'auraient pas pu être abordés par l’entremise des mécanismes traditionnels », mais que cet outil « en est encore au stade expérimental et nous devons apprendre comment l’utiliser, et savoir s’il entraînera vraiment de meilleurs résultats que les autres outils dont dispose le gouvernement[82] ». Elizabeth Lower-Basch, du Center for Law and Social Policy, a dit au Comité que les OIS en sont encore au stade expérimental, et que les gouvernements doivent attendre de nouvelles analyses avant de les adopter à grande échelle :

Je recommande pour commencer d'être réaliste concernant ce que les OIS peuvent accomplir. Ne faites pas trop valoir ce principe. Reconnaissez que c'est une nouvelle démarche qui est encore en phase expérimentale. Aucune OIS au monde n'est rendue à la phase du paiement, alors il reste beaucoup à apprendre. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il ne faut pas déplacer les dépenses actuelles et que vous devez reconnaître qu'il ne s'agit pas d'une panacée au problème du sous-investissement dans les programmes sociaux. Je vous presse également de commencer par l'analyse des résultats souhaités et de ce que vous êtes prêts à payer pour les obtenir, que ce soit en raison des économies qui seront réalisées ou de ce que cela vaut pour la société. Ce cadre est essentiel au succès de l'OIS. Vous ne pouvez avancer sans cela. Mais c'est aussi une importante conversation qui ajoutera de la valeur à l'établissement de votre budget et à votre processus de prise de décision, que vous décidiez d'aller de l'avant ou pas avec les obligations à impact social[83].

c. Emprunts à intérêt réduit

Les emprunts à intérêt réduit sont un autre mécanisme d’investissement dans la finance sociale. Siobhan Harty, d’EDSC, a expliqué que cette option permet actuellement d’attirer les investisseurs privés parce qu’elle combine bénéfices sociaux et financiers.

Il y a déjà une approche novatrice associée à cela, un programme de microcrédit à l'intention des nouveaux Canadiens qui veulent obtenir une accréditation au pays, mais qui ne peuvent pas nécessairement se permettre de passer les tests qui sont parfois obligatoires[84].

En plus des microcrédits, Gianni Ciufo, de Deloitte, a fait remarquer que les prêts du gouvernement tiennent parfois lieu, dans les faits, de mécanisme d’investissement dans la finance sociale :

[D]e temps à autre, le gouvernement participe à des projets de finance sociale en soutenant, par exemple, certaines industries au moyen de prêts ou de subventions […] à faible revenu ou sans revenu afin de renforcer l'industrie ou de maintenir les emplois dans une collectivité[85].

Andy Broderick, de la Vancity Credit Union, a parlé au Comité du programme de capital résilient que la Vancity Credit Union a mis sur pied avec l’aide de la Vancouver Foundation pour fournir aux entreprises sociales et aux entreprises à valeurs combinées un accès à du capital[86].

Bill Young, président de Social Capital Partners (SCP), à Toronto, a expliqué que son entreprise a cherché des façons novatrices de trouver de bonnes occasions d’emploi pour les gens se heurtant à des obstacles dans ce domaine : [n]ous avons assumé le rôle d'investisseurs de capital risque fournissant du financement, parfois sous forme de prêts, d'autres fois sous forme de contributions, mais seulement à des organismes dont 50 % au moins de la main-d’œuvre venaient de populations désavantagées[87]. »

En coopération avec les organismes de service communautaire locaux, SCP a fourni aux entrepreneurs un bassin de candidats. Ainsi, l’employeur pouvait facilement satisfaire aux conditions d’embauche stipulées dans le  prêt, et les employés pouvaient recevoir toute l’aide nécessaire des organismes les appuyant. M. Young a décrit les avantages de cette approche du point de vue des employeurs :

[N]ous avons éliminé les risques pour le secteur privé, en nous disant que c'est ainsi qu'on obtiendrait sa participation. Nous lions nos taux d'intérêt au nombre d'embauches communautaires. Plus un entrepreneur embauche, plus son taux d'intérêt diminue. Nous lions le rendement de notre investissement à notre mission sociale[88].

 M. Young a expliqué que cette approche pourrait même contribuer à la prévention de la criminalité : « [l]a clé du problème, [c]'est que, par bien des [façons], il y a peu de choses aussi importantes que l'emploi, non seulement pour des résultats économiques mais pour notre estime de [soi] et notre confiance. C'est un fait qui, selon moi, est manifestement lié aux questions de sécurité publique ou de récidivisme[89]. »

2. Mise en œuvre

[L]a finance sociale présente bien des avantages. La magie ne tient pas, toutefois, à la nature de la finance sociale — aux structures — mais dans sa mise en œuvre. Au Canada, nous explorons encore les modalités de mise en œuvre optimales de la finance sociale; c'est un projet en devenir[90].

Cette question de la mise en œuvre est essentielle. À ce sujet, il ne faut pas sous-estimer l’importance des partenaires : les concepteurs et coordonnateurs de l’initiative, les organismes de prestation des services, les évaluateurs qui décident comment évaluer le rendement et recueillent les renseignements à cette fin, ainsi que l’engagement et les compétences qu’ils y apportent. [91]

Par ailleurs, il faut que le rendement des mécanismes de finance sociale soit mesurable et mesuré au fil du temps pour que les bénéfices à verser aux investisseurs puissent être calculés[92].

[L]es gouvernements, ainsi que les donateurs, déploient de plus en plus d'efforts pour que les normes de rendement portent davantage sur les résultats que sur la production de rapports. Pour mesurer les changements sociaux, on accorde la priorité à des paramètres adéquats, mais ils sont encore difficiles à respecter[93].
La transition vers la finance sociale et les obligations à impact social se fait en partie par une transition vers la mesure des résultats à plus long terme et essentiellement les choses dont les gouvernements et les gens se soucient[94].

Les mécanismes de finance sociale nécessitent de nouvelles compétences, c’est‑à-dire la capacité de négocier de nouveaux résultats sensés en fonction du remboursement, de bâtir des modèles financiers, et de comprendre la population cible[95].

Autre considération importante : trouver les partenaires appropriés pour l’initiative de finance sociale projetée[96]. Par exemple, Andrew McWhinnie, qui a travaillé avec les Cercles de soutien et de responsabilité, un programme communautaire d’aide aux délinquants sexuels qui réintègrent la société, a expliqué ce qui suit :

Nous avons un peu l'impression qu'un investisseur privé pourrait avoir certaines hésitations à financer de pair avec le gouvernement les Cercles de soutien et de responsabilité […] Nous nous occupons de criminels dangereux, d'individus qui présentent un risque élevé. Posons simplement la question : qui donc va vouloir investir dans des services de soutien pour les délinquants sexuels? On peut vraiment se le demander.
Et si un investisseur est effectivement intéressé, ne voudra-t-il pas avoir son mot à dire quant aux cibles de nos interventions? On pourrait nous dire que tel ou tel individu fait beaucoup parler de lui et que ce ne serait pas nécessairement bon pour l'entreprise d'être associée aux services de soutien qui lui sont offerts. Je pense donc qu'il y a tout lieu de s'inquiéter. On pourrait aussi nous dire qu'on ne veut pas que nous recrutions des bénévoles de tel ou tel groupe en nous indiquant où nous devrions les prendre, ou encore que nous devons éviter de recruter au sein des communautés religieuses — une grande source de bénévoles pour nous […]
Bref, j'ai effectivement certaines réserves quant à la nature possible de ces partenariats. Nous devrons choisir des partenaires qui comprennent et partagent notre vision des choses[97].

Cependant, d’autres témoins ont clarifié la relation entre les parties concernées, soulignant que ce sont les intermédiaires qui cherchent les investisseurs qui conviennent au travail du fournisseur et affirmant que les investisseurs ne s’ingéreraient pas dans la gestion des projets. 

Au sujet du rôle des intermédiaires, Lars Boggild, Finance for Good, a déclaré ce qui suit :

 La première est de travailler directement avec les organisations, qui sont généralement des organismes sans but lucratif, en vue de les amener à pouvoir utiliser de tels mécanismes, à conclure de telles ententes et à recevoir du financement. C’est quelque chose de temporaire, mais nous travaillons de concert avec les organismes en vue de surmonter divers défis, comme l’évaluation des résultats, l’attribution des effets, le modèle de financement, etc. Ces mesures en amont sont vraiment nécessaires si des priorités stratégiques ou des domaines d’intérêt, y compris la prévention du crime, recoupent vraiment un domaine social qui est tout aussi capable de prendre les rênes et d’arriver à offrir de tels résultats.
 L’autre fonction d’un intermédiaire est que nous collaborons avec les organismes sans but lucratif, les gouvernements qui passent une telle commande et les investisseurs en vue de structurer le plan, d’aide à lever les fonds requis, d’évaluer les résultats et de superviser la mise en œuvre relativement aux obligations à impact social. C’est une fonction qui est plus continue, et cela se poursuit tout au long du cycle de vie d’une obligation à impact social[98].

Denise Hearn, également de Finance for Good, a ajouté :

 Je pense que l’une des préoccupations que les gens ont, c’est que les investisseurs auront certains pouvoirs ou une certaine autorité sur la mise en œuvre des programmes de sorte à être en mesure d’influencer la prestation de ces services selon leurs préférences personnelles.
Ce n’est pas du tout le cas. En tant qu’organisation intermédiaire, nous estimons que l’une de nos principales fonctions consiste à être la partie neutre qui favorise la signature d’ententes entre ces trois groupes d’intervenants – l’organisation, les investisseurs et le gouvernement. En raison de la façon dont la structure de gouvernance est établie, je pense qu’il serait difficile pour des intérêts privés d’influencer la prestation des services[99].

Pour Shawn Tupper, de Sécurité publique Canada, il s’agit d’élargir la gamme des partenaires communautaires[100]. Les partenaires ne sont pas seulement ceux qui apportent de l’argent, mais aussi tout groupe qui peut fournir des ressources utiles.

Par exemple, nous travaillons avec la Société John Howard afin de trouver des programmes de placement pour aider les délinquants à risque élevé qui, sans cette aide, auraient de la difficulté à se trouver un emploi. Cet organisme est en mesure de prendre des arrangements avec la ville pour que ces délinquants puissent, par exemple, faire des travaux d'entretien dans des logements sociaux, ou il peut exploiter une petite entreprise où ils pourront travailler et être rémunérés. C'est John Howard qui fait la supervision, et la ville en tire avantage puisque, par l'entremise d'une entente contractuelle, elle s'attache certains services pour ses logements sociaux. Il s'agit d'un cycle positif[101].

La ville de Calgary offre un autre exemple : ses programmes de prévention jumellent un agent de police et un travailleur social qui répondent aux appels liés à des cas de violence familiale ne menant pas à des accusations. L’analyse du rendement social sur investissement a révélé que ces programmes permettaient de réaliser des économies annuelles de 100 000 $ en temps de travail policier dans chaque district. Ce temps a été réinvesti dans d’autres tâches policières qui n’étaient pas réalisées ou suffisamment appuyées[102].

[S]i nous devons entamer cette démarche, il faut oublier la notion de « réduction des coûts » pour adopter celle de « valeur ajoutée ». Ce qui se produit en réalité, ce n’est pas une réduction des coûts, mais une réaffectation des ressources à des enjeux ou des secteurs délaissés, et une meilleure utilisation de ces ressources dans les domaines habituels[103].

E. RECOMMANDATIONS

Recommandation 1

Conscient que la prévention du crime permet au système de justice de faire des économies importantes, et que le crime a des conséquences incalculables sur les victimes, le Comité recommande que le gouvernement maintienne son financement de la prévention du crime, et que les modèles de la finance sociale servent à améliorer et à élargir le financement total consacré à la prévention du crime au Canada.

Recommandation 2

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile envisage sérieusement d’intégrer les modèles de la finance sociale à ses programmes de prévention du crime, par l’entremise du Centre national de prévention du crime (CNPC).

Recommandation 3

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile lance un projet pilote sur la prévention du crime mis au point dans le cadre d’un modèle de finance sociale, comme on l’a décrit au Comité pendant l’étude.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile travaille à accroître l’ensemble des connaissances sur les options de finance sociale qui existent au Canada, et crée une feuille de route sur l’application optimale de ces modèles aux divers programmes de prévention du crime au Canada.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile travaille à établir des liens avec les divers partenaires des modèles de finance sociale, c’est‑à‑dire les investisseurs, les intermédiaires et les fournisseurs de services, afin de déterminer les pratiques exemplaires qui permettront, au moyen de modèles de finance sociale, de susciter de nouveaux investissements dans la prévention du crime.

Recommandation 6

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile commence, en collaboration étroite avec le ministère de l’Emploi et du Développement social, à envisager des partenariats qui permettront de fusionner la prévention du crime et la formation à l’emploi dans le cadre de modèles de finance sociale.

Recommandation 7

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile charge un comité consultatif d’intervenants de le conseiller sur l’élaboration de modèles de finance sociale qui amélioreront les programmes de prévention du crime au Canada.

Recommandation 8

Le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, en collaboration avec des intermédiaires, établisse une liste d’organisations financées par le CNPC, dotées d’un modèle efficace adaptable aux mécanismes de finance sociale, et dont le financement quinquennal prendra fin d’ici les deux prochaines années ou a déjà pris fin, afin de déterminer si une transition vers la finance sociale pourrait assurer leur viabilité.

Recommandation 9

Conscient que l’intervention précoce et la prévention du crime permettent au système de justice, aux services de police et au système de santé des provinces et des territoires de faire des économies importantes, le Comité recommande que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile travaille en partenariat avec les provinces et les territoires à l’élaboration de modèles de finance sociale visant la prévention du crime.

Recommandation 10

Le Comité recommande que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile modifie les modalités du programme du CNPC de manière à permettre des partenariats avec les entreprises, les sociétés et les organismes intermédiaires dans le cadre de modèles de finance sociale.


[1]                 Selon son site Web, MDRC a été établi sous le nom « Manpower Demonstration Research Corporation ». En 2003, l’organisme a adopté le nom « MDRC » comme image de marque enregistrée.

[2]                 SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1530 (Kathy Thompson, sous-ministre adjointe, Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile).

[3]                 Ibid., 1535.

[4]                 Sécurité publique Canada.

[5]                 Cette citation est directement tirée de la réponse écrite de Sécurité publique Canada adressée au Comité le 4 septembre 2014.

[6]                 SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1540 (Shawn Tupper, sous-ministre adjoint, Secteur de la gestion des urgences et des programmes, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile).

[7]             Ibid.

[8]             Ibid., 1615 (Kathy Thompson).

[9]             Ibid., 1540 (Shawn Tupper).

[10]               Ibid.

[12]               Ibid., 1540.

[13]               Ibid., 1530.

[14]               Ibid., 1540.

[15]               Ibid.

[16]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 mai 2014, 1635, (Norm Tasevski, cofondateur et associé, Purpose Capital).

[17]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1535 (Margaret Shaw, ancienne directrice des analyses et des échanges, Centre international pour la prévention de la criminalité, à titre personnel).

[18]               Ibid.

[19]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 juin 2014, 1635 (Gregory Jenion, professeur, Faculté, département de criminologie, Kwantlen Polytechnic University, à titre personnel).

[20]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1535 (Margaret Shaw).

[21]               Ibid., 1545.

[22]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 mai 2014, 1650 (Norm Tasevski).

[23]               Ibid., 1635.

[24]               Ibid.

[25]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1540 (Gianni Ciufo, associé, Services-conseils en financement, Deloitte).

[26]               Ibid., 1620.

[27]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1640 (Shawn Tupper).

[28]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 juin 2014, 1535 (James Tansey, directeur exécutif, Centre de recherche ISIS, Sauder School of Business, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel).

[29]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1625 (Jeffrey Liebman, directeur, Laboratoire d’assistance technique en obligation à impact social, Harvard Kennedy School).

[30]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1550 (Gianni Ciufo.

[31]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1625 (Jeffrey Liebman).

[32]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1540 (Shawn Tupper).

[33]               Ibid., 1535.

[34]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 mai 2014, 1700 (Norm Tasevski).

[35]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1700 (Kevin McNichol, directeur exécutif, Société HomeFront pour la Prévention de la Violence Familiale).

[36]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 juin 2014, 1615 (Andy Broderick vice-président, Investissement communautaire, Vancity Credit Union, à titre personnel).

[37]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1645 (Denise Hearn, agente d’élaboration de programmes, Finance for Good).

[38]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1700 (Elizabeth Lower-Basch, coordonnatrice des politiques et analyste principale en matière de politiques, Center for Law and Social Policy of Washington).

[39]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 juin 2014, 1545 (Shawn Tupper); SECU, Témoignages, 2session, 41e législature, 15 mai 2014, 1700 (Andrew McWhinnie, directeur, Andrew McWhinnie Consulting, à titre personnel).

[40]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 juin 2014, 1540 (Shawn Tupper).

[41]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1725 (Kevin McNichol).

[42]           Ibid., (Jacqueline Biollo, coordonnatrice stratégique, Bureau de stratégie de gestion, Edmonton Police Service).

[43]               Ibid., (Kevin McNichol).

[44]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1640 (Adam Jagelewski, codirecteur, MaRS Discovery District).

[45]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 juin 2014, 1610 (Andy Broderick); SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1550 (Margaret Shaw).

[47]               Ibid., 1540 (Siobhan Harty).

[48]               Ibid.

[49]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1540 (David Butler, conseiller principal, MDRC).

[50]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1635 (Elizabeth Lower-Basch).

[51]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1655 (Shawn Tupper).

[52]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1640 (Sarah Doyle, conseillère de direction principale, MaRS Discovery District).

[53]               Ibid.

[54]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 juin 2014, 1550 (Andy Broderick).

[55]               Ibid., 1630.

[56]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1700 (Andrew McWhinnie).

[57]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1610 (Shawn Tupper).

[58]               Ibid., 1600.

[59]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1545 (Gianni Ciufo).

[61]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1610 (Shawn Tupper).

[63]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1530 (Siobhan Harty).

[64]           Ibid., 1535.

[65]           Ibid.

[66]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 13 mai 2014, 1540 (Shawn Tupper).

[68]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 mai 2014, 1635 (Norm Tasevski).

[69]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1635 (Lars Boggild, agent, Élaboration des programmes, Finance for Good).

[70]               Ibid.

[71]               Ibid., 1705.

[72]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1540 (Jeffrey Liebman).

[73]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1635 (Lars Boggild).

[74]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1550 (Jeffrey Liebman).

[75]               Ibid., 1540.

[76]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1535 (Siobhan Harty).

[77]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1545 (Jeffrey Liebman).

[78]               Ibid., 1635 (Adam Jagelewski).

[79]               Ibid., 1640.

[80]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 juin 2014, 1530 (Andy Broderick).

[81]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1530 (David Butler).

[82]           Ibid., 1550 (Jeffrey Liebman).

[83]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1635 (Elizabeth Lower-Basch).

[84]               Ibid., 1600 (Siobhan Harty).

[85]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1600 (Gianni Ciufo).

[86]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 juin 2014, 1530 (Andy Broderick).

[87]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 mai 2014, 1530 (Bill Young, président, Social Capital Partners).

[88]           Ibid.

[89]           Ibid., 1535.

[90]               Ibid., 1640 (Norm Tasevski).

[91]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1540 (Margaret Shaw); SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1650 (Lars Boggild); SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1550 et 1655 (Gianni Ciufo); SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1610 (Siobhan Harty).

[92]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 juin 2014, 1650 (Adam Jagelewski).

[93]               Ibid., 1635.

[94]               Ibid., 1700 (Sarah Doyle).

[95]               Ibid., 1650 (Adam Jagelewski).

[96]               SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 15 mai 2014, 1620 (Siobhan Harty).

[97]               Ibid., 1705 (Andrew McWhinnie).

[98]           SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 mai 2014, 1635 (Lars Boggild).

[99]           Ibid., 1655 (Denise Hearn).

[100]            SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 juin 2014, 1540 (Shawn Tupper).

[101]            Ibid.

[102]            SECU, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 juin 2014, 1630 (Kevin McNichol).

[103]            Ibid.