CIMM Rapport du Comité
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INTRODUCTION
Chaque année, le Canada accueille plus de
300 000 immigrants. Cela inclut les personnes issues de l’immigration
économique, du regroupement familial et les réfugiés et personnes protégées. À
compter de 2021, le gouvernement prévoit accueillir annuellement un nombre
d’immigrants équivalent à 1 % de la population canadienne totale
Conscient de ce besoin fondamental, le 6 février 2018, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes (le Comité) a convenu d’entreprendre une étude sur les services d’établissement offerts aux nouveaux arrivants[2]. De janvier 2019 à mai 2019, le Comité a entendu 52 témoins et reçu cinq mémoires à ce sujet. Les membres du Comité tiennent à remercier sincèrement tous ceux qui ont pris le temps d’apporter leur contribution à cette importante étude.
Le présent rapport examine les services d’établissement offerts en lien avec les besoins des nouveaux arrivants et les services spécifiques nécessaires pour soutenir les plus vulnérables d’entre eux. Il s’intéresse ensuite aux critères d’admissibilité des clients, puis aux réalités propres à l’établissement en milieu rural et dans les communautés francophones minoritaires. Puis, il présente des observations sur le rôle de la société canadienne dans l’intégration des nouveaux arrivants. Subséquemment, le rapport se penche sur le financement des organismes fournisseurs de services et se clôt par un survol de l’évaluation des services d’établissement.
Les témoignages entendus abordent une grande variété de services offerts à la grandeur du pays, tant dans les grandes villes que dans les banlieues, les petites villes et les régions rurales et éloignées. Ce rapport pourrait être une ressource utile aux collectivités qui cherchent de nouvelles façons d’aider les nouveaux arrivants à s’intégrer.
CONTEXTE : LES SERVICES D’ÉTABLISSEMENT AU CANADA
Survol du Programme d’établissement
Le Programme d’établissement d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) vise à « faciliter l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants afin de leur permettre de participer et de contribuer aux divers aspects de la vie au Canada[3] ». IRCC procède à des appels de propositions à l’issue desquels le ministère conclut des ententes de financement avec les organisations dont les propositions ont été sélectionnées, afin qu’elles fournissent des services d’établissement aux nouveaux arrivants. Différents types d’organisations sont admissibles à faire la prestation de services d’établissement, soit :
- les organismes à but non lucratif;
- les établissements d’enseignement (y compris les conseils, districts et divisions scolaires);
- les gouvernements provinciaux et territoriaux ou les administrations municipales;
- les organisations internationales;
- les entreprises (par exemple, les employeurs qui embauchent de nouveaux arrivants, les écoles de langue privées, etc.);
- les particuliers[4].
Il y a cinq types de services d’établissement financés par IRCC :
- l’évaluation des besoins et l’aiguillage;
- l’information et l’orientation;
- la formation linguistique et le perfectionnement des compétences;
- les services liés à l’emploi;
- le réseautage communautaire
[5].
L’évaluation des besoins et l’aiguillage comprennent une évaluation globale de la personne, l’élaboration d’un plan d’établissement personnalisé, un aiguillage vers les services offerts dans la communauté dans différents domaines pour faciliter son intégration, ainsi que des suivis au fil du temps.
Les services d’information et d’orientation offrent de l’information sur divers sujets importants pour l’établissement tels que le logement, les soins de santé, les finances et le système juridique, en ligne, sur papier, ou en personne[6].
La formation linguistique et le perfectionnement des compétences comprennent l’évaluation de classement et des cours d’anglais ou de français langue seconde.
Les services liés à l’emploi incluent l’aide à la recherche d’emploi, le développement de l’employabilité (y compris des compétences essentielles), un soutien pour la reconnaissance des titres de compétences ou l’obtention d’un permis d’exercice, des occasions d’acquérir de l’expérience au Canada et du mentorat et du réseautage professionnels.
Finalement, le réseautage communautaire englobe
les initiatives qui permettent de jeter des ponts entre la communauté d’accueil
et les nouveaux arrivants et qui favorisent leur intégration sociale
Le Programme d’établissement finance également six types de services de soutien pour faciliter l’accès aux services d’établissement :
- les services de garde pour les enfants de nouveaux arrivants;
- le soutien au transport;
- la traduction;
- l’interprétation;
- le soutien pour les personnes handicapées;
- le counseling en cas de crise
[8].
Les services d’établissement financés par IRCC sont offerts aux immigrants et réfugiés ayant un statut de résidence permanente ainsi qu’à leur conjoint et leurs enfants. Les résidents temporaires, comme les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires, n’ont pas accès à ces services, ni les demandeurs d’asile. Les personnes cessent également d’être admissibles une fois qu’elles ont obtenu la citoyenneté canadienne.
En plus des services d’établissement offerts après l’arrivée au Canada, certaines organisations sont financées par IRCC pour offrir ces services pré-arrivée, alors que les immigrants sont encore à l’étranger. Ces services pré-arrivée sont uniquement fournis aux demandeurs de la résidence permanente qui se trouvent à l’extérieur du Canada et qui détiennent les documents nécessaires[9].
Aussi, des services d’établissement indirects sont
financés par le programme, parmi lesquels on retrouve les partenariats locaux
d’immigration (PLI) et les réseaux en immigration francophone (RIF) (qui
desservent les communautés francophones hors Québec). Ceux-ci ont été créés
afin d’améliorer la coordination des services d’établissement et d’intégration
des immigrants et ne fournissent pas de services directs aux nouveaux arrivants
Plus d’un témoin a souligné que le système canadien de services d’établissement pour les nouveaux arrivants est considéré sur la scène internationale comme un modèle ayant fait ses preuves[11]. Son succès a été notamment attribué à la collaboration et à la coordination entre les différents ordres de gouvernement et le réseau des fournisseurs de services[12]. David Manicom, sous-ministre adjoint à IRCC a fait les remarques suivantes :
Je pense que notre modèle de planification concertée avec les provinces, qui mise sur les fournisseurs de services locaux grâce à des ententes de financement, à des subventions et à des contributions, crée un réseau très ancré dans nos villes qui n’a pas son pareil. Je ne crois pas que notre réseau de fournisseurs de services, qui bénéficie de centaines de milliers de dollars de dons et de services bénévoles, pourrait être reproduit par le gouvernement si nous devions recommencer à zéro. Je pense que nous avons hérité d’un formidable réseau d’expertise communautaire qui contribue énormément à notre succès[13].
Considérant ceci, le Comité recommande :
Partager les pratiques exemplaires en matière de services d’établissement avec la communauté internationale
Recommandation 1
Considérant le leadership et l’expertise du Canada en matière d’établissement et d’intégration des nouveaux arrivants, que le gouvernement du Canada recherche des occasions de partager ses meilleures pratiques dans le secteur de l’établissement avec d’autres pays, y compris dans le cadre des forums créés par le Pacte mondial sur les migrations et le Pacte mondial sur les réfugiés.
Portrait de l’intégration des nouveaux arrivants
Selon IRCC, les données les plus récentes de Statistique Canada suggèrent que le programme d’établissement parvient efficacement à aider les nouveaux arrivants à s’intégrer. Entre autres, le ministère a souligné que la plus grande partie des gains au chapitre de l’emploi au Canada, soit 66 % des gains entre 2016 et 2017, était directement liée aux immigrants. Il a aussi rappelé que la dernière Enquête sur la population active, menée en décembre 2018, montre que les taux d’emploi des immigrants sont relativement proches de la moyenne nationale. En outre, le taux de chômage chez les immigrants du principal groupe d’âge actif était de 5,7 % en 2018, soit le taux de chômage le plus faible pour ce groupe depuis au moins 2006[14].
Le financement des services d’établissement
Le Programme d’établissement est le plus important
programme de subventions et de contributions d’IRCC[15],
représentant des dépenses de près de 715 millions de dollars pour 2017-2018
Il est à noter que le Québec assume des
responsabilités différentes des autres provinces en ce qui concerne
l’immigration et la sélection des réfugiés outre-frontière
La figure qui suit présente la répartition des contributions d’IRCC envers les différentes catégories de services du programme d’établissement de 2011 à 2016.
Figure 1 : Contributions d’IRCC au programme d’établissement, 2011-2012 à 2015-2016
Source : J. Praznik et J. Shields, An Anatomy of Settlement Services in Canada: A Guide, 3 juillet 2018, p. 25, citant des données de : IRCC, Évaluation du Programme d’établissement, novembre 2017, p. 9. [TRADUCTION]
LES SERVICES ET LES BESOINS DES NOUVEAUX ARRIVANTS
Parmi les services d’établissement et les services de soutien qui ont fait l’objet de nombreux témoignages au cours de l’étude, on retrouve les services pré-arrivée, la formation linguistique, les services liés à l’emploi, les services d’interprétation et le counseling à court terme.
Services pré-arrivée
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada offre
des services pré-arrivée aux nouveaux arrivants pour les renseigner au sujet de
la vie au Canada avant qu’ils n’arrivent au pays. Ces services sont offerts aux
futurs résidents permanents : on les informe des programmes par écrit au
moment où ils reçoivent leur approbation de principe[21]. Le Comité a appris que les
immigrants et les réfugiés parrainés ont entre 12 et 24
mois pour se préparer à leur arrivée au Canada[22].
Néanmoins, ces services sont sous-utilisés à l’heure actuelle, peut-être parce
que les nouveaux arrivants ont déjà des arrangements en matière d’emploi, ou
parce qu’ils arrivent au Canada à titre de conjoints parrainés
Résidents permanents de la catégorie économique ou du regroupement familial
Les services pré-arrivée pour les résidents permanents de la catégorie économique ou de la catégorie du regroupement familial ne sont pas obligatoires[24]. Ces services peuvent comprendre des séances en ligne ou en personne sur les différents aspects de la vie au Canada, comme du soutien préalable en ce qui concerne la reconnaissance des titres de compétences étrangers, la planification de carrière et la recherche d’emploi; des occasions de communication avec des employeurs canadiens, même avant le départ pour le Canada; et la transition vers les services d’établissement après arrivée dans la collectivité d’accueil. Ces programmes aident les nouveaux arrivants à se préparer au marché du travail canadien et les aident à comprendre les différentes communautés du Canada[25].
Au total, 16 organismes offrent des services
pré-arrivée sous une forme ou une autre. Certains sont spécifiques à un secteur
d’activité, comme la B.C. Construction Association
Le professeur Shields a indiqué au Comité que les services pré-arrivée sont « l’une des pratiques exemplaires […] aujourd’hui […], car cela fournit beaucoup plus d’information préalable aux immigrants. Cela permet de démystifier certaines des expériences qui les attendent. Cela leur permet également d’être informés de certains services offerts à leur arrivée au Canada[31]. »
Observations et recommandation
Le Comité a appris que les services pré-arrivée étaient avantageux pour les nouveaux arrivants, mais que de nombreux résidents permanents n’y ont pas recours. Il serait possible de rehausser le nombre de personnes qui font appel à ces services en expliquant plus clairement leurs bienfaits et en sensibilisant les nouveaux arrivants aux services disponibles. Par conséquent, le Comité recommande :
Promotion des services pré-arrivée
Recommandation 2
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada examine comment accroitre le recours aux services pré-arrivée, y compris en améliorant l’information fournie aux clients en y précisant en quoi les services pré-arrivée peuvent améliorer ou faciliter leur établissement.
Réfugiés réinstallés
Depuis 1998, l’Organisation internationale pour
les migrations (OIM) a offert des séances d’information avant le départ à 127 000
réfugiés se rendant au Canada. Le programme Orientation canadienne à l’étranger
(OCÉ) de l’OIM aide les réfugiés à anticiper les défis qu’ils rencontreront au
cours de leur intégration et à gérer leurs attentes. Les animateurs abordent
une gamme de sujets, comme le logement, la santé, la gestion financière, le
rôle des fournisseurs de services d’établissement, l’éducation et les droits et
responsabilités. Les séances sont offertes dans la langue maternelle des
participants et, pour encourager la participation, des services de garde
d’enfants et des repas sont offerts, en plus d’une indemnité pour les
déplacements et l’hébergement, lorsque nécessaire[32]. L’OCÉ est axée sur les
compétences et les connaissances nécessaires au cours des six premiers mois au
Canada[33].
Les renseignements transmis au sujet de la reconnaissance des titres de
compétences étrangers sont de nature générale, car il est possible que les
participants au programme s’établissent dans des provinces différentes ou
qu’ils assistent à la séance sans savoir quelle sera leur destination
Formation linguistique
En
2018-2019, plus de 100 000 nouveaux arrivants ont reçu des services de
formation linguistique[38]. Le succès de l’établissement
dans les collectivités repose en partie sur les compétences linguistiques
Une formation linguistique est à l’avantage des nouveaux arrivants, car elle les aide à acquérir des compétences pour bien s’intégrer et apporter leur contribution au Canada, socialement comme économiquement. La langue est la monnaie sociale[42].
Évaluations
Avant qu’ils ne s’inscrivent à une formation linguistique, on évalue les nouveaux arrivants pour qu’ils suivent une formation adaptée à leur niveau de compétence. Les fournisseurs de services utilisent l’examen du Centre des niveaux de compétence linguistique canadiens et son examen de compétences linguistiques (TCA-NCLC)[43]. On évalue les compétences de compréhension et d’expression orales et écrites. Au cours de la formation, l’évaluation est fondée sur les tâches complétées dans les classeurs des étudiants. Non seulement les instructeurs évaluent les compétences des étudiants, mais chaque étudiant remplit des autoévaluations et évalue ses pairs[44]. Christine Buuck, vice-présidente associée, Administration académique et enseignement international, Conestoga College Institute of Technology and Advanced Learning, a indiqué au Comité que sa faculté a élaboré plus de 160 évaluations qui ont été affichées sur la plateforme nationale des enseignants de l’anglais langue seconde, Tutela, financée par IRCC[45].
En ce qui concerne les demandes d’immigration et
de citoyenneté de la catégorie économique, IRCC exige qu’une évaluation
normalisée des compétences linguistiques soit tenue par un tiers, comme l’International English Language Testing
System (IELTS)
Types de formation linguistique
Le programme des Cours de langue pour les immigrants au Canada (CLIC), offert dans des classes selon un programme fondé sur les lignes directrices des CLIC, qui s’appuient elles‑mêmes sur les Niveaux de compétence linguistique canadiens, est un programme linguistique traditionnel financé par IRCC[49]. Le Toronto District School Board (TDSB) offre le programme CLIC depuis 1992, à environ 5 000 étudiants par année, ainsi que 250 places de service de garde d’enfants. Le TDSB a décrit au Comité des pratiques exemplaires, notamment l’embauche d’enseignants formés et certifiés pour l’anglais langue seconde et l’évaluation de l’apprentissage fondée sur le portfolio, ainsi que la signature par les étudiants d’un contrat dans la langue de leur choix qui définit leur horaire de cours et leurs attentes[50]. De septembre 2017 à juin 2018, le District scolaire de Burnaby a également mené un projet pilote pour tester les résultats d’un modèle hybride comprenant des plateformes en ligne et des cours traditionnels :
Le projet a permis [aux étudiants] de remarquer qu’ils acquéraient des connaissances et prenaient confiance en eux en utilisant la technologie dans l’apprentissage de la langue et pour répondre à des besoins liés à leur établissement […] Ils pouvaient suivre des modules d’apprentissage avancés en ligne pour mieux se préparer aux cours en salle, augmenter leur vocabulaire et améliorer leur prononciation. Des horaires souples leur permettaient de conserver un emploi dont ils avaient bien besoin, tout en apprenant l’anglais […] Les enseignants ont remarqué que les étudiants s’investissaient plus dans l’apprentissage et qu’ils étaient plus nombreux à persévérer, que les taux de présence s’amélioraient grâce à la souplesse conférée par l’apprentissage en ligne et la garderie, et qu’ils avaient davantage accès aux services d’établissement et de langue, d’où des possibilités plus nombreuses d’apprentissage hybride. D’après les enseignants, cet apprentissage hybride autonomise les étudiants dans leur apprentissage de la langue et dans l’acquisition de compétences technologiques. Comme le dit un des étudiants du programme CLIC, c’est la meilleure méthode pour apprendre dans une société moderne[51].
La combinaison de l’emploi et de la formation linguistique est efficace[52]. Carl Cadogan, directeur général, Reception House Waterloo Region, a expliqué que son organisme offre de la formation dans deux sites de travail[53]. L’application du programme CLIC dans les milieux de travail a également été mise à l’essai par le Conestoga College of Technology and Advanced Learning[54]. Brian Dyck, coordonnateur du programme national de migration et de réinstallation, Comité central mennonite du Canada, a fait l’observation suivante :
L’apprentissage d’une langue diffère d’une personne à l’autre. Je crois qu’il serait important de penser à concevoir des stratégies différentes pour les divers styles d’apprentissage. Certaines personnes apprennent mieux quand elles sont au travail. Parmi les bonnes pratiques que j’ai vues, il y a des programmes d’apprentissage de la langue en milieu de travail […][55]
Pour les travailleurs qualifiés, il existe d’autres outils. S.U.C.C.E.S.S. a mis sur pied un service en ligne de soutien à la formation professionnelle pour les personnes qui ont déjà un emploi ou qui suivent une formation professionnelle et qui ont besoin d’une aide supplémentaire pour obtenir les compétences nécessaires[56]. La formation linguistique avancée s’adresse aux immigrants qualifiés qui ont déjà 14 à 16 ans d’études lorsqu’ils arrivent au Canada. Grâce à ce soutien, ils peuvent trouver de bons emplois[57]. Enfin, la formation linguistique adaptée à la profession (FLAP) aide les nouveaux arrivants à décrocher un emploi dans leur profession. À l’heure actuelle, la FLAP vise des secteurs tels que les sciences de la santé, les affaires, la technologie, les services à la personne et les métiers spécialisés, ainsi que 35 professions[58].
On a décrit au Comité deux programmes s’adressant aux personnes qui ont besoin de parfaire leur anglais. Le programme alimentaire à la Mount Pleasant Neighbourhood House permet aux participants de pratiquer leur anglais dans un environnement sûr, dans la cuisine[59]. Dans la région de Waterloo, des familles de réfugiés sont jumelées à des bénévoles locaux; ils se rencontrent chaque semaine pour participer à des activités, par exemple pour partager un repas et pratiquer l’anglais. Grâce à cette méthode, les nouveaux arrivants développent un sentiment d’appartenance[60].
Par ailleurs, à Calgary, deux programmes visant les personnes qui ne peuvent pas se joindre à des classes d’anglais langue seconde ou au programme CLIC ont été mis sur pied pour briser l’isolement. S’adressant aux communautés chinoise et afghane, le programme Stepping Stones est offert par des animateurs bilingues qui n’hésitent pas à s’exprimer dans la langue maternelle des participants durant les cours d’anglais si nécessaire. Les cours d’alphabétisation en anglais langue seconde assistée par ordinateur fournissent aux apprenants les bases de l’utilisation des technologies[61].
Obstacles à la formation linguistique
Les listes d’attente[62], les besoins en garde
d’enfants et les besoins en matière de compétence linguistique[63] sont les défis les plus
souvent cités en ce qui concerne l’accès à la formation linguistique. On a
également mentionné le fait que la formation est une priorité qui fait
concurrence au besoin d’intégrer le marché du travail et de gagner un revenu
Le 30 janvier 2019, M. Manicom, a affirmé au Comité qu’IRCC s’efforce de réduire les listes d’attente pour les personnes ayant les besoins les plus criants, soit les personnes qui n’ont que les rudiments d’une langue. Par conséquent, pour les personnes appartenant à cette catégorie, « [l]es listes d’attente se sont rétrécies d’environ 49 % depuis un an[65] ». Compte tenu des listes d’attente actuelles pour les cours du programme CLIC dans la région de Kitchener-Waterloo, M. Cadogan a recommandé qu’on adopte une approche flexible en ce qui concerne la prestation de la formation linguistique[66].
Dans le cas de nouveaux arrivants ayant peu de
connaissances linguistiques, une approche différente s’impose, comme celle
appliquée dans le programme Stepping Stone décrit précédemment. À Brandon au
Manitoba, Westman Immigrant Services offre un programme de formation familial
dans le cadre duquel les participants peuvent se présenter en classe avec leur
enfant. Ce programme a été mis sur pied pour aider les nouveaux arrivants qui
ne sont pas en mesure de faire garder leur enfant[67]. Mme Hart a
indiqué au Comité que les listes d’attente sont très longues pour les services
de garde d’enfants[68].
Des services de garde d’enfants accrédités dans le même lieu que la formation
des parents s’avèrent importants pour les nouveaux arrivants, à plus forte
raison pour ceux qui ont survécu aux traumatismes des conflits et de la guerre
La combinaison de l’emploi et de la formation linguistique, mentionnée précédemment, est une pratique exemplaire puisque les nouveaux arrivants sont contraints de choisir entre apprendre une langue et gagner un revenu. Selon Abdulla Daoud, le succès du programme de langue française du Québec repose sur l’allocation qui est versée aux participants chaque semaine[71]. Par ailleurs, Mme Foster a indiqué que le soutien au revenu d’un an offert aux personnes qui proviennent de camps de réfugiés n’était pas suffisamment long, qu’il était impossible dans l’intervalle accordée d’apprendre l’anglais afin d’intégrer le marché du travail[72].
Observations et recommandations
Le Comité a appris que, comme les nouveaux arrivants ont des niveaux de compétence linguistique variés, la formation linguistique prend de nombreuses formes pour les aider à intégrer le marché du travail. De plus, il existe encore des listes d’attente pour plusieurs programmes de formation linguistique et il n’y a pas suffisamment de services de garde d’enfants. Compte tenu de l’importance que revêt la formation linguistique dans l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants, le Comité recommande :
Maintien du financement des différentes méthodes de l’apprentissage des langues
Recommandation 3
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada continue à raccourcir les temps d’attente pour les cours de langue et à financer des services linguistiques variés, y compris des outils linguistiques informatiques, afin de répondre aux différents besoins des nouveaux arrivants, incluant ceux liés aux compétences linguistiques et à l’alphabétisation dans leur première langue officielle.
Accroissement des services de garde d’enfants
Recommandation 4
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada collabore avec les provinces, les territoires, les municipalités et les autres parties prenantes afin d’accroitre les services de garde d’enfants, de sorte que les nouveaux arrivants ayant de jeunes enfants puissent avoir accès aux services d’établissement, y compris la formation linguistique.
Services liés à l’emploi
Comme il a été mentionné précédemment, l’intégration économique des nouveaux arrivants est un élément essentiel de l’immigration. Jean-Guy Bigeau, président-directeur général, RDÉE Canada, a fait valoir que cette intégration se produit lorsque les nouveaux arrivants décrochent un emploi adapté à leurs compétences :
Nous croyons que la réussite de l’arrivée d’un immigrant au Canada se mesure lorsqu’il a obtenu un emploi à la hauteur de ses compétences et qu’il peut participer à la croissance économique de sa communauté et de son pays d’accueil[73].
La plupart des fournisseurs offrent des services liés à l’emploi comme l’aide à la rédaction d’un curriculum vitae et la préparation aux entrevues. Chantal Desloges, associée principale, Desloges Law Group, a toutefois noté que, selon son expérience, les professionnels qui arrivent au Canada trouvent ces services trop rudimentaires. Ces immigrants connaissent plus de succès avec le mentorat et des stages coopératifs[74]. Pour Olga Stachova, directrice générale, MOSAIC, le manque d’expérience de travail au Canada demeure l’un des principaux obstacles à l’emploi puisque les employeurs ont encore des réticences à embaucher des nouveaux arrivants. Elle a indiqué que les stages coopératifs, les stages et des mesures incitatives pour les employeurs aideraient grandement les nouveaux arrivants à trouver un emploi convenable[75]. Mario Calla, directeur exécutif, COSTI Immigrant Services, a expliqué que les programmes qui ont les meilleurs résultats visent les besoins précis des nouveaux arrivants :
Cette spécialisation consiste entre autres à expliquer le contexte canadien, notamment la façon de faire une recherche d’emploi au Canada, la culture d’entreprise canadienne, les attentes des employeurs canadiens, l’établissement de liens avec les réseaux professionnels canadiens et ainsi de suite. Le but est de faire le pont entre le cadre de référence du nouvel arrivant et le contexte canadien[76].
Par ailleurs, Mme Stachova a fait
valoir qu’il pourrait être nécessaire d’adopter une approche différente pour
les nouveaux arrivants qui ont des besoins complexes en matière d’emploi. Son
organisme effectue de la gestion de cas intensive pour aider les personnes à
cerner leurs compétences et pour trouver des employeurs qui acceptent de
prendre des mesures d’adaptation et d’ajuster les exigences de poste
Parmi les bons exemples qu’a entendus le Comité, le programme Career Paths en Colombie-Britannique appuie les nouveaux arrivants dans la reconnaissance de leurs titres de compétences, dans l’obtention de formation complémentaire et dans la recherche d’emploi. MOSAIC a lancé un programme pilote de concert avec la BC Care Providers Association dans le cadre duquel les participants pouvaient mettre en pratique auprès d’employeurs ce qu’ils avaient appris au cours de leur formation[78]. James Grunau, directeur général, Journey Home Community Association, a affirmé au Comité que son organisme tente d’établir des liens avec les programmes de formation à l’emploi et d’aider les nouveaux arrivants à tisser des liens au sein de leur communauté[79].
Pour les nouveaux
arrivants qui sont des entrepreneurs, certains fournisseurs de services
d’établissement peuvent offrir de l’information et des services d’orientation
Observations et recommandations
Le Comité a appris que les nouveaux arrivants ont des besoins différents en matière d’emploi : certains ont besoin de créer des réseaux et de rencontrer des personnes, d’autres ont besoin de plus de soutien. Par conséquent, le Comité recommande :
Soutien aux programmes qui offrent de la formation et des placements en emploi
Recommandation 5
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada continue à soutenir et à encourager l’innovation dans les services d’établissement, y compris les programmes de formation et de placement en emploi offerts en collaboration avec des employeurs et des associations du milieu de l’industrie.
Services d’interprétation
IRCC offre des fonds à des fournisseurs partout au
pays pour des services de traduction et d’interprétation[82]. Ce financement est utilisé
par les organismes de services d’établissement pour offrir leurs programmes
De nombreux témoins de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ont mentionné spécifiquement l’absence de services d’interprétation en contexte médical[84]. Bien que les hôpitaux reçoivent des fonds des provinces pour des services d’interprétation, les médecins n’y ont pas toujours recours. Qui plus est, une personne se rendant à un rendez-vous médical à l’extérieur d’un hôpital n’aurait pas accès à ces services dans la plupart des cas. Souvent, ce sont les enfants ou l’accompagnateur du nouvel arrivant qui doivent s’occuper de l’interprétation[85].
Observations et recommandation
Le Comité a appris que l’absence de services d’interprétation empêche les nouveaux arrivants d’acquérir les compétences linguistiques nécessaires pour naviguer par eux-mêmes la société canadienne. Par conséquent, le Comité recommande :
Amélioration de l’accès aux services d’interprétation
Recommandation 6
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada collabore avec les provinces, les territoires, les municipalités et les autres parties prenantes, pour mieux coordonner la disponibilité des services d’interprétation afin que les nouveaux arrivants aient véritablement accès aux services sociaux fournis par les provinces et les municipalités, y compris les soins en santé mentale.
Soutien en santé mentale
IRCC a cherché à renforcer sa capacité d’offrir du
soutien en santé mentale comme le counseling en cas de crise
Mme Foster a fait valoir au Comité que
les étudiants qui souffrent du trouble de stress post-traumatique n’arrivent
pas à se concentrer sur l’apprentissage de l’anglais. Elle a recommandé qu’on
sensibilise les personnes aux services qui leur sont offerts[90]. Reconnaissant le besoin
d’améliorer les services de santé mentale pour les nouveaux arrivants et les
réfugiés, Zdravko Cimbaljevic, défenseur des droits de
la personne, a expliqué que de nombreuses personnes proviennent de pays où les
troubles de santé mentale sont source d’embarras et sont cachés aux membres de
la famille. Les nouveaux arrivants qui souffrent de problèmes de santé mentale
doivent savoir qu’il ne s’agit pas d’un tabou dans la société canadienne
La présence d’intervenants qui peuvent offrir des services de counseling adapté dans la langue maternelle des nouveaux arrivants est une solution qui a fait ses preuves. Selon Mme Escalera,
[u]n accès accru à du perfectionnement professionnel pour notre personnel et le recours accru à des pratiques tenant compte des traumatismes et de la culture aideraient à répondre aux besoins en santé mentale des nouveaux venus[92].
Observations et recommandation
Les témoins ont clairement indiqué au Comité que les nouveaux arrivants ont besoin de soutien en santé mentale. Une fois ces services mis en place, il faut faire comprendre aux nouveaux arrivants qu’ils peuvent y avoir recours sans honte. Par conséquent, le Comité recommande :
Lutte contre la stigmatisation du recours au soutien en santé mentale
Recommandation 7
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada travaille de concert avec les fournisseurs de services d’établissement pour sensibiliser les nouveaux arrivants aux soutiens en santé mentale disponibles dans leur communauté et pour fournir des renseignements à ce sujet de manière encourageante et culturellement adaptée qui précise que le recours à ces soins est tout à fait acceptable dans la société canadienne et devrait être déstigmatisé.
DES SERVICES SPÉCIFIQUES POUR LES PLUS VULNÉRABLES
Plusieurs témoins ont souligné l’importance de développer des services d’établissement spécialisés pour les groupes de nouveaux arrivants les plus vulnérables[93].
Dans son appel de propositions pour les services
d’établissement 2019, IRCC sollicite des propositions de projets offrant des
services personnalisés dans certains domaines ciblés par le ministère. L’un de
ces domaines est le soutien aux groupes de clients qui ont des besoins
particuliers, notamment les jeunes vulnérables, les femmes, les aînés, les
réfugiés, les membres de la communauté LGBTQ2 et les personnes handicapées
Le Comité a reçu de nombreux témoignages sur les soutiens spécifiques aux femmes et aux jeunes, mais peu au sujet d’autres catégories de nouveaux arrivants vulnérables comme les aînés, les personnes handicapées et la communauté LGBTQ2, ce qui semble confirmer le besoin d’élaborer des d’initiatives visant à répondre à leurs besoins.
Favoriser l’intégration des femmes
Des témoins ont mentionné que les femmes nouvelles arrivantes ont souvent un parcours d’intégration différent de celui des hommes. Plusieurs d’entre elles priorisent d’abord l’intégration de leur mari et de leurs enfants et ce n’est que plus tard qu’elles commencent leur propre cheminement vers l’intégration.
Un représentant d’IRCC a dit au Comité que,
« statistiquement, le groupe de nouveaux arrivants qui réussit le moins
bien à trouver de l’emploi est celui des nouvelles arrivantes issues de
minorités visibles[95] ». M. Manicom a expliqué que celles-ci « se heurtent
souvent à de multiples obstacles à l’emploi, dont la discrimination fondée sur
le genre et la race, un revenu précaire ou faible, le manque de réseaux sociaux
et le manque de services de garde abordables pour les enfants
En effet, de nombreux témoins ont dit au Comité
que les services de garde d’enfants sont absolument essentiels à la participation
des femmes aux services d’établissement. La plupart d’entre elles ont de jeunes
enfants et ne prendront part à des programmes que si elles ont accès à des
services de garde de qualité, dans lesquels elles ont confiance. Or, le fait
que les services de garde ont souvent une liste d’attente et que plusieurs
n’offrent pas de places pour poupons entraine du retard dans l’accès aux
programmes par les femmes[97]. À ce sujet, quelques témoins étaient d’avis que le fait de
faciliter la venue au Canada des grands-parents pourrait faire partie de la
solution, car ils pourraient contribuer à la garde des enfants et ainsi
favoriser l’intégration économique des parents, particulièrement des mères
IRCC a lancé un projet pilote en décembre dernier pour solliciter des propositions de projets visant à aider les nouvelles arrivantes issues de minorités visibles à avoir accès à l’emploi et à progresser sur le marché du travail. L’une des organisations qui ont comparu devant le Comité s’est réjouie de la mise en œuvre de cette initiative, pour laquelle elle a soumis une proposition[99].
En outre, la directrice de l’Afghan Women’s Organization
a souligné le besoin d’investissements en services de santé mentale adéquats
sur le plan culturel pour toutes les femmes, particulièrement les réfugiées
Finalement, la directrice du regroupement albertain de refuges pour les femmes a parlé des besoins des femmes immigrantes en lien avec la violence conjugale. Notamment, elle a mentionné le besoin de financement des refuges pour femmes « afin de répondre aux besoins des immigrantes, des réfugiées et des victimes de la traite de personnes » et indiqué que les refuges « doivent être dotés de personnel ayant reçu une formation particulière » en vue d’intervenir auprès de celles-ci[101]. Elle a ajouté qu’il faut « des programmes de logement axés sur les besoins des immigrantes et des réfugiées qui fuient la violence », de même que des « programmes de sensibilisation des hommes à l’égard des conséquences de la violence familiale sur eux et sur leurs enfants[102] ».
Pratiques exemplaires
Plusieurs organisations ont fait part au Comité des pratiques exemplaires qu’elles adoptent pour intervenir efficacement auprès des femmes nouvelles arrivantes.
New Circles Community Services : Un magasin qui ouvre plusieurs portes
Par exemple, l’organisation New Circles Community Services a raconté au Comité comment son magasin de vêtements légèrement usagés gratuits de Toronto sert de porte d’entrée vers toute une gamme de programmes et constitue un modèle qui pourrait être reproduit dans d’autres villes canadiennes. Les nouvelles arrivantes (ce sont surtout des femmes) viennent d’abord pour se procurer des vêtements pour elles et leur famille. Puis, elles commencent souvent à faire du bénévolat au magasin, ce qui leur permet d’acquérir de l’expérience et des compétences et de développer leur réseau social et de briser leur isolement.
Deux programmes de formation s’offrent à elles
pendant une courte période au milieu de la journée, de sorte que les
participantes peuvent aller conduire et chercher leurs enfants à l’école ou à
la garderie. Le premier, offert en partenariat avec le Conseil canadien du
commerce, permet l’acquisition de compétences en vente au détail et en service
à la clientèle, par le biais d’une expérience de travail au magasin de
vêtements. Le deuxième, offert en partenariat avec le Collège Centennial, les
forme dans le domaine du travail de bureau par l’intermédiaire d’un stage.
L’organisme rapporte que chaque année, 70 femmes s’inscrivent à ce programme et
que six mois après l’avoir complété, 70% d’entre elles ont trouvé un emploi ou
ont entrepris une autre formation. L’organisme offre aussi à ses participantes
des groupes d’entraide et un programme de gestion de cas
L’Afghan Women’s Organization: Une approche graduelle
L’Afghan Women’s Organization a parlé au Comité de son approche graduelle pour arriver à rejoindre les femmes de toutes les origines, y compris les plus isolées. L’organisation rencontre habituellement d’abord les femmes à la maison, pour leur offrir des renseignements de base et les encourager à participer à leurs programmes. Sa directrice, Adeena Niazi, affirme que plusieurs femmes sont confinées à la maison et donc que, comme première étape, elles sont invitées à participer à des groupes réservés aux femmes : « Nous avons constaté, au fil de nos nombreuses années d’expérience, que certaines femmes ne participent qu’aux cours ou programmes réservés aux femmes. Autrement, elles demeurent à la maison. » Ainsi, elles rencontrent des femmes qui participent à d’autres programmes et graduellement, elles établissent des liens avec la société en général[104].
Or, Mme Niazi a indiqué qu’en raison d’un manque de financement, son organisation ne peut offrir de programmes l’été et que certaines femmes doivent attendre un an avant de pouvoir y participer[105].
The Neighbourhood Organization: Un soutien à l’entrepreneuriat
Le représentant de l’organisme The Neighbourhood
Organization a expliqué que son organisation offre entre autres du soutien à
l’entrepreneuriat des femmes nouvelles arrivantes à Toronto. Des programmes
destinés spécialement aux femmes ont été conçus « pour favoriser leur
développement économique, leur entrepreneuriat et l’établissement de liens avec
d’autres femmes établies dans la communauté[106] ».
L’organisation a par exemple appuyé des femmes réfugiées de son quartier qui
souhaitaient offrir un service de traiteur et qui se tirent très bien
d’affaire, comptant aujourd’hui de grandes organisations parmi leurs clients.
Elle a aussi mis sur pied une collaboration avec le Centre des sciences de
l’Ontario, avec qui un groupe de nouvelles arrivantes a négocié un contrat pour
la création de costumes pour une exposition qui fait une tournée mondiale
COSTI Immigrant Services : Les femmes de courage
Le directeur de l’organisme COSTI Immigrant
Services, dans la région de Toronto, a décrit au Comité le programme Les femmes
de courage que l’organisme offrait jusqu’à ce que son financement provincial
prenne fin récemment. Il s’adressait essentiellement à des femmes qui avaient
eu des relations violentes, qui avaient été hors du marché du travail pendant
de longues périodes. Selon le témoin, le programme permettait aux femmes de
discuter de leurs expériences, de réaliser qu’elles n’étaient pas seules et de
renforcer leur confiance en elles-mêmes. Elles établissaient un cheminement de
carrière et le Humber College leur donnait une formation condensée, par exemple
en comptabilité. Non seulement toutes les participantes ont réussi à trouver un
emploi après le programme, elles ont exprimé que « c’est l’avenir qui
s’ouvrait à elles grâce à la confiance [qu’elles avaient] retrouvée
Les YWCA : une approche intersectionnelle basée sur le genre
YWCA Canada a partagé avec le Comité plusieurs initiatives de ses organismes membres qui appliquent une approche intersectionnelle basée sur le genre dans leurs interventions. Par exemple, le YWCA de Metro Vancouver a lancé le programme Pathways to Leadership, un programme préemploi qui répond aux besoins spécifiques des mères monoparentales immigrantes et réfugiées, peu importe leur statut d’immigration. Le programme offre une combinaison de séances en classe et de mentorat. Quant au YWCA de Hamilton, il offre des activités physiques et des sorties aux femmes réfugiées syriennes et aux aînées qui parlent le punjabi. Aussi, le YWCA de Toronto offre des certificats sur mesure aux femmes nouvelles arrivantes qui souhaitent créer leur propre entreprise[109].
Soutenir les jeunes
Des témoins ont présenté au Comité certaines des difficultés que vivent les jeunes nouveaux arrivants, particulièrement les adolescents. Plusieurs ont des problèmes d’acquisition de la langue, ce qui donne lieu à des obstacles scolaires. Ils peuvent aussi vivre des difficultés d’intégration sociale et de l’isolement, particulièrement lorsqu’ils ne sont pas entourés de leur groupe ethnoculturel. De plus, ils assument souvent de lourdes responsabilités telles que servir d’interprète et de traducteur pour la famille, garder leurs frères et sœurs, faire beaucoup de travail à la maison en plus d’occuper parfois un emploi à temps partiel pour aider à subvenir aux besoins de la famille[110].
L’apprentissage de la langue
Hena Izzeddin, une jeune réfugiée syrienne arrivée
au Canada il y a trois ans, a affirmé que les cours d’anglais langue seconde
sont le service qui lui a été d’une plus grande aide à son arrivée au pays
Les travailleurs d’établissement dans les écoles
Des témoins ont décrit comme suit les travailleurs de l’établissement dans les écoles (TÉÉ) :
[U]n programme d’établissement complet centré sur le milieu scolaire qui maximise l’intégration et l’établissement des étudiants immigrants et réfugiés et des familles dans le cadre d’un modèle de prestation intégré et systémique qui reconnaît que les écoles constituent un pivot naturel pour la communauté, et sont souvent un premier point de contact pour les nouveaux arrivants[114].
Les témoins ont parlé de façon très positive des services des TÉÉ. Ils ont expliqué que l’école est souvent le premier point de contact des familles de nouveaux arrivants et que par son entremise, on peut rejoindre toute la famille pour organiser son accès aux services et faciliter son intégration[115]. Du personnel se trouve dans les écoles pour donner des conseils et du soutien aux élèves et à leurs familles[116].
Or, on ne retrouve pas les TÉÉ partout. Deux témoins de la région de Huron-Grey-Perth-Bruce dans le sud-ouest de l’Ontario ont indiqué qu’aucune des écoles de la région n’a de TÉÉ.
La représentante du partenariat d’immigration du
comté de Huron a d’ailleurs recommandé que partout où des services
d’établissement sont offerts, il devrait y avoir des TÉÉ. « Si les parents
reçoivent des services, le jeune aussi devrait en recevoir
Pratiques novatrices de soutien des jeunes
Des témoins ont fait part au Comité de programmes qui existent et qui pourraient inspirer les services d’établissement offerts aux jeunes nouveaux arrivants.
Frog Hollow Neighbourhood House : L’entrepreneuriat social
La maison de quartier de Vancouver Frog Hollow a mis sur pied un programme d’entrepreneuriat social pour les jeunes dans le cadre duquel ils confectionnent du chutney à partir de fruits et de légumes récupérés. Ce programme s’adresse à tous les jeunes, mais bon nombre des participants sont de nouveaux arrivants. Ils ont ainsi l’occasion de faire un peu d’argent, acquérir des compétences et d’amorcer leur intégration au marché du travail[118].
Les Ateliers de photographie Fredric Roberts
Les ateliers de photographie Fredric Roberts sont une formation de niveau professionnel de huit jours pour les jeunes d’âge secondaire, offerte à 10 garçons et 10 filles dans des pays sous-développés, mais aussi à de jeunes nouveaux arrivants dans des villes comme Toronto. Les apprentis apprennent à prendre des photos, mais aussi à « raconter par ce moyen des histoires importantes dans leur collectivité ». Environ 18 à 24 mois après leur formation initiale, chaque groupe d’étudiants aide à former 20 nouveaux débutants[119]. Le fondateur des ateliers, Fredric Roberts, a expliqué ainsi la vision derrière son projet :
S’il est essentiel de donner aux nouveaux arrivants les compétences de base nécessaires à la survie, je crois qu’il faut aussi bâtir chez eux des fondements qui leur permettront d’aller plus loin — c’est-à-dire non seulement de vivre, mais d’acquérir la confiance et la liberté créative nécessaires pour changer leur milieu et leur monde. Nous voulons leur donner des lumières qui éclaireront leur chemin vers un avenir meilleur […] Nous leur donnons donc une voix qu’ils pourront employer tout le reste de leur vie[120].
Les Clubs des garçons et des filles
Les Clubs des garçons et des filles (CGF) desservent plus de 200 000 jeunes à partir de 700 points de service à travers le pays. La directrice exécutive du CGF d’Ottawa, Colleen Mooney, explique que son travail vise d’abord et avant tout à transmettre aux jeunes un sentiment d’appartenance.
Nous aidons les enfants et les adolescents à s’adapter, leur fournissons l’occasion d’acquérir des compétences linguistiques et de les améliorer et leur donnons le sentiment de faire partie de la communauté. Pendant que la famille s’établit, nos clubs les aident à s’intégrer pleinement et à acquérir un sentiment d’appartenance[121].
Les CGF offrent en outre des programmes s’adressant expressément aux immigrants, comme le Programme de développement des jeunes nouveaux arrivants, qui « sert de tremplin aux jeunes pour acquérir des compétences, tisser des liens d’amitié et des réseaux de soutien, et gagner en assurance[122] ». Selon Mme Mooney, ce programme « favorise l’engagement scolaire, facilite la recherche d’emploi, contribue au développement du leadership et de la participation citoyenne, en plus de proposer des sports, des loisirs et bien d’autres activités encore[123] ».
Mme Mooney a partagé sa vision de l’intégration des jeunes avec le Comité. Elle estime qu’il « est plus efficace et moins coûteux d’investir pour favoriser l’intégration des jeunes dès leur arrivée au pays que de prendre des mesures réactives visant à contrer des comportements répréhensibles » et que le gouvernement gagnerait à « réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour faire meilleur usage de programmes existants comme la Stratégie emploi jeunesse et le Service jeunesse Canada afin de favoriser davantage l’intégration des jeunes nouvellement arrivés au pays[124] ».
La communauté LGBTQ2
Le Comité a entendu peu de témoignages portant sur
les besoins des nouveaux arrivants appartenant à la communauté LGBTQ2. Cette
communauté est diverse et a des besoins variés. Toutefois, un défenseur des
droits de la personne et des droits de cette communauté a attiré l’attention du
Comité sur un groupe particulier de cette communauté, soit les transgenres. À
son avis, les demandeurs d’asile transgenres devraient avoir rapidement accès à
des soins médicaux et à un soutien psychosocial, puisque le fait d’attendre
jusqu’à leur audience pour pouvoir poursuivre leur traitement médical et
hormonal peut avoir des effets néfastes sur leur santé mentale
Observations et recommandations
Le Comité a entendu de très nombreux témoignages concernant les préjudices subis par plusieurs nouveaux arrivants, notamment par les femmes et les jeunes (mais aussi les nouveaux arrivants en milieu rural et les demandeurs d’asile, tel que mentionné ailleurs dans ce rapport), qui n’ont pas accès aux services d’établissement au moment opportun. Le Comité est inspiré par les pratiques prometteuses dont il a entendu parler pour favoriser l’intégration des femmes et des jeunes nouveaux arrivants et il est heureux d’apprendre qu’IRCC consacre désormais des fonds spécifiques à ce type de projets. Le Comité estime également qu’il est de la plus grande importance de soutenir les jeunes nouveaux arrivants et leurs familles à travers le système d’éducation. Afin de continuer à encourager la multiplication de telles initiatives et d’appliquer les leçons apprises à d’autres groupes vulnérables, le Comité recommande :
Financement d’initiatives répondant aux besoins spécifiques des groupes vulnérables
Recommandation 8
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada continue d’accroitre l’offre d’initiatives conçues de façon à répondre aux besoins spécifiques réels des groupes vulnérables, incluant les femmes, les personnes LGBTQ2 et les jeunes, afin de favoriser le succès de leur intégration.
Élargissement de la présence des travailleurs de l’établissement dans les écoles
Recommandation 9
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada continue de soutenir et d’élargir le programme des travailleurs de l’établissement dans les écoles, en se concentrant sur les endroits où l’on trouve de fortes concentrations de jeunes nouveaux arrivants vulnérables, afin de soutenir ces jeunes et leurs familles.
ÉLARGIR LES CRITÈRES D’ADMISSIBILITÉ DES CLIENTS
Un fort consensus s’est dégagé des témoignages entendus par le Comité; plus d’une douzaine de témoins différents ont souligné le problème de l’inadmissibilité de nombreux nouveaux arrivants aux services d’établissement financés par IRCC[126]. En effet, seules les personnes en situation de résidence permanente qui ne sont pas encore citoyennes canadiennes y sont admissibles. Les étudiants étrangers, les travailleurs étrangers temporaires et les demandeurs d’asile (y compris les enfants) sont inadmissibles. Or, plusieurs témoins ont souligné qu’une part importante de ces groupes finit par obtenir la résidence permanente, après avoir passé plusieurs années au Canada sans avoir pu accéder à des services d’établissement pour faciliter leur intégration.
Tous les témoins qui ont abordé ce sujet
Plusieurs témoins ont utilisé le même mot clé dans leurs demandes au gouvernement : faire preuve de plus de « souplesse » dans son financement des services d’établissement. John Shields, professeur à l’Université Ryerson, a résumé la situation ainsi :
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devrait revoir ses critères d’admissibilité rigides pour les services d’établissement financés par le gouvernement fédéral. Parmi les personnes les plus désavantagées par cette politique, il y a les demandeurs d’asile et les étudiants étrangers, et cela est particulièrement important en ce qui concerne les entrées express.
Un grand nombre de candidats à l’Entrée express et de recrues retenues sont des étudiants étrangers, ainsi que des travailleurs étrangers temporaires. Il s’agit surtout de migrants appartenant à des minorités visibles, qui ont souvent un capital social et humain limité et qui font déjà face à de grands obstacles à l’établissement. Beaucoup d’immigrants et de réfugiés qui deviennent des citoyens canadiens auront peut-être encore besoin d’un soutien à long terme pour s’établir. Un meilleur financement et une meilleure inclusion sociale de ces groupes réduiraient grandement leur vulnérabilité[128].
Dustin Mymko, agent de services d’établissement dans une communauté rurale du Manitoba, a expliqué l’impact particulier des critères d’admissibilité en milieu rural :
Si la définition de « clients admissibles » était élargie pour inclure les travailleurs étrangers temporaires, qui ont besoin d’aide autant et parfois plus que les résidents permanents, et si les services ne prenaient pas fin arbitrairement avec l’acquisition de la citoyenneté, cela contribuerait grandement à aider nos nouveaux arrivants, surtout dans les collectivités rurales où d’autres soutiens secondaires comme les collectivités culturelles sont rares[129].
Des témoins ont aussi souligné que le fait de perdre accès aux services d’établissement une fois qu’on a obtenu sa citoyenneté canadienne est particulièrement préjudiciable pour les femmes.
Notre expérience nous a permis de constater les besoins particuliers de certaines femmes immigrantes qui ont dû consacrer les premières années suivant leur arrivée au Canada à leurs responsabilités familiales avant de pouvoir chercher du travail. Elles s’adressent ensuite à nous lorsqu’elles sont prêtes à intégrer la population active, mais doivent alors composer avec ces mêmes obstacles qui se dressent devant les personnes qui viennent d’arriver au pays, à savoir une maîtrise insuffisante des langues officielles et un manque d’expérience au Canada, de compétences à jour et d’accès à un réseau social. Mais comme elles sont désormais des citoyennes canadiennes, elles ne sont plus admissibles à ce genre de financement même si elles pourraient, avec un peu d’aide de notre part, apporter la même contribution positive à notre société que les femmes nouvellement arrivées au pays[130].
Les organismes prestataires de services d’établissement ont insisté sur la difficulté de refuser des services à de nouveaux arrivants ayant de grands besoins, pour des raisons qui leur semblent arbitraires. Certains ont dit être en mesure d’offrir certains services à ces personnes en vertu de financement provenant du gouvernement provincial ou du secteur privé, mais ils ont souligné que cela crée une inégalité d’accès aux services selon la province de résidence. D’autres ont dit leur offrir de l’aide non officielle, mais devoir prioriser les personnes admissibles et ne pas pouvoir offrir des services aussi complets à celles qui ne le sont pas.
En particulier, de nombreux témoins ont fait état des besoins énormes des demandeurs d’asile[131], qui attendent souvent des années avant d’obtenir une décision sur leur statut, pendant lesquelles ils n’ont pas doit aux services d’établissement.
Les enfants demandeurs d’asile sont scolarisés en
vertu des programmes d’éducation provinciaux, mais ils n’ont pas accès aux
services d’établissement dans les écoles. Des témoins de la
Colombie-Britannique ont expliqué que dans plusieurs districts scolaires de la
province, le nombre de personnes non admissibles selon les critères d’IRCC qui
reçoivent des services « ne
cesse d’augmenter au fil des ans, au point que, dans bien des districts, elles
sont plus nombreuses que les nouveaux arrivants admissibles
Pour illustrer l’importance pour les jeunes demandeurs d’asile de recevoir du soutien à l’établissement, elles ont présenté le témoignage de Myriam, aujourd’hui étudiante en sciences politiques reçue avec mention à l’Université McGill qui a obtenu deux bourses d’études importantes qui lui permettent d’étudier en France.
Si le personnel du Conseil scolaire de Vancouver avait respecté le protocole discriminatoire et ne m’avait pas permis de recevoir des services essentiels, je ne sais pas à quoi ressemblerait ma vie aujourd’hui.
Quand je suis arrivée au Canada, je ne parlais pas anglais, je n’avais pas reçu d’éducation formelle, et ma famille et moi-même souffrions du traumatisme de la migration et de la séparation d’avec nos proches. Ces difficultés s’ajoutaient à beaucoup d’autres que nous devions affronter dans notre pays d’adoption.
Cependant, le Conseil scolaire de Vancouver, par l’entremise des programmes Engaged Immigrant Youth Program et Settlement Workers in Schools, m’a donné le soutien nécessaire pour mes besoins quotidiens. J’ai appris comment fonctionne le système scolaire, je me suis sentie accueillie, je me suis fait des amis, je me suis engagée et j’ai reçu de l’aide aux devoirs. Ces programmes m’ont permis non seulement de perfectionner mon anglais et d’exceller dans mes études, mais ils m’ont aussi amenée à faire du bénévolat et à lancer le programme communautaire English Welcome Club, qui donne l’occasion à d’autres jeunes de renforcer leurs capacités.
Cependant, j’ai vite découvert qu’en réalité, je n’aurais pas dû recevoir tout ce soutien puisque j’étais une demandeuse du statut de réfugié et que je n’étais donc pas admissible à cette aide qui a été si déterminante dans ma réussite. Les membres du personnel du Conseil scolaire de Vancouver m’ont aidée sans se préoccuper de mon statut. Je leur suis très reconnaissante d’avoir fait preuve d’autant de courage parce qu’il a fallu trois années et demie à ma famille pour obtenir le statut de réfugié. Cela signifie que j’aurais été admissible à cette aide seulement après la fin de mes études secondaires[134].
L’ÉTABLISSEMENT EN MILIEU RURAL
Plusieurs témoins ont dit au Comité que les collectivités rurales avaient besoin d’attirer de nouveaux arrivants et de les garder pour contrer le déclin de leur population et combler leurs importants besoins de main-d’œuvre. Ainsi, les services d’établissement sont cruciaux pour ces communautés[135].
Dustin Mymko, agent de services d’établissement
dans une communauté rurale du Manitoba, a expliqué au Comité que jusqu’à
maintenant, plusieurs petites communautés rurales comptaient une seule
personne, souvent à temps partiel, affectée à la prestation de services d’établissement.
Or, selon ce témoin, le gouvernement fédéral a décidé en 2019 que ce modèle ne
serait plus financé par IRCC et qu’il fallait que ces communautés établissent
des partenariats avec de plus grandes organisations de prestation de services
d’établissement des villes avoisinantes. M. Mymko voyait ce changement d’un œil
positif, espérant que cela aiderait à réduire le fardeau administratif et à
élargir les services offerts dans les petites communautés
Avec ce partenariat, nous sommes d’avis que nous n’aurons pas à constamment réinventer la roue. J’ai essayé d’organiser un cercle de conversation local dans notre collectivité. Je ne sais vraiment pas comment faire. Nous avons procédé par essais et erreurs. Je sais qu’à Brandon, ces programmes ont connu du succès. Ces gens vont m’apprendre comment en organiser un. Notre temps sera ainsi mieux investi[137].
Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord et Appel de propositions 2019
Les témoins issus des milieux ruraux voyaient d’un bon œil le récent lancement du Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord[138], conçu afin de permettre aux petites communautés du Canada de profiter des avantages de l’immigration économique. La Chambre de commerce du Canada a salué ce nouveau programme qui, selon elle, est un exemple de décentralisation des processus de sélection des immigrants qui permet la création de « solutions locales élaborées par les collectivités pour les collectivités et qui répondent aux besoins en main-d’œuvre des collectivités[139] ».
Toutefois des témoins ont mentionné que les critères d’admissibilité très précis, notamment une population maximale de 50 000 personnes et une certaine distance d’éloignement des grands centres, ont empêché la participation de communautés qui correspondent à l’intention du programme, mais sont légèrement trop près d’une ville ou dépassent de peu la population totale maximale[140].
Des témoins ont affirmé qu’il fallait aussi tenir compte de la situation du marché du travail dans les critères d’admissibilité. Par exemple, une communauté qui a beaucoup d’emplois à combler et un faible taux de chômage et dont la population et l’emplacement géographique sont très près des critères établis devrait pouvoir avoir accès au programme, car elle a besoin de soutien pour améliorer sa vitalité économique[141].
Outre le projet pilote, dans son appel de propositions 2019 pour les services d’établissement, IRCC a inclus les « services dans les communautés nordiques […], éloignées et dans les petits centres » dans les domaines des services personnalisés pour lesquels le ministère sollicite des projets[142].
Défis liés à l’établissement en milieu rural
Parmi les défis liés à l’établissement en milieu rural, les témoins ont mentionné le manque de transport, de logement et de services linguistiques. Ils ont aussi expliqué comment le secteur bénévole joue un grand rôle dans les communautés rurales, mais qu’il a des limites lorsque vient le temps de répondre aux besoins en matière d’établissement des nouveaux arrivants.
Le manque de transport et de logement
Des témoins ont fait part au Comité des difficultés que pose le manque de services de transport et de logements abordables en milieu rural pour l’établissement de nouveaux arrivants. En effet, de grandes distances à parcourir et peu de transports en commun caractérisent la plupart des régions rurales. De plus, celles-ci comptent habituellement peu de logements locatifs abordables. Selon les témoins, le financement d’IRCC affecté au soutien au transport dans leurs collectivités n’est pas du tout suffisant pour répondre à la demande[143].
Le manque de services linguistiques
L’accès aux services peut aussi être plus
difficile en milieu rural. Par exemple, des témoins ont indiqué qu’il est très
difficile d’avoir accès à des interprètes dans plusieurs communautés rurales.
Lorsque l’interprète doit faire plus d’une heure de route et que ses frais de
déplacement s’ajoutent aux frais du service, cela devient très coûteux
De plus, l’offre de cours d’anglais langue seconde serait aussi insuffisante dans de nombreuses communautés rurales. Plusieurs d’entre elles ne reçoivent aucun financement d’IRCC pour en offrir, et celles qui en reçoivent expliquent que les ressources sont insuffisantes pour répondre aux besoins[146].
L’importance des bénévoles – et leurs limites
Ainsi, dans de nombreuses communautés rurales,
c’est le secteur bénévole qui prend la relève pour enseigner l’anglais langue
seconde aux nouveaux arrivants[147].
Les témoins ont salué l’engagement des bénévoles et le niveau élevé de soutien
personnalisé qu’ils offrent[148]. Or, les bénévoles ne sont pas formés et ne sont pas suffisamment
équipés pour remplacer les services d’établissement dont ces communautés ont
besoin[149]. Plusieurs témoins ont suggéré que de la formation soit offerte aux
bénévoles afin de mieux les outiller pour aider les nouveaux arrivants
Les services d’établissement itinérants : Une pratique exemplaire
Kristin Crane, agente de liaison en immigration, a parlé au Comité des services d’établissement itinérants qu’elle a aidé à mettre en place dans sa région, qu’elle a qualifiés de pratique exemplaire. Dans le comté de Huron en Ontario, le parrainage privé de réfugiés a créé une hausse du nombre de nouveaux arrivants. Puis, ces familles parrainées communiquent avec des amis et parents installés en milieu urbain et ceux-ci décident de venir les rejoindre. Selon Mme Crane, qui coordonne le partenariat local d’immigration (PLI), le comté avait peu de services pour répondre aux besoins élevés de ces réfugiés. Ainsi, après beaucoup d’insistance de sa part, IRCC a accepté en 2017 de financer des services d’établissement itinérants pour ce comté, qui sont fournis par le YMCA du Sud-Ouest de l’Ontario.
Mme Crane a décrit le modèle de services d’établissements itinérants comme étant un service qui va vers les nouveaux arrivants et permet de surmonter l’obstacle du transport. De plus, elle a souligné qu’il n’exige pas de bâtiments; les rendez-vous sont établis au besoin, et le lieu est choisi selon ce qui est pratique pour le nouvel arrivant, par exemple à sa bibliothèque locale. Selon elle, il s’agit d’une approche souple, fondée sur les besoins et qui fait une utilisation très efficace de ses ressources. À son avis, les PLI ont un important rôle à jouer pour mettre en place les services d’établissement itinérants, car ils sont en mesure de mettre en contact le représentant des services d’établissement avec les organisations de la communauté[152].
L’importance de l’intégration sociale
Des témoins ont expliqué au Comité que l’isolement
est un facteur répandu dans les collectivités rurales qui a des conséquences
néfastes sur la santé mentale et qui peut nuire à la rétention des nouveaux
arrivants dans ces communautés. Elles ont expliqué que, pour éviter
l’isolement, il faut mettre en place des programmes qui permettent aux nouveaux
arrivants de tisser des liens avec les autres membres de la collectivité
À cet effet, elles ont recommandé que le service
de Connexions communautaires fasse partie des services d’établissement financés
dans toutes les régions rurales[154]. Selon
Mme Crane, « Ce programme favorise les interactions
sociales, culturelles et professionnelles et les liens entre les nouveaux
arrivants et la collectivité. Il aide les immigrants et les réfugiés à se
sentir connectés et engagés dans la collectivité, à se sentir chez eux
En outre, Mme Crane a dit que, comme les immigrants en milieu rural ne bénéficient pas du soutien d’une communauté immigrante ou appartenant au même groupe ethnoculturel, le PLI travaille à essayer de combler ce manque en encourageant les employeurs à créer un cercle de soutien autour de leurs employés nouvellement établis. Elle suggère que ceux-ci peuvent notamment inviter les membres de la famille à participer à des sorties et des activités, en tenant compte de certains obstacles.
Les employeurs devraient être encouragés à adapter leurs pratiques afin de participer davantage à l’établissement de leurs employés nouvellement arrivés. La croissance et la survie de leurs entreprises dépendent, dans bon nombre de régions rurales, de la main-d’œuvre que les nouveaux arrivants représentent. L’employeur devrait donc faire ce qu’il peut pour soutenir ces travailleurs[156].
Le recours à des outils technologiques
Bien que, comme mentionné précédemment, les contacts interpersonnels sont cruciaux pour une intégration réussie, des témoins ont indiqué que l’utilisation d’outils technologiques pourrait permettre de compléter l’offre de services d’établissement en personne et aider à pallier certains défis liés à la distance[157].
Par exemple, il serait possible d’assister à des cours d’anglais langue seconde à distance. Pour ce qui est des travailleurs de l’établissement dans les écoles, une fois qu’ils auraient eu une première rencontre en personne avec les jeunes, ils pourraient se connecter avec eux grâce à la technologie[158].
Un témoin a parlé au Comité d’une application pour tablette et téléphone intelligent développée par son organisation afin d’aider les nouveaux arrivants à remplir des demandes et formulaires liés à l’immigration. Conçue en collaboration avec des avocats, l’application utilise des questions et réponses concises afin d’aider la personne, dans sa langue maternelle, à remplir une demande[159].
Certains témoins ont toutefois apporté un bémol : bien que plusieurs communautés rurales aient les infrastructures technologiques requises, notamment dans leurs bibliothèques, leurs écoles et leurs centres d’emploi, certaines n’y ont pas accès. De plus, certaines personnes ne maitrisent pas bien la technologie[160].
Finalement, M. Mymko a décrit au Comité le besoin pour les organismes fournisseurs de services, particulièrement en régions éloignées, de pouvoir communiquer avec IRCC pour obtenir des précisions quant à des cas individuels complexes. Il a mentionné qu’une ligne d’assistance existe, mais selon lui, les préposés qui répondent aux appels lisent ce qui se trouve sur le site web du ministère et ne sont pas en mesure d’offrir des explications supplémentaires. Il a insisté sur le fait que les fournisseurs de services ont besoin d’un soutien pour interpréter et appliquer les politiques du ministère, parce qu’ils aident des gens à remplir des formulaires et que si le mauvais formulaire est rempli, cela peut occasionner des délais de plusieurs mois. Il estime que
[l]’établissement d’une ligne téléphonique réservée aux fournisseurs de services, où les fournisseurs de services d’établissement pourraient être conseillés sur la façon d’interpréter un formulaire ou une procédure d’immigration du gouvernement, rehausserait le niveau de service à l’échelle nationale[161].
Observations et recommandations
Le Comité trouve que le modèle des services d’établissement mobiles est une façon innovatrice de contribuer à répondre aux besoins des nouveaux arrivants en milieu rural. Comme l’ont noté des témoins, en plus d’offrir directement des services, le prestataire de services itinérants pourrait aider à former les bénévoles de la communauté qui soutiennent les nouveaux immigrants. Cela semble une approche gagnante qui pourrait être appliquée à d’autres communautés rurales. S’ils le souhaitent, les employeurs devraient toujours pouvoir procurer des services d’établissement, comme de la formation linguistique, aux travailleurs étrangers temporaires qu’ils emploient. Ainsi, le Comité recommande :
Attirer et garder les nouveaux arrivants dans les petites communautés
Recommandation 10
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada accroisse l’offre des services d’établissement mobiles et l’accès aux outils numériques dans les communautés rurales et éloignées, afin de fournir des services aux clients directement là où ils s’établissent, en vue d’encourager les nouveaux arrivants à s’établir et à demeurer dans les petites communautés.
Appuyer l’innovation et le partage des pratiques exemplaires au Canada
Recommandation 11
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada appuie l’écosystème des organismes fournisseurs de services d’établissement, en continuant de favoriser les opportunités d’innovation et le partage des pratiques exemplaires parmi les organismes sur le terrain à travers le Canada.
L’ÉTABLISSEMENT DANS LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES EN SITUATION MINORITAIRE
Plusieurs témoins ont abordé les particularités de l’établissement des nouveaux arrivants dans les communautés francophones en situation minoritaire.
Selon un témoin du RDÉE Canada, étant donné que les immigrants francophones sont de plus en plus bilingues et multilingues, c’est grâce aux services qui leur sont offerts et à la façon dont on les aborde pour répondre à leurs besoins spécifiques que l’on peut veiller à ce qu’ils continuent à se définir comme francophones[162].
Selon un représentant de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), présentement, en milieu minoritaire francophone, le parcours d’intégration est fragmenté :
Un immigrant francophone qui arrive en Alberta pourra bénéficier d’un premier service d’orientation en français. Par contre, par la suite, il n’aura peut-être pas accès à tout le continuum de services en français, […] soit parce qu’ils n’existent pas, soit parce qu’on ne l’aura pas dirigé aux bons endroits pour continuer son parcours d’intégration en français[163].
IRCC a indiqué qu’il cherche à améliorer les services que le ministère offre aux nouveaux arrivants
francophones qui s’établissent dans des communautés de langue française hors
Québec ou dans la communauté acadienne
En effet, selon le président de la FCFA, Jean Johnson, l’offre de services d’établissement en milieu minoritaire francophone requiert une approche différente de celle en milieu majoritaire anglophone. Elle vise à orienter la personne vers les ressources francophones dans la communauté et à assurer sa rétention en misant sur la création de liens avec la communauté francophone. Aussi, elle doit refléter l’organisation de la communauté francophone, de l’école jusqu’au centre de santé francophone, en passant par les services d’emploi en français. Selon le témoin, les organismes de langue anglaise, voire les organismes bilingues, ne peuvent faire ce travail : « Très souvent, ils n’orientent même pas les immigrants et les immigrantes de langue française vers les ressources francophones[166]. »
Ainsi, selon M. Johnson, IRCC doit faire des
appels d’offres propres aux services d’établissement francophones, afin que ces
fournisseurs de services n’aient pas à faire concurrence à des fournisseurs de
services de la majorité, « lesquels ont souvent plus de ressources, mais
n’ont presque aucune connaissance de la réalité de la minorité
Observations et recommandation
Le Comité a bien saisi les avantages de s’assurer que la prestation de services d’établissement en français se fasse par des organismes francophones ancrés dans la communauté minoritaire et qu’un niveau de qualité élevé soit maintenu pour ces services. Ainsi, le Comité recommande :
Veiller à la qualité et à l’efficacité des services d’établissement en français
Recommandation 12
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada s’assure de la qualité et de l’efficacité de la prestation des services d’établissement en français dans les communautés francophones en situation minoritaire.
FAVORISER L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX ARRIVANTS PAR LA SOCIÉTÉ CANADIENNE
Plus d’un témoin a indiqué qu’au Canada, l’intégration était conçue comme un processus bidirectionnel, c’est-à-dire que les nouveaux arrivants ont un rôle à y jouer, mais aussi les Canadiens établis. Le professeur John Shields a expliqué ce concept comme suit :
L’intégration est considérée comme un processus bidirectionnel permettant aux immigrants de s’adapter à la vie au Canada et au Canada d’accueillir les nouveaux arrivants et de s’adapter à eux. Cette approche est essentielle pour accueillir chaleureusement les nouveaux arrivants, ce qui joue un rôle clé dans la réussite de l’immigration. C’est un modèle qui a fait ses preuves et qui doit être préservé et renforcé[168].
Ainsi, plusieurs témoins ont recommandé d’investir
des ressources dans la lutte contre le racisme systémique
Il y a deux semaines, nous avons lancé en Alberta une campagne en réaction au massacre de la Nouvelle-Zélande, Alberta Kind, parce que nous ne pouvions plus rester dans les estrades et être témoins de cette montée du racisme, des crimes haineux et de la violence dirigée contre les musulmans, et du mépris général à l’égard de l’immigration qui est de plus en plus exprimé. Ces enjeux sont directement liés aux questions en matière d’intégration, puisque le racisme est un obstacle à l’emploi, au logement et au sentiment de sécurité dans la communauté […]
[I]l nous faut une campagne nationale imposante de lutte contre le racisme, les groupes anti-immigration et l’islamophobie, et des outils dont pourront se servir les organismes et les programmes. Tous les Canadiens doivent pouvoir se sentir respectés et en sécurité dans leur communauté[170].
Observations et recommandation
Le Comité reconnait que pour favoriser l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants, la contribution de la société d’accueil est essentielle. Ainsi, il semble que pour s’assurer que les services d’établissement parviennent à leur objectif, la lutte contre le racisme et la promotion de la diversité culturelle soient primordiales. Par conséquent, le Comité recommande :
Initiatives de promotion de la diversité culturelle et de lutte au racisme
Recommandation 13
Que le gouvernement du Canada continue de développer des initiatives de promotion de la diversité culturelle et de lutte contre le racisme en vue de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants.
L’IMPORTANCE D’UN FINANCEMENT STABLE ET PRÉVISIBLE
Plusieurs organismes qui fournissent des services
d’établissement ont fait part au Comité de certains défis en lien avec l’octroi
du financement qu’ils reçoivent. Ils ont parlé de la difficulté d’opérer avec
du financement sur trois ans et du besoin d’un financement de base fixe pour
avoir une certaine tranquillité d’esprit et pouvoir planifier à plus long terme
La façon dont les sommes sont versées aux
organisations poserait également des problèmes. Un témoin a expliqué qu’une
partie des fonds alloués était « reçue sous forme
de financement supplémentaire versé par petites sommes, avec des délais très
courts et des lignes directrices très rigides qui influent sur la capacité des
districts [scolaires] de planifier la dotation en personnel et l’exécution de
programme[173]. » Un autre témoin a illustré ce problème en disant qu’il lui
arrivait de recevoir une de ces sommes supplémentaires à la fin janvier et de
devoir la dépenser avant la fin mars, sous peine de se voir retirer les
ressources non utilisées, ce qui rend difficile l’embauche d’employés. Ce
témoin a dit espérer que le gouvernement permette bientôt de pouvoir conserver
et reporter une partie des ressources non utilisées au cours d’une période
Un autre
problème, qui touche particulièrement les établissements d’enseignement, est le
fait que le financement fédéral expire le 31 mars, mais les écoles sont
ouvertes jusqu’au 30 juin. Cette situation créerait beaucoup d’angoisse
dans certains districts scolaires, qui risquent de devoir licencier des
employés de leurs programmes d’établissement et fermer leurs centres d’accueil
trois mois avant la fin de l’année scolaire, faute de financement
Un témoin a expliqué qu’IRCC avait récemment procédé à des changements
en ce qui a trait au modèle de financement. Selon lui, l’adoption d’un plan
triennal pour les niveaux d’immigration permet aux organismes chargés de
l’établissement de mieux planifier leurs services. Il a aussi souligné que le
financement fédéral des services d’établissement a été augmenté pour
correspondre à l’augmentation des niveaux
d’immigration. De plus, le ministère a décidé cette année de présenter des
propositions de financement comportant des échéances de cinq ans, ce qui
permettra d’atténuer la précarité de l’emploi et la précarité organisationnelle
pour les organismes prestataires de services d’établissement
Observations et recommandations
Le Comité a bien compris les difficultés liées au versement des fonds aux organismes fournisseurs de services d’établissement et l’importance pour eux d’avoir un financement stable et prévisible. Bien que des changements positifs semblent avoir été apportés à cet effet par IRCC, comme la possibilité d’obtenir du financement sur cinq ans, les fournisseurs de services conservent certaines inquiétudes, notamment quant à la gestion des versements supplémentaires et à l’impossibilité de reporter des sommes non-utilisées. Ainsi, le Comité recommande :
Un mode de financement prévisible, stable et à long terme pour les organismes fournisseurs de services
Recommandation 14
Que le gouvernement du Canada offre un financement prévisible, stable et pluriannuel aux organisations qui ont su démontrer leur efficacité en matière de prestation de services d’établissement, afin de mieux appuyer leur planification à long terme et la continuité de leurs services.
Un financement du Programme d’établissement proportionnel aux niveaux d’immigration
Recommandation 15
Que le gouvernement du Canada maintienne le financement du Programme d’établissement à l’échelle des niveaux d’immigration.
L’ÉVALUATION DES SERVICES D’ÉTABLISSEMENT
Pour évaluer l’efficacité des différents services d’établissement offerts, IRCC a mené en mai 2017 une évaluation officielle du Programme d’établissement. Cet exercice a rassemblé des observations provenant d’un grand éventail de personnes, notamment des clients du programme, des intervenants et des représentants du programme, et s’est appuyé sur le plus vaste sondage mené auprès de nouveaux arrivants à l’époque, lequel comptait près de 15 000 répondants. Dans l’ensemble, l’évaluation a montré que le programme arrivait à répondre à la demande croissante pour les services d’établissement. Une forte majorité de clients (96 %) ont fait état de résultats positifs, comme l’amélioration de leurs compétences linguistiques, l’obtention d’un emploi et la participation au sein de leur collectivité[177].
Au cours de son étude, le Comité a demandé à plusieurs témoins comment ils évaluaient le succès des programmes. M. Calla a indiqué au Comité que certains programmes se prêtaient plus facilement à une évaluation que d’autres. Par exemple, dans le cas des services liées à l’emploi, le résultat mesurable souhaité est le fait que le nouvel arrivant décroche un emploi permanent. De ce point de vue, le programme de formation linguistique avancée est efficace, puisque 90 % des finissants de l’année dernière ont maintenant un emploi dans leur domaine. En ce qui concerne les nouveaux arrivants qui ont participé à des programmes de mentorats, 75 % ont décroché un emploi. Toutefois, d’autres services d’établissement n’ont peut-être pas de résultats si facilement mesurables, ce qui ne signifie toutefois pas qu’ils ne sont essentiels à l’intégration des nouveaux arrivants[178].
M. Calla a affirmé au Comité que, pour mesurer
l’intégration, il faut voir à plus long terme. Il a mentionné la banque de
données iEDEC (Immigration – Environnement de déclarations d’ententes de
contribution) d’IRCC, dans laquelle les fournisseurs de services
d’établissement enregistrent l’utilisation de leurs services par les nouveaux
arrivants[179] : si un nouveau arrivant au Canada s’installe à Toronto et y
utilise des services avant de déménager dans une autre ville et d’y avoir
recours à des services, toute utilisation serait inscrite dans l’iEDEC. Si les
données de cette banque étaient alignées avec celles de l’Agence du revenu du
Canada, il serait possible de mesurer la réussite de l’intégration
William Sinclair, directeur général, St. Stephen’s Community House, a proposé qu’IRCC utilise le réseau des 77 partenariats locaux d’immigration pour évaluer le rendement à l’échelle locale et nationale[181].
Bien qu’il n’ait pas parlé de mesures particulières, Noureddine Belhocine, directeur général, Maison Internationale de la Rive-Sud, a mentionné de manière générale les mesures contenues dans les ententes de financement[182]. Angela Mowbray, gestionnaire par intérim, Programme de langues, Westman Immigrant Services, a affirmé que les ententes de financement que son organisme a conclues avec IRCC pour la formation linguistique comprennent des cibles très élevées en ce qui concerne les inscriptions et les présences en classe. Puisque les étudiants ont des emplois et des enfants, le critère de présence en classe est difficile à atteindre, ce qui crée des pressions pour le fournisseur de services d’établissement[183].
Mme Foster a fait valoir au Comité que « le succès ne se limite pas à l’apprentissage d’une langue. Il se mesure aussi par l’intégration. Nous voulons que nos étudiants puissent réaliser leurs rêves, que ce soit l’obtention d’un permis de conduire AZ ou d’un certificat de préposé aux services de soutien à la personne d’un collège local[184]. »
En réponse à une demande d’information présentée
par le Comité le 30 janvier 2019, IRCC a fourni un document dressant une liste
exhaustive des indicateurs d’établissement et d’intégration que le ministère
applique dans le cadre de son Programme d’établissement. Le Cadre stratégique
de mesure du rendement s’appuie sur cinq sources de données pour évaluer le
rendement, la surveillance et la production de rapport en ce qui a trait au
Programme d’établissement : 1) le Système des subventions et des
contributions, 2) l’iEDEC, 3) le Système mondial de gestion des cas, 4) les
rapports de projet annuel des fournisseurs de services et des partenariats
communautaires; 5) les sondages sur l’établissement[185]. En octobre 2017, IRCC a
reconnu que certaines données n’étaient pas disponibles. Par exemple, l’iEDEC
ne permettait pas aux fournisseurs de services de gérer les listes d’attente
dans la base de données. En outre, la Base de données longitudinales sur
l’immigration d’IRCC (BDIM) devrait être liées à l’iEDEC pour permettre la
production de rapports sur le rendement[186].
Un tableau détaillé présente 49 indicateurs de rendement en matière
d’établissement et d’intégration, par exemple la confiance envers les
institutions publiques, le sentiment d’appartenance, l’obtention de la citoyenneté
canadienne et le sentiment d’être accepté dans la société canadienne
Observations et recommandation
Le Comité a appris qu’il est très difficile de mesurer le rendement de la plupart des services d’établissement. Les nouveaux arrivants ont des besoins précis qui sont comblés par des organismes locaux, et la réussite de l’intégration peut seulement être mesurée au cas par cas. Par conséquent, le Comité recommande :
Développer des indicateurs de rendement plus efficaces pour mesurer les résultats en matière d’établissement
Recommandation 16
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada continue de collaborer avec tous les ordres de gouvernement et les autres parties prenantes, y compris les partenariats locaux d’immigration, afin d’élaborer des indicateurs de rendement plus efficaces en matière de résultats des services d’établissement, qui tiennent compte des besoins spécifiques des clients.
[1] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC),
[2] Chambre
des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM),
[3] IRCC,
[4] IRCC,
[5] IRCC,
[6] Le
Comité a appris qu’on encourage les nouveaux arrivants à s’inscrire au
programme de l’Allocation canadienne pour enfants. CIMM,
[7] IRCC,
[8] IRCC,
[9] Ces
documents comprennent « une lettre d’invitation d’IRCC à obtenir des
services préalables à l’arrivée, une lettre de confirmation de la résidence
permanente (CRP), une lettre demandant votre passeport qui indique la
délivrance d’un visa de résident permanent, une demande d’IRCC exigeant qu’un
demandeur de la résidence permanente subisse l’examen médical, un visa de
résident permanent pour entrée unique, une lettre […] invitant [le nouvel
arrivant] à récupérer [son] visa de résident permanent ». Gouvernement du
Canada,
[10] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC],
[11] CIMM,
[12] Ibid.;
CIMM,
[13] CIMM,
[14] Ibid., 1550.
[15] IRCC,
[16] IRCC,
[17] CIMM,
[18] Gouvernement du Canada,
[19] Gouvernement du Canada,
[20] Julie Béchard, Immigration : L’Accord Canada-Québec, publication no 2011-89-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 5 avril 2018.
[21] L’approbation de principe survient lorsque le demandeur répond aux critères d’admissibilité du programme d’immigration (par exemple, le Programme des travailleurs qualifiés), et qu’il ne reste que certaines vérifications des antécédents, comme l’examen médical.
[22] CIMM,
[23] CIMM,
[24] Ibid., 1725 (Queenie Choo, présidente-directrice générale, S.U.C.C.E.S.S).
[25] Ibid., 1645.
[26] CIMM,
[27] CIMM,
[28] Ibid., 1655 (Jean-Guy Bigeau, président-directeur général, Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada).
[29] Ibid., 1720 (Roukya Abdi-Aden, gestionnaire, Concertation nationale, Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada).
[30] Ibid., 1655 (Jean-Guy Bigeau).
[31] CIMM,
[32] CIMM,
[33] Ibid., 1705.
[34] Ibid., 1715.
[35] Ibid., 1710.
[36] Dans
ce contexte, l’admissibilité s’entend des personnes qui satisfaisaient au
critère d’âge. Cette statistique a été calculée selon le nombre de réfugiés qui
ont été transportés au Canada par l’OIM et qui ont reçu de la formation au
cours de l’année. CIMM,
[37] Ibid., 1710.
[38] Ibid., 1555 (David Manicom).
[39] CIMM,
[40] CIMM,
[41] CIMM,
[42] CIMM,
[43] CIMM,
[44] CIMM,
[45] CIMM,
[46] Le seul autre test reconnu est le Canadian English Language Proficiency Index Program (CELPIP), géré par une filiale de l’Université de la Colombie-Britannique.
[47] CIMM,
[48] Garry Green, Toronto District School Board, Réponse à une demande d’information présentée le 3 avril 2019, p. 4.
[49] CIMM,
[50] CIMM,
[51] Ibid., 1610 (Heather Hart).
[52] CIMM,
[53] CIMM,
[54] CIMM,
[55] CIMM,
[56] CIMM,
[57] CIMM,
[58] Ibid., 1645 (Christine Buuck).
[59] CIMM,
[60] CIMM,
[62] CIMM,
[63] Ibid., 1545 (Angela Mowbray).
[64] CIMM,
[65] CIMM,
[66] CIMM,
[67] Ibid., 1545 (Angela Mowbray).
[68] CIMM,
[69] Ibid., 1610.
[70] Ibid., 1650 (Andy Foster, coordonnatrice de projet, Arden Language Centre).
[71] CIMM,
[72] CIMM,
[73] CIMM,
[74] CIMM,
[75] CIMM,
[76] CIMM,
[77] Ibid.
[78] CIMM,
[79] CIMM,
[80] CIMM,
[81] CIMM,
[82] Ibid., 1620.
[83] CIMM,
[84] Ibid., 1625 (Sabrina Dumitra,
gestionnaire d’établissement et d’intégration, Affiliation of Multicultural
Societies and Service Agencies of BC); 1630 (Carl Cadogan); et
[85] CIMM,
[86] CIMM,
[87] CIMM,
[88] CIMM,
[89] CIMM,
[90] CIMM,
[91] CIMM,
[92] CIMM,
[93] Voir
notamment CIMM,
[94] IRCC,
[95] CIMM,
[96] Ibid.
[97] Voir
par exemple : CIMM,
[98] Voir
par exemple : CIMM,
[99] CIMM,
[100] Ibid., 1705, 1710 et 1725 (Adeena Niazi, directrice exécutive, Afghan Women’s Organization).
[101] Ibid., 1705 (Jan Reimer, directrice exécutive, Alberta Council of Women’s Shelters).
[102] Ibid.
[103] Ibid., 1620 (Rosie Smythe, directrice exécutive, New Circles Community Services).
[104] Ibid., 1705, 1710 et 1725 (Adeena Niazi).
[105] Ibid.
[106] CIMM,
[107] Ibid.
[108] CIMM,
[109] YWCA Canada, mémoire, 22 mai 2019, p. 4-5.
[110] CIMM,
[111] CIMM,
[112] Ibid., 1645 (Colleen Mooney).
[113] CIMM,
[114] English Language Learners Consortium, document de référence soumis au Comité le 3 avril 2019, p. 3.
[115] CIMM,
[116] CIMM,
[117] CIMM,
[118] CIMM,
[119] CIMM,
[121] CIMM,
[122] Ibid., 1615.
[123] Ibid.
[124] Ibid.
[125] Ibid., 1740 (Zdravko Cimbaljevic).
[126] CIMM,
[127] Ibid.
[128] CIMM,
[129] CIMM,
[130] CIMM,
[131] Voir notamment : CIMM,
[132] CIMM,
[133] Ibid.
[134] Ibid., 1640 (Jennifer Reddy).
[135] CIMM
[136] CIMM,
[137] Ibid., 1625.
[138] IRCC,
[139] Chambre de commerce du Canada,
[140] CIMM,
[141] CIMM,
[142] IRCC,
[143] CIMM,
[144] CIMM,
[145] CIMM,
[146] Ibid., 1535;
[147] CIMM,
[148] CIMM,
[149] CIMM,
[150] CIMM,
[151] CIMM,
[152] CIMM,
[153] Ibid., 1545; et
[154] Ibid.
[155] CIMM,
[156] Ibid., 1540.
[157] Ibid.;
[158] Ibid.
[159] CIMM,
[160] CIMM,
[161] CIMM,
[162] CIMM,
[163] CIMM,
[164] CIMM,
[165] IRCC,
[166] CIMM,
[167] Ibid., 1535.
[168] CIMM,
[169] Voir notamment : CIMM,
[170] CIMM,
[171] CIMM,
[172] CIMM,
[173] Ibid., 1615.
[174] Ibid., 1630 et 1640 (Heather Hart).
[175] Ibid., 1620 (Val Windsor).
[176] CIMM,
[177] CIMM,
[178] CIMM,
[179] Le Comité a appris que, lorsqu’ils rencontrent les parrains afin
d’établir les rôles avant l’arrivée des réfugiés, les fournisseurs de services
d’établissement ne reçoivent pas de financement pour cette rencontre et
l’activité n’est pas enregistrée dans l’iEDEC. CIMM,
[180] CIMM,
[181] CIMM,
[182] CIMM,
[183] CIMM,
[184] CIMM,
[185] IRCC, Programme d’établissement, Profil d’information sur le rendement, octobre 2017, p. 9.
[186] Ibid., p. 10.
[187] Ibid., p. 21-26.