CIMM Rapport du Comité
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INTRODUCTION
Le Canada s’est
longtemps défini par les mouvements migratoires et a accueilli de nouveaux
arrivants de partout dans le monde. Depuis le début du XXIe siècle,
il en accueille de plus en plus. En effet, entre les années 1990 et 2000, notre
pays a admis de 200 000 à 250 000 nouveaux arrivants par année,
mais entre 250 000 et 310 000 par année entre 2008 et 2018
Dans le contexte de l’augmentation du nombre d’immigrants au Canada, le gouvernement fédéral a aussi accueilli davantage de personnes ayant besoin de protection, comme les réfugiés syriens et les femmes et enfants yézidis. C’est sur cette toile de fond que le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigrations de la Chambre des communes (le Comité), en mai 2018, a entrepris une étude approfondie des défis de la migration et des possibilités pour le Canada d’assurer un leadership mondial dans ce domaine au XXIe siècle[3]. L’étude visait à examiner le traitement des demandes d’immigration à l’étranger ainsi que les processus de détermination du statut de réfugié et de recommandation des réfugiés aux fins de réinstallation. Le Comité s’est aussi penché sur les conditions de vie et les causes de déplacement des réfugiés vivant dans des camps, des communautés ou en milieu urbain. Il a aussi examiné les défis auxquels sont confrontées les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) et le rôle que le Canada peut jouer dans cette forme de déplacement[4]. Dans le cadre de son étude, le Comité s’est rendu en Tanzanie pour y visiter un bureau canadien des visas[5] au Haut-Commissariat du Canada à Dar es Salaam. Il s’est aussi rendu en Ouganda pour y visiter une communauté de réfugiés et rencontrer des réfugiés afin de mieux comprendre la réalité de ce qu’ils vivent.
En septembre 2018, le Comité a convenu d’élargir
la portée de son étude[6]. Les
causes sous-jacentes à la migration forcée ainsi que l’impact des demandeurs
d’asile et des réfugiés sur leurs pays hôtes sont des aspects importants des
défis actuels que présente la migration mondiale. Par exemple, à l’instar
d’autres pays, le Canada doit composer avec la migration irrégulière, ce qui a un
impact sur ses processus d’immigration et de détermination du statut de
réfugié. Le Comité a donc décidé d’ajouter à son étude le Pacte mondial pour
des migrations sûres, ordonnées et régulières des Nations Unies (PMM)
ainsi que le Pacte mondial sur les réfugiés (PMR)
Le Comité a déposé, le 6 décembre 2018, un rapport
provisoire intitulé
TENDANCES GÉNÉRALES EN MATIÈRE DE MIGRATION
Les mouvements migratoires n’ont certes rien de nouveau pour bon nombre de pays et de régions du monde, mais ils montent en flèche depuis quelques années. Tout d’abord, pour comprendre la magnitude des mouvements migratoires, rappelons ce qui suit :
Entre 1950 et 2015, les grandes régions de l’Europe, de l’Amérique du Nord et de l’Océanie ont été des pays receveurs nets de migrants internationaux, tandis que l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes ont été des pays pourvoyeurs nets; le volume de la migration nette a généralement augmenté durant la période[9].
En particulier, depuis 2000, la migration
internationale dans le monde a crû de 49 %, ce qui représentait, pour
l’année 2017, 258 millions (ou environ 3,4 % de la population
mondiale) de personnes vivant, de gré ou de force, ailleurs que dans leur pays
de naissance[10]. Ce
sont l’Asie et l’Europe qui en ont accueilli le plus grand nombre, soit 80 et
78 millions respectivement. L’Amérique du Nord s’est classée troisième
avec 58 millions de migrants internationaux et l’Afrique en comptait
25 millions. L’Amérique latine et les Caraïbes ainsi que l’Océanie ont
accueilli respectivement 10 et 8 millions de migrants
Ensuite, il importe de distinguer les différents
types de mouvements démographiques. Les raisons de s’établir ailleurs que dans
son pays de naissance sont multiples : étudier à l’étranger, trouver un
travail ou se rapprocher de sa famille ou de ses amis, par exemple. Certaines
personnes se voient toutefois forcées de s’exiler pour d’autres motifs, comme
la violation des droits de la personne et du droit humanitaire international,
les conflits, la discrimination, l’exploitation et la pauvreté endémique
En 2017, 68,5 millions de personnes ont été
déplacées de force dans le monde en raison de persécutions, de conflits, de
violence ou de violations des droits de la personne; c’est presque le double de
la population canadienne[13]. De
ce nombre, 40 millions étaient des personnes déplacées à l’intérieur de
leur propre pays, ou PDIP; 25,4 millions des réfugiés et 3,1 millions
des demandeurs d’asile[14]. Le
nombre de nouveaux déplacements en 2017 équivalait à une moyenne de
44 400 personnes par jour forcées de fuir leur maison, ou
31 personnes à la minute[15].
Megan Bradley, professeure à l’Université McGill, a souligné que l’on comptait
en ce moment plus de gens forcés de fuir leur foyer qu’à n’importe quel moment
depuis la Deuxième Guerre mondiale. Elle a aussi précisé que 86 % de ces 25,4 millions de
réfugiés étaient dans des pays en développement[16]. Les pays qui accueillent actuellement le plus grand nombre de
réfugiés sont la Turquie, l’Ouganda, le Pakistan, le Liban et l’Iran
Ce premier chapitre fait un survol des tendances actuelles en matière de migration, en s’attardant sur certaines régions en particulier, et explique les raisons pour lesquelles les gens se déplacent et qui ils sont.
Pourquoi les gens se déplacent-ils?
Afin de mieux comprendre les raisons derrière les migrations, le Comité a entendu le témoignage de Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), qui a déclaré que la « migration est une caractéristique déterminante du monde d’aujourd’hui[18] ». Il a expliqué que l’accroissement de la migration humaine internationale était la nouvelle norme et a cité de nombreuses causes à ce phénomène.
[P]armi les plus significatifs, il y a la quête de meilleurs débouchés économiques, la réunification des familles, les préoccupations concernant la sécurité publique et la criminalité dans le pays de naissance des migrants, ainsi que la possibilité d’échapper aux crises humanitaires, à la persécution, à l’instabilité et à la guerre. Tout cela est facilité par des frais de déplacement moins élevés à l’étranger et la disponibilité facile de l’information, et parfois de la désinformation, en ligne et dans les médias sociaux au sujet de la migration[19].
Lorsque des membres
du Comité leur ont demandé quelles étaient les principales causes de la
migration humaine, les témoins ont parlé de l’absence de démocratie et de
primauté du droit, de conflits, de changements climatiques, de discrimination,
de disparités socioéconomiques, de l’économie, de raisons environnementales,
politiques et familiales, de violence généralisée ou fondée sur le sexe, du
manque d’accès aux mécanismes judiciaires, de persécution et d’institutions
affaiblies[20]. Stéphane Vinhas, de Développement et Paix-Caritas Canada, a affirmé
qu’il existait d’autres raisons dont on parlait moins souvent, comme les
mégaprojets de développement, les grandes exploitations agroindustrielles ainsi
que l’exploitation minière, pétrolière et gazière[21]. Les témoins soutiennent aussi que
les gens se déplacent souvent pour plus d’une raison, et que les causes et les
facteurs motivant leur déplacement sont à la fois multiples et complexes
Avvy
Go, directrice de la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic (Clinique
juridique des communautés chinoise et de l’Asie du Sud-Est, ou CSALC), a fait
observer que certains de ces facteurs de migration n’étaient pas du ressort des
migrants. C’est pourquoi elle s’oppose à la catégorisation stricte entre
migrants volontaires et migrants forcés, car il arrive souvent que ce ne soit
pas l’un ou l’autre, et que le fait de les catégoriser peut être trompeur
Vartan Shadarevian, directeur général de l’Aleph Policy Initiative, a déclaré que, dans les pays en développement, plus une personne a un revenu élevé, plus elle est susceptible d’émigrer[24]. Pour sa part, Christian Friis Bach, secrétaire général du Danish Refugee Council, ou Conseil des réfugiés du Danemark, a ajouté qu’à court terme, la croissance et les débouchés économiques dans un pays en voie de développement mèneraient très vraisemblablement à une augmentation de la migration. C’est uniquement lorsque la différence « entre un pays hôte et un pays d’origine se réduit à un rapport de 1 contre 6 » que les mouvements migratoires s’équilibrent et que les migrants envisagent de rester dans leur pays d’origine[25].
Outre la complexité des facteurs de migration, il faut aussi tenir compte de la réalité individuelle des gens, qui ne vivent pas tous la même expérience de migration; certains se déplacent dans leur propre pays, certains vont dans les pays voisins pour demander asile, tandis que d’autres se réinstallent dans un pays tiers à titre de réfugiés.
Qui sont les gens en déplacement?
La façon dont les gens migrent définit leur réalité
de migrants. Voici les cinq principaux termes à retenir pour bien comprendre
cette réalité. Premièrement, « migrant » est un terme général qui
renvoie à toute personne qui se déplace[26] à l’intérieur de son pays d’origine ou vers un autre pays, sans égard
à son statut juridique ou aux causes de sa migration. Deuxièmement,
« immigrant » renvoie précisément à une personne qui se rend dans un
nouveau pays dans l’intention de s’y installer. Troisièmement, « personnes
déplacées à l’intérieur de leur pays » se dit de personnes qui ont
été forcées de fuir leur foyer, surtout « en raison d’un conflit armé, de
situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de
catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets,
et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État
Quatrièmement, le terme « demandeur d’asile » renvoie à toute personne qui demande une protection internationale et dont le statut de réfugié doit être déterminé par les autorités d’un pays autre que son pays d’origine. Cinquièmement, un « réfugié » est un demandeur d’asile à qui le statut de réfugié a été accordé par le pays auprès duquel il a demandé une protection internationale ou par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Plus précisément, les réfugiés au sens de la Convention sont reconnus en tant que tel par les États, conformément aux critères d’admissibilité énoncés à l’article 1 de la Convention et du Protocole relatifs au statut des réfugiés (la Convention de 1951), définis en tant que :
personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays[28].
Il existe une autre catégorie de réfugiés, les « réfugiés à première vue », qui n’ont pas à prouver individuellement qu’ils ont besoin de protection : les États reconnaissent que les circonstances dans lesquelles se trouvent ces personnes satisfont aux critères d’admissibilité au statut de réfugié.
Comme le montre la figure 1 ci-dessous, le
HCR a fourni au Comité une carte illustrant l’emplacement géographique des
populations de réfugiés, de demandeurs d’asile et de PDIP (ou déplacés
internes) dans le monde à la fin de 2017. Le HCR appuie aussi les réfugiés qui
retournent dans leur pays, les PDIP et les « apatrides », soit toute
personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de
sa législation, ou toute personne dépourvue de nationalité
Figure 1 – Populations relevant de la compétence du HCR par catégorie, fin de 2017
Source : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés,
Jean-Nicolas Beuze, le représentant du HCR au Canada, a expliqué au Comité « qu’il y a une corrélation entre les déplacements internes et les situations de réfugiés[30] ». Il se peut que certaines personnes qui sont maintenant des réfugiés aient au départ été en situation de déplacement interne, pendant des périodes plus ou moins longues, ou qu’elles aient été des migrants à plus d’une reprise[31]. M. Bach a aussi dit que des personnes ayant des besoins de protection différents et des raisons de partir différentes pouvaient se retrouver dans un même mouvement migratoire. C’est une autre raison pour laquelle il faudrait éviter de catégoriser les personnes entre migrants volontaires et migrants forcés :
Voilà qui montre la complexité de la migration mixte ou des mouvements mixtes, où réfugiés et migrants marchent côte à côte. Il y a aussi des migrants vulnérables qui, en cours de route, passeront de migrants à réfugiés en raison des violations subies ou de leur incapacité à retourner chez eux[32].
Vartan Shaderevian, directeur général de l’Aleph Policy Initiative, a ajouté qu’il existe autant d’obstacles à la migration qu’il existe de motifs poussant les gens à quitter leur foyer. Il a souligné que la migration était, dans une certaine mesure,
quelque chose qui s’achète, et les personnes les plus vulnérables peuvent ne pas avoir les moyens de s’offrir cette possibilité […] Que l’immigration est, du moins en partie, un problème d’accès. Ce genre de problèmes touche de façon plus prononcée certains groupes parmi les plus marginalisés — les petits groupes ethno-religieux, les femmes et les membres de la communauté LGBTQ [lesbienne, gaie, bisexuelle, trans et queer][33].
M. Beuze a rappelé au Comité qu’effectivement, une personne ayant besoin de protection internationale peut être une personne en situation non conflictuelle qui est persécutée en raison de ce qu’elle est ou de ce qu’elle fait. Il a donné l’exemple « de journalistes qui dénoncent la corruption dans leur pays », de défenseurs des droits de la personne, « de dirigeants autochtones, d’opposants politiques » et de membres de la communauté LGBTQ, mais aussi de
minorités ethniques et religieuses. Ou encore, on parle simplement de femmes victimes de viol ou de violence familiale qui se tournent vers les autorités de leur pays — la police ou les autorités judiciaires — et qui ne reçoivent pas la protection à laquelle elles ont droit[34].
Dans le cadre de son étude, le Comité souhaitait mieux saisir la réalité des personnes ayant besoin de protection internationale. Il a choisi un pays ayant un grand nombre de réfugiés afin de comprendre ses défis et possibilités. Les membres du Comité se sont donc rendus en Ouganda, où ils ont rencontré des réfugiés de la République démocratique du Congo (RDC), qui leur ont expliqué leur périple jusqu’à ce pays d’accueil.
Étude de cas : la communauté de réfugiés de Kyangwali, en Ouganda
En juin 2018, le Comité s’est rendu en Ouganda, qui accueille quelque 1,4 million de réfugiés. Le pays se trouve ainsi au premier rang en Afrique et au troisième rang dans le monde pour ce qui est du nombre de réfugiés. Il s’agit également du nombre le plus élevé de réfugiés dans toute l’histoire de l’Ouganda. Les femmes et les enfants y forment environ 85 % des réfugiés. Plus de 1 million de réfugiés proviennent du Soudan du Sud, 275 000 réfugiés de la RDC, et d’autres populations, moins nombreuses, viennent du Burundi (40 500), de la Somalie (37 100) et d’autres pays voisins[35].
Les membres du Comité ont rencontré le ministre
d’État responsable des affaires internationales de l’Ouganda,
Oryem Okello, au ministère des Affaires étrangères, qui leur a donné un
aperçu des lois et politiques concernant les réfugiés. Par exemple, l’Ouganda
offre aux réfugiés des terres et des ressources pour subvenir à leurs besoins
durant une année pour les encourager à se prendre en main et à devenir
autosuffisants, ce qui diffère radicalement des camps de réfugiés
traditionnels. L’Ouganda offre la même infrastructure dans les communautés
d’accueil et dans les communautés de réfugiés de façon à ne pas susciter le
mécontentement à l’égard des réfugiés dans la population locale
Les membres du Comité se sont rendus dans la communauté de réfugiés de Kyangwali, situé à cinq heures de route de Kampala. Paul Nsiela, chef du bureau régional du HCR à Kyangwali, a expliqué que la communauté avait été initialement établie dans les années 1960 pour accueillir des réfugiés rwandais et qu’elle était constituée d’anciens et de nouveaux campements qui forment chacun des villages. M. Nsiela a informé les membres du Comité que le Bureau du premier ministre (BPM), responsable de la protection des réfugiés en Ouganda, était toujours en train d’établir de nouvelles sections dans la communauté pour y loger les réfugiés nouvellement arrivés de la RDC[37].
M. Nsiela a expliqué aux membres du Comité comment les réfugiés ayant traversé le lac Albert se rendent à Kyangwali. Des autocars viennent les récupérer aux abords du lac, où des camions sont envoyés pour transporter leurs bagages[38]. Une fois arrivés au centre d’accueil de la communauté, ils s’enregistrent auprès du BPM. Les nouveaux arrivants doivent subir un test de dépistage du choléra, puis sont assignés à un village. Ils reçoivent alors une parcelle de terre et peuvent circuler librement dans la communauté. À leur enregistrement, ils reçoivent une carte de rationnement ainsi que des matériaux traités pour se construire un abri. Les personnes les plus vulnérables se font aider. Lorsque le Comité s’est rendu dans la communauté, la population du campement comptait 86 672 personnes; 55 792 réfugiés vivaient dans l’ancienne partie du campement, et le reste, dans les nouveaux villages; 496 personnes attendaient au centre d’accueil d’être dirigées vers un village[39].
Les membres du Comité ont pu entrer dans le centre
d’accueil, qui est le premier endroit où sont orientés les réfugiés avant leur
installation dans la communauté. Après leur arrivée au centre d’accueil, les
réfugiés se soumettent aux mesures de décontamination de la Croix‑Rouge,
et les mères et les enfants en particulier, à un dépistage de problèmes
médicaux et de nutrition offert par Médecins sans frontières
Figure 2 – Vue du district de Kavule, dans la communauté de réfugiés de Kyangwali
Source : Photo prise par le député Gary Anandasangaree.
Les membres du Comité se sont rendus dans le
district de Kavule du camp de réfugiés de Kyangwali. Kavule est essentiellement une nouvelle section
du camp où se retrouvent les réfugiés récemment arrivés, qui n’ont pas accès
aux services offerts à Kyangwali. Dans ce district, les membres du Comité ont
pu rencontrer une famille de réfugiés de six personnes arrivée en
mars 2018 et s’entretenir avec un couple ayant fui la province de l’Ituri,
en RDC, en traversant le lac Albert en bateau accompagné de leur trois
enfants. Plus de 50 personnes, dont des femmes enceintes, étaient de la
traversée. Enceinte durant le voyage, la femme a donné naissance au quatrième
enfant du couple dans le camp. Son mari a expliqué au Comité que leurs enfants
ne fréquentent pas encore l’école, car ils se trouvent dans une nouvelle
section du camp. Les denrées alimentaires, qui leur sont actuellement fournies
par le HCR, sont insuffisantes et non variées. Agriculteur avant de fuir la
RDC, l’homme espère rentrer chez lui une fois le conflit terminé
Figure 3 – Les membres du Comité avec une famille de réfugiés nouvellement arrivée et des enfants réfugiés
Source : Photo prise par des analystes du Comité.
Les membres du Comité ont également rencontré des
réfugiés qui jouent un rôle de leader et qui sont nommés par le BPM du
grouvernement ougandais à l’organe officiel de représentation des réfugiés au
sein du camp de Kyangwali. Les représentants ayant assisté à la rencontre
vivent dans la communauté de réfugiés depuis plus ou moins longtemps, entre
4 mois et 28 ans, et sont arrivés à Kyangwali en provenance du
Burundi, de la RDC, du Ghana, du Soudan du Sud, de l’Érythrée et du Rwanda
Figure 4 – Conditions de vie d’une famille de réfugiés nouvellement arrivée
Source : Photo prise par le député Gary Anandasangaree.
Le Comité a été particulièrement marqué par la situation des réfugiés en exil prolongé qu’il a rencontrés à Kyangwali et par leur résilience, notamment celles de la jeune famille avec qui il s’est entretenu.
Tendances en matière de migration dans diverses régions
Afin de mieux comprendre les tendances en matière de migration, M. Linder, d’IRCC, a expliqué au Comité que, depuis les années 1970, les États‑Unis sont le principal pays de destination des migrants internationaux. En 2015, les États‑Unis se classaient au premier rang des pays de destination, suivis de l’Allemagne, de la Russie, de l’Arabie saoudite, du Royaume‑Uni, des Émirats arabes unis et du Canada, qui était au septième rang. La même année, les cinq principaux pays d’origine des migrants internationaux étaient l’Inde, le Mexique, la Russie, la Chine et le Bangladesh[46].
M. Linder a précisé
que la migration régionale, c’est‑à‑dire entre des pays d’une même
région, est en hausse ces dernières années. Dans les faits, les flux de
migration Sud‑Sud dépassent maintenant les flux de migration Sud‑Nord.
Plus de 50 % des migrants originaires de pays en développement
s’installent dans un autre pays en développement, principalement dans la même
région. Par exemple, selon M. Linder, la migration internationale en
Afrique se fait en grande partie de façon volontaire, régulière et sur le
continent. La migration régionale s’observe également entre des pays riches,
puisqu’environ la moitié de tous les immigrants qui s’établissent dans des pays
à revenu élevé proviennent eux aussi de pays à revenu élevé
Conscient des diverses causes et réalités de la migration humaine et sensible à ce qui se passe actuellement dans le monde, le Comité a décidé d’étudier les causes profondes de la migration dans quatre régions, nommément l’Afrique centrale et de l’Est, l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Asie du Sud et du Sud‑Est, ainsi que l’Europe.
Afrique centrale et de l’Est
En 2017, l’Afrique a accueilli 24,2 millions
de personnes forcées de fuir leur pays en raison de conflits, de persécutions
ou autres violations de leurs droits fondamentaux et de l’insécurité
alimentaire. Plusieurs crises perdurent, notamment au Burundi, en République
centrafricaine, en RDC, en Somalie et au Soudan du Sud[48], et provoquent des mouvements massifs de population à l’intérieur
d’un même pays et au‑delà de ses frontières. Par exemple, le tiers de la
population du Soudan du Sud s’est déplacé vers les pays voisins, dont l’Ouganda
Les facteurs influant sur la migration régionale
sont variés et interreliés. La variabilité des précipitations, qui se manifeste
par des périodes de sécheresse et des inondations, pèse sur la région. La
croissance démographique rapide entraîne également une surexploitation des
ressources, dont les forêts, les sols et les cours d’eau. Ces facteurs sont à
l’origine de l’insécurité alimentaire et de la famine et forcent les
populations à se déplacer vers l’Afrique du Nord, l’Afrique australe et le
golfe d’Aden. Ils contribuent également aux flux cycliques ruraux‑urbains
à l’intérieur d’un même pays et au‑delà de ses frontières. De plus, selon
le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la violence
sexuelle et fondée sur le genre aggrave des situations d’urgence complexes et
touche un segment de la population particulièrement vulnérable déjà traumatisée
De plus, en Afrique de l’Est, bon nombre de travailleurs migrent hors de la région, fuyant la pauvreté, des salaires misérables et un taux de chômage élevé. Depuis peu, on observe une hausse des travailleurs peu ou partiellement spécialisés d’Afrique de l’Est qui se rendent dans les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour y trouver du travail temporaire. La proximité de ces pays, les possibilités d’emplois et les ententes sur le recrutement de la main‑d’œuvre signées récemment entre des pays membres du CCG et des pays de l’Afrique de l’Est pourraient contribuer à la hausse de la migration vers les pays du CCG[51].
République démocratique du Congo
La crise qui sévit en RDC est l’une des plus complexes et des plus anciennes au monde. Depuis avril 2017, la situation s’est aggravée et reste tendue, un conflit interethnique dans la région du Kasaï causant des déplacements internes au rythme de 8 000 personnes par jour. La situation se caractérise par de graves atteintes aux droits de la personne, notamment des mutilations physiques, des exécutions, des violences sexuelles, des arrestations arbitraires et des placements en détention dans des conditions inhumaines. À la fin de 2017, on comptait environ 4,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont 1,9 million de personnes déplacées uniquement en 2017, et plus de 685 000 réfugiés congolais – en majorité des femmes et des enfants – en quête de protection dans les pays voisins, dont l’Ouganda[52].
Reconnaissant la nature profonde du conflit, le Comité a décidé de s’en servir comme étude de cas dans la région afin d’évaluer ses conséquences sur l’Ouganda. Pendant qu’il était en Ouganda, le Comité a discuté avec M. Okello des instabilités au Burundi et en RDC contribuant à l’augmentation des flux de migration en Ouganda. Selon M. Okello, la solution par excellence est d’apporter la paix et la sécurité dans ces pays, et le Canada devrait promouvoir les initiatives de prévention des conflits et de maintien de la paix locale au Burundi et en RDC[53].
Amérique latine et Caraïbes
La violence
généralisée dans les villes et les villages, grandement liée aux activités des
gangs et cartels de la drogue, les mauvaises conditions socioéconomiques ainsi
que l’instabilité politique croissante touchant plusieurs pays d’Amérique
centrale entraînent la migration d’un grand nombre de femmes et d’enfants en
particulier, y compris de nombreux enfants non accompagnés. Le nombre de migrants
en provenance des pays du « Triangle du Nord » – le Salvador, le
Honduras et le Guatemala – a considérablement augmenté au cours des
dernières années[54]. Craig Damian Smith,
directeur associé du Global Migration Lab de l’Université de Toronto, a
souligné le fait que, entre 2011 et 2016, on a observé une augmentation
décuplée du nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile en provenance du
Salvador, du Honduras et du Guatemala, et on estime à 180 000 le nombre de
personnes déplacées dans des États voisins. De 2011 à 2017, plus de
350 000 personnes de la région ont demandé l’asile à l’échelle
mondiale, dont 130 500 en 2017 seulement[55]. Le nombre de demandes d’asile
présentées en 2017 a augmenté de 58 % par rapport à l’année précédente
Lorsqu’on lui a demandé ce qui causait les déplacements dans le Triangle du Nord en Amérique centrale, M. Beuze a cité des données recueillies dans le cadre d’une enquête réalisée auprès des migrants en route vers le Mexique ou les États‑Unis :
71 % ont déclaré être directement visées par la violence de ces gangs criminels, en particulier les femmes, les enfants, les jeunes filles. J’ai interviewé des jeunes filles qui, à l’âge de 17 ans, avaient plusieurs fois été violées par les gangs, des jeunes hommes qui étaient enrôlés de force dans ces gangs criminels, mais également des membres de la communauté LGBTQ et, en particulier, des femmes transgenres, qui risquent particulièrement d’être prises pour cibles[58].
Tanya Basok, professeure à l’Université de Windsor, et M. Smith ont tous deux exprimé des inquiétudes en ce qui concerne la violence généralisée dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes[59]. La région représente environ 8 % de la population mondiale, mais 33 % des homicides commis dans le monde[60]. Pour comprendre la récurrence et l’étendue de la violence criminelle dans la région, Sofía Martínez Fernández, analyste à l’International Crisis Group, a donné l’exemple du Salvador, où
des groupes criminels comme le MS‑13 et les deux factions du gang de la 18e Rue sont l’autorité de facto dans environ 80 % du territoire national. Ils imposent leur loi en rackettant, en extorquant de l’argent aux petits commerçants, en recrutant de force et en ciblant la violence. Tout enfant de 8 à 18 ans risque d’être recruté de force, et les filles sont habituellement victimes d’abus sexuels. J’ai des cas documentés d’esclavage sexuel de jeunes filles par des groupes criminels[61].
Au Salvador, on compte environ 65 000 membres actifs de gangs dont le « soutien social est d’environ un demi‑million de personnes, soit environ 8 % de la population du pays de 6,5 millions d’habitants[62] ». La question du recrutement par les gangs en Amérique centrale est fondamentale pour comprendre les mouvements migratoires.
Anne Vogt, directrice au Comité central
mennonite du Canada, et M. Smith ont toutefois mentionné qu’il ne s’agit
pas là des seules causes forçant les gens à quitter leur foyer
3,5 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire au titre d[e] [programmes d’aide humanitaire] en raison de la dégradation écologique et climatique. En 2018, les gouvernements [du Triangle du Nord de l’Amérique centrale] ont déclaré des pertes de 208 000 hectares de terres agricoles, ce qui a laissé 2,2 millions de personnes exposées à un risque d’insécurité alimentaire dans une région que nous appelons le « corridor sec », qui s’étend du sud du Mexique jusqu’au Panama[64].
Dans son témoignage, Mme Martínez Fernández a fait remarquer que ces facteurs complexes de migration ont modifié le profil démographique des mouvements migratoires :
Traditionnellement, nous avons vu des jeunes hommes qui tentaient de gagner les États‑Unis pour envoyer de l’argent supplémentaire à leur famille. Aujourd’hui, nous voyons plus de familles, de femmes et d’enfants non accompagnés[65].
Ivan Briscoe, directeur de programme responsable de l’Amérique latine et des Caraïbes à l’International Crisis Group, est allé dans le même sens, faisant remarquer que les migrants d’Amérique centrale ont remplacé les Mexicains dans le flux migratoire vers les États‑Unis. Les personnes qui migrent vers les États‑Unis sont en train de devenir un flux de réfugiés, « étant donné qu’il s’agit de personnes qui, évidemment, fuient leur pays à cause du niveau d’insécurité très élevé. Ce [changement] est antérieur à 2016 et nous l’avons clairement observé pendant la crise des enfants migrants non accompagnés en 2014[66]. » Les témoins ont ajouté que les femmes de la région fuient surtout la violence conjugale[67]. Selon Mme Vogt, il se peut que les femmes ne puissent pas
obtenir une protection dans leur propre pays, en particulier dans les régions où elles peuvent être victimes d’une plus grande discrimination ou dans les pays où, de même, il n’est pas acceptable sur le plan culturel de dénoncer la violence familiale[68].
Les témoins ont également soulevé le problème des
dangers auxquels s’exposent les migrants durant leur périple
ils risquent d’être enlevés par des organisations criminelles, volés, agressés, violés, extorqués par la police ou les autorités de l’immigration, ou mutilés par des trains qui passent rapidement lorsqu’ils sont sur un train de marchandises ou tentent d’y monter[70].
Mme Vogt a fait observer que, dans les régions frontalières, l’économie illégale entourant la migration est devenue plus rentable que le trafic de drogue[71]. Mme Martínez Fernández a toutefois ajouté que malgré les cas d’enlèvements, de traite de personnes et de disparitions forcées, la situation que les migrants laissent derrière eux est souvent pire que les dangers auxquels ils s’exposent durant le voyage[72].
Bernard Duhaime, professeur à l’Université du
Québec à Montréal, a parlé au Comité du Groupe de travail des Nations Unies sur
les disparitions forcées ou involontaires, qu’il
préside. Le groupe de travail a publié un rapport, en 2017, sur les
disparitions dans le contexte de la migration. Différents facteurs expliquent
la disparition de migrants, dont : la vulnérabilité et les multiples
formes de discrimination auxquelles ils sont confrontés ainsi que leur
invisibilité. Les politiques nationales régressives sur le plan de
l’immigration et de la sécurité, qui visent à contrer le terrorisme et à
criminaliser la migration, ont pour effet de déshumaniser les migrants et
donnent aux acteurs non étatiques, tels que le crime organisé, la licence
tactique de maltraiter ou d’abuser autrement les migrants. Le rapport fait
également état d’un manque de collaboration internationale sur ces questions
M. Beuze a également informé le Comité qu’en septembre 2018, « les États‑Unis [avaient] un arriéré de 790 000 demandes d’asile, dont la grande majorité » provenaient du Salvador, du Honduras et du Guatemala[74]. Mme Basok a ajouté que les États‑Unis ont mis fin au régime de protection temporaire des Salvadoriens et des Honduriens[75]. Elle a également fait observer que, au Mexique, le nombre de demandeurs d’asile en provenance de ces trois pays d’Amérique centrale a plus que décuplé entre 2013 et 2017, passant de moins de 1 300 en 2013 à 14 500 en 2017. En 2016 et 2017, le Mexique a accordé le statut de réfugié ou une protection complémentaire à environ 75 % des demandeurs d’asile du Salvador, et à un peu plus de 50 % des demandeurs du Honduras[76]. M. Beuze a dit au Comité que
d’ici la fin de 2019, il y aura plus de 300 000 demandeurs d’asile et réfugiés des 3 pays de la sous‑région, auxquels s’ajouteront 60 000 personnes qui seront renvoyées de force, principalement en provenance du Mexique et des États‑Unis, qui pourraient avoir des soucis en matière de protection à leur retour dans l’un de ces 3 pays, et plus de 3 000 personnes déplacées à l’interne dans ces 3 pays. C’est une crise assez importante pour le HCR et ses partenaires[77].
En Amérique du Sud, le climat de violence qui règne en Colombie et au Venezuela est également la cause de déplacements. Après plusieurs décennies de conflit, la Colombie compte actuellement le plus grand nombre de PDIP dans le monde après la Syrie, soit 6,5 millions de personnes déplacées[78]. La situation s’améliore lentement depuis la démobilisation des Forces armées révolutionnaires de Colombie en 2017 et la fin partielle du conflit, mais « la violence et les déplacements se poursuivent », a mis en garde Steve Stewart, coprésident du Groupe de Politique pour les Amériques du Conseil canadien pour la coopération internationale[79].
Depuis cinq ans, les conditions socioéconomiques du Venezuela ne cessent de se détériorer, entraînant la migration des populations. Depuis 2015, 1,5 million de Vénézuéliens ont quitté leur pays pour diverses raisons, notamment une montée de la violence et le manque de protection. M. Beuze a mentionné que la situation au Venezuela s’aggrave, puisque « 5 000 personnes quittent [actuellement] le pays chaque jour »[80]. Les pays voisins, soit la Colombie, le Brésil, le Panama, le Pérou ainsi que certaines îles des Antilles, comme Curaçao et Aruba, reçoivent les flux de migrants vénézuéliens[81]. Ces mouvements entraînent, dans une certaine mesure, un renversement des tendances de déplacements en Amérique du Sud : alors que de nombreux Colombiens avaient trouvé refuge au Venezuela au cours des dernières décennies, plusieurs rentrent maintenant en Colombie, accompagnés de nombreux Vénézuéliens qui cherchent maintenant refuge dans ce pays et ailleurs[82].
M. Beuze a également signalé au Comité que le
Nicaragua est un autre exemple où l’instabilité politique fait fuir un grand
nombre de Nicaraguayens, notamment au Costa Rica[83]. En février 2019, 32 000 Nicaraguayens avaient
demandé l’asile au Costa Rica depuis avril 2018. Ce nombre s’ajoute aux
Nicaraguayens qui se trouvaient déjà au Costa Rica, que les autorités
costariciennes estiment entre 250 000 et 1 million. M. Beuze a
insisté sur le fait que cela exerce des pressions sur le système d’asile du
Costa Rica et sur les services sociaux offerts aux Nicaraguayens
Venezuela
Ces dernières années, la dégradation de la
situation socioéconomique et politique en République bolivarienne du Venezuela
a mené à une crise régionale. La violence continue, les atteintes aux droits de
la personne et les pénuries de nourriture et de produits de première necessité
qui s’en sont suivies ont entraîné des déplacements de population massifs
[c]’est une combinaison de facteurs économiques, mais aussi de violence. Soixante‑sept pour cent d’entre eux ont signalé un incident lié à la protection. Ainsi, les deux tiers des personnes que nous avons interviewées devaient certainement être considérées comme des réfugiés et non pas comme des migrants, car elles fuyaient une situation de persécution ou de violation des droits de la personne. Seulement la moitié d’entre elles ont déclaré un incident aux autorités, affirmant qu’elles craignaient des représailles ou une absence d’action de la part des autorités si elles se plaignaient de ces incidents liés à la protection[86].
M. Beuze a signalé au Comité qu’en
février 2019, 3,4 millions de Vénézuéliens vivaient hors de leur
pays, dont 2,5 millions qui étaient déplacés depuis 2015. Il estime
que « 5,3 millions de Vénézuéliens se trouveront à l’extérieur de
leur pays d’ici la fin de 2019, dont 3,6 millions dans la sous‑région
M. Briscoe a témoigné de son expérience à la frontière entre le Venezuela et la Colombie en décembre 2018 :
Il y avait un flux migratoire extrêmement important. Les gens franchissaient la frontière, légalement, aux quatre principaux postes frontaliers entre les pays. Il doit y avoir dans les 2 000 à 3 000 personnes quotidiennement — cela varie d’un jour à l’autre — qui fuient le Venezuela. Comme nous l’apprennent les dernières statistiques de l’ONU [Organisation des Nations Unies], il y aurait environ trois millions de Vénézuéliens présentement à l’étranger, c’est‑à‑dire ailleurs en Amérique latine. La plupart d’entre eux ont quitté le pays en 2015, mais le rythme des migrations s’est accéléré depuis la fin de 2016, lorsque la crise économique au Venezuela s’est aggravée. C’est le principal changement qu’on observe dans les flux migratoires[89].
Il a ajouté que, en moyenne, « soixante bébés naissent de mères vénézuéliennes chaque jour dans la principale ville frontalière » en Colombie[90].
Asie du Sud et du Sud-Est
Les
conflits de longue date, l’instabilité politique, la violence et la répression
amènent des déplacements importants de populations en Asie du Sud et du Sud‑Est.
Le Comité a entendu des témoignages sur des problèmes de longue date à l’égard
des réfugiés, comme la situation des réfugiés afghans et les mouvements de
réfugiés plus récents dans cette région, entre autres attribuables à la crise
des Rohingyas. Depuis des décennies, une grande portion de la population
afghane a été déplacée dans les pays voisins, notamment au Pakistan, et
ailleurs dans le monde. Fait à souligner, en Afghanistan, la situation des
réfugiés en exil prolongé remonte aux années 1970 et 1980
En plus des crises politiques, l’Asie du Sud et du Sud‑Est est particulièrement vulnérable aux catastrophes naturelles, notamment aux phénomènes liés aux changements climatiques. Les infrastructures déficientes, la forte dépendance aux ressources de la terre et la forte densité des populations dans des régions vulnérables contribuent aux déplacements de population en cas de catastrophe. Depuis les dernières années, des cyclones, des tremblements de terre et des inondations entraînent le déplacement interne de millions de personnes dans cette région de l’Asie. Les changements environnementaux comme l’élévation du niveau de la mer, l’érosion des côtes et l’épuisement des réserves d’eau souterraines, considérables dans cette région du monde, entraînent aussi des déplacements[92].
Pour des raisons économiques, de nombreux
travailleurs temporaires originaires de l’Asie du Sud migrent vers les pays du
CCG, notamment depuis l’Inde, le Pakistan et, plus récemment, le Sri Lanka, le
Népal et le Bangladesh. Ils sont à la recherche de meilleures possibilités
d’emplois et de salaires plus élevés à la lumière des surplus de main‑d’œuvre
et de la pauvreté qui pèsent sur leurs pays d’origine en Asie du Sud. Les
envois de fonds des travailleurs partis à l’étranger à leurs proches restés au
pays permettent de réduire la pauvreté. Les différences entre les pays de
l’Asie du Sud pour ce qui est des conditions économiques et du marché du
travail entraînent également des migrations dans la région. Par exemple, des
millions de travailleurs du Bangladesh et du Népal travaillent de façon
informelle en Inde, principalement comme ouvriers en construction et comme
domestiques. La disparité de revenu en Asie du Sud‑Est incite les gens à
migrer des pays ayant des revenus inférieurs vers ceux offrant des revenus
supérieurs, tant dans la région qu’à l’extérieur de celle‑ci
Myanmar
Au Myanmar, un exode soudain de réfugiés rohingyas
a débuté en août 2017, ce qui classe le pays parmi les cinq principaux
pays qui produisent des réfugiés dans le monde[94]. Les Rohingyas sont une population musulmane minoritaire persécutée
et ne sont pas reconnus comme citoyens par le gouvernement du Myanmar.
M. Beuze a expliqué que l’une des causes profondes du conflit tient à la
situation d’apatridie des Rohingyas depuis les années 1960. Cette crise de
longue date s’est envenimée en août et en septembre 2017, alors que
700 000 Rohingyas ont traversé la frontière en direction du
Bangladesh, afin de fuir la persécution au Myanmar[95]. Ils y ont rejoint plus de 300 000 réfugiés arrivés au
pays lors de vagues de déplacement antérieures. Parmi ces
700 000 réfugiés, plus de 75 % étaient des femmes et des
enfants. Le nombre de déplacés internes rohingyas est estimé à 128 000
Selon Jamie Liew,
avocate et professeure à l’Université d’Ottawa, « le refus ou la
révocation de la citoyenneté est un outil politique qui encourage la
discrimination, l’oppression et, dans le cas des Rohingyas au Myanmar, le
génocide[97] ». Les Rohingyas ont été déplacés
au moins à trois reprises depuis les 50 dernières années, ce qui en dit
long sur les problèmes systémiques à l’origine de leur déplacement
Europe
Entre 2015 et 2017, l’Europe a connu une
augmentation sans précédent de la migration. Des migrants sont entrés de façon
irrégulière dans l’Union européenne (UE) en provenance de pays d’Afrique, du
Moyen‑Orient et de l’Afghanistan. Son Excellence Peteris Ustubs, ambassadeur de la délégation de l’UE au Canada, a informé
le Comité que, entre 2015 et 2017, « l’UE a reçu plus de 3,4 millions
de demandeurs d’asile[100] ». Un autre témoin a mentionné que, de ces 3,4 millions
de demandeurs d’asile, en 2015, « un million
de migrants maritimes non autorisés sont arrivés le long des côtes de l’Europe
D’après M. Bach, il s’agit davantage d’un problème de protection des réfugiés que d’une crise migratoire. Selon ses données, 80 % des migrants se voient refuser le statut de protection qui leur revient ou sont autrement soumis à une norme de protection inférieure à ce que prévoient les traités internationaux[106]. Selon lui, il ne faut pas croire que la diminution du nombre d’arrivées dans l’UE signifie la fin du problème de protection. Il donne l’exemple du Liban, où
80 % des réfugiés vivent sous le seuil de la pauvreté et il y a encore une proportion de 30 à 50 % des enfants qui ne fréquentent pas l’école. Il s’ensuit bien évidemment que bon nombre de ces familles sont en proie au désespoir et décident de quitter vers un autre pays, tout comme ces femmes victimes de mauvais traitements sur les routes migratoires qui n’ont souvent d’autre choix que de continuer à se déplacer à la recherche d’un endroit plus sûr et d’un semblant de dignité[107].
Mme Bradley a également mentionné au Comité que l’Europe n’est pas en situation de crise, parce que l’UE est « bien équipé[e] pour gérer [l’]afflux croissant de migrants » qu’elle vit depuis quatre ans. Elle a souligné le fait qu’il est « important d’examiner ce qui se passe dans des pays comme le Liban, par exemple, où une personne sur quatre est réfugié syrien[108] ». Elle a précisé que nous entendons plus souvent parler de ceux qui réussissent à se rendre en Europe ou en Amérique du Nord, mais que 86 % des réfugiés demeurent dans des pays en développement[109].
Doug Saunders, auteur et journaliste au Globe and Mail, a rappelé que la crise migratoire actuelle en Europe a débuté au début des années 2000, après l’adoption de l’Accord de Schengen, en vertu duquel l’UE a cessé de délivrer des visas de travail agricole à court terme aux Africains :
Ainsi, un régime légal de migration temporaire a été soudainement remplacé par une industrie illégale de passage de clandestins à long terme pour répondre à la demande. Au lieu de payer 150 $ pour un billet d’avion et de récupérer ce montant en une seule saison de travail, les gens devaient payer 2 000 ou 3 000 euros pour passer la frontière, et rester plus longtemps en Europe pour récupérer cette somme[110].
Il a cité des données de chercheurs de
l’Université d’Oxford faisant état d’un lien direct entre le resserrement de
l’admission temporaire et l’augmentation de la demande pour les passages
irréguliers. Par conséquent, « chaque fois que le nombre de demandes de
visa rejetées augmente de 10 %, on observe une hausse de 4 à
7 % du nombre d’entrées irrégulières à la frontière
les migrants irréguliers sont habituellement des gens qui se renseignent, qui ont des ressources, qui font un investissement à haut risque et qui risquent gros pour leur famille et leur communauté. Ils ne viennent pas des pays les plus pauvres, ni même des communautés les moins fortunées de leur pays d’origine. Les passages irréguliers coûtent cher; il faut payer plus de 2 000 euros par personne pour monter sur un de ces radeaux. De plus, selon certains témoignages, ceux qui veulent passer la frontière canadienne ou américaine doivent payer une somme assez importante à des passeurs et à d’autres intervenants. Nombre de migrants empruntent beaucoup d’argent pour faire le voyage. Ils espèrent au moins que cet investissement portera fruit[113].
Il a confirmé que les mouvements migratoires actuels en Europe sont mixtes. Il y avait entre 40 et 50 % de réfugiés légitimes en Europe « au plus fort de la crise[114] ». Selon lui, il est injuste que les réfugiés légitimes soient forcés de passer la frontière de façon irrégulière, car ils se mettent en danger. Ces passages irréguliers mettent également à rude épreuve le système européen d’immigration et suscitent l’hostilité dans la population à l’égard des migrants. M. Saunders a aussi fait remarquer que
cela fait augmenter la demande de la part de personnes qui ne sont pas des réfugiés légitimes, qui ne sont pas au fait des processus légaux en place, qui pourraient profiter des processus légaux, s’ils existent, et qui pourraient par ailleurs être admissibles en tant qu’immigrants de la catégorie économique[115].
M. Saunders a réclamé la création de voies de migration légales et recommandé que les renseignements sur le processus d’immigration et le marché du travail dans l’UE soient exacts et fournis en temps opportun. Il a rappelé que des politiques similaires instaurées en Espagne en 2004 ont permis de réduire le nombre d’arrivées irrégulières. À cet égard, il a formulé les commentaires suivants :
[L]es gens qui veulent migrer considèrent qu’il vaut mieux se soumettre à ce processus, même s’ils ont une chance sur 20 de le passer avec succès, que de dépenser 3 000 euros et de courir le risque élevé de mourir pendant la traversée de la Méditerranée. C’est notamment en raison de ces politiques que l’Espagne ne fait toujours pas partie des principales destinations[116].
L’ambassadeur, M. Ustubs, a lui aussi fait
valoir cet argument, mentionnant que la migration légale dans l’UE « fait
partie intégrante de l’approche globale de l’UE en matière de migration » destinée à lutter contre la migration irrégulière et à améliorer l’efficacité de la politique d’immigration
M. Bach a tenu des propos similaires, faisant valoir que la solution au problème de protection est de
s’engager plus énergiquement à protéger les gens le long de ces parcours migratoires et, d’abord et avant tout, à permettre à chacun de rester là où il est en proposant à proximité des solutions durables. Il s’agit bien sûr de voir à ce que les réfugiés et les migrants vulnérables puissent bénéficier à court terme des soins de santé et des services nécessaires tout en veillant, pour les cas où la situation perdure, à ce que les réfugiés aient accès à l’éducation, aux soins de santé et à des moyens de subsistance[119].
M. Ustubs a également mentionné que, à plus
long terme, la seule solution aux flux de migrants consiste à s’attaquer aux causes
profondes du phénomène et aux problèmes de bonne gouvernance en Afrique
[l]’UE fournit 31 milliards d’euros d’aide publique au développement à l’Afrique entre 2014 et 2020 afin de stimuler l’économie africaine, de donner aux jeunes du continent la chance de construire un avenir, d’assurer la sécurité alimentaire et l’accès à l’énergie, et d’ancrer la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme. Les États membres de l’UE détenaient un stock d’investissement de 291 milliards d’euros en 2016 en Afrique, ce qui fait de l’UE le plus gros investisseur sur ce continent. L’UE offre également un accès libre à son marché par le biais d’accords de partenariat économique avec les pays d’Afrique du Nord et, pour tout sauf les systèmes d’armement, avec le reste du continent[121].
CADRE D’IMMIGRATION DU CANADA
Ce second chapitre décrit le
système canadien d’immigration fondé sur la Loi sur l’immigration et la
protection des réfugiés (LIPR)[122], ses règlements et ses politiques. Matt de Vlieger,
directeur général, Politiques stratégiques et planification du ministère d’IRCC,
a précisé que « ce [qu’il] veut dire par "système", c’est
que nous avons un ensemble défini de voies juridiques par lesquelles les
demandeurs sont évalués et entrent dans notre pays[123] ». IRCC, avec l’aide de Sécurité publique Canada
La LIPR énumère divers objectifs en matière
d’immigration[126]. Le premier est de « permettre au Canada de retirer de
l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques
En collaboration
avec les provinces et les territoires, IRCC établit les plans des niveaux
d’immigration, qui déterminent le nombre de nouveaux résidents permanents qui
devraient être admis annuellement dans chaque catégorie[128]. Plusieurs facteurs sont pris en
considération, comme la situation économique, les besoins sur le marché du
travail et la capacité, sur le plan économique et social, d’intégrer les
nouveaux arrivants, tant maintenant que dans l’avenir. Le Plan des niveaux
d’immigration est un document de politique important qui établit comment les
ressources d’IRCC seront attribuées. Le Plan pluriannuel des niveaux
d’immigration pour 2019 a été présenté à la Chambre des communes le
31 octobre 2018, accompagné du
Figure 5 – Nombre moyen de nouveaux immigrants ciblés annuellement, par catégories, de 2008 à 2021
Source : Figure produite par les auteurs au moyen de données tirées du Plan des niveaux d’immigration d’IRCC, de 2008 à 2021.
Possibilités de croissance économique pour le Canada
Kate Hooper, de l’Institut politique de la migration, est d’avis que le système d’immigration du Canada est adapté aux besoins en main‑d’œuvre et le décrit comme étant
un modèle rare et réussi dans lequel les décideurs peuvent utiliser des données probantes sur les résultats des immigrants et les commentaires des employeurs, des industries, des régions et des localités pour ajuster régulièrement leur système[131].
La présente section résume les données sur le marché du travail que le Comité a entendues et décrit les divers volets d’immigration qui entraînent des retombées pour l’économie canadienne. Le terme « immigration », normalement réservé aux résidents permanents, englobe aussi les résidents temporaires dans le présent rapport.
Offre et demande dans le marché du travail
Josée Bégin, directrice de la Division de la statistique du travail à Statistique Canada, a expliqué au Comité des notions fondamentales sur l’offre de main‑d’œuvre, qui est déterminée par des facteurs comme le vieillissement de la population, l’immigration, la migration interne et les tendances liées au taux d’activité (c’est‑à‑dire la proportion de personnes dans chaque groupe d’âge qui travaillent ou qui cherchent du travail). Selon les projections à long terme de Statistique Canada, le taux d’activité est en baisse au Canada. Certaines régions sont aussi plus touchées par ce déclin, alors que les grandes villes, où le marché du travail est solide, continuent d’attirer des immigrants et de jeunes adultes. Il ressort clairement de cela que l’apport des immigrants à la population active continuera d’augmenter[132].
Mme Bégin a également parlé des tendances récentes telles que le resserrement du marché du travail. En effet, le taux de chômage a diminué pour atteindre des taux inégalés depuis les années 1970. Par exemple, le secteur agricole a affiché l’un des taux de postes vacants les plus hauts au Canada entre 2015 et 2017, établi à environ 7 %, ce qui était considérablement plus élevé que la moyenne nationale d’environ 2,5 %[133]. Mme Bégin a rajouté que les données montrent que, en plus de variations importantes du ratio chômeurs‑postes vacants au pays, les employeurs éprouvent des difficultés à trouver des candidats possédant les qualifications nécessaires même dans des régions où le taux de chômage est élevé[134].
Stephen Johnson, directeur
général, Direction de l’information sur le marché du travail, EDSC, a parlé des divers outils qui existent pour projeter les
pénuries de main‑d’œuvre. Les projections sur 10 ans, produites au
moyen du Système de projection des professions au Canada (SPPC), sont mises à
jour tous les deux ans et se concentrent sur les tendances à long terme de
l’offre et de la demande à l’échelle nationale pour 292 professions
Les professions qui offrent généralement de la formation en cours d’emploi ne devraient pas avoir de pénuries de main‑d’œuvre [sur un horizon de 10 ans à l’échelle nationale], alors que les professions qui nécessitent généralement des études collégiales ou universitaires englobent presque toutes les pénuries prévues[137].
Cependant, Elizabeth Long, avocate
spécialisée en droit de l’immigration, a énuméré quelques professions pour
démontrer que la démarcation entre les emplois hautement spécialisés et les
emplois peu qualifiés peut prêter à confusion et a fait valoir que l’hypothèse
selon laquelle « seuls les travailleurs spécialisés sont utiles au Canada
les compétences créatives, les compétences cognitives, la pensée abstraite, la résolution de problèmes, l’évaluation des données, et ce genre de choses, ainsi que les compétences sociales ou interpersonnelles. Ce sont les compétences qui seront probablement les plus difficiles à automatiser, mais elles deviendront aussi progressivement plus précieuses[140].
Mme Hooper a fait observer que le système canadien d’immigration ne permet actuellement pas d’évaluer ces compétences générales et a souligné les avantages de la base de données O*NET, qu’utilise le ministère du Travail des États‑Unis pour circonscrire les divers types de compétences selon les professions.
Programmes à l’intention des résidents permanents et des résidents temporaires
IRCC offre un certain nombre de voies d’immigration
menant à la résidence permanente, dont le Programme des travailleurs qualifiés
(fédéral), la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés, la catégorie
de l’expérience canadienne et le Programme des candidats des provinces. Les
étudiants étrangers peuvent travailler durant leurs études, et obtenir un
permis de travail d’au moins deux ans après l’obtention de leur diplôme est un
moyen pour eux d’accéder au statut de résident permanent
Il existe aussi deux volets distincts pour les travailleurs temporaires : le Programme de mobilité internationale et le Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui est géré par EDSC et qui comprend le Programme des travailleurs agricoles saisonniers.
Volume de demandes
M. de Vlieger, d’IRCC, a parlé des
divers programmes et du volume de demandes que traite IRCC. Dans le système de
gestion des demandes d’admission à Entrée express – le système qui gère les
demandes présentées au titre des programmes d’immigration économiques pour les
travailleurs hautement spécialisés —, le bassin de candidats comptait
90 000 personnes le 27 septembre 2018. Toutes les deux
semaines en moyenne, IRCC invite environ 3 000 candidats qui ont le
plus de points à présenter une demande. Le délai moyen de traitement pour obtenir
un visa de résident permanent par l’entremise d’Entrée express est de
six mois[142].
Les visiteurs, les étudiants et les travailleurs reçoivent des visas
temporaires. En 2018, environ 3,4 millions de visas temporaires ont été
délivrés[143].
Les résidents temporaires ont la possibilité de faire la transition vers le
statut de résident permanent. En 2017, par exemple,
50 000 travailleurs temporaires sont devenus résidents permanents
Innovation
M. de Vlieger a parlé de l’innovation à
IRCC. Le premier exemple qu’il a donné est celui du Programme
des candidats des provinces (PCP), qui a été créé en 1998 et qui a déplacé
l’immigration de Montréal, Toronto et Vancouver vers les Prairies et le Canada
atlantique[145].
Une partie des demandes au titre du PCP sont traitées dans le cadre du
processus d’Entrée express, aux termes duquel les candidats obtiennent des
points en plus lorsqu’ils sont sélectionnés par une province. Depuis le
12 mars 2019, 2 000 places supplémentaires ont été
réparties entre tous les programmes afin de permettre aux travailleurs
étrangers temporaires de faire partie de la population active permanente
M. de Vlieger a donné comme deuxième
exemple d’innovation le Programme pilote sur l’immigration dans la région de
l’Atlantique. Le projet, qui est en cours, vise à retenir les résidents
permanents en encourageant l’accueil des immigrants dans la société et en
faisant participer les employeurs au processus d’établissement
Une autre innovation récente d’IRCC est la Stratégie en matière de compétences mondiales, qui était au départ un projet pilote, mais qui a été intégrée de façon permanente durant l’étude aux volets des travailleurs temporaires :
Nous avons lancé en 2017 la Stratégie en matière de compétences mondiales pour faciliter un accès plus rapide aux meilleurs talents, afin de permettre aux entreprises novatrices de croître, de créer des emplois et de contribuer à l’économie canadienne. Dans le cadre de cette stratégie, IRCC offre un traitement accéléré du permis de travail en deux semaines à une sélection de travailleurs étrangers dans les catégories professionnelles et de la gestion[150].
Le Programme de la garde d’enfants et le Programme
des soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés sont deux programmes
pilotes créés dans le but de résoudre les problèmes relevés dans le Programme
des aides familiaux résidents, qui offrent des voies d’accès vers la résidence
permanente aux travailleurs temporaires peu qualifiés. Ces deux programmes
prennent fin cette année et seront remplacés par deux autres projets pilotes
Le Comité a entendu qu’IRCC avait mis en œuvre des programmes innovateurs liés à la catégorie économique afin de remédier à la pénurie de main-d’œuvre et de favoriser le maintien en poste de travailleurs qualifiés. Par conséquent, le Comité recommande :
Évaluation des programmes pilotes visant à remédier aux pénuries de main-d’œuvre
Recommandation 1
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada évalue le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique et le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord, et qu’il continue d’explorer des mesures innovatrices et ciblées pour remédier, grâce à l’immigration, aux pénuries de main-d’œuvre dans les différentes régions du Canada.
Débouchés accrus pour les réfugiés qualifiés grâce au projet pilote du Canada
Recommandation 2
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada examine le projet pilote innovateur administré en partenariat avec Talent Beyond Boundaries et le HCR, et qu’il l’élargisse afin d’offrir plus de débouchés et de voies complémentaires aux réfugiés qualifiés.
Programme des travailleurs étrangers temporaires
Philippe Massé, directeur général, Direction des travailleurs étrangers temporaires, Direction générale des compétences et de l’emploi d’EDSC, a informé le Comité que moins de 2 % de toutes les entreprises canadiennes ont recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires et que les travailleurs étrangers temporaires représentent moins de 1 % de la population active canadienne. En 2018, EDSC a approuvé 108 000 postes dans le cadre de ce programme[154]. Afin de tirer parti du programme, les employeurs doivent démontrer qu’aucun Canadien n’est disponible pour faire le travail en question en présentant une demande d’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT).
M. Massé a expliqué en quoi consistait la demande d’EIMT :
Ces demandes sont examinées pour s’assurer que l’employeur et l’offre d’emploi sont authentiques et que l’employeur s’est conformé aux règles du programme et aux lois du travail applicables.
Les demandes font aussi l’objet d’une évaluation par rapport à un certain nombre de facteurs du marché du travail pour s’assurer que l’embauche de travailleurs étrangers temporaires n’aura pas d’incidence négative sur le marché du travail canadien. Les employeurs doivent notamment démontrer qu’ils ont fait paraître des annonces à l’intention des Canadiens et des résidents permanents et qu’ils en ont embauché, au moyen de plateformes communes en ligne, par exemple, comme le Guichet d’emplois du gouvernement du Canada. Cela comprend des efforts ciblés pour rejoindre les groupes sous‑représentés.
En outre, il incombe à l’employeur d’expliquer comment, le cas échéant, le travailleur étranger temporaire aura un effet positif sur le marché du travail local, que ce soit en comblant une pénurie de main‑d’œuvre, en transférant des compétences et des connaissances à la main‑d’œuvre locale ou en appuyant la création et le maintien d’emploi pour les Canadiens.
Enfin, les employeurs doivent également certifier que l’embauche d’un travailleur étranger temporaire n’entraînera pas de délocalisation ou de pertes d’emploi pour les Canadiens ou les résidents permanents et ne nuira pas au règlement des conflits de travail.
Il importe également de noter que pour empêcher la suppression des salaires locaux, les employeurs sont tenus de verser aux travailleurs étrangers temporaires le taux de salaire courant dans leur profession et leur région[155].
M. Massé a dit au Comité que, en raison du marché du travail, il y a eu une augmentation de 26 % du nombre de demandes cette année comparativement à la même période l’année dernière, ce qui explique la prolongation des délais de traitement. Afin d’aider à atténuer l’incidence de cette augmentation imprévue du volume de demandes d’EIMT, EDSC a réaffecté temporairement des ressources pour transférer le traitement des dossiers d’agriculture des Territoires et de la région de l’Ouest à la région de l’Ontario.[156]
Toutefois, de nombreux témoins ont mentionné que
le long délai de traitement des demandes d’EIMT pose problème, au point où il
contribue à la perte d’emplois au Canada[157]. Ils ont proposé un certain nombre de solutions pour améliorer le
processus. Dennis Kuijpers, propriétaire de l’exploitation agricole
Superior Weanlings Ltd., a recommandé de rétablir le traitement accéléré des
demandes pour les employeurs ayant des antécédents favorables
Évaluations d’impact sur le marché du travail accélérées pour les employeurs fiables
Recommandation 3
Qu’Emploi et développement social Canada envisage de procéder à une évaluation d’impact sur le marché du travail accélérée aux employeurs ayant des antécédents favorables.
Quelques témoins ont également parlé des permis
de travail délivrés aux bureaux des visas, une étape qui suit l’approbation de
l’EIMT. Les délais actuels de traitement vont de 2 à 39 semaines, alors
que la Stratégie en matière de compétences mondiales prévoit un délai normal de
traitement de deux semaines pour les travailleurs temporaires qui
utilisent cette voie d’accès[162]. La Stratégie en matière de
compétences mondiales n’exige pas la tenue d’une EIMT, mais nécessite un plan
des avantages relatifs au marché du travail, qui peut entre autres prévoir le
transfert de connaissances au projet de la main-d’œuvre canadienne
Transition vers des programmes d’immigration fondés sur les besoins des employeurs
Recommandation 4
Qu’ Emploi et développement social Canada évalue la possibilité de remplacer l’exigence des évaluations d’impact sur le marché du travail par une approche fondée sur des employeurs approuvés afin de répondre aux besoins des employeurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre et où d’autres mesures ou conditions existent pour empêcher une baisse des salaires ou des normes de travail.
Selon M. Mooney, vice-président chez AURAY
Sourcing International inc., certains employeurs devraient être exemptés de
l’obligation de prouver l’existence d’une pénurie de main‑d’œuvre, comme
c’est le cas pour la Stratégie en matière de compétences mondiales, et EDSC
devrait mettre l’accent sur le programme de conformité des employeurs
Nous avons fait beaucoup de chemin depuis 10 ans. À l’époque, un employé qui était payé la moitié du salaire minimum pour un travail se faisait dire que s’il n’était pas content du salaire que lui versait son employeur, celui-ci pouvait le traîner devant le tribunal. Aujourd’hui, les employeurs doivent verser le salaire médian et ils font l’objet d’inspections. En principe, tous nos clients sont inspectés une fois par année. Même si l’entreprise est en activité depuis longtemps et qu’elle respecte toutes les règles, elle doit se soumettre à une inspection. L’inspection n’est pas laissée au hasard[166].
EDSC a expliqué que le Programme des travailleurs
étrangers temporaires inspecte en moyenne un plus grand nombre d’employeurs du
domaine de l’agriculture en raison du recours intensif de ce secteur au Programme
comparativement aux autres secteurs. De plus, ces travailleurs sont des plus
vulnérables, car ils font face à d’importants obstacles linguistiques et
travaillent souvent dans des régions isolées. En 2018-2019, 24% de toutes les
inspections effectuées concernaient le Volet de l’agriculture primaire
Danièle Bélanger, professeure titulaire à l’Université Laval, a indiqué au Comité que les travailleurs temporaires sur le marché du travail canadien
pourraient influencer les conditions de travail de tous les travailleurs, parce qu’ils dépendent souvent de leur employeur en ce qui concerne leur droit de rester, leur droit de revenir au Canada, comme c’est le cas des travailleurs dans l’agriculture, ou leur capacité de devenir des résidents permanents. Pour ces raisons, ils sont souvent prêts à occuper des emplois assortis de conditions différentes, comme des salaires plus bas ou des heures plus longues. Cela crée des inégalités entre les travailleurs et des tensions dans le milieu de travail […][168]
Beaucoup de témoins, estimant que la personne qui travaille au Canada depuis des années prouve qu’elle y a réussi son installation, ont dit souhaiter qu’on ouvre aux travailleurs temporaires un chemin vers la résidence permanente[169]. Jin Chien, avocate-conseil à la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic (CSALC), a avancé que « bon nombre de ces soi-disant emplois temporaires sont à plus long terme[170] ». Mme Bélanger a dressé un portrait éloquent des travailleurs étrangers temporaires :
La réalité des travailleurs temporaires, c’est qu’ils sont nombreux à ne pas du tout combler des besoins en matière de travail temporaire. Un bon nombre d’entre eux occupent les emplois les plus difficiles qui fournissent des services essentiels à nos collectivités. Ils cueillent les fruits et les légumes locaux que nous mangeons, changent les draps dans nos hôtels, nettoient les toilettes dans des maisons privées, s’occupent de nos aînés et de nos enfants, et ils effectueront ces tâches de plus en plus souvent. Ces besoins en main-d’œuvre sont de bien plus longue durée[171].
Les recherches de Mme Bélanger indiquent que, si on leur donne la chance de devenir résidents permanents, de nombreux travailleurs peu spécialisés sont susceptibles de continuer d’occuper leur emploi, puisque c’est dans le cadre de cet emploi qu’ils ont acquis leur expérience de travail au Canada[172]. Cependant, certains travailleurs pourraient choisir de ne pas rester :
Par exemple, dans le cas des travailleurs agricoles du Guatemala, qui ont une épouse illettrée au Guatemala et plusieurs enfants, ils savent que, en tant que travailleurs au salaire minimum au Canada, leur situation ne sera pas très bonne. Ils préfèrent circuler. Ils veulent de meilleures conditions de travail et des permis ouverts.
Je crois que nous devons envoyer ce message, que si nous offrons cette option, cela ne veut pas dire que, soudainement, ils vont tous décider de rester; absolument pas. Certains voudront être ici pendant quelques années, amasser de l’argent, construire une nouvelle maison et passer à autre chose, lancer une entreprise de retour chez eux. Certains pourraient choisir de rester, mais certainement pas tous[173].
Le Comité a entendu que les travailleurs temporaires étrangers auraient besoin de plus de voies d’accès à la résidence permanente. Par conséquent, le Comité recommande :
Tirer des leçons des initiatives précédentes afin de créer de nouvelles voies d’accès à la résidence permanente
Recommandation 5
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada envisage d’élargir les voies d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs temporaires, en s’appuyant sur les leçons apprises des programmes des candidats provinciaux, du Programme pilote d’immigration au Canada atlantique et du Programme des aides familiaux résidants.
Au nombre des obstacles à la résidence permanente que rencontrent les travailleurs étrangers temporaires seraient l’examen de langue et le niveau de maîtrise linguistique exigé[174]. M. Mooney s’est demandé dans quelle mesure les examens de langue utilisés sont pertinents dans le cas des travailleurs peu spécialisés :
Tout le monde sait combien il est important d’avoir une connaissance du français ou de l’anglais pour réussir à s’établir; nous nous interrogeons cependant sur la pertinence des tests actuellement utilisés pour évaluer les travailleurs qualifiés. Par exemple, les tests linguistiques comme l’IELTS, pour l’anglais, ou le TEF, pour le français, ne sont pas toujours les meilleurs outils pour déterminer si des soudeurs qui ont vécu trois ans au Canada avec leurs familles peuvent s’établir ici. Ils ont déjà démontré qu’ils pouvaient le faire[175].
Test de langue des travailleurs peu spécialisés
Recommandation 6
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada examine comment les langues officielles sont évaluées dans le but d’accroître les débouchés pour les travailleurs peu spécialisés qui satisfont aux besoins du marché du travail, afin de leur permettre de s’installer de façon permanente au Canada.
De plus, Mark Lewis, conseiller juridique au Carpenters’ District Council of Ontario, a demandé qu’une approche axée sur l’industrie soit envisagée pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires. En effet, il y a pénurie de travailleurs de la construction, mais il est difficile aux entreprises de prévoir les contrats de construction qu’elles obtiendront[176].
La catégorie la plus populaire est celle des travailleurs de la construction, qui ont besoin d’une formation professionnelle minimale, mais dont le salaire médian est presque le double du salaire minimum. Parmi les autres catégories en demande, il y a les métiers plus spécialisés et à plus grandes responsabilités comme les charpentiers-menuisiers, les électriciens et les directeurs de chantier[177].
Santiago Escobar, représentant national, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada, a évoqué un autre problème : beaucoup des travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole ne reçoivent pas de formation en santé et en sécurité. Ce témoin a donc proposé que les employeurs soient incités à donner cette formation par le recours à une désignation d’employeur de confiance accompagnée d’un assouplissement des EIMT annuelles[178].
Étudiants internationaux
Mme Long a expliqué la situation difficile des étudiants qui veulent passer par le système de points Entrée express :
Les étudiants étrangers sont de toute évidence des gens dont la venue est très souhaitable au Canada. Ils sont jeunes. Ils ont étudié au Canada. Ils ont de l’expérience de travail au Canada. Pourtant, beaucoup d’entre eux ne peuvent pas passer par le système Entrée express à cause de facteurs comme l’âge. S’ils sont dans la trentaine, je dirais que chaque anniversaire n’est pas un joyeux anniversaire, parce qu’à chaque anniversaire, leurs points diminuent de cinq ou six, jusqu’à 10 ou 11 points[179].
Adam Brown, président de l’Alliance
canadienne des associations étudiantes, a expliqué que des obstacles
administratifs et réglementaires empêchent les étudiants internationaux de
participer pleinement à toutes les possibilités que devrait ouvrir leur séjour
d’études au Canada. Par exemple, les étudiants qui veulent faire un stage
coopératif doivent demander un permis de travail, lequel peut n’être délivré
que six mois plus tard. De plus, les étudiants internationaux n’ont que
90 jours pour demander un permis de travail après l’obtention de leur
diplôme, alors qu’il faut compter en moyenne cinq mois pour trouver un emploi
après ses études[180].
M. Brown a aussi souligné que les étudiants ont besoin de conseils en
matière d’immigration, mais que ceux-ci ne sont plus faciles à trouver sur les
campus. En effet, le gouvernement a déposé en 2011 une loi exigeant que
toute personne offrant des conseils moyennant « rétribution » suive
une formation et obtienne un certificat. Les établissements d’enseignement
comme les universités ont donc soudainement reçu la consigne d’arrêter de
fournir des conseils, à moins que leur personnel n’ait reçu la formation.
M. Brown a dit que cette exigence est trop lourde pour les établissements
d’enseignement, et qu’elle est une embûche pour les étudiants internationaux
qui doivent composer avec le système d’immigration du Canada
Évaluer l’incidence de l’extension accordée aux diplômés pour trouver un emploi
Recommandation 7
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada évalue l’incidence de l’extension récemment accordée aux étudiants internationaux pour demander un permis de travail après l’obtention de leur diplôme, le délai étant passé de trois à six mois.
Dans le contexte des étudiants internationaux qui ont une famille, la question du droit des mineurs de fréquenter une école aux termes de la LIPR a également été soulevée. On a dit au Comité que des étudiants internationaux ayant un cheminement professionnel venus en Colombie-Britannique pour suivre des programmes spécialisés d’une année ou moins ont de la difficulté à s’inscrire leurs enfants d’âge scolaire dans le système public de la province[182].
Ressortissants iraniens
Le Comité a entendu que le délai de traitement des ressortissants iraniens, au Canada et en Iran, est considérablement plus long que celui des immigrants venant d’autres pays d’origine, et ce, pour toutes les catégories d’immigration[183]. Comme les dossiers des demandeurs iraniens de la composante économique passent par le bureau des visas de Paris, le Comité lui a demandé des explications.
IRCC a répondu qu’il est au courant du problème et
qu’il travaille à le résoudre. Il a indiqué qu’« en 2015, le temps d’attente
moyen associé aux demandes de résidence permanente des citoyens iraniens était
de 32,6 mois plus long que celui des citoyens d’autres pays. En
juillet 2018, cette différence avait été réduite à 10,5 mois
Tableau 1 – Délais de traitement à Paris, demandes de résidence permanente, classe économique, 2018
Catégories économiques |
Pour tous clients |
Pour ressortissants iraniens |
Entrée express |
10 mois |
10 mois |
Catégories économiques du Québec - Investisseurs, entrepreneurs et travailleurs autonomes |
53 mois |
53 mois |
Catégories économiques du Québec - Travailleurs qualifiés |
18 mois |
23 mois |
Candidats des provinces |
18 mois |
19 mois |
Source : Réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 30 octobre 2018.
Catégorie de la famille
Le regroupement familial est l’un des principaux
objectifs du programme d’immigration du Canada[185]. On entend par membre de la famille l’époux, le conjoint de fait,
l’enfant ou le père ou la mère d’un citoyen canadien ou d’un résident permanent
Dans un rapport récent, le Conference Board du Canada souligne l’apport économique des immigrants de la catégorie de la famille :
Nos constatations donnent à penser que, si le Canada a accordé la priorité à la catégorie de l’immigration économique depuis le milieu des années 1990 pour répondre aux besoins de main-d’œuvre, la catégorie de la réunification des familles devrait aussi être considérée comme faisant partie de la politique de développement économique. Les familles d’immigrants s’en sortent bien par rapport aux familles d’origine canadienne en vertu de paramètres économiques importants, tels que le revenu du ménage et l’accession à la propriété. Ajoutons à cela d’autres avantages de la réunification des familles, comme, par exemple, l’augmentation du taux de rétention des immigrants.[188]
La CSALC a insisté sur le rôle crucial des parents
et des grands-parents. Parce qu’ils peuvent garder les petits et contribuer aux
tâches ménagères, ils permettent à leurs enfants d’être des membres actifs du
marché du travail[189].
C’est pourquoi Mme Go, de la CSALC, a recommandé que la
catégorie de la famille représente à l’avenir 50 % des nouveaux résidents
permanents admis au titre du Plan des niveaux d’immigration
Cependant, Mme Go
a informé le Comité que, en raison de mesures introduites en 2014 – l’accroissement
du revenu vital nécessaire, la prolongation de la période de l’engagement et la
production obligatoire de trois années complètes de déclarations de
revenus – il est pratiquement impossible pour beaucoup aujourd’hui de
parrainer leurs parents ou leurs grands‑parents. Ce témoin a donc
recommandé : l’abrogation du revenu vital nécessaire (seuil de faible
revenu + 30 %) pour le parrainage de membres de la famille; et que la
période d’engagement pendant laquelle le parrain est responsable des nécessités
de subsistance de la personne parrainée passe de 20 à 10 ans. Mme Go
a aussi appelé le gouvernement à « remanier » la catégorie du
regroupement familial pour permettre le parrainage de frères et sœurs et
d’autres membres de la famille, vu l’importance de la famille élargie.
Randy Boldt, un consultant en immigration, a avancé que l’immigration des
parents et des grands-parents serait davantage acceptée si le gouvernement du
Canada procédait à une analyse économique de leur apport à la société
Examen des exigences de parrainage des parents et des grands-parents
Recommandation 8
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada examine la demande en matière de réunification familiale, y compris les exigences du programme et l’admissibilité au parrainage, afin de faciliter la réunification des parents et grands-parents au Canada.
Un
autre problème du système actuel de réunification des familles a été soulevé
par Jamie Liew. Celle-ci a expliqué que l’alinéa 117(9)d) du RIPR
exclut du regroupement familial le membre de la famille qui n’a pas fait
l’objet d’une divulgation ou d’un contrôle avant l’arrivée du parrain au
Canada. Ce règlement « interdit à vie aux réfugiés et aux autres migrants
de parrainer leur famille en raison de la non-divulgation d’un membre de la
famille. Dans 90 % des cas que nous avons examinés, il n’est aucunement
question de fraude. Des circonstances tragiques, comme le décès présumé d’un
enfant, aboutissent à une séparation familiale permanente
Étude de l’utilisation et de l’objet de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés
Recommandation 9
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada étudie à quelle fréquence des résidents permanents ou des citoyens canadiens omettent de divulguer un membre de leur famille dans leur demande, et ce, dans le but de faciliter leur entrée au Canada. Si l’étude révèle que ces omissions sont en grande majorité involontaires, que soit envisagé de modifier l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Réfugiés et personnes protégées
En ce qui concerne
les réfugiés, la LIPR poursuit deux grands objectifs : d’une part,
« sauver des vies et […] protéger les personnes de la persécution »
et, d’autre part, remplir « les obligations en droit international du
Canada relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées et […] affirmer la
volonté du Canada de participer aux efforts de la communauté internationale
pour venir en aide aux personnes qui doivent se réinstaller
Le système canadien de protection des réfugiés comporte deux volets principaux. Le premier, intitulé le Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire, est destiné aux personnes qui se trouvent à l’extérieur du Canada et qui ont besoin de protection. Le second, appelé le Programme d’octroi de l’asile au Canada est pour les personnes qui présentent une demande d’asile alors qu’elles se trouvent au Canada[195]. Dans les sections qui suivent, le Comité décrit ces deux volets et leurs sous-catégories, puis recommande des améliorations fondées sur les témoignages entendus.
Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire
Il existe, au sein
du Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre
humanitaire, trois sous-programmes de réinstallation à l’intention des réfugiés
au Canada, qui obtiennent la résidence permanente à leur arrivée au pays. Aux
termes du Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement (RPG), les
réfugiés au sens de la Convention sont recommandés au Canada aux fins de
réinstallation par un organisme de recommandation comme le HCR. La première
année de réinstallation est assumée financièrement par le gouvernement du
Canada ou par le gouvernement du Québec[196]. Le Programme de parrainage privé de
réfugiés (PPR) donne la possibilité aux particuliers ou aux groupes au
Canada de recommander la réinstallation au Canada d’un réfugié se trouvant à
l’étranger. Le particulier ou le groupe devient répondant privé et assure le
soutien financier et social du réfugié pendant une année
Dans des circonstances exceptionnelles, le séjour peut
être accordé pour des considérations d’ordre humanitaire
Étude de cas : traitement des demandes d’immigration au Haut-Commissariat du Canada en Tanzanie
En juin 2018, le Comité a visité le Haut-Commissariat du Canada à Dar es Salaam, en Tanzanie, qui s’occupe des relations bilatérales avec la Tanzanie, la Zambie, les Seychelles et les Comores. Ce haut-commissariat supervise aussi le traitement des demandes d’immigration en provenance de ces quatre pays ainsi que de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi[205]. Les membres du Comité ont visité, au Haut-Commissariat, le bureau d’IRCC, lequel a trois unités de traitement, à savoir l’Unité de la résidence permanente, l’Unité de réinstallation des réfugiés et l’Unité de résidence temporaire[206].
L’Unité de réinstallation des réfugiés traite les
demandes des RPG, des réfugiés parrainés par le secteur privé et des membres de
la famille de réfugiés réinstallés au Canada qui se prévalent du délai prescrit
d’un an[207].
Lorsqu’il reçoit le Plan des niveaux d’immigration de l’année, le Centre des
opérations de réinstallation d’IRCC à Ottawa (COR‑O) ventile chaque
catégorie par région et fixe un quota que chaque mission doit respecter avant
le 15 décembre de la même année. Or, pendant la visite du Comité, les
agents d’IRCC ont soulevé des préoccupations quant aux plans des niveaux
d’immigration, en particulier à l’égard des réfugiés parrainés par le secteur
privé. Par exemple, il y a 46 000 demandes de réfugiés parrainés par
le secteur privé en cours de traitement, alors que les objectifs du
gouvernement sont fixés à 18 000 en 2018 et à 19 000 en 2019. Il
restera donc 9 000 dossiers non traités à la fin de 2019, sans
compter les nouvelles demandes reçues ces deux années[208]. Les chiffres fournis par le COR‑O n’étant pas ventilés par
pays d’origine, l’Unité accorde la priorité aux plus anciens dossiers
L’Unité de la résidence permanente n’étudie pas les demandes de réinstallation, mais le Comité a observé un certain recoupement avec l’Unité de réinstallation des réfugiés, puisqu’elle traite essentiellement les demandes présentées au titre de la catégorie du regroupement familial et par des personnes protégées. Elle traite aussi les demandes de travailleurs qualifiés, de candidats des provinces, des personnes à charge, des parents et des grands-parents. Il y a aussi de rares dossiers d’immigrants économiques. Les demandes viennent principalement du Burundi, de la République démocratique du Congo (RDC), du Rwanda, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Les dossiers des personnes à charge dont les parents sont des réfugiés réinstallés au Canada revêtent une grande complexité, car les demandes sont souvent soumises sans les documents justificatifs requis. Il faut alors assurer un lourd suivi auprès des clients dans le pays de résidence (parfois même le pays d’origine) et au Canada. Certaines personnes à charge sont elles-mêmes réfugiées, ce qui exige une communication avec l’OIM pour les formalités de sortie et avec le HCR pour la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant et la vérification de documents[214].
Étude de cas : les processus de recommandation et de détermination dans le cas des réfugiés LGBTQ
Lors de ses audiences à Ottawa et de ses rencontres avec des réfugiés et des organismes d’aide aux réfugiés à Dar es Salaam et à Kampala, le Comité a entendu des critiques à l’endroit des processus de recommandation et de détermination. La section ci-dessous porte en particulier sur les questions soulevées par les réfugiés LGBTQ et les organismes qui leur viennent en aide; il y est traité de l’Ouganda et de la réinstallation au Canada des réfugiés LGBTQ.
Bibe Kalalu, président de l’Angels Refugee Support Group Association, a expliqué combien il est difficile aux réfugiés LGBTQ en Ouganda de se voir octroyer le statut de réfugié par les autorités, l’homosexualité étant considérée par le Code pénal ougandais comme un crime « contre nature » passible de l’emprisonnement à perpétuité. M. Kalalu a dit ce qui suit :
Pour demander le statut de réfugié, une personne doit s’adresser d’abord aux policiers chargés de recevoir les réfugiés. On parle ici de policiers du service de renseignement. Lorsqu’elle se présente, la personne est soumise à un examen, et si on découvre son identité de genre, sa demande est automatiquement rejetée, sans préavis, sans assistance et sans négociation. La majorité des personnes [LGBTQ] qui vivent en Ouganda n’ont pas le statut de réfugié. Nous nous sommes demandé alors comment nous pourrions l’obtenir. Certaines ont eu de la chance et l’ont obtenu, mais ce n’est pas le cas de la majorité. C’est à l’étape de l’entrevue avec les policiers du service de renseignement que les demandes de statut de réfugié sont carrément rejetées. Les responsables du HCR disent dépendre de la loi ougandaise et ils nous incitent à nous adresser à la police. Or la police et le premier ministre de l’Ouganda ne veulent pas octroyer l’asile aux personnes [LGBTQ], même si ces dernières se trouvent plongées dans un gouffre très profond[215].
La capacité des réfugiés de demander l’asile au motif de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle est essentielle. Cependant, la situation est difficile pour les demandeurs d’asile et les réfugiés LGBTQ en Ouganda, car ils risquent d’être arrêtés sur-le-champ s’ils se présentent à la police, comme on leur dit actuellement de le faire[216].
Chris Nolan, directeur du Refugee Law Project (RLP), a confirmé que le HCR doit d’abord constater que le gouvernement ougandais a rejeté la demande de protection (c.‑à‑d. qu’il n’a pas accordé le statut de réfugié et qu’il a rejeté l’appel) avant de pouvoir offrir sa protection. Il est bien connu que la police à Kampala rejette régulièrement les demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle, mais le HCR ne peut pas intervenir à cette étape du processus de détermination ougandais[217]. M. Nolan a aussi indiqué que le RLP peut agir à titre de conseiller auprès des réfugiés LGBTQ, mais ne peut pas siéger au comité d’examen des demandes de statut de réfugié[218].
Les représentants du siège social du HCR à Kampala ont toutefois insisté sur le fait que l’organisme protège tous ceux qui en ont besoin, quel que soit l’avis des pays d’accueil. Pour preuve, ils ont signalé que le HCR suit les critères de vulnérabilité qu’il s’est fixés et qu’il travaille avec les autorités ougandaises à cerner les personnes ayant besoin de protection. Les représentants ont également mentionné que le HCR déplace occasionnellement des abris afin de protéger les personnes vulnérables dont il a la charge[219].
Selon
Erin Brouse, gestionnaire du programme de migration au Haut-Commissariat
du Canada en Tanzanie, c’est la raison pour laquelle des organisations comme
HIAS sont si importantes : contrairement au HCR, elles ne craignent pas de
perdre la faveur du gouvernement et peuvent donc se permettre de confier au Canada
les dossiers liés à l’orientation sexuelle. Mme Brouse a
expliqué qu’un autre partenaire plus petit, mobile et souple serait nécessaire
sur le terrain en Ouganda. Un partenariat pourrait être mis au
point en vertu du paragraphe 143(1) du RIPR, qui permet au Canada de
signer des protocoles d’entente avec des organisations de recommandation
Majed El Shafie, de One Free World International, a lui aussi recommandé de ne pas seulement compter sur le HCR pour les recommandations. Il a fait valoir que les organismes locaux peuvent parfois être plus efficaces que le HCR auprès de segments particuliers de la population. Selon lui, il faut que le Canada trouve un équilibre entre les organismes locaux et internationaux qui travaillent à offrir une protection internationale aux personnes qui en ont besoin[222].
Jennifer Bond, directrice générale et présidente de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés au Carrefour des Réfugiés, a rappelé au Comité qu’il existe au Canada un programme conçu spécialement pour le parrainage de réfugiés LGBTQ : le programme pilote Rainbow Refugee Assistance Program (RRAPP)[223]. Comme dans le cas des trois volets du Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire, les dossiers de réinstallation des personnes persécutées en raison de leur orientation, de leur identité ou de leur expression sexuelle peuvent être recommandés au gouvernement fédéral par le HCR, d’autres organismes de recommandation ou des répondants privés[224].
En revanche, Patti Tamara Lenard,
professeure agrégée à l’Université d’Ottawa, a souligné que le RRAPP est un
programme temporaire sans financement permanent, ce qui cause du stress accru
aux répondants chaque fois qu’approche la date d’échéance. Cette
incertitude – le RRAPP a-t-il un avenir? – peut aussi dissuader
d’éventuels répondants d’utiliser le programme, ce qui est au détriment de
tous, y compris les réfugiés et le gouvernement fédéral. Mme Lenard
a donc recommandé que le RRAPP devienne un programme permanent
M. Beuze a ajouté que, s’il est vrai que tous les réfugiés LGBTQ n’ont pas besoin de réinstallation, certains font l’objet de discrimination et sont arrêtés et renvoyés dans leur pays. Ceux-là sont alors considérés par le HCR comme des candidats prioritaires pour la réinstallation dans un pays tiers comme le Canada[226]. M. Beuze a donc demandé au Canada et aux autres pays d’accueil d’offrir « que les personnes LGBTQ, les victimes de viol, les journalistes à risque, les dirigeants autochtones et les défenseurs des droits de la personne puissent être protégés grâce à la solution […] de la réinstallation dans un pays tiers[227] ».
Afin que les bureaux des visas du Canada disposent des partenariats adéquats pour concrétiser les priorités du gouvernement à l’étranger, le Comité recommande :
Soutenir les objectifs du Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire
Recommandation 10
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada analyse son utilisation actuelle des organismes de recommandation et propose, en partenariat avec le HCR, des organismes de recommandation qui pourraient offrir un soutien supplémentaire en vue de l’atteinte des objectifs du Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire.
À l’appui de l’engagement du Canada à l’égard des droits LGBTQ dans le monde, le Comité recommande :
Faire du Rainbow Refugee Assistance Pilote Program un programme permanent
Recommandation 11
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada fasse du Rainbow Refugee Assistance Pilote Program un volet permanent du Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire.
Étude de cas : réunification des réfugiés yézidis avec les membres de leur famille
Soucieux de faire ressortir un autre aspect du
Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre
humanitaire qui gagnerait à être amélioré, les témoins ont porté à l’attention
du Comité combien il est difficile aux réfugiés yézidis au Canada d’être réunis
avec les membres de leur famille[228]. En 2017, le gouvernement du Canada a accueilli plus de
1 400 réfugiés ayant échappé à Daesh; pour la plupart, il s’agissait
de femmes et d’enfants yézidis[229]. Cette réinstallation a eu lieu au titre de mesures spéciales,
puisque les personnes concernées étaient pour la plupart des personnes
déplacées à l’intérieur de leur pays, dans le Nord de l’Irak. Cependant,
plusieurs familles sont encore séparées en raison du conflit et des suites de
la présence de Daesh en Irak. Adiba, une réfugiée yézidie qui est arrivée au
Canada en 2017, a demandé au gouvernement fédéral de continuer de travailler
avec les réfugiés yézidis et de les aider à faire venir leur famille au Canada
M. Gionet a informé le Comité qu’IRCC priorise les dossiers des membres de la famille des réfugiés yézidis au titre du délai prescrit d’un an. Il a précisé que ces dossiers sont « traités en quelques mois » et « non pas en 30 mois, ce qui correspond à la moyenne pour la catégorie des périodes d’un an[232] ». IRCC a aussi écrit au Comité que, compte tenu des défis particuliers auxquels se heurte cette population, et afin de soutenir davantage la réunification familiale pour cette cohorte, le Ministère est en train de prolonger temporairement le programme du délai prescrit d’un an, et il accordera la priorité au traitement des demandes présentées par des membres de la famille libérés de captivité[233].
Programme d’asile au Canada
Une personne devient demandeur d’asile au Canada lorsque, arrivée au Canada, elle présente une demande en ce sens à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ou à IRCC. Si la demande est jugée recevable, elle est déférée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), un tribunal quasi judiciaire indépendant. Si la demande est rejetée, la personne peut demander appel de la décision, mais si l’appel est refusé, elle doit quitter le Canada[234]. Si la demande est acceptée par la CISR, la personne obtient le statut de réfugié[235], ce qui lui permet de rester au Canada et d’y faire une demande de résidence permanente.
M. de Vlieger a dit au Comité que les
demandes d’asile sont en hausse depuis quelques années au Canada. En 2017,
50 000 demandes d’asile ont été reçues, un sommet jamais vu depuis
15 ans[236].
Selon le témoin, environ 60 % de ces demandes ont été faites « dans
les normes aux points d’entrée réguliers[237] ». Cependant, vu la hausse du nombre de demandes, des témoins
ont signalé que le délai de traitement à la CISR atteint maintenant environ
18 mois, et que la lenteur du processus place les demandeurs d’asile dans
une position difficile. En effet, ils ont très peu de ressources, leur accès à l’emploi
ou à un logement convenable est limité, et leurs soins de santé mentale et
physique sont inadéquats. Le tout peut alourdir les traumatismes vécus par ces
personnes et retarder leur intégration dans la société canadienne
Enfants reconnus comme réfugiés au Canada
Aleksandar Jeremic, avocat spécialisé en droit de l’immigration et des réfugiés à Anchor Law, a parlé au Comité d’une situation particulière rencontrée dans le cadre de son travail :
un enfant qui, en raison du risque auquel il fait face, indépendamment du risque auquel ses parents font face, est accepté comme réfugié, sans que ses parents le soient. Il arrive souvent aussi qu’un seul parent soit responsable de cet enfant au Canada. Dans le cas qui nous occupe, une petite fille de huit ans a parfaitement le droit de rester au Canada, mais sa mère ne dispose d’aucun mécanisme automatique pour rester, parce que le risque auquel elle fait face, selon l’évaluation du tribunal, n’est pas considéré comme suffisamment important pour lui accorder la protection[240].
M. Jeremic a expliqué que, au Canada, l’enfant peut recevoir le statut de réfugié sans que son parent le reçoive automatiquement lui aussi. Dans le cas présenté au Comité, le parent a dû demander la résidence permanente pour des considérations humanitaires, lesquelles tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en application du paragraphe 25.1(1) de la LIPR. Selon le témoin, il s’agit toutefois d’un processus superflu qui « engage des formalités bureaucratiques pour une demande qui sera presque certainement approuvée[241] ».
Il a donc recommandé que le règlement soit modifié
de manière à permettre aux enfants réfugiés d’ajouter leurs parents à leur
demande de résidence permanente. Comme il l’a clarifié, « [c]ela fonctionne dans le cas inverse. Si un
parent est accepté, mais que, pour une raison ou une autre, un enfant ne l’est
pas, l’enfant est la personne à charge de cet adulte, alors, lorsque l’adulte
demande la résidence permanente, l’enfant l’obtient également
L’INTÉGRATION AU CANADA
Beaucoup de témoins ont demandé que soient offerts
davantage de services et de mesures d’appui à la réinstallation des nouveaux
arrivants, afin de faciliter leur intégration et leur maintien au Canada. La
hausse des niveaux d’immigration implique une demande accrue de services
d’établissement accessibles[243].
On a décrit au Comité les obstacles qui peuvent nuire à l’intégration et les
mesures à prendre pour les supprimer. L’Immigrant Services Society of British
Columbia a avancé que les traumatismes non traités des réfugiés, quel que soit
leur âge, impactent leur processus d’établissement, et notamment leur capacité
d’apprendre et de retenir de nouveaux renseignements, de conserver un emploi et
d’apprendre l’anglais[244]. Par ailleurs, beaucoup de témoins de la Colombie-Britannique ont
déploré le manque de logements abordables dans cette province
M. Antunes a dit ce qui suit au Comité :
Il ne faut pas seulement attirer un grand nombre d’immigrants. Il est également très important de s’assurer […] que les gens ont la capacité de participer plus pleinement à la population active[246].
Ce témoin a mentionné que la formation
linguistique et la reconnaissance des titres de compétences sont des services
d’établissement très importants pour les résultats sur le marché du travail
De nombreuses études ont montré […] que si vous êtes un nouvel arrivant ou si vous appartenez à un groupe racialisé, vous êtes plus susceptible de gagner moins d’argent et de ne pas pouvoir obtenir le travail pour lequel vous avez été formé[248].
La CSALC a écrit que « [m]algré leur éducation et leurs compétences, plusieurs immigrants font face à des défis sur le plan systémique pour ce qui est de l’accès à des emplois bien rémunérés dans le marché du travail », et ce, « en raison du manque d’expérience canadienne, du système restrictif d’agrément professionnel et des pratiques discriminatoires des employeurs[249] ». Selon la CSALC, le gouvernement devrait apporter des réformes approfondies avant d’éliminer les obstacles systémiques à l’égalité des chances sur le marché du travail. Quant à lui, le Waterloo Region Immigration Partnership a demandé au
gouvernement fédéral de reconnaître que le racisme et la discrimination à l’endroit des immigrants et des réfugiés existent, de soutenir les programmes destinés à mettre fin à cette discrimination et de renforcer la capacité des organismes canadiens de lutte contre le racisme et la discrimination pour intervenir de manière énergique[250].
Les sondages menés par le Waterloo Region Immigration Partnership auprès des immigrants et des réfugiés locaux ont révélé que les plus grandes difficultés rencontrées par ceux-ci sont d’apprendre l’anglais et de trouver du travail, mais que les liens sociaux et les occasions de réseautage aident à contrer ces problèmes[251]. Mustafa Alio, cofondateur et directeur de développement de Jumpstart Refugee Talent, a parlé de « Welcome Talent Canada », un programme national de mentorat créé en partenariat avec LinkedIn. Selon une étude récente de LinkedIn, 70 % des placements ont eu lieu grâce à des relations et non parce que des emplois étaient affichés[252].
La Trinidad Mina a fait connaître au Comité les résultats de son mémoire de maîtrise sur les immigrants adolescents au Canada. Elle a parlé au Comité de Maria, une étudiante du secondaire qui s’apprête à entreprendre des études postsecondaires, mais se heurte à des difficultés. Mme Mina a recommandé le renforcement des programmes d’établissement des jeunes, dont l’initiative Travailleurs établissement dans les écoles (TÉE). Comme le témoin l’a dit, « [c]es jeunes immigrants sont les futurs citoyens du Canada » et ils doivent recevoir tout le soutien nécessaire pour naviguer dans les réseaux scolaires et universitaires au Canada[253].
Le Comité est reconnaissant pour ces témoignages
et comprend l’importance que les services d’établissement peuvent avoir pour
l’intégration. Selon un témoin, « la voix des immigrants est plus
importante au Canada que dans la plupart des autres pays
INITIATIVES INTERNATIONALES
Le dernier chapitre du rapport porte sur les initiatives prises par le Canada, aux niveaux bilatéral, multilatéral et international, sur la question de la migration. On y aborde notamment les accords et les conventions internationales qui visent spécifiquement la migration, comme l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis (l’Entente sur les tiers pays sûrs), le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM) et le Pacte mondial sur les réfugiés (PMR). Des améliorations aux programmes humanitaires et à l’aide au développement offerts par le Canada sont également recommandées. Beaucoup de témoins ont d’ailleurs expliqué que l’aide au développement est un outil majeur pour contrer les causes profondes des problèmes de migration mondiaux.
Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs
Aux termes de la LIPR, le ministre de
l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté peut désigner des pays sûrs
dans lesquels les demandeurs d’asile peuvent être renvoyés pour y formuler leur
demande[255].
Le Canada et les États-Unis ont signé l’Entente sur les tiers pays sûrs
Cependant, l’Entente sur les tiers pays sûrs ne s’applique pas aux demandeurs d’asile qui entrent au Canada ailleurs qu’aux points d’entrée officiels. Par conséquent, les personnes qui traversent irrégulièrement la frontière canado-américaine pourront tout de même présenter une demande d’asile une fois sur le territoire canadien. En application du processus exposé ci‑dessus pour les demandeurs d’asile entrés au Canada, la demande sera alors renvoyée la CISR pour fins d’audience.
Comme d’autres pays, notamment ceux en Europe, le
Canada connaît actuellement une hausse des entrées irrégulières de migrants. En
2017, quelque 20 000 demandeurs d’asile sont entrés au pays ailleurs
qu’aux postes frontaliers officiels le long de la frontière canado-américaine;
en échappant ainsi à l’Entente sur les tiers pays sûrs,
ils ont pu présenter une demande d’asile sur le territoire du Canada
à l’origine de la migration irrégulière entre les points d’entrée officiels à la frontière canado-américaine. Il n’y a aucun autre facteur. Si les gens pouvaient se présenter à un point d’entrée officiel pour présenter une demande d’asile, ils le feraient. Comme je l’ai déjà dit, les gens ne franchissent pas la frontière à des points d’entrée non officiels parce que c’est une façon facile d’entrer au Canada. Au contraire, c’est la façon la plus difficile et la plus coûteuse d’entrer au Canada. Ils le font parce que c’est le seul moyen de faire que l’Entente sur les tiers pays sûrs s’applique[262].
M. Saunders a rappelé au Comité que les deux
groupes les plus nombreux de migrants irréguliers au Canada sont les Haïtiens
et les Nigériens, mais il a aussi clarifié que, après 2017, seulement 5 %
des migrants irréguliers au Canada venaient d’Haïti, et qu’environ 40 %
des demandeurs nigériens voient leur statut de réfugié reconnu
Les témoins ont dit au Comité que ces migrants irréguliers viennent au Canada parce que la situation actuelle aux États-Unis n’est pas sûre pour les réfugiés ou les demandeurs d’asile. Rosa Baum, agrégée supérieure de recherche à l’Aleph Policy Initiative, a décrit la détérioration de la situation aux États-Unis. Selon ses recherches,
[a]u cours de l’exercice 2014, 77 % des demandeurs d’asile – soit 44 228 personnes – ont été mis en détention, et 73 % d’entre eux l’ont été dans des prisons privées. Nombreux sont les établissements qui ont été critiqués à cause de violations des droits de la personne, y compris des soins médicaux déficients et de la violence sexuelle. Le paragraphe 31(1) de la Convention relative au statut des réfugiés [de l’ONU] interdit la détention généralisée des demandeurs d’asile et l’application de sanctions pénales du fait de l’entrée ou du séjour irréguliers des demandeurs[264].
Mme Baum a dit que l’administration actuelle des États-Unis a « exacerbé les pratiques de détention à grande échelle et de renvoi accéléré sans respect des garanties procédurales, de même que les poursuites intentées pour entrée sans autorisation[265] ». Selon ce témoin, les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile ne sont pas protégés actuellement aux États‑Unis; les garanties procédurales font défaut, et
on ne détermine pas leur crainte de rentrer dans leur pays d’origine au moyen d’un processus équitable et de mécanismes précis qui sont internationalement acceptés. Ils n’ont pas accès à des entrevues. Ils ne passent pas par les voies légales. La situation va à l’encontre de l’aspect le plus important de cette entente, soit le fait que les droits devraient être protégés aux États-Unis. Malheureusement, à cause des différentes politiques qui s’accumulent depuis un bon moment, ce n’est plus le cas[266].
Dans ce contexte, Anna Purkey, professeure à
la St. Jerome’s University, s’est dite d’avis que le principe sous-jacent
à l’Entente sur les tiers pays sûrs – soit le fait que le pays vers lequel
les gens sont renvoyés est sûr – ne tient plus[267]. Allan Rock,
conseiller spécial auprès du Conseil mondial pour les réfugiés, a abondé dans
le même sens : bien qu’il était ministre lorsque l’Entente
sur les tiers pays sûrs a été signée, les États-Unis ne
sont plus, selon lui, un pays sûr pour les réfugiés et les demandeurs d’asile
Par contre, Matt DeCourcey, secrétaire parlementaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a affirmé que les responsables d’IRCC
sont convaincus [que les États-Unis] répondent toujours à la définition de tiers pays sûr qui figurait dans l’entente initiale signée. Je peux vous assurer qu’il incombe au gouvernement de revoir constamment ses ententes internationales pour s’assurer que les pays avec lesquels il les a signées continuent de s’acquitter des responsabilités qu’ils ont acceptées en les signant[269].
Les témoins n’étaient pas de cet avis et ont appelé le gouvernement fédéral à suspendre ou à abolir l’Entente sur les tiers pays sûrs[270]. M. Smith a justifié comme suit la suspension de l’Entente :
il faut que les gens qui ne se sentent pas en sécurité aux États-Unis puissent présenter une demande d’asile à des points d’entrée réguliers en toute sécurité. De plus, cela permettrait de régler les problèmes qui préoccupent les gens, à savoir les coûts supplémentaires et les réaffectations des agents de l’ASFC et de la GRC. Cela permettrait en outre de mettre aux oubliettes les histoires et les images spectaculaires d’immigration clandestine, qui alimentent les discours populistes sur les frontières peu sûres et sur les demandeurs d’asile[271].
Pour M. Saunders, la suspension « pourrait faire partie d’une solution qui pourrait faire baisser la demande[272] ».
Audrey Macklin, professeure à l’Université de Toronto et représentante de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a rappelé au Comité qu’il a consacré une étude à l’Entente sur les tiers pays sûrs en 2002, lors de sa signature par le Canada et les États-Unis. Or, le Comité avait alors formulé cette recommandation : si
il y a eu une augmentation du nombre d’entrées irrégulières en raison de l’entente, le Comité devrait être prêt à recommander au gouvernement de suspendre ou de résilier l’entente[273].
Mme Macklin a donc appelé le Comité à donner suite à sa propre recommandation.
Comme on l’a signalé plus haut, c’est la CISR qui traite les migrants irréguliers qui demandent l’asile une fois entrés sur le territoire canadien. Idil Atak, professeure à l’Université Ryerson, a dit que le système de protection des réfugiés du Canada est solide, et bien plus robuste qu’au début des années 2000[274]. Mme Liew était du même avis, et a qualifié de « bien rodé[275] » le système d’immigration du Canada.
Au moment de la rédaction du présent rapport, des discussions informelles avaient lieu entre les responsables du gouvernement canadien et leurs homologues américains sur la possibilité de rouvrir l’Entente sur les tiers pays sûrs. Selon les médias, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis aurait demandé au département d’État, responsable des affaires internationales, de lancer le processus officiel de réouverture des traités internationaux[276].
Les pactes mondiaux
Comme l’a dit Lloyd Axworthy,
président du Conseil mondial pour les réfugiés, la
migration est un phénomène mondial qui requiert des solutions internationales,
multilatérales, collaboratives et coopératives[277]. Il existe un régime de protection international, composé entre
autres de la Convention de 1951 et de son Protocole de 1967, de
traités régionaux et d’autres conventions sur les droits de la personne
Ces deux outils sont le Pacte mondial pour des
migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM) et le Pacte
mondial sur les réfugiés (PMR). Ces pactes
mondiaux sont des instruments non contraignants qui expriment la volonté de la
communauté internationale de mettre en place des objectifs et des pratiques
exemplaires pour gérer les flux de migrants et de réfugiés
Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières
Le PMM énonce des principes communs ainsi que 23 objectifs – énumérés à l’annexe A – qui visent toutes les dimensions de la migration (sauf la protection des réfugiés, qui fait plutôt l’objet du PMR). Le PMM traite donc, entre autres, des voies régulières de la migration, des droits de la personne, de la traite de personnes et du passage de clandestins, de la gestion des frontières et de l’intégration des nouveaux arrivants. Il souligne les avantages des systèmes de migration complets et bien gérés, sans passer sous silence les problèmes sérieux que pose la migration irrégulière[287]. Michele Klein Solomon, directrice du Pacte mondial pour les migrations à l’OIM, a expliqué que le PMM détermine
comment veiller à ce que les mouvements de personnes aujourd’hui soient plus sûrs, plus ordonnés et plus prévisibles et travailler ensemble pour réduire les abus et les risques pour les personnes et les collectivités associés à la migration irrégulière et dangereuse[288].
Selon Ida Kaastra-Mutoigo, de World Renew ACT
Alliance, le PMM « favorise la collaboration dans le cadre de son
application » et une approche pangouvernementale efficace de la migration. Le PMM se fonde sur « une initiative dans laquelle le Canada
excelle et pour laquelle il a été à l’avant-garde, à savoir le renforcement
d’une approche axée sur l’ensemble de la société[289] ». Au Canada, il y a « plusieurs intervenants qui sont
déjà bien outillés, dont des organismes de la société civile comme le nôtre,
qui offrent d’excellents services de soutien aux nouveaux immigrants et aux
réfugiés » – ce qui est l’un des principes du PMM
Pacte mondial sur les réfugiés
Le PMR traduit en mesures pratiques et concrètes le concept qui est au cœur du système de protection internationale, soit le partage des responsabilités[291]. Ce pacte couvre tous les aspects de la réalité du réfugié – depuis son accueil jusqu’aux solutions durables. Il vise à alléger le fardeau des pays d’accueil, accroître l’autonomie des réfugiés, élargir l’accès aux solutions dans les pays tiers et soutenir les conditions nécessaires dans les pays d’origine pour un retour dans la sécurité et la dignité[292].
M. Beuze a expliqué au Comité que,
globalement, il y a trois solutions possibles aux mouvements de réfugiés. Soit
la personne retourne dans son pays d’origine une fois réglée la situation qui a
causé son déplacement, soit il s’intègre au pays d’accueil, comme l’Ouganda,
soit il se réinstalle dans un pays tiers, comme le Canada
Un des objectifs du PMR est d’accroître l’accès
aux solutions dans les pays tiers, et les témoins ont mentionné que les États
pouvaient saisir cette occasion pour créer ou développer de nouvelles options
durables pour les migrants[294]. Mme Purkey
a avancé que les pays devraient offrir « des voies de rechange pour la
migration et une protection complémentaire, par exemple, par le biais
d’opportunités éducatives et de programmes de travail flexibles, et ceci en
plus des trois solutions durables de réinstallation, de rapatriement et
d’intégration locale[295] ». Christina Clark-Kazak, professeure à l’Université
d’Ottawa, s’est dite d’accord et a parlé de son expérience comme conseillère
pédagogique auprès des étudiants réfugiés qui viennent au Canada dans le cadre
des programmes de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC)
De plus, Jennifer Hyndman, professeure à l’Université York, a signalé que le PMR encourage le partage des responsabilités, mais ne change pas la distribution des réfugiés dans le monde : plus de 85 % d’entre eux continueront d’être accueillis par les pays du tiers monde[298]. James Milner, professeur à l’Université Carleton, était du même avis : « la responsabilité à l’égard des réfugiés est le résultat d’accidents géographiques, qui font que les États situés dans les régions d’origine des réfugiés accueillent la vaste majorité des réfugiés du monde[299] ». Par contre, Jérôme Elie, du Conseil international des agences bénévoles, a fait remarquer que cette responsabilité disproportionnée est aussi assumée par les pays qui sont bailleurs de fonds du régime de protection internationale[300].
Cadre d’action global pour les réfugiés
Dans le PMR, la communauté internationale a aussi créé le Cadre d’action global pour les réfugiés (CAGR), un mécanisme qui vise à apporter aux pays d’accueil des contributions accrues en aide humanitaire et en appui au développement, question d’alléger les pressions qui pèsent sur eux[301].
Comme le PMR, le CAGR préconise l’apport de réponses plus prévisibles et durables aux mouvements de réfugiés de masse. M. Smith a expliqué au Comité que le
CAGR appelle à des contributions internationales nouvelles et supplémentaires au centre de l’aide humanitaire et de l’aide au développement, ce qu’il a appelé au Sommet humanitaire mondial, la nouvelle façon de travailler. L’objectif principal de l’établissement de liens entre les programmes humanitaires et de développement par le biais du CAGR est de favoriser l’inclusion et l’autonomie des personnes déplacées et d’alléger simultanément le fardeau sur les États hôtes. Il s’agit autant d’une façon prospective de traiter les personnes déplacées que d’une reconnaissance politique du fait que la plupart d’entre elles ne rentreront pas chez elles ou ne seront pas réinstallées[302].
Le PMR et le CAGR permettent aux pays hôtes de
solliciter, auprès de la Banque mondiale et des banques de développement
régionales, des prêts ou d’autres mesures de financement pour bâtir
l’infrastructure nécessaire aux réfugiés et aux collectivités d’accueil
M. Bach a expliqué que ces investissements incitent de plus en plus de pays hôtes à
se tourn[er] vers des solutions plus durables qui n’impliquent pas de camps et qui donnent aux réfugiés accès à des emplois, à des terres, à une éducation et à des services de santé. Les réfugiés peuvent donc prendre part à la vie d’une communauté qui offre une meilleure protection[305].
Cette approche rejoint ce que le Comité a vu en Ouganda. Comme il l’a appris pendant sa mission dans ce pays, l’Ouganda pratique la « politique de la porte ouverte » envers les réfugiés : il leur offre la protection juridique, physique et sociale; l’accès aux soins de santé publics ainsi qu’à l’école primaire et au premier cycle du secondaire; un lopin de terre; et la possibilité de prendre part à l’activité économique[306]. Ce pays a commencé la mise en œuvre du CAGR en 2017, mais il pratique cette approche ouverte depuis bien plus longtemps.
M. Milner a dit au Comité que l’Ouganda est maintenant un exemple pour beaucoup de pays hôtes. Par exemple, ce qu’elle a vu de l’investissement reçu par l’Ouganda et des retombées économiques de la participation des réfugiés à l’économie locale
a amené l’Éthiopie à réfléchir à l’utilité éventuelle d’attirer des prêts concessionnels de la Banque mondiale pour ouvrir une zone économique spéciale et sortir 800 000 réfugiés des camps, qui travaillent dans des zones économiques spéciales. On en voit aujourd’hui les répercussions au Kenya, etc.[307]
Actuellement, le CAGR est en œuvre dans 15 pays, dont l’Ouganda, le Rwanda, le Kenya, la Zambie, l’Éthiopie et Djibouti[308].
Réaffectation des actifs gelés
Les représentants du Conseil mondial pour les réfugiés ont également proposé d’autres mesures novatrices de financement. Ainsi, pendant son témoignage sur les pactes mondiaux, M. Axworthy a parlé de l’importance de tenir
responsables les voyous, les dictateurs et tous ceux qui sont à l’origine des conflits qui créent des réfugiés […] C’est l’une des raisons pour lesquelles nous militons très activement pour amener les pays à appuyer l’idée d’une réaffectation des actifs bloqués afin qu’il n’y ait pas d’impunité pour ce qui est de protéger les trésors mal acquis, alors qu’en fait, ils peuvent être rattachés par le processus juridique qui s’impose et être remboursés pour aider à remédier aux graves lacunes de financement que connaissent actuellement les groupes de réfugiés[309].
M. Rock a clarifié que les pays pourraient « confisquer les avoirs gelés des dirigeants étrangers corrompus et réinvestir l’argent pour en faire profiter la population qu’ils ont escroquée[310] ».
Il a ajouté que le Conseil mondial pour les réfugiés propose
une loi – il pourrait s’agir d’une modification à la loi de Magnitski ou d’une loi indépendante –qui autoriserait le procureur général du Canada, ou quelqu’un d’autre, avec son consentement, à demander à une cour supérieure des provinces une ordonnance autorisant la confiscation de ces biens et leur réattribution. On pourrait soit les renvoyer dans leur pays d’origine, soit, si ce pays est toujours sous l’emprise d’un gouvernement corrompu, verser cet argent à un organisme international comme le HCR, ou à une ONG qui rendra des comptes au tribunal. Un suivi serait fait pour chaque dollar, et le tribunal recevrait un rapport sur la façon dont l’argent est dépensé. La cour rendrait cette ordonnance sur avis donné à toutes les parties intéressées, de façon à assurer la transparence, la reddition de comptes et la primauté du droit, mais on utiliserait ces actifs[311].
M. Axworthy a conclu comme suit : cette mesure « fournira plus d’argent pour le système » et « dissuader[a] les gens qui sont à l’heure actuelle la cause des mouvements de réfugiés[312] ». En conséquence, le Comité recommande ce qui suit :
Envisager la réaffectation des avoirs gelés
Recommandation 12
Que le gouvernement du Canada envisage de soutenir une loi prévoyant la redistribution des actifs gelés aux organismes locaux et internationaux qui aident les personnes déplacées par les crises humanitaires.
Rapport provisoire du Comité
Dans son rapport provisoire de décembre 2018, le Comité s’est concentré sur le PMM et le PMR et a recommandé :
Que le gouvernement du Canada vote en faveur du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du Pacte mondial sur les réfugiés; [et]
Que le gouvernement du Canada profite des forums que représentent le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le Pacte mondial pour les réfugiés afin de contribuer à la définition des pratiques exemplaires futures en ce qui concerne la migration : a) en communiquant les pratiques exemplaires du Canada et en prenant part à l’élaboration des interventions visant les défis auxquels sont confrontées les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, y compris les victimes de génocide comme les Yézidis et d’autres victimes de Daech; b) en communiquant les pratiques exemplaires du Canada et en prenant part à l’élaboration de programmes d’aide aux femmes et aux filles migrantes partout dans le monde; c) en offrant d’accueillir des conférences internationales qui appuient les objectifs des Pactes; d) en affectant des ressources à la lutte contre les mythes et les fausses informations au sujet des Pactes et de la migration en général afin de faire comprendre aux Canadiens que les Pactes ne menacent pas la souveraineté nationale et que les migrations sûres, ordonnées et régulières sont effectivement importantes pour la prospérité future du pays[313].
Dans la réponse du gouvernement au rapport provisoire, IRCC a confirmé la mise en œuvre de la première recommandation.
Le 19 décembre 2018, le Canada a voté pour l’adoption du Pacte mondial pour les migrations à l’Assemblée générale de l’ONU […] Le 17 décembre 2018, le Canada a voté pour l’adoption du Pacte mondial sur les réfugiés dans le cadre de la Résolution omnibus annuelle du HCR à l’Assemblée générale de l’ONU[314].
En ce qui concerne la seconde recommandation, IRCC
a fait valoir que le gouvernement du Canada appuie les propositions du Comité
et les concrétise par diverses initiatives. Par exemple, « [l]e Canada
continuera d’appuyer une approche coordonnée réunissant divers intervenants à
l’égard de l’aide, de la protection et des solutions destinées [aux
PDIP] » et poursuivra son dialogue avec ses partenaires multilatéraux
« afin d’attirer davantage l’attention sur cette question
échange actuellement avec ses partenaires bilatéraux et multilatéraux au sujet des efforts de renforcement durable de la capacité, par exemple en communiquant des pratiques exemplaires sur l’intégrité des documents de voyage, le renforcement des systèmes d’octroi de l’asile et la mise à l’essai de voies complémentaires permettant l’immigration des réfugiés dans les volets économiques[316].
Enfin, le Ministère a signalé que le Canada sera l’hôte en 2019 de plusieurs conférences internationales sur la migration qui lui permettront d’échanger avec d’autres pays sur les pratiques exemplaires.
Réaffirmer le leadership et l’engagement du Canada à l’égard des pactes mondiaux
Recommandation 13
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada réaffirme le leadership et l’engagement du Canada à l’égard de l’atteinte des objectifs du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du Pacte mondial pour les réfugiés, et qu’il continue de travailler en étroite collaboration avec la communauté internationale pour améliorer la capacité des pays à relever les défis et à saisir les occasions de migration.
Initiative mondiale de parrainage de réfugiés : une pratique exemplaire partagée
L’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés est un exemple concret des efforts internationaux que fait le Canada pour accroître l’accès à des solutions dans les pays tiers[317]. Comme l’a expliqué Mme Bond, cette initiative, chapeautée par le gouvernement du Canada, le HCR, la Fondation Giustra, les Fondations pour une société ouverte et le Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa, permet d’offrir de la formation et des conseils aux pays qui veulent adopter le modèle de parrainage privé du Canada pour réinstaller des réfugiés sur leur territoire. Actuellement, l’Initiative est active dans plus de 15 pays, où elle vise à mobiliser les citoyens et à ouvrir de nouveaux chemins d’accès aux réfugiés[318].
Élargir l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés
Recommandation 14
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada élargisse le mandat de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés afin de poursuivre la dissémination des pratiques exemplaires et de l’expertise du Canada et d’encourager les autres pays à adopter des programmes semblables au Programme de parrainage privé de réfugiés du Canada.
Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays : un défi négligé
Des témoins ont toutefois soutenu que les pactes
mondiaux négligent certains des défis de la migration. Ainsi, plusieurs ont
déploré l’absence de solutions concernant les PDIP[319]. M. Milner a reconnu que le
paragraphe 12 du PMR mentionne les déplacés
internes et évoque l’aide qui peut être demandée au HCR et à l’OIM
Aide humanitaire et appui au développement
Les témoins ont fait valoir que l’aide humanitaire
et l’appui au développement sont essentiels pour éliminer les causes profondes
des déplacements et des flux migratoires. Selon les intervenants entendus, le
Canada serait bien placé pour donner l’exemple à cet égard
Si elle veut répondre pleinement aux défis de la
migration, la communauté internationale doit, selon Mme Bond,
investir dans les pays qui accueillent la grande majorité des réfugiés du
monde. Or, « il y a des déficits budgétaires continus dans tous les
organismes internationaux qui offrent du soutien dans ces États
le financement varie beaucoup selon l’endroit de la crise. L’opération Syrie-Irak a reçu environ 60 % du financement nécessaire. En Afrique subsaharienne, nous recevons entre 30 % et 40 %. Dans certaines opérations, le financement n’atteint pas 20 %, comme c’est le cas pour les Burundais en Tanzanie. En Amérique centrale, où la crise s’intensifie au Venezuela, au Nicaragua et dans le nord de la région, nous finissons toujours l’année avec environ 20 % du financement dont nous avons besoin pour aider la population[328].
Mme Klein Solomon a affirmé que l’engagement du Canada et d’autres gouvernements dans le monde
dans le cadre du programme de développement durable à long terme – lequel vise à réduire l’insécurité et les conflits – favorise le développement et améliore les conditions qui permettent aux gens de vivre en sécurité et dans la dignité chez eux et de ne pas se trouver dans un contexte qui les force à se déplacer, notamment en raison des conséquences de la dégradation croissante de l’environnement, laquelle est exacerbée par les changements climatiques. Beaucoup de choses qui ont une incidence sur les politiques et les pratiques relatives aux migrants et aux réfugiés peuvent être faites pour améliorer les conditions et limiter les risques pour les personnes[329].
Deirdre Kent, directrice générale, Politique d’aide internationale à Affaires mondiales Canada, a clarifié que « [l]’aide internationale [du Canada] cible les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, ce qui inclut l’aide aux pays sources et aux pays hôtes de migrants[330].
Cependant, les témoins ont avancé que, dans l’ensemble, l’aide humanitaire et l’appui au développement manquent de coordination et de cohérence[331].
Par exemple, M. Bach a signalé que, en
Ouganda, on transporte de l’eau et de la nourriture par camion plutôt que de
travailler « à trouver des moyens de subsistance
et à creuser de bons puits munis de piles solaires qui fourniront de l’eau aux
collectivités et aux réfugiés[332] ». Ces situations peuvent être évitées
si on s’assure de la convergence entre l’aide humanitaire et le soutien au
développement. Pour Simran Singh,
de CARE Canada, plus on aide les personnes à générer des revenus et à devenir
autosuffisantes, plus on atténue la pression qui s’exerce sur le système
humanitaire[333]. M. Milner a recommandé aux pays comme le Canada de lier
l’humanitaire et le développement avec la diplomatie, la gouvernance et
l’adhésion aux engagements fondamentaux de la Charte des Nations Unies
Stephen Salewicz, directeur général de
l’Assistance humanitaire internationale à Affaires mondiales Canada, a
mentionné que le Ministère examinait actuellement « des approches qui profitent aux pays d’accueil en raison de leurs
propres besoins de développement, mais qui s’étendent aussi aux réfugiés
nous soutenons aussi des activités de développement […], notamment par l’entremise [du] ministère de l’Éducation [jordanien], pour accroître les débouchés et la qualité de l’éducation pour les Jordaniens et pour aider les réfugiés par la même occasion[337].
D’autres témoins ont appelé le Canada à assumer
davantage un rôle de leader et à verser des contributions financières beaucoup
plus importantes, par exemple dans le cadre de l’aide au développement
officielle (ADO)[338].
M. Vinhas a recommandé que le Canada s’appuie sur
son financement pour contribuer, avec des investissements prévisibles, souples
et pluriannuels, à l’atteinte des Objectifs de développement durable, notamment
la réduction des inégalités qui causent les déplacements forcés
Affaires mondiales Canada a écrit que
[s]uite à l’afflux de réfugiés au sein de plusieurs pays donateurs au cours des dernières années, la proportion d’ADO fournie sous la forme de dépenses pour les réfugiés dans le pays donateur a augmenté dans la majorité des pays donateurs, y compris le Canada. Toutefois, bien que certains pays aient détourné une part de leur budget régulier d’ADO à cet effet, ça n’a pas été le cas pour le Canada, étant donné que les dépenses pour les réfugiés au Canada ne sont pas financées par l’enveloppe de l’aide internationale. Ainsi, une augmentation des dépenses pour les réfugiés au Canada ne diminue pas forcément l’aide aux pays en développement du Canada. À titre de référence, le Canada a dépensé 606,13 millions de dollars en ADO pour les réfugiés au Canada en 2017[342].
Sur la question de la convergence entre l’aide humanitaire et l’appui au développement, le Comité recommande ce qui suit :
Revoir les enveloppes de l’humanitaire et du développement
Recommandation 15
Que le gouvernement du Canada revoie ses enveloppes de financement de l’aide humanitaire et l’appui au développement afin d’en améliorer le rendement et de mieux les aligner sur les exigences de financement du HCR et des autres organismes non gouvernementaux qui travaillent sur le terrain auprès des populations.
[1] Pour plus d’information sur l’histoire de l’immigration
au Canada, voir Statistique Canada,
[2] Immigration, Réfugiés et
Citoyenneté Canada [IRCC],
[3] Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration
de la Chambre des communes [CIMM],
[4] CIMM,
[5] Les
[6] CIMM,
[7] CIMM,
[8] CIMM,
[9] Nations Unies [ONU],
[10] CIMM,
[11] CIMM,
[12] CIMM,
[13] CIMM,
[14] Ces termes sont définis à la page 14, sous la section intitulée Qui sont les gens en déplacement?
[15] Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés [HCR],
[16] CIMM,
[17] Pour plus d’information, voir HCR,
[19] CIMM,
[20] CIMM,
[21] CIMM,
[22] CIMM,
[24] CIMM,
[25] CIMM,
[26] Le déplacement doit se faire, en règle générale, sur
plus de six mois. Pour plus d’information sur la définition, voir l’Organisation
internationale pour les migrations [OIM],
[27] Nations Unies, « Principes directeurs relatifs au
déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays »,
[28] HCR,
[29] CIMM,
[30] CIMM,
[31] CIMM,
[32] CIMM,
[33] CIMM,
[35] HCR,
[36] CIMM, rencontre avec le ministre d’État responsable des affaires internationales au ministère des Affaires étrangères, à Kampala, en Ouganda, 5 juin 2018.
[37] CIMM, rencontre au bureau régional du HCR dans la communauté de réfugiés de Kyangwali, Ouganda, 6 juin 2018.
[38] Le jour de notre visite, le chemin menant à la communauté de réfugiés de Kyangwali était boueux et partiellement bloqué par un autocar et un camion qui s’y étaient enlisés, ce qui met en évidence les difficultés de transport éprouvées par les représentants et les réfugiés qui travaillent et vivent dans la communauté.
[39] CIMM, rencontre au bureau régional du HCR dans la communauté de réfugiés de Kyangwali, Ouganda, 6 juin 2018.
[40] Durant l’éclosion de choléra, Médecins sans frontières a reçu le mandat d’effectuer des tests de dépistage des carences nutritionnelles et des problèmes médicaux. Action Africa Help a depuis pris la relève des tests de dépistage.
[41] Le centre d’accueil compte neuf abris semi‑permanents et cinq abris permanents, qui peuvent chacun accueillir 100 personnes. En juin 2018, le centre s’employait à augmenter la capacité des abris et à ajouter trois autres abris comme plan d’urgence.
[42] CIMM, visite au centre d’accueil du camp de réfugiés de Kyangwali, Ouganda, 6 juin 2018.
[44] Parmi les personnes présentes, 7 vivaient dans la communauté de réfugiés depuis 20 ans ou plus, 5 depuis 10 ans et 3 depuis moins de 10 ans. Deux personnes se trouvaient au camp depuis 4 et 6 mois, respectivement.
[45] CIMM, rencontre avec des réfugiés représentant la communauté de réfugiés de Kyangwali, Ouganda, 6 juin 2018.
[46] CIMM,
[47] CIMM,
[48] HCR,
[49] CIMM,
[50] HCR,
[51] OIM, «
[52] HCR,
[53] CIMM, rencontre avec le ministre d’État responsable des affaires internationales au ministère des Affaires étrangères, Kampala, Ouganda, 5 juin 2018.
[54] CIMM,
[55] CIMM,
[56] CIMM,
[57] CIMM,
[58] CIMM,
[59] CIMM,
[60] CIMM,
[61] CIMM,
[62] CIMM,
[63] CIMM,
[64] CIMM,
[65] CIMM,
[66] CIMM,
[67] CIMM,
[68] CIMM,
[69] CIMM,
[70] CIMM,
[71] CIMM,
[72] CIMM,
[73] CIMM,
[74] CIMM,
[75] Tanya Basok,
[76] CIMM,
[77] CIMM,
[78] CIMM,
[79] CIMM,
[80] CIMM,
[81] CIMM,
[82] HCR,
[83] CIMM,
[84] CIMM,
[85] Tanya Basok,
[86] CIMM,
[87] CIMM,
[88] Regional Inter-Agency Coordination Platform for Refugees
and Migrants from Venezuela,
[89] CIMM,
[90] CIMM,
[92] HCR,
[93] OIM, «
[94] CIMM,
[95] CIMM,
[96] HCR,
[97] CIMM,
[98] CIMM,
[99] CIMM,
[100] CIMM,
[101] Melissa Bowie,
[102] CIMM,
[103] CIMM,
[104] CIMM,
[105] CIMM,
[106] CIMM,
[107] CIMM,
[108] CIMM,
[109] CIMM,
[110] CIMM,
[111] CIMM,
[112] CIMM,
[113] CIMM,
[114] CIMM,
[115] CIMM,
[116] CIMM,
[117] CIMM,
[118] CIMM,
[119] CIMM,
[120] CIMM,
[121] CIMM,
[122]
[123] CIMM,
[124] Une partie du portefeuille de Sécurité publique Canada, soit l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), examine les demandes à des fins de sécurité et de vérification des antécédents criminels. La GRC est également responsable de l’archivage des données biométriques.
[125] Les centres de réception des demandes de visa sont des entités privées dont les services sont retenus par IRCC pour faciliter la soumission des demandes. Ils ne jouent aucun rôle dans le processus de décision.
[126] LIPR,
[127] LIPR, al. 3(1)a).
[128] Le Plan des niveaux
d’immigration 2019‑2021 ne comporte pas de renseignements précis sur les
niveaux d’admission de nouveaux résidents permanents au Québec, compte tenu du
moment où ont lieu les élections générales dans la province. De plus,
l’immigration au Québec doit se faire conformément à l’Accord Canada‑Québec :
le Québec est responsable de la sélection de résidents permanents et de ses
programmes d’intégration. Gouvernement du Canada,
[129] IRCC,
[131] CIMM,
[132] CIMM,
[133] Emploi et Développement social Canada [EDSC], Réponse à une demande d’information faite le 18 mars 2019: question 7– Larry Maguire.
[134] CIMM,
[135] CIMM,
[136] CIMM,
[137] CIMM,
[138] CIMM,
[139] CIMM,
[140] CIMM,
[141] IRCC,
[142] CIMM,
[143] CIMM,
[144] CIMM,
[145] CIMM,
[146] CIMM,
[147] CIMM,
[148] CIMM,
[149] CIMM,
[150] CIMM,
[151] Au moment de la rédaction du présent rapport, il n’y avait pas plus d’information accessible sur ces projets pilotes.
[152] CIMM,
[153] CIMM,
[154] CIMM,
[155] CIMM,
[156] EDSC, Réponse à une demande d’information faite le 18 mars 2019 : question 8 – Larry Maguire.
[157] CIMM,
[158] CIMM,
[159] CIMM,
[160] CIMM,
[161] Jacobus Kriek,
[162] CIMM,
[163] EDSC, « Plan des avantages
relatifs au marché du travail »,
[165] CIMM,
[166] CIMM,
[167] EDSC, Réponse à une demande d’information faite le 18 mars 2019 : question 9 – Larry Maguire.
[168] CIMM,
[169] CIMM,
[170] CIMM,
[171] CIMM,
[172] CIMM,
[173] CIMM,
[174] CIMM,
[175] CIMM,
[176] CIMM,
[177] CIMM,
[178] CIMM,
[179] CIMM,
[180] En février 2019, IRCC a mis à jour
ses directives, et les étudiants disposent maintenant de six mois pour se
trouver un emploi.
[181] CIMM,
[182] LIPR, par. 30(2); Collingwood Neighbourhood House,
[183] CIMM,
[184] IRCC, Réponse à une demande d’information faite par CIMM le 30 octobre 2018.
[185] Le Comité a étudié le regroupement familial en 2016-2017.
CIMM,
[186] LIPR, par. 12(1).
[187]
[188] Kareem El-Assal et Daniel Fields,
[189] Chinese and Southeast Asian Legal Clinic,
[190] CIMM,
[191] CIMM,
[192] CIMM,
[193] CIMM,
[194] LIPR,
[195] Pour plus d’information, voir IRCC,
[196] Pour plus d’information, voir IRCC,
[197] Pour plus d’information, voir IRCC,
[198] Pour plus d’information, voir IRCC,
[199] Dans le cadre du
[200] LIPR,
[201] CIMM,
[202] CIMM,
[203] CIMM,
[204] CIMM,
[205] Les relations bilatérales avec ces trois pays sont supervisées par le Haut-Commissariat du Canada au Kenya.
[206] CIMM, Rencontre avec le Comité de gestion de la mission au Haut-Commissariat du Canada en Tanzanie, Dar es Salaam, Tanzanie, 4 juin 2018; CIMM, Visite du bureau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au Haut-Commissariat du Canada en Tanzanie, Dar es Salaam, Tanzanie, 4 juin 2018.
[207] Fait à noter, les dossiers de demandes faites selon la disposition relative au délai prescrit d’un an doivent être traités rapidement. L’Unité a donc instauré une procédure de préanalyse où on vérifie les critères d’admissibilité du dossier avant sa transmission au décideur. Souvent, ces cas nécessitent des clarifications sur les relations entre les membres d’une famille.
[208] CIMM, Visite du bureau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au Haut-Commissariat du Canada en Tanzanie, Dar es Salaam, 4 juin 2018.
[209] Les plus anciens dossiers traités à Dar es Salaam sont les demandes de réfugiés burundais vivant en République démocratique du Congo.
[210] Les dossiers urgents comprennent les femmes en péril et les membres de la communauté LGBTQ.
[211] Le HCR et l’OIM signalent les cas recommandés à plus d’un pays. Au moment du voyage du Comité, en juin 2018, la Norvège et le Danemark acceptaient les recommandations en vue d’une réinstallation. L’Australie et les États-Unis faisaient de même, mais à bien moindre échelle.
[212] HIAS (anciennement Hebrew Immigrant Aid Society) est une organisation américaine pour la protection des réfugiés qui œuvre auprès des populations de réfugiés les plus vulnérables du monde, comme les victimes de violences sexuelles et de violences fondées sur le genre, les mineurs séparés et non accompagnés, les personnes âgées, les personnes handicapées et les autres personnes en péril. L’organisation a dû mettre fin à ses opérations en Ouganda en janvier 2018 du fait de restrictions de financement imprévues, mais elle est toujours active au Kenya. Pour plus d’information, voir HIAS, HIAS in Uganda.
[213] CIMM, Visite du bureau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au Haut-Commissariat du Canada en Tanzanie, Dar es Salaam, Tanzanie, 4 juin 2018.
[214] CIMM, Visite du bureau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au Haut-Commissariat du Canada en Tanzanie, Dar es Salaam, Tanzanie, 4 juin 2018.
[215] CIMM,
[216] CIMM,
[217] CIMM, Rencontre avec le Conseil mondial pour les réfugiés et le Refugee Law Project, Kampala, Ouganda, 8 juin 2018.
[218] CIMM, Rencontre avec le Conseil mondial pour les réfugiés et le Refugee Law Project, Kampala, Ouganda, 8 juin 2018.
[219] CIMM, Visite du siège social du HCR à Kampala, Ouganda, 8 juin 2018.
[220] CIMM, Rencontre avec le Conseil mondial pour les réfugiés et le Refugee Law Project, Kampala, Ouganda, 8 juin 2018.
[222] CIMM,
[223] CIMM,
[224] Pour plus d’information, voir
IRCC,
[225] CIMM,
[226] CIMM,
[227] CIMM,
[228] CIMM,
[229] IRCC, Réponse à une demande d’information faite par
CIMM le 27 septembre 2018. Une étude
consacrée exclusivement à la réinstallation des femmes et des enfants yézidis a
été effectuée en 2017-2018. CIMM,
[230] CIMM,
[231] CIMM,
[232] CIMM,
[233] IRCC, Réponse à une demande d’information faite par CIMM le 27 septembre 2018.
[234] IRCC,
[235] La LIPR emploie le terme « personne protégée ».
LIPR,
[236] Pour plus d’information, voir IRCC,
[237] CIMM,
[238] Journey Home Community,
[239] CIMM,
[241] CIMM,
[242] CIMM,
[243] S.U.C.C.E.S.S.,
[244] Immigrant Services Society of
British Columbia,
[245] Multi-Agency Partnership BC,
[246] CIMM,
[247] CIMM,
[248] CIMM,
[249] Chinese and Southeast Asian Legal Clinic,
[250] Waterloo Region Immigration
Partnership,
[251] Waterloo Region Immigration
Partnership,
[252] CIMM,
[253] CIMM,
[254] CIMM,
[255] LIPR, par. 102(2). Cette désignation est considérée
comme une application acceptable du droit international sur les réfugiés. Pour
plus d’information, voir HCR,
[256] Nom officiel :
[257] CIMM,
[258] CIMM,
[259] Par exemple, si un demandeur d’asile a été interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits de la personne ou internationaux ou pour grande criminalité, sa demande sera jugée irrecevable.
[260] Les exceptions concernant l’intérêt public pourraient s’appliquer,
par exemple, aux personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction
pouvant donner lieu à la peine de mort aux États-Unis ou dans un tiers pays.
Pour plus d’information, voir IRCC,
[261] CIMM,
[262] CIMM,
[263] CIMM,
[264] CIMM,
[265] CIMM,
[266] CIMM,
[267] CIMM,
[268] CIMM,
[269] CIMM,
[270] CIMM,
[271] CIMM,
[272] CIMM,
[273] CIMM,
[274] CIMM,
[275] CIMM,
[276] Michelle Zilio et Adrian Morrow, «
[277] CIMM,
[278] HCR,
[279] CIMM,
[280] CIMM,
[281] CIMM,
[282] CIMM,
[283] CIMM,
[284] CIMM,
[285] HCR,
[286] CIMM,
[287] CIMM,
[288] CIMM,
[289] CIMM,
[290] CIMM,
[291] CIMM,
[292] HCR,
[293] CIMM,
[294] CIMM,
[295] CIMM,
[296] CIMM,
[297] CIMM,
[298] Jennifer Hyndman,
[299] CIMM,
[300] CIMM,
[301] CIMM,
[302] CIMM,
[303] CIMM,
[304] Jennifer Hyndman,
[305] CIMM,
[306] CIMM, rencontre avec le ministre d’État responsable des affaires internationales au ministère des Affaires étrangères, Kampala, Ouganda, 5 juin 2018.
[307] CIMM,
[308] HCR,
[309] CIMM,
[310] CIMM,
[312] CIMM,
[313] CIMM,
[314] CIMM,
[315] CIMM,
[317] CIMM,
[318] CIMM,
[319] CIMM,
[320] CIMM,
[321] CIMM,
[322] CIMM,
[323] CIMM,
[324] CIMM,
[325] CIMM,
[326] CIMM,
[328] CIMM,
[329] CIMM,
[330] CIMM,
[331] CIMM,
[332] CIMM,
[333] CIMM,
[334] CIMM,
[335] CIMM,
[336] CIMM,
[337] CIMM,
[338] CIMM,
[339] CIMM,
[340] CIMM,
[341] CIMM,
[342] Affaires mondiales Canada, Réponse à une demande d’information faite par CIMM le 27 septembre 2018.