(i) le groupe terroriste connu sous le nom d’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) a exhorté à maintes reprises ses membres à cibler le Canada et les Canadiens au pays et à l’étranger;
(ii) l’EIIL constitue une menace claire et active pour la population du Moyen-Orient, notamment pour les membres de minorités religieuses et ethniques vulnérables, qui ont fait les frais d’une campagne brutale et barbare de violence sexuelle, de meurtres et d’intimidation de la part de l’EIIL;
(iii) si elle n’est pas confrontée à une force puissante et directe, la menace que l’EIIL pose pour le Canada et pour la paix et la sécurité internationales ira en s’accroissant;
(iv) le Canada souhaite, conformément aux valeurs et aux intérêts canadiens, protéger les civils vulnérables et innocents de la région, notamment en fournissant de l’aide humanitaire d’urgence;
(v) le gouvernement de l’Irak a demandé un soutien militaire contre l’EIIL aux membres de la communauté internationale, y compris au gouvernement du Canada;
(vi) le Canada fait partie d’une vaste coalition internationale formée d’alliés et de partenaires, notamment de nombreux pays du Moyen-Orient, engagés dans la lutte contre l’EIIL;
(vii) le Conseil de sécurité des Nations Unies demeure saisi de la menace que constitue le terrorisme international avec l’adoption à l’unanimité de la résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations Unies;
(viii) le déploiement de ressources de l’Aviation royale du Canada a joué un important rôle en réduisant, en déstabilisant et en affaiblissant la position et les opérations de l’EIIL dans la région;
(ix) la mission de prestation de conseils et d’assistance des Forces d’opérations spéciales du Canada dans le nord de l’Irak a augmenté les capacités des forces de sécurité kurdes et irakiennes à combattre l’EIIL;
(x) le fait de continuer à réduire l’EIIL nécessitera des frappes contre ses opérations et ses infrastructures là où elles sont, y compris en Syrie;
En conséquence, la Chambre:
a) continue à appuyer la décision du gouvernement de fournir des moyens militaires pour lutter contre l’EIIL et les terroristes alignés sur l’EIIL, notamment une capacité de frappe aérienne pour mener des frappes aériennes en Irak et en Syrie;
b) appuie la décision du gouvernement de prolonger la mission au plus tard jusqu’à la date du 30 mars 2016;
c) prenne note du fait que le gouvernement continue à ne pas envoyer des troupes de combat au sol;
d) offre son soutien sans réserve et de tout coeur aux courageux hommes et femmes des Forces armées canadiennes qui sauront protéger nos foyers et nos droits à tous.
-- Monsieur le Président, au cours de la dernière année, nous avons assisté à la progression de l'extrémisme et de la brutalité dans le monde. Cette progression choque les Canadiens et oblige le gouvernement à agir.
Les pays limitrophes de la Syrie continuent de faire les frais de l'instabilité qui y règne. Des camps de réfugiés de la taille d'une ville poussent partout dans la région. J'ai visité un de ces camps il y a quelques semaines dans le Nord de l'Irak. J'y ai discuté avec des yézidis et des chrétiens de Syrie, entre autres. Ils m'ont raconté leurs histoires d'horreur.
Je prends la parole à la Chambre pour l'informer que tous ceux que j'ai rencontrés, ceux qui ont été persécutés, sont en fuite en raison de la tyrannie insupportable qu'ils allaient subir. La campagne qu'a lancée le soi-disant État islamique en Irak et au Levant, l'EIIL, a des répercussions partout dans le monde, de l'Afrique du Nord à l'Asie du Sud, en passant par les médias sociaux et les rues devant notre Parlement.
La campagne de l'EIIL menace les Canadiens. Cette campagne — fondée sur la peur, l'oppression, la tyrannie, une culture de la violence et l'intimidation brutale et barbare — menace les fondements de notre société.
Même si la menace terroriste continue d’évoluer, notre réaction à cette menace continue d’être la plus grande épreuve de notre génération. Cela met fondamentalement à l’épreuve nos valeurs, notre caractère national et notre volonté en tant que pays et nation. La détermination des Canadiens nous a permis de passer au travers des guerres, des dépressions, des temps difficiles et d’une grande incertitude.
Comme ils l’ont fait devant toute autre tyrannie, les Canadiens se dresseront devant celle-ci. J’aurai toujours foi en notre pays; nous ferons preuve d’une clarté morale à cet égard, comme nous l’avons toujours fait dans les moments qui ont défini notre nation.
On ne saurait trop insister sur l’étendue des ambitions de l’EIIL. De la région située entre ces fleuves anciens que sont l'Euphrate et le Tigre, ces terroristes barbares cherchent à établir un califat et promettent ensuite une expansion territoriale et des persécutions religieuses.
Nous savons que l’EIIL s’affaire à organiser ses campagnes d’atrocités. Dans les régions où le groupe est actif en Syrie, il réduit à l’esclavage d’innombrables personnes, dont bon nombre de musulmans, par le biais de tribunaux qui appliquent la charia. L’EIIL s’est doté d’une prétendue capitale en Syrie dans l’ancienne ville de Raqqa, qui était autrefois la capitale du califat abbasside. Son chef, al-Baghdadi, s’est autoproclamé calife tout en prêchant sa perversion de l’islam dans une mosquée de Mossoul.
Résultat? L'EIIL draine le sang des persécutés, laissant dans son sillage une crise humanitaire sans précédent: des millions de réfugiés, dont des membres de minorités religieuses, fuyant la région dans l'espoir d'échapper à la mort; d'atroces exécutions de masse qui s'apparentent à des crimes de guerre; la généralisation du viol et de la violence sexuelle envers les femmes et les enfants; l'émergence de marchés où des terroristes violents vendent et achètent à des fins d'esclavage sexuel des femmes appartenant à des groupes minoritaires; et la destruction de reliques historiques et de trésors du patrimoine religieux.
Il y a un peu plus de six mois, le monde a vu les yézidis, encerclés par l'EIIL, braver la chaleur sans autre protection que les vêtements sur leur dos pour se réfugier sur le mont Sinjar. Nous avons vu les Syriens contraints de quitter la plaine de Ninive, leur terre ancestrale, et des églises primitives profanées au fur et à mesure qu'ils ont cherché à se réfugier dans des écoles et des lieux de culte du Nord de l'Irak.
Nous prions pour les personnes qui ne sont pas parvenues à s'échapper ou qui ont succombé à la tyrannie de l'EIIL, ainsi que pour celles que les bandits et les brutes de l'EIIL ont assassinées ou réduites à l'esclavage. Nous prions pour que justice soit rendue à leurs familles et que les gestes que nous posons les réconfortent quelque peu malgré la distance qui nous sépare.
Nul besoin de rappeler qu'il s'agit, jusqu'à présent, d'une des pires catastrophes humanitaires de notre siècle. Soyons clairs: cette catastrophe n'est pas le fruit d'une calamité naturelle. Elle est le résultat d'actes d'une malveillance caractérisée, inspirée par une idéologique fanatique. L'EIIL repose sur une idéologie qui attise la haine, qui encourage la persécution brutale et qui cherche à effacer les traces d'une histoire marquée par la diversité culturelle et le pluralisme en vue de la remplacer par un discours dépravé qui rejette la dignité inhérente de tout être humain.
Toutefois, l'idéologie de l'EIIL ne se limite pas à l'Irak et à la Syrie. Au-delà de cette région, elle a su inspirer un culte de la violence à l'échelle mondiale. Chose certaine, si on ne fait rien, cette menace terroriste ne fera que s'intensifier et continuer de croître rapidement. En effet, comme l'ont montré les événements récents, le Canada n'est pas à l'abri de l'idéologie de l'EIIL. Bien que les menaces les plus explicites proviennent de l'étranger, elles sont aussi présentes ici, au Canada, et nous en avons même été témoins dans cette enceinte.
Comme le l'a fait remarquer, l'EIIL cherche à détruire le genre de société libre, ouverte et diversifiée que les Canadiens ont choisie et défendue tout au long de notre histoire. Plus cette menace augmente, plus il est de notre devoir d'agir, à notre tour, pour défendre la dignité et les valeurs humaines.
Dans sa réponse à la déclaration faite ici par le mardi dernier, le chef du Parti libéral a affirmé que l'argumentaire du gouvernement doit être fondé sur des « faits présentés de façon claire, fiable et rationnelle ». Les faits sont clairs. L'EIIL a déclaré la guerre au Canada en le ciblant nommément et en cherchant à mener son djihad contre notre peuple. Peu importe la façon dont ces faits sont communiqués, les Canadiens savent que les chefs des partis de l'opposition les rejetteront, niant ainsi les valeurs canadiennes.
[Français]
Les Canadiens veulent voir de l'action de la part de leur gouvernement, et c'est exactement ce que nous faisons.
[Traduction]
Depuis six mois, de concert avec nos alliés occidentaux et régionaux, comme les Émirats arabes unis et le Royaume de Jordanie, nous défendons l'Irak et l'aidons à préserver la stabilité de la région et à contrer la campagne de terreur de l'EIIL dans ce pays.
Comme mon collègue, le , l'expliquera plus en détail, nous avons fourni de précieuses ressources militaires à la coalition. En menant une mission de combat, le Canada affaiblit l'EIIL, en plus de conseiller et d'aider ceux qui cherchent à reconquérir le territoire contrôlé par l'EIIL. Le gouvernement a toujours dit, par contre, que la participation militaire n'est qu'un volet des mesures d'intervention du Canada. En fait, le gouvernement a adopté une approche multidimensionnelle pour faire face à la crise. Nous agissons à la fois avec force et compassion. Voilà ce qu'est défendre les intérêts du Canada.
Les mesures humanitaires du Canada ont permis de fournir des vivres à 1,7 million de personnes, de procurer des abris et du matériel de secours à 1,2 million d'autres et de favoriser la scolarisation de quelque 500 000 enfants. Nos mesures d'aide ont permis de fournir 4 millions de litres de kérosène à 23 000 familles en Irak.
[Français]
Notre aide a aussi permis de fournir de l'eau potable pour 760 000 personnes, dont la moitié sont des enfants.
[Traduction]
Nous avons procuré des trousses d'hygiène à 466 000 personnes. Dans le cadre du plan d'intervention rapide de l'UNICEF, nous avons promptement fourni de l'aide vitale à plus de 240 000 personnes très vulnérables. Au début de l'hiver, nous avons fourni des vêtements chauds et du matériel à près de 60 000 enfants. De plus, près de 1,5 million de gens ont reçu de l'aide alimentaire grâce à notre participation au Programme alimentaire mondial. Nous avons aussi procuré des denrées alimentaires, de l'eau et des abris aux réfugiés syriens en Irak, en plus de contribuer à leur protection.
Ce mois-ci, je suis allé à Erbil pour visiter l'un des camps de réfugiés, et j'ai pu constater les ravages causés par la crise. Par contre, j'ai aussi vu des Canadiens fournir de l'aide médicale dans une clinique financée par le gouvernement canadien. L'amélioration concrète du sort des victimes de l'EIIL nous rappelle que les importantes mesures d'aide humanitaire que le Canada fournit sont tout à fait justifiées.
[Français]
En effet, le Canada est au sixième rang des plus grands donateurs humanitaires en Syrie, et le cinquième en importance en Irak. Cela fait du Canada un des plus grands donateurs par habitant au monde.
[Traduction]
Nous fournissons également de l'aide et de la protection aux survivants de la violence sexuelle et nous prêtons assistance à ceux qui deviennent des cibles en raison de leur foi religieuse.
Le Canada doit continuer de lutter contre le problème croissant des sévices infligés aux femmes et aux filles. Il doit aider les survivants à obtenir la justice et l'aide humanitaire dont ils ont besoin. Il doit veiller à ce que les auteurs des crimes soient tenus responsables de leurs actes, qui constituent des violations odieuses des principes les plus fondamentaux de la civilisation et du respect des êtres humains.
Nous sommes fiers des efforts que font le Canada et nos partenaires de la coalition pour aider des millions de civils innocents à se remettre de la terreur de l'EIIL. De plus, nous oeuvrons de concert avec nos partenaires de la coalition pour couper le financement illicite de l'EIIL, contrecarrer les récits extrémistes et interrompre le flot de combattants étrangers qui se rendent sur les lignes de front et qui en repartent.
Grâce à nos efforts diplomatiques, le Canada a également accru sa collaboration avec les dirigeants de la région. Au cours des dernières semaines, j'ai rencontré nos alliés des Émirats arabes unis, de la Jordanie et de l'Irak, y compris ceux du Kurdistan, et nous allons poursuivre cette collaboration.
Devant la catastrophe humanitaire qui perdure, il faudra en faire davantage. Le gouvernement veillera à ce que ce soit le cas.
Je peux donner aux Canadiens l'assurance que le gouvernement a l'intention de fournir de l'aide humanitaire à grande échelle ainsi que de l'aide pour stabiliser la situation, de manière à atténuer les souffrances infligées à la population par ce groupe terroriste. Cependant, afin que cette aide puisse être efficace, nous devons affaiblir l'EIIL. Et c'est pourquoi nous demandons à la Chambre d'appuyer notre décision d'étendre la mission militaire du Canada pour une période maximale d'un an. Nous comptons ainsi poursuivre le combat contre le djihad islamiste, qui menace la sécurité nationale et mondiale.
Bien que les capacités de l'EIIL aient été amoindries, il poursuit ses mouvements de troupes et de matériel vers la Syrie. Nous ne pouvons pas permettre à des idéologies violentes de couver dans des lieux échappant à toute autorité étatique. Il ne faut pas que l'EIIL puisse trouver refuge quelque part.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la Chambre nous appuie dans notre démarche visant à nous joindre à nos alliés, qui attaquent l'EIIL en Syrie. Nous demandons aux Forces canadiennes d'effectuer des frappes aériennes contre des cibles rattachées à l'EIIL en Syrie, tout comme nos alliés de la coalition le font, dans le but de juguler le danger que représente l'EIIL pour l'Irak.
Nos frappes aériennes en Syrie auront comme seul et unique objectif d'affaiblir l'EIIL, dont on ne saurait faire disparaître les menaces simplement avec des voeux pieux. Le Canada n'a pas l'intention de rester les bras croisés alors même que sévit une crise nécessitant force et compassion.
[Français]
Le chemin devant nous ne sera pas sans obstacle.
[Traduction]
Les dissensions profondes d'ordre ethnique et sectaire qui existent dans la région ne disparaîtront pas du jour au lendemain. On ne remédiera pas facilement à l'instabilité qui règne en Irak et en Syrie et la crise humanitaire qui afflige ces nations ne pourra malheureusement pas se résorber d'un coup. Pendant que nous travaillons avec nos plus proches amis et partenaires de confiance, il y en a d'autres qui travaillent à faire avancer leurs intérêts aux dépens d'objectifs communs de stabilité et d'unité durables.
Nous ne nous faisons pas d'illusions quant à ces obstacles, mais il n'en demeure pas moins que, face à cette menace, le Canada se tient à la croisée des chemins de l'histoire. Nous pouvons soit nous tenir à l'écart soit réagir de façon concrète et mesurée.
La barbarie de l'EIIL est un affront à la dignité humaine et au monde civilisé. Elle menace les principes mêmes qui ont façonné l'identité nationale du Canada et guidé notre implication dans le monde. L'idéologie violente et les visées expansionnistes de l'EIIL menacent les intérêts canadiens et les citoyens canadiens.
Au moment où les valeurs canadiennes et les citoyens canadiens sont assiégés, nous ne pouvons pas nous permettre de rester en retrait et de prêcher la vertu. Nous ne pouvons pas dire que nous soutenons la mission et nos soldats pour ensuite voter contre un tel soutien. Les moments graves et importants que nous vivons exigent un leadership sérieux et responsable.
[Français]
Nous devons agir avec compassion, avec force et avec une clarté morale. Nous devons défendre ce qui est bien.
[Traduction]
En association avec ses alliés de la coalition, le Canada travaille sur plusieurs fronts pour mettre fin à la campagne terroriste de l'EIIL et rétablir la stabilité que les habitants de la région méritent tant.
Notre détermination dans cette opération reste forte. Qu'on me comprenne bien: notre engagement vise ultimement à aider le peuple de la Syrie et de l'Irak, un peuple soumis au terrorisme et à la tyrannie pour qui doit persister la promesse d'un avenir de paix et de liberté.
Sur ce, je recommande vivement aux députés d'appuyer cette motion.
:
Monsieur le Président, du côté de l'opposition, nous ne doutons nullement du caractère odieux et abominable des crimes perpétrés par l'EIIS. Ce groupe a commis des massacres et des actes de violence sexuelle, réduit des gens en esclavage, forcé des personnes à se déplacer et détruit des sites sacrés et historiques. En Irak seulement, la violence a causé le déplacement de 2,5 millions de civils et fait en sorte que 5,2 millions de personnes doivent s'en remettre à l'aide humanitaire.
[Français]
Le groupe État islamique a commis des crimes odieux: massacres, crimes sexuels, déplacements forcés et destruction de sites religieux. Les actes de violence que le groupe État islamique a perpétrés sont injustifiables et ne respectent aucunement la doctrine de l'islam. La crise en Irak et en Syrie met en danger la paix et la stabilité de la région.
[Traduction]
La situation en Irak et en Syrie exige une intervention internationale. Le NPD demande que le Canada participe à cette intervention depuis juin dernier.
La première fois que j'ai demandé au gouvernement d'aider les Irakiens déplacés par l'invasion de l'EIIS à Mossoul, c'était en juin dernier, époque à laquelle la question restait obscure pour le gouvernement. En fait, j'ai soulevé la possibilité d'une menace directement auprès du ministre. Sa réponse a été brutale. Il a mentionné les échecs passés des États-Unis dans ce pays et lancé: « C'est leur gâchis; qu'ils le nettoient eux-mêmes ».
Un mois plus tard, nous avons demandé au gouvernement d'appuyer la gouvernance et la sécurité irakiennes en réponse à la menace posée par l'EIIS. Nous reconnaissions déjà que seule une gouvernance responsable et inclusive en Irak permettrait aux Irakiens de prendre leur pays et leur destinée en mains pour assurer eux-mêmes la paix chez eux.
Le Canada doit agir. Nous devons trouver la meilleure façon de bonifier la coalition internationale et d'intervenir dans le respect du droit international et de nos valeurs nationales.
[Français]
Nous croyons que le Canada doit agir dès maintenant pour sauver des vies. Nous nous sommes aussi clairement et constamment opposés à la mission de combat mal définie que proposent les conservateurs.
[Traduction]
Malheureusement, les préoccupations que j'ai exprimées quand nous avons discuté de la motion initiale, il y a six mois, demeurent valides. J'aimerais en fait lire ce que j'avais dit à l'époque:
La motion dont nous débattons aujourd'hui est mal définie et irréfléchie. Elle n'offre ni plan ni stratégie de retrait. Étonnamment, elle ne prévoit aucun nouvel engagement humanitaire...
Il est tout aussi troublant de constater qu'on n'a pas précisé les limites territoriales des opérations. Presque tous les autres membres de la coalition ont explicitement exclu la possibilité de frappes aériennes en Syrie, mais le premier ministre n'a pas exclu cette possibilité.
[...] la motion dont nous sommes saisis permettrait [des frappes aériennes] en Syrie, et même ailleurs.
Qui plus est, il n'y a aucune restriction quant à ceux que l'on pourrait inclure dans la catégorie des « terroristes associés à l'EIIL ».
La motion parle de fournir des « ressources militaires » sans donner plus de détails. Pourrait-il s'agir de plus que les 9 avions et 600 soldats déjà promis? Impossible à savoir.
La motion n'exige aucune consultation parlementaire [...] si la mission est prolongée ou élargie.
Non seulement ces préoccupations sont-elles toujours valides, mais la situation a même empiré. En effet, la nouvelle motion n'exclut pas la possibilité de déployer des soldats qui prendront part aux combats terrestres. Dans le discours qu'il a prononcé plus tôt cette semaine, le a ouvert la porte à un possible élargissement de la mission en ces termes: « [...] dans la mesure du possible, nous devons éviter de prendre part aux combats terrestres dans cette région. Nous souhaitons que les Irakiens s'occupent eux-mêmes des combats au sol... »
Autrement dit, le gouvernement fera son possible, mais il ne peut rien promettre. Quand on connaît le bilan du gouvernement, cela n'a rien de rassurant.
D'autres caractéristiques de la nouvelle mission sont tout aussi inquiétantes. Alors que la mission précédente avait pour objectif d'affaiblir l'EIIS, il semble que le veuille maintenant vaincre l'EIIS. Ce changement suppose un engagement beaucoup plus long. Il met aussi en lumière l'importance d'avoir une stratégie de retrait, un élément qui semble échapper au gouvernement.
Bien sûr, il y a le fait que la motion propose d'étendre les frappes aériennes du Canada en Syrie. Or, nous n'avons pas de mandat de la part de l'ONU ou de l'OTAN, ni la permission du gouvernement syrien, ce qui est dangereux à trois égards. Primo, il est possible que l'intervention soit illégale. Secundo, le gouvernement n'a rien fait pour prouver le contraire ni pour montrer qu'il tient sérieusement compte du droit international.
Après que le ait minimisé la question en riant hier après-midi, le gouvernement a dû agir rapidement pour dissimuler le fait qu'il n'avait pas informé le Conseil de sécurité de l'ONU de son intention, comme il se doit dans les cas de légitime défense. Il n'a pas été établi au moyen d'arguments juridiques que des bombardements en Syrie constituent une réaction de légitime défense.
Le fondement juridique de cette guerre paraît encore plus faible lorsque l'on compare le texte de la motion à l'étude à celui de la motion présentée au mois d'octobre. La motion précédente ciblait l'EIIS et ses alliés. La motion à l'étude vise quant à elle l'EIIS et les « terroristes alignés » sur l’EIIS, ce qui ouvre la porte à un rôle beaucoup plus vaste pour le Canada dans cette présumée guerre contre le terrorisme.
Secundo, comme les pilotes canadiens survoleront la Syrie sans soutien terrestre, la probabilité de tuer des innocents se voit décuplée. En fait, les États-Unis ont exclu la Syrie de ses propres normes afin de prévenir des pertes civiles et ils ont admis ne pas connaître exactement les conséquences de leurs bombardements en Syrie. Le gouvernement prépare apparemment sa campagne de messages dans l'éventualité où des civils seraient tués, mais il n'a pas dit comment il s'y prendra pour éviter de telles pertes de vie.
Même si les pilotes sont en mesure de déterminer des cibles, ils vont parfois — c'est inévitable — viser la mauvaise cible. Comme l'a dit l'an dernier le lieutenant-général américain James Terry, le plus haut gradé américain aux commandes de l'intervention contre l'EIIS:
Nous sommes capables d'une grande précision. Mais il ne faut pas oublier que, si on ne fait pas attention, il est possible d'être très exact tout en étant dans l'erreur [...], ce qui peut engendrer des catastrophes.
Bien entendu, le décès de civils accroît la capacité de l'EIIS d'utiliser les frappes aériennes comme outil de recrutement.
Troisièmement, le bombardement de l'EIIS en Syrie aide le dictateur brutal Bachar al-Assad. Le régime Assad a utilisé des bombes-barils et des armes chimiques contre des enfants, des femmes et des hommes en Syrie. Assad est directement responsable d'avoir causé une guerre civile qui a coûté la vie à quelque 220 000 personnes, ce qui est 100 fois plus que le nombre de victimes qu'a fait l'EIIS.
Nous avons entendu des nouvelles troublantes voulant que le régime Assad collabore avec l'EIIS. Des groupes d'opposition syriens rapportent que les forces d'Assad profitent des failles créées par les bombardements pour étendre son emprise territoriale. En bombardant la Syrie, nous réduisons les chances de trouver une solution politique durable sans Assad, ce qui est nécessaire pour régler le conflit dans son ensemble.
[Français]
Il va de soi que le Canada devrait prendre des mesures pour lutter contre le groupe État islamique. Notre réponse devrait être ferme et substantielle. Cependant, que devrait faire le Canada? Voilà la question. Comment pouvons-nous être le plus utiles pour venir à bout du groupe État islamique, pas seulement à court terme, mais aussi à long terme?
Soyons clairs: il n'est pas nécessaire de lancer des missiles ou de participer à des bombardements pour prouver que nous prenons cette menace au sérieux. Plus de 60 pays collaborent pour vaincre le groupe État islamique, et la grande majorité d'entre eux ne participent pas aux frappes aériennes.
[Traduction]
Depuis le début, le NPD est proactif et cohérent, pas seulement pour s'opposer à la mission militaire, mais pour proposer une solution de rechange pratique fondée sur des principes. À l'automne, les néo-démocrates ont exhorté le gouvernement à prendre quatre mesures concrètes: soutenir la construction de camps de réfugiés, aider les victimes de violence sexuelle, prêter assistance dans la protection des minorités religieuses et ethniques, et encourager la tenue de poursuites judiciaires devant un tribunal international pour les crimes de guerre. L'ancien ministre a accepté de le faire, ce qui est tout à son honneur. Il a même déjà fait certaines démarches, mais il reste encore beaucoup à faire.
J'ai été déçu d'entendre le nouveau ministre répéter sans cesse que le Canada fait sa part. Il y a des enfants en train de geler dans les camps de réfugiés de Dohuk au Kurdistan. Un quart des citoyens du Liban sont en fait des réfugiés syriens, ce qui est en train de conduire ce pays déjà fragile au bord du gouffre.
La majorité des initiatives humanitaires en Irak et en Syrie ne sont pas financées. Quand la situation est si tragique et les besoins si manifestement criants, je trouve inacceptable d'entendre le ministre affirmer avec un haussement d'épaules que le Canada a fait sa part. Le fait est que la plupart des gens qui ont besoin d'aide en Irak ne sont pas dans les territoires contrôlés par l'EIIS. Ce sont des réfugiés, des personnes déplacées à l'intérieur du pays, des gens qui ont été privés de leurs moyens de subsistance par le chaos et le carnage. Ils sont les victimes de l'EIIS, et le Canada est en mesure de les aider tout de suite.
Au cours du débat de l'année dernière, j'ai raconté l'histoire de ma rencontre avec un groupe de jeunes enfants irakiens dans un camp de réfugiés. J'espère qu'ils ont survécu à l'hiver. S'ils y ont survécu, ils ont encore certainement besoin d'aide. Ce qui était vrai à l'époque l'est encore aujourd'hui: nous devons tâcher d'effectuer des interventions judicieuses.
Au comité des affaires étrangères, nous venons de terminer une étude commandée par le NPD sur la réaction du Canada face à l'EIIS. Le comité a entendu toutes sortes de témoins, dont des universitaires, des représentants de la société civile et des organisations communautaires. Leur message était très clair: le Canada doit réagir aux gestes de l'EIIS; son intervention doit être judicieuse, responsable et tenir compte de tous les facteurs; et il faut dresser une stratégie en collaboration avec la communauté internationale concernant l'intervention sur le terrain et les moyens de prévenir la radicalisation et l'extrémisme à l'étranger.
Les résolutions 2170, 2178 et 2199 du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'EIIL précisent clairement l'orientation que nous devons adopter sur le sujet. Aucune de ces résolutions n’autorise une mission militaire. Le Conseil de sécurité demande toutefois qu’on prenne des mesures pour empêcher l’arrivée de combattants de l’étranger ainsi que l’apport de financement et de ressources à l’EIIL ou à tout autre organisme terroriste. Les frappes aériennes servent d’argument à l’EIIL pour recruter. Ces mesures de l’ONU s’attaquent plutôt aux réseaux et aux structures facilitant le recrutement et la diffusion, par l’EIIL et d’autres, de leur idéologie et de leur influence.
Le gouvernement du Canada devrait prendre des mesures immédiates et ciblées pour respecter ses obligations internationales dans ce domaine. Il devrait donc immédiatement signer et ratifier le Traité sur le commerce des armes, qu’il refuse de signer, afin de montrer son engagement à contrer l’approvisionnement en armes de groupes illégaux n’ayant aucun respect pour les droits de la personne.
Le gouvernement devrait aussi s’associer aux groupes canadiens pour mettre au point une stratégie visant à contrer la radicalisation ici-même, au Canada. En fait, un programme en ce sens a déjà existé, mais les conservateurs l’ont supprimé. Le Canada peut agir en chef de file au sein de la coalition internationale pour la création d’une campagne énergique de diffusion de messages contre l’extrémisme, qui montreraient la brutalité de l’EIIL et l’absence de tout fondement religieux à ces atrocités.
Enfin, le Canada peut faire beaucoup plus pour aider au développement d’un système de gouvernance inclusif et responsable en Irak, puisque tous les experts s’entendent sur la nécessité d’un tel système pour que la paix soit durable après l’EIIL.
L’une des témoins au comité, une professeure de l’Université de Waterloo, Mme Bessma Momani, a affirmé: « Si vous n'apportez pas des institutions viables pour combler le vide, un nouvel acronyme viendra le combler. » Je suis tout à fait d’accord avec elle.
Voilà ce que peut faire le Canada avec ses capacités et son expertise. Nous pouvons sauver des vies. Nous pouvons veiller à la consolidation de la paix pour aider la population de l’Irak.
[Français]
Les néo-démocrates sont persuadés que le Canada possède une expertise privilégiée pour répondre à cette crise. Nous devons y répondre d'une façon qui utilise bien cette expertise.
[Traduction]
Notre pays a beaucoup plus à offrir que cette motion proposée par le gouvernement. Elle est douteuse sur le plan juridique et mal avisée sur le plan stratégique, et c'est pour cette raison que je suis très fier de présenter l'amendement suivant au nom de l'opposition officielle.
Que l'initiative ministérielle no 17 soit modifiée:
a) par substitution, aux mots « , la menace que l'EIIL pose pour le Canada et pour la paix et la sécurité internationales ira en s’accroissant », des mots « de forces locales compétentes et aptes, la menace que l’EIIL pose pour la paix et la sécurité internationales, incluant les communautés canadiennes, ira en s’accroissant »;
b) par substitution, aux mots « résolution 2178 » des mots « résolutions 2170, 2178 et 2199 »;
c) par suppression des sections (viii), (ix) et (x);
d) par substitution, aux mots suivant les mots « En conséquence », de ce qui suit: « la Chambre exhorte le gouvernement:
a. à mettre fin le plus tôt possible à la participation des Forces canadiennes en mission de combat, aux bombardements et à la formation de conseil et d’assistance en Irak et en Syrie;
b. à renforcer l’aide humanitaire dans des domaines où l’effet en serait immédiat et vital, notamment en aidant les réfugiés en subvenant à leurs besoins d’abri et de nourriture et en investissant de manière à répondre aux besoins en eau, en hygiène, en soins de santé et en éducation pour les personnes déplacées par les combats;
c. à travailler de concert avec nos alliés dans la région afin de stabiliser les pays avoisinants, de renforcer les institutions politiques et d’aider ces pays à gérer l’afflux de réfugiés;
d. à contribuer à la lutte contre l’EIIL, y compris par l’affectation de ressources militaires au transport d’armes;
e. à fournir un soutien dans les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes de guerre;
f. à accroître l’aide consacrée aux soins et à la réinstallation des réfugiés victimes de ce conflit;
g. à s’efforcer de prévenir le flux de combattants, d’argent et de ressources provenant de l’étranger et destinées à l’EIIL, en conformité avec nos obligations internationales énoncées dans les résolutions 2170, 2178 et 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies;
h. à présenter un plan solide de soutien aux collectivités et institutions travaillant à la déradicalisation et à la lutte contre la radicalisation;
i. à faire rapport des coûts de la mission et de l’aide humanitaire apportée à ce jour chaque mois au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, jusqu’à la fin de la participation du Canada;
j. à continuer à offrir son soutien sans réserve et de tout cœur aux courageux hommes et femmes des Forces armées canadiennes qui sauront protéger nos foyers et nos droits à tous. »
:
Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion du gouvernement proposant de prolonger et d’étendre la mission du Canada en Irak. Les députés du Parti libéral n’appuient pas cette motion visant à obtenir le consentement du Parlement concernant une mission mal ciblée et potentiellement sans fin, parce que ce n’est pas dans l’intérêt du Canada.
L’EIIL constitue vraiment une grave menace à la sécurité dans le monde et au Canada. Nous le reconnaissons. Les libéraux croient que le Canada doit participer aux efforts internationaux pour lutter contre l’EIIL. Nous faisons partie des 60 nations qui participent à la coalition pour lutter contre ce fléau terroriste qui propage des idéaux extrémistes, et le Canada doit jouer un rôle constructif. Nous devons offrir la meilleure contribution possible, une contribution qui va dans notre intérêt national.
La mission proposée par le n’est pas à la hauteur. Son fondement juridique et ses objectifs ne sont pas clairs, et sa portée est vague. Bref, cette mission va essentiellement à l’encontre de l’intérêt national.
Quelles sont les autres raisons qui poussent les libéraux à s’opposer à la motion actuelle du ? En voici.
L’automne dernier, les libéraux ont appuyé le plan du gouvernement en vue d’envoyer des forces spéciales en Irak pour aider derrière les lignes de front, former des troupes, donner des conseils et épauler les forces irakiennes. Nous croyons que l’EIIL sera freiné lorsque les forces irakiennes locales parviendront à lutter efficacement contre les saccages de l’EIIL, à protéger les populations locales et les villages, à reprendre et à conserver le territoire perdu, et qu'elles s’engageront à respecter les droits des minorités. Nous voulons les aider à y parvenir.
Toutefois, les libéraux n'appuient pas la motion que le a présentée en octobre pour aller en guerre en Irak. Pourquoi? Parce que le premier ministre n'a pas établi un objectif clair pour son plan de combat. Il n'a pas élaboré un plan responsable à cette fin. Il n'a pas réussi à prouver qu'une mission de frappes aériennes était la meilleure contribution que les Canadiens pouvaient apporter. Malheureusement, la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui comporte des lacunes semblables.
Plus tôt cette semaine, le chef du Parti libéral a rappelé, dans son discours à la Chambre, les quatre principes de base que les libéraux avaient établis en octobre pour la mission de combat en Irak, et ces principes sont encore valables aujourd'hui. Le premier principe, c'est que le Canada a un rôle à jouer pour répondre aux crises humanitaires dans le monde. C'est là une valeur canadienne importante. Depuis des décennies, les gouvernements du Canada contribuent généreusement, sous forme d'aide militaire et non militaire, à répondre aux urgences humanitaires à l'étranger.
Nous avons ouvert nos portes aux opprimés. Nous avons accueilli des réfugiés pour qu'ils puissent refaire leur vie ici, et ces réfugiés ont aidé à bâtir le Canada. Qu'ils viennent du Vietnam, de l'Ouganda, du Cambodge, de la Somalie, du Nicaragua ou de partout ailleurs, les réfugiés ont fait du Canada un pays meilleur. La motion à l'étude ne contient aucune nouvelle idée, aucun nouveau financement, aucune nouvelle proposition pour atténuer la crise humanitaire catastrophique qui sévit dans la région.
[Français]
En vertu du deuxième principe, lorsque notre gouvernement envisage le déploiement de nos hommes et de nos femmes en uniforme, la mission et le rôle du Canada doivent être clairement définis. La motion d'octobre n'a pas respecté ce principe, et celle déposée aujourd'hui est tout aussi floue quant à la mission et au rôle du Canada. En octobre dernier, les libéraux ont dit craindre fortement que l'absence d'objectifs clairs masque la véritable intention du , à savoir, engager le Canada dans un combat plus long et plus intense.
La motion présentée aujourd'hui valide cette crainte. Le premier ministre déclare que son objectif est d'affaiblir le groupe armé État islamique, tandis que le dit que c'est pour le vaincre jusqu'à son élimination complète. Voilà deux mandats fort différents.
Encore une fois, la nouvelle motion sur la mission de combat n'énonce aucun objectif clair, ni aucun plan sur le moment et la façon dont le Canada s'extirpera de cette situation aux conflits multipartites de cette région complexe minée par les divisions profondément enracinées, les tensions et la haine.
[Traduction]
Au contraire, l'alinéa a) de la motion donne au gouvernement une trop grande latitude pour mener la guerre. La motion dit que la Chambre:
a) continue à appuyer la décision du gouvernement de fournir des moyens militaires pour lutter contre l’EIIL et les terroristes alignés sur l’EIIL, notamment une capacité de frappe aérienne pour mener des frappes aériennes en Irak et en Syrie;
C'est pratiquement un chèque en blanc, et le comme le semblent empressés de s'en servir. Ils comparent explicitement cette nouvelle mission à celle de l'Afghanistan et disent que le Canada s'y engage à long terme. En Afghanistan, ce long terme a duré une décennie. Ce fut la plus longue guerre de l'histoire du Canada.
À l'émission Power & Politics, Evan Solomon a demandé au de dire qui prendrait la relève si l'EIIL était chassé de la Syrie. Le ministre a répondu qu'il ne savait pas comment tout cela allait se terminer.
On ne peut pas se contenter d'objectifs imprécis. Sans objectifs clairs et sans limites bien définies, la guerre que livre le Canada contre l'EIIL en Syrie pourrait consolider l'emprise politique du président syrien Bachar al-Assad. Ce président opprime et terrorise son peuple. En à peine quatre ans, il a mené des attaques au gaz et des bombardements qui ont tué plus de 130 000 citoyens, dont la grande majorité sont des civils, et près du quart des victimes, des femmes et des enfants. Il n'est pas dans l'intérêt du Canada de laisser le pouvoir à M. al-Assad.
Le troisième principe libéral est que l'argumentaire pour le déploiement de nos forces doit être présenté ouvertement et avec transparence, sur la base de faits présentés de façon claire, fiable et rationnelle.
Le gouvernement conservateur actuel n'a pas été transparent et ouvert à propos de cette mission, ni envers les parlementaires ni envers la population canadienne. Les conservateurs ont refusé de fournir une estimation des coûts aux Canadiens tant qu'ils n'y ont pas été contraints par la honte que leur a infligée le directeur parlementaire du budget. Ils ont refusé de donner des séances d'information aux porte-parole jusqu'à hier, alors que les premiers soldats ont été envoyés en septembre dernier.
Ce sont les faits, et non la fiction, qui sont à la base de la valeur morale de l'honnêteté et c'est l'honnêteté qui nous vaut la confiance des autres. Nous ne pouvons pas faire confiance au gouvernement actuel, qui a manqué d'honnêteté envers les Canadiens. Chaque fois qu'ils en ont l'occasion, les ministres font valoir le mythe d'un accroissement constant du financement de la défense, le mythe de l'investissement dans du matériel de pointe. Le fait est que les conservateurs sabrent dans ce budget depuis quatre ans, ayant réduit le financement de la défense à 1 % du PIB — c'est le plus bas niveau en 70 ans — et ils ne sont pas arrivés à remplacer nos avions, nos navires, nos camions, nos chars d'assaut et nos fusils militaires vétustes.
Le s'est lui-même pris dans un chapelet de mensonges, donnant une fausse interprétation à une photo de cérémonie religieuse pour alimenter son discours belliciste, faisant de fausses allégations au sujet des votes antérieurs du NPD sur les missions de combat et concoctant de faux chiffres sur les dépenses du précédent gouvernement libéral pour la défense — des chiffres qui sont du domaine public.
Ce qui est encore plus grave, c'est que nos militaires ont participé à des opérations de combat terrestre en dépit des promesses explicites et répétées du , qui a dit que cela n'arriverait pas. Le gouvernement et les généraux ont promis aux Canadiens que les forces spéciales n'accompagneraient pas les troupes sur la ligne de front, qu'elles ne fourniraient pas ce qu'on appelle des avis de combat rapproché, et qu'elles ne participeraient pas aux combats. C'est toutefois ce que ces forces ont fait et c'est ce qu'elles sont en train de faire.
En janvier, nous avons appris que la mission s'était transformée depuis le mois de novembre dernier. Les soldats canadiens sont régulièrement actifs sur les lignes de front. Ils participent régulièrement à des combats directs. Contrairement à nos plus proches alliés, qui postent leur conseillers loin des zones de combat, nous mettons inutilement en danger la vie de nos soldats. C'est dans cette zone de combat que le sergent Andrew Joseph Doiron a tragiquement perdu la vie.
Le gouvernement fournit maintenant de fausses raisons pour justifier la participation du Canada à la mission de bombardement en Syrie. Les conservateurs prétendent que l'aide du Canada a été sollicitée parce qu'il est le seul pays à disposer de bombes intelligentes à guidage de précision pouvant appuyer les États-Unis, mais c'est faux. Même l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis disposent de ces munitions et les utilisent de façon très efficace dans la région, selon le général Dempsey, chef d'état-major des États-Unis.
Il n'est tout simplement pas dans l'intérêt des Canadiens que nous votions en faveur d'une participation plus longue et plus intense du Canada à cette guerre, menée par un gouvernement malhonnête auquel on ne peut pas faire confiance.
Notre principe final, c'est que le rôle du Canada doit être le reflet de son plein potentiel, afin que nous puissions venir en aide de la meilleure façon qui soit.
Étant donné les compressions massives qu'ont faites les conservateurs dans le budget de la Défense, les libéraux sont préoccupés à l'idée qu'on demande aux Forces armées canadiennes d'en faire encore davantage. Selon l'Institut de la Conférence des associations de la défense, le déploiement actuel des forces dans le monde « camoufle un déclin considérable dans leurs capacités et leur disponibilité opérationnelle ». D'ailleurs, des soldats blessés pendant la guerre en Afghanistan n'ont toujours pas obtenu des soins en santé mentale en temps opportun. C'est inadmissible.
De quels moyens le Canada dispose-t-il? Comment peut-il faire un apport constructif dans cette région fort perturbée? Quels rôles correspondent aux valeurs canadiennes et à nos intérêts nationaux? Que préconisent les libéraux?
Le Canada peut faire mieux. Le Canada peut défendre les valeurs qui font sa renommée dans le monde entier, qu'il s'agisse de collaborer de manière constructive, d'aider les plus démunis, de faire plus que sa juste part ou d'agir avec droiture.
Je m'arrête sur trois éléments qui remportent l'aval des libéraux. Tout d'abord, le Canada peut collaborer de manière constructive avec ses alliés coalisés de manière à accélérer l'entraînement et à renforcer les capacités d'un plus grand nombre de soldats irakiens. Selon le major-général Michael Hood, 69 membres des forces spéciales se concertent actuellement avec les Étatsuniens pour prodiguer des conseils stratégiques et tactiques aux forces de sécurité de l'armée irakienne. Jusqu'à présent, ils ont offert 42 camps d'entraînement à 650 soldats peshmergas.
Le Canada est manifestement qualifié pour contribuer à l'entraînement des forces irakiennes dans le but de contrer et d'éradiquer l'EIIL. Il faut sans aucun doute davantage de personnel à cet effet. Le Canada a fourni plus de 1 000 formateurs émérites au cours des dernières années passées en Afghanistan. De toute évidence, le Canada peut dès maintenant en faire davantage en Irak, mais à condition que ce soit loin des lignes de front.
C'est un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord avec les néo-démocrates, qui ne savent pas sur quel pied danser lorsqu'il est question de missions militaires. Parfois ils affirment être éventuellement favorables au transport aérien stratégique ou à l'idée de faire appel aux militaires pour l'approvisionnement. Aujourd'hui, nous apprenons que le NPD refuse la moindre participation militaire, contrairement à nous, libéraux, qui respectons les membres des Forces armées canadiennes, car nous savons qu'ils peuvent jouer un rôle charnière dans ce dossier.
[Français]
Deuxièmement, le Canada peut diriger une intervention internationale d'aide humanitaire bien financée et bien planifiée pour aider les personnes démunies de la région du Levant. Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres, affirme que 3,8 millions de Syriens sont maintenant inscrits comme réfugiés, alors que 12 millions de personnes déplacées ont besoin d'aide à l'intérieur même de la Syrie. C'est sans compter les millions d'autres déplacés et réfugiés irakiens.
Le mois dernier, le Haut-Commissaire a lancé un appel afin d'obtenir 3,7 milliards de dollars canadiens en aide humanitaire, seulement pour 2015. Le Haut-Commissaire Guterres signale que les besoins humanitaires en Syrie augmentent beaucoup plus rapidement que les contributions de la communauté internationale. Il a exhorté les donateurs à hausser considérablement l'aide aux réfugiés et le soutien à la communauté d'accueil. Cette crise des réfugiés menace la stabilité et la sécurité de la région. Des pays voisins, comme le Liban et la Jordanie, sont déstabilisés. La Turquie nourrit et héberge des millions de réfugiés.
[Traduction]
Que devons-nous faire pour servir les intérêts supérieurs du Canada? Nous devons en faire davantage pour aider les familles des réfugiés vulnérables parce que cela s'inscrit dans le droit fil de nos valeurs et parce que nous voulons donner une certaine assurance aux soldats issus de ces familles qui combattent l'EIIL.
Troisièmement, le Canada devrait élargir sa cible pour l'établissement de réfugiés syriens. Faisons en sorte qu'un nombre accru de victimes de la guerre aient la possibilité de commencer une nouvelle vie au Canada. Les promesses du gouvernement conservateur ont été timides, et leur réalisation encore plus.
Voici un exemple de la générosité des gouvernements précédents: en 1979 et 1980 seulement, 50 000 réfugiés vietnamiens se sont établis au Canada.
Connus sous le nom de réfugiés de la mer, ces immigrants venaient autant des villes que des campagnes. La plupart ne parlaient ni français ni anglais et n'avaient pas de parenté au Canada. De surcroît, ils sont arrivés au pays durant une période de ralentissement économique. Ces facteurs ont rendu leur intégration au Canada et leur parcours vers l'autonomie financière très difficile. Aujourd'hui, ces Canadiens d'origine vietnamienne sont salués pour leurs réussites, leurs communautés solides et pour leur contribution immense à la société canadienne. Nous devrions garder en tête ce chiffre de 50 000 en deux ans.
À l'opposé, le gouvernement conservateur se montre plutôt mesquin pour ce qui est du traitement des réfugiés syriens. Le gouvernement s'était fixé comme objectif initial de réinstaller seulement 1 300 réfugiés sur 18 mois mais, à la date cible de décembre dernier, il n'en avait réinstallé que la moitié. À l'insistance de l'opposition, le gouvernement a récemment porté son engagement à 10 000 réfugiés sur trois ans, mais les organismes d'aide aux réfugiés sont sceptiques puisqu'une grande partie du financement devra venir des familles qui parraineront ces réfugiés et d'organisations privées, et non du gouvernement. Les Canadiens n'ont pas pour habitude de faire moins que leur juste part. Les Canadiens croient qu'il faut en faire plus, ce qui est d'ailleurs dans l'intérêt du Canada.
En définitive, des quatre engagements qui figurent dans la motion du gouvernement, les libéraux n'appuient que le dernier, mais avec enthousiasme. Voici le libellé de cet engagement:
En conséquence, la Chambre: [...]
d) offre son soutien sans réserve et de tout coeur aux courageux hommes et femmes des Forces armées canadiennes qui sauront protéger nos foyers et nos droits à tous.
[Français]
Au Parti libéral, nous respectons et reconnaissons le professionnalisme, le courage et le dévouement dont font preuve tous ceux et celles qui servent notre pays. Nous n'avons jamais hésité à déployer nos Forces armées canadiennes très compétentes en zone de combat, lorsque cela servait clairement l'intérêt national du Canada et des Canadiens. Dans chacun des cas, cet intérêt national était exprimé clairement.
[Traduction]
Une mission visant à défendre les intérêts du Canada doit reposer sur des objectifs transparents, sur un plan responsable pour les atteindre et sur un plan de retrait du théâtre de guerre. Or, ces éléments sont absents de la motion et de la mission de combat proposée.
Les libéraux invitent le gouvernement à changer le rôle du Canada en Irak de façon aussi rapide et responsable que possible, pour qu'au lieu de bombarder la Syrie, notre pays se donne une mission non combattante et se concentre davantage sur la formation des troupes irakiennes, sur son rôle de chef de file en matière d'aide humanitaire et sur un accueil beaucoup plus généreux et chaleureux aux réfugiés de cette guerre. Voilà qui serait conforme à l'approche canadienne.
:
Monsieur le Président, je suis honorée de prendre part au débat sur la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui, qui propose de prolonger la mission en Irak pour les 12 prochains mois et de l'étendre jusqu'en Syrie.
Je tiens d'abord à vous remercier de vos paroles, monsieur le Président. Il serait assurément malheureux que la discussion prenne le même tour irrespectueux que durant la période des questions et que les deux côtés de la Chambre se mettent à chahuter et à se manquer de respect.
Il est question d'envoyer les Forces canadiennes participer pour une période supplémentaire de 12 mois à une mission encore plus dangereuse que jusqu'à maintenant. Nous, des deux côtés de la Chambre, devrions être en mesure d'en discuter comme des adultes, avec respect et sérieux, ce qui aiderait les Canadiens à former leur propre opinion sur ce que le Canada devrait faire.
Je pense qu'aucun député n'est d'avis que le Canada devrait rester passif. Aucun d'entre nous ne sous-estime la menace que pose l'EIIL ou l'EIIS. Les deux noms sont employés, mais, à bien des égards, l'État islamique en Irak et au Levant est une force plus dangereuse que ce que nous avons vu jusqu'à présent. Ses représentants prétendent qu'ils peuvent établir leur propre périmètre, proclamer eux-mêmes leur souveraineté et leur califat.
Ils se sont montrés excessivement cruels et sadiques, et ils troublent la conscience du monde. Ils appliquent une interprétation extrémiste de l'islam du IXe siècle et représentent une force très dangereuse. Je pense que personne à la Chambre des communes ne le nie.
Il faut donc s'interroger sur la meilleure façon pour le Canada d'affaiblir l'EIIL, comme l'indique le libellé de la motion, afin de lutter contre les nombreuses bandes de brutes criminelles partout dans le monde. En 2001, je ne pense pas que qui que ce soit en Amérique du Nord aurait imaginé qu'il y aurait un groupe pire qu'Al-Qaïda. Le réseau Al-Qaïda exerce toujours son influence et est derrière les attentats survenus à Paris. Il y a Boko Haram qui kidnappe d'innocentes écolières au Nigeria. D'autres groupes encore non identifiés pourraient apparaître.
Nous devrions discuter de ce que nous, en tant que communauté de pays occidentaux, pouvons faire pour contrer le mieux possible la menace générale que représentent les organisations terroristes partout dans le monde. L'une des façons d'y arriver, c'est évidemment en s'assurant que l'Occident ne semble pas être en guerre contre l'Islam. Lorsqu'on parle de l'Occident contre l'Islam, on lance un cri de ralliement dans la propagande.
Des voix: Oh, oh!
Mme Elizabeth May: Monsieur le Président, j'aimerais que les députés d'en face ne fassent pas de chahut. J'essaie de parler avec respect. Je ne les ai jamais chahutés.
Nous devons prendre garde de ne pas alimenter la propagande et les arguments de ces gens que nous voulons neutraliser. Cela dit, passons maintenant à la mission proposée.
Je veux prendre un instant pour faire l'éloge du gouvernement conservateur, pour l'aide humanitaire que nous avons donnée jusqu'à maintenant. Je l'aurais dit mardi matin si on m'avait permis de prendre la parole. J'étais contente d'entendre le dire que nous nourrissons des enfants en Irak et que nous aidons des gens qui vivent une misère insupportable. Nous devons cependant en faire beaucoup plus sur le plan humanitaire. J'y reviendrai plus tard.
La motion propose de prolonger de 12 mois les bombardements en Irak, où nous sommes allés à la demande du gouvernement de l'Irak, mais aussi d'étendre la portée de ces bombardements jusqu'en Syrie. Je veux faire porter la plus grande partie de ma brève intervention sur les effets qu'aurait cette mission sur la Syrie, et sur les grands périls qu'elle comporterait.
Mon intervention d'octobre dernier sur l'idée de procéder à des bombardements en Irak avait pour thème que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Le Canada a l'habitude d'être plein de bonnes intentions. Bien sûr, je ne veux dénigrer aucune des intentions du gouvernement conservateur à cet égard.
Toutefois, nous avions de bonnes intentions quand nous sommes allés en Libye. Nous étions pleins de bonnes intentions en affirmant que nous y étions parce que nous avions la responsabilité de protéger la population civile contre le brutal dictateur Mouammar Kadhafi. Mais nous avons ensuite changé notre discours et dit que nous n'étions pas vraiment là dans le but de protéger, que nous n'accepterions pas de proposition de cessez-le-feu et ne participerions pas à des pourparlers de paix tant que Kadhafi serait au pouvoir.
Je me souviens que John Baird avait dit — et je peux le nommer puisqu'il ne siège plus à la Chambre — que nous ne savions pas qui remplacerait Kadhafi, mais que nous pouvions être sûrs d'une chose: rien ne pouvait être pire que Kadhafi.
Nous avons raté notre chance. C'est pour cette raison que j'étais la seule députée à voter contre la poursuite des bombardements en Libye. J'ai voté contre, car je savais qu'il y avait des membres d'Al-Qaïda parmi les forces rebelles à qui nous reconnaissions le droit légitime de gouverner le pays. Il était à mon sens inévitable que les vastes arsenaux contrôlés par Mouammar Kadhafi en Libye se retrouvent entre les mains d'extrémistes et de terroristes. On a d'ailleurs confirmé que ces armes sont en possession de l'EIIS.
Nous sommes intervenus en Libye, et je pense qu'il ne fait aucun doute que nous avons beaucoup aggravé la situation. Cela dit, il ne fait aucun doute que nos intentions étaient bonnes.
Passons maintenant à la Syrie. Nous fermons les yeux sur les souffrances des Syriens depuis bien trop longtemps. Nous avons permis à une brute meurtrière, Bachar al-Assad, d'assassiner ses compatriotes. Nous lui avons laissé le champ libre pendant quatre ans. Depuis le printemps arabe de 2011, nous faisons la sourde oreille aux appels des forces rebelles de la Syrie et de ceux qui souhaitent se débarrasser de Bachar al-Assad. Selon de récentes estimations, le nombre de réfugiés syriens se chiffre maintenant à 4 millions, et celui des Syriens assassinés par Bachar al-Assad, à 220 000.
Pourquoi ne sommes-nous pas allés en Syrie? Nous avions la permission du Conseil de sécurité de l’ONU d’aller en Libye, parce que nous avions la responsabilité de protéger. Cependant, lorsque le fondement de notre mission est passé de la responsabilité de protéger au renversement du régime, nous avons à jamais perdu la capacité d’obtenir le soutien de la Russie et de la Chine pour aller en Syrie et y protéger les civils au nom du principe de la responsabilité de protéger.
Je ne jette pas le blâme sur les pays limitrophes qui doivent assumer le fardeau de s’occuper de 4 millions de réfugiés. Les populations du Liban, de la Jordanie et de la Turquie ressentent les effets de la prise en charge des réfugiés qui ont essayé de fuir Bachar al-Assad. Nous souhaitons maintenant aller en Syrie. Pourquoi? Nous disons que c’est parce que l’EIIS s’y trouve.
C’est évident que l’EIIS s’y trouve.
Il y a quelques années, nous avons vu des républicains américains se faire prendre en photo avec des combattants de l’EIIS, qui étaient du bon côté, parce que c’étaient des forces rebelles opposées à Bachar al-Assad. Nous croyons maintenant que les combattants de l’EIIS constituent une menace mondiale, et nous souhaitons aller en Syrie. Par contre, nous le ferons sans avoir de notre côté une autorisation officielle ou le droit international. Nous devrons espérer que Bachar al-Assad voit d’un bon oeil nos interventions; autrement, les forces syriennes pourraient abattre des appareils canadiens.
Nous savons maintenant, d'après l'information fournie par le , et je le crois sur parole, que les combattants de l'EIIS n'ont pas de missiles antiaériens. Mais qu'en est-il des forces syriennes? Elles viennent d'abattre un drone américain.
Bien sûr, nous ne voulons pas demander la permission de Bachar al-Assad, parce que cela montrerait bien clairement que nos premiers efforts d'intervention dans cette crise qu'est la guerre civile en Syrie auraient inévitablement pour effet net d'aider Bachar al-Assad. Nous ne voulons pas admettre que, si nous réussissons notre coup en Syrie, nous renforcerons l'emprise de Bachar al-Assad en éliminant une force certes épouvantable, mais qui se trouve aussi à être contre le régime al-Assad.
Au regard de ce qui précède, j'espère que tout le monde aura compris — et j'entends par là aussi bien les téléspectateurs que les députés — que la situation qui nous attend en Syrie est, pour le moins, compliquée. Les objectifs sont contradictoires. Les possibilités de dérapage sont presque infinies. Nous allons envoyer des avions de chasse canadiens dans un endroit éloigné, sans l'aval du gouvernement de la région, comme nous le faisons actuellement en Irak, et nous allons intervenir dans une zone de guerre marquée par la violence sectaire.
Nous savons que le Hezbollah et l'Iran appuient Bachar al-Assad. Nous savons que certains groupes faisant partie des forces rebelles cherchent légitimement à entreprendre une transition vers la démocratie, mais nous ne sommes pas intervenus pour empêcher la boucherie qui a lieu en Syrie. Maintenant, drapé dans une attitude de rectitude morale, le gouvernement pense que nous pouvons aller bombarder la Syrie sans que les choses ne tournent mal.
Je vais rependre les propos de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies, quant au meilleur moyen de vaincre le terrorisme dans cette région. Comme il l'a dit, le meilleur moyen — et la plus grande menace qui pèse sur le terrorisme — ne sont pas les missiles, mais une stratégie d'inclusion politique. Nous devrions faire bien davantage pour que les pays de cette région, qui sont eux-mêmes menacés par l'EIIL, s'en prennent à ce groupe.
Je salue les efforts qui sont déployés sur le plan humanitaire, mais il faut faire beaucoup plus pour aider les quatre millions de réfugiés syriens. Il y a beaucoup à faire pour mettre un frein à l'approvisionnement en armes de l'EIIL. Il faut faire bien davantage pour juguler le financement de ces groupes terroristes. L'ensemble des pays qui prennent au sérieux la menace terroriste devraient travailler à mettre fin à la menace que constituent Boko Haram, Al-Qaïda, l'EIIL et les groupes de brutes criminelles dont les organisations ne sont pas encore connues.
Ce n'est pas ce que fait cette mission.
:
Monsieur le Président, le Bloc québécois serait favorable à une intervention si elle mettait la mission humanitaire au premier plan et si elle répondait aux causes qui ont fait naître cette crise et la barbarie perpétrée par le groupe armé autoproclamé État islamique.
Cependant, la motion que tentent de faire adopter les conservateurs exige la confiance aveugle de la Chambre. Elle met en avant une solution à prédominance militaire et demeure floue quant à l'objectif de la mission et de son évaluation. Le Bloc québécois reste sur ses positions de toujours et ne donnera pas de chèque en blanc à ce gouvernement.
La présente motion est encore moins bien définie que celle votée il y a six mois à la Chambre. Plutôt que de resserrer et de mieux définir le type d'intervention, la motion ouvre la porte à une plus grande intervention. Pourtant, il y a lieu d'apprendre de nos expériences, de nos succès et de nos erreurs passés. Il y a lieu d'apprendre, par exemple, de l'intervention au Kosovo, du refus du Canada de participer à la guerre en Irak, de l'envoi des troupes en Afghanistan et de l'intervention en Libye. Il faut prendre aussi en considération la complexité de la situation au Moyen-Orient sur le plan des politiques tant intérieures qu'extérieures des pays qui s'y trouvent. Il faut tenir compte des territoires, des pays, des relations entre les peuples qui y vivent et des religions qui y sont pratiquées.
La motion propose la poursuite des interventions en Irak, certes, mais elle propose aussi d'intervenir contre le groupe État islamique et les terroristes alignés sur ce groupe, notamment pour mener des frappes aériennes en Syrie. Je reviendrai un peu plus tard sur la Syrie. Toutefois, ce qu'on entend par « notamment », c'est que cette motion demande que le Canada puisse intervenir contre le groupe État islamique partout, peu importe les territoires, les pays et les situations politiques. On est prêt à intervenir partout. Qui décide? On ne le sait pas.
Pourtant, les Nations unies ont été créées afin de suivre un cadre d'intervention dans les relations internationales. L'action de l'ONU est guidée par sa charte, qui définit les objectifs des Nations unies de la façon suivante: « 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales », ce qui inclut évidemment l'envoi de troupes, si nécessaire; « 2. Développer entre les nations des relations amicales », cela va de soi; « 3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire », ce qui signifie résoudre les problèmes par les moyens qu'il faut, et ce, sous l'égide des Nations unies.
Son action se fonde sur un certain nombre de principes fondamentaux, entre autres sur « l'égalité souveraine de tous ses Membres », qui « règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques », si possible, qui « s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force » et qui donnent aux Nations unies « pleine assistance ». Aucune disposition de la Charte des Nations unies n'autorise celle-ci à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale.
Le Bloc québécois souscrit à ces principes, qui sont d'ailleurs le cadre de son analyse concernant les interventions de la communauté internationale en cas de conflit. Une intervention humanitaire doit constituer la base à partir de laquelle le Québec et le Canada répondent à leur devoir de solidarité internationale. C'est uniquement sur cette base que serait justifiée l'utilisation de la force. Le Bloc est contre toute action unilatérale et contre la notion de guerre préventive en l'absence de menace imminente et établie.
La motion proposée par le gouvernement conservateur met en avant une logique unidimensionnelle qui préconise des frappes dans laquelle l'aide humanitaire d'urgence joue un rôle secondaire. Pour le Bloc québécois, à l'instar du secrétaire général de l'ONU, il faut s'attaquer aux causes sous-jacentes qui ont donné naissance à cette crise. À la suite de l'adoption de la résolution 2178, le secrétaire général de l'ONU déclarait que « Les terroristes doivent être mis hors d’état de nuire », et que « cet objectif ne pourrait être atteint qu’en mobilisant la solidarité internationale et en s’attaquant aux causes sous-jacentes de l’essor des groupes radicaux. » Le secrétaire général a souligné en ce sens que « les armes les plus sûres contre cet essor [sont] l’éducation, l’emploi et des dirigeants qui savent écouter leur peuple et respecter l’état de droit. »
Alors que l'on retrouve dans la motion l'ouverture quant à la protection des civils, notamment en fournissant de l'aide humanitaire d'urgence, le s'empresse de fermer la porte à ce genre d'aide, en affirmant que le Canada en a assez donné.
Lorsqu'on est prêt à intervenir militairement et qu'on dit dans la même phrase que le Canada a assez donné, malgré les millions de réfugiés syriens, on est loin de l'approche axée sur le multilatéralisme préconisée par l'ONU et le Bloc québécois.
Lorsqu'on est prêt à intervenir dans un pays qui n'en a pas fait la demande, à s'ingérer dans une guerre civile où notre intervention favorisera inévitablement l'un des belligérants, qui devrait déjà faire face à des accusations de crime de guerre, il y a lieu de s'inquiéter.
Brandir le droit octroyé par l'ONU à l'autodéfense pour justifier les bombardements éventuels contre le groupe État islamique en Syrie, c'est une interprétation erronée.
Le Bloc québécois n'a pas changé d'idée et ne donnera pas de chèque en blanc. La motion proposée permettrait au Canada d'intervenir partout. Nous disons non.
Les Nations Unies ont été créées afin de suivre un cadre d'intervention dans les relations internationales. C'est ce que nous défendons et c'est pourquoi nous voterons contre cette motion. Notre position est claire: oui, à une intervention sous l'égide de l'ONU, et seulement sous l'égide de l'ONU.
:
Monsieur le Président, j'ai l'honneur de me joindre à ce débat sur la prolongation de notre mission essentielle, militaire et humanitaire afin de venir en aide aux innocents en Irak et en Syrie qui sont victimes de cet organisme terroriste et génocidaire, le soi-disant État islamique, appelé aussi Daesh ou l'EIIL.
[Traduction]
Parlons clairement. Le Canada a toujours respecté son obligation morale d’agir de concert avec ses alliés, lorsque sa sécurité et celle du monde entier étaient menacées. Nous estimons avoir aussi l’obligation morale, chaque fois que cela est possible et prudent, de nous porter à la défense des innocents menacés de génocide et de nettoyage ethnique, comme c’est aujourd’hui le cas en Irak et dans l’Est de la Syrie.
Premièrement, il faut bien comprendre comment fonctionne l’ennemi qui nous fait face, qui est l’ennemi de la planète tout entière et qui se fait appeler l’État islamique d’Irak et du Levant, EIIS ou encore Daesh. Il est sans doute difficile, en raison peut-être de nos paradigmes d’Occidentaux civilisés, de bien saisir la nature de cette organisation, car elle est foncièrement irrationnelle dans son idéologie, ses motivations et ses actions. C’est en effet une organisation qui s’inspire d’une vision dystopique pour imposer, par la violence, un califat, c’est-à-dire une théocratie qui prône une application particulièrement violente de la charia du VIIe siècle.
Pour cette organisation et ses suppôts, quiconque ne partage pas leur vision dystopique du califat est un kafir, un infidèle, un ennemi, quelqu’un qui, dans le meilleur des cas, ne mérite que l’esclavage ou la dhimmitude, et dans le pire des cas, la mort, souvent dans des conditions horribles.
C’est une organisation qui, selon le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies et divers observateurs indépendants en matière des droits de la personne, est responsable de violences inouïes: décapitations d’enfants; mise en esclavage sexuel de fillettes d’à peine huit ans; poursuite des homosexuels dont l’un d’entre eux, comme ils l’ont montré sur un film qu’ils avaient tourné, a été précipité du haut d’une tour avant d’être lapidé, parce qu’il n’était pas mort de sa chute.
C’est une organisation qui s’est donné pour mission d’éradiquer de la surface de la Terre une petite minorité vulnérable, les yézidis, qui sont une ancienne communauté religieuse et ethnique. L’EIIL veut également anéantir les anciens peuples assyro-chaldéens des plaines de Ninive, qui sont des peuples indigènes de cette région de la Mésopotamie, dont les ancêtres s’y sont installés il y a des milliers d’années, et qui, depuis près de 1 700 ans, pratiquent la foi chrétienne et, depuis plus longtemps encore, parlent leur propre langue ancienne, le chaldéen et l’araméen.
L’EIIL est une organisation qui n’a pratiquement aucun respect pour la vie humaine, qui considère les filles et les femmes comme du cheptel et non pas comme des êtres humains, et qui estime que les minorités, au lieu d’être protégées et respectées, ne méritent que d’être éliminées.
J’aimerais illustrer mon propos par un exemple précis du barbarisme de cette organisation, exemple qui m’a été rapporté par le patriarche de l'Église chaldéenne d’Irak, Louis Sako. Il m’a raconté qu’après que l’EIIL a envahi Mossoul, la deuxième ville irakienne, et prononcé une fatwa de mort, de conversion ou de dhimmitude contre les chrétiens de la ville, ces derniers se sont tous enfuis avec leurs possessions, mais l’EIIL leur a tout confisqué. Toutefois, une petite poignée de chrétiens âgés, infirmes et handicapés avaient été abandonnés dans les hôpitaux. Ils ne pouvaient pas s’enfuir, car ils n’avaient pas de parents pour les transporter.
Des membres de Daesh, l'EIIL, sont allés dans ces hôpitaux et après avoir laissé passer les 48 heures requises pour la fatwa, ils ont approché ces chrétiens handicapés et âgés et ils leur ont dit que s’ils ne se convertissaient pas sur-le-champ, ils seraient tués, décapités sur leur lit d’hôpital. On ne peut donc pas douter du genre de barbarie contre laquelle nous nous battons.
À la lumière de ces événements, j’estime qu’il nous incombe d’intervenir pour des raisons humanitaires. Je crois que cela est conforme au principe selon lequel nous avons la responsabilité d’assurer une protection. Il est vrai que pour donner vie à cette doctrine aux Nations Unies, il faut l’approbation de Vladimir Poutine et du Politburo chinois. Toutefois, le Canada n’a pas à s’embarrasser de l’approbation de Vladimir Poutine pour la politique qu’il veut suivre. Nous devrions pouvoir agir en toute indépendance pour prévenir un génocide et éviter que ce groupe terroriste fasse plus de victimes encore.
Nous avons également un impératif de sécurité nationale pour agir de la sorte parce que, comme les députés le savent, l'EIIS a clairement déclaré la guerre au Canada et invité ses partisans à tuer des Canadiens où qu’ils puissent les trouver. Il est assez évident que les deux attentats terroristes perpétrés au Canada, au cours desquels Patrice Vincent et Nathan Cirillo ont été tués en octobre dernier, ont au moins été inspirés par la barbarie de l'EIIL.
Si le monde n’avait pas commencé à agir, si la coalition des quelque 24 pays participant au combat armé contre l’EIIL en Irak et en Syrie n’avait pas entrepris ses opérations en septembre et en octobre derniers, si les 40 autres pays alliés qui appuient une intervention non militaire ne s’étaient pas manifestés, si rien de cela n’avait été fait, il est clair que l'EIIL aurait continué de gagner du territoire en Irak, conquis plus de ressources, plus de champs pétrolifères, plus de richesses, plus d’armements et, ce qui est le plus inquiétant, plus de légitimité aux yeux de ceux qui risquent de se radicaliser.
[Français]
C'est une des menaces au Canada. Plus de 100 Canadiens sont allés en Syrie et en Irak pour se joindre à cet organisme terroriste. Évidemment, quand ils reviennent au Canada, ils représentent une menace pour notre sécurité. C'est la même chose dans presque tous les pays développés.
Alors, il faut démontrer aux personnes susceptibles d'être radicalisées et d'être recrutées par le groupe État islamique que celui-ci ne représente pas cette idée de califat et que c'est plutôt un organisme farfelu.
[Traduction]
Voilà donc pourquoi le gouvernement du Canada a chargé l’Aviation royale canadienne de participer, avec six CF-18, un Polaris de ravitaillement et deux avions CP-140 Aurora modernisés, à la mission de combat aérien contre les cibles de l’EIIL menée par les pays alliés. Voilà également pourquoi nous avons fourni 69 membres des forces d'opérations spéciales pour conseiller, aider et former les peshmergas kurdes près d’Erbil, dans le Nord de l’Irak. Je suis heureux de déclarer que, grâce en partie au travail extraordinaire de nos hommes et de nos femmes en uniforme et de nos alliés, nous avons mis fin à l’avancée que réalisait le groupe terroriste l’été et l’automne derniers et que ce groupe est maintenant en train de perdre du terrain.
Nous remarquons maintenant que l’EIIS déplace une partie de son équipement lourd qui n’a pas encore été détruit par les bombardements alliés pour le faire sortir d’Irak et entrer en Syrie. Nous espérons qu’avec l’aide de l’aviation des pays alliés, les forces de sécurité irakiennes pourront en temps opportun lancer une contre-offensive sur le terrain efficace à laquelle nous ne participerons pas mais que nous appuierons depuis les airs.
Tout cela indique qu’en temps utile, le centre de gravité de la lutte contre l’EIIL devrait se déplacer à l’Est de la Syrie, où l’organisation terroriste a centralisé ses opérations. La capitale de cette région est Raqqa, dans le centre-est de la Syrie. C’est une région dont le régime syrien brutal a, à toutes fins pratiques, cédé la souveraineté à l’EIIL.
Conformément à l’avis juridique reçu de notre propre juge-avocat général et à la position de l’administration du président Obama, nous estimons donc que nous avons parfaitement le droit, sur le plan juridique, de frapper des cibles de l'EIIL dans l’est de la Syrie, en partie à l’invitation du gouvernement de l’Irak, en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies, de façon à exercer le droit de légitime défense collective.
J’estime que cette modeste prolongation de la mission et l’horizon d’un an proposés dans la motion fournissent précisément le genre de règles d’engagement dont notre force militaire a besoin pour jouer un rôle important au sein de la coalition internationale.
Nous ne devons pas nous attendre à ce que les autres pays, comme les Pays-Bas ou l’Australie, la France ou la Grande-Bretagne ou encore nos partenaires arabes, fassent tout le gros du travail. Nous sommes une démocratie responsable. Notre pays est un champion de la dignité humaine et de la liberté. Nous devons donc agir maintenant, comme nous l’avons toujours fait tout au long de notre histoire, pour défendre ces valeurs et, en fait, nos propres intérêts.
:
Monsieur le Président, aujourd'hui, je suis fière de joindre ma voix à celles de mes collègues dans le débat important qui se tient à la Chambre concernant la proposition de ce gouvernement de prolonger la mission canadienne de combat en Irak.
Par contre, avant d'entamer mon discours, je tenais à remercier mon collègue d', qui s'est prononcé un peu plus tôt dans le cadre du débat. Je veux le remercier particulièrement pour l'amendement qu'il a présenté à la Chambre. Cet amendement met véritablement en lumière les actions que le Canada pourrait entreprendre dès maintenant pour venir en aide à la population qui est victime des atrocités du groupe État islamique.
J'apprécie que le calme se soit rétabli de lui-même à la Chambre. C'était un peu bruyant de mon côté. J'espère que mes collègues, de l'autre côté de la salle, porteront attention à mes propos et il sera plus facile pour eux de poser des questions qui seront pertinentes, c'est à souhaiter.
Pour en revenir à mon propos, comme je le disais plus tôt, le NPD, par l'intermédiaire de la voix de mon collègue d', a mis sur la table sa proposition pour permettre au Canada d'avoir une véritable incidence et de sauver des vies civiles immédiatement. En effet, c'est la principale préoccupation du NPD en ce moment. Des millions de personnes ont été déplacées à la suite des atrocités qui sévissent présentement en Irak et en Syrie. Ce sont ces gens-là que nous devons aider rapidement.
Personne à la Chambre, d'aucun parti, ne va nier que le groupe État islamique a commis des actes de violence absolument atroces sur les populations civiles. Je ne ferai pas la liste des différents incidents qui nous sont rapportés régulièrement dans les médias. Nous les entendons régulièrement et nous sommes tous choqués et horrifiés par les horreurs qui nous sont rapportées. Nous sommes tous conscients que le groupe État islamique représente une menace pour le monde et pour le Canada et que nous nous devons d'agir. Cependant ce n'est pas avec la motion qui nous est présentée par le gouvernement conservateur aujourd'hui que le Canada aura les répercussions qu'il devrait créer ni qu'il pourra jouer le rôle qu'il devrait tenir.
Les conservateurs nous proposent un flou total, et ce, depuis le début. Quand nous étions encore en train de parler d'une mission de conseil et de soutien d'un mois, le gouvernement nous fournissait déjà très peu de détails, malgré les multiples questions qui leur ont été posées à la Chambre. Nous sommes ensuite passés à une mission de frappes aériennes de six mois, qui s'est transformée, sans que nous en soyons informés, malheureusement, en une mission de combat directement sur les lignes de front. Le gouvernement va tenter de nier ce fait, mais les preuves sont claires. Nous connaissons les faits. Malheureusement, le sergent Doiron est décédé à quelques centaines de mètres à peine des lignes de front. Maintenant, le gouvernement est prêt à nous embarquer dans une mission d'un an et demi, à ce qu'il nous dit. Il cherche à convaincre les Canadiens que c'est véritablement la seule solution possible pour vaincre le groupe État islamique. Pourtant, comme c'est le cas depuis le début, nous n'avons toujours aucun plan concret. Le gouvernement n'a présenté aucun objectif précis ni même de plan de sortie.
Nous sommes devant une proposition pour une mission d'un an et demi, mais si nous regardons ce qui s'est passé en Afghanistan, nous avons été là une douzaine d'années. On nous proposait alors un peu les mêmes choses: des missions relativement courtes, de quelques mois ou de quelques années à peine. Or nous avons été là 12 ans. Nous ne savons pas vraiment où nous allons dans ce qui nous est présenté actuellement. Les conservateurs sont incapables d'être honnêtes avec les Canadiens quant aux véritables rôles que nos soldats jouent sur le terrain. Ils ne sont même pas capables d'être honnêtes avec les membres des troupes qui attendent à la maison.
Nous avons tous appris avec grande tristesse, mais aussi avec surprise, le décès du sergent Doiron près des lignes de front, alors qu'on nous avait clairement dit à la Chambre, que nos troupes ne devaient pas accompagner les troupes irakiennes au front. D'après le texte de la motion sur lequel la Chambre s'est prononcée, c'était très clair. Pourtant nous sommes confrontés à une situation qui est tout autre. Le gouvernement joue sur les mots et il nous demande de lui faire confiance, les yeux fermés, pour assurer notre sécurité. Il est pris au dépourvu. Les conservateurs disent qu'ils vont larguer quelques bombes ici et là, qu'ils vont se sentir mieux car ils auront l'impression d'agir.
Toutefois, en réalité, le Canada n'apporte pas la meilleure contribution qu'il peut offrir. Franchement, je me demande comment la population canadienne peut faire confiance à un gouvernement qui refuse de faire preuve de la transparence la plus élémentaire. Cette transparence a pourtant été démontrée par les élus des autres pays alliés de la coalition.
Aux États-Unis, par exemple, le président Obama a été très clair. Il a présenté, autant aux parlementaires qu'à la population, le plan et les objectifs à atteindre. Les Américains ont même eu droit au coût de la mission. C'est extraordinaire. Ici, le directeur parlementaire du budget doit se battre et utiliser des données diffusées par les Américains, entre autres, pour tenter d'estimer les coûts de la mission canadienne en Irak. Devant une telle situation, je ne vois pas comment nous pourrions donner un chèque en blanc au gouvernement et lui dire que nous allons certainement prolonger la mission en Irak.
Pire encore, le gouvernement propose maintenant d'aller faire des bombardements en Syrie, c'est-à-dire, de s'allier avec le régime de Bachar el-Assad. C'est une décision absolument incompréhensible. J'entendais tout à l'heure le dénoncer l'abandon par le NPD de ses principes de défense contre le génocide. Comment peut-on à la fois accuser les opposants à la prolongation de la mission en Irak de soutenir les génocidaires du groupe État islamique et proposer de s'allier directement avec le régime de Bachar el-Assad? Cet argumentaire est totalement incohérent.
Cela fait déjà au moins quatre ans que ce pays est en guerre civile. La population civile se fait absolument massacrer. Ce sont des horreurs que nous voyons là-bas. Des écoles et des hôpitaux sont bombardés et des enfants sont victimes de crimes horribles. La population est victime d'attaques aux armes chimiques de la part de son propre gouvernement, et le Canada proposerait d'aller jouer le jeu de Bachar el-Assad. Nous savons pourtant très bien qu'il a instrumentalisé le groupe État islamique à différents moments dans le cadre du conflit. Nous tombons carrément dans le panneau en décidant d'aller intervenir sur le territoire.
En fait, nous sommes dans un imbroglio légal, car en demandant explicitement la permission à Bachar el-Assad, comme le a mentionné à la Chambre qu'il le ferait, il y a déjà plusieurs mois, nous donnons une certaine légitimité au régime. Si nous décidons d'ignorer totalement cette disposition du droit international, nous faisons fi des conventions et du droit international.
Nous avons déjà vu le gouvernement ridiculiser cette notion de droit international, mais ce principe est essentiel. Le Canada est un pays démocratique et, à ce titre, il est primordial qu'il s'en tienne à ces conventions qui ont été établies au fil des années en négociation avec les autres pays. Le Canada peut faire beaucoup mieux que de s'allier avec le régime de Bachar el-Assad. Je suis incapable de passer par-dessus cet élément.
Tout cela paraît très simple pour les conservateurs. Comme je le mentionnais plus tôt, ils vont faire quelques bombardements, puis ils vont se retirer lorsqu'ils seront satisfaits de leur intervention. Toutefois, qu'est-ce que nous laisserons après cette intervention militaire? Nous laisserons un vide politique qui va être rempli par d'autres groupes qui pourraient être pires que le groupe État islamique. Nous ne savons pas ce qui s'en vient. Les conservateurs ont leurs solutions toutes faites qu'ils croient appropriées, mais concrètement, ils pourraient empirer la situation.
Je citerai un extrait d'un texte de Pierre Asselin qui a été publié dans Le Soleil hier et qui résume très bien le problème auquel nous faisons face:
Le djihadisme se nourrit du chaos et de la violence qui entraînent l'effondrement des structures. En l'absence d'une stratégie pour écarter Assad, les victoires contre l'État islamique risquent d'être éphémères. La stratégie est-elle de repousser l'EI hors de l'Irak ou de le combattre jusque dans ses retranchements syriens? Et qui occuperait le vide créé par une hypothétique défaite de l'EI en Syrie? Si notre intervention permet au régime syrien de récupérer les territoires perdus aux mains des fanatiques islamistes, cela ne nous sera jamais pardonné par ses millions de victimes.
Ce sont de tels éléments que nous devons garder en tête. C'est pourquoi le NPD propose de venir en aide aux populations civiles qui vivent des situations épouvantables. Il y a des victimes de violence sexuelle et d'abus épouvantables qui ont besoin de notre aide immédiatement. Le Canada a une expertise dans ce domaine.
Nous pouvons leur venir en aide et nous assurer que les camps de réfugiés soient adaptés aux conditions hivernales pour prévenir d'autres décès.
Au cours de la période des questions, j'espère avoir la chance d'en dire plus sur les solutions que le NPD propose. Franchement, compte tenu de tous les éléments que j'ai présentés, il est impossible pour moi et mes collègues d'endosser la proposition de prolongation de mission, telle que proposée par les conservateurs.
:
Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de me lever à la Chambre pour participer à cet important débat.
Il faut rappeler que c'est notre gouvernement conservateur qui a pris l'engagement de consulter le Parlement lorsque nous allions procéder à des engagements militaires outre-mer. La raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est qu'il s'agit effectivement d'un engagement militaire d'une forme particulière, puisqu'il s'adresse non pas à un État traditionnel, mais bien à une entité qui se qualifie d'État islamique.
Je me permets donc de rappeler que ces terroristes djihadistes ont déclaré la guerre non seulement au Canada, mais à nos alliés les Français, les Britanniques, les Australiens et les Danois, qui ont été victimes d'attaques terroristes. On se rappelle l'attaque contre Charlie Hebdo ou contre le marché Hyper Cacher à Paris. On se rappelle les attaques terroristes survenues à Sidney, en Australie, pendant la période des Fêtes, ou encore, plus récemment, au Danemark. Ces terroristes nous ont ciblés. Ils encouragent leurs supporteurs à attaquer, et je cite, les infidèles canadiens par tous les moyens. Ils ont même juré que nous ne serions pas en sécurité, même dans nos demeures.
[Traduction]
Pour illustrer l'horreur des menaces qui ont été proférées envers les Canadiens et tous nos alliés, je me dois de citer — et je m'en excuse — les propos du porte-parole du soi-disant groupe État islamique:
Si vous pouvez tuer un infidèle américain ou européen — surtout un méchant et dégoûtant Français — ou un Australien ou un Canadien, ou n'importe quel autre infidèle parmi les infidèles qui nous font la guerre, y compris les citoyens des pays qui font partie de la coalition contre l'État islamique, remettez-vous-en à Allah et tuez-le de quelque manière que ce soit.
Une telle déclaration donne froid dans le dos, et c'est justement pourquoi je prends la parole à la Chambre pour appuyer nos interventions, ici et à l'étranger, destinées à cibler les terroristes et à protéger nos concitoyens. En tant que gouvernement, nous savons que notre responsabilité fondamentale consiste à protéger les Canadiens contre quiconque entend s'en prendre à eux ou à leur famille.
Nous avons été aux premières loges pour constater que le problème ne vise pas strictement un pays lointain. Contrairement à ce qu'a laissé entendre hier le chef du NPD, cette guerre, c'est aussi la nôtre.
[Français]
Le 20 octobre, à Saint-Jean-sur-Richelieu, ce n'était pas un accident de la circulation. C'était un terroriste qui souhaitait commettre un acte de violence dans un geste d'éclat pour une cause idéologique qui a froidement attenté à la vie de l'adjudant Patrice Vincent, qui a perdu la vie aux mains d'un terroriste clairement inspiré par le groupe État islamique.
Cette semaine, lundi soir, la soeur de l'adjudant Patrice Vincent, Louise Vincent, est venue témoigner pour appuyer les mesures que le gouvernement met en avant pour lutter contre le terrorisme et nous montrer les dizaines, les centaines, voire les milliers de lettres et de messages d'appui qu'elle reçoit non seulement du Québec et du Canada, mais de partout dans le monde. Des familles ont fait des cartes à la main pour apporter leur soutien à la mère de l'adjudant Patrice Vincent et à sa famille, qui a été durement éprouvée par ce crime scabreux. Un geste terroriste touche toute une collectivité, tout le Canada et le monde entier, comme l'a dit si bien Louise Vincent.
C'est la raison pour laquelle nous avons la responsabilité morale de prendre les mesures nécessaires pour éviter que ces gestes se reproduisent. Comme ce geste était d'inspiration terroriste, nous voyons clairement la relation et l'interdépendance entre les mesures que nous prenons ici, au pays, pour lutter contre la menace terroriste et celles que nous prenons pour s'attaquer, là-bas, au Moyen-Orient, à ce foyer de violence et de terrorisme.
Le 22 octobre, c'est le caporal Nathan Cirillo qui a été assassiné. Alors même qu'il montait la garde au Monument commémoratif de guerre, symbole même du sacrifice de toutes les Canadiennes et Canadiens qui ont servi leur patrie en temps de guerre pour sauvegarder la paix et la liberté, il a été assassiné par un autre terroriste inspiré de l'idéologie extrémiste du groupe État islamique. Il était une cible simplement parce qu'il portait l'uniforme des Forces armées canadiennes dans son pays, en temps de paix, pour commémorer le sacrifice de ceux qui ont donné leur vie pour leur patrie, pour notre patrie.
C'est pourquoi notre pays, le Canada, ne peut se contenter de rester à l'écart les bras croisés, ce que les libéraux et les néo-démocrates voudraient que l'on fasse devant cette menace. Au contraire, nous sommes un partenaire des pays libres et démocratiques contre le groupe État islamique. Nous sommes un partenaire de cette coalition internationale pour défendre nos droits, nos libertés et notre sécurité ici-même, en sol canadien.
Il est important de combattre le terrorisme à l'étranger, mais aussi les idéologies qui incitent des personnes à se radicaliser et à adopter cette violence, autant ici qu'à l'étranger.
C'est la raison pour laquelle notre participe, avec la coalition internationale, aux efforts visant à réduire la capacité d'intervention du groupe État islamique à l'étranger. C'est la raison pour laquelle, en matière de sécurité publique, notre gouvernement s'est engagé à prendre des mesures efficaces pour donner des outils à nos forces de l'ordre et à nos services policiers, afin d'être en mesure de faire face à cette menace évolutive du terrorisme ici-même au pays. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons introduit une stratégie de lutte contre le terrorisme il y a plus de deux ans, une stratégie pour laquelle nous n'avons pas reçu l'appui des néo-démocrates, mais qui s'appuie pourtant sur la prévention de la radicalisation.
Il est important que nous posions des gestes concrets pour intervenir dans la sphère pré-criminelle avant que des jeunes ne soient radicalisés et souhaitent voyager à l'étranger pour commettre des actes terroristes ou, même pire, les commettre ici. Cette stratégie a quatre piliers: prévenir, détecter, empêcher ces personnes d'agir et répondre à la menace terroriste.
[Traduction]
Nous avons également fait adopter la Loi sur la lutte contre le terrorisme, qui prohibe tout déplacement à des fins terroristes. Il s'agit d'une mesure législative primordiale pour lutter contre le phénomène récent des Occidentaux radicalisés — dont, hélas, des Canadiens — qui cherchent à se rendre en Irak ou en Syrie pour grossir les rangs des combattants du groupe État islamique.
Cela dit, il faut aller encore plus loin, car, actuellement, il n'est pas possible d'empêcher ces individus de monter à bord d'un appareil, même s'il existe des motifs de soupçonner qu'ils sont prêts à commettre un acte terroriste. C'est en cela que réside toute l'importance du projet de loi antiterroriste, qui est à l'étude.
Je suis tout à fait ouvert aux questions, mais il n'en reste pas moins que nous devons pouvoir traquer les terroristes, ici comme à l'étranger. Voilà pourquoi le gouvernement adopte une approche cohérente dans le but de cibler quiconque voudrait nous nuire en sol canadien.
:
Monsieur le Président, la question dont la Chambre est saisie actuellement est grave, elle soulève des enjeux de taille et je crois qu’elle va au cœur de certains des sujets les plus importants et les plus profonds qui peuvent être débattus à la Chambre des communes.
Des mouvements violents menacent le monde, le danger est réel. La situation est grave. Des actes d’oppression, des enlèvements, des viols, du ciblage ethnique et culturel, des conflits armés et de la violence se produisent actuellement partout dans le monde.
Il y a le groupe armé État islamique en Iraq, Boko Haram au Nigeria, les événements en Ukraine, la guerre civile en Syrie, les récents conflits en Israël et à Gaza, les tensions dans le Caucase entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ainsi que des conflits en cours partout en Afrique ainsi que dans les pays socialistes et le tiers monde.
Le gouvernement demande aujourd’hui au Parlement et à la population canadienne d’engager le Canada dans l’un de ces conflits. Les conservateurs affirment que les agissements de l’État islamique en Irak sont tels que la guerre est la seule réponse qui vaille de la part du Canada et que l’État islamique en Irak représente une menace pour les Canadiens, ici même, au Canada. Or, je me permets respectueusement de m’inscrire en faux de toutes ces affirmations.
J’ai le privilège de représenter les vaillants citoyens de dans cette Chambre depuis sept ans. Nous débattons toujours de questions importantes, comme nous l’avons fait au cours de ces années. Cependant, à mon avis, aucun enjeu n’est plus important ou ne justifie un examen plus serré et plus d’attention que celui d’engager nos troupes et le Canada dans une guerre.
Je voudrais tout d’abord rappeler certains faits historiques. Le vieil adage voulant qu’à ne pas tenir compte de l’histoire, on est condamné à répéter les mêmes erreurs s’est avéré avec le temps. Je vais parler de l’expérience de l’Occident dans les interventions militaires menées au Moyen-Orient.
Rappelons brièvement les événements des 30 dernières années. En Afghanistan dans les années 1980, les États-Unis ont armé les Talibans. Les Talibans, qui attaquaient les Soviétiques étaient alors les amis des Américains. À l'époque, il importait peu aux Américains que l’orthodoxie, les doctrines ou les dogmes des Talibans oppriment les femmes, qu’ils soient misogynes, sexistes, intolérants à l'égard des autres cultures et insensibles. Les États-Unis armaient les Talibans à cette époque parce qu’ils avaient un ennemi commun.
Puis, il y a eu les attentats du 11 septembre. Les États-Unis ont demandé au gouvernement afghan de leur livrer ceux qu’ils considéraient comme les auteurs des attentats qui, selon eux, se cachaient en Afghanistan. Lorsque le gouvernement afghan n’a pu ou n’a pas voulu obtempérer, les États-Unis et une coalition de pays occidentaux, dont le Canada, ont attaqué l’Afghanistan.
Le Canada a été embourbé en Afghanistan pendant 10 ans. Nous avons perdu bien au-delà de 150 courageux soldats. De plus, des milliers de soldats canadiens ont été blessés, traumatisés jusqu’à ce jour, et le Canada a dépensé des milliards de dollars en Afghanistan.
Et à quoi ressemble l’Afghanistan aujourd’hui? Ce n’est pas une démocratie. Les divisions tribales sont intactes. La production d’opium bat tous les records. Voilà un pays qui a été dévasté, où les valeurs occidentales n’ont pu prendre racine et où elles sont en fait rejetées aujourd’hui plus que jamais.
Parlons de la Libye. Il y a quelques années seulement, dans cette Chambre, le gouvernement a déclaré qu’il devait engager les Forces canadiennes pour faire respecter une zone d’exclusion aérienne en Libye, et l’opposition a appuyé la mission, malgré les propos erronés que le a tenus à la population canadienne. Toutefois, nous avions prévenu le gouvernement, à l'époque, que nous n’appuierions pas une mission qui se transformerait pour susciter un changement de régime. Or, c’est exactement ce qui est arrivé.
Nous nous sommes engagés dans une mission qui a abouti au renversement du régime de Kadhafi en Libye, mais qu’observe-t-on aujourd’hui, à cause de cette intervention militaire? Le pays est plongé dans le chaos, et la violence y atteint des niveaux sans précédent. Il n’y a en Libye aujourd’hui ni démocratie, ni stabilité, ni justice, ni État de droit. Les conservateurs sont restés silencieux sur la situation en Libye depuis qu’ils ont imploré la population canadienne de participer à la mission pour renverser le despote qui gouvernait ce pays, et aujourd’hui, ils refusent de rendre compte de leurs actes.
Nous avons aussi le cas de l’Irak. J’ai vraiment une impression de déjà vu, car ce n’est pas la première fois qu’un pays occidental est sollicité pour participer à une intervention militaire en Irak. En 2003, les États-Unis ont formé une coalition pour attaquer l’Irak. Les motifs, on le sait aujourd’hui, étaient de pures fabulations qui partaient d’une vaste supercherie. On accusait l’Irak d’importer du concentré d’uranium africain pour son programme nucléaire. On l’accusait aussi de fabriquer des armes de destruction massive, et c’était confirmé par les diplomates américains les plus éminents. On a fini par découvrir que tout ça n’était que des mensonges et des fabulations.
Des forces militaires massives ont été déployées en Irak. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées. Les dégâts aux infrastructures se sont chiffrés en milliards de dollars. Saddam Hussein a été renversé et remplacé par un gouvernement qui convenait mieux à l’Occident, le gouvernement de M. Maliki. Et qu’est-il arrivé une fois qu’il a été installé au pouvoir? Il s’est livré à une oppression brutale des minorités, la corruption est devenue endémique, la démocratie n’a pas pris racine, et le pays s’est retrouvé ruiné, divisé et socialement fracturé.
À la suite des bombardements massifs de 2003, qui étaient censés restaurer la démocratie, les droits de la personne et l’État de droit en Irak, où en est ce pays en 2015? L’EIIL est présent en Irak. On pourrait donc prétendre que, non seulement l’intervention militaire n’a atteint aucun des objectifs qu’on invoque toujours au début d’une mission, mais qu’elle a abouti à la situation inverse. En effet, l’EIIS ou EIIL n’existait pas en 2003, mais il est bien présent aujourd’hui.
Si les bombardements et les interventions militaires étaient la solution pour rendre l’Irak et les pays voisins plus sûrs et plus conformes aux normes occidentales, c’est ce qui aurait dû arriver après huit ans et huit mois de pilonnages et d’opérations militaires, de 2003 à 2011. Depuis 30 ans, la politique que l’Occident applique au Moyen-Orient et dans toute la région, politique qui se fonde sur la violence, sur l’intervention militaire et sur la supercherie, n’a abouti qu’à un seul résultat, si on veut bien examiner la situation de façon objective: l’échec le plus total eu égard aux objectifs qui avaient été annoncés au début de ces missions. Et pour couronner le tout, les gouvernements responsables, comme le gouvernement canadien, le gouvernement américain et le gouvernement britannique, refusent de rendre des comptes, alors qu’ils avaient dit à leurs concitoyens qu’il fallait qu’ils interviennent pour rendre ces pays plus sûrs. En fait, leurs actions ont rendu le monde encore plus dangereux.
Que devrait faire le Canada? Les Canadiens à qui je parle et que je représente veulent une politique étrangère différente de celle qui fait la marque de commerce du gouvernement actuel. Cette politique met l'accent sur la guerre et l'intervention militaire. Elle diabolise l'ennemi, elle est chauvine et elle incite à la violence. Les Canadiens veulent une politique différente: ils veulent que le Canada soit fidèle à ses traditions. Règle générale, le Canada a toujours été un ambassadeur de la paix. Il était vu comme un intermédiaire honnête à l'échelle internationale et comme un négociateur équitable. Nous étions reconnus pour notre sens de la diplomatie et notre capacité à prendre les devants.
Il existe d'autres façons, pour le Canada, de s'attaquer à ce problème très grave. Nous pourrions mettre de côté notre approche belliqueuse et nous concentrer davantage sur l'édification de la démocratie. Nous pouvons aider les pays comme l'Égypte, l'Irak, la Syrie et le Yémen à mettre en place des gouvernements démocratiques responsables qui pourront, à leur tour, bâtir des sociétés respectueuses des droits de chacun. Nous pouvons aider ces pays à bâtir des sociétés civiles solides, à rédiger leur constitution, à construire leur infrastructure publique, à accroître le degré d'éducation de leur population et à lutter contre la pauvreté. Nous pourrions leur offrir une aide financière et humanitaire. Ces rôles sont à l'opposé de ce que le gouvernement propose aujourd'hui. Selon eux, il vaut mieux se rendre sur place et utiliser la violence pour mettre fin aux violences en Irak. Le plus grand mythe, dans tout cela, c'est que cette approche améliorera la sécurité des Canadiens.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas eu un seul attentat terroriste encouragé par l'EIIL sur notre territoire, pas un seul. Toutefois, si le Canada engage ses forces et commence à bombarder les positions de l'EIIL et de l'EIIS en Irak, il en découle logiquement que cela accroîtra les possibilités que ces gens s'estiment en droit de prendre des mesures punitives ici, au Canada.
Pour assurer la sécurité des Canadiens et redonner au Canada la position que les Canadiens veulent qu'il ait sur la scène internationale, je demande à tous les députés de rejeter cette motion mal conçue qui ne se justifie pas dans les faits et est la moins logique et morale que j'ai vue à la Chambre.
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Monsieur le Président, je suis fier de prendre la parole à la Chambre sur un sujet d'une importance capitale pour les Canadiens ainsi que pour les sociétés libres et démocratiques.
Le débat d'aujourd'hui sur le rôle du Canada dans le cadre des efforts internationaux de lutte contre l'EIIL est effectivement très important. Comme nous le savons tous, l'EIIL est en somme un groupe de barbares inhumains, dont le but est de causer des ravages et de porter atteinte à la sécurité mondiale, du Moyen-Orient jusqu'ici même. Il représente une menace contre la dignité humaine et un danger meurtrier même pour des enfants innocents.
L'opposition ne veut pas tenir tête à cette organisation barbare animée par une culture brutale et meurtrière. Pas plus tard que la semaine dernière, le chef du NPD a tenu les propos suivants à ce sujet même. Je cite:
[N]ous n'avons aucune raison d'y participer [...]
Bien que personne ne tente de minimiser les horreurs qui se produisent là-bas, la question qui se pose est la suivante: « Est-ce que ce combat concerne le Canada? »
Je ne suis pas d'accord avec les observations faites par l'opposition, qui se contente de tenir de beaux discours, au lieu de lutter véritablement contre les actes horribles perpétrés par l'EIIL, plus particulièrement contre les victimes les plus vulnérables, c'est-à-dire les enfants.
Le Canada ne peut tout simplement pas demeurer les bras croisés pendant que les barbares de l'EIIL massacrent des hommes, des femmes et des enfants innocents. Ce groupe prend des femmes et des enfants comme esclaves sexuels et favorise le terrorisme à l'échelle internationale, comme nous l'avons vu ici, en territoire canadien, mais le chef du NPD, lui, clame haut et fort que tout cela ne concerne pas notre pays. Cela dit, tout au long de l'histoire, le Canada est intervenu lorsque la paix et la sécurité étaient menacées. Notre pays a toujours été fermement déterminé à défendre la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit.
Je sais que certains seront mal à l'aise d'entendre les propos qui suivent, mais je veux que la Chambre comprenne parfaitement I'horreur à laquelle nous sommes confrontés. Il est trop facile, dans le cadre de ce débat, de voir la mission contre l'EIIL comme une chose abstraite et d'oublier les crimes abominables contre l'humanité qui ont été commis par ce groupe radicalisé. C'est pour cette raison que je vais parler de certaines atrocités innommables. Pour ce faire, je vais citer le rapport qui a été publié en février 2015 par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, qui s'intitule « Observations finales concernant les deuxième à quatrième rapports périodiques de l'Irak ». En voici un extrait:
Le comité condamne les assassinats cruels et ciblés d'enfants par le soi-disant EIIL et, tout particulièrement: a) le meurtre systématique d'enfants de minorités religieuses et ethniques, dont plusieurs cas d'exécution de masse de garçons, et les cas rapportés de décapitation et de crucifixion d'enfants, et d'enfants enterrés vivants [...]
Le rapport fait aussi mention d'un nombre élevé d'enlèvements d'enfants perpétrés par le soi-disant EIIL:
[...] un grand nombre de ces enfants sont profondément traumatisés d'avoir vu leurs parents assassinés, et font l'objet d'agressions physiques et sexuelles.
Que ces mots s'impriment dans vos esprits: décapitations, crucifixions et enterrements d'enfants vivants. Encore une fois, je demande à l'opposition: le Canada doit-il se contenter de rester à l'écart? Le Canada ne devrait-il pas intervenir pour empêcher ces crimes ignobles d'être perpétrés sur des enfants? Ne devrait-il pas faire sien ce combat?
Je demande à l'opposition de lire le rapport des Nations Unies. Je lui demande de bien saisir le caractère inhumain et déplorable des crimes commis par l'EIIL, des actes tels que, comme le dit le rapport:
[...] l'asservissement sexuel continu des enfants constaté depuis l'apparition du soi-disant EIIL, en particulier des enfants qui appartiennent à des groupes minoritaires et qui sont prisonniers de l'EIIL. Il souligne avec une très vive inquiétude les « marchés » créés par l'EIIL, marchés où sont vendus, affublés d'étiquettes de prix, les enfants et les femmes enlevés par l'EIIL; et l'asservissement sexuel des enfants détenus dans des prisons de fortune [...]
Renate Winter, la très respectée experte en droit international et fondatrice de l'Institut international des droits de l'enfant, a participé à la rédaction du rapport des Nations Unies. Je demande à l'opposition d'écouter ses paroles:
Nous sommes vraiment très préoccupés par la torture et le meurtre de ces enfants, tout particulièrement ceux qui appartiennent à des minorités, mais pas seulement. C'est un problème d'une énorme ampleur.
Elle joute:
Certains rapports indiquent que des enfants ont été utilisés comme kamikazes, notamment des enfants handicapés mentalement, et il est probable qu'ils ne comprenaient même pas ce qui se passait.
Des enfants souffrant de déficience intellectuelle ont été utilisés pour perpétrer des attentats suicides, et d'autres enfants ont été torturés sans merci. Je sais que beaucoup de députés ont le grand bonheur d'avoir des enfants. Certains, comme moi, ont des petits-enfants. Nous devons songer à ce que nous éprouverions si nos enfants et nos petits-enfants à nous étaient torturés, vendus comme esclaves, forcés de commettre des attentats suicides, violés ou assassinés. Voilà la dure réalité des faits et gestes de l'EIIL à l'heure actuelle.
Nous pouvons nous rendre compte de l'oeuvre de l'EIIL en voyant ce qui s'est passé par exemple à Raqqa, en mai dernier. Nous pouvons voir les photos de personnes crucifiées ou décapitées. Nous pouvons songer aux yézidis qui appartiennent à un groupe religieux minoritaire et pacifique et qui se sont retrouvés encerclés par l'EIIL dans leur petite localité de montagne, où ils ont dû subir la faim et la soif et où beaucoup en sont morts, même si certains ont réussi à s'échapper.
Nous pouvons voir les nombreuses vidéos de décapitation filmées par l'EIIL et largement diffusées pour que tout le monde puisse les voir, notamment la vidéo où l'on aperçoit James Foley, un journaliste indépendant, qui se fait trancher la tête sous les cris de joie des barbares de l'EIIL. Nous pouvons regarder les vidéos encore plus récentes de l'EIIL en train de décapiter 21 chrétiens coptes sur le rivage, à Tripoli. C'est la réalité de la terreur de l'EIIL à laquelle nous devons tous faire face.
Le NPD n'est-il pas d'avis qu'il appartient aussi au Canada de livrer combat? Je pense que oui. Tout le monde éprouve un profond dégoût à la vue des actes commis par des brutes barbares, adeptes de cette secte sanguinaire et dépourvus de sens moral. Pourquoi le NPD souhaite-il que le Canada demeure les bras croisés?
Bien que j'aie passé plus de 40 ans dans les forces de l'ordre à combattre les pires criminels et que j'aie été témoin de crimes horribles, je ne peux que m'imaginer la destruction et les ravages causés par l'EIIL. Des familles sont assassinées et anéanties. Des mères ont le cœur brisé. Des enfants sont enterrés vivants.
Le Canada a le devoir et la responsabilité d'affronter ce mal aux côtés des pays alliés de toutes les régions du monde, dont la liste ne cesse de s'allonger. C'est une coalition dont le Canada fait partie intégrante qui a réussi jusqu'à maintenant à freiner la progression de l'EIIL, à reprendre des territoires stratégiques et à affaiblir considérablement les capacités de l'EIIL.
L'opposition adopterait une position isolationniste; elle a déclaré qu'il s'agit d'une menace lointaine et que ce problème ne concerne pas le Canada. Or, c'est tout le contraire. Lors des grandes guerres et dans le cadre des missions canadiennes de maintien de la paix au Rwanda ou au Congo, par exemple, le Canada est intervenu pour lutter contre la terreur.
Je voudrais également rappeler aux Canadiens les attaques et les menaces lancées par l'EIIL contre le Canada, ici même au pays. L'adjudant Patrice Vincent a été tué par un djihadiste au Québec, et le caporal Nathan Cirillo a été tiré à bout portant ici, à Ottawa.
Ne nous y trompons pas: le mouvement djihadiste international, EIIL, a déclaré la guerre au Canada. Le gouvernement a le devoir moral de protéger les Canadiens des personnes qui leur veulent du mal. Rester les bras croisés, c'est laisser le mal gagner du terrain.
J'espère que l'opposition se joindra au gouvernement pour appuyer cette mission. Cependant, que le Parti libéral et le NPD nous appuient ou non, nous allons combattre cette force maléfique et assurer la sécurité des Canadiens. Le gouvernement est fier du travail effectué par nos valeureux militaires. Nous allons continuer de les appuyer afin de poursuivre la lutte contre cette force maléfique.
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Monsieur le Président, j'aimerais commencer par énoncer ce qui constitue une évidence pour bien des députés ici présents. La position adoptée depuis quelques jours par le est en parfaite continuité avec celle qu'il avait faite sienne en 2003. Rappelons qu'il était parmi les plus ardents défenseurs de la décision — tout à fait illégale et profondément stupide — prise par George W. Bush d'envahir l'Irak.
Il y avait alors deux partisans de renom fort enthousiastes. L'un travaillait au sud de la frontière, mais il est par la suite devenu chef du Parti libéral. Je parle bien entendu de Michael Ignatieff, qui a tout de suite été recruté par les élites libérales, qui en ont fait leur chouchou. L'autre était le actuel, qui se fichait déjà du droit international à l'époque, et qui s'en fiche encore aujourd'hui.
J'en veux pour preuve la réponse méprisante qu'il a donnée hier au . En fait, le est en train de nous dire que c'est lui qui fait la loi. Voilà comment il aime à diriger — pour ne pas dire détruire — une démocratie parlementaire.
[Français]
« Je suis le roi; la loi c'est moi. »
[Traduction]
Voilà ce qui en est pour le .
Aujourd'hui, le est intervenu. Ses propos étaient plus mesurés, mais il s'est échappé lui aussi. Il a laissé entendre qu'un vote contre la motion équivaut à un vote contre les soldats canadiens. Il est destructeur pour la démocratie de tenter de faire croire que toute préoccupation concernant le bien-fondé — et, dans ce cas-ci, la légalité — des actions envisagées n'est pas digne d'un débat à la Chambre des communes. Nous discutons de l'objectif qui consiste à affaiblir l'EIIL, l'EIIS, l'État islamique, peu importe son nom tout en tenant un débat qui contribue à réduire le processus démocratique à la Chambre.
Au cours des deux derniers jours, il est apparu clairement que les ministres ignoraient tout du fondement juridique de ce qu'ils s'apprêtaient à défendre. Ils n'ont pas pris la peine de se faire une idée claire la question. Leurs réponses à la Chambre allaient dans tous les sens. Hier, ils se sont démenés pour mettre les points sur les i et les barres sur les t, parce qu'ils ont finalement reconnu que pour employer la même justification que les Américains, c'est-à-dire la légitime défense collective de l'Irak, il nous faut une invitation de la part de l'Irak. Nous verrons si cette mesure est rétroactive. En effet, l'Irak ne nous a pas encore invités à aller en Syrie. Le gouvernement devra également écrire à l'ONU, tout comme les États-Unis l'ont fait le 23 septembre 2014 afin d'intervenir en Syrie.
Cela donne à penser que le gouvernement attache peu d'importance à la légalité de sa décision. Le fait qu'il ne nous informe pas de l'avis juridique sur lequel il se fonde pour déterminer que nous ne pouvons aller en Syrie, et qu'il ne nous laisse pas le lire, afin que nous puissions connaître l'objectif juridique de la mission, nous donne cette impression. Le gouvernement intervient en Syrie pour d'autres raisons.
Certaines de ces raisons peuvent être très bonnes, dans la mesure où la brutalité de l'EIIS suscite en nous une réaction viscérale. C'est ce qui se reflète dans les images évoquées par l'ancien ministre. Le gouvernement laisse entendre que cette mission est peut-être en réalité une intervention humanitaire, mais je ne l'ai pas entendu invoquer cela comme fondement juridique de la mission. C'est l'une des raisons.
Le gouvernement est aussi motivé par des raisons purement politiques. Cette décision a autant à voir avec les prochaines élections qu'avec la nécessité d'une telle intervention de la part du Canada, surtout en ce qui a trait à l'expansion de la mission en Syrie.
Nous avons débattu de cette question au début d'octobre dernier. À l'époque, la motion adoptée par la Chambre incluait la Syrie. Nous le savions. Cela avait été précisé clairement, et le avait fixé comme condition que le Canada n'étendrait pas sa mission à la Syrie, et plus particulièrement qu'il ne procéderait pas à des bombardements là-bas, sans le consentement du gouvernement syrien, c'est-à-dire du président al-Assad.
Les États-Unis avaient déjà présenté leurs fondements juridiques en vue d'une intervention en Syrie deux ou trois semaines plus tôt, soit le 23 septembre 2014. Tout gouvernement du Canada compétent, ou n'importe lequel de ses conseillers, devait sûrement en connaître la teneur au moment de notre débat à la Chambre. Pourtant, le seul élément de fondement juridique que le gouvernement ait fait valoir à ce moment pour une intervention en Syrie était que le gouvernement de la Syrie y consentait. On n'a absolument pas parlé des motifs des États-Unis.
Était-ce parce que des sources internes avaient avisé le gouvernement que les motifs des États-Unis étaient douteux et peut-être même invalides? Si oui, comment le gouvernement en était-il venu à obtenir un avis juridique qu'il jugeait grandement préférable? On doit se poser la question.
On a peut-être un indice. Selon certains articles de journaux, cet avis juridique provenait du juge-avocat général, qui relève du ministère de la Défense nationale.
Bien sûr, nous ne verrons jamais cet avis, parce que le gouvernement actuel invoquera l'argument bidon du secret professionnel de l'avocat comme prétexte pour ne pas le montrer. Pourtant, il n'est pas du ressort du juge-avocat général de donner des avis juridiques sur le jus ad bellum, ou sur le recours aux forces militaires en vertu du droit international public général. Ce rôle reviendrait plutôt au conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères. Dans tout autre gouvernement, et tout autre Parlement reposant sur le modèle de Westminster, ce serait lui qui donnerait un tel avis.
La question qui se pose est donc: le conseiller juridique a-t-il émis un avis en septembre ou octobre? Cet avis était-il favorable aux intentions du gouvernement? Si oui, pourquoi ne l'avons-nous pas vu? S'il n'était pas favorable, est-ce la raison pour laquelle le ministère de la Défense nationale s'est immiscé, prenant la place du ministère des Affaires étrangères pour ce qui est du rôle de conseiller le gouvernement sur la légalité d'une guerre?
Ce sont là des questions qu'il faut poser. Je tiens à rappeler aux députés que nous avons posé ces questions et continuerons de le faire. Nous voudrons prendre connaissance des avis juridiques. Ce n'est pas simplement une question de légalité. Nous voulons savoir pourquoi le gouvernement veut intervenir et lui demander des comptes sur les raisons qu'il aura fournies, en vertu de la loi. C'est également pour examiner la question d'un oeil critique et pour demander à d'autres experts si les arguments présentés sont valables ou non.
À moins que le gouvernement change sa façon de faire, il dira, « Désolé, mais c'est le secret professionnel », ce qui est un argument tout à fait bidon. Premièrement, le client, c'est le gouvernement. Deuxièmement, c'est dans l'intérêt public. Il n'y a rien de raisonnablement confidentiel dans ce que le gouvernement entend sur le fait d'aller en guerre ou non qui ne peut pas être communiqué, non seulement au Parlement, mais à l'ensemble des Canadiens.
Par conséquent, puisque le est ici à la Chambre, je lui demanderais de veiller à ce que tous les avis juridiques que le gouvernement a reçus soient déposés immédiatement.
Je vais passer en revue brièvement les trois types de justifications juridiques qui circulent.
Premièrement, à mesure que les choses se précisent, on dirait que le gouvernement se rend compte que, pour les Étatsuniens, la légitime défense collective de l'Irak est la principale justification de l'intervention. Comme on pouvait s'y attendre, il fallait que l'Irak demande aux États-Unis de le défendre contre les menaces provenant de la Syrie. L'intervention est fondée sur une théorie très ténue qui n'a même pas de bases solides dans le droit international et probablement même pas dans le nouveau droit international: la théorie du refuge.
Selon cette théorie, si un État est incapable ou refuse d'éradiquer les refuges à partir desquels des groupes non étatiques, comme l'EIIL, traversent la frontière pour aller dans un autre État, celui-ci peut attaquer à volonté pour contrer la menace. Le fait est que, dans le principal jugement rendu sur cette question en droit international, par la Cour internationale de justice en lien avec les événements survenus au Nicaragua au milieu des années 1980, il est bien dit que ce n'est pas un motif pour exercer le droit de légitime défense collective.
La principale définition créée par les Nations Unies en 1974, la définition d'« agression », parle d'un scénario où des groupes non étatiques traversent la frontière pour attaquer un autre État. Ce n'est pas comme si ce n'était jamais arrivé. La question est toutefois de savoir si les groupes armés sont envoyés de l'autre côté de la frontière par un État, ou en son nom, ou si cet État participe activement à de tels envois. Cela justifie le droit à l'autodéfense.
Certains ont mentionné la réaction aux attentats du 11 septembre. Après l’effondrement des tours, après cette brutale attaque terroriste sur New York, la réaction était d’aller en Afghanistan. Certains affirmaient que l’attaque signifiait que nous avions le droit de nous rendre dans tout refuge en réaction à une attaque terroriste non étatique.
C’est tout à fait faux. À l’époque, tout le monde comprenait qu’Al-Qaïda et le gouvernement taliban d’Afghanistan ne faisaient qu’un. Par conséquent, tout le monde avait la certitude que le gouvernement taliban était en fait grandement impliqué dans toute attaque d’Al-Qaïda. C’est sur cette base que les gens ont fait valoir le principe de l’autodéfense, et personne ne s’y est opposé à l’époque. Cependant, pour étendre ce principe à cette vaste théorie, il faut examiner les avis juridiques en ce sens. Il se peut que le droit ait changé. Même si je suis avocat spécialisé en droit international public, je n’en ai peut-être pas suffisamment vu depuis cinq ans pour le savoir, mais nous devons le voir pour le savoir.
La dernière idée que nous avons en particulier entendu de la bouche du , c’est l’idée d’une guerre mondiale contre le terrorisme à la George Bush. C’est l’idée qu’il faut seulement une menace par un groupe non étatique pour autoriser un État à se rendre à l’autre bout du monde pour effectuer des bombardements à l’aide de drones ou d’avions, si l’autre État ne fait pas le travail qui doit être fait, selon le premier État.
C'est exactement ce que laisse entendre la formulation de la motion. Comme mon collègue — le porte-parole en matière d'affaires étrangères — l'a signalé plus tôt aujourd'hui, la nouvelle motion porte sur l'EIIS et sur ses alliés, ce qui pourrait inclure, par exemple, le groupe Boko Haram, au Nigeria.
En outre, selon la motion, le Canada pourra « notamment » mener des frappes aériennes en Irak et en Syrie. La liste n'est pas exhaustive. L'opposition officielle a de bonnes raisons de demander qu'on apporte des précisions sur le plan légal et qu'on lui donne accès aux avis juridiques.
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Monsieur le Président, le fait que nous parlions encore une fois de l’Irak témoigne de la gravité de la situation et des difficultés auxquelles beaucoup d’Irakiens sont confrontés, parce que le groupe terroriste qui se fait appeler l’EIIL essaie d’imposer son idéologie tordue à ce pays et à sa population. Les habitants sont devenus des cibles et sont injustement victimisés par un groupe qui ne connaît que la cruauté.
Nous savons que l’EIIL se livre à une campagne de terreur en Irak et dans toute la région, ciblant les plus vulnérables pour faire progresser sa prétendue cause, dans le mépris le plus total de ceux qui osent s’opposer à lui. Ce groupe est moralement condamnable, parce qu’il massacre délibérément des enfants innocents, des travailleurs humanitaires et des journalistes innocents, simplement pour imposer son point de vue, et qu’il considère le viol comme une arme de guerre.
C’est un groupe que nous devons continuer de combattre et d’affaiblir, pour pouvoir maintenir la paix et la stabilité au Moyen-Orient et préserver la sécurité mondiale, mais aussi pour pouvoir alléger le fardeau incroyable qui pèse injustement sur les civils irakiens. Dans ce conflit, ils sont en première ligne, leur vie a été complètement chamboulée par l’arrivée de l’EIIL, qui a conquis d’importants territoires situés entre la frontière syrienne, au nord-ouest, et la banlieue de Bagdad.
J’aimerais m’attarder sur les aspects humanitaires de cette crise et sur le rôle que le Canada joue pour aider les enfants irakiens et leurs parents terrifiés à trouver le réconfort et la sécurité dont ils ont désespérément besoin. Les affrontements armés ont provoqué des déplacements de population, ce qui a rapidement aggravé la situation humanitaire en Irak. Une telle violence, lorsqu’elle éclate, provoque non seulement l’exode des populations, mais aussi le chaos dans tout le pays. Les commerces ne peuvent plus ouvrir normalement. Les gens perdent leur emploi. Les entreprises de production alimentaire et les usines d’épuration d’eau ne fonctionnent plus normalement. Les routes d’approvisionnement sont bloquées. Les familles sont séparées et en état de choc, surtout lorsqu’un membre de la famille, un enfant ou un ami a été tué. Elles doivent faire leur deuil en dépit de tous les bouleversements qu’elles subissent, souvent parce qu’elles ont dû quitter leur maison, leur village et le confort de la vie quotidienne. Et les enfants risquent de prendre du retard dans leurs études à cause des perturbations provoquées par les conflits et les déplacements de population.
Le Canada collabore avec ses partenaires et ne ménage pas ses efforts pour venir en aide aux enfants. Jusqu’à présent, nous avons versé 8 millions de dollars à l’Unicef pour l’initiative qu’elle a lancée en Irak, « Non à une génération perdue », pour l’éducation et la protection des enfants touchés par le conflit. Nous travaillons également avec d’autres organisations expérimentées comme Aide à l’enfance, et le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, afin d’offrir aux enfants déplacés un environnement plus convivial et le soutien psychosocial dont ils ont besoin. Même si la guerre perturbe énormément la vie des enfants, nous devons faire le maximum pour qu’ils puissent continuer d’étudier. L’éducation est une priorité essentielle en Irak aujourd’hui. Elle donne aux enfants et aux adolescents un sentiment de vie normale, une certaine stabilité et une certaine structure. Pendant les heures d’ouverture, les écoles sont des endroits où les enfants peuvent se libérer de l’anxiété de la guerre et se concentrer sur l’acquisition des connaissances et le développement de leurs compétences.
Pour la plupart des Canadiens, la situation en Irak est tout simplement inimaginable. Ils comprennent que les mesures que nous prenons pour pallier cette crise s’inspirent directement de leurs propres valeurs et de leur conviction qu’un pays comme le nôtre ne peut pas rester sans rien faire quand des millions de civils irakiens vivent de telles souffrances.
Depuis le début de la crise, le Canada a débloqué 67,4 millions de dollars en aide humanitaire à l’intention des Irakiens touchés par le conflit. Nous avons également versé 9,5 millions de dollars pour répondre aux besoins d’environ 215 000 réfugiés syriens en Irak, ce qui nous place au cinquième rang des pays donateurs dans le cadre de cette crise. Ces fonds ont été acheminés à des organisations onusiennes, à la Croix-Rouge et à des organisations non gouvernementales, pour qu’elles puissent fournir aux plus nécessiteux l’aide vitale dont ils ont besoin. Au cours des six derniers mois, nous avons contribué à la prestation d’une aide alimentaire à 1,7 million de personnes, à la fourniture d’abris et d’approvisionnements de secours à 1,25 million de personnes, et à l’éducation d’un demi-million d’enfants.
Notre rôle consiste également à aider les organisations qui ont pour vocation de lutter contre la violence sexuelle et sexospécifique, et nous avons ainsi contribué à offrir des abris sûrs, un soutien psychosocial, des services de santé spécialisés, des services de gestion de cas et des services d’approche communautaire, entre autres, à 35 000 femmes et enfants. Par ailleurs, le Canada a fait don de 10 millions de dollars pour renforcer l’obligation de rendre des comptes et offrir du soutien aux victimes, dans les cas de violences sexuelles et sexospécifiques, et pour financer ce d’autres programmes visant à protéger les droits des minorités religieuses en Irak et dans la région.
La persécution de ceux qui pratiquent leur foi de façon pacifique est tout à fait inacceptable pour le Canada, et nous appuyons les efforts visant à protéger ces droits. Par toutes ces actions sur le front humanitaire, le Canada montre bien qu’il défend et soutient le peuple d’Irak. Et nous continuerons de chercher d’autres façons de mieux répondre aux besoins de tous les Irakiens.
En juin dernier, le Canada a mis en œuvre un programme bilatéral de développement avec l’Irak, afin de répondre aux besoins à court terme du pays et d’encourager sa résilience et sa prospérité à long terme. Ce programme bilatéral permettra aux collectivités de répondre à la demande accrue de services essentiels comme l’eau, l’assainissement et les services de santé, d’atténuer les impacts économiques négatifs et de maintenir la capacité des institutions, pendant cette crise qui se prolonge. Nous savons que, sans la résilience et sans l’espoir d’un avenir meilleur, les collectivités irakiennes resteront aux prises avec l’instabilité. La communauté internationale doit s’unir pour combattre et affaiblir l’EIIL. C’est précisément dans ce but que le Canada contribue à l’effort des alliés, afin de rétablir un peu de normalité et de stabilité dans la vie des Irakiens.
En résumé, je dirai que les mesures militaires que nous prenons contre l’EIIL n’excluent absolument pas les actions humanitaires. Il n'y a pas à choisir les unes ou les autres. Le Canada arrive au cinquième rang des pays donateurs pour les secours humanitaires organisés en Irak, et à la sixième place des pays donateurs en Syrie. La sécurité sur le terrain est absolument essentielle si l’on veut fournir une aide humanitaire aux plus nécessiteux, et cela passe par l’affaiblissement des capacités de l’EIIL.
Cela me préoccupe que les libéraux et les néo-démocrates ne reconnaissent pas la menace réelle que font peser l'EIIL et le terrorisme djihadiste sur le Canada. Les chefs des deux partis ont eu la possibilité de parler de la menace que présente l'EIIL pour les Canadiens et les deux ont choisi de mener des attaques partisanes au lieu de parler sérieusement. Comme je l’ai mentionné plus tôt, ce sont souvent des civils innocents qui sont victimes de l'EIIL, et l’essentiel de mes commentaires a porté sur l’aide humanitaire qu’apporte le Canada dans cette crise. Toutefois, l’EIIL a indiqué clairement qu’il vise le Canada et les Canadiens, en les nommant.
Nous ne pouvons pas protéger le Canada en choisissant tout simplement de ne pas tenir compte de la menace. Nous ne resterons pas inactifs, contrairement à ce que voudraient les libéraux et les néo-démocrates. Je voterai en faveur de la motion, et j’encourage tous les députés à en faire autant.