:
Merci, madame la présidente.
Bonsoir aux membres du Comité.
Je vous remercie d'avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à venir vous parler d'équité salariale dans le champ de compétence du gouvernement fédéral.
Notre présidente, Marie-Claude Landry, s'excuse de ne pas pouvoir être ici aujourd'hui.
Permettez-moi de vous présenter mes collègues. À ma droite, Piero Narducci, directeur général par intérim de la Promotion des droits de la personne à la Commission. À ma gauche, Fiona Keith, avocate à la Commission. Ces deux personnes possèdent une vaste expérience dans le domaine de l'équité salariale.
Je vais essentiellement vous parler du travail de la Commission canadienne des droits de la personne en ce qui concerne l’application du principe de salaire égal pour un travail équivalent et vous expliquer pourquoi nous croyons que le modèle dit proactif est le plus susceptible de permettre au Canada d’avoir un régime d’équité salariale.
Avant de passer à l’équité salariale, permettez-moi de vous parler de la Commission canadienne des droits de la personne. La Commission est l'organisme de surveillance des droits de la personne à l'échelle fédérale qui mène ses activités sans lien de dépendance avec le gouvernement. Nous sommes là pour attirer l’attention sur des enjeux importants de droits de la personne et pour promouvoir l’égalité, la dignité et le respect, valeurs qui sont si importantes au Canada. Nous le faisons par le biais de nos activités dans les domaines de la recherche, de l’élaboration de politiques, de la sensibilisation et de I' éducation.
[Français]
Nous sommes aussi là pour dénoncer d'importants problèmes touchant les droits de la personne. Si nous avons des raisons de croire que les droits d'une personne ou d'un groupe sont menacés, nous en parlons. Nous estimons avoir l'obligation de dénoncer la discrimination au nom des personnes les plus vulnérables du Canada.
Au cours de la dernière année, notre présidente a parcouru le pays pour rencontrer des intervenants d'une centaine d'organisations. Elle a entendu ce que ces gens avaient à dire à ce sujet. On lui a dit qu'il fallait faire davantage pour promouvoir la vision d'une société inclusive au Canada. Par-dessus tout, nous devons veiller à ce que toutes nos activités servent à aider les gens, et ce, en mettant la personne avant tout.
En appliquant la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission joue un rôle de protection.
[Traduction]
Chaque année, nous sommes appelés à examiner jusqu'à 2 000 plaintes pour discrimination qui peuvent porter sur 11 motifs, comme la race, l’âge, le sexe ou la déficience. Certaines de ces plaintes sont traitées en priorité si la discrimination alléguée semble être d'ordre systémique, puisqu’elles peuvent concerner des actes ou des pratiques susceptibles de nuire à de nombreuses personnes. Certaines plaintes qui exigent une intervention rapide ou touchent une personne dans une situation de vulnérabilité sont aussi traitées en priorité.
La majorité des plaintes sont soumises à une médiation, mais la Commission peut lancer une enquête dans les cas où la médiation ne donne pas de bons résultats. Cependant, dans certains cas, si elle le juge nécessaire, la Commission peut renvoyer la plainte directement devant le Tribunal canadien des droits de la personne, qui est un organisme distinct et indépendant. Quand la Commission renvoie une plainte devant le Tribunal, elle a la capacité d’intervenir dans l'affaire pour représenter l'intérêt public.
La décision récente concernant les services d'aide à l'enfance des Premières Nations en est un exemple. La participation de la Commission dans les affaires de discrimination concernant les proches aidants et, en particulier, l'obligation des employeurs d'accorder des mesures d'adaptation dans de tels cas est un autre exemple.
La loi nous confère d'autres pouvoirs, principalement en vertu de l’article 20 pour ce qui est d'attirer l’attention sur des enjeux de droits de la personne, dont le pouvoir de présenter au Parlement des rapports spéciaux. La Commission a utilisé ce pouvoir en 2001 quand elle a soumis au Parlement un rapport spécial sur la parité salariale intitulé « Le temps d'agir », dans lequel elle suggérait que la loi soit modifiée pour faire en sorte que la parité salariale soit un principe systématique et non une notion appliquée au cas par cas. À l’époque, tout comme aujourd'hui, nous étions motivés par la nécessité d'aider le Parlement à connaître ces enjeux importants et souvent complexes d'équité salariale.
J'en arrive ainsi au rôle de la Commission quant à l’application du principe de salaire égal pour un travail équivalent.
[Français]
Le principe de non-discrimination salariale est un élément largement reconnu du droit international dans le domaine des droits de la personne. Le droit à l'équité salariale a été enchâssé dans la Loi canadienne sur les droits de la personne au moment de sa création en 1977, ce qui fait de l'équité salariale un droit fondamental qui est protégé légalement.
La responsabilité de la Commission quant à l'équité salariale est inscrite à l'article 11 de la Loi, qui se lit comme suit:
Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.
En 1986, à la suite de vastes consultations, la Commission a rendu une ordonnance sur la parité salariale pour faciliter l'interprétation de l'article 11. II s'agit de lignes directrices qui traitent des fonctions occupées en majorité par des membres de l'un des deux sexes, des types de travail pouvant être comparés, du calcul des rajustements paritaires et des « facteurs raisonnables » pouvant justifier des disparités salariales qui seraient autrement jugées discriminatoires.
[Traduction]
Cette ordonnance a aidé les parties et le Tribunal à interpréter et à appliquer le principe de salaire égal pour un travail équivalent. Vous devez savoir que le processus de réception et de traitement des plaintes émanant de fonctionnaires relativement à l'équité salariale a été modifié en 2009, quand la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public a été adoptée sans entrer en vigueur. Cela étant, il a fallu adopter des dispositions transitoires. Depuis sept ans, en vertu de ces dispositions transitoires, les plaintes déposées par des fonctionnaires sont acheminées à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique qui se trouve donc, de façon temporaire, à avoir compétence pour interpréter et appliquer les dispositions relatives à l'équité salariale inscrites dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cependant, la Commission ne se conforme pas à notre ordonnance.
Par contre, les plaintes déposées par des personnes travaillant dans le secteur privé sous réglementation fédérale sont encore traitées par la Commission canadienne des droits de la personne.
J'en arrive maintenant à mon dernier point, soit notre opinion sur le modèle le plus efficace pour la suite des choses. La Commission a déjà fait état au Parlement des défis que présente le traitement des plaintes en matière d’équité salariale, notamment dans son rapport de 2001 dont j’ai parlé plus tôt. Compte tenu de la possibilité d'imposer des indemnités et du fait que la loi ne dit presque rien à propos des obligations des employeurs et des syndicats, le processus a souvent donné lieu à des sagas judiciaires. L'issue du processus peut causer des problèmes aussi bien aux employeurs qu'aux employés des deux sexes. Certaines plaintes, par exemple, n'ont été réglées qu'après des dizaines d'années de procédures.
Comme nous l'avions mentionné en 2001, la Commission estime encore qu'un modèle proactif est le moyen le plus efficace d'instaurer l’égalité salariale pour la société canadienne. Les provinces du Québec, de l’Ontario et du Manitoba ont toutes adopté des modèles proactifs qui précisent les étapes et les échéanciers à respecter pour instaurer et maintenir l'équité salariale dans les secteurs public et privé. Le modèle proactif offre de nombreux avantages: assurer une vaste mise en oeuvre, réduire le volume de plaintes, favoriser la collaboration entre la direction et les syndicats, réduire l'ambiguïté, rendre prioritaire la suppression des disparités salariales, réaliser la parité salariale dans un laps de temps déterminé sans donner lieu à des rajustements paritaires rétroactifs.
En conclusion, la notion de salaire égal pour un travail équivalent est un droit de la personne et les droits de la personne signifient que la personne passe avant tout. Le cadre réglementaire actuel ne permet pas un accès facile, cohérent et efficace à l'équité salariale pour qui que ce soit, et c'est ce qui nous amène à réclamer un modèle davantage proactif pour l'équité salariale.
Mes collègues et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions. Merci.
La LERSP, par exemple, est assortie du pouvoir de prendre des règlements, mais nous ne savons pas à quel processus ces règlements pourraient donner lieu. Ils pourraient, en effet, avoir une incidence sur les résultats.
Nous ne sommes pas en train de dire... Dans le domaine des droits de la personne, il est toujours bon que toutes les parties collaborent à la recherche d'une solution. Par exemple, en vertu des modèles proactifs en vigueur en Ontario, au Québec et au Manitoba, il est prévu que l'employeur et les syndicats veillent à l'application de l'équité salariale si bien qu'après la mise en oeuvre d'un régime d'équité salariale, les parties — le syndicat et l'employeur — doivent veiller à ce qu'il n'existe plus ensuite d'inégalité sur ce chapitre. Nous jugeons important que les parties travaillent ensemble. Nous estimons, quant à nous, que le mieux en matière de mise en oeuvre de l'équité salariale consiste à maintenir deux démarches distinctes.
Nous sommes toutefois un peu préoccupés par l'issue possible du processus de négociation collective. Comme vous le savez, par sa nature même, ce processus est affaire de négociations et de compromis qui ne donnent pas forcément les meilleurs résultats pour régler les problèmes de disparité salariale pris sous l'angle des droits de la personne. Il faut donc aborder cela selon deux exercices distincts.
Je me demande si mes collègues ont quelque chose à ajouter.
:
Il est malheureusement bien difficile de répondre à cette question. C'est une excellente question qui est très importante. Je ne sais pas vraiment comment vous répondre.
Les affaires d'équité salariale comprennent de nombreux témoins experts. L'une des premières tâches à effectuer dans un recours sur l'équité salariale, autant dans le régime des plaintes que dans le modèle proactif, consiste à recueillir des renseignements sur le travail. Cette tâche s'avère souvent difficile pour toutes sortes de raisons. Tout d'abord, il revient à l'employeur de fournir ces renseignements. De plus, la Loi canadienne sur les droits de la personne n'exige pas que l'on soumette ces renseignements.
Je peux aussi vous dire que dans bien des cas, ces renseignements sur le travail ne sont pas à jour. Il arrive aussi qu'il n'existe pas d'information sur le travail. Il devient donc très difficile de préparer toutes les descriptions de travail pour tous les emplois contestés. C'est la première étape.
Ensuite, une fois que vous obtenez les renseignements sur le travail — en supposant qu'ils soient à jour, pertinents et utiles — il faut évaluer l'emploi. À première vue, il est facile à dire qu'il faut « évaluer l'emploi », mais suivant le milieu, la tâche peut devenir très difficile. De plus, s'il y a de fortes sommes d'argent en jeu — comme je l'ai dit dans mon allocution — la tâche devient souvent encore plus ardue, surtout si le remboursement salarial rétroactif risque d'être élevé. Cela rend évidemment les choses beaucoup plus difficiles pour les employeurs.
Bien des choses peuvent se passer au cours d'une de ces plaintes. Avec le temps il arrive qu'un membre du Tribunal ne puisse plus participer aux travaux de la formation, alors que faire? Dans certaines situations, la dispute sur l'admissibilité d'un élément de preuve détourne l'attention du Tribunal pendant une longue période. Ou alors, un renseignement surgit au milieu de la cause, et il faut l'examiner et le traiter.
Mais principalement à cause du montant visé et de la complexité de la preuve, comme je l'ai dit plus tôt, ces affaires prennent leur propre envol et s'étendent à perpétuité.
Je ne suis pas sûr... Madame Keith, si vous avez quelque chose à ajouter...
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Au nom des 3,3 millions de membres du Congrès du travail du Canada, je vous remercie beaucoup de nous avoir offert cette occasion de présenter à votre comité notre point de vue sur l'équité salariale.
Comme vous le savez, le CTC regroupe les syndicats nationaux et internationaux du Canada ainsi que les fédérations des travailleurs et les conseils syndicaux de district provinciaux et territoriaux. Nos membres travaillent pour ainsi dire dans tous les secteurs, dans tous les métiers et dans toutes les régions du Canada.
Nous avons comparu maintes fois devant des comités parlementaires pour leur parler de l'équité salariale depuis 2004, lorsque le groupe de travail a publié son rapport et ses recommandations. Nous avons maintenant l'impression de nous trouver nous aussi dans le film Un jour sans fin. Ceci dit, nous sommes heureux que le Parlement ait créé ce comité. Nous vous supplions de saisir cette occasion pour nous engager sur la voie d'une élimination rapide et définitive de la disparité salariale entre les sexes.
Notre message n'a pas tellement changé en 12 ans, mais de son côté, la disparité salariale entre les sexes n'a pas changé non plus pendant tout ce temps. Le mouvement syndical demande la mise en oeuvre rapide de l'équité salariale conformément aux recommandations du groupe de travail. Les travaux de votre comité doivent aboutir à la rédaction d'une mesure législative, car nous n'avons plus besoin d'études. Nous vous demandons aussi d'abroger la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, la LERSP, qu'a adoptée le gouvernement précédent. La LERSP est la seule loi adoptée au cours des 12 ans qui nous séparent de la publication du rapport du groupe de travail, et pourtant elle prévoit exactement le contraire de ce que le groupe de travail recommandait.
Il est grand temps de faire table rase et de repartir à zéro pour adopter cette fois-ci une loi proactive conformément aux recommandations du groupe de travail et en nous inspirant de l'expérience des lois proactives en vigueur en Ontario et surtout au Québec; d'ailleurs la loi du Québec est considérée par l'Organisation internationale du Travail, l'OIT, comme un modèle à suivre.
Le groupe de travail a élaboré ses recommandations après avoir mené pendant des années des études et des consultations avec soin et en profondeur . Ces recommandations ont l'appui général des syndicats et des organismes de femmes. Le travail de ce groupe de travail est le plus important et le plus approfondi que l'on n'ait jamais accompli, et l'OIT reconnaît cela.
Au cours de notre brève allocution, je vais souligner les recommandations clés que le CTC a relevées lors de la publication du rapport en 2004.
Le travail des femmes n'a jamais été apprécié et rémunéré à sa juste valeur. Une telle discrimination bafoue la dignité humaine; elle est à la base de la pauvreté, de la dépendance financière et de la vulnérabilité des femmes. Elle produit des prestations de retraite et d'invalidité moins élevées, une perte d'autonomie ainsi que l'érosion de la capacité qu'ont les femmes de participer pleinement à la vie de la société.
Le groupe de travail recommandait que:
... le Parlement promulgue une nouvelle législation proactive distincte en matière d'équité salariale pour permettre au Canada de s'acquitter avec plus d'efficacité de ses obligations internationales et de ses engagements nationaux, et qu'une telle législation relève des droits de la personne.
En reconnaissant que l'équité salariale est un droit de la personne fondamental, le groupe de travail souligne la nécessité d'appliquer des solutions systémiques pour éliminer cette discrimination systémique. Sachant que les femmes subissent la disparité salariale de manières différentes, il est nécessaire de corriger d'autres formes de discrimination systémique qui persistent dans les milieux de travail. Les femmes handicapées, racialisées et autochtones subissent plus de discrimination salariale et se heurtent à de plus grands obstacles au travail que les autres. Elles sont également surreprésentées dans les postes à temps partiel et dans d'autres emplois précaires.
Le groupe de travail a reconnu que les travailleurs canadiens appartenant à d'autres groupes désignés aux fins de l'équité subissent aussi de la discrimination salariale. C'est pourquoi le CTC appuie une loi proactive sur l'équité salariale qui inclue aussi les travailleurs racialisés, les travailleurs autochtones et les travailleurs handicapés.
Le groupe de travail recommandait que la loi oblige les employeurs à corriger les disparités salariales discriminatoires. Cela forcerait les employeurs à collaborer avec les syndicats et avec les groupes d'employés en créant des comités sur l'équité salariale chargés d'élaborer et de surveiller des plans d'équité salariale pour tous les lieux de travail, même ceux qui sont régis par le Programme de contrats fédéraux. Ces comités devraient se composer d'un nombre important de travailleuses des classes d'emploi à prédominance féminine. Les plans devraient s'appliquer à tous les travailleurs, qu'ils occupent des postes à plein temps, à temps partiel, contractuels ou occasionnels. Cela comprend les fournisseurs qui dépendent économiquement d'un employeur à tel point qu'il convient de les traiter comme des employés.
L'équité salariale est une tâche complexe qui doit comporter un processus qui habilite les employés et qui leur montre la valeur du travail qu'ils accomplissent. Il faut obliger les employeurs à fournir aux membres du comité les renseignements et les données nécessaires pour établir un plan de maintien de l'équité salariale et pour en assurer l'application de manière vigoureuse, éclairée et proactive.
Comparons ce processus au système fondé sur les plaintes. Ce dernier permet peut-être de résoudre le problème d'un groupe particulier, mais en suivant un processus coûteux et extrêmement lent, qui s'avère ardu pour toutes les parties et qui, disons-le franchement, ne résout pas les problèmes d'autres employés qui se trouvent dans des circonstances similaires.
Le gouvernement précédent affirmait que sa LERSP est proactive, mais nous n'en sommes aucunement convaincus. Cette loi n'oblige pas l'employeur à assumer à lui seul la responsabilité d'éliminer la disparité salariale. Elle incite à tenir compte des forces du marché en mesurant la valeur du travail des femmes dans le secteur public. Elle ne cible que certains employeurs, redéfinit les groupes à prédominance féminine et limite les groupes de comparaison. Il devient donc plus difficile que jamais de détecter la discrimination salariale. Ce type de loi sur l'équité salariale n'est pas proactive du tout.
Le groupe de travail suggère que l'on établisse une commission distincte qui aide les employés, les employeurs et les syndicats à fournir de l'éducation sur les problèmes d'équité salariale dans le but d'en résoudre les conflits. Cette commission devrait être autorisée à tenir compte de la dépendance économique et à établir les critères servant à la mesurer. Le CTC est d'avis que cette commission devrait avoir l'autorité de tenir les employeurs responsables et d'assurer la transparence sur la conformité.
Au bout de ces 12 ans, les travailleuses méritent au moins une loi proactive sur l'équité salariale. Les travaux de votre comité se doivent d'aboutir dans les plus brefs délais au dépôt d'un projet de loi. Le groupe de travail a consacré tellement de temps, d'efforts et de ressources pour mener ses consultations et pour préparer son rapport. Nous ne pouvons plus nous permettre de le laisser s'empoussiérer dans les archives.
N'oublions surtout pas que les travailleuses attendent cela depuis plus de 12 ans. Nous attendons cela depuis des dizaines et des dizaines d'années, et pendant tout ce temps, la dette de celles qui ne peuvent pas s'extirper de la disparité salariale continue à s'accroître. Ce sont des femmes qui élèvent leurs enfants, qui méritent de vivre leur retraite avec dignité, qui subissent les formes multiples de discrimination qui se reproduisent autant dans les lieux de travail que dans la collectivité.
Nous comprenons tout à fait que la nouvelle loi proactive sur l'équité salariale du gouvernement fédéral ne résoudra pas comme par magie la disparité salariale au Canada. Elle ne résoudra pas la surreprésentation des femmes qui occupent des emplois à temps partiel et des postes précaires et dont la situation empire du fait qu'elles doivent prendre soin de leurs enfants et de leurs parents âgés. Cette loi ne constituera qu'un premier pas vers la modification des attitudes sociétales plus générales qui incitent les gens à sous-évaluer le travail des femmes. Votre comité n'est pas chargé d'établir un système national de garde d'enfants — une infrastructure dont, selon nous, le gouvernement est prêt à poser la pierre angulaire —, d'améliorer l'accès aux soins à domicile ou d'éliminer les obstacles au recrutement et au maintien des femmes dans des secteurs traditionnellement à prédominance masculine; mais le mouvement syndical continuera à insister pour que l'on résolve aussi ces problèmes.
Je vais conclure en vous présentant une brève réflexion sur les répercussions de l'action et du manque d'action. En parlant d'équité salariale, j'utilise souvent l'expression « justice différée est justice refusée ». Je tiens à vous rappeler les groupes de travailleurs qui ont dû attendre des dizaines d'années avant que les Tribunaux ne résolvent leurs plaintes, comme les travailleurs de Bell Canada dont la cause a duré 15 ans; lorsqu'ils ont obtenu un règlement, près de 16 % d'entre eux étaient morts ou trop frêles pour survivre longtemps. Imaginez un instant la qualité de vie qu'ils auraient eue s'ils n'avaient dû attendre si longtemps. Imaginez la croissance de notre économie si cet argent s'était trouvé dans leurs comptes en banque pendant ces 15 années.
Je ne veux plus utiliser cette expression en suppliant encore une fois que l'on applique les recommandations du groupe de travail. J'ai hâte de comparaître à nouveau devant un comité parlementaire pour appuyer la nouvelle loi proactive sur l'équité salariale.
Merci beaucoup.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les honorables membres du Comité, et madame la secrétaire, le personnel du Comité, merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous au nom de l'Association canadienne des agents financiers.
Je m'appelle Dany Richard. Je suis le vice-président exécutif de l'ACAF. Je suis accompagné de Stéphanie Rochon-Perras, l'une de nos conseillères en relations de travail de l'Association.
L'ACAF représente les comptables et les agents financiers professionnels qui constituent le groupe FI le plus important au sein du service public fédéral. Nos membres sont fiers d'apporter la gérance financière et les conseils d'entreprise avisés dont a besoin une fonction publique moderne et professionnelle.
La plupart de nos adhérents sont des femmes. Nous sommes actuellement engagés dans notre deuxième plainte en matière d'équité salariale en vertu des dispositions de transition énoncée dans la loi de mise en oeuvre du budget de 2009. C'est dans ce contexte que nous nous présentons devant vous aujourd'hui pour vous faire part de nos idées sur le régime législatif en matière d'équité salariale. Selon nous, le mécanisme de traitement des plaintes actuellement en vigueur n'offre pas un moyen de recours satisfaisant contre la disparité salariale. Il est trop long, trop coûteux, trop adversatif, et ne fait qu'aggraver les problèmes de discrimination systémique entre les hommes et les femmes en matière de rémunération.
Nous sommes également d'avis que la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public devrait être abrogée pour des raisons bien connues de tous, que nous exposons brièvement dans notre soumission écrite.
L'ACAF appuie la mise en oeuvre d'un régime proactif en matière d'équité salariale conformément aux recommandations du groupe de travail de 2004. Nous sommes partisans de l'adoption du cadre établi dans le cadre de la Loi sur l'équité salariale du Québec, comme modèle pour un régime fédéral proactif d'équité salariale.
Nous proposons neuf recommandations dans notre soumission écrite, mais durant le temps à notre disposition ici, aujourd'hui, nous souhaitons nous concentrer plus particulièrement sur une recommandation.
Nous souhaitons nous concentrer sur une recommandation spécifique, à savoir l'accès à divers mécanismes de règlement des différends.
L'ACAF a 25 ans d'expérience réussie en matière de modèles alternatifs de résolution de conflits. Nous sommes des pionniers de la première heure de la négociation raisonnée. Nous sommes intimement convaincus que la clé pour conclure des accords avantageux pour tout le monde consiste en une attitude proactive et de collaboration. Au bout du compte, obtenir et maintenir la parité salariale pour un travail d'égale valeur est fondamental pour les employeurs, les employés et les agents négociateurs. Nous pouvons tous être d'accord sur le fait que les employés ne devraient pas souffrir de discrimination systémique ni de disparité salariale entre les hommes et les femmes. Nous croyons fermement qu'il est nécessaire d'adopter une approche holistique, collaborative et non adversative.
S'il est permis de prendre l'ACAF comme exemple, c'est comme ça que je vois les choses. Nous croyons fermement dans les mérites de notre cas particulier en matière d'équité salariale. Notre expert indépendant, auquel le Conseil du Trésor a fait appel par le passé, y croit fermement lui aussi. Autrement nous ne l'aurions pas mis de l'avant. Si nous sommes dans le vrai, chaque jour, chaque semaine, chaque mois et chaque année qui passent ne font qu'aggraver le problème des discriminations systémiques notamment en matière de disparité salariale entre les hommes et les femmes. Arriver au plus tôt à une résolution juste et équitable de ces problèmes est ce qu'il convient de faire pour nos membres et pour le gouvernement que nous sommes fiers de servir.
Comme l'a dit le lui-même pendant la campagne, le « potentiel de revenus perdus en raison de la disparité salariale nuit aux familles canadiennes et nuit à notre économie. »
Nous devons nous efforcer de créer le cadre légal qui permettra aux employeurs et aux employés de résoudre ensemble et de manière efficace les inégalités salariales sur le lieu de travail. Mais l'élimination des disparités salariales imputables aux discriminations entre hommes et femmes n'est qu'un élément de la solution. Si l'on ne s'attaque pas à la structure même du système de rémunération, la discrimination systémique continuera de produire des disparités salariales qui se creuseront au fil du temps. C'est pourquoi il convient d'envisager l'adoption d'un modèle proactif semblable à celui mis en place par la Loi sur l'équité salariale du Québec.
Selon une conception erronée, l'équité salariale serait un problème appartenant à l'histoire. Notre groupe est la preuve vivante que le problème persiste aujourd'hui et continuera de se poser à l'avenir. En règle générale, nous pensons que les principes de proactivité et de collaboration doivent être les piliers de tout nouveau modèle visant à réaliser l'équité salariale.
Si le Comité le veut bien, je voudrais inviter Stéphanie à consacrer le temps qui nous reste à l'examen de certains aspects de notre recommandation.
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Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité
Nous sommes partisans d'un modèle d'équité salariale s'inscrivant dans un cadre proactif et prévoyant un mécanisme préventif de résolution, tel que la mise en place d'un comité de l'équité salariale sur le lieu de travail comprenant l'agent négociateur, les employés, les employeurs ainsi que des experts et conseillers. Un comité de l'équité salariale doit être mis en place pour garantir la responsabilité conjointe en matière d'équité salariale et obliger les deux parties à conduire leurs évaluations en collaboration et de manière transparente. Il doit également prévoir un système de partage permanent de l'information.
Il convient également de créer un cadre tendant à faciliter le recours à des mécanismes alternatifs de résolution de conflits, en cas de désaccord. Il s'agit d'encourager le règlement à l'amiable des désaccords en facilitant le recours à des modalités telles que la médiation, la conciliation, la discussion en présence d'un facilitateur, les négociations et l'emploi combiné de la médiation-adjudication, par exemple.
Il convient de souligner que l'idée de résoudre à l'amiable les conflits en matière d'équité salariale n'est pas nouvelle. Des services de conciliation et de médiation sont en place auprès de la Commission canadienne des droits de la personne ainsi que dans des juridictions provinciales. Ils ont fait la preuve de leur efficacité en permettant d'éviter les litiges interminables et coûteux devant les tribunaux. Notre association se félicite du recours à un modèle alternatif de règlement des conflits (MARC) tant au stade de l'enquête qu'au stade de l'adjudication.
Nous proposons un système à deux vitesses permettant, une fois qu'une plainte est déposée devant un organe ou un tribunal de l'équité salariale, de choisir, selon la nature de l'affaire ou la question en cause, la procédure complexe ou la procédure accélérée prévoyant des délais stricts pour réduire les retards. Les parties en litige pourraient aussi opter pour la procédure accélérée comme de règlement définitif lorsque les autres MARC aboutissent à une impasse.
Une autre option pourrait consister à choisir une procédure accélérée confiant le soin de rendre une décision définitive contraignante pour trancher le conflit à une tierce partie neutre. Celle-ci pourrait être désignée par un groupe d'experts qualifiés et accrédités en matière d'équité salariale ou même par le tribunal. On pourrait envisager de ne soumettre à cette tierce partie neutre que la partie du litige qui provoque le blocage.
On peut envisager toutes sortes d'options. L'essentiel étant de n'en exclure aucune de manière prématurée. Une procédure accélérée qui lie les parties et qui règle en partie ou totalement le problème offrirait une solution idéale par rapport aux litiges interminables auxquels ont donné lieu et donnent encore lieu les plaintes:
D'autres recommandations figurent dans notre mémoire. Nous espérons que vous les examinerez avec soin, mais nous tenions vraiment à souligner l'importance de l'approche en matière de règlement des différends.
Merci pour le temps que vous nous avez accordé. Nous répondrons avec plaisir aux questions que vous voulez poser.
Je prends note que vous avez dit plus tôt, madame Rochon-Perras, que l'équité salariale est un droit de la personne, qui ne devrait pas être soumis à négociation collective.
Point de vue que je respecte entièrement. Si la LERSP était en vigueur, je serais intéressé à voir. Tout d'abord, c'est un mieux en matière de transparence et responsabilité tant pour l'employeur que pour l'agent négociateur ou le syndicat, simplement parce qu'une évaluation appropriée du milieu de travail est réalisée, précisant les questions de parité salariale, et si j'ai bien compris, elle est partagée avec tous les employés.
On s'engage ensuite dans un processus et, au fait, la parité salariale est une question de rémunération. Je crois comprendre que la rémunération fait l'objet de négociation collective. C'est une façon d'imposer la question pour forcer les gens à en discuter tous les trois, quatre ou cinq ans.
Je comprends votre préoccupation lorsque vous dites que la parité salariale est un droit de la personne qui ne devrait donc pas être soumis à négociation collective, mais il faut bien affronter la question de la culture à un moment ou l'autre, si nous n'avons pas la question sous les yeux, on ne s'en occupe pas. Souvent, on la met en veilleuse.
J'aimerais connaître votre point de vue sur les changements concernant le mécanisme d'évaluation et d'imputabilité par rapport aux employés quand ils savent que les deux parties s'occupent de cette question.
Barb et Vicky, je veux seulement vous remercier pour votre présentation.
Je suis d'accord aussi pour dire que nous ne réinventons pas la roue depuis 2004. Quantités de témoins ont dit que l'enquête avait été très approfondie et que nombre de personnes avait participé. Nous avons également trois autres modèles en cours qui peuvent nous servir de base, si des améliorations ont été apportées.
Je vais vous donner une opportunité, et à Dany et Stéphanie, aussi. Parfois, on s'enlise. De toute évidence cela ne suffira pas à mettre fin à toutes les disparités salariales. Je le comprends parfaitement, mais cela ne doit pas nous empêcher d'avancer résolument dans cette voie et de nous attaquer au problème.
Je vous donne juste la possibilité de nous expliquer pourquoi il importe d'avancer sur ce projet de loi. Le rapport de 2004 parlait de discrimination transversale dans d'autres groupes. Pourquoi est-il important de prendre cette mesure, maintenant, dans ce domaine, même si ça ne va pas résoudre les problèmes du monde? C'est ça que je veux dire.
Je ferai vite pour que Mme Sidhu puisse utiliser le temps qui reste.
J'ai deux ensembles de questions. Le premier concerne le Congrès du travail du Canada. Mais d'abord merci à vous deux pour vos magnifiques présentations.
Vous avez mentionné, madame Smallman, que le régime québécois pouvait nous servir de modèle. Veuillez être plus précise si vous le pouvez. Nous avons trois provinces qui disposent d'une législation en matière d'équité salariale. Pourriez-vous nous préciser ce que vous aimez, ce qui vous déplaît ou qui vous préoccupe plus particulièrement dans l'une de ces législations?
Par ailleurs, si au niveau fédéral nous devions mettre en place une législation fédérale proactive en matière de parité salariale, quels sont les éléments que nous devrions connaître, selon vous, pour nous assurer de la complémentarité de notre législation avec celles déjà en vigueur dans les provinces?
La deuxième partie concerne un ensemble de questions complètement différentes à l'intention de l'Association canadienne des agents financiers. Quel est le déficit dû à l'équité salariale dans l'ACAF? Avez-vous fait des études pour déterminer ce qu'il en coûterait d'égaliser les rémunérations en application de la législation sur la parité salariale? Vous avez abondamment parlé de l'approche que vous souhaitez nous voir examiner, mais je me demande si vous avez examiné la méthodologie que vous avez choisie pour atteindre le niveau de la parité salariale. Voilà mes deux séries de questions.
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Si vous parlez des recommandations du groupe de travails de 2004 et de la distribution des rôles entre les employeurs et les groupements d'employés, syndiqués ou pas, et de toute la question de la commission de l'équité salariale, c'est un problème plus vaste.
Chacun a sa propre façon, très subjective, de considérer son propre travail et celui des autres. Par exemple, quand j'ai commencé à m'occuper de parité salariale, je butais constamment sur la question de la pénibilité du travail.
J'ai lu un document, qui venait je crois du syndicat des employés de la fonction publique du Canada. Il expliquait qu'on peut se représenter l'effort s'il s'agit d'un poste à prédominance masculine, par exemple, sur un site de construction où le travailleur doit porter de gros sacs de ciment ou des bûches. Ils grognent et ils suent et tout ce qui s'ensuit dans ce genre de situation. Toutefois, quand c'est une femme qui travaille à un clavier toute la journée, ce n'est pas perçu comme un effort. Une femme qui travaille comme caissière dans une épicerie, qui soulève constamment des sacs de marchandises, ça n'est pas perçu comme un effort.
Nous disons que quel que soit le lieu de travail, grand ou petit, ces discussions doivent avoir lieu. Il faut procéder à une juste évaluation et il faut disposer de ressources pour que des gens puissent s'en charger.
La question a été posée de savoir ce qu'il en coûterait de combler le déficit salarial dans certains lieux de travail. Lorsqu'on parle de cela comme s'il s'agissait d'ailleurs, je veux vous dire, qu'est-ce qu'il en a coûté à chacune de ces femmes qui n'ont pas été payées de manière équitable pendant des années? Le coût pour elles est beaucoup plus élevé qu'il ne l'est pour l'employeur, bien franchement.
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Merci beaucoup. Je tiens à remercier tous les auteurs des présentations pour leur excellent travail et les réponses qu'ils ont données à nos questions jusqu'ici.
L'une d'entre eux, Barbara, a dit que la problématique de l'équité salariale et les discussions sur ce sujet ressemblent aux épisodes de Le Jour de la marmotte, et ça me rappelle qu'à la fin de ce film le principal protagoniste commence à se préoccuper des autres personnes. En réalité, c'est ça l'objectif de ce Comité et je vois que c'est le chemin que nous prenons.
Je vais vous poser une question qui ressemble à celle que j'ai posée à d'autres personnes, mais plus spécifique. Nous avons parlé du temps que les syndicats ont passé à s'occuper de différentes choses, que ce soit avec Postes Canada, la question dont j'ai parlé, ça a pris à peu près trois décennies, ou Bell Canada, comme vous l'avez mentionné, ça a pris une quinzaine d'années. Ils portent plainte devant le Tribunal canadien des droits de la personne et la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, en particulier dans le cas de Postes Canada, qui a pris effectivement pas mal de temps.
Pourriez-vous m'expliquer en quoi le processus et les résultats diffèrent dans les cas portés devant la CRTEFP par rapport à ceux portés devant le TCDP? J'ai abrégé avec les sigles.
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Non, je n'ai pas vraiment la réponse à cette question.
Nous disons que les recommandations du groupe de travail préconisent un processus plus rapide. Il doit se dérouler plus rapidement. Il doit être proactif. Ce ne sera pas fondé sur les plaintes de groupes particuliers, ce qui en principe incitera davantage à régler la question.
Si vous pensez aux millions de dollars — et je dis bien des millions — que Bell Canada et le gouvernement fédéral ont dépensés pour s'opposer à leurs propres employés au sujet de l'équité salariale, cet argent aurait pu servir à faire le travail nécessaire pour adopter une loi proactive sur l'équité salariale et à dispenser une formation afin de supprimer la partialité des évaluations de postes. Cet argent aurait pu être donné aux gens qui le méritaient, parce que telle est la réalité. Quel que soit le processus que vous choisirez, et nous espérons que ce sera la loi proactive que le groupe de travail a recommandée, il doit permettre de trouver des solutions pour les personnes dont la rémunération est injuste. La discrimination se reflète dans les chèques de paye. Je ne sais pas si quelqu'un peut répondre à la question que vous posez, mais telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Voilà ce que cela coûte aux femmes.
Vous pouvez dire qu'il suffit d'attendre quatre ans puisque l'employeur et le syndicat… Comme on l'a déjà souligné, c'est une question de relations de pouvoir vis-à-vis des travailleurs. Vous pouvez dire que nous réexaminerons la question tous les quatre ans. Si c'est votre mère, votre soeur, votre fille, les femmes que vous connaissez qui sont sous-payées, vont-elles devoir attendre encore quatre ans et peut-être quatre années de plus si les parties ne se mettent pas d'accord? Comme on l'a déjà dit, les droits de la personne ne sont pas négociables.
Je vais faire mon bref exposé en français, mais je suis prête à répondre à vos questions en anglais et à vous répondre de mon mieux dans ma deuxième langue. Je vais essayer d'être le plus précise possible.
[Français]
Je vous remercie de l'invitation et d'avoir accepté d'entendre le SCFP.
Je m'appelle Annick Desjardins. Je suis adjointe exécutive au président national du SCFP. Pendant 13 ans, j'étais coordonnatrice au Service des droits de la personne à notre bureau régional du Québec. C'est donc vraiment à titre de spécialiste en charge des dossiers de litige en matière d'équité salariale que je viens tenter de vous présenter certaines précisions et clarifications sur notre expérience au SCFP, notamment avec la loi québécoise,.
Au plan national, le SCFP représente 635 000 membres au Canada qui travaillent dans les services publics, mais aussi dans des entreprises privées. Plus de 18 000 de nos membres oeuvrent dans des entreprises qui relèvent de la juridiction fédérale, dont environ 10 000 dans le secteur du transport aérien. Mis à part le secteur du transport aérien au SCFP, la majorité de nos membres qui travaillent dans les entreprises fédérales le font au Québec. Dans cette province, il y a une loi sur l'équité salariale, mais elle ne s'applique pas à ces personnes parce que leur entreprise est de juridiction fédérale. Donc, seule cette Chambre a la juridiction pour traiter de leurs droits à l'équité salariale.
Comme organisation, le SCFP a une vaste expérience en matière d'équité salariale et a également une grande expertise en évaluation des emplois, qui est un élément essentiel de toute démarche d'équité salariale qui se veut équitable. Le SCFP connaît à la fois les systèmes basés sur des plaintes et les systèmes proactifs, notamment ceux de l'Ontario et du Québec, qui s'appliquent au-delà du secteur public. Bien sûr, on doit mentionner notre plainte de discrimination salariale en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Celle-ci touchait les agents de bord d'Air Canada. Malgré plusieurs années devant les tribunaux sur des questions préliminaires, cette plainte s'est terminée en queue de poisson à la suite du refus de la Commission de mener l'affaire devant le Tribunal canadien des droits de la personne.
Ainsi, tout comme la Commission que nous avons entendue plus tôt, tout comme le CTC et tout comme les intervenants que vous avez entendus ce soir, nous sommes absolument d'avis qu'il est grand temps d'adopter les recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale au fédéral. Celui-ci a mené des consultations absolument extraordinaires à travers le pays, rencontré des experts et formulé des recommandations solides et basées sur des expériences vécues. Notre expérience au SCFP est tout à fait en lien avec ces recommandations.
Comme procureure originaire du Québec, je peux vous entretenir plus en détail de nos expériences avec la loi québécoise. Je pourrai donc répondre à vos questions si vous en avez à ce sujet. J'ai mené des dossiers de plaintes en vertu du système qui était en place avant l'adoption d'une loi proactive. Donc, je connais bien les deux systèmes. J'ai aussi mené des dossiers en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans des entreprises fédérales.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi québécoise, le SCFP a établi environ 300 programmes d'équité salariale au Québec. Nous avons aussi une expérience similaire en Ontario avec environ 600 programmes d'équité salariale. En somme, ce sont des travaux qui sont menés conjointement avec les employeurs au sein de comités conjoints. Je peux vous dire, à tout le moins, qu'au Québec, tous ces exercices ont été utiles puisqu'ils ont mené à certains ajustements pour des emplois féminins.
J'aimerais vous glisser un mot au sujet d'un point de vue un peu plus pratique sur le modèle proactif versus le modèle basé sur des plaintes qu'on pourrait appeler un « adversarial system ». Pour bien comprendre pourquoi un système proactif est préférable, puisque vous avez posé des questions à cet égard et que vous avez eu de bonnes réponses, je veux vous apporter une perspective concrète. Pour accomplir l'équité salariale et pour corriger les écarts salariaux discriminatoires, il faut comparer les emplois féminins et masculins de l'entreprise sur des bases objectives. Il faut donc procéder à une évaluation des emplois à l'aide d'un outil neutre, que nous appelons généralement « un plan d'évaluation ».
Le plan d'évaluation permet d'accorder une note ou une cote. Il s'agit en somme d'une valeur en points associée aux emplois et non aux personnes qui accomplissent les tâches. Elle est associée à l'emploi lui-même et non aux fonctions qui le caractérisent.
On évalue ces emplois en fonction de facteurs et de sous-facteurs objectifs. Les qualifications, les responsabilités, les efforts et les conditions de travail sont les grandes catégories de facteurs qui sont considérées. L'évaluation en soi demeure quand même une appréciation subjective et il faut déterminer où devrait se situer l'emploi à chaque niveau de chaque facteur.
Dans un modèle proactif, cette détermination se fait de façon consensuelle au sein d'un comité où sont représentés l'employeur et les employés. Nous partageons l'information sur les tâches que détermine l'employeur et que les employés connaissent bien parce que ce sont eux qui réalisent le travail. En fait, nous nous entendons sur la valeur des emplois.
Dans un modèle de litiges ou dans un modèle basé sur les plaintes, l'évaluation doit être prouvée selon les règles de preuve en matière civile par l'entremise de témoignages et par un contre-interrogatoire auprès de témoins ordinaires qui connaissent le travail ainsi que de témoins experts qui donnent une appréciation sur la base de la connaissance scientifique qu'ils ont à ce sujet. Le contenu des tâches de même que le niveau à attribuer à chaque facteur et sous-facteur font l'objet de témoignages et de contre-interrogatoires interminables. C'est la raison pour laquelle cela prend 15 ans, voire 30 ans, avant d'avoir une décision.
Après avoir évalué les emplois, il faut comparer la rémunération et la valeur avec des méthodes statistiques fiables. Dans un modèle proactif, les méthodes sont déterminées dans la loi et on les applique tout simplement au sein du comité. Dans un modèle de plaintes, cela doit faire l'objet d'un litige devant les tribunaux avec des experts, des contre-expertises, des témoignages et des contre-interrogatoires. Les experts se contredisent en fonction des intérêts de leur client. C'est pour cela que c'est interminable.
Le système fondé sur les plaintes est inefficace. Nous souhaitons tous et toutes l'adoption d'un modèle proactif pour mettre fin à cette parade de litiges coûteux pour tout le monde et qui n'aboutissent finalement à rien.
Les éléments essentiels d'un système proactif se retrouvent dans les recommandations du groupe de travail, mais je veux insister sur quelques-uns de ceux-ci en particulier. La couverture doit être la plus large possible. De plus, il faut qu'il y ait un encadrement rigoureux de la démarche parce que plus on laisse de discrétion aux parties, plus il y aura de différends au sein du comité, ce qui peut aussi donner lieu à des litiges.
On me fait signe que mon temps est écoulé.
Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos questions.
Je remercie infiniment le comité de son invitation à parler aujourd'hui d'une question qui est extrêmement importante pour nos membres.
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada représente 57 000 professionnels du secteur public canadien, dont plus de 40 % sont des femmes, et dont la vaste majorité oeuvre au centre de la fonction publique fédérale.
Le droit des femmes à un salaire égal pour un travail de valeur égale est renforcé par la ratification par le Canada de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et d'autres instruments internationaux des droits de la personne ainsi que la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Néanmoins, depuis près de 10 ans, il y a des lacunes au niveau de l'équité salariale dans la fonction publique fédérale compte tenu du taux relativement élevé de syndicalisation et de la féminisation croissante des effectifs. En fait, ma présence ici aujourd'hui en tant que présidente d'un syndicat de professionnels du secteur public fédéral témoigne de l'augmentation importante du nombre de femmes dans ces catégories professionnelles. Il est donc urgent d'avoir une loi sur l'équité salariale qui nous donnera des vrais moyens proactifs et rapides pour mettre en oeuvre l'équité salariale et tiendra notamment compte des obligations existantes relativement aux droits de la personne, des leçons tirées de l'expérience passée et de la jurisprudence en matière d'équité salariale.
Je citerai de nouveau le rapport du groupe de travail de 2004 et la facilitation d'une participation syndicale efficace. L'Institut soutient que la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, la LERSP, viole le droit fondamental des femmes à l'égalité dans le secteur public fédéral censé les mettre à l'abri de toute discrimination salariale dans la rémunération de leur travail et perpétue la discrimination salariale fondée sur le sexe dans le secteur public fédéral.
Cette loi érode fondamentalement le droit substantiel des femmes oeuvrant dans le secteur public d'être à l'abri de la discrimination salariale fondée sur le sexe, les prive de la possibilité de mettre en application et d'exercer effectivement ces droits substantiels et impose des restrictions visant le recours, qui nient à ces femmes le droit d'obtenir la prévention et l'élimination totale de toute discrimination salariale fondée sur le sexe. En fait, la LERSP présente tellement de lacunes fondamentales qu'elle ne peut être sauvée constitutionnellement par un règlement d'application. En clair, l'équité salariale constitue un droit et non un intérêt.
Les plaintes individuelles ne constituent pas le meilleur moyen pour obtenir l'équité salariale dans la compétence fédérale. Puisque la source du problème est le système de rémunération, il serait bon que les parties se penchent sur les pratiques utilisées pour déterminer la rémunération et la mettre en application. Les parties à la convention collective doivent être investies de la responsabilité d'établir l'équité salariale dans le cadre d'un processus distinct. L'Institut met en garde contre des mesures qui relieraient les ententes d'équité salariale à des échéanciers de négociation collective et des enveloppes de rémunération comme le prévoit la LERSP. Cela causerait des retards dans l'établissement des conditions d'emploi par la négociation collective ou un manque d'attention au processus de rémunération équitable, et tout probablement les deux. Si l'équité salariale est traitée grâce à un processus distinct de la négociation collective, les deux processus peuvent se dérouler dans les délais prescrits sans se nuire l'un l'autre.
Toute loi proactive doit inclure et reconnaître clairement les rôles, les droits et les responsabilités des syndicats. Les syndicats doivent être partie des ententes établissant l'équité salariale. Si les parties n'arrivent pas à conclure une entente d'équité salariale, elles devraient, l'une comme l'autre, avoir le droit de soumettre le différend à un tribunal indépendant ayant l'expérience des questions d'équité salariale et doté d'un mécanisme pour aider les parties à régler leurs différends de manière informelle.
Avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi sur la gestion des finances publiques, la LERSP empêche les syndicats et les employés de contester les dispositions clés qui établissent directement le taux de rémunération des employés, tout principalement le système de classification. Le système de classification des postes fédéral sera le plus grand obstacle à la réalisation de l'équité salariale. N'oublions pas que pour mon groupe, les informaticiens du gouvernement, la norme de classification a été établie avant l'avènement des ordinateurs personnels. Vous pouvez donc comprendre où peuvent se trouver les obstacles dans ce système.
On croit que les régimes multiples pour les groupes professionnels multiples qui continuent d'exister englobent la discrimination systémique et ne permettent pas une comparaison facile entre la valeur du travail des femmes et celui des hommes. L'expérience du conseil mixte syndical-patronal sur la mise en oeuvre de la parité salariale, le Plan général d'évaluation des emplois, la Norme générale des classifications ainsi que le Rapport de 2004 — que j'ai mentionné — du Groupe de travail sur l'équité salariale fédérale ont permis de tirer des précieuses leçons pour la mise en oeuvre de l'équité salariale. Toute initiative future devrait tenir compte de ces leçons.
Pour conclure, je dirais que l'Institut est d'avis qu'un régime d'équité salariale fédéral proactif constitue une étape cruciale, attendue depuis trop longtemps, pour obtenir un secteur du travail juste et fonctionnel. La LERSP viole la Charte et constitue une attaque non fondée contre les syndicats de la fonction publique. Elle devrait être abrogée et remplacée par une nouvelle loi.
L'Institut est prêt à travailler conjointement avec l'employeur pour que le travail effectué par les femmes et les hommes soit évalué justement afin de mettre un terme à la discrimination salariale et de faire en sorte que le Canada se conforme aux engagements nationaux et internationaux sur les droits de la personne.
Merci.
Bonsoir et merci d'avoir invité l'Alliance de la Fonction publique du Canada à comparaître devant le comité.
L'AFPC représente environ 140 000 membres qui peuvent être touchés par les recommandations de votre comité. Ces membres travaillent dans la fonction publique fédérale, les organismes fédéraux, les sociétés d'État, les ports, les aéroports et les musées nationaux.
Nous avons présenté notre première plainte en matière d'équité salariale en 1979, peu de temps après l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur les droits de personne. Nous avons acquis beaucoup d'expérience dans ce genre de démarche au fil des ans. Comme l'indique « Les dates importantes » à la page 3 de notre mémoire, nos membres ont dû attendre de nombreuses années pour obtenir l'équité salariale. Il a fallu 15 ans pour régler notre plainte de 1984 contre le Conseil du Trésor. Notre plainte de 1983 contre Postes Canada n'a été réglée qu'en 2013, 30 ans plus tard, et seulement après l'intervention de la Cour suprême. D'anciens membres octogénaires nous ont téléphoné dans l'espoir de recevoir l'argent qui leur était dû avant qu'il ne soit trop tard. Malheureusement, je dois dire qu'il a été trop tard pour certains d'entre eux. Cet argent a été versé à leurs héritiers.
Ce n'était pas le but de l'équité salariale. Le modèle de plainte fédéral est en place depuis près de 40 ans. Cela nous a largement fourni le temps nécessaire pour évaluer son efficacité. Nous avons constaté que c'est un modèle très conflictuel. Il exige des compétences juridiques. Il faut déployer beaucoup trop de temps et de ressources pour régler les plaintes. Les restrictions budgétaires et les compressions de personnel augmentent le retard dans le règlement des plaintes. Avec ce système, il est pratiquement impossible à quelqu'un de loger une plainte sans l'appui d'un grand syndicat ou de fonds illimités. Comme l'a conclu le groupe de travail fédéral sur l'équité en matière d'emploi, ce n'est pas un modèle adéquat pour progresser sur le plan de l'équité salariale.
Un autre modèle qui nous est proposé est la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, de 2009. Nous estimons que cette loi pose de nombreux problèmes. C'est peut-être la raison pour laquelle elle n'est pas encore entrée en vigueur. Le principal problème est qu'elle viole la Charte canadienne des droits et libertés. Nous croyons que l'établissement d'un régime qui s'applique seulement aux femmes qui travaillent dans la fonction publique fédérale et qui affaiblit leur capacité à obtenir l'équité salariale est contraire à l'article 15 de la Charte. Nous croyons aussi que cette loi viole l'alinéa 2(d) de la Charte qui garantit la liberté d'association. Elle empêche les syndicats de représenter leurs membres pour le dépôt de plaintes et prévoit même de lourdes amendes s'ils leur fournissent lune aide quelconque.
Ces modèles n'aideront pas à parvenir à l'équité salariale. Nous croyons qu'il existe une meilleure solution. Je ne vais pas examiner ici toutes les conclusions du groupe de travail, mais je dois mentionner que d'importants points de consensus sont ressortis de ce processus de consultation intensif. Il y a eu consensus sur le fait que l'équité salariale est un droit de la personne protégé par l'égalité des droits prévue dans la Constitution; que les employeurs ont l'obligation de prendre des mesures pour éliminer les écarts salariaux discriminatoires fondés sur le sexe et que le régime d'équité salariale doit être accessible aux travailleurs tant syndiqués que non syndiqués.
Notre syndicat exhorte vivement le comité à appuyer le travail approfondi réalisé par le groupe de travail sur l'équité salariale qui a recommandé l'adoption d'une nouvelle loi fédérale proactive sur l'équité salariale.
Certaines recommandations clés doivent être intégrées dans toute nouvelle loi. Tous les employés de la compétence fédérale devraient être couverts par la loi, y compris ceux qui ne sont pas syndiqués; les employés à temps partiel et occasionnels ou saisonniers ainsi que les travailleurs temporaires. Également l'équité salariale devrait s'appliquer aux travailleurs autochtones, aux travailleurs handicapés ainsi qu'aux travailleurs des minorités visibles. La nouvelle loi doit permettre aux travailleurs et à leurs syndicats de participer aux études sur l'équité salariale et au maintien de l'équité salariale au fil des années. Le groupe de travail recommande aussi que l'équité salariale ne fasse pas partie des négociations collectives. Les droits de la personne ne sont pas négociables.
Enfin, il faut créer une commission pour aider les employeurs, les employés et les syndicats ainsi qu'un tribunal spécialisé pour régler rapidement les conflits entre les parties. Nous ajoutons que la commission et le tribunal doivent être indépendants du gouvernement fédéral et obtenir le financement nécessaire pour s'acquitter efficacement de leur mission.
Depuis le dépôt du rapport du groupe de travail, le mouvement syndical, les groupes de femmes et les organismes de défense des droits de la personne ont réclamé la mise en oeuvre des recommandations. Le Comité permanent de la condition féminine a déposé, au cours des années, plusieurs rapports qui demandaient tous la mise en oeuvre des recommandations. Le Parti libéral et le NPD ont chacun présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui engagerait le gouvernement à inclure les recommandations dans la loi.
Il y a eu beaucoup de discussions au cours des années. Maintenant, il est temps d'agir. Il est temps que le comité encourage ou exhorte le gouvernement à agir sans tarder et à faire d'une loi proactive sur l'équité salariale une réalité.
Merci de nous avoir permis de présenter les opinions de notre syndicat.
Helen Berry, notre spécialiste de l'équité salariale et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
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Nous vous remercions de permettre à TUAC de présenter son témoignage.
Nous représentons plus de 250 000 membres répartis dans l'ensemble du pays. TUAC Canada est un important syndicat du secteur de la vente au détail, de la transformation des aliments et de l'hôtellerie. Plus de 50 % des membres de TUAC Canada sont des femmes. Près de 10 000 de nos membres travaillent dans des secteurs réglementés par le gouvernement fédéral. Ils travaillent dans le secteur des transports, dans les bases des Forces canadiennes, dans les coopératives de crédit, dans le secteur de la pêche, dans le secteur minier et dans le secteur de la minoterie, y compris la farine, les céréales et le malt.
Nous applaudissons l'engagement du gouvernement fédéral à prendre des mesures pour combler l'écart salarial inacceptable entre les hommes et les femmes qui contribue à l'inégalité des revenus et défavorise injustement les femmes. TUAC Canada soutient le mandat progressiste du Comité spécial sur l'équité salariale qui est de faire reconnaître l'équité salariale comme un droit. Nous appuyons la mise en oeuvre des recommandations du rapport final du groupe de travail de 2004 sur l'équité salariale ainsi que l'engagement à rétablir le droit à l'équité salariale dans la fonction publique, que le gouvernement conservateur précédent avait éliminé en 2009. Une loi fédérale proactive sur l'équité salariale est le point de départ.
Dans l'ensemble, au Canada, l'écart salarial entre les sexes est d'environ 30 % d'après les données sur les gains annuels moyens de la dernière Enquête canadienne sur le revenu publiée par Statistique Canada en 2013. Il y a 8,5 millions de femmes de plus au sein de la population active canadienne qu'il n'y en avait il y a 20 ans. Malgré l'augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail et de leur niveau d'instruction, il y a encore des emplois masculins et des emplois féminins ainsi qu'un lien important entre les emplois féminins et un faible salaire. Les inégalités salariales fondées sur le sexe sont ancrées dans la classification et la rémunération des emplois.
Comme le soulignait le rapport final du groupe de travail de 2004 sur l'équité salariale, les femmes des minorités raciales, les femmes immigrantes, les femmes autochtones et les femmes handicapées connaissent des écarts salariaux encore plus marqués. Comme l'a parfaitement reconnu le rapport du groupe de travail de 2004, le fait que les femmes constituent la majorité des travailleurs dans des emplois précaires ainsi que des professions et des secteurs mal rémunérés intensifie encore l'écart salarial entre les sexes. Ce type d'emplois est en progression.
L'écart salarial discriminatoire entre les sexes découle de la ségrégation professionnelle ainsi que des préjudices et stéréotypes renforcés par le marché du travail qui ont sous-évalué et sous-payé les femmes et leur travail par rapport aux hommes et leur travail. Aujourd'hui, le marché du travail canadien reste divisé par sexe dans l'ensemble des emplois des secteurs privé et public. La valorisation du travail des femmes, la mise en place d'un marché du travail, d'un milieu de travail et de pratiques de rémunération non discriminatoires ainsi que l'adoption, le soutien et le financement de politiques sociales permettant et facilitant un accès égal au travail sont autant de facteurs qui contribuent à une économie plus forte et plus équitable.
Il est important de reconnaître que l'équité salariale est reconnue comme un droit fondamental des travailleurs depuis 1972 au Canada. En 1972, le Canada a ratifié la Convention 100 de l'Organisation internationale du travail concernant l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. L'équité salariale a été intégrée dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais dans le cadre d'un système fondé sur les plaintes qui a empêché de nombreuses femmes d'avoir réellement accès à l'équité salariale dans le secteur fédéral. Pour faire de l'équité salariale une priorité dans le cadre des droits de la personne, il faut une planification, des mesures et une surveillance basées sur l'équité entre les sexes. C'est essentiel si l'on veut s'engager sérieusement à supprimer l'écart salarial entre hommes et femmes.
Comme les autres témoins l'ont déjà souligné, le système actuel présente de nombreux problèmes. Je vais sauter cette partie de mon exposé, car je sais que le temps passe.
À l'avenir, le gouvernement fédéral doit, en collaboration avec les employeurs et les syndicats, élaborer un plan systémique visant à éliminer l'écart salarial dans un délai réaliste ainsi que les stratégies pour atteindre ces cibles. TUAC Canada appuie l'appel qu'a lancé Equal Pay Coalition pour que le gouvernement élimine l'écart salarial entre les sexes d'ici 2025. Je crois que ce groupe parlera bientôt au comité.
Nous demandons une loi fédérale proactive sur l'équité salariale conforme aux recommandations du groupe de travail de 2004 sur l'équité salariale ainsi que la législation québécoise qui correspond le mieux à ses recommandations. TUAC Canada joint sa voix aux autres syndicats et champions de l'équité salariale pour demander l'abrogation de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. La LERSP présente des défauts fondamentaux et aucun amendement ne peut l'améliorer.
C'est une loi sur l'équité salariale et non pas la négociation collective qui doit permettre d'établir l'équité salariale. Le principe d'une rémunération égale pour un travail d'égale valeur est un droit de la personne reconnu au niveau international. Il ne doit pas dépendre de marchandages à la table de négociation. Les gouvernements et les employeurs ont la responsabilité de garantir ces droits. Les syndicats ont un rôle crucial à jouer qui doit être prévu dans la loi sur l'équité salariale.
Le droit à la protection contre la discrimination est un droit humain fondamental et la protection contre la discrimination salariale en est un élément essentiel. Il faut une loi proactive sur l'équité salariale pour s'attaquer à la discrimination salariale systémique qui existe dans un ensemble de politiques. En plus de la classification partiale des postes, il faut s'attaquer à des facteurs comme la ségrégation professionnelle, les emplois précaires et la répartition inégale du travail non rémunéré. L'équité en matière d'emploi, des services de garderie universels, des services publics solides, un travail décent, des salaires décents et des négociations collectives libres sont les autres mesures nécessaires pour arriver à une parfaite équité salariale.
Dans l'immédiat, le comité a la possibilité de promouvoir une loi proactive sur l'équité salariale telle que l'envisageait le groupe de travail de 2004. Le gouvernement fédéral devrait saisir l'occasion de remédier à la discrimination salariale fondée sur le sexe dans la législation fédérale et de faire preuve de leadership au Canada et sur la scène internationale.
TUAC Canada demande aux gouvernements fédéral et provinciaux de mettre en oeuvre des recommandations supplémentaires que je vais simplement vous énumérer, car vous les avez sous les yeux.
Faites de l'élimination de l'écart salarial fondé sur le sexe une priorité en matière de droits de la personne. Appliquez et élargissez l'équité salariale. Favorisez l'accès à la négociation collective. Exigez de bonnes pratiques d'établissement des horaires de travail et de meilleures périodes de préavis. Prévoyez un salaire suffisant dans la loi. Légiférez pour faire respecter la parité salariale dans les lieux de travail et les entreprises. Légiférez pour mettre en place un congé de paternité et fournissez des services de garderie universels de haute qualité.
Merci infiniment de m'avoir permis de témoigner.
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Je pourrais parler un peu des problèmes que pose le système de classification dans la fonction publique fédérale.
Il y a 72 régimes de classification différents dans la fonction publique et ils ne mesurent pas tous la même chose. La plupart d'entre eux ne mesurent pas la même chose. Certains de ces régimes ont été créés en 1965, comme c'est le cas de la classification AS pour les services administratifs. L'informatique ne fait pas partie du groupe CS, mais je pense que le groupe du traitement des données a été créé en 1978 et qu'il est encore utilisé pour la classification de cette catégorie d'emplois.
Comme c'était le cas avec la LRTFP, le problème vient notamment de ce que vous ne pouvez pas comparer les emplois à prédominance féminine avec les emplois masculins et n'oublions pas que l'Alliance couvre un grand nombre d'emplois à prédominance féminine. La majorité de nos travailleurs sont des femmes. Vous ne pouvez pas comparer les salaires pour un travail d'égale valeur étant donné qu'on utilise des mesures différentes.
Dans certains cas, les quatre critères de l'Ordonnance sur la parité salariale de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui sont les qualifications, les efforts, la responsabilité et les conditions de travail, ne sont pas tous réunis.
Par exemple, le groupe CR, qui est le groupe des commis aux écritures et aux règlements, existe depuis les années 1970. Cette norme de classification ne mesure pas les conditions de travail, ce qui pose un énorme problème. Nous avons soulevé ce problème dans notre cause sur l'équité salariale devant le Conseil du Trésor. Nous avons accompli beaucoup de travail à propos de l'initiative syndicale-patronale mixte, de la nécessité d'harmoniser les descriptions de postes et ce genre de choses. Nous l'avons fait dans les années 1980 et les années 1990, mais cela n'a pas été poussé plus loin. Nous avons toujours le même système discriminatoire qu'en 1965.
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Je voudrais d'abord vous remercier de vos excellents exposés et de votre patience. Je sais que mon cerveau est un peu…
Je vais vous poser trois questions et n'hésitez pas à y répondre. Elles s'adressent à vous tous.
Une chose m'intrigue. Quand nous avons commencé à poser des questions sur la classification, je me suis demandé quelles seraient, selon vous, les autres difficultés à surmonter si nous instaurions demain une loi fédérale proactive sur l'équité salariale? Il y aura certaines difficultés au-delà de la classification. Quels sont les autres éléments qui nous poseront des problèmes au niveau fédéral lorsque nous adopterons le modèle proactif? C'est ma première question.
Ma deuxième question concerne les coûts. Je sais que je l'ai déjà posée et ce n'est pas parce que je pense qu'il ne faut pas le faire si c'est coûteux. Je souhaite ardemment que nous agissions le plus rapidement possible. Je suis curieuse de savoir combien cela coûtera. Je voudrais savoir si un de vos groupes ou syndicats a calculé combien nous coûterait la mise en place d'une loi proactive sur l'équité salariale au niveau fédéral.
Pour ce qui est de ma dernière question… Je viens d'une famille qui s'intéresse beaucoup aux sports. Quand j'étais très jeune, j'adorais Wayne Gretzky. On disait qu'il allait toujours où allait la rondelle. Je vois que le monde du travail évolue. Je sais que le meilleur modèle dont on parle est actuellement le modèle québécois. Si je vous disais que le monde du travail évolue et si vous vouliez que nous examinions une loi progressiste et proactive sur l'équité salariale au niveau fédéral, quels sont les autres éléments dont nous devrions tenir compte pour rédiger ce genre de loi?
Je sais que ce sont de grandes questions pour une heure aussi tardive, mais si vous pouviez y répondre, je vous en serais reconnaissante.
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Je vais peut-être commencer étant donné que je n'ai répondu à aucune question.
Je voudrais informer le comité que je bénéficie de l'équité salariale. J'ai travaillé au gouvernement fédéral pendant 36 ans et pendant un grand nombre de ces années, c'était comme CR, c'est-à-dire dans la catégorie des commis aux écritures et à la réglementation. Quand nous avons déposé notre plainte, en 1984, j'étais une CR et j'ai finalement obtenu un chèque d'équité salariale en 1999.
C'est vraiment difficile pour l'Alliance, car nous avons reçu tellement de plaintes et cela a pris tellement d'années. Je suis maintenant la présidente de l'AFPC, après avoir élue pour la première fois en 2012. Bien entendu, nous avons réglé la question de l'équité salariale à Postes Canada et c'est moi qui parle aux gens qui veulent recevoir le chèque payé aux héritiers. Je suis celle qu'ils appellent pour dire: « Ma mère est morte » ou « Ma grand-mère est morte. Qui dois-je contacter? » En fait, je pense qu'il faut faire savoir que Postes Canada continue d'émettre des chèques aujourd'hui au moment où je vous parle, car la société elle n'a pas encore terminé les paiements.
Bien entendu, avec une loi fédérale proactive, nous n'aurions pas à attendre 30 ans pour obtenir l'équité salariale. Je vous demande de vous reporter à la page 5 de notre mémoire. Le groupe de travail a travaillé pendant deux ans, de 2002 à 2004; il a fait faire des rapports de recherche, entendu des témoins, tenu des tables rondes et des discussions de haut niveau. Il a ensuite établi un certain nombre de consensus et de principes. Je vous répondrai donc qu'il n'y aurait pas d'obstacles à franchir. Je pense qu'il faudrait établir la commission, avoir le tribunal et nous pourrions ensuite continuer à avancer.
Y a-t-il des coûts supplémentaires? Il y a des coûts pour aller devant les tribunaux. Lorsque nous devons déposer nos plaintes, passer par l'appareil des droits de la personne, aller devant le plus haut tribunal du pays, je peux vous dire que cela coûte cher. J'estime que c'est la voie à suivre. C'est ce que nous devrions faire et je pense que le comité peut réussir à le faire.
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Je vais faire suite à Robyn Benson, car nous avons des problèmes très similaires, si vous voulez.
En ce qui concerne le coût — je commencerai par là car les deux autres questions sont reliées, selon moi — nous venons de traverser 10 années de gouvernement pendant lesquelles à peu près les seules considérations étaient d'ordre économique, si bien que nous avons quasiment développé une allergie au calcul des coûts.
Nous n'avons pas chiffré le coût, mais soyez certains qu'il faudrait le faire dans le contexte d'une solution. En réalité, nous pourrions sans doute calculer les coûts si nous avions accès à tous les renseignements que nous n'avons pas aujourd'hui. Une de nos difficultés est d'avoir accès aux données dont nous avons besoin pour faire un calcul efficace des coûts, ou même n'importe quelle analyse.
Je suis d'accord pour dire qu'il n'est pas si difficile d'aller de l'avant si nous choisissons le bon plan dès le départ. Nous avons besoin d'un plan à long terme, il faut que nous puissions maintenir l'équité salariale sur une longue période et il faut que nous soyons déterminés à mettre en oeuvre l'équité salariale et y affecter les ressources voulues.
J'estime qu'une fois une législation proactive mise en place, les étapes qui suivront seront beaucoup moins difficiles qu'on pourrait l'imaginer.