CIMM Rapport du Comité
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INTRODUCTIONDepuis 2002, les lois canadiennes sur l’immigration et l’asile aux réfugiés sont inscrites dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[1] (LIPR), qui comprend des dispositions visant à évaluer les demandes d’asile et à statuer sur ces demandes. C’est à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qu’il incombe, à titre de tribunal administratif, de procéder à ces évaluations et à ces décisions et de prendre toutes les autres décisions concernant les questions d’asile et d’immigration. Ces dernières années, des situations inquiétantes ont été signalées concernant la conduite de certains décideurs de la Commission pendant les audiences de réfugiés et concernant le processus de plainte de la Commission[2]. Un article du Global News[3] publié le 8 mars 2018 rapporte deux cas où le processus de plainte se serait terminé de façon apparemment insatisfaisante et non transparente suivant le départ des commissaires faisant l’objet des plaintes. C’est pour cette raison que le Comité a décidé d’étudier les processus de nomination, de formation et de plainte de la Commission, et de se pencher en particulier sur la sensibilisation des décideurs aux questions liées à la culture, à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre et à l’expression de genre. Ce rapport commence par un aperçu de la Commission, de sa structure et de la nature du travail des commissaires, puis se concentre sur ses processus de nomination, de formation et de plainte. Chaque section décrit la situation telle qu’elle se présente actuellement avant d’en répertorier les lacunes, telles que signalées par les témoins, ainsi que les domaines qu’il y aurait lieu d’améliorer. APERÇU DE LA COMMISSION DE L’IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ DU CANADALa Commission de l’immigration et du statut de
réfugié du Canada est le plus grand tribunal administratif du pays et est
chargée de rendre des décisions efficaces et justes concernant les dossiers
d’immigration et d’asile, en conformité avec la loi. Bien que ce soit
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui ait la responsabilité
générale des questions d’immigration et de réfugié, la Commission fonctionne de
manière indépendante du gouvernement. Elle relève du Parlement par l’entremise
du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Les témoins ayant comparu devant le Comité ont
souligné que la Commission « est un modèle de
réputation mondiale en matière de détermination du statut de réfugié Bashir Khan, avocat, a soutenu que l’indépendance et la spécialisation de la Commission étaient fondamentaux, parce que la Commission « est le gardien de l’intégrité de notre système de justice lorsqu’il est question de la détermination du statut de réfugié[10] ». Pour sa part, Raoul Boulakia, avocat, a déclaré que la Commission était une institution importante, non seulement pour les « personnes qui en dépendent », mais pour tout le monde, car « personne ne tirera rien de bon d’un système dont les décisions sont mal fondées[11] ». Andrew Brouwer, vice-président de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a ajouté que grâce à son indépendance, la Commission réussit à éviter les nombreux pièges politiques inhérents à sa fonction. Après tout, un élément central de son travail consiste à déterminer si d’autres États persécutent leurs propres citoyens, ce qui suppose souvent de condamner les actes de pays étrangers qui violent les droits de la personne. En confiant à un tribunal indépendant le soin de décider au cas par cas, nous évitons pour l’essentiel de transformer les réfugiés en ballons politiques qu’on se refile à la ronde ou qu’on protège, selon les humeurs du gouvernement en place. Nous évitons aussi que d’autres pays s’indignent dans les milieux diplomatiques que le gouvernement canadien s’ingère dans leurs affaires intérieures en dénonçant leurs violations des droits de la personne. L’indépendance du tribunal protège donc à la fois les réfugiés et le gouvernement canadien[12]. Paul Aterman, président par intérim de la Commission, a expliqué que c’est uniquement l’indépendance décisionnelle des commissaires qui garantit l’indépendance de la Commission. « [P]ersonne, à la Commission, ne peut dire à un commissaire comment trancher une affaire[13] », a déclaré M. Aterman. Il est toutefois possible de contester la décision d’un commissaire en interjetant appel soit auprès de la Section d’appel de la Commission soit auprès de la Cour fédérale. Pour donner une idée du travail des commissaires, les sections suivantes font état de la structure de la Commission et de ce qu’accomplissent les commissaires. A. Structure de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du CanadaLa Commission a son siège à Ottawa et des bureaux à Montréal (bureau régional de l’Est), Toronto (bureau régional du Centre) et Vancouver (bureau régional de l’Ouest). Le bureau régional de l’Ouest a aussi des bureaux à Calgary, Winnipeg et Edmonton. Elle comprend quatre sections : la Section de la protection des réfugiés (SPR), la Section d’appel des réfugiés (SAR), la Section de l’immigration (SI) et la Section d’appel de l’immigration (SAI)[14]. Elle est actuellement dirigée par le président, M. Paul Aterman, qui assume ces fonctions à titre intérimaire. Chaque section est dirigée par un vice-président, à l’intérieur de laquelle les vice-présidents adjoints et les commissaires rendent des décisions[15]. 1. La Section de la protection des réfugiésLa SPR est chargée de rendre les décisions
concernant les demandes d’asile au Canada. Les demandes sont présentées à la
frontière ou à un bureau d’IRCC ou de l’Agence des services frontaliers du
Canada (ASFC), qui doit décider si elles sont recevables et les renvoie
ensuite à la Commission. Les décideurs de la SPR doivent établir si une
personne qui ne peut pas obtenir la protection de son propre pays craint avec
raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques En outre, il incombe à la SPR de rendre des
décisions concernant la perte de l’asile, laquelle s’applique lorsqu’une
personne n’a plus besoin de la protection du Canada, par exemple du fait de son
retour dans son pays d’origine[19]. En 2017, la SPR a autorisé
12 demandes de constat de perte de l’asile, 18 ont été retirées et
449 étaient toujours en suspens à la fin de l’année La SPR instruit également les instances qui
pourraient entraîner le retrait ou le maintien de l’octroi de l’asile.
Celles-ci sont entamées lorsque l’asile semble avoir été obtenu frauduleusement La Commission a informé le Comité qu’en 2017-2018, les décisions relatives aux demandes d’asile ont coûté approximativement 55 millions de dollars, y compris tous les coûts associés aux services partagés. La SPR disposait d’un budget de fonctionnement d’environ 26 millions de dollars[23]. 2. La Section d’appel des réfugiésLa Section d’appel des réfugiés (SAR) a été instituée
le 15 décembre 2012. C’est à elle qu’il revient de passer en revue
les décisions rendues par la SPR[24]. Les demandeurs d’asile déboutés n’ont pas tous automatiquement
accès à la SAR. Quatre groupes de demandeurs ne peuvent interjeter appel d’une
décision de la SPR : les étrangers désignés[25]; les demandeurs venant de pays d’origine désignés Certains appels sont rejetés pour défaut de compétence ou parce que la demande d’appel n’a jamais été complétée. D’autres sont considérés comme rejetés en raison d’un retrait. Après examen, trois issues sont possibles : la SAR peut confirmer la décision de la SPR, renvoyer le dossier à la SPR pour une nouvelle audience ou l’annuler et rendre sa propre décision. En date du 31 décembre 2017, la SPR comptait 3 700 dossiers en instance[32]. En 2017-2018, les décisions relatives aux appels en matière d’asile ont coûté approximativement 16 millions de dollars, compte tenu de tous les coûts partagés. La SPR disposait d’un budget de fonctionnement d’environ 2 millions de dollars[33]. 3. La Section de l’immigrationLa Section de l’immigration (SI) fait les contrôles des motifs de détention comme le prévoit la LIPR (après 48 heures, 7 jours et 30 jours)[34]. Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) établit les critères précis qui justifient le maintien en détention d’une personne, c’est-à-dire si elle présente un risque de fuite ou un danger pour le public, ou si son identité n’a pas été établie[35]. La SI a effectué un total de
11 067 contrôles de motifs de détention en 2017[36].
La même année, on a recensé la détention de 69 mineurs et de
3 485 adultes[37], parmi lesquels
80 personnes ont été détenues pendant plus de 365 jours La SI est aussi responsable des enquêtes qui
déterminent si une personne peut être admise au Canada ou y séjourner. La SI
procède à une enquête lorsqu’un agent de l’ASFC établit un rapport contenant le
motif pour lequel il soupçonne une personne d’être interdite de territoire. Ces
motifs sont énumérés dans la LIPR : raisons de sécurité, atteinte aux droits de la personne, grande
criminalité ou criminalité organisée, motifs sanitaires, motifs financiers,
fausses déclarations et défaut de se conformer à la LIPR[40]. Si le commissaire
de la SI souscrit aux conclusions du rapport, il émet une mesure de renvoi En 2017, la SI a reçu 1 999 rapports demandant la tenue d’une enquête; à la fin de l’année, 384 enquêtes n’avaient pas encore eu lieu. La SI a émis 1 497 mesures de renvoi, autorisé 32 personnes à entrer au Canada et 64 à y séjourner. Cent quatre-vingt-treize personnes ont omis de se présenter à leur audience d’enquête[42]. Selon les renseignements budgétaires de la Commission pour l’exercice financier 2017‑2018, les décisions relatives aux enquêtes et aux détentions ont coûté approximativement 12 millions de dollars. La SI disposait d’un budget de fonctionnement d’environ 5 millions de dollars[43]. 4. La Section d’appel de l’immigrationLa Section d’appel de l’immigration (SAI)
instruit les appels en matière d’immigration. Cela comprend les appels d’un
refus d’une demande de parrainage présentée au titre de la catégorie du
regroupement familial ainsi que les appels relatifs à une mesure de renvoi et à
l’obligation de résidence[44]. En 2017, la SAI
a rendu 3 720 décisions dans le cadre d’appels d’un refus d’une
demande de parrainage présentée à la SI au titre de la catégorie du
regroupement familial. À la fin de l’année, la SAI avait encore
4 444 appels non réglés dans la catégorie du regroupement familial En 2017‑2018, les décisions d’appel de l’immigration ont coûté approximativement 17 millions de dollars, y compris tous les coûts associés aux services partagés. La SAI avait un budget de fonctionnement d’environ 2 millions de dollars[48]. B. Commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du CanadaLes commissaires des tribunaux administratifs tirent des conclusions basées sur les faits et formulent des avis juridiques. Ils fondent leurs décisions sur la pertinence, la crédibilité et l’importance relative des éléments de preuve soumis ainsi que sur l’opinion du décideur au sujet de ce que dit ou exige le droit[49]. Au cours de l’étude, le Comité a appris qu’en
2017, 224 commissaires, dans les quatre sections de la Commission, avaient
rendu 43 153 décisions[50]. M. Aterman a souligné que « la pression liée à la prise rapide de décisions équitables est incessante »
dans les quatre sections. Il a notamment expliqué que du côté des demandes
d’asile, la Commission en avait reçu 47 000 cette année, deux fois plus qu’en 2016 La Commission met aussi du personnel de soutien à la disposition des commissaires. Le nombre d’employés de soutien est de 1,5 équivalent temps plein par commissaire[53]. Le type d’appui offert par le personnel varie d’une section à l’autre, mais comprend généralement :
TROIS PROCESSUS INTERDÉPENDANTS : NOMINATION, FORMATION ET PLAINTETout au long de l’étude, les témoins ont expliqué au Comité à quel point chacun des processus de nomination, de formation et de plainte était essentiel au bon fonctionnement de la Commission. Toutefois, ils ont souvent fait des liens entre les trois processus et confirmé l’idée que la Commission devait, en tant qu’institution, examiner sa culture et ses mécanismes afin de trouver le moyen de mieux respecter les droits des personnes vulnérables[55]. Idéalement, un processus de nomination bien conçu et un processus de formation exhaustif devraient réduire le nombre de plaintes que reçoit la Commission sur la conduite des commissaires. Les sections suivantes décrivent chacun des processus et contiennent des recommandations fondées sur les témoignages. A. Processus de nominationLors de sa comparution, M. Aterman a expliqué
que la Commission avait deux régimes de nomination distincts pour ses
commissaires[56].
Les commissaires de la SPR et de la SI sont des employés de la fonction
publique (FP) nommés en conformité avec la Loi sur l’emploi dans la fonction
publique[57], tandis que les commissaires de la SAR et de la SAI sont nommés par
décret, c’est-à-dire par le gouverneur en conseil (GEC) M. Aterman a assuré au Comité que tous les
commissaires, qu’ils soient embauchés à titre de fonctionnaires ou nommés par
décret, « se comportent de manière professionnelle, équitable et intègre Les sections suivantes décrivent le processus d’embauche et de nomination des commissaires, y compris l’évaluation et la reconduction des mandats, ainsi que d’autres problèmes que présente ce processus, selon les témoins. 1. Sélection des commissairesLe processus de nomination diffère selon qu’il s’agit de fonctionnaires ou de personnes nommées par décret. Depuis décembre 2012, les fonctionnaires de la CISR sont embauchés au sein du groupe Services des programmes et de l’administration[65]. La durée d’emploi peut varier et les postes peuvent être occasionnels ou permanents. La Commission présélectionne les candidats qui
sont entrés dans le processus de dotation de la fonction publique selon leur
expérience[66] et leurs études ils sont ensuite évalués au regard de tous les critères définis dans l’avis d’emploi. Diverses méthodes d’évaluation peuvent être utilisées, dans n’importe quel ordre : examen, entrevue, vérification des références, etc. Pour devenir commissaire, le candidat doit posséder un niveau de compétence suffisant dans les domaines suivants : engagement à l’égard de l’apprentissage, communication interactive efficace, sensibilité interculturelle, prise de décision, recherche d’information, jugement/raisonnement, orientation vers les résultats, maîtrise de soi ainsi que valeurs et éthique[68]. En général, les fonctionnaires occupent leur poste de commissaire plus longtemps, parce que le mandat des personnes nommées par décret est de sept ans au maximum[69]. Les nominations par décret émanent du GEC, sur
l’avis du Conseil privé de la Reine pour le Canada, aussi appelé le Cabinet. On
a modifié les modalités de nomination par décret en février 2016 Le Secrétariat du personnel supérieur, au Bureau du Conseil privé (BCP), appuie le processus de nomination par décret et travaille en étroite collaboration avec la Commission pour trouver les meilleurs candidats aux postes de commissaires[72]. Le Secrétariat du BCP et la Commission rédigent ensemble l’avis de possibilité de nomination, semblable à une annonce de recrutement, qui est ensuite affiché sur une page du site Web du gouvernement fédéral[73]. Les critères de sélection sont publiquement annoncés dans l’avis. Donnalyn McClymont, secrétaire adjointe du Cabinet du Secrétariat du personnel supérieur au BCP, a fait remarquer que « [l]es compétences exigées et les critères de sélection reflètent le mandat de l’organisme et tiennent compte du mandat du Ministre ainsi que des priorités du gouvernement. Les candidats sont évalués par le Comité de sélection en fonction de ces critères de sélection annoncés publiquement[74]. » Le Comité de sélection se compose des
organisations chargées de recommander les nominations (le BCP et la Commission,
dans le cas présent). En général, ce comité comprend des « représentants
du Bureau du Conseil privé, du Cabinet du Premier ministre, du cabinet des
ministres concernés ainsi que du ministère ou de l’organisme visé en vue des étapes suivantes de l’évaluation, qui consistent en un examen écrit, par exemple pour les tribunaux administratifs comme la CISR, suivi d’entrevues. Dans le cas des candidats que le comité juge hautement qualifiés, on effectue également une vérification officielle des références afin d’évaluer plus en détail leurs qualités personnelles. Le comité soumet ensuite des conseils sur les candidats les plus qualifiés au ministre compétent, qui les prend en considération pour officialiser sa recommandation au gouverneur en conseil[76]. Les candidats ayant franchi un processus de sélection pour nomination par décret peuvent être appelés par le ministre pendant une période de deux ans. Ceux qui ne réussissent pas cette étape peuvent déposer une nouvelle demande deux ans plus tard. Pour ce qui est de la durée du mandat pour la nomination, il revient au ministre d’en faire la recommandation au GEC[77]. Mme McClymont a fait remarquer que la Commission acceptait « sans interruption, les candidatures aux postes, à temps plein ou à temps partiel, en vue d’une nomination à la Commission par le gouverneur en conseil », selon un modèle de dotation dit à entrée continue[78]. Le BCP continue de travailler avec la Commission pour donner priorité à certains processus de sélection selon les besoins en dotation des bureaux régionaux[79]. a. ÉvaluationsAu cours de son étude, le Comité a appris que les commissaires, les fonctionnaires comme les personnes nommées par décret, étaient évalués au moyen d’un examen écrit, d’une entrevue, d’une vérification des références et d’une vérification de sécurité[80]. L’examen écrit dure cinq heures[81]. Le Comité a aussi appris que le processus d’évaluation diffère selon qu’il s’agit de fonctionnaires ou de personnes nommées par le GEC. Par exemple, les examens donnés aux deux types de candidats ne sont pas tout à fait identiques, mais les compétences évaluées au moyen des examens et des entrevues sont semblables[82]. Dans une réponse écrite au Comité, la Commission a fait savoir qu’elle cherchait à évaluer neuf compétences comportementales[83]. Cinq d’entre elles sont évaluées pendant l’entrevue, à la fois pour les fonctionnaires et les personnes nommées par décret, ce qui comprend notamment la sensibilisation aux réalités culturelles et le jugement[84]. Les quatre autres sont évaluées au moyen d’examens spécifiques aux fonctions qu’exécuteraient les candidats en tant que commissaires de la SPR ou de la SI ou que commissaires de la SAR ou de la SAI[85]. Autrement dit, les examens mesurent les compétences nécessaires au poste et sont axés sur la capacité décisionnelle. Les examens donnés aux fonctionnaires et aux personnes nommées par décret évaluent les communications écrites et le raisonnement conceptuel. Les examens donnés aux fonctionnaires évaluent tout spécialement le jugement et la prise de décisions ainsi que les compétences en matière de cueillette de renseignements des éventuels commissaires de la SPR et de la SI. Les examens destinés aux personnes nommées par décret, quant à eux, évaluent le jugement et la pensée analytique ainsi que les compétences en matière de prise de décisions des éventuels commissaires de la SAR et de la SAI[86]. Dans le processus de sélection de la fonction publique, les candidats qui réussissent l’examen passent à la prochaine étape. Ils doivent réussir l’examen pour chaque compétence avant de pouvoir être reçus en entrevue. Afin de se qualifier pour une nomination par décret, les candidats doivent atteindre un seuil minimal à l’examen. Dans son évaluation, le Comité de sélection tient aussi compte des besoins régionaux de la Commission ainsi que des besoins de la SAR et de la SAI pour composer le bassin de candidats pouvant aller en entrevue[87]. M. Aterman a soutenu que c’était une évaluation rigoureuse et que, autant du côté des fonctionnaires que des personnes nommées par décret, une personne sur 10 seulement se qualifie. Dans ce bassin de postulants, le nombre de candidats qui obtiennent une nomination est encore plus petit[88]. Mme McClymont a informé le Comité que depuis l’instauration du processus OTFM, il y a eu 70 nominations. M. Aterman a expliqué au Comité qu’une fois les commissaires nommés, il leur faut parfois jusqu’à un an pour travailler « au maximum de leurs capacités[89] ». La charge de travail annuelle des commissaires dépend de la section à laquelle ils sont affectés. M. Aterman a dit qu’« on s’attend à ce qu’un commissaire de la SAI pleinement productif instruise quelque 150 appels par année[90] ». Bien que la Commission cherche certainement les personnes les mieux qualifiées qui soient pour les postes de décideurs, M. Aterman a avoué que le processus n’était pas parfait. Il estime tout de même qu’il est rigoureux et que la formation offerte aux commissaires permet de rectifier les incohérences éventuelles lors de la prise de décisions[91]. 2. Reconduction des commissairesSelon la LIPR, les commissaires qui sont nommés par décret du GEC peuvent être reconduits dans leur poste à la fin de leur mandat pour une période de nomination d’une durée maximale de sept ans. Mme McClymont a expliqué au Comité que les commissaires nommés par décret dans le cadre du processus de sélection OTFM peuvent recevoir un nouveau mandat au même poste à la fin de leur mandat. Les recommandations relatives au nouveau mandat sont fondées sur le mérite et l’évaluation du rendement de la Commission[92]. Toutefois, les commissaires qui ont été nommés dans le cadre du processus instauré avant février 2016 doivent postuler de nouveau dans le cadre du nouveau processus OTFM[93]. Mme McClymont a déclaré qu’à ce jour, 18 commissaires nommés par décret avaient reçu un nouveau mandat à la Commission selon le nouveau processus OTFM[94]. 3. Lacunes du processus de nominationEn dépit du nouveau processus OTFM établi par le BCP, certains témoins ont exprimé des réserves à l’égard du processus de nomination, particulièrement en ce qui concerne les nominations par décret. Dans l’ensemble, les témoins préconisent un processus qui serait plus transparent et moins politisé et qui ferait de la Commission un organe plus représentatif et doté de commissaires qualifiés. En ce qui concerne les commissaires qui sont des fonctionnaires, Preevanda Sapru, avocate, a critiqué la Commission parce que, selon elle, elle ne parvient pas « à se doter d’une politique d’embauche transparente[95] ». Crystal Warner, vice-présidente exécutive nationale, Syndicat de l’emploi et de l’immigration Canada, a fait écho à ces réserves et suggéré que tous les commissaires devraient être embauchés selon le processus du secteur public, qui est juste et transparent, comme le sont actuellement les décideurs de la SPR et de la SI[96]. Pour ce qui est des commissaires nommés par décret, M. Ellis a aussi qualifié d’opaques les processus de nomination et de reconduction par décret[97]. Il estime en effet que même après « le processus de sélection rigoureux tant loué », la décision finale quant à la nomination revient au Ministre, à son bureau ou au Cabinet. Il soutient que cela a des répercussions sur l’indépendance des commissaires, surtout s’ils doivent refaire le processus pour recevoir un nouveau mandat[98]. M. Ellis a souligné qu’un processus de nomination efficace serait utile pour l’ensemble de la Commission : « [r]éussir ces processus du premier coup […] est en fait la seule façon de protéger le public des décideurs incompétents[99]. » M. Boulakia a rappelé au Comité que pour attirer des candidats aux postes de commissaires, la Commission doit se doter de processus justes et transparents[100]. Laverne Jacobs, professeure agrégée et directrice des études supérieures à l’Université de Windsor, a affirmé que « tout système de justice administratif devrait être transparent, dans la mesure du possible, au sujet de ses processus et du raisonnement justifiant ses décisions[101] ». Malgré l’affirmation du BCP voulant que le
processus actuel de nomination par décret soit ouvert, transparent et fondé sur
le mérite, une autre suggestion générale présentée au Comité pour améliorer le
processus de nomination était de continuer à le dépolitiser[102]. Sean Rehaag, professeur agrégé, Osgoode Hall Law School,
Université York, a recommandé de baser les nominations sur le mérite plutôt que
sur le favoritisme politique[103].
Selon ses études, il estime que « le processus décisionnel s’est amélioré
à la SPR lorsque nous avons mis fin aux nominations par le gouverneur en
conseil. Ce n’est pas parce que les fonctionnaires sont meilleurs que les
personnes nommées par le gouverneur en conseil. C’est parce que les aspects
politiques ont été largement éliminés du processus de nomination à la SPR Le Comité n’a entendu aucun témoignage selon lequel les processus actuels de nomination des commissaires de la CISR fondés sur le mérite, soit les nominations de commissaires fonctionnaires au sein de la SPR et de la SI et les nominations par le gouverneur en conseil de commissaires à la SAR et la SAI, ne devraient pas demeurer en place pour le moment. Les éléments de preuve, cependant, suggèrent que ces processus devraient être réévalués une fois que tous les commissaires au palier d’appel auront été nommés ou que leur mandat aura été reconduit en vertu du nouveau processus OTFM. Compte tenu des préoccupations soulevées au fil des ans par le public au sujet du processus de nomination à la CISR, l’ancien gouvernement conservateur et le gouvernement libéral actuel ont apporté des changements substantiels à la façon dont les commissaires de la CISR sont sélectionnés et embauchés. Les témoignages concernant le processus de nomination par le gouverneur en conseil ont révélé que les témoins ne tenaient pas toujours compte de l’ensemble du nouveau processus, et qu’ils ne semblaient pas bien connaître les changements majeurs apportés au processus en décembre 2017. Le Comité hésite à recommander que l’on modifie le nouveau processus à partir de témoignages qui pourraient avoir porté principalement sur un processus antérieur. Toutefois, il convient de noter que le Comité est d’accord avec les changements apportés par le gouvernement conservateur en 2012 en restructurant la CISR de sorte que des fonctionnaires rendent des décisions au sein au sein de la SPR et de la SI et que des commissaires nommés par le gouverneur en conseil rendent des décisions à la SAR et la SAI. Les témoignages relatifs aux nominations du gouverneur en conseil ont échoué dans une vaste mesure à établir une différence entre les préoccupations relatives à la partisannerie, au favoritisme et à l’examen politique en tant que domaines préoccupants du processus de nomination. Le Comité est d’avis que le processus actuel de nomination par le gouverneur en conseil est suffisamment rigoureux pour assurer que le problème des nominations fondées sur la partisannerie et le favoritisme, qui pourraient diminuer la compétence exigée, a été réglé, et que la supervision politique, qui fait en sorte que les nominations font l’objet d’une reddition de compte au public, est maintenue comme il se doit. Le Comité recommande : De maintenir les fonctionnaires et les nominations par décret à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada Recommandation 1 Que le processus actuel de nomination de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada pour la Section de la protection des réfugiés et la Section de l’immigration, dans le cadre duquel des candidats sont sélectionnés en fonction du mérite et les personnes retenues sont des fonctionnaires, et pour la Section d’appel des réfugiés et la Section d’appel de l’immigration, dans le cadre duquel des candidats sont sélectionnés en fonction du mérite et les personnes retenues sont embauchées au moyen de nominations temporaires par le gouverneur en conseil, soient maintenus, et que le Gouvernement du Canada envisage d’évaluer les deux processus d’ici trois ans. a. Diversité de la main-d’œuvreL’un des principaux objectifs du processus OTFM
consiste à nommer des candidats de qualité supérieure reflétant la diversité du
Canada[108].
À ce sujet, Mme McClymont a informé le Comité qu’environ
60 % des personnes nommées par décret à la Commission se sont déclarées
comme étant des femmes, 20 % des minorités visibles[109] et
5 % des Autochtones[110].
Michelle Flaherty, professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, a suggéré que la Commission continue d’embaucher ou de
nommer des personnes présentant une diversité de compétences et d’expériences b. CompétencesLe processus de sélection de la Commission est fondé sur les compétences comportementales plutôt que sur les connaissances, ce que déplorent certains témoins qui ont réclamé que la Commission ajoute un volet sur les connaissances à son processus de sélection[114]. Par exemple, Mme Sapru remet en question le processus d’embauche et de nomination de la Commission parce que, à son avis, la Commission a embauché « des commissaires inexpérimentés et parfois incompétents qui n’ont aucune expérience du droit des réfugiés, ce qui force les réfugiés à interjeter des appels longs et coûteux devant la SAR et la Cour fédérale[115] ». Nastaran Roushan, avocate, abonde dans le même sens. Selon elle, les commissaires connaissent mal le droit, les conditions du pays d’origine ou même le contenu du dossier qu’ils traitent[116]. Elle recommande que l’on oblige les commissaires à passer un test approfondi sur le droit en matière d’immigration et de réfugiés afin de démontrer leurs connaissances et leur expérience dans le processus de sélection[117]. Chantal Desloges, avocate chez Desloges Law
Group, reconnaît qu’en 2012 et en 2016, la Commission est passée, dans ses
termes, d’un système de nomination partisane à un système davantage fondé sur
le mérite, ce qui constitue une amélioration[118]. Toutefois, à son avis, il arrive encore
que l’on sélectionne des commissaires qui sont dépourvus des connaissances et
des qualifications voulues. Elle a affirmé qu’on voyait encore assez
régulièrement « des commissaires qui, au cours des
audiences, ne connaissent pas la jurisprudence de base de la Cour fédérale
soulignant les grands principes de la protection des réfugiés » ou
« qui ne suivent pas leurs propres lignes directrices et politiques D’autres s’opposent à ce que les connaissances de
fond sur le droit en matière d’immigration et de réfugié soient une condition
de nomination[122]. Par exemple,
bien que M. Ellis reconnaisse la valeur des
connaissances de fond, il insiste aussi sur l’importance d’avoir « le tempérament d’un vrai juge et […] des capacités d’analyse hors du commun Mme Flaherty a décrit le décideur
idéal comme étant une personne ayant de l’expérience, des connaissances ou de
la formation dans le domaine de l’immigration et de l’octroi d’asile; ayant
« des aptitudes et de l’expérience sur la tenue d’audiences justes,
impartiales, efficaces et efficientes »; ainsi que « la compétence
culturelle et la sensibilité aux enjeux soulevés durant les audiences et avec
lesquels doit composer la CISR[126] ».
Elle a ajouté que la Commission devrait chercher des gens empathiques, ouverts
d’esprit et « prêts à participer à des expériences de formation, de
manière à ce qu’ils puissent élargir leur expérience et leurs horizons En ce qui concerne les qualifications qui sont essentielles
chez les commissaires, M. Brouwer a recommandé que les candidats
« devraient être sélectionnés pour leur compréhension de ce qu’est le
comportement discriminatoire, le comportement approprié en salle d’audience et
la conduite à l’égard du sexe, de la race, de la culture, de l’orientation
sexuelle, de l’identité de genre et de l’expression de genre[129] ». Sharalyn Jordan,
présidente du conseil d’administration de Rainbow Refugee, a fait écho à cette
recommandation en déclarant qu’il était « essentiel
que les recrues soient choisies pour leur capacité d’être à la fois justes et
respectueuses des femmes et des personnes LGBTQ[130] ».
France Houle, vice-doyenne aux études de premier cycle à la Faculté de
droit de l’Université de Montréal, a rappelé au Comité que les processus de
sélection sont souvent désuets et mal adaptés à la diversité humaine Le Comité reconnaît que la Commission est experte dans les questions d’immigration et de réfugié. Bien que le Comité estime que les connaissances de fond en droit de l’immigration et des réfugiés sont importantes, il reconnaît aussi que la nature du travail des commissaires exige un mélange de compétences et de connaissances. Cependant, le Comité est d’avis qu’il y aurait lieu d’améliorer le processus de sélection afin de mieux évaluer les commissaires potentiels. Le Comité reconnaît également que la CISR a besoin d'un effectif complet de membres. C’est pourquoi le Comité recommande : D’améliorer le processus d’évaluation des commissaires Recommandation 2 Que le processus de sélection de tous les commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qu’il s’agisse d’un test d’aptitude écrit ou d’un processus d’entrevues, comprenne une évaluation de la connaissance et de la compréhension d’un comportement discriminatoire et des normes de comportement que l’on attend des commissaires de la Commission. Nomination des commissaires par le gouverneur en conseil pour combler les postes vacants Recommandation 3 Que le Bureau du Conseil privé prenne toutes les mesures possibles pour recommander rapidement des candidats qualifiés au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté afin de pourvoir les postes vacants occupés par des personnes nommées par le gouverneur en conseil à la Section d’appel de l’immigration et à la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. B. FormationLa Commission offre la formation initiale aux nouveaux commissaires, nommés et embauchés, ainsi que la formation continue tout au long de leur emploi. M. Aterman affirme que tous les nouveaux commissaires reçoivent une formation approfondie sur les questions de fond ainsi que sur la communication efficace avec les intervenants avant de pouvoir trancher des cas[132]. Il a aussi dit que tous les commissaires participent régulièrement à des ateliers de perfectionnement pour se tenir au courant des questions concernant leur travail. M. Aterman a informé le Comité que la formation était adaptée aux caractéristiques des quatre sections, mais qu’elle comprenait aussi des éléments communs comme le respect des différentes cultures et la reconnaissance que l’expérience personnelle d’un commissaire peut différer de celle de la personne se trouvant devant eux[133]. Des témoins ont tout de même fait part au Comité de leur inquiétude quant à la qualité de la formation des commissaires, surtout en ce qui concerne la sensibilité aux demandeurs vulnérables. Ils se demandent aussi si les cours de perfectionnement de la Commission sont basés sur les plaintes déposées contre les commissaires et adaptées à ces plaintes. 1. Formation en matière de sensibilisation à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du CanadaLa formation actuelle au sujet du harcèlement et de la sensibilisation aux questions relatives au genre et à la sexualité que donne la Commission comprend une formation initiale visant à préparer les commissaires à instruire des affaires, de la formation relative au Code de déontologie des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (le Code de déontologie)[134], de la formation sur les diverses directives du président et des mises à jour sur les questions juridiques émergentes. a. Formation pour l’ensemble des commissairesSelon une réponse écrite que la Commission a fournie au Comité[135], tous les commissaires et les employés doivent suivre :
Le cours intitulé Création d’un milieu de travail respectueux et exempt de harcèlement porte sur les comportements appropriés en milieu de travail ainsi que les rôles et responsabilités des employés dans la création d’un milieu de travail respectueux. Il montre comment atténuer les risques d’engendrer des conflits et suggère des façons de résoudre les questions litigieuses en milieu de travail. Le cours Valeurs et éthique porte sur les obligations qu’impose le Code de valeurs et d’éthique du secteur public aux employés. Il sensibilise les participants aux politiques et aux lois pertinentes de la fonction publique, enseigne les responsabilités des fonctionnaires en matière de valeurs et d’éthique, et porte sur les dilemmes éthiques, les conflits d’intérêts, le harcèlement, l’après-mandat, les activités politiques et les agissements répréhensibles[137]. Au printemps et à l’été 2017, les participants à
la formation sur les Directives OSIGEG ont passé en revue la composante
juridique, l’application et le contexte des Directives, en plus de voir comment
tenir compte des traumatismes lors de l’interrogatoire des demandeurs Enfin, tous les commissaires reçoivent une formation sur le Code de déontologie à leur arrivée. Cela comprend les obligations émanant du Code, des études de cas et des exercices fondés sur des scénarios[140]. b. Formation spécifique à chaque section(i) Formation à la Section de la protection des réfugiésLes nouveaux commissaires de la SPR reçoivent une formation (reformulée en 2016) de sensibilisation aux questions relatives au genre et à la sexualité. Dans un mémoire, la Commission a fait savoir que ce type de formation était considéré comme étant fondamental et que les notions enseignées « faisaient l’objet de multiples discussions, réflexions et évaluations au cours des semaines suivant la formation[141] ». La formation des nouveaux commissaires de la SPR comprend :
La Commission a expliqué que toutes les séances sont données au début d’une période de formation de huit jours axée sur le rôle du commissaire qui préside une audience et pose des questions aux demandeurs. Les commissaires s’exercent à poser des questions dans des salles d’audience de simulation où les formateurs contrôlent leur sensibilité à l’OSIGEG et à la culture. Lors de séances subséquentes sur la rédaction de décisions, les nouveaux commissaires rédigent des décisions fictives ayant trait à l’orientation sexuelle, que les formateurs examinent ensuite pour voir s’ils emploient des formulations appropriées et évitent les stéréotypes, entre autres choses. Les nouveaux commissaires font l’objet de contrôles et d’évaluations pendant leur période de formation et leur première année de fonction. Cela comprend « une évaluation de leur sensibilité aux questions culturelles ainsi qu’à l’OSIGEG[142] ». En plus de la formation sur l’OSIGEG commune à toutes les sections, les commissaires en poste de la SPR reçoivent de la formation sur les Directives OSIGEG dans le cadre du cursus destiné aux commissaires affectés à l’équipe spéciale responsable des anciens cas. Les commissaires en poste assistent aussi à des ateliers de perfectionnement sur les questions relatives au jugement de demandes fondées sur « l’orientation sexuelle, les personnes vulnérables, etc[143] ». Parmi les thèmes des journées de perfectionnement organisées à la Commission en 2017, citons comme exemple les Directives OSIGEG, la santé mentale des réfugiés, le syndrome de stress post-traumatique, la mémoire et la psychologie ainsi que l’interprétation et l’analyse des rapports psychologiques ou psychiatriques des demandeurs et leur préparation[144] . Enfin, la Commission fait remarquer que les
commissaires sont continuellement mis à jour sur la jurisprudence de la Cour
fédérale, y compris sur les décisions ayant trait à la sensibilité culturelle
et l’orientation sexuelle ou l’application des diverses directives (ii) Formation à la Section d’appel des réfugiésDans son mémoire, la Commission a indiqué que la
formation des nouveaux commissaires de la SAR se voulait une version condensée
de celle qui est destinée aux nouveaux commissaires de la SPR et que la
formation sur l’OSIGEG était systématiquement offerte aux nouveaux commissaires
de la SAR. La Commission a précisé que les nouveaux commissaires recevaient des
instructions sur toutes les directives du président, les principes de justice
naturelle, l’éthique ainsi que le Code de déontologie. Les nouveaux
commissaires sont également tenus d’effectuer un travail préalable au cours et
d’assister à une discussion d’une heure sur « les compétences culturelles Dans son mémoire, la commission a écrit que la période de formation officielle peut durer jusqu’à trois mois, mais varie en fonction de la section et de l’expérience du commissaire nouvellement nommé. Elle a fourni un exemple de calendrier de formation pour un commissaire de la SAR sans expérience du système d’octroi de l’asile[147]. L’horaire indique que la formation sur l’octroi de l’asile dure trois semaines et demie. Une autre période de trois semaines et demie est consacrée aux appels des réfugiés. Enfin, l’observation des audiences a lieu sur une période de deux semaines. Au total, la période de formation typique des nouveaux commissaires nommés à la SAR est de neuf semaines[148]. La SAR donne des cours de remise à niveau et organise des « discussions régulières entre commissaires » sur les directives du président et la sensibilité culturelle. La SAR « élabore également des plans d’apprentissage individualisés à l’intention des commissaires pouvant comprendre de la formation supplémentaire dans de nombreux domaines, y compris l’OSIGEG[149] ». Enfin, outre la formation sur l’OSIGEG offerte à tous les commissaires dont il est question plus haut, « la SAR prévoit tenir une discussion entre commissaires sur les appels fondés sur l’orientation sexuelle après la première année de la création des directives sur l’OSIGEG[150] ». (iii) Formation à la Section d’appel de l’immigrationEn date d’octobre 2016, le « contenu sur les compétences culturelles » est inclus dans la formation des nouveaux commissaires de la SAI. Comme c’est le cas pour les commissaires de la SAR, les nouveaux commissaires de la SAI doivent effectuer un travail préalable au cours et assister à une discussion d’une heure sur les « compétences culturelles ». Les participants font aussi deux études de cas sur les compétences culturelles dans le cadre du cours sur les audiences proactives. Enfin, les commissaires de la SAI assistent à des cours annuels de remise à niveau sur l’OSIGEG ainsi qu’à des séances mensuelles de perfectionnement où ils prennent connaissance des dernières décisions de la Cour fédérale[151]. 2. Réserves quant à la formation actuelleLe Comité a entendu divers témoins émettre des
réserves à l’égard de certains aspects de la formation des commissaires. Mme Desloges,
par exemple, fait observer que le manque de transparence sur le contenu de la
formation reçue complique l’affaire, puisqu’il est difficile pour les
intervenants de faire des suggestions[152]. La nécessité d’accroître la
transparence de la formation offerte a aussi été soulignée dans le mémoire de
l’Association du Barreau canadien[153].
Pour sa part, Cheryl Robinson, avocate associée chez Mamann, Sandaluk &
Kingwell LLP, a ajouté que les approches disparates des commissaires sont une
preuve qu’il y a des lacunes dans la formation, comme l’est aussi la
persistance des « approches négatives » des commissaires, malgré
« la formation présente, quelle qu’elle soit[154] ».
Lorsque le Comité lui a demandé si, de façon générale, les commissaires
recevaient une formation suffisante pour faire leur travail, Mme Roushan
a répondu : « Je dirais : pas du tout[155]. »
Mme Roushan a donné comme exemple le cas d’une commissaire qui
ne comprenait pas l’impact des actes de violence sur une demandeuse, ce qui
dénotait un manque de connaissance des Directives de la Commission sur le sexe a. Amélioration de la formation de sensibilisationPlusieurs témoins ont accueilli favorablement
l’entrée en vigueur, en 2017, des directives sur l’OSIGEG, dont l’impact
initial est prometteur[157].
Mais d’autres intervenants soutiennent qu’il reste des choses à améliorer Dans son mémoire au Comité, le Réseau juridique
canadien VIH/sida recommande que la formation de sensibilisation aux questions LGBTQ s’étende sur plusieurs jours et qu’y participent des personnes
des pays sources de réfugiés[159].
Maurice Tomlinson, analyste principal des politiques, Réseau juridique canadien
VIH/sida, a expliqué que la première journée de formation devrait être consacrée
à la théorie et que le deuxième jour, en plus des études de cas, « nous
devrions faire venir des personnes des collectivités touchées pour interagir
avec les membres de la CISR qui reçoivent la formation[160] ». M. Tomlinson, faisant référence à son expérience de formateur en sensibilisation,
a précisé que le « changement de culture » demandé pendant cette
formation « ne se fait pas en trois heures[161] ».
Pour sa part, Kimahli Powell, directeur exécutif, Rainbow Railroad,
soutient qu’à elle seule, la section 3[162] des Directives OSIGEG devait être
examinée en profondeur et qu’une formation courte ne donne pas assez de temps
aux commissaires pour vraiment « examiner cette section des directives Enfin, Mme Jordan, l’une des personnes
ayant conçu et livré la formation de sensibilisation à la Commission, a
mentionné qu’elle avait demandé qu’on prolonge la période de formation, puisque
selon elle, « [d]e toute
évidence, trois heures, ce n’est pas suffisant[166] ».
Un peu comme c’est le cas pour M. Tomlinson, elle a déclaré qu’on ne
pouvait, en si peu de temps, veiller au changement d’attitude ou de valeurs
nécessaire et qu’il fallait, pour y parvenir, « une formation beaucoup
plus soutenue[167] ».
Mme Jordan a exprimé le désir de voir « des éléments
beaucoup plus participatifs qui donneraient aux membres de la Commission
l’occasion de s’exercer à formuler des questions, à effectuer une analyse et à
obtenir une rétroaction immédiate[168] ».
Elle a ajouté qu’une fois que les commissaires avaient eu l’occasion de
comprendre et de mettre en pratique les notions initiales, il serait fort utile
d’enregistrer les exercices pour que les commissaires obtiennent une
rétroaction immédiate sur la façon de poser des questions ou d’analyser les cas Mme Robinson a ajouté que la
formation devait comprendre « ceux qui ont passé à travers le processus [d’octroi
de l’]asile aussi bien que les organismes qui travaillent auprès de ces
communautés ». Elle croit que cela pourrait se faire au moyen d’un
enregistrement ou avec l’aide des organismes respectifs[171].
L’avocate barbara findlay, qui abonde dans le même sens, estime qu’il est
impératif que la formation comprenne le point de vue des demandeurs d’asile
potentiels, que ce soit au moyen d’un comité consultatif ou de capsules vidéo Mme Houle a informé le Comité que, bien que l’approche ait peut-être changé depuis, lorsqu’elle travaillait comme conseillère juridique à la Commission, la formation était dispensée sous forme magistrale et avait une très forte teneur juridique. Elle a fait valoir que cette approche était difficile pour les commissaires qui n’avaient pas de formation juridique, au point que la matière leur semblait incompréhensible. Mme Houle a recommandé un mélange d’études de cas, d’exposés magistraux, mais aussi le développement de la connaissance de soi et de la réflexivité[175]. Mme Houle a aussi souligné l’importance de l’apprentissage expérientiel, processus par lequel l’apprenant teste ses connaissances par l’analyse de cas, observe et évalue son expérience d’apprentissage, pour ensuite évaluer de nouveau sa position après sa formation[176]. b. Formation axée sur les traumatismesLes témoins ont évoqué la nécessité de
sensibiliser les commissaires aux impacts des traumatismes et au fait qu’une
audience peut amener un demandeur vulnérable à vivre de nouveau leur traumatisme.
Mme Robinson a précisé que les audiences devant la SPR peuvent
re-traumatiser les demandeurs. Elle a expliqué qu’il arrive souvent que les
questions intrusives posées par un commissaire pour juger de la crédibilité du
demandeur re-traumatisent le témoin et inhibent sa capacité à répondre plutôt
que de l’aider à livrer un témoignage utile[177]. Pour Mme Jacobs,
sensibiliser les décideurs à l’impact des traumatismes et aux moyens d’éviter
de re-traumatiser les personnes se trouvant devant eux fait partie des quatre
éléments essentiels au bon fonctionnement de la justice administrative Selon Mme Robinson, les professionnels de la santé mentale pourraient jouer un rôle dans la formation en aidant les commissaires à mieux comprendre l’impact des traumatismes sur le témoignage d’une personne, sur sa mémoire et sur sa capacité à verbaliser. Mme Robinson a précisé qu’on devrait aussi enseigner comment lire et appliquer les rapports psychologiques, puisque c’est une « pierre d’achoppement » dans la décision d’octroyer ou non l’asile[182]. Elle a également expliqué que les commissaires n’utilisent pas tous de façon uniforme les données probantes qui leur sont présentées dans les rapports psychologiques, et qu’il serait fort utile de leur apprendre à lire ces rapports, à comprendre l’impact qu’ils peuvent avoir ou la façon dont leur contenu s’applique à telle ou telle personne[183]. c. Formation sur la crédibilité et les directives sur la crédibilitéCertains témoins ont soulevé la nécessité de mieux
former les commissaires pour ce qui est d’évaluer la crédibilité des
demandeurs. Mme Houle a déclaré que le guide élaboré par la
Commission et dont se servent les commissaires pour évaluer la crédibilité,
intitulé Évaluation de la crédibilité lors de l’examen des demandes d’asile Mme Flaherty a aussi insisté sur
l’importance de la formation pour régler le problème d’évaluation de la
crédibilité. Elle a indiqué qu’« [i]l y a un critère juridique actuel, et
il y a beaucoup d’éléments de jurisprudence que les tribunaux et tous les
tribunaux administratifs du pays utilisent pour évaluer la crédibilité M. Rehaag, cependant, bien qu’il préconise la création de lignes directrices sur la crédibilité, a avancé qu’elles ne devaient pas être axées sur la jurisprudence actuelle. Il a expliqué que « les lignes directrices ne doivent pas chercher à fournir une recette sur la façon de procéder à des évaluations de la crédibilité qui seront confirmées par la SAR et la Cour fédérale. Elles doivent plutôt chercher à améliorer le processus décisionnel[197] ». Dans son plaidoyer pour une combinaison de lignes directrices sur la crédibilité et de formation, M. Rehaag a maintenu qu’il fallait rappeler aux commissaires que :
À l’instar des témoins qui, à la section précédente, préconisent une formation participative et des études de cas pour la formation de sensibilisation, M. Rehaag a fait savoir que la formation sur la crédibilité devrait inclure une composante d’apprentissage expérientiel. M. Rehaag a fait valoir que « [l]es décideurs devraient ainsi prendre part à des expériences qui font ressortir dans quelle mesure leurs évaluations de la crédibilité sont peu fiables et souvent fondées sur des facteurs inconscients et arbitraires[200] ». Enfin, Mme findlay a suggéré que la formation devrait comprendre des consignes au sujet des méthodes employées pour poser des questions. Pour mettre en contexte la difficulté du travail des commissaires, Mme findlay a expliqué qu’ils devaient « poser des questions de nature extrêmement délicate et évaluer les réponses du point de vue de la crédibilité [alors qu’ils savent] que la personne a peut-être dû mentir toute sa vie pour rester vivante. Ce n’est pas chose facile, alors [une] formation qui touche particulièrement la façon de poser ces questions [est nécessaire][201] ». Le Comité reconnaît que l’impact initial des directives sur l’OSIGEG et de la formation s’y rattachant a été positif. Néanmoins, le Comité reconnaît aussi que pour avoir un effet de plus grande portée, la formation de sensibilisation doit se donner sur de plus longues périodes et comprendre des exercices de simulation. Le Comité reconnaît l’importance d’une formation axée sur les traumatismes. Enfin, le Comité reconnaît la difficulté à évaluer la crédibilité et que les retards d’audience rajoutent à cette complexité. Le Comité avoue également qu’il est difficile de rectifier les évaluations par l’entremise de processus de surveillance. Le Comité recommande : D’améliorer la formation à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada Recommandation 4 Que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada s’engage à mettre sur pied un processus d’amélioration continue concernant la formation des commissaires, et plus précisément à démontrer une amélioration de leurs compétences dans les domaines suivants : a) formation de sensibilisation; b) techniques d’enquête qui tiennent compte des traumatismes; et c) évaluation de la crédibilité; et que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada examine périodiquement l’efficacité des lignes directrices relatives à la formation de la Commission, y compris les lignes directrices relatives à l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre, en tant qu’outils d’éducation et de formation. D’assurer un perfectionnement professionnel continu et obligatoire des commissaires Recommandation 5 Que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada mette en place une politique plus rigoureuse concernant le perfectionnement professionnel continu obligatoire des commissaires, de sorte qu’ils demeurent au courant des pratiques exemplaires et des normes dans chacun des champs de compétence requis, y compris la législation pertinente, les décisions judiciaires et l’équité procédurale, qu’une évaluation de la compréhension du commissaire et de son application de cet apprentissage constitue une part importante de son examen annuel, et que des programmes individuels soient conçus pour les commissaires ayant besoin d’une formation additionnelle ou de mentorat. En outre, que l’ensemble des lignes directrices et des outils de formation soit continuellement évalué et amélioré afin d’assurer une amélioration continue. d. Formation de suivi et formation axée sur les plaintesPlusieurs témoins ont évoqué l’importance de la
formation continue dans divers contextes. En ce qui concerne le suivi à la
formation initiale, Mme Robinson a souligné l’importance, après
avoir eu l’occasion de mettre la formation à l’essai, de se réunir pour
discuter de la façon dont les commissaires ont appliqué leur formation et des domaines
dans lesquels ils éprouvent des difficultés. Mme Robinson est
d’avis que ce serait aussi « un moment idéal pour que ces commissaires
écoutent leurs propres enregistrements d’audiences passées afin qu’ils puissent
entendre eux-mêmes de façon objective comment ils ont abordé une série de
questions ou un cas difficile ». Elle pense que « [l]es commentaires sur l’application de la
formation permettraient à ces commissaires de vraiment parfaire et
perfectionner leurs compétences et leur formation[202] ».
M. Tomlinson a fait observer que les demandeurs ou leur avocat devraient
avoir l’occasion, après leur audience, de faire des commentaires pouvant
améliorer les questions des commissaires sans que cela nuise à leur demande M. Aterman a informé le Comité qu’il est arrivé que les commentaires fournis à la Commission soient incorporés à la formation donnée aux commissaires. Il a relaté, par exemple, que des recommandations découlant d’une vérification externe récente de la SAR avaient été intégrées à la formation que reçoivent les commissaires sur la façon de rédiger les motifs de leurs décisions. M. Aterman a précisé que « [l]a formation qui a suivi [la vérification externe] visait à simplifier les motifs écrits. Voilà un exemple concret des résultats de ce processus de rétroaction[204] ». e. Tester les connaissances acquises par les commissairesCertains témoins ont préconisé que l’on vérifie si les commissaires avaient bien assimilé la formation reçue à la suite d’une plainte contre eux. Mme Robinson a dit que s’il n’y a pas de suivi pour évaluer cette formation, les demandeurs d’asile qui se retrouvent par la suite devant ce même commissaire pourraient servir de cobayes, car on ignore encore si la formation a donné quelque chose. À titre d’exemple, elle a ajouté que d’autres ordres professionnels avaient créé « un mécanisme de rétroaction » selon lequel les gens sont réintégrés dans leur poste seulement avec une supervision ou un suivi[205]. Enfin, Mme findlay a affirmé qu’il devait y avoir une certaine forme de suivi structuré et d’évaluation, comme un examen ou une évaluation à la fin de la formation[206]. M. Aterman a fait remarquer que l’évaluation annuelle du rendement des commissaires donnait l’occasion de faire ce suivi. Il a expliqué que le gestionnaire d’un commissaire saurait quelle formation il devait suivre à la suite d’une plainte et qu’il devrait alors vérifier si la formation a été efficace ou non[207]. f. Insuffisance du mentoratMme Warner supervise les activités
de représentation et les relations de travail de la majorité des décideurs
syndiqués de la Commission. Elle a déclaré que, selon son expérience de travail
à la Commission et selon ce qu’elle entend des décideurs, ils reçoivent
amplement de formation[208].
Toutefois, Mme Warner a signalé que le syndicat avait souvent
discuté du mentorat continu avec la Commission. Elle a souligné qu’il ne
suffisait pas « d’être accompagné une ou deux fois et d’être observé une
ou deux fois [dans une salle d’audience] C. Processus de plainte>La Commission s’est dotée
d’un mécanisme de plainte selon lequel toute personne 1. Code de déontologie des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du CanadaMme Jacobs a informé le Comité que les codes déontologiques étaient relativement nouveaux dans le droit administratif, et que là où il y en avait au Canada, ils prévoyaient rarement un processus de plainte, l’exception étant le Conseil de la justice administrative du Québec. Mme Jacobs a fait remarquer qu’« [e]n un sens, il faut féliciter la CISR d’avoir entrepris d’ouvrir un nouveau domaine de traitement des plaintes[217] ». Tous les commissaires à temps plein et à temps
partiel, peu importe la section où ils sont affectés, qu’ils soient
fonctionnaires nommés au titre de la Loi sur l’emploi dans la fonction
publique ou des personnes nommées par décret, sont assujettis au Code de
déontologie. Le Code de déontologie fixe les normes de comportement régissant
les responsabilités professionnelles et éthiques des commissaires
Dans sa correspondance au Comité, la Commission a
indiqué qu’il était difficile de catégoriser les plaintes et qu’elles
reposaient souvent sur plus d’un motif. Néanmoins, les trois quarts des
plaintes environ reçues depuis 2009 portaient sur les motifs de
« courtoisie et respect » et d’« équité et justice naturelle 2. Statistiques sur les décisions et les plaintesM. Aterman a informé le Comité qu’en 2017,
224 commissaires relevant des quatre sections de la Commission ont rendu un
total de 43 153 décisions[221]. Il a ajouté que depuis 2009, « environ 490 commissaires
ont travaillé ou travaillent au sein de la Commission à titre de décideurs, et
depuis 2009, ces individus ont rendu au total 425 144 décisions Tableau 1 - Plaintes annuelles contre les commissaires depuis 2009
Note : Le tableau a été créé à partir de la correspondance que la Commission a envoyée au Comité[224]. Bien que les chiffres fournis par M. Aterman et la Commission montrent un faible ratio de plaintes par rapport au nombre de décisions rendues, Asiya Jennifer Hirji, avocate, a soutenu que le système de plainte actuel dépend trop des plaintes déposées par les avocats spécialistes de l’immigration. Mme Hirji a dit soupçonner que les plaignants ne se représentent pas eux-mêmes et que ces personnes potentiellement vulnérables « ne sont pas au courant des recours qui s’offrent à elles, et […] ne s’en prévalent pas non plus ». Elle a aussi fait remarquer que « [d]e nombreux membres du Barreau ne présentent pas de plaintes parce qu’ils ne sont pas au courant du processus[225] ». 3. Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires (décembre 2012–décembre 2017)Comme on l’a vu plus haut, les plaintes contre les
décideurs déposées dans le cadre du Protocole relatif aux questions
concernant la conduite des commissaires[226] étaient reçues et au départ tranchées
par le gestionnaire régional du commissaire concerné. Le gestionnaire évaluait
la plainte, menait une enquête puis rendait une décision. Si le plaignant
n’était pas satisfait de la décision, il pouvait demander que le vice-président
la révise. Si le plaignant n’était pas satisfait de la décision du
vice-président, il pouvait demander que le président la révise. En parlant de
la procédure, M. Aterman a expliqué qu’« [i]l s’agissait d’un processus très hiérarchisé. Il était diffus en ce
sens qu’il y avait des incohérences entre les régions quant à la façon dont les
plaintes étaient traitées[227] ».
M. Aterman a souligné que selon ce protocole, la personne responsable d’enquêter
« était un peu trop proche de la personne visée par l’enquête 4. Révision du protocole de plainte et de consultationEn 2016, le président de la Commission a décidé de réviser le protocole de plainte et, en 2017, la Commission a demandé l’avis d’intervenants. Dans une lettre au Comité, la Commission a énuméré les intervenants consultés :
La Commission a donné des exemples de recommandations formulées par les intervenants dans la nouvelle Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire[232] de la Commission[233] :
D’autres recommandations des intervenants n’ont pas été retenues[234] :
5. Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire en date du 21 décembre 2017On peut prendre connaissance de la procédure
actuelle d’examen des plaintes sur le site Web de la Commission, sous
l’intitulé Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire a. Réception des plaintes et accusé de réceptionÀ la réception d’une plainte par la Commission, le Bureau de l’intégrité envoie un accusé de réception au plaignant. Une copie de la plainte est transmise au commissaire visé[236]. Si la plainte à l’endroit d’un commissaire a trait à la partialité dans une affaire, l’allégation de partialité est alors portée à l’attention du président de l’audience dès la première occasion raisonnable. Normalement, une plainte n’est pas traitée tant que l’affaire devant le commissaire visé par la plainte n’est pas réglée[237]. b. Résolution informelle ou recommandation au présidentDans les cas où il le juge approprié, le directeur du Bureau de l’intégrité tente de régler de façon informelle la plainte en trouvant une solution satisfaisante pour les deux parties. Après examen de la plainte, le directeur du Bureau de l’intégrité formule une recommandation au président dans laquelle il détermine si la plainte est liée à la conduite d’un commissaire, si la plainte est suffisamment grave pour qu’il y soit donné suite ou si elle serait mieux traitée dans le cadre d’un autre processus. c. Décision du président de rejeter une plainte ou de passer à la prochaine étapeLe président peut rejeter la plainte s’il conclut qu’elle n’est pas couverte par la procédure ou qu’elle n’est pas suffisamment grave pour qu’il y soit donné suite au moyen d’une enquête. Si au contraire la plainte est couverte par la procédure et suffisamment grave, le président peut renvoyer la plainte au directeur du Bureau de l’intégrité pour enquête. Dans certaines circonstances exceptionnelles, le président peut renvoyer la plainte à une autre personne, notamment un enquêteur externe[238]. Enfin, le président peut refuser de traiter la plainte si celle-ci peut être mieux traitée dans le cadre d’un autre processus. Si le président rejette la plainte ou refuse de la traiter au motif qu’elle serait mieux traitée dans le cadre d’un autre processus, les motifs de sa décision sont communiqués au plaignant et au commissaire visé par la plainte. d. EnquêteSi le président renvoie la plainte au directeur du Bureau de l’intégrité ou à une autre personne, comme un enquêteur externe, le directeur ou l’autre personne effectue une enquête et rédige un rapport d’enquête. Le plaignant et le commissaire visé par la plainte sont informés que la plainte a été renvoyée au directeur du Bureau de l’intégrité, à un enquêteur externe ou à une autre personne qui mènera l’enquête et rédigera le rapport. e. Rapport d’enquêteLe rapport d’enquête présente des constatations de fait, des analyses et des conclusions, y compris une conclusion quant à savoir s’il y a eu manquement au Code de déontologie. Le rapport est transmis au président pour qu’il rende une décision. L’identité du plaignant, du commissaire visé par
la plainte et celle de toute autre personne est protégée, dans la mesure où il
est possible de le faire, « compte tenu des principes d’équité procédurale
de même que des exigences de la Loi sur la protection des renseignements
personnels et de la Loi sur l’accès à l’information f. Lecture du rapport et décisionLe président décide de souscrire ou non aux conclusions du rapport d’enquête et détermine s’il y a eu manquement au Code de déontologie. Le président informe le plaignant et le commissaire visé par la plainte s’il y a eu manquement au Code de déontologie ou non, leur fait parvenir les motifs de sa décision et prend les mesures de suivi qu’il juge appropriées, y compris des sanctions. g. Publication des résultatsChaque année, la Commission publie sur son site Web un rapport faisant état de toutes les plaintes déposées au cours de l’année précédente. Ce rapport peut comprendre une description de la nature des plaintes, les mesures prises pour y donner suite et la décision rendue, mais ne comprend aucun renseignement permettant d’identifier les personnes. h. Besoins particuliers des personnes vulnérablesLa procédure prévoit que la Commission, lorsqu’elle examine les plaintes, « déploiera tous les efforts possibles pour répondre aux besoins particuliers des personnes vulnérables ayant déposé une plainte lorsque ces besoins lui sont communiqués[240] ». i. Poursuite d’une enquête après le départ d’un commissaireDes témoins ont parlé de ce qui arrivait aux enquêtes sur des manquements allégués au Code de déontologie une fois qu’un commissaire avait quitté la Commission. Lors de sa comparution du 20 mars 2018 devant le Comité, M. Aterman a déclaré que dans les cas de plaintes visant un commissaire qui avait quitté la Commission, la question est jugée comme étant terminée. Il a expliqué que toute enquête juste requiert « la participation d’une entité neutre qui tient compte des deux parties » et que « [l]orsqu’une partie n’est plus là, on ne peut pas clore l’enquête[241] ». Toutefois, dans une lettre du 13 avril 2018 adressée au Comité, M. Aterman a signalé que la Commission pourrait profiter de leçons institutionnelles en poursuivant les enquêtes malgré le départ du commissaire visé par des plaintes. D’ailleurs, la Commission envisage de modifier sa procédure de plainte afin de mener toutes les enquêtes à terme, même si les commissaires concernés ont quitté leur poste. M. Aterman reconnaît qu’en plus de faire ressortir les problèmes systémiques éventuels, cette façon de faire permettrait aussi de résoudre toutes les plaintes. Or, il a fait remarquer que la Commission n’avait pas le pouvoir de sommer un ancien commissaire de se soumettre à une enquête. C’est pourquoi les anciens commissaires pourraient être invités à présenter leur version de l’histoire à la Commission. S’ils refusent, la Commission pourrait « aller de l’avant et tirer des conclusions malgré cela[242] ». 6. Autres mécanismes de responsabilisation à la Commissiona. Examens annuels du rendement des commissairesMme Hirji a déploré le fait que la
Commission semble réticente à se mêler de façon proactive de la conduite des
commissaires et a avancé que la Commission ne devrait pas se fier aux avocats
spécialistes de l’immigration pour le dépôt des plaintes[243].
M. Aterman a informé le Comité que la Commission soulève effectivement des
questions au sujet de la conformité au Code de déontologie lors de l’examen
annuel du rendement des commissaires. Il a expliqué que lors de cette
évaluation, les gestionnaires observent souvent les audiences, écoutent les
enregistrements des audiences et lisent les décisions rendues par les
commissaires. Il a ajouté que les gestionnaires évaluaient aussi la façon dont
les commissaires traitaient les personnes qui comparaissaient devant eux et
jugeaient de leur respect. Enfin, M. Aterman a souligné que les
gestionnaires se penchent aussi sur « les indicateurs statistiques de
rendement, comme le nombre de cas réglés et la vitesse à laquelle ils l’ont été M. Aterman a décrit ce qu’il cherche quand il procède à une évaluation du rendement : Lorsque j’évalue un commissaire, je ne vérifie pas la manière dont il fait son travail. Je ne lui dis pas qu’il aurait dû approuver telle demande ou rejeter telle autre. Je vérifie s’il a fait preuve de respect, s’il a rendu le processus accessible aux personnes visées et s’il a agi de manière efficace. Je vérifie comment il participe notamment aux activités de perfectionnement professionnel. Je ne lui dis pas qu’il a commis une erreur en acceptant une décision ou en en rejetant une autre b. Évaluation externeM. Aterman a aussi informé le Comité de
l’existence d’une évaluation externe régulière visant à mesurer le rendement
des sections, et que la SAR avait récemment subi cette évaluation.
Greg Kipling, directeur général, Politiques, planification et affaires
ministérielles à la Commission, a expliqué que cette évaluation avait cours
depuis plusieurs années. L’évaluation porte sur les pré-audiences, les
audiences elles-mêmes et les post-audiences pour déterminer, entre autres, si
les décisions étaient faciles à comprendre et si les dossiers étaient bien
préparés avant les audiences. M. Kipling a précisé que l’évaluation ne
portait pas sur le rendement individuel des commissaires, mais plutôt sur les
questions systémiques. Il a conclu en disant que cette évaluation avait permis
de dégager des tendances que la Commission pouvait améliorer et que
« [n]ous avons réglé plusieurs problèmes qui ont été soulevés ainsi c. VérificationM. Aterman a déclaré qu’à la découverte d’un problème systémique, le président pouvait demander qu’on procède à une vérification externe. À titre d’exemple, il a évoqué la vérification effectuée par l’ancien président sur les décisions relatives aux détentions à long terme. La vérification faisait suite à des jugements rendus par la Cour fédérale et les cours supérieures, qui avaient vertement critiqué le recours, par la Section de l’immigration, aux détentions à long terme. M. Aterman a dit que ces vérifications, bien qu’exceptionnelles, constituent « un outil dont dispose l’organisation[247] ». 7. Lacunes du système actuela. Procédure de plainte et contrôle judiciaireLes témoins ont discuté de l’importance de distinguer entre la procédure d’examen des plaintes, d’une part, et le processus d’appel et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, d’autre part. En ce qui concerne la portée de la Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire, M. Aterman a précisé que : …le Code de déontologie vise à établir des normes régissant la manière dont un commissaire doit se conduire. Le Code et le processus de traitement des plaintes ne sont pas en place pour examiner la décision du commissaire, pour déterminer si la décision était fondée ou non en droit. Cette question relève de la Cour fédérale, et non de la Commission La Commission a renforcé cette assertion dans sa
correspondance au Comité, déclarant que le fait d’établir un lien entre les
sanctions pour l’inconduite d’un commissaire avec le jugement rendu sur le
mérite des décisions qu’il rend sur l’octroi de l’asile enfreindrait la règle
de droit et remettrait en question les mécanismes d’examen choisis par le
Parlement[249]. Mme Flaherty abonde en ce
sens et estime que les griefs faisant partie de la procédure de plainte doivent
éviter toute ingérence dans le contenu des décisions. Elle a signalé que
l’appel ou le contrôle judiciaire d’une décision servait à déterminer si le
contenu d’une décision était exact. Elle a aussi affirmé que « [l]es
tribunaux ont été précisément chargés d’évaluer le caractère approprié du
contenu de la décision, et ils sont le mieux outillés pour le faire Mme Roushan ne souscrit pas à la distinction faite par M. Aterman entre les questions résolues par le processus de plainte de la Commission et par le contrôle judiciaire. Mme Roushan a en effet déclaré que l’article 13 du Code de déontologie exige des commissaires qu’ils connaissent la loi, l’article 14 qu’ils soient cohérents dans leur prise de décision, et l’article 20 qu’ils maintiennent un niveau très élevé de compétence et d’expertise professionnelles. Elle a souligné que l’aspect de la compétence, à l’article 20, exige qu’ils « connaissent le droit, la situation dans les pays étrangers et les faits des affaires dont ils sont saisis ». Elle a ajouté que lorsque les commissaires ne satisfont pas aux exigences énoncées dans ces articles, « les seuls recours qui s’offrent à nous sont les plaintes » et que le système de plainte n’était pas suffisamment indépendant, transparent et adapté aux besoins des demandeurs[251]. Cependant, Mme Flaherty a affirmé qu’un processus de plainte qui fonctionne en parallèle aux tribunaux peut éventuellement entraîner des complications. Par exemple, elle a fait valoir qu’en plus du temps et des ressources qu’il fallait consacrer pour répondre aux contestations déposées en différents lieux, il peut y avoir de la confusion si les deux processus en arrivent à des conclusions divergentes. Mme Flaherty a aussi dit qu’un processus de plainte exagéré pourrait compromettre l’impartialité et l’indépendance des commissaires. Elle a précisé qu’un « processus de plainte concernant le contenu d’une décision peut être interprété comme des pressions indues, en ce sens que les commissaires peuvent avoir l’impression qu’ils s’exposent à des sanctions s’ils tranchent dans un sens particulier[252] ». À cause de cela, la décision administrative serait susceptible d’être contestée au moment du contrôle. b. Participation du président par rapport à un décideur externePendant les audiences du Comité, il a beaucoup été question du rôle qui revient au président dans le processus de plainte. En effet, comme on l’a vu plus haut, le président peut rejeter une plainte, la renvoyer pour enquête, accepter ou rejeter le rapport d’enquête et décider si des sanctions s’imposent et lesquelles, le cas échéant. Certains témoins ont soutenu que les plaintes devraient être renvoyées à un décideur ou à un groupe d’arbitres indépendants, tandis que d’autres ont plutôt préconisé de maintenir le rôle actuel du président. Mme Hirji a déploré le manque d’indépendance des décideurs dans le processus de plainte de la Commission. Elle a déclaré que les personnes qui examinent les plaintes devraient être indépendantes de la Commission, qu’elles ne devraient pas interagir avec les commissaires et qu’elles devraient travailler à l’extérieur des bureaux de la Commission[253]. Mme Roushan a quant à elle suggéré un processus de plainte indépendant composé de trois experts sélectionnés parmi des candidats[254]. Mme Jacobs s’est dite d’avis que le président ne devrait pas prendre la décision finale sur les plaintes pour inconduite. Selon elle, le fait que le président participe aux décisions portant sur l’inconduite des commissaires ne contribue pas à rétablir la confiance du public, et « des questions seront toujours soulevées quant à savoir si un président donne préséance à des décisions qui protègent l’image du tribunal[255] ». Mme Robinson a pour sa part fait remarquer que « [m]ême si la personne est animée des meilleures intentions, je pense que quiconque se retrouve dans un tel conflit d’intérêts — comme le président — aurait du mal à rendre des décisions complètement impartiales[256] ». Mme Jacobs a ensuite dit que dans
un processus de plainte exemplaire, il devrait y avoir un comité d’enquête et
une autre personne pour prendre la décision finale (autre que le président), à
qui les enquêteurs présenteraient leurs recommandations. Les enquêteurs autant
que le décideur ultime pourraient provenir de la même entité examinatrice, comme
on le voit, par exemple, au Conseil de la justice administrative du Québec;
toutefois, elle estime que le décideur final devrait être distinct et
indépendant du comité d’enquête. Elle a précisé que le fait d’avoir un décideur
indépendant « évite le genre de problèmes que nous voyons à la CISR »
et que la participation du président risque d’interférer avec l’indépendance
décisionnelle des commissaires[257]. Selon Mme Jacobs, cet
aspect « procède d’une longue jurisprudence en droit administratif, où
l’on considère qu’il y a violation de l’indépendance d’un décideur lorsque le
président ou quiconque exerce une influence indue sur les décisions prises Quant à savoir si la décision finale devrait
revenir à un groupe ou à une seule personne, Mme Jacobs a déclaré
qu’au Québec, on avait eu recours à un comité réunissant des membres de
plusieurs tribunaux administratifs, tandis qu’ailleurs, c’était un seul
commissaire à l’intégrité. Elle a soutenu que pour trancher cette question, il
s’agissait de déterminer dans quelle mesure il faut, à l’étape de la décision
finale, compter sur un décideur qui comprend les rouages internes de l’organe
et qui peut transmettre cette connaissance. Mme Jacobs a ajouté
que, dans des processus comme ceux‑là, il n’est pas nécessaire d’avoir
des connaissances spécifiques, mais qu’une seule personne, à titre de tierce
partie indépendante possédant des notions d’éthique, peut faire le travail Mme Houle s’oppose à la nouvelle
procédure de plainte pour d’autres motifs. Elle a fait valoir que le
paragraphe 176(1) de la LIPR prévoit déjà un cadre de résolution de
plainte applicable aux personnes nommées par le GEC et que la procédure de la
Commission pour les personnes nommées à la SAR et à la SAI allait à l’encontre
de ce paragraphe. Selon Mme Houle, vis-à-vis de ces
commissaires, le président n’a pas le pouvoir d’amorcer une enquête ni de
déléguer cette tâche au directeur de l’intégrité[260].
Citant le même paragraphe pour une autre question, M. Aterman a uniquement
reconnu que la disposition empêchait la Commission d’exercer le pouvoir
particulier de renvoyer en guise de sanction une personne nommée par le GEC D’un tout autre avis, M. Ellis a soutenu,
dans son mémoire remis au Comité, que personne n’a autant intérêt à disposer de
« commissaires compétents et dignes de confiance » que le président
et que la proposition d’un processus externe est « mal avisée Enfin, M. Ellis a suggéré l’ajustement suivant au processus : Une modification qui, à mon avis, pourrait éventuellement être envisagée serait que le président communique les décisions définitives rendues dans le cadre du processus de traitement des plaintes à un comité de représentants principaux de la CISR présidé par son président, peut-être sous forme d’un « comité de l’intégrité » permanent, composé de trois commissaires, et exigeant la majorité pour trancher chaque question[267]. M. Ellis a dit douter de la faisabilité d’un
processus de plainte indépendant externe. Il a soutenu qu’un processus externe
n’était pas aussi simple que le laissaient entendre d’autres témoins, puisque
cela suppose en fait de mettre en place un tribunal[268].
Selon M. Ellis, les commissaires visés par une plainte verraient leur
carrière et leur réputation mises en jeu et devraient retenir les services d’un
avocat. Il a expliqué qu’entre autres, un processus externe devrait être
équitable et objectif, doté d’un processus d’appel et autoriser la Commission à
être partie à la procédure. Enfin, M. Ellis a soulevé diverses questions
relatives au fonctionnement d’un processus indépendant, à savoir qui
administrerait le processus, qui sélectionnerait les personnes nommées, quelles
seraient les qualifications requises et de quelles règles de procédure aurait‑on besoin M. Ellis s’est aussi dit préoccupé concernant
les plaintes « sur les dynamiques internes et sur la force de la
CISR », de même que « sur l’indépendance des décideurs individuels Comme des préoccupations quant au processus d’examen des plaintes ont été soulevées par des personnes courageuses et rapportées par les médias, la CISR a apporté d’importantes modifications à son processus de traitement des plaintes, de sorte qu’il soit mieux géré du point de vue de la gestion des ressources humaines et dans l’intérêt du public. De nombreux témoins ont demandé que le processus soit à nouveau modifié de manière à le rendre entièrement indépendant du président de la CISR, mais d’autres ont par ailleurs affirmé que le président de la CISR devrait porter la responsabilité ultime de l’intégrité de la Commission et qu’il devrait rendre des comptes dans l’intérêt du public. Par ailleurs, des préoccupations ont été soulevées quant au fait que l’objectif premier de la Commission est d’assurer que des décisions compétentes sont rendues avec indépendance et intégrité, d’une façon qui préserve la crédibilité de la CISR et de ses processus. Il reste à voir si le nouveau processus aura rétabli la crédibilité de la CISR. Cependant, la perception de la nécessité que les processus de traitement des plaintes soient réglés de façon indépendante du tribunal administratif est une question qui touche l’ensemble des tribunaux administratifs fédéraux. La solution à cette question de la nécessité d’une surveillance judiciaire indépendante devrait être abordée au moyen d’une approche pangouvernementale. Le niveau de surveillance doit correspondre au niveau d’autorité que détient le décisionnaire. Le Comité recommande : D’établir un comité d’examen fédéral indépendant pour les plaintes contre tous les arbitres nommés par le gouvernement fédéral Recommandation 6 Que le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire du Bureau du Conseil privé, mette sur pied un groupe de travail formé de représentants de tous les ministères dont le portefeuille touche la surveillance des tribunaux administratifs fédéraux, afin qu’il étudie la nécessité de constituer un comité d’examen indépendant des plaintes du public contre les arbitres désignés par le gouvernement fédéral, ce qui comprend les commissaires de la CISR, et afin qu’il évalue s’il convient d’assujettir les processus de traitement des plaintes contre des fonctionnaires et des personnes nommées par le gouverneur en conseil à l’intérieur du cadre des tribunaux administratifs fédéraux à des niveaux ou à des types d’examens différents. c. Liste de sanctionsMme Jacobs estime que l’existence de « sanctions » compte parmi les quatre éléments constitutifs de tout code de déontologie se voulant efficace[274]. Mme findlay a aussi souligné l’importance de disposer d’une liste publique de sanctions et a dit qu’à moins que les commissaires ne connaissent les conséquences de leur comportement et sachent qu’ils devront en rendre compte publiquement, un comportement approprié se conçoit uniquement comme « quelque chose qui concerne la façon dont vous faites votre travail », par opposition à quelque chose qui s’inscrit dans
les normes régissant votre travail et comportant des conséquences À titre d’exemple, Marilyn King, greffière au Conseil d’évaluation des juges de paix, a informé le Comité que les sanctions auxquelles les juges de paix s’exposent en cas d’inconduite sont énoncées dans la Loi sur les juges de paix. Mme King a déclaré : Après l’audience, si on conclut à une inconduite judiciaire, les décisions possibles incluent un avertissement, une réprimande, un ordre d’excuse, la prise de mesures spéciales, comme la poursuite d’études ou la participation à un traitement comme condition pour continuer à siéger comme juge de la paix, une suspension sans solde pour une période maximale de 30 jours, une suspension avec solde ou sinon, une recommandation de révocation présentée au procureur général[277]. M. Aterman a mentionné qu’il croyait que les
commissaires savent que les sanctions pour manquement au Code de déontologie
varient entre la réprimande, l’obligation de suivre une formation, l’expulsion
de la salle d’audience et la destitution[278]. Néanmoins, il a précisé
qu’il serait possible de modifier le protocole pour y énoncer la gamme possible
des sanctions que la Commission peut imposer, que ce soit à l’endroit des
commissaires qui sont des fonctionnaires ou de ceux qui sont nommés par décret Le Comité reconnaît que le fait de disposer d’une liste publique de sanctions pour manquement au Code de déontologie contribue à la transparence. Le Comité recommande : De modifier le Code de déontologie s’appliquant aux commissaires Recommandation 7 Que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada instaure un processus ouvert et transparent pour l’amélioration continue de son Code de déontologie, et que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada publie dans son code les sanctions possibles qui pourraient être imposées à un commissaire en cas d’infraction. d. Examen du système de plainte après un anAvec l’entrée en vigueur récente du nouveau
processus de plainte, et comme on envisage bientôt de faire examiner la
procédure à l’externe, les témoins doutent qu’il soit utile de modifier le
système avant de recevoir de la rétroaction de l’examinateur externe.
M. Rehaag a dit qu’il fallait donner au nouveau système « un peu de
temps […] pour qu’il suive son cours[280] ». M. Brouwer a
fait observer que le nouveau processus relevait de la compétence de la
Commission et qu’il servait à éviter tout empiétement sur l’indépendance des
décideurs. Il a ajouté qu’il représente « un progrès majeur pour la
Commission et il mérite d’être essayé avant d’être rejeté du revers de la main Le Comité reconnaît les mesures récentes prises par la Commission pour réformer son processus de plainte et reconnaît que la nouvelle Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire est en vigueur seulement depuis le 21 décembre 2017. Le Comité reconnaît aussi que la vérification externe qui doit avoir lieu un an après son entrée en vigueur pourrait nous aider à comprendre les avantages et inconvénients de la nouvelle procédure. Le Comité recommande : D’examiner le processus de traitement des plaintes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada et faire rapport à ce sujet Recommandation 8 Que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada présente au Comité en février 2019 un rapport complet sur l’état des plaintes déposées contre des commissaires dans le cadre du processus actuel de traitement des plaintes, et que la Commission réalise un examen approfondi du processus actuel de traitement des plaintes, avec un accent particulier sur le besoin d'indépendance dans le processus d'enquête et de règlement des plaintes, dans les trois ans. [1] [2] Peter
Small, « [3] Brian
Hill et Andrew Russell, « [4] Commission de l’immigration et du statut de réfugié
[CISR], « Mandat », [5] CIMM, [6] Ibid.; CIMM, [7] Ronald Ellis, Unjust by Design: Canada’s Administrative Justice System, Presses de l’UCB, Vancouver, 2013, p. 3, selon ce qui est indiqué dans le mémoire de M. Ellis présenté au Comité [en anglais seulement]. [8] Ibid., p. 191. [9] CIMM, [10] CIMM, [11] CIMM, [12] CIMM, [13] CIMM, [14] LIPR, art. 151. [15] LIPR, par. 153(2), art. 169.1 et 172. [16] LIPR, par. 96a); Nations Unies, [17] Pour plus d’information, voir Julie Béchard et Sandra Elgersma, [18] CISR, [19] LIPR, par. 108(2). [20] CISR, [21] LIPR, par. 109(1). [22] CISR, [23] CISR, réponse écrite, « Budget ». [24] LIPR, par. 110(1). [25] LIPR, al. 110(2)a). L’étranger désigné est une personne faisant partie du groupe dont l’arrivée est jugée irrégulière par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. [26] LIPR, al. 110(2)d.1). [27] LIPR, al. 110(2)c). [28] LIPR, al. 110(2)d). [29] LIPR, al. 110(2)b). [30] LIPR, al. 110(2)e). [31] LIPR, al. 110(2)f). [32] CISR, [33] CISR, réponse écrite, « Budget ». [34] LIPR, art. 54 pour la compétence, art. 57 pour les contrôles périodiques. [35] [36] CISR, [37] CISR, [38] CISR, [39] CISR, [40] LIPR, art. 34 à 41. [41] LIPR, par. 45d). [42] CISR, [43] CISR, réponse écrite, « Budget ». [44] LIPR, art. 63. [45] CISR, [46] Ibid. [47] Ibid. [48] CISR, réponse écrite, « Budget ». [49] Ronald Ellis (2013), p. 189. [50] CIMM, [51] Ibid. [52] CIMM, [53] CISR, réponse écrite, Bassin de personnel, « David Tilson-2018-03-20 ». [54] Ibid. [55] CIMM, [56] CIMM, [57] LIPR, par. 169.1(2) et 172(2). [58] LIPR, al. 153(1)a). [59] CISR, réponse écrite, « Question 5 ». [60] Voir, par exemple, CISR, « [61] CIMM, [62] CIMM, [63] Ibid.; Sean Rehaag, [64] CIMM, [65] CIMM, [66] CIMM, [67] CISR, [68] Ibid. [69] LIPR, al. 153(1)a). [70] Avant la création du processus actuel de nomination par décret, la CISR gérait l’ensemble du processus de sélection des commissaires. Bureau du Conseil privé (BCP), réponse écrite, « Jenny Kwan-2018-03-20 », p. 1. [71] CIMM, [72] Ibid., 1220. [73] En 2017-2018, la Commission a dépensé plus de 10 millions de dollars pour les services du Secrétariat du gouverneur en conseil. CISR, réponse écrite, « Budget ». [74] CIMM, [75] Ibid., 1215. [76] Ibid. [77] Ibid. [78] Ibid., 1220. [79] BCP, réponse écrite, « Jenny Kwan-2018-03-20 », p. 2. [80] CIMM, [81] CIMM, [82] CISR, réponse écrite, « CIMM-2018-04-26 », p. 1. [83] Ibid. [84] CIMM, [85] Bien que la Commission puisse se servir plus d’une fois d’un même examen, elle en crée aussi de nouveaux. Par exemple, le dernier examen employé pour évaluer les commissaires potentiels de la SI a été créé en 2016. L’examen de la SPR utilisé au cours des derniers mois a été créé récemment et change aussi régulièrement. Les examens pour les nominations par décret sont renouvelés aux deux ans. CISR, réponse écrite, « CIMM-2018-04-26 », p. 2. [86] Ibid., p. 1. [87] Ibid. [88] CIMM, [89] CIMM, [90] Ibid., 1210. [91] CIMM, [92] Ibid.; CIMM, [93] CIMM, [94] BCP, réponse écrite, « Jenny Kwan-2018-03-20 », p. 2. [95] CIMM, [96] CIMM, [97] Ronald Ellis, [98] Ibid. [99] Ibid., pp. 2-3. [100] CIMM, [101] CIMM, [102] CIMM, [103] CIMM, [104] Ibid. [105] Ibid. [106] CIMM, [107] Ronald Ellis, [108] CIMM, [109] Ibid., 1215. [110] Ibid., 1245. [111] CIMM, [112] CIMM, [113] CIMM, [114] CIMM, [115] CIMM, [116] CIMM, [117] Ibid., 1145. [118] CIMM, [119] Ibid., 1240. [120] Ibid., 1215. [121] ABC, [122] CIMM, [123] Ronald Ellis, [124] Ronald Ellis (2013), p. 189 [en anglais seulement]. [125] Ibid., p. 201 [en anglais seulement]. [126] CIMM, [127] Ibid., 1135. [128] CIMM, [129] CIMM, [130] CIMM, [131] France Houle, Aide-mémoire, 19 avril 2018, p. 6. [132] CIMM, [133] CIMM, [134] CISR, [135] CISR, réponse écrite, « Larry Maguire-2-2018-02-27 ». [136] [137] CISR, réponse écrite, « Larry Maguire-2-2018-02-27 », p. 1. [138] Ibid., p. 2. [139] CIMM, [140] CISR, réponse écrite, « Larry Maguire-2-2018-02-27 », p. 2. [141] Ibid. [142] Ibid. [143] Ibid., p. 3. [144] Ibid. [145] Ibid., p. 2. [146] On entend par « compétences culturelles » un ensemble d’attitudes, d’habiletés et de comportements qui permettent à une personne de bien réussir dans un contexte interculturel. [147] CISR, réponse écrite, « Jenny Kwan-4-2018-02-27 ». [148] Dans sa correspondance adressée au Comité, la CISR indique que le coût salarial pour former 26 nouveaux commissaires à la SAR et formateurs est d’environ 800 000 $. Ibid. [149] CISR, réponse écrite, « Larry Maguire-2-2018-02-27 », p. 5. [150] Ibid. [151] CISR, réponse écrite, « Larry Maguire-2-2018-02-27 », p. 5. [152] CIMM, [153] ABC, [154] CIMM, [155] CIMM, [156] Ibid. [157] Par exemple, CIMM, [158] Par exemple, CIMM, [159] Réseau juridique canadien VIH/sida, [160] CIMM, [161] Ibid., 1230. [162] CISR, Directives numéro 9 du président :
Procédures devant la CISR portant sur l’orientation sexuelle, l’identité de
genre et l’expression de genre, section 3, [163] CIMM, [164] CIMM, [165] CIMM, [166] CIMM, [167] Ibid. [168] Ibid. [169] Ibid., 1245. [170] CIMM, [171] Ibid., 1115. [172] CIMM, [173] Ibid. [174] ABC, [175] Dans le contexte d’un tribunal administratif, le terme réflexivité signifie tenir compte des conséquences de l’histoire, de la culture, de l’expérience, du parti pris et des suppositions de la personne qui prend la décision. [176] France Houle, Aide-mémoire, 19 avril 2018, p. 6. [177] CIMM, [178] CIMM, [179] CIMM, [180] Ibid., 1225. [181] ABC, [182] CIMM, [183] Ibid., 1200. [184] CISR, [185] France Houle, Aide-mémoire, 19 avril 2018, p. 6. [186] CIMM, [187] Sean Rehaag, [188] M. Rehaag estime que la question que le décideur
devrait poser n’est pas « Est-ce que je crois le demandeur
d’asile? », mais plutôt « Est-ce que l’un de mes collègues pourrait
raisonnablement croire le demandeur d’asile? ». Dans l’affirmative, selon
M. Rehaag, le demandeur devrait être cru. CIMM, [189] CIMM, [190] CIMM, [191] Ibid. [192] CIMM, [193] CIMM, [194] CIMM, [195] CIMM, [196] Ibid. [197] Sean
Rehaag, [198] Ibid., p. 8. [199] Ibid. [200] Ibid. [201] CIMM, [202] CIMM, [203] CIMM, [204] CIMM, [205] CIMM, [206] CIMM, [207] CIMM, [208] CIMM, [209] Ibid., 1125. [210] Ibid. [211] ABC, [212] CIMM, [213] CISR, [214] CISR, [215] CISR, [216] CISR, [217] CIMM, [218] CISR, Code de déontologie, article 1. [219] Ibid., article 5. [220] CISR, réponse écrite, « Jenny Kwan-7-2018-02-27 ». [221] CIMM, [222] CIMM, [223] Ibid. [224] CISR, réponse écrite, « Jenny Kwan-6-2018-02-27 ». [225] CIMM, [226] CISR, [227] CIMM, [228] Ibid. [229] Ibid., 1145. [230] CISR, Lettre, 13 avril 2018, p. 2. [231] CISR, réponse écrite, « Jenny Kwan-8-2018-02-27 ». [232] CISR, [233] CISR, réponse écrite, « Jenny Kwan-8-2018-02-27 ». [234] Ibid. [235] CISR, [236] Un exemplaire est aussi envoyé au vice-président adjoint et au vice-président de la section où le commissaire travaille. [237] Dans des circonstances exceptionnelles, le président peut décider que la plainte sera traitée immédiatement, même si les délibérations devant le commissaire ne sont pas terminées. [238] CISR, [239] Ibid., section 5.13. [240] Ibid., section 5.14. [241] CIMM, [242] CIMM, [243] CIMM, [244] CIMM, [245] Ibid., 1240. [246] CIMM, [247] CIMM, [248] Ibid., 1145. [249] CISR, Lettre, 13 avril 2018. [250] CIMM, [251] CIMM, [252] CIMM, [253] CIMM, [254] CIMM, [255] CIMM, [256] CIMM, [257] CIMM, [258] Ibid. [259] Ibid. [260] CIMM, [261] CIMM, [262] CIMM, [263] Ronald Ellis, [264] Ibid., p. 4. [265] CIMM, [266] Ibid. [267] Ronald Ellis, [268] Ibid., p. 3. [269] Ibid., p. 4. [270] Ibid., p. 1. [271] Ronald Ellis, [272] Mme Houle affirme que le Conseil de la justice administrative se penche sur un volume comparable de décisions annuelles rendues par des commissaires comme ceux de la CISR. CIMM, Aide-mémoire, 19 avril 2018, p. 2 (France Houle). [273] CIMM, [274] CIMM, [275] CIMM, [276] CIMM, [277] CIMM, [278] CIMM, [279] Ibid., 1255. [280] CIMM, [281] CIMM, [282] Ronald
Ellis, |