CIIT Rapport du Comité
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UN ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE LE CANADA ET L’ALLIANCE DU PACIFIQUE : LES RÉPERCUSSIONS POSSIBLES POUR LES CANADIENS
Introduction
En avril 2011, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou ont signé une déclaration présidentielle qui a établi l’Alliance du Pacifique comme bloc commercial et initiative d’intégration régionale. Un accord-cadre intervenu en juin 2012 entre ces pays a officialisé les divers objectifs de l’Alliance du Pacifique, dont celui de favoriser la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.
Selon la Banque mondiale, en 2017, les pays de l’Alliance du Pacifique comptaient, au total, 228,4 millions d’habitants. Leur produit intérieur brut (PIB) combiné se chiffrait à 3,9 billions de dollars américains, soit 38,9 % du PIB total de l’Amérique latine et des Caraïbes.
Depuis qu’il a obtenu le statut d’observateur[1] auprès de l’Alliance du Pacifique, en 2012, le Canada cherche à renforcer sa relation avec ce bloc, notamment par la Déclaration conjointe sur un partenariat entre le Canada et les membres de l’Alliance du Pacifique, publiée en juin 2016, ainsi que quatre projets de coopération dont la valeur combinée atteint plus de 23 millions de dollars sur cinq ans.
Selon Affaires mondiales Canada, en juin 2017, le Canada a été parmi les premiers pays invités à devenir des États associés[2] de l’Alliance du Pacifique, un processus qui comprend la négociation d’un accord de libre-échange (ALE) avec les quatre pays en tant que bloc. La première ronde de négociations concernant un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique s’est déroulée en octobre 2017; en avril 2019, sept rondes avaient été effectuées. À l’heure actuelle, le Canada a un ALE avec chacun des pays membres de l’Alliance du Pacifique, et trois[3] de ces quatre pays figurent parmi les 11 qui ont signé l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP)[4].
Le 25 octobre 2017, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes (ci‑après appelé « le Comité ») a adopté une motion visant à entreprendre une étude sur un éventuel ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique. Au cours de cinq réunions tenues entre le 30 janvier 2018 et le 13 février 2018, il a entendu 31 témoins, dont des représentants d’entreprises canadiennes, d’associations commerciales, de groupes de réflexion, d’organisations syndicales, d’organisations de défense des droits de la personne et de développement international, ainsi que de missions diplomatiques étrangères; une personne a témoigné à titre personnel.
Le présent rapport résume certains commentaires formulés par des témoins et observations figurant dans les mémoires présentés au Comité. En particulier, la première section donne un aperçu de leur opinion générale quant au développement des relations commerciales entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, alors que la seconde présente leurs observations sur la réduction au minimum des obstacles au commerce et la promotion de la coopération en matière de réglementation. À la troisième section, on présente les avis des témoins en ce qui concerne l’amélioration des relations en matière d’investissement entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, alors qu’à la quatrième, on expose leurs points de vue sur la contribution à l’égalité des sexes, sur la promotion des normes du travail et de la mobilité de la main-d’œuvre, ainsi que sur la protection des droits de la personne dans le cadre d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique. La dernière section renferme les réflexions et les recommandations du Comité.
Quelques commentaires formulés par les témoins ou contenus dans les mémoires présentés au Comité par ceux-ci ainsi que par d’autres groupes et individus ne sont pas résumés dans le présent rapport, particulièrement ceux qui portent sur des questions qui ne sont pas directement liées à un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique et qui ont été abordées dans des rapports antérieurs du Comité. Les représentants de Manufacturiers et exportateurs du Canada, des Fermes Cavendish, de la Mining Suppliers Trade Association Canada, de la Canada West Foundation, de Cypher Environmental ltd., de l’Institut canadien des affaires mondiales et de la Chambre de commerce du Canada, par exemple, ont abordé les programmes, les services et les politiques existants et souhaités du Gouvernement du Canada qui ont été conçus pour aider les entreprises canadiennes qui commercent à l’échelle internationale ou qui aimeraient le faire. Ils ont notamment soulevé les questions du Service des délégués commerciaux, du mentorat en exportation, et de la sensibilisation des petites et moyennes entreprises aux débouchés à l’exportation. Dans les récents rapports sur le Partenariat transpacifique (PTP), le multiculturalisme et le commerce international et le commerce électronique, le Comité a examiné le sujet des programmes, des services et des politiques du gouvernement du Canada qui aident les entreprises canadiennes à commercer à l’échelle internationale.
De plus, les représentants de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, de la Mining Suppliers Trade Association Canada, des Fermes Cavendish et du Conseil canadien des affaires ont soulevé la question de l’infrastructure commerciale ainsi que des priorités d’investissement connexes, y compris les projets qui permettraient d’améliorer l’efficience et la rapidité de déplacer des produits canadiens vers les ports intérieurs pour l’exportation. L’infrastructure commerciale a été abordée dans les rapports du Comité sur le PTP, la compétitivité de l’industrie canadienne de l’acier et les priorités des Canadiens ayant un intérêt à l’égard du commerce en Amérique du Nord.
Faire progresser les relations commerciales entre le Canada et l’Alliance du Pacifique
Des témoins ont parlé devant le Comité des objectifs de l’Alliance du Pacifique, de ses réalisations et de sa pertinence pour les entreprises canadiennes qui font du commerce international ou qui souhaitent le faire. Il a aussi été question de la mesure dans laquelle un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique influerait sur la capacité du Canada à diversifier et à accroître ses exportations, à mettre en place des règles commerciales efficaces, modernes et harmonisées, et à renforcer ses échanges commerciaux avec l’Asie et sa capacité d’influer sur les relations commerciales dans les Amériques.
Commerce de marchandises Canada-Chili, 1998‑2018 (milliards $)
Source : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée à partir des Données sur le commerce en direct le 11 mars 2019.
A. Objectifs, réalisations et pertinence pour les entreprises du Canada
En ce qui concerne les objectifs de l’Alliance du Pacifique, l’ambassade de la République du Chili a indiqué que le bloc aimerait concevoir un système de commerce international « fondé sur des règles claires [et] qui contribuera à bâtir des sociétés résilientes et durables ». L’ambassade de la République du Pérou a quant à elle fait remarquer que l’Alliance du Pacifique « souhaite devenir un important pont – économique et commercial, culturel et politique – entre l’Amérique latine et la région de l’Asie-Pacifique grâce à des mécanismes de coopération entre les régions ». Qui plus est, elle estime que la libre circulation des biens, des services, des gens et des capitaux aidera l’Alliance du Pacifique à devenir un carrefour de l’investissement et du commerce et qui est intégré dans l’économie mondiale.
En évoquant les réalisations de l’Alliance du Pacifique, l’ambassade des États-Unis du Mexique a qualifié de succès ses efforts d’intégration régionale, tandis que, selon l’ambassade de la République de Colombie, l’Alliance du Pacifique « chemine » vers l’intégration financière, la mobilité des pensions et la transparence budgétaire entre pays du bloc.
Carlo Dade, de l’Université d’Ottawa[5], qui comparaissait à titre personnel, a soutenu, de même, que les pays de l’Alliance du Pacifique ont fait des progrès « remarquables » sur le plan de l’intégration commerciale, et a souligné les efforts que déploie le bloc pour accroître l’intégration des initiatives du type par-delà la frontière et des guichets uniques pour les entreprises qui souhaitent mener des activités commerciales dans la région de l’Alliance du Pacifique.
Mettant plus particulièrement l’accent sur la pertinence du bloc en tant que partenaire commercial du Canada, le Conseil canadien des affaires a fait remarquer que celui-ci représentait « déjà un marché important pour beaucoup d’entreprises canadiennes » et a souligné que la valeur du commerce annuel des biens et des services entre le Canada et les pays de l’Alliance est de 54 milliards de dollars, soit une somme supérieure à celle des échanges bilatéraux du Canada avec des pays comme le Japon et le Royaume-Uni.
D’après l’Institut canadien des affaires mondiales, les pays de l’Alliance du Pacifique ont des « économies stables et ouvertes », tandis que la Chambre de commerce du Canada estime que leur population est nombreuse et jeune. Selon la Banque Scotia, le PIB des pays de l’Alliance, la jeunesse de leur population et leur engagement en matière de stabilité économique comptent parmi les facteurs qui en font un endroit attrayant pour faire des affaires.
B. Un accord de libre-échange entre le Canada et l’Alliance du Pacifique
Alors qu’elle indiquait que le Canada et l’Alliance du Pacifique concluraient idéalement la négociation d’un ALE en 2018, l’ambassade des États-Unis du Mexique a souligné que cet accord aiderait le Canada à diversifier ses relations économiques internationales, et que ses entreprises auraient une occasion privilégiée d’avoir accès aux chaînes d’approvisionnement mondiales. De même, le Conseil canadien des affaires et la Chambre de commerce du Canada estiment que l’accord permettra de diversifier les marchés extérieurs du Canada.
L’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a présenté les occasions d’accroître les exportations canadiennes de produits agricoles et agroalimentaires vers les pays de l’Alliance du Pacifique. Elle a cependant insisté sur le fait que la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique ne doit pas compromettre la capacité du Canada de renégocier l’Accord de libre‑échange nord-américain (ALENA) ou de ratifier et de mettre en œuvre le PTPGP. Les mémoires présentés au Comité par Cereals Canada et conjointement par la Canadian Canola Growers Association et le Conseil canadien du canola ont avancé qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique créerait des occasions d’exportation pour les céréales et les produits du canola du Canada, mais ils ont précisé que le pays devrait accorder la priorité à la négociation et à la mise en œuvre d’autres ALE.
Canada Porc International a souligné qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait améliorer l’accès des producteurs de porc canadiens aux marchés colombien et péruvien, et a annoncé qu’il a confiance que le gouvernement du Canada dispose des ressources suffisantes pour négocier, ratifier et mettre en œuvre le PTPGP, l’ALENA et d’autres ALE.
Manufacturiers et exportateurs du Canada croyait que la ratification par le Canada de nouveaux ALE ne renforcerait pas les exportations de produits manufacturés du pays en raison des contraintes de capacité du secteur manufacturier, tandis que l’entreprise Connors Bros. Clover Leaf Seafoods Company a déclaré qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique ne procurerait pas de nouvelles occasions d’exportation à son établissement de production de Blacks Harbour en raison de ce qu’elle a présenté comme la « pénurie actuelle de hareng au Canada ».
En ce qui concerne les règles efficaces, modernes et harmonisées dans les ALE, selon l’Institut canadien des affaires mondiales, les pays de l’Alliance du Pacifique sont « axés sur les affaires et adhèrent à l’ordre démocratique fondé sur les règles ». L’Institut soutient que, puisque les États-Unis ne jouent plus un rôle crucial dans « la libéralisation du commerce », des « regroupements d’États de puissance moyenne » comme l’Alliance du Pacifique doivent « soutenir l’ordre fondé sur les règles qui sert [les] intérêts [du Canada] ».
De l’avis du Conseil canadien des affaires, un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait permettre d’harmoniser les dispositions des ALE actuellement en vigueur entre le Canada et le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou en créant « un texte commun et des règles commerciales pour [l]es marchés » de ces pays. La Chambre de commerce du Canada a indiqué qu’un tel accord pourrait comporter des dispositions sur la coopération en matière de réglementation et la facilitation des échanges qui seraient plus modernes que celles des ALE conclus par le Canada avec chacun des quatre pays de l’Alliance du Pacifique.
Dans le même ordre d’idées, selon Manufacturiers et Exportateurs du Canada, un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique permettrait au Canada de « moderniser les cadres existants dans lesquels les entreprises travaillent avec les autres pays ». En appuyant la conclusion d’un tel accord, l’association a prié le gouvernement du Canada de mettre en œuvre de nouvelles mesures qui aideraient les entreprises canadiennes, notamment les petites et moyennes entreprises, à « trouver de nouveaux marchés et de nouveaux clients dans la région [de l’Alliance du Pacifique] ».
La Canada West Foundation estime qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique donnerait au Canada l’occasion de renforcer sa collaboration avec l’Asie[6]. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, M. Dade précise que les pays de l’Alliance du Pacifique adoptent des initiatives visant à améliorer leur compétitivité et leur attrait pour les échanges commerciaux avec l’Asie, et que, « c’est donc sous cet angle que l’[Alliance du Pacifique] prend encore plus d’importance pour le Canada ».
La Chambre de commerce du Canada a indiqué qu’en sa qualité de membre associé, le Canada pourrait bénéficier de « l’avantage du précurseur [...] et [...] l’occasion de jouer un rôle important, voire un rôle de chef de file, dans les relations commerciales des Amériques ». De même, l’Institut canadien des affaires mondiales a souligné qu’en tant que membre associé de l’Alliance du Pacifique, le Canada deviendrait « un leader au sein de l’Alliance du Pacifique du fait qu’il est la plus importante économie » et il « confirmerait sa position comme précurseur ».
D’après le Conseil canadien des affaires, la participation aux négociations d’ALE à un stade précoce, notamment un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, permet au Canada de structurer les négociations et d’être présent lorsque d’autres pays deviennent signataires d’ALE. La Banque Scotia ainsi que le mémoire présenté au Comité par Cereals Canada offrent à peu près le même point de vue.
L’ambassade des États-Unis du Mexique a déclaré que le Mexique et le Canada poursuivent les mêmes objectifs en ce qui concerne l’égalité des sexes, l’environnement et les droits des travailleurs, et que les deux pays « envisage[nt] […] d’inclure de nouveaux chapitres sur ces questions dans [un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique] ».
Le Congrès du travail du Canada estimait qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait « reposer sur le bien-être des gens et les droits des travailleurs » et a exhorté le gouvernement du Canada à publier des études sur les différentes répercussions économiques et sociales d’un tel accord.
En ce qui concerne la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, Oxfam Canada a laissé entendre que « [les organisations de] la société civile [ont] besoin de plus d’information » afin d’analyser les discussions sur l’accord et sa mise en œuvre, et d’y contribuer. De l’avis du Conseil international du Canada, les négociations devraient comprendre une participation « significative » de la part des « groupes marginalisés ».
Réduire au minimum les obstacles au commerce et favoriser la coopération en matière de réglementation
En ce qui concerne la façon dont les droits de douane et les contingents tarifaires ainsi que les barrières non tarifaires au commerce nuisent au commerce du Canada avec les membres de l’Alliance du Pacifique, les témoins ont mentionné plusieurs façons dont un ALE entre le Canada et l’Alliance pourrait réduire, voire éliminer, les obstacles au renforcement des échanges commerciaux. Ils ont également décrit les possibilités de collaboration entre le Canada et les membres de l’Alliance du Pacifique lors de l’élaboration de la réglementation.
Commerce de marchandises Canada–Colombie, 1998-2018 (milliards $)
Source : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée à partir des Données sur le commerce en direct le 11 mars 2019.
A. Droits de douane et contingents tarifaires
Généralement axé sur les exportations canadiennes, Cypher Environmental ltd. a indiqué que l’élimination des droits de douane dans le cadre d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique rendrait les biens et les services canadiens plus concurrentiels dans les pays de l’Alliance.
L’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a mentionné qu’une bonne partie des emplois dans le secteur agroalimentaire au Canada n’existerait pas si le pays ne disposait pas d’« un accès concurrentiel aux marchés mondiaux », et qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique procurerait des occasions de réduction des droits de douane, y compris ceux qui s’appliquent au canola et aux produits du porc canadiens.
En ce qui concerne le canola, le Conseil canadien du canola a précisé que la Colombie impose des droits de douane « punitifs et imprévisibles » sur l’huile de canola canadienne, mais pas sur l’huile de canola américaine, qui rendent les exportations canadiennes de ce produit relativement peu concurrentielles. En laissant entendre qu’il serait possible d’éliminer ces droits, le Conseil canadien du canola a indiqué qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique améliorerait la compétitivité de l’huile de canola du Canada et assurerait un accès plus prévisible au marché colombien, en plus de permettre au secteur canadien du canola d’accroître à la fois ses exportations et ses activités de transformation.
En ce qui concerne le secteur du porc, Canada Porc International a mentionné que le contingent tarifaire (CT) imposé par la Colombie au porc canadien donne essentiellement « un coup d’arrêt » aux exportations canadiennes à 6 000 tonnes par an parce que des droits de douane de 41 % s’appliquent aux exportations au-delà de cette quantité, et a laissé entendre qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait supprimer les droits de douane imposés aux exportations canadiennes de porc pour que celles-ci puissent concurrencer celles des États-Unis, qui ne sont pas assujettis à des droits de douane ou à un CT. Parlant du porc canadien qui entre en Colombie en franchise de droits en raison du CT du pays, le Conseil canadien du porc a appelé à la simplification du processus d’attribution de ces importations aux consommateurs colombiens par le gouvernement de la Colombie. En ce qui concerne le Pérou, le Conseil canadien du porc croyait que la quantité de porc canadien qui peut être exportée en franchise de droits vers ce pays devrait être augmentée, et que l’on devrait réduire, voire éliminer, les droits de douane sur les exportations au-delà de cette quantité. Canada Porc International a proposé sensiblement la même chose.
En mettant l’accent sur les importations du Canada, l’Administration portuaire de Saint John a fait remarquer que, dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, des droits de douane réduits sur les biens importés des pays de l’Alliance du Pacifique seraient avantageux pour les économies du Canada et de la région de Saint John, au Nouveau-Brunswick.
En ce qui a trait aux règles d’origine, l’ambassade de la République du Chili a fait observer qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique permettrait au Canada et aux pays de l’Alliance de « bénéficier du cumul d’origine[7] », ce qui permettrait aux entrepreneurs de faire du commerce plus facilement à un taux tarifaire préférentiel.
B. Obstacles non tarifaires au commerce
Le Conseil canadien du canola a soutenu que des « contraintes communes » dans trois domaines nuisent aux exportations agricoles du Canada et des pays de l’Alliance du Pacifique : l’utilisation, à tort, de mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles non tarifaires et les mesures concernant l’innovation en sélection des végétaux. Selon le Conseil, un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait « donner l’élan nécessaire à une approche cohérente de ces enjeux ». Par ailleurs, dans son mémoire présenté au Comité, Cereals Canada a souligné que le Pérou émettait aux exportateurs de céréales du Canada des avis de non-conformité résultant de la présence de graines de mauvaises herbes.
En ce qui concerne le commerce des produits du porc, Canada Porc International a tenu à préciser que la Colombie avait donné au cheptel porcin des États-Unis une désignation sans trichine, mais ne l’avait pas fait pour le cheptel canadien, ce qui vaut aux producteurs américains de pouvoir vendre du porc frais et réfrigéré en Colombie, tandis que seuls les produits congelés canadiens peuvent y être vendus. Par conséquent, Canada Porc International et le Conseil canadien du porc a souligné la nécessité de faire en sorte que le gouvernement de la Colombie désigne également le cheptel porcin canadien comme étant sans trichine.
Cypher Environmental ltd. a qualifié les processus d’enregistrement et d’approbation des produits de procédures « diffic[iles] […] et coûteuses » qui peuvent empêcher les petites et moyennes entreprises du Canada de « tirer profit de leurs exportations lorsqu’elles essaient de pénétrer [le] marché [des pays de l’Alliance du Pacifique] ». De même, Fermes Cavendish a indiqué que les processus d’enregistrement des produits au Pérou et au Chili prennent plus d’un an, et qu’il est donc plus difficile de s’adapter rapidement aux changements qui surviennent au sein du marché. Citant des exemples d’obstacles non tarifaires au commerce, l’entreprise a mentionné les exigences inorganiques et microbiologiques de ces deux pays en matière de tests, ainsi que les exigences du Mexique en matière d’emballage « unique » des produits de détail.
C. Coopération en matière de réglementation
Parlant de réglementation, la Canada West Foundation a mentionné qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique permettrait au Canada de « tirer parti de l’uniformisation que [les pays de l’Alliance du Pacifique] ont établie entre eux ». Comme exemples d’initiatives visant à encourager la coopération en matière de réglementation, l’ambassade de la République du Pérou a fait observer que l’Alliance du Pacifique s’était dotée d’un groupe de travail technique chargé des « améliorations à la réglementation », et l’ambassade de la République de Colombie a déclaré qu’un comité de l’Alliance du Pacifique « travaille à la création d’un guichet unique pour les questions liées à la réglementation ».
L’ambassade des États-Unis du Mexique a fait remarquer qu’il est « crucial » pour le Mexique d’assurer la compatibilité et l’uniformisation des règlements avec ses partenaires commerciaux, et que le statut de membre associé de l’Alliance du Pacifique fournirait au Canada une occasion d’échanger des pratiques exemplaires au sujet de la réglementation.
Selon l’Institut canadien des affaires mondiales, le Canada possède une vaste expérience de la collaboration avec ses partenaires commerciaux pour accroître la compatibilité des réglementations, et tout effort de coopération entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique en matière de réglementation donnerait probablement lieu à des dispositions réglementaires qui conviennent déjà au Canada. De même, Fermes Cavendish a déclaré que le gouvernement du Canada pourrait profiter du fait « de participer au processus dès le début » à la fois pour influer les modalités de réglementation de certains secteurs par les pays de l’Alliance du Pacifique et pour les encourager à adopter les normes canadiennes.
En mettant l’accent sur le secteur agricole, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a encouragé le gouvernement du Canada à chercher à obtenir « des résultats fondés sur des données scientifiques dans l’adoption de mesures réglementaires visant à protéger la santé et la sécurité des humains, des plantes et des animaux », ajoutant qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait être rédigé de manière à inclure « des normes et des politiques communes en matière de faible concentration et de limite maximale de résidus ». Selon l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, il serait plus facile de mettre en œuvre les mécanismes qui permettent le respect des « règles qui s’appuient sur la science » dans des ALE régionaux, plutôt que bilatéraux. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, Cereals Canada a suggéré qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait fournir un cadre commun d’approbation réglementaire pour les nouvelles techniques de sélection végétale et établir clairement un processus « fondé sur des données scientifiques » permettant de régler les différends sur les mesures sanitaires et phytosanitaires.
Le Conseil canadien du canola a indiqué qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait aider « les responsables de la réglementation de différents pays à communiquer plus souvent entre eux ». Qui plus est, le Conseil canadien du canola estime qu’un accord de cette envergure devrait obliger les comités de réglementation à se réunir lorsque des préoccupations sont soulevées et à en aviser les exportateurs.
Selon l’entreprise Connors Brothers Clover Leaf Seafoods Company, la réglementation canadienne sur la qualité et sur la salubrité des produits de la mer est différente de ce qui existe dans les pays de l’Alliance du Pacifique. L’entreprise estime que l’élimination de ces différences « est essentielle pour assurer notre compétitivité à long terme et pour mettre nos produits sur un pied d’égalité […] ».
En ce qui concerne les technologies numériques, le Conseil canadien des affaires a fait observer qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique qui faciliterait la coopération entre les organismes de réglementation du Canada et des pays de l’Alliance pourrait accélérer « la commercialisation des nouvelles technologies sur un vaste marché ». De plus, la Banque Scotia a souligné qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait comporter des dispositions qui visent à permettre une coopération coordonnée en matière de réglementation sur les essais de produits des créateurs de technologies financières[8] et des « institutions financières établies ». Elle a fait valoir que cela permettrait aux entreprises de services financiers du Canada d’exercer leurs activités « de façon intégrée dans l’ensemble de l’[A]lliance [du Pacifique] ».
M. Dade a estimé qu’il serait avantageux pour le Canada de coopérer avec l’Alliance du Pacifique dans des domaines tels que le prédédouanement et le travail qui est fait « au‑delà de la frontière » concernant les produits.
Améliorer les relations en matière d’investissement entre le Canada et l’Alliance du Pacifique
Des témoins ont parlé aux membres du Comité de l’investissement du Canada au Chili, en Colombie, au Mexique et au Pérou, que celui-ci soit général ou qu’il se rapporte à l’exploitation minière et au secteur financier en particulier. Ils ont également discuté des occasions d’améliorer les relations en matière d’investissement dans le contexte d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique.
Commerce de marchandises Canada–Mexique, 1998‑2018 (milliards $)
Source : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée à partir des Données sur le commerce en direct le 11 mars 2019.
A. Investissements canadiens existants
Alors qu’il disait que les investissements canadiens dans les pays de l’Alliance du Pacifique totalisent environ 40 milliards de dollars, l’Institut canadien des affaires mondiales a souligné en particulier ceux effectués dans le secteur minier du Mexique. La Mining Suppliers Trade Association Canada a indiqué qu’au moins 220 entreprises canadiennes exploitent ou détiennent des droits de propriété dans 43 % des plus de 500 projets d’exploration et d’exploitation minière en cours dans les pays de l’Alliance du Pacifique.
L’Institut canadien des affaires mondiales a qualifié d’importants les investissements du Canada dans le secteur minier mexicain, l’ambassade des États-Unis du Mexique ayant fait remarquer que le Canada représente environ 50 % de la valeur des investissements directs de l’étranger dans ce secteur au Mexique. Selon l’ambassade de la République du Chili, le Canada est le plus important investisseur dans le secteur minier chilien, ainsi que le troisième investisseur en importance au pays. Mettant l’accent sur la responsabilité sociale des entreprises, l’ambassade de la République du Pérou a rappelé l’importance du Canada comme source d’investissement dans le secteur minier du pays et a fait remarquer que le Canada se distingue par la participation active de ses entreprises à des projets qui ont à la fois un « volet de développement social » et des retombées positives sur les collectivités rurales du Pérou.
En se désignant comme la « banque de l’Alliance du Pacifique », la Banque Scotia a souligné qu’elle tire 18 % de son revenu total des pays de l’Alliance du Pacifique, décrits comme présentant « un intérêt stratégique ». L’ambassade de la République du Pérou a mentionné que les investissements de la Banque Scotia au Pérou revêtent « une grande importance », tandis que l’ambassade de la République du Chili a souligné que la Banque Scotia est la troisième plus grande banque privée au Chili après avoir investi 2,2 milliards de dollars pour acquérir une banque espagnole. De plus, l’Institut canadien des affaires mondiales a indiqué que les investissements canadiens dans le secteur bancaire du Mexique sont importants. L’ambassade de la République de Colombie a parlé des investissements importants que des fonds provinciaux, notamment la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont effectués en Colombie, et a fait remarquer que le Canada était la principale source d’investissements directs étrangers dans ce pays en 2016.
B. Occasions d’amélioration des relations d’investissement
L’ambassade des États-Unis du Mexique a estimé qu’il est possible d’augmenter le flux des investissements directs étrangers entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique dans le secteur des ressources naturelles et d’autres secteurs, et aussi dans des « domaines plus avancés » liés aux technologies. Elle a ajouté que les mouvements bilatéraux d’investissements entre les pays de l’Alliance du Pacifique et le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour pourraient augmenter si ces quatre pays devenaient des membres associés de l’Alliance.
La Banque Scotia a exposé les avantages d’une « plus grande intégration » du Canada et des pays de l’Alliance du Pacifique, notamment l’accroissement des possibilités d’investissement, des échanges, des flux de capitaux et du rendement des investissements du Canada dans ces pays. Elle a en outre déclaré que les dispositions d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique qui permettaient de protéger les investissements des régimes de retraite, en particulier « en améliorant le contexte légal » et le règlement des différends, favoriseraient les intérêts du Canada.
Offrant une perspective différente sur la protection de l’investissement, le Conseil international du Canada a laissé entendre que les mécanismes de règlement des différends entre les investisseurs et les États portent à controverse, en partie parce qu’on ne dispose pas de données suffisantes pour déterminer dans quelle mesure ces mécanismes attirent les investissements étrangers. Il a aussi affirmé que de tels mécanismes peuvent entraîner deux formes de « frilosité réglementaire » : l’État « revient en arrière » sur la réglementation après avoir perdu un différend, et l’État décide de ne pas présenter de mesure législative parce qu’il craint que, ce faisant, il risque de susciter un conflit.
Le Conseil international du Canada a signalé qu’il fallait veiller à ce que les protections pour les investisseurs ne limitent pas les mesures de protection des droits des femmes et la promotion de l’égalité des sexes, et a souligné que l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait être considérée comme « régressive sur le plan social en raison des dangers associés à la frilosité réglementaire ». Par conséquent, selon le Conseil, il faut prévoir deux « dérogations explicites » à ce mécanisme, afin de protéger les droits de la personne et les droits environnementaux des répercussions de l’application d’un tel mécanisme, et de fournir aux administrations publiques la « marge de manœuvre » nécessaire pour permettre une « discrimination positive » servant au bien-être des plus vulnérables de la société.
Répondre aux priorités de certains groupes
Lorsqu’ils ont parlé au Comité d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, les témoins ont discuté d'initiatives susceptibles de contribuer à l’égalité des sexes, de promouvoir les normes et les droits du travail ainsi que la mobilité de la main-d’œuvre, et de protéger les droits de la personne.
Commerce de marchandises Canada–Pérou, 1998‑2018 (milliards $)
Source : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée à partir Données sur le commerce en direct le 11 mars 2019.
A. Égalité entre les sexes
Le Conseil international du Canada a estimé que les pays de l’Alliance du Pacifique, qui sont tous dotés de forums sur la promotion de l’autonomie économique des femmes, ont une longueur d’avance sur le Canada lorsqu’il s’agit de promouvoir l’égalité des sexes, et il a souligné que le Canada n’est pas parvenu à l’équité salariale et ne dispose pas de services de garde d’enfants universels. Affirmant que le Canada doit être un chef de file en matière d’« égalité des sexes dans le commerce mondial », le Conseil a estimé que la volonté politique de le faire est « forte ». De plus, le Conseil a indiqué que le Canada doit adopter une « approche holistique » dans ce dossier, qui serait assortie « d’engagements concrets », et a décrit la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique comme une occasion « idéale » de mettre en place une telle approche.
Oxfam Canada a affirmé que, dans toute la mesure du possible, le gouvernement du Canada devrait accorder la priorité à l’égalité entre les sexes dans le cadre de la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pour mettre un frein à la nécessité de « courir pour défendre » les droits de la femme et lutter contre la précarité d’emploi. D’après l’organisme, des négociations en vue d’un « solide » chapitre sur l’égalité entre les sexes seraient l’occasion de renforcer le chapitre analogue de l’Accord de libre-échange Canada-Chili afin d’y intégrer l’établissement de rapports et la responsabilisation. En particulier, Oxfam Canada a suggéré que, si un ALE prévoit l’établissement d’un comité appelé à traiter de questions d’égalité entre les sexes, celui-ci devra jouer un « rôle et [être] doté de mécanismes redditionnels » qui lui permettent de formuler des recommandations. L’organisme a également fait remarquer que le comité devrait être inclusif et disposer d’« un mandat et [d’]objectifs clairs ».
Le Conseil international du Canada a souligné qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique « progressiste et sensible au genre » devrait améliorer « les perspectives économiques des femmes entrepreneures ». Le Conseil a déclaré d’autre part qu’un chapitre sur l’égalité des sexes dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait présenter une « différenciation positive à l’égard des femmes », par exemple en leur facilitant l’obtention d’un permis ou en permettant aux fournisseurs de services féminins d’avoir un accès préférentiel au marché.
De plus, le Conseil international du Canada a souligné l’importance d’analyser les effets d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique sur la vie des femmes. De même, Oxfam Canada a recommandé une « analyse de la pauvreté et des impacts sociaux » d’un tel accord pour pouvoir en comprendre l’éventuel « impact différencié sur les hommes et les femmes ». L’organisme a également affirmé que, pour qu’un chapitre consacré à l’égalité entre les sexes ait « du mordant », il doit être fondé sur des données et une analyse ventilées par sexe.
Enfin, en ce qui concerne l’Accord de libre-échange Canada-Pérou et l’Accord de libre‑échange Canada‑Colombie, Oxfam Canada a souligné que le gouvernement du Canada a contribué à faire en sorte que « la dimension de l’égalité entre les sexes se concrétise par le biais d’activités de renforcement ». Le Conseil international du Canada a manifesté sa volonté d’utiliser des ressources de renforcement des capacités, d’assurer une « cohérence relative au genre » dans l’ensemble d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, et d’appliquer une « perspective sexospécifique » à la totalité de l’accord.
B. Normes et droits du travail
L’ambassade de la République de Colombie a indiqué que l’Alliance du Pacifique s’était dotée d’un groupe de travail en matière de normes du travail. Elle a également indiqué que, pour améliorer les normes du travail, l’Accord de libre-échange Canada-Colombie a instauré un dialogue entre le Canada et la Colombie, et que les deux pays participent actuellement à des négociations en vue d’établir un plan d’action.
Le Congrès du travail du Canada a fait remarquer que l’ombudsman du Canada pour la responsabilité des entreprises, nouvellement nommé, est « bien plus utile » pour traiter les plaintes des travailleurs que ne l’est le chapitre actuel sur le travail dans l’Accord de libre-échange Canada‑Colombie. De plus, le Congrès a mentionné que le Mexique n’applique pas sa législation du travail, et a qualifié de « pas dans la bonne direction » les « efforts remarquables » que le Chili déploie pour réformer ses lois sur le travail.
En laissant entendre que des ALE n’ont jamais traité également les droits des travailleurs et des investisseurs, le Congrès du travail du Canada a expliqué que le chapitre sur le travail qui a été proposé au cours des négociations relatives à l’ALENA « marque un changement considérable », car on y traite les droits des travailleurs et des investisseurs de façon plus égale que ce qui se passe à l’heure actuelle. Il espère que le gouvernement du Canada « poursuivra cet effort » dans le cadre de la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique.
Oxfam Canada a estimé qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait comprendre des dispositions en matière de travail « solides et exécutoires » qui tiendraient compte des besoins particuliers des travailleuses, notamment relativement à l’équité salariale et au harcèlement sexuel en milieu de travail. De plus, l’organisme a suggéré que les dispositions en matière de travail dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devraient inclure des mécanismes contraignants pour traiter les violations des droits du travail, telles que le travail des enfants.
L’ambassade de la République du Pérou a ajouté que le Canada et le Pérou avaient signé un accord de coopération dans le domaine du travail, qui prévoit des réunions périodiques permettant de discuter d’enjeux liés au travail, et qui porte sur le perfectionnement des ressources humaines et la protection des droits de la personne des travailleurs.
Connors Bros. Clover Leaf Seafoods Company a déclaré que les différences sur le plan des coûts de main-d’œuvre entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique mettent « en danger le maintien de notre production au Nouveau-Brunswick ».
C. Mobilité de la main-d’œuvre
Le Conseil canadien des affaires a soutenu que des dispositions modernes et harmonisées sur la mobilité de la main-d’œuvre dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourraient « élargir le bassin de talents régional » et faciliter la circulation des gens d’affaires entre les pays. De même, lorsqu’elle a mentionné de telles dispositions contenues dans les ALE « modernes », l’Association minière du Canada a souligné l’importance de pouvoir déplacer les mineurs professionnels « raisonnablement et facilement » pour leur permettre de travailler à l’étranger.
En demandant que l’on déploie des efforts supplémentaires pour faciliter la circulation transfrontalière des professionnels, la Banque Scotia a réclamé qu’on limite encore les exigences en matière de visa imposées aux visiteurs pour les voyages d’affaires entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique afin d’accroître l’échange et la circulation des connaissances et du savoir-faire dans les secteurs des finances, de la fabrication et des ressources naturelles du Canada. Le Conseil canadien des affaires a fait observer que le Canada pourrait ne pas être en mesure de supprimer toutes ses exigences en matière de visa en ce qui concerne les pays de l’Alliance du Pacifique et a suggéré de mettre sur pied un programme de voyageurs dignes de confiance pour les gens d’affaires.
L’ambassade des États-Unis du Mexique a déclaré que l’Alliance du Pacifique s’efforce de faciliter la mobilité des personnes, ce qui est bénéfique pour le Mexique. De même, l’ambassade de la République du Chili a soutenu que le Chili a mis en place avec des pays de l’Alliance et d’autres pays voisins des mécanismes qui favorisent la mobilité des travailleurs temporaires. Soulignant l’importance de la mobilité de la main‑d’œuvre pour le Chili, l’ambassade a dit souhaiter pouvoir « compter sur » des spécialistes canadiens qui peuvent l’aider à concevoir et à construire des projets utilisant l’énergie solaire ou éolienne.
D’après M. Dade, l’Alliance du Pacifique s’efforce continuellement de mettre à jour les mesures liées à la mobilité de la main‑d’œuvre. Celui-ci a précisé qu’elle envisageait de créer « un visa d’entrée commun pour faciliter le commerce avec l'Asie », ajoutant que ce visa « donnerait aux pays asiatiques qui souhaitent faire des affaires de ce côté du Pacifique un avantage concurrentiel ».
D. Droits de la personne
Selon la description des violations de droits de la personne dans les pays membres de l’Alliance du Pacifique qu’a faite Amnistie internationale Canada, les défenseurs des droits de la personne compromettent leur propre sécurité lorsqu’ils parlent publiquement des répercussions des activités commerciales sur l’environnement, des dirigeants syndicaux sont menacés et assassinés, la contamination et la pollution liées au secteur minier entraînent des problèmes de santé « graves » et « mortels », et les forces de sécurité des entreprises et des gouvernements commettent des actes de violence en réaction à des différends et à des plaintes à propos des activités des entreprises.
Le Congrès du travail du Canada a soutenu que le nombre de syndicalistes assassinés en Colombie est plus élevé que dans tous les autres pays, en précisant que l’Accord de libre-échange Canada-Colombie a permis de déposer auprès du gouvernement fédéral des plaintes « fondées » à propos des mesures prises par le gouvernement de la Colombie. Le Congrès a fait valoir qu’une plainte de cette nature a révélé que ce gouvernement ne respectait « pas les termes » de l’Accord et que certaines des lois de la Colombie « vont totalement à l’encontre » des dispositions de celui-ci.
L’ambassade de la République de Colombie a souligné que le processus de paix établi entre le gouvernement colombien et les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia[9] est important pour les droits de la personne dans ce pays. Qui plus est, les efforts que déploie le gouvernement pour appuyer les droits de la personne dans le cadre de ce processus sont axés sur l’adoption d’une politique sur les droits de la personne, la lutte contre l’impunité et l’octroi de réparations aux victimes ainsi que la protection de ces dernières.
Amnistie internationale Canada a déclaré qu’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devrait faire l’objet « de solides études d’impact sur les droits de la personne » et a exhorté le gouvernement du Canada à effectuer de telles évaluations pour tous les ALE potentiels avant de conclure les négociations et à intervalles réguliers par la suite. De l’avis de l’organisme, ces évaluations devraient être indépendantes, exhaustives, transparentes et accessibles. Dans le cas de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie, Amnistie internationale Canada a déclaré que le processus bilatéral d’évaluation de l’incidence sur les droits de la personne s’était révélé « problématique », et a souligné la possibilité qu’un processus multilatéral crée « de nouveaux mécanismes » permettant de lutter contre les violations des droits de la personne.
Le Congrès du travail du Canada a indiqué que tous les ALE devraient comporter une exemption « claire » et « détaillée » relative aux peuples autochtones ainsi qu’à leurs droits et à leurs intérêts. À cet égard, Amnistie internationale Canada a parlé des dispositions relatives aux droits de la personne dans l’Accord de libre‑échange Canada-Colombie, affirmant qu’à cet égard, l’Accord est « terriblement inadéquat », et a précisé que des populations indigènes « de partout en Colombie » sont victimes de violations des droits de la personne « dans un contexte économique ou commercial », et que ces violations sont « oubliées ou ignorées dans le cadre de l’évaluation [des répercussions sur les droits de la personne] ».
La Canada West Foundation était d’avis que les accords commerciaux devraient se concentrer sur le commerce, et a insisté sur le fait que « le Canada pourrait en faire davantage » pour la promotion des droits de la personne et d’autres éléments de son « programme progressiste » en donnant l’exemple plutôt qu’en disant aux autres pays « ce qu’ils doivent faire ».
Réflexions et recommandations des membres du Comité
Les membres du Comité sont d’avis que les pays de l’Alliance du Pacifique sont déjà d’importants partenaires commerciaux du Canada, notamment en raison des accords de libre-échange que le pays compte actuellement avec chacun d’entre eux. Cependant, un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique est susceptible de renforcer les relations en matière de commerce et d’investissement entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique en tant que bloc. Pour atteindre cet objectif, il convient d’accorder une attention particulière aux dispositions axées sur les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce, la coopération en matière de réglementation, l’investissement, la mobilité de la main-d’œuvre et les priorités de certains groupes.
Malgré les ALE en place entre le Canada et chacun des pays membres de l’Alliance du Pacifique, il continue d’exister des obstacles tarifaires et non tarifaires qui limitent le commerce de certains produits canadiens. Le Comité est d’avis que l’élimination de ces obstacles dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait aider le Canada à accroître et à diversifier ses exportations. Les possibilités de croissance des exportations pourraient revêtir une importance particulière pour certains produits agricoles tels que le canola, les céréales et le porc.
Le Comité est conscient que l’Alliance du Pacifique s’emploie à promouvoir la coopération entre les organismes de réglementation des quatre pays. Le gouvernement du Canada pourrait tirer parti de ces efforts en négociant des dispositions dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pour améliorer la collaboration entre les organismes de réglementation du Canada et ceux des pays de l’Alliance. Une collaboration améliorée pourrait faciliter le commerce et l’investissement des entreprises canadiennes, notamment dans les secteurs de l’agriculture, des fruits de mer, des services financiers et de l’innovation.
De l’avis du Comité, les gouvernements devraient pouvoir adopter et appliquer des politiques, des initiatives ou d’autres mesures servant à protéger l’intérêt public. Si un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique devait inclure un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États, les dispositions pertinentes devraient permettre d’assurer que les gouvernements du Canada et des pays de l’Alliance du Pacifique peuvent légiférer et fixer des règles ayant pour visée des objectifs légitimes en matière de politiques publiques.
Le Comité fait remarquer que, dans un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique, des mesures qui faciliteraient la circulation des gens d’affaires et des professionnels entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique pourraient aider les entreprises canadiennes qui entretiennent des activités commerciales avec ces pays ou qui y investissent. En particulier, l’accès aux ressources humaines que ces entreprises doivent avoir pour concurrencer leurs homologues étrangères gagnerait à être amélioré.
En outre, les membres du Comité sont d’avis que, même si les avantages des ALE pour les entreprises sont parfois évidents, les accords devraient également avoir des répercussions positives sur d’autres sphères de la société, dont les femmes, les travailleurs et les Autochtones. Dans le contexte national et international, il est important de créer des occasions pour les femmes, de veiller à ce que les travailleurs canadiens et étrangers soient adéquatement rémunérés et de leur assurer des conditions de travail sûres, ainsi que de protéger les droits de la personne. C’est en ce sens que la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique pourrait servir à mettre en œuvre de tels résultats positifs.
Enfin, les membres du Comité soulignent que la négociation d’un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique ne devrait pas restreindre la négociation, la ratification ou la mise en œuvre d’autres ALE. Le gouvernement du Canada devrait assurer la disponibilité des ressources adéquates pour permettre à Affaires mondiales Canada de négocier un ALE entre le Canada et l’Alliance du Pacifique et de mettre en place d’autres initiatives de politiques commerciales.
À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :
Recommandation 1
Que le gouvernement du Canada, au cours des négociations entourant un accord de libre-échange avec l’Alliance du Pacifique, accorde la priorité aux dispositions qui réduiraient au minimum les droits de douane sur les exportations agricoles ainsi que sur d’autres exportations du Canada, et s’attaqueraient aux obstacles non tarifaires qui limitent les exportations de produits canadiens, tels que le porc et les céréales.
Recommandation 2
Que le gouvernement du Canada, au cours des négociations entourant un accord de libre-échange avec l’Alliance du Pacifique, s’efforce d’intégrer des dispositions qui favoriseraient la coopération en matière de réglementation entre le Canada et les pays de l’Alliance du Pacifique.
Recommandation 3
Que le gouvernement du Canada, au cours des négociations entourant un accord de libre-échange avec l’Alliance du Pacifique, tente d’inclure des dispositions exécutoires visant à protéger les investissements. Ces dispositions ne doivent pas limiter la capacité des gouvernements à adopter et à maintenir des mesures servant l’intérêt public, notamment celles qui visent à protéger l’environnement et celles qui visent à assurer le respect des droits de la personne en général et des droits des peuples autochtones en particulier.
Recommandation 4
Que le gouvernement du Canada collabore avec l’Alliance du Pacifique pour faciliter la mobilité des gens d’affaires et des professionnels sans pour autant réduire les salaires des Canadiens ou le nombre d’emplois disponibles pour eux. Il faudrait examiner la possibilité d’ajouter à un accord de libre-échange entre le Canada et l’Alliance du Pacifique des engagements concernant l’admission temporaire des gens d’affaires et des professionnels.
Recommandation 5
Que le gouvernement du Canada, au cours des négociations entourant un accord de libre-échange avec l’Alliance du Pacifique, s’emploie à obtenir des résultats qui contribueraient à l’égalité des sexes, à la promotion des normes et des droits du travail et à la protection des droits de la personne, y compris ceux des peuples autochtones.
Recommandation 6
Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’Affaires mondiales Canada dispose de ressources suffisantes pour négocier un accord de libre-échange avec l’Alliance du Pacifique sans préjudice de sa capacité de négocier, de ratifier ou de mettre en œuvre d’autres accords de libre-échange.
[1] Les pays observateurs peuvent participer aux réunions auxquelles les invitent les quatre pays membres de l’Alliance du Pacifique.
[2] Aux côtés de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de Singapour. Un membre associé est un pays qui a conclu avec l’Alliance du Pacifique un accord commercial qui contribue à l’atteinte des objectifs du bloc.
[3] Ces pays sont le Chili, le Mexique et le Pérou.
[4] Les 11 pays ont signé l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) le 8 mars 2018. Le PTPGP est entré en vigueur dans six pays, dont le Canada, le 30 décembre 2018, et au Vietnam, le 14 janvier 2019.
[5] M. Dade est aussi directeur du Trade and Investment Centre (Centre du commerce et de l’investissement) de la Canada West Foundation.
[6] Selon le Conseil des Amériques, l’Alliance du Pacifique a été « conçue pour créer un point d’entrée régional vers les marchés asiatiques » [traduction]. De même, la base de données de l’Organisation mondiale du commerce sur les accords commerciaux régionaux indique que les pays de l’Alliance du Pacifique ont conclu des accords de libre‑échange [ALE] avec divers pays de l’Asie.
[7] Selon l'Organisation mondiale des douanes, le « cumul » permet aux produits d’un pays qui est parti à un ALE donné d’être « transformés ou ajoutés à » des produits d’un autre pays qui a signé le même ALE « comme s’ils étaient originaires de cet autre pays ».
[8] Dans son rapport de juin 2017, le Conseil de stabilité financière définit l’expression « technologie financière » comme « l’innovation technologique des services financiers qui peut avoir pour effet de favoriser l’adoption de [certains] nouveaux modèles, applications, procédés ou produits d’affaires » [traduction].
[9] Forces armées révolutionnaires de Colombie.