Passer au contenu

FAAE Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

VOUÉS À UNE LENTE DISPARITION : LE SORT DE LA MINORITÉ ROHINGYA AU MYANMAR

Introduction

Le 8 novembre 2015, un nouveau gouvernement civil a été mis en place au Myanmar[1] à la suite d’élections historiques. La Ligue nationale pour la démocratie, dirigée par Daw Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix, militante pour la démocratie et citoyenne d’honneur du Canada, a pris le pouvoir par l’entremise d’une transition pacifique et démocratique en mars 2016[2]. Bien que nombreux soient les gens du Myanmar et dans la communauté internationale à se montrer optimistes devant la perspective d’une vie meilleure pour le peuple du Myanmar, cet optimisme ne semble pas s’étendre à la minorité rohingya, un groupe d’environ un million de personnes qui se distinguent de la majorité birmane du pays par leur confession musulmane, leur langue et leur origine ethnique.

Au cours de la 1re session de la 41e législature, le Sous-comité des droits internationaux de la personne, qui relève du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (ci‑après, le « Sous‑comité »), a examiné la situation des droits de la personne au Myanmar et a publié un rapport (Réalités en conflit : réformes, répression et droits humains en Birmanie) qui fait état de témoignages selon lesquels les forces de sécurité violaient les droits de la personne des nombreuses minorités ethniques du Myanmar et que la situation des droits de la personne des Rohingyas était particulièrement critique[3]. Depuis que ce rapport a été déposé à la Chambre des communes en juin 2013, les Nations Unies et les organismes internationaux de défense des droits de la personne ont sonné l’alarme quant à la détérioration de la situation des Rohingyas.

Tandis que s’accumulent les rapports sur la situation précaire des Rohingyas, le monde assiste à la transition remarquable du Myanmar, qui a délaissé la dictature militaire au profit d’un gouvernement civil, et à l’amorce d’un processus de paix après des décennies de guerre interethnique. Avec un optimisme prudent, les gouvernements, dont celui du Canada, s’empressent de renouer avec l’ancien État paria. Le gouvernement du Canada a partiellement mis fin aux sanctions imposées contre le Myanmar en 2012 et a ouvert son ambassade à Yangon en 2014. En outre, après être allé au Myanmar en avril 2016, Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères, a annoncé que le gouvernement du Canada accorderait une aide au développement de 44 millions de dollars à ce pays pour renforcer ses institutions démocratiques[4].

Le Sous-comité a entendu le témoignage d’experts sur la détérioration des conditions de vie de la minorité rohingya du Myanmar et de la violation soutenue de ses droits par le gouvernement en dépit de la transition politique du pays. Le Sous-comité reconnaît les progrès du Myanmar, mais les mauvais traitements encore infligés aux Rohingyas pourraient entraver la transition paisible et démocratique du pays. L’inaction du Myanmar face à la violence infligée à la minorité rohingya a des conséquences pour l’ensemble du pays et pour la façon dont les pays comme le Canada décideront de collaborer avec lui.

Compte tenu de ces préoccupations, le Sous-comité a jugé qu’il était impératif de réaliser une étude portant particulièrement sur les droits de la personne des Rohingyas et de présenter des recommandations au gouvernement du Canada, lequel étend ses relations diplomatiques à cette démocratie naissante et y investit. C’est pourquoi en avril et en mai 2016, le Sous-comité a entendu des témoignages convaincants de représentants d’Affaires mondiales Canada, d’organismes internationaux de défense des droits de la personne, d’organismes non gouvernementaux (ONG), ainsi que d’un ancien parlementaire rohingya et d’un spécialiste des relations ethniques au Myanmar. Le présent rapport commence par donner un aperçu de la persécution infligée aux Rohingyas dans le contexte de la répression ethnique et religieuse au Myanmar. Il décrit ensuite les grandes lignes de la discrimination, de la persécution et de la violence historiques et répandues qui sont infligées aux Rohingyas par l’État et par d’autres acteurs, et l’environnement d’impunité dans lequel ils évoluent. Puis, il expose la situation à laquelle font face des centaines de milliers de Rohingyas déplacés à l’intérieur du pays et la crise des migrants rohingyas, causées par la violence interethnique en 2012. Le rapport traite également de la capacité, des moyens et de la volonté politique de Daw Aung San Suu Kyi et de son nouveau gouvernement de s’attaquer au problème des Rohingyas, et il décrit le rôle du gouvernement du Canada auprès du gouvernement du Myanmar. Le Sous-comité présente en conclusion ses observations.

Se fondant sur les éléments de preuve et l’information publique, le Sous-comité convient de communiquer les conclusions et recommandations suivantes au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.

Les Rohingyas : un peuple apatride

Pendant 50 ans, le Myanmar a été gouverné par un régime militaire répressif, marqué par de graves violations des droits de la personne, l’absence du primauté du droit et de faibles niveaux de développement humain et économique[5]. Le nouveau gouvernement du pays doit maintenant composer avec l’héritage de répression des minorités ethniques laissé par les régimes militaires qui ont tour à tour tenté de faire du Myanmar une nation ethnique birmane ayant pour religion officielle le bouddhisme, mais dont les tentatives ont abouti à des conflits armés internes qui persistent.

Les Rohingyas sont concentrés dans l’État de Rakhine, également appelé l’État d’Arakan. Cet État est situé sur la côte ouest du Myanmar et regroupe plusieurs ethnies. La majorité de la population (environ 60 %) appartient à l’ethnie rakhine, pratique le bouddhisme et est reconnue par le gouvernement comme étant une minorité ethnique autochtone du Myanmar. Les communautés musulmanes forment 30 % de la population et comprennent les Rohingyas. Dans la partie nord de l’État de Rakhine, qui partage une frontière avec le Bangladesh, les Rohingyas représentent 90 % de la population. Cet État est l’un des plus pauvres du Myanmar; la négligence économique dont ont fait preuve les régimes successifs pendant des décennies a plongé les collectivités dans la pauvreté et le sous-développement[6].

Le gouvernement du Myanmar et la majorité de la population appellent les Rohingyas des « Bengalis », ce qui ajoute au message trompeur qu’il s’agit d’une communauté de « migrants illégaux » alors qu’en fait, les Rohingyas sont établis au Myanmar depuis des générations. La loi sur la citoyenneté du Myanmar, promulguée en 1982, fournit une liste de 135 minorités ethniques reconnues par le gouvernement, à l’exclusion des Rohingyas, qui ont été déchus de leur citoyenneté[7]. Cette décision reposait sur la fausse affirmation que les ancêtres des Rohingyas n’étaient pas présents au Myanmar au commencement de l’occupation britannique de l’État de Rakhine en 1823. De plus, le terme « Rohingyas » est devenu politisé, car on craignait qu’en appelant la minorité par son propre nom, cela puisse l’identifier comme un groupe ethnique reconnu avec tous les droits liés à la citoyenneté qui suivent[8].

Les Rohingyas sont donc devenus apatrides. En fait, selon les Nations Unies, ils représentent le plus grand groupe de personnes apatrides dans le monde[9]. Selon la Constitution du Myanmar de 2008, les citoyens ont droit à la liberté de religion, d’expression, d’assemblée et d’association; le droit de s’établir et de résider n’importe où au pays; le droit à l’éducation; le droit aux soins médicaux; le droit à la propriété et le droit d’exercer librement des activités commerciales au pays[10]. En raison de leur statut d’apatride, les Rohingyas sont privés de tous les droits prévus dans la Constitution, ce qui les maintient perpétuellement dans la pauvreté, l’incertitude et la persécution. Parallèlement, l’International Crisis Group fait observer que bien que la citoyenneté soit nécessaire, elle ne suffit pas à améliorer les droits des Rohingyas[11]. Des mesures législatives et des politiques mettant fin à la discrimination, notamment aux restrictions quant à la liberté de circulation, ainsi que de meilleures mesures de sécurité et la primauté du droit sont également essentielles.

La transition du Myanmar vers la démocratie s’est déroulée avec une toile de fond d’un mouvement nationaliste antimusulman que dirigeaient des moines bouddhistes et qui allait en s’intensifiant. Rebecca Wolsak, directrice de programme chez Inter Pares, un ONG canadien qui travaille depuis plus de 20 ans au Myanmar, a indiqué : « [des décennies de] propagande [gouvernementale ont] favorisé l’apparition de préjugés contre les autres ethnies et les autres religions[12]. » Ce mouvement a pris de l’ampleur en avril 2012; la violence interethnique dans le sud de l’État de Rakhine était telle que des centaines de milliers de Rohingyas ont été déplacés et des dizaines de milliers d’autres ont été obligés de fuir. Le sort des Rohingyas est si grave que plusieurs témoins parlent d’épuration ethnique, de crimes contre l’humanité et même de génocide pour décrire non seulement les récents actes de violence envers les Rohingyas, mais également les mauvais traitements et les souffrances généralisés que leur ont infligés les gouvernements successifs du Myanmar.

La persécution constante des Rohingyas, dont ont été complices les différents gouvernements du Myanmar, a amené certains membres de la communauté internationale des droits de la personne à chercher à savoir si l’épuration ethnique, les crimes contre l’humanité et le génocide s’étaient produits et se produisent encore à ce jour. Quand on lui a demandé si les Rohingyas avaient été victimes d’épuration ethnique, John Sifton, directeur des services d’assistance judiciaire de Human Rights Watch, a maintenu la position de son organisme selon laquelle la violence entre communautés dans l’État de Rakhine en 2012 correspondait à l’épuration ethnique et à des crimes contre l’humanité envers les Rohingyas. Il a aussi posé la question à savoir si la « persécution lente, et tortueuse comme la ghettoïsation » ou le fait d’obliger la population rohingya à croire qu’« elle n’a d’autre choix que de partir » équivalait aussi à de l’épuration ethnique ou à des crimes contre l’humanité[13].

Dans son témoignage écrit, U Shwe Maung, ancien parlementaire rohingya, a indiqué que les gouvernements successifs du Myanmar ont effectué une épuration ethnique et ont perpétré « le génocide au ralenti » des Rohingyas[14]. Cette situation préoccupe au plus haut point le Sous-comité, car cette terminologie est employée dans des circonstances extrêmes où sont commises de graves infractions aux droits internationaux de la personne. Et comme l’a fait observer Kevin Malseed, directeur de programme chez Inter Pares : « Génocide ou non, c’est […] l’une des pires crises de violation des droits de la personne au monde[15]. »

Héritage du conflit interethnique au Myanmar et dans l’État de Rakhine

Comme l’a expliqué Mme Wolsak, les dictateurs qui se sont succédé « avaient une vision : créer une nation d’une seule race et d’une seule religion », la race étant birmane, et la religion étant le bouddhisme[16]. Toutefois, « [e]nviron 40 % de la population n'est pas birmane. Ces gens s'identifient comme étant des nationalités ethniques[17] ». Pour concrétiser cette vision dans un pays regroupant plus de 135 ethnies, les régimes militaires qui se sont succédé ont commis des violations généralisées des droits de la personne; les droits politiques, culturels, sociaux et religieux des ethnies ont été réprimés avec violence, et les régions dominées par les ethnies, négligées sur le plan économique.

Face à l’oppression et à la violence de l’État, un certain nombre de minorités ethniques ont constitué leur propre guérilla, d’où les nombreux conflits armés qui perdurent un peu partout au pays. Dans tous ces conflits, l’armée du Myanmar est responsable de violations des droits de la personne envers les civils, notamment les travaux forcés, les exécutions extrajudiciaires, le recrutement d’enfants soldats, l’utilisation de mines antipersonnel et la violence sexuelle envers les femmes et les filles[18]. En outre, l’armée a souvent confisqué des terres à des fins agricoles ou pour les besoins des troupes postées dans ces secteurs, ou encore pour l’exploitation des ressources naturelles sans que les populations locales n’en retirent des emplois ou des avantages économiques[19]. Il faut également signaler que les armées ethniques commettent de graves violations des droits de la personne, par exemple en recrutant des enfants soldats et en utilisant des mines antipersonnel. Vient exacerber ces violations le contexte d’impunité dans lequel elles sont commises[20].

Au nombre des armées ethniques figure l’armée d’Arakan, un groupe rebelle de Rakhine. Exclue des pourparlers de paix entrepris sous le gouvernement précédent, l’armée d’Arakan continue de combattre les forces gouvernementales. Chris Lewa, directrice du projet Arakan, a décrit comme suit la lutte dans l’État de Rakhine : « [L]e conflit […] sévit depuis fort longtemps. Il a des dimensions multiples et implique trois parties, les bouddhistes du Rakhine, les musulmans rohingyas et le gouvernement du Myanmar, qui se méfient tous les uns des autres, avec les tensions que cela implique[21]. » Selon Abid Bahar, spécialiste des relations ethniques au Myanmar, il importe de reconnaître cette dynamique pour s’attaquer aux causes profondes de la discrimination et de la persécution des Rohingyas et pour résoudre le conflit pour de bon[22].

Les bouddhistes rakhines, eux-mêmes formant une minorité ethnique au Myanmar, voient dans les musulmans rohingyas une menace existentielle à leur majorité ethnique dans l’État de Rakhine, à leur désir d’autonomie politique, à la réaffirmation de leur identité ethnique et à leur bien-être économique. Au fil des décennies, les régimes militaires successifs se sont fait forts de « diviser pour mieux régner » dans l’État de Rakhine, dressant bouddhistes rakhines contre musulmans rohingyas pour obtenir un gain politique, exacerbant ainsi les tensions et provoquant d’innombrables flambées de violence entre les deux communautés[23]. Bien que l’hostilité rakhine envers les Rohingyas dans cet état se soit intensifiée depuis que le Myanmar a acquis son indépendance du Royaume-Uni en 1948, les régimes militaires qui se sont succédé ont aussi « progressivement imposé des politiques de persécution et d’exclusion contre les Rohingyas[24] ».

Discrimination et persécution historiques exercées par l’État à l’encontre des Rohingyas

Même avant de perdre leur citoyenneté en 1982, les Rohingyas ont subi les pires formes de discrimination juridique, économique, éducationnelle et sociale, sans parler des restrictions imposées à leur droit à la liberté de circulation, ce qui a nui à leur capacité de gagner leur vie, de poursuivre des études ou de recevoir des soins médicaux. Leur droit d’assemblée pour pratiquer leur religion a également été bafoué[25]. De plus, les Rohingyas devaient obtenir l’autorisation de se marier, et on leur interdisait d’avoir plus de deux enfants[26]. Les enfants additionnels n’étaient pas enregistrés et étaient cachés aux autorités[27]. Nur Hasim, président de la Canadian Burmese Rohingya Organization, a expliqué au Sous-comité que les femmes rohingyas ont subi des traumatismes physiques et psychologiques résultant des avortements et du contrôle des naissances forcés[28].

Au fil des décennies, les violations des droits de la personne commises par les forces de sécurité à l’encontre des Rohingyas, incluant la violence sexuelle envers les femmes, et les flambées de violence entre communautés, ont entraîné deux migrations

massives de Rohingyas au Bangladesh, soit environ 200 000 réfugiés en 1977 et 250 000 en 1992[29]. Après chacune de ces migrations, la plupart ont été rapatriés au Myanmar[30],[31]. Même avant que n’éclate la violence entre communautés dans l’État de Rakhine en 2012, « quelque 28 000 réfugiés rohingyas vivaient dans des camps officiels au Bangladesh et 200 000 autres vivaient dans des campements de fortune ou étaient mêlés à la population locale dans les zones frontalières[32] ».

Le Myanmar est partie à la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Déclaration, qui n’est pas un traité, exige que les États membres accordent sans discrimination certains des droits les plus fondamentaux refusés aux Rohingyas, comme le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté des personnes; le droit à une nationalité; le droit à une égale protection de la loi; le droit d’être protégé contre toute discrimination; la liberté de circulation; la liberté de religion, incluant le droit de manifester sa religion en groupe; le droit de gagner sa vie; le droit d’avoir accès aux services publics; le droit à la santé, incluant les soins spéciaux pour les mères et les enfants, pour ne nommer que ceux-là. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un traité, bon nombre des droits garantis dans la Déclaration sont reconnus dans la jurisprudence internationale et ont maintenant un statut de droit international coutumier[33] : ils sont largement et uniformément appliqués par les États, lesquels les tiennent pour légalement obligatoires. En effet, cela crée une obligation universellement contraignante pour tous les États, incluant le Myanmar.

La Déclaration universelle des droits de l’homme est codifiée et exposée plus en détail dans deux traités : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que n’a pas signé le Myanmar, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que le Myanmar a signé en 2015, mais qu’il n’a pas encore ratifié. La Déclaration est souvent citée dans les préambules et les textes des traités subséquents des droits internationaux de la personne, qui sont plus précis et dont certains ont été signés et ratifiés par le Myanmar. Des témoignages présentés au Sous-comité jettent les bases factuelles qui donnent à penser que le Myanmar pourrait contrevenir au droit international coutumier et manquer à ses obligations prévues par traité dans sa façon de traiter les Rohingyas.

Contrecoup de la violence qui a sévi en 2012 dans l’État de Rakhine

On pourrait avancer que la violence entre communautés bouddhistes rakhines et musulmanes rohingyas qui a éclaté dans l’État de Rakhine en 2012 a marqué un point décisif dans les relations entre bouddhistes et musulmans au Myanmar. Le conflit a entraîné la destruction de milliers de maisons et fait des centaines de morts. Non seulement l’administration locale n’est pas intervenue, mais les représentants locaux étaient parmi les responsables des attaques. Human Rights Watch, qui a produit deux rapports sur les actes de violence, a conclu que la violence alors commise envers les Rohingyas lors de ces affrontements équivalait à de l’épuration ethnique et à des crimes contre l’humanité[34].

U Shwe Maung, parlementaire à cette époque, a indiqué au Sous-comité qu’il avait présenté une requête d’urgence au Président du Parlement du Myanmar pour qu’une enquête soit faite sur les actes de violence, requête qu’avait examinée, et rejetée, Daw Aung San Suu Kyi, alors présidente du Comité de la primauté du droit. De même, le ministre de l’Intérieur de l’époque a fait savoir à U Shwe Maung que seuls les musulmans étaient à blâmer pour ces attaques[35].

Par suite des événements violents de 2012, la situation des droits de la personne des Rohingyas n’a cessé de se détériorer. Les sections suivantes décrivent les crises humanitaires et des droits de la personne auxquelles les Rohingyas font face actuellement.

1. Rohingyas déplacés à l’intérieur du pays

Pendant le conflit qui a éclaté en 2012 et par la suite, des centaines de milliers de personnes, principalement des Rohingyas, ont été déplacées, surtout à la périphérie de Sittwe, capitale de l’État de Rakhine. À l’heure actuelle, environ 145 000 Rohingyas vivent dans des douzaines de camps à l’intérieur de l’État, selon Inter Pares. Des Kaman musulmans vivent également dans ces camps. Bien que les Kaman forment une minorité ethnique reconnue et soient donc des citoyens à part entière, ils n’ont pas été épargnés dans la vague de violence et de persécution étant donné qu’ils étaient musulmans[36]. Inter Pares a également indiqué qu’il ne reste qu’une seule communauté rohingya à Sittwe, dans le quartier d’Aung Mingala, mais elle est encerclée de fils de fer barbelés et de policiers de sorte que personne ne peut en sortir. Le gouvernement de l’État de Rakhine a récemment annoncé qu’il effectuerait un contrôle porte-à-porte, et l’on craint que cette opération donne lieu à l’expulsion et au déplacement de ces Rohingyas et qu’elle entraîne une nouvelle vague de violence entre communautés[37].

M. Sifton a souligné que les camps pour personnes déplacées ne sont pas des lieux d’aide humanitaire; ils sont plutôt « des zones semi-urbaines ghettoïsées que les gens ne peuvent pas quitter[38] ». M. Malseed, qui a récemment visité trois camps, a expliqué que des panneaux indiquent qu’il s’agit de « quartiers bengalis », lesquels sont entourés de fils de fer barbelés ainsi que de postes de contrôle de la police et de l’armée. Les Rohingyas ne sont pas autorisés à quitter les lieux sans l’autorisation de la police qui est « presque impossible à obtenir[39] ». En revanche, les bouddhistes rakhines sont libres d’aller et venir autour des camps des musulmans rohingyas sans autorisation; les gens « craignent donc constamment que des groupes radicaux attaquent les camps, qui ne sont pas protégés[40] ».

Les camps « enregistrés » sont ainsi appelés parce que les Rohingyas qui y sont établis ont été enregistrés par le gouvernement – peut-être en prévision de leur expulsion forcée aux termes du Plan d’action de l’État de Rakhine de l’ancien président Thein Sein[41]. Ces camps sont pourvus de maisons assez solides, d’un système de drainage de base, de puits et de latrines. Les résidents reçoivent des rations alimentaires mensuelles. Des ONG internationaux fournissent la nourriture et les installations sanitaires[42].

De nombreux autres Rohingyas ont été confinés dans leurs maisons pendant les affrontements de 2012 lorsque leurs communautés ont été encerclées par des foules armées et par les forces de sécurité, et ils n’ont pu gagner les camps enregistrés pendant six mois après l’éclatement de la violence. Les autorités leur ont dit qu’il était trop tard pour les enregistrer et ils ont commencé à ériger des abris près des camps enregistrés. Ils n’ont reçu aucune aide[43]. M. Malseed a indiqué que les conditions de vie dans les camps non enregistrés sont « encore plus désespérées, malsaines et propices à la malnutrition ». Vu leur emplacement, ces abris sont régulièrement inondés ou détruits par les tempêtes et les cyclones[44].

Selon Mme Lewa, les réductions de financement attribuables à la lassitude des donateurs et des économies perdantes dans certains pays donateurs qui accuse un retard commencent à se répercuter sur des organisations comme le Programme alimentaire mondial. Il ne s’agit plus d’une aide humanitaire de nature générale, mais un changement d’approche vers une aide accordée uniquement aux personnes les plus vulnérables au Myanmar[45].

a. Manque d’accès aux soins médicaux

Même dans les camps enregistrés, l’accès aux soins médicaux est inadéquat. Le Sous-comité a appris que les cliniques de santé gouvernementales dans les camps enregistrés n’ont qu’un seul médecin qui se rend sur les lieux une heure par semaine et ne distribue aucun médicament[46]. Selon Mme Lewa, dans d’autres régions, les activistes de Rakhine empêchent les Rohingyas de se rendre dans les cliniques locales[47]. M. Malseed a souligné que les Rohingyas qui sont gravement malades peuvent demander la permission de se rendre à l’hôpital général de Sittwe. Cependant, ils y sont placés dans une aile à part, où il n’y a qu’une infirmière et aucun médecin; « pour l’essentiel, on les laisse mourir[48] ». U Shwe Maung a indiqué que, vu les conditions et les risques actuels, les Rohingyas sont trop effrayés pour demander des soins médicaux à l’hôpital général, qui équivaut à un « hôpital nazi[49] ». Il a ajouté que les Rohingyas qui, en désespoir de cause, ont traversé la frontière pour aller au Bangladesh afin d’y obtenir des soins médicaux ont été accusés d’avoir franchi illégalement la frontière et emprisonnés à leur retour[50].

En février 2014, les membres de Médecins Sans Frontières (MSF) ont été expulsés de l’État de Rakhine, et les installations des Nations Unies et des ONG internationaux ont été attaquées par des extrémistes de Rakhine[51]. Ces attaques ont mené à l’évacuation de plus de 300 travailleurs humanitaires; des centaines de milliers de personnes vulnérables sont maintenant privées d’aide humanitaire[52]. Bien qu’on ait autorisé MSF à reprendre ses activités en septembre dernier, M. Malseed a dit au Sous-comité qu’on empêchait encore l’organisme et d’autres ONG internationaux de fournir des soins médicaux dans les trois camps qu’il a visité[53]. Selon Mme Lewa, ces obstacles sont la cause de « nombreux décès qui auraient pu être évités, y compris dans le cas de femmes ayant des grossesses difficiles[54] ».

b. Manque d’accès à l’éducation

Au dire de Mme Lewa, bien qu’UNICEF et d’autres ONG internationaux aient établi des « centres d’apprentissage » dans les camps pour personnes déplacées – il est interdit de les appeler « écoles[55] » – il n’y a pas assez de professeurs compétents. Mme Lewa évalue à 60 000 le nombre d’enfants rohingyas déplacés, âgés de 3 à 17 ans, qui sont privés de formation scolaire[56].

Le Sous-comité prend acte que la Convention sur les droits de l’enfant, à laquelle le Myanmar est partie, impose aux États l’obligation de voir à la survie et au développement des enfants et de leur fournir une éducation primaire convenable.

2. Situation dans le nord de Rakhine

Au dire de Mme Lewa, bien que les Rohingyas du nord de Rakhine n’aient pas été touchés par les troubles et les déplacements, ils sont victimes d’agressions de la part des forces de sécurité, des restrictions leur sont imposées quant à la pratique de la religion et ils ne peuvent circuler comme ils veulent, ce qui nuit considérablement à leur capacité d’obtenir des soins médicaux, de s’instruire et de gagner leur vie[57].

Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, a affirmé que les forces de sécurité sont impliquées dans un certain nombre de violations des droits de la personne des Rohingyas, telles que l’extorsion généralisée, des arrestations arbitraires, des passages à tabac, ainsi que des incidences de torture et des sévices aux Rohingyas en détention. Ces agressions sont commises dans un contexte d’impunité[58].

Le couvre-feu imposé en 2012 dans le nord de Rakhine est encore en vigueur. Il faut encore obtenir une autorisation de déplacement, et des pots-de-vin sont encore exigés aux postes de contrôle. À cause du couvre-feu, les musulmans ne peuvent se rassembler dans les mosquées pour prier en groupe et participer à des cérémonies religieuses. Les mosquées, les madrasas et les maktabs (écoles primaires) sont fermés depuis quatre ans à cause des restrictions qui touchent la liberté d’assemblée. Les forces de sécurité ont détruit deux mosquées et un cimetière rohingya[59].

Selon Mme Lewa, les hôpitaux locaux sont négligés et mal équipés. Les médecins bouddhistes exercent une discrimination envers les patients rohingyas. Selon des ONG internationaux, la région est dans une situation d’urgence chronique en raison des faibles indicateurs de santé et de nutrition[60].

De nombreux enseignants bouddhistes n’ont pas repris leur poste dans les écoles dirigées par l’État après les conflits de 2012. Leurs remplaçants, payés par la communauté, n’ont pas de formation pour la plupart. À cause de la discrimination et de la pauvreté de longue date, les écoles de la région sont délabrées et surpeuplées. Le Sous-comité a appris que l’éducation universitaire est « inaccessible » aux Rohingyas[61].

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada demande au gouvernement du Myanmar de mettre fin à toutes les mesures restreignant la liberté de circulation, afin que les Rohingyas puissent avoir accès aux services, incluant les services de santé et d’éducation, et qu’ils puissent gagner leur vie.

3. Coopération du Myanmar avec les organismes d’aide humanitaire et de défense des droits de la personne

Le Sous-comité a appris que les groupes non gouvernementaux d’aide humanitaire et de défense des droits de la personne peuvent avoir accès aux camps, mais doivent se soumettre à une démarche « tortueuse » et se frayer un chemin dans le dédale bureaucratique. M. Sifton a souligné que les groupes souhaitant accéder aux camps de Rohingyas doivent également fournir des services et surveiller la situation des droits de la personne dans les régions les plus pauvres où habitent des bouddhistes afin de fournir l’aide humanitaire et de donner une évaluation de l’état des droits de la personne de manière équilibrée[62].

Bien que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH), qui est l’organisme humanitaire des Nations Unies, ait accès aux camps, plusieurs témoins ont fait observer que le gouvernement du Myanmar doit autoriser tous les organismes de défense des droits de la personne des Nations Unies à avoir accès à toutes les régions du pays. M. Sifton a ainsi mentionné que, habituellement, lorsqu’un pays sort d’un régime autoritaire ou émerge d’une guerre, son gouvernement signe un protocole d’entente avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme pour que celui-ci puisse ouvrir un bureau sur place. Le bureau peut alors négocier des modalités d’accès et avoir suffisamment de personnel sur place pour bien surveiller la situation des droits de la personne dans le pays tout en aidant le gouvernement. Selon le même témoin, le gouvernement précédent avait promis au président Obama que le bureau serait établi, mais quatre ans plus tard, il n’y a aucun protocole d’entente[63].

Mme Lewa a indiqué que le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar avait obtenu l’accès à l’État de Rakhine pour la première fois en 2010. Au fil des ans, les rapporteurs, anciens et actuel, ont tantôt obtenu l’accès à l’État Rakhine tantôt non. Par exemple, Mme Yanghee Lee, rapporteur actuelle, s’est vu accorder l’accès à l’État de Rakhine à deux reprises, mais l’autorisation lui a été refusée lors de son plus récent voyage en août 2015[64]. L’ancien rapporteur et la nouvelle se sont tous deux heurtés aux violentes protestations des nationalistes bouddhistes au cours de leurs visites; ils ont notamment essuyé des attaques de bandes et des injures[65]. Le gouvernement du Myanmar n’a pas accordé l’accès à d’autres rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur les droits de la personne[66]. Ceci limite la capacité des Nations Unies à surveiller la situation des droits de la personne sur le terrain, de même qu’à fournir conseils et avis techniques au gouvernement.

Au cours de l’Examen périodique universel de la situation des droits de la personne au Myanmar, réalisé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2015, le gouvernement précédent du pays a rejeté toutes les recommandations concernant les Rohingyas, précisant que « le mot “Rohingya” […] n’a jamais existé dans l’histoire ethnique du Myanmar et n’est donc reconnu ni par son peuple ni par son gouvernement[67] ».

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada exhorte le gouvernement du Myanmar à garantir le libre accès aux organismes d’aide humanitaire qui fournissent des services vitaux aux Rohingyas dans les collectivités et dans les camps pour personnes déplacées.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada exhorte le gouvernement du Myanmar à accepter l’aide des Nations Unies afin de s’acquitter de ses obligations internationales concernant les droits de la personne, en commençant par conclure un protocole d’entente pour l’établissement d’un bureau officiel du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Myanmar, en partie pour faciliter la tenue d’enquêtes indépendantes sur de possibles violations des droits de la personne et violences contre les minorités ethniques et religieuses.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada demande au gouvernement du Myanmar de respecter et de protéger les droits des minorités ethniques et religieuses sur son territoire, y compris le droit de pratiquer sa religion en groupe, d’abord en reconnaissant et en acceptant les recommandations pertinentes issues de l’Examen périodique universel de Myanmar réalisé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2015.

4. Crise des migrants rohingyas : 2012-2015

La grave crise humanitaire qui sévit dans l’État de Rakhine, les restrictions et la persécution soutenues ainsi que la montée d’un sentiment antimusulman ont poussé des dizaines de milliers de personnes, principalement des Rohingyas, à fuir le pays. Entre juin 2012 et mai 2015, des Rohingyas ont fui massivement le Myanmar pour aller au Bangladesh, en Malaisie, en Thaïlande et en Indonésie, déclenchant ainsi une crise régionale. De nombreux migrants ont été la proie de bandes impliquées dans la traite de personnes. En ce qui concerne les femmes et les enfants plus précisément, Mme Lewa a indiqué : « La violence contre les femmes est omniprésente. Ses auteurs sont aussi bien des représentants du Myanmar, de l’État de Rakhine, sans oublier la communauté rohingya elle-même. La fréquence des viols, en particulier des forces de sécurité, a augmenté après les violences de 2012. Le désespoir a également poussé quantité de femmes et d’enfants rohingyas à s’enfuir, malgré les risques élevés pour eux de se trouver pris dans des réseaux de traite de personnes[68]. »

Les personnes qui ont emprunté les voies maritimes sont montées à bord d’embarcations innavigables. Par conséquent, de nombreux migrants sont morts d’exposition aux intempéries ou se sont noyés. Quand les autorités thaïlandaises ont décidé de sévir contre les réseaux de trafiquants en mai 2015, les passeurs ont commencé à abandonner les bateaux en mer[69].

Aucun des pays de destination n’est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. M. Sifton a dit au Sous-comité que les pays destinataires n’ont pas de loi protégeant les demandeurs d’asile sur leur territoire. Certains d’entre eux ont refusé de laisser débarquer les migrants et ont parfois renvoyé les bateaux en mer en les faisant remorquer. Les Rohingyas qui sont arrivés dans d’autres pays se trouvent dans une situation précaire : le personnel de sécurité corrompu exige des réfugiés des pots-de-vin sous peine d’être placés en détention à l’immigration ou renvoyés au Myanmar. Selon M. Sifton, il y a des éléments corrompus dans la junte militaire de la Thaïlande qui peuvent faciliter la résurgence des réseaux de trafiquants. En raison de la crise des migrants, des centaines de Rohingyas sont placés dans des centres de détention de l’immigration en Malaisie et en Thaïlande[70]. En Indonésie, les réfugiés rohingyas sont hébergés dans des camps[71].

Le Bangladesh se montre toujours hostile aux réfugiés rohingyas. Selon Evelyn Puxley, directrice de la Direction des relations avec l’Asie du Sud-Est et l’Océanie à Affaires mondiales Canada, pour empêcher les Rohingyas de fuir vers le Bangladesh, des représentants du gouvernement bangladais ont proposé de déplacer tous les Rohingyas vers une île déserte, au large de la côte[72]. M. Sifton s’est montré frustré et cynique, disant que le gouvernement bangladais demeure « récalcitrant » pour tout ce qui touche les droits de la personne, allant même jusqu’à refuser l’aide internationale qui lui est offerte pour s’occuper des Rohingyas sur son territoire[73]. Le Sous-comité prend acte que le Bangladesh est un « pays en développement ciblé» par le Canada. Le gouvernement du Canada a donné 750 000 $ à des organismes des Nations Unies pour offrir une aide alimentaire et créer des possibilités d’emploi à l’intention des réfugiés installés au Bangladesh, incluant la communauté rohingya[74]. L’an dernier, le gouvernement du Canada a fourni 70 millions de dollars au titre de l’aide humanitaire et de l’aide au développement au gouvernement du Bangladesh; une partie de ce budget allait au soutien des réfugiés rohingyas, selon Mme Puxley. Compte tenu de la déclaration de M. Sifton, toutefois, le Sous‑comité se demande dans quelle mesure les réfugiés rohingyas au Bangladesh bénéficient de l’aide du gouvernement du Canada.

Mme Puxley a fait observer que, face à l’afflux de migrants rohingyas, les gouvernements de la Thaïlande, de la Malaisie et de l’Indonésie se sont efforcés de trouver une solution bien qu’ils se soient principalement tournés vers l’aide internationale pour assurer la subsistance des camps de réfugiés et réinstaller ailleurs les Rohingyas[75]. Mme Lewa a expliqué que les efforts de collaboration déployés jusqu’à maintenant ont surtout visé à faire échec à la traite de personnes et à protéger les frontières par l’entremise du Processus de Bali[76]. Les échanges ne portent pas sur les causes premières de la crise au Myanmar, les États voisins de l’Asie du Sud-Est ayant pour principe de ne pas s’ingérer dans les affaires internes des autres[77].

Le Sous-comité a appris que le nombre de migrants rohingyas qui entreprennent le périlleux périple en mer a considérablement diminué après mai 2015. Au dire de M. Sifton, le ralentissement de l’exode des Rohingyas hors du Myanmar « ne tient pas au fait qu’[ils] sont moins nombreux à vouloir partir[78] ». Certains témoins ont suggéré que la fin abrupte de la migration en mer résulte probablement des mesures énergiques qui ont été prises contre les réseaux de trafiquants et du ralentissement économique de certains pays de destination[79]. N’ayant nulle part où aller, les Rohingyas « sont maintenant pris au piège dans l’État de Rakhine[80] ».

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada encourage les pays voisins du Myanmar, en particulier la Malaisie, l’Indonésie, la Thaïlande et le Bangladesh, à adopter des pratiques d’immigration qui respectent les droits des demandeurs d’asile rohingyas, incluant le droit de ne pas être renvoyé au Myanmar avant d’avoir présenté une demande de statut protégé, et qu’il exhorte les acteurs régionaux à concerter leurs efforts pour s’attaquer aux causes profondes de la migration des Rohingyas.

5. Absence de citoyenneté et exclusion

Les Rohingyas sont toujours sans citoyenneté et nationalité. Des témoins ont parlé de l’incertitude dans laquelle sont plongés les Rohingyas en ce qui concerne la question de la citoyenneté et d’autres formes d’enregistrement auprès du gouvernement. M. Neve a expliqué qu’au cours des deux dernières années, les autorités du Myanmar ont pris d’autres mesures pour renforcer l’exclusion des Rohingyas. Par exemple, en 2014, le gouvernement est revenu sur la promesse qu’il avait faite de laisser les Rohingyas s’identifier comme tels au recensement national au lieu d’exiger d’eux qu’ils s’identifient comme « Bengalis[81] ». Le Plan d’action de l’État de Rakhine prévoyait un processus de vérification de la citoyenneté qui aurait permis aux Rohingyas d’avoir droit à une certaine forme de citoyenneté s’ils s’identifiaient comme « Bengalis ». Comme cela aurait légitimé l’affirmation fausse selon laquelle les Rohingyas sont des immigrants et non un groupe ethnique autochtone, la plupart des Rohingyas ont rejeté cette proposition. Environ un millier de ménages l’ont cependant acceptée et certains se sont vu accorder la citoyenneté à part entière et d’autres ont été naturalisés, mais leurs conditions de vie, incluant les restrictions imposées à la liberté de circulation, n’ont pas changé[82]. Parallèlement, ce processus a entraîné des protestations dans l’État de Rakhine, d’où la suspension du programme au cours de l’année qui a suivi[83]. Mme Wolsak a informé le Sous-comité que ce programme controversé avait été remis en œuvre[84].

En 2015, l’ancien président Thein Sein a invalidé les cartes d’identité temporaires qui avaient été délivrées aux Rohingyas dans les années 1990. Ces « cartes blanches » constituaient l’unique document d’identité des Rohingyas qui était accepté. Aujourd’hui, l’unique enregistrement ou document officiel prouvant leur existence est une liste des membres de la famille. Mme Lewa a fait savoir au Sous-comité que les autorités responsables de l’immigration ont mis en place de nouvelles dispositions réglementaires exigeantes pour l’inscription des enfants des Rohingyas sur la liste des membres de la famille de leurs parents, dont la présentation de documents et de déclarations à divers ordres de gouvernement. Mme Lewa craint que ces lourdes exigences ainsi que les frais connexes ou pots-de-vin empêchent les familles, surtout celles qui sont pauvres, d’inscrire leurs enfants[85].

Le Sous-comité fait observer que la Convention relative aux droits de l’enfant, à laquelle le Myanmar est partie, impose aux États l’obligation de garantir aux enfants le droit à une nationalité, surtout si l’enfant risque d’être apatride. Elle prévoit aussi pour les enfants le droit d’être enregistré.

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada préconise publiquement, de manière durable et avec la coordination des États animés du même esprit, que le gouvernement du Myanmar approuve, ratifie et adhère à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, et qu’il modifie sa loi de 1982 sur la citoyenneté afin de garantir la reconnaissance officielle du peuple rohingya en tant que groupe national ethnique, et qu’il milite en faveur du rétablissement de la citoyenneté à part entière et sans réserve, avec tous les droits et libertés s’y rattachant. Cette reconnaissance comprendrait le droit des Rohingyas de se porter candidats à une charge élective ainsi que d’autres droits civils et politiques.

Naissance d’une démocratie au Myanmar

1. Rôle des moines radicaux

Tous les témoins ont exprimé de vives inquiétudes au sujet de la haine de plus en plus profonde que nourrit la société Myanmar à l’égard des Rohingyas. Selon M. Malseed, « Thein Sein a ravivé la rhétorique et la violence antimusulmanes pour susciter un sentiment d’appartenance nationale[86] ». Le mouvement nationaliste bouddhiste, dirigé par deux principaux groupes, soit le mouvement 969 et le groupe Ma Ba Tha, a reçu du gouvernement l’autorisation de manifester publiquement alors que toutes les autres voix ont été bâillonnées, ce qui a facilité la montée et la popularité des nationalistes radicaux. M. Neve a rappelé que les groupes nationalistes bouddhistes incitant à la haine et à la discrimination envers les musulmans ont gagné en influence après les troubles de 2012[87]. Ces groupes sont en grande partie responsables de la violence et de l’animosité envers les musulmans dans la société du Myanmar[88].

Les groupes nationalistes radicaux exerçaient également une grande influence sur les lois et les politiques gouvernementales, en particulier pendant la période qui a précédé les élections de novembre 2015. Ils ont par exemple milité en faveur de l’adoption de quatre lois visant à « protéger la race et la religion », soit la loi sur la conversion religieuse, la loi spéciale sur le mariage des femmes bouddhistes au Myanmar, la loi sur les soins de santé et le contrôle de la population et la loi sur la monogamie. Selon M. Neve, ces lois renferment de « nombreuses dispositions discriminatoires sur les plans du genre, de la religion et de l’état civil[89] ». Mme Lewa était particulièrement préoccupée par la loi sur le contrôle de la population permettant au gouvernement d’exiger d’espacer de trois ans les naissances dans certaines régions du pays. À son avis, il y a « vraiment lieu de craindre[90] » la façon dont cette loi se répercutera physiquement sur les femmes rohingyas aux fins du contrôle de la population. Au dire de Mme Puxley, la communauté internationale a été étonnée d’apprendre que les quatre lois avaient toutes été adoptées, car de nombreux observateurs s’attendaient à ce qu’elles soient rejetées ou que seulement une version édulcorée en soit adoptée[91]. M. Sifton convenait que peu de gens, même à l’intérieur du pays, ont vraiment compris toute la puissance politique de ce cycle de haine et de xénophobie envers les musulmans au Myanmar et les conséquences[92].

Témoignent aussi de cette situation les protestations des moines bouddhistes et d’autres nationalistes qui ont amené le gouvernement à priver les Rohingyas de leur droit de vote et à leur interdire de se présenter aux élections de novembre 2015. Il s’agissait des premières élections auxquelles n’ont pu voter les Rohingyas et où aucun parti politique n’a nommé de candidats musulmans. U Shwe Maung a relaté son expérience personnelle lorsqu’il a essayé de s’inscrire comme candidat aux élections de 2015. En tant que député de sa circonscription, il s’est fait dire par le même ministère de l’Immigration et par la même commission électorale qui avaient approuvé ses documents de candidature aux élections de 2010 qu’il n’était pas un citoyen et ne pouvait donc présenter sa candidature au poste qu’il détenait. Selon lui, c’est « la blague la plus cynique du XXIsiècle[93] ». Par ailleurs, U Shwe Maung a expliqué ne pas être le seul musulman à avoir été incapable de se porter candidat en raison de sa citoyenneté lors des élections de 2015. En fait, « [p]lus de 25 ont voulu déposer leur candidature et tous se le sont fait interdire[94] ». Le Sous-comité a appris que, pour la première fois dans l’histoire du Myanmar, aucun musulman ne siège au Parlement[95].

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada plaide auprès du gouvernement du Myanmar pour qu’il modifie ou abroge ses quatre lois visant à « protéger la race et la religion » (la loi sur la conversion religieuse, la loi spéciale sur le mariage des femmes bouddhistes au Myanmar, la loi sur les soins de santé et le contrôle de la population et la loi sur la monogamie) et les politiques gouvernementales applicables qui limitent actuellement la vie familiale des Rohingyas, dont l’espacement des naissances, le nombre maximum d’enfants et l’obligation d’obtenir une permission pour se marier.

2. « Gouvernement bicéphale » du Myanmar

Il ne fait aucun doute que le Myanmar a amorcé une remarquable transition ces six dernières années. Pour la première fois depuis plus de 50 ans, un président civil a été élu en novembre 2015 au Myanmar. Symbole de la démocratie, Daw Aung San Suu Kyi joue finalement un rôle dirigeant dans le pays pour lequel elle s’est battue, mais on se demande encore si elle a suffisamment de pouvoir pour apporter des changements, si son gouvernement a la capacité de mettre en œuvre des changements et si elle a la volonté politique de régulariser la situation des Rohingyas.

Des témoins ont fait part de leurs préoccupations au sujet du contrôle qu’exerce l’armée sur le pouvoir législatif et sur le gouvernement du Myanmar. Aux termes de la Constitution de 2008, 25 % de la députation au Parlement est réservée aux militaires. Par ailleurs, au sein du gouvernement, les militaires ont la haute main sur les principaux ministères qui sont essentiels à la protection et au maintien des droits de la personne, à savoir les ministères de la Défense, des Affaires frontalières, de l’Immigration et des Affaires religieuses ainsi que le ministère de l’Intérieur. Ce dernier contrôle les administrateurs des régions, des districts et des cantons de même que les forces de police du Myanmar. Le département de l’Administration générale, une institution administrative qui contrôle toute la fonction publique et la bureaucratie depuis plus de 50 ans, relève également du ministère de l’Intérieur et, partant, de l’armée[96]. Toute transition future vers le contrôle civil de l’armée ne pourrait se faire sans modification constitutionnelle et sans la volonté de l’armée de céder une bonne partie de son pouvoir, ce qui n’est pas près de se produire selon plusieurs témoins.

Mme Puxley a soulevé la question des moyens d’action du nouveau gouvernement du Myanmar. Ce nouveau gouvernement, a-t-elle expliqué, est « inexpérimenté et […] il lui sera très difficile de gérer un appareil bureaucratique vaste et complexe[97] ». M. Sifton a mentionné qu’il faudra beaucoup de travail pour venir à bout du « cauchemar bureaucratique » d’une fonction publique dirigée et corrompue en fin de compte par les militaires[98]. Des témoins ont indiqué que le Parlement et le gouvernement du Myanmar ainsi que les hauts fonctionnaires de Rakhine seraient peut-être disposés à recevoir une aide internationale sous forme de mentorat de « parlement à parlement » et de « gouvernement à gouvernement » pour faire avancer le processus de démocratisation.

En ce qui concerne plus précisément les Rohingyas, les témoins se sont tous dits déçus de ce qui semble être un manque de volonté politique de la part de Daw Aung San Suu Kyi et de son parti pour redresser, sinon reconnaître, la situation des Rohingyas. Pendant les troubles de 2012 et à la veille des élections, Daw Aung San Suu Kyi est demeurée relativement silencieuse à cet égard. À de rares occasions où elle et son parti ont pris la parole, avant et après les élections, le ton n’était pas à l’engagement et il était même plutôt indifférent. Par conséquent, tout optimisme voulant qu’elle ou la Ligue nationale pour la démocratie défendraient les droits des Rohingyas s’est peu à peu dissipé. U Shwe Maung a fait savoir au Sous-comité que peu après les élections, Daw Aung San Suu Kyi a déclaré que parler de la persécution des Rohingyas était une exagération. À plusieurs reprises, elle a mentionné que la question des Rohingyas en était une d’immigration et de la primauté du droit. En 2013, U Shwe Maung a compilé un relevé des faits qui prouve l’existence historique des Rohingyas au Myanmar et qui propose des solutions de coexistence pacifique; il a remis ce relevé à l’ancien président et à Daw Aung San Suu Kyi, mais n’a toujours pas reçu de réponse[99].

Une fois son parti au pouvoir, Daw Aung San Suu Kyi a annoncé la libération de prisonniers politiques, un pas important et positif vers le respect des droits politiques et civils au Myanmar. U Shwe Maung a cependant signalé que les prisonniers politiques rohingyas, comme ceux qui sont des musulmans birmans, ont été exclus de l’application de cette mesure[100]. Des personnages importants du parti de Daw Aung San Suu Kyi ont déclaré que le problème des Rohingyas n’est pas une question prioritaire et ont renforcé le principe selon lequel les musulmans sont des « citoyens associés[101] » ou des « citoyens invités[102] ». Daw Aung San Suu Kyi et son parti se sont faits muets après que des organisations musulmanes eurent exhorté le gouvernement à publier une déclaration exposant les grandes lignes de sa politique envers les musulmans au Myanmar[103].

3. Rôle du gouvernement de l’État de Rakhine

Comme nous l’avons indiqué précédemment, la problématique dans l’État de Rakhine touche trois éléments : les musulmans rohingyas, les bouddhistes rakhines et le gouvernement du Myanmar. Le sort des Rohingyas ne peut s’améliorer sans la coopération et la participation du gouvernement de l’État de Rakhine. Mme Puxley a indiqué qu’aux élections de novembre 2015, le Parti national d’Arakan, le parti de Rakhine, avait remporté la majorité des sièges à l’Assemblée législative. Jusqu’à maintenant, il semble bien que certains membres du Parti national d’Arakan ne sont pas disposés à coopérer avec la Ligue nationale pour la démocratie. Daw Aung San Suu Kyi a nommé un membre de la Ligue au poste de ministre en chef de l’État de Rakhine, et cela a suscité un tollé de protestations de la part des représentants du Parti national d’Arakan[104]. Mme Lewa a souligné que l’aile dure du Parti a laissé entendre qu’elle tiendrait tête à la Ligue nationale pour la démocratie, créant ainsi une division à l’intérieur du Parti[105].

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada exhorte le gouvernement du Myanmar à récuser la violence antimusulmane, à mettre fin à l’impunité des actes de violence contre les Rohingyas et d’autres minorités et à élaborer une stratégie visant à promouvoir la tolérance entre Rakhine et Rohingyas dans l’État de Rakhine.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada presse le gouvernement du Myanmar et le gouvernement de l’État de Rakhine de mettre au point, en consultation avec les leaders rohingyas, une solution durable et conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne en vue de la réinstallation des Rohingyas actuellement isolés dans des camps pour personnes déplacées.

Collaboration du Canada avec le Myanmar

1. Diplomatie

Mme Puxley a expliqué au Sous-comité qu’avec l’ouverture de l’ambassade du Canada au Myanmar, en août 2014, le gouvernement canadien avait pu mieux comprendre quelles étaient les conditions locales et quelle était la meilleure façon de contribuer au développement du pays. En ce qui concerne le conflit dans l’État de Rakhine, l’ambassadeur et les diplomates canadiens rencontrent régulièrement des représentants du gouvernement du Myanmar, des Nations Unies, d’ONG et d’ambassades étrangères pour discuter des défis qui se posent dans cet état. Des représentants de l’ambassade se sont également rendus dans l’État de Rakhine à cinq reprises depuis que le Canada a ouvert son ambassade au Myanmar. Là-bas, ils ont visité des camps pour personnes déplacées ainsi que des villages bouddhistes et musulmans. Mme Puxley a également indiqué que les membres de l’ambassade rencontrent régulièrement des chefs ethniques et religieux, notamment des dirigeants des communautés rohingyas et (maintenant d’anciens) politiciens[106].

Le Sous-comité a appris que la question des droits de la personne était au cœur de la visite d’avril 2016 du ministre Dion au pays et de sa rencontre avec Daw Aung San Suu Kyi et le nouveau président du Myanmar. Le ministre Dion a aussi rencontré des représentants d’ONG locales qui militent activement en faveur de la tolérance religieuse et qui ont dirigé l’opposition contre les quatre lois sur la race et la religion[107]. Mme Lewa a mentionné que l’ambassadeur du Danemark avait constitué un « groupe des chefs de mission » auquel participaient activement le gouvernement américain, des représentants d’autres gouvernements européens, le Conseil danois pour les réfugiés et des ONG. Ce groupe s’attaque à de nombreux problèmes au Myanmar, notamment dans le domaine des droits de la personne, de manière coordonnée, et cherche à y trouver des solutions. Mme Lewa a encouragé le gouvernement du Canada à se joindre à ce groupe[108].

Mme Puxley a signalé que, par l’entremise de son ambassade à Dacca, le gouvernement du Canada engage le gouvernement bangladais pour trouver une solution au problème des réfugiés rohingyas[109].

2. Sanctions

En 2012, par suite des mesures positives adoptées en vue d’une réforme démocratique au Myanmar, le gouvernement du Canada a allégé les lourdes sanctions imposées au Myanmar en 2007 face à la piètre situation des droits humanitaires et de la personne au pays. Selon Mme Puxley, le gouvernement canadien maintient des sanctions contre certaines personnes et certaines entités qui étaient associées à la junte militaire, en particulier les responsables de la répression des troubles civils. Un embargo est toujours appliqué sur les exportations d’armes et d’équipement militaire au Myanmar ainsi que sur l’aide technique et financière connexe. Selon Mme Puxley, le gouvernement du Canada est à réexaminer l’efficacité de ces sanctions[110].

Des témoins estimaient que ces sanctions peuvent encore inciter le gouvernement du Myanmar à respecter les droits de la personne, en particulier ceux des Rohingyas. Selon M. Sifton, la difficulté à laquelle se heurte la communauté internationale lorsqu’elle fait affaire avec le Myanmar est qu’il a à sa tête un « gouvernement bicéphale », à la fois civil et militaire. Bien que les gouvernements ne veulent pas que les sanctions nuisent à Daw Aung San Suu Kyi qui s’efforce d’effectuer les réformes nécessaires dans le pays, il faut cibler davantage les sanctions de manière à inciter les militaires à laisser les réformes se poursuivre[111].

3. Aide au développement

Le Myanmar est devenu un «pays en développement ciblé» par le gouvernement canadien en 2014. Le gouvernement canadien appuie depuis longtemps les travaux d’ONG comme Inter Pares, qui collaborent avec des organismes locaux au Myanmar et dans les pays voisins qui accueillent des réfugiés depuis une vingtaine d’années. Selon Inter Pares, des progrès considérables ont été faits au chapitre de la collaboration interethnique et intersectorielle pour répondre aux préoccupations des communautés et pour trouver des solutions de rechange au conflit armé dans le cadre des programmes[112]. Néanmoins, Inter Pares a expliqué au Sous-comité que les sévères restrictions imposées aux Rohingyas « ont presque entièrement empêché l’émergence d’organisations communautaires de Rohingyas ». C’est pourquoi les efforts de collaboration de l’organisme avec cette communauté ont été limités et moins fructueux. Inter Pares a cependant effectué du travail dans le secteur des médias pour favoriser « l’accès du public à l’information de même que le rapprochement entre les groupes ethniques en appuyant et en développant la capacité des groupes de médias ethniques indépendants situés dans les États et les régions ethniques [du Myanmar] ». Selon Inter Pares, Burma News International (BNI), une alliance médiatique ethnique comptant 13 membres, est la seule qui regroupe des organisations provenant à la fois des communautés rakhine et rohingya dans n’importe quel secteur; elle comprend Kaladan Press, agence de presse rohingya. Les séances de formation qu’elle offre portent entre autres sur les reportages factuels et l’élimination des propos haineux dans les reportages. En 2013, avec l’appui d’Inter Pares, le rédacteur en chef de Kaladan Press a pu participer au Programme international de formation aux droits de la personne, exécuté chaque année par un ONG de Montréal nommé Equitas[113].

Inter Pares appuie également des groupes communautaires de réfugiés du Myanmar en Malaisie, qui ont créé une coalition pour surmonter les obstacles intercommunautaires. Quand la violence qui sévissait au Myanmar menaçait de s’étendre aux communautés de réfugiés musulmans et non musulmans en Malaisie, cette coalition a rencontré les chefs de la communauté de réfugiés rohingyas et a enrayé la violence[114].

En ce qui concerne l’aide de 44 millions de dollars que le gouvernement du Canada a promise au Myanmar, Mme Puxley n’a pas fourni de précisions. Elle a simplement expliqué que de nouveaux projets étaient en voie d’élaboration[115]. D’après le site Web d’Affaires mondiales Canada, l’aide au développement du Myanmar a pour but de soutenir la gouvernance centralisée et le développement démocratique, le renforcement de la gestion de l’information pour une gouvernance responsable et transparente et l’amélioration des possibilités commerciales pour les productrices agricoles. Un montant de 18,5 millions de dollars a été accordé à Inter Pares pour un programme quinquennal qui profitera aux personnes touchées par le conflit au Myanmar. Ce programme vise avant tout à faire progresser la démocratie, à renforcer les systèmes de santé et à bâtir la résilience[116]. Le Sous‑comité fait observer qu’on ne sait pas vraiment si ce programme profitera aux Rohingyas.

Les fonds accordés par le gouvernement du Canada au programme Aide à l’enfance Canada pour l’aide alimentaire d’urgence et soins de santé dans l’État de Rakhine et le financement de Médecins Sans Frontières pour l’aide aux personnes vulnérables, également dans l’État de Rakhine ont pris fin en mars 2015[117]. Mme Puxley a indiqué qu’en 2015, le Canada avait versé 6,4 millions de dollars au titre de l’aide humanitaire destinée aux Rohingyas de Rakhine et aux personnes victimes de l’inondation[118].

Le gouvernement du Canada continue de fournir de l’aide humanitaire dans d’autres régions du Myanmar. Par exemple, il finance actuellement deux organismes qui viennent en aide aux personnes touchées par un conflit et aux personnes déplacées dans l’État de Kachin; il fournit également des fonds à un programme orienté vers l’accès amélioré aux abris, l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène dans les États de Kachin et de Shan[119].

C’est depuis 2014 que le Myanmar est un « pays en développement ciblé» par le gouvernement du Canada. Mme Puxley a fait savoir au Sous-comité que Daw Aung San Suu Kyi avait déclaré qu’elle « s’employait à coordonner l’aide internationale au développement dans l’État de Rakhine[120] ». À cet égard, on a dit au Sous-comité que le gouvernement du Canada est prêt à discuter avec le gouvernement du Myanmar des secteurs où l’aide au développement serait le plus utile[121].

Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada continue de favoriser l’exécution de programmes de développement démocratique au Myanmar qui prévoient l’aide technique dans les secteurs de la primauté du droit et de la justice. De plus, le gouvernement du Canada devrait envisager d’établir ou de soutenir des programmes de mentorat et de renforcement des capacités « de parlement à parlement » et de « gouvernement à gouvernement » entre le Canada et le Myanmar, et envisager de faciliter un processus d’examen législatif et constitutionnel qui élimine les restrictions discriminatoires au Myanmar à l’encontre des Rohingyas et d’autres minorités ethniques et religieuses privées de leurs droits, et qui tient compte de leurs besoins.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada participe à des initiatives organisées par la communauté diplomatique au Myanmar afin de coordonner les mesures de défense des droits et les programmes pour la réforme des droits de la personne et le développement démocratique avec d’autres donateurs, dont les gouvernements animés du même esprit et les organisations internationales.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada réévalue les sanctions imposées au Myanmar pour en assurer le plus grand effet dissuasif possible sur les acteurs qui empêchent les Rohingyas d’exercer leurs droits de la personne, y compris sur ceux qui incitent à la haine et à la violence envers les musulmans, sans nuire aux efforts de développement et de démocratisation.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada, par l’entremise de programmes d’aide au développement, veille à ce que les Rohingyas au Myanmar et les migrants rohingyas dans les pays avoisinants bénéficient des programmes et de l’aide du Canada.

Conclusion

Le Sous-comité tient d’abord à remercier les personnes dont les témoignages lui ont permis de mener à bien son étude. En particulier, il tient à souligner la contribution de U Shwe Maung, ancien parlementaire rohingya, qui a fait part de ses expériences aux membres du Sous-comité à ses risques et périls. Durant son témoignage, il a expliqué qu’un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui parce qu’il s’était adressé à la communauté internationale au nom de son peuple. Le Sous-comité prend acte du courage et de la ténacité avec lesquels il milite pour le respect des droits des Rohingyas.

Il a été difficile d’entendre le détail des sévices, de la discrimination, de la haine et de la violence encore infligés aux Rohingyas par le gouvernement du Myanmar et par de simples citoyens. Le fait qu’un million de personnes soient confinées dans des ghettos entourés de fils de fer barbelés et vivent dans ce que certains commentateurs appellent des conditions semblables à celles de l’apartheid, exposées à la violence et dépossédées de leur nationalité, identité et droits fondamentaux, est tout simplement ahurissant, d’autant plus que le Myanmar a accompli des progrès louables sur la voie de la démocratie.

Il ne fait aucun doute que Daw Aung San Suu Kyi et son gouvernement ont d’immenses défis à relever. Ils doivent régler les nombreux conflits ethniques qui persistent et rétablir les relations interethniques et interreligieuses entachées de préjugés, tout en renversant des années de négligence économique et de sanctions dommageables dans l’un des pays les plus pauvres du monde. À cela viennent s’ajouter le pouvoir et le contrôle considérables qu’exercent les militaires sur l’appareil législatif et bureaucratique du Myanmar. L’élection d’un gouvernement civil qui a la haute main sur les forces de sécurité du pays serait une étape cruciale permettant de garantir que le gouvernement ne commet plus de violation des droits de la personne et qu’il exige des comptes de ceux qui en commettent. Cela aura pour effet de renforcer le processus de paix et de favoriser la réconciliation nationale.

Le Sous-comité a appris non sans inquiétude que le mouvement nationaliste bouddhiste avait de plus en plus d’influence sur le gouvernement du Myanmar et au sein de la population, phénomène que Mme Lewa qualifie de « cancer de la société[122] ». En fait, l’attitude du nouveau gouvernement indique que la persécution soutenue des Rohingyas pourrait être un prétexte pour apaiser la majorité au pays tandis qu’on poursuit un difficile et ambitieux programme de démocratisation. L’animosité envers les Rohingyas ne date pas d’hier; elle est profondément enracinée dans de vastes pans de la société du Myanmar. Le pays est secoué par une puissante vague nationaliste et antimusulmane, et rien n’est toujours fait pour l’endiguer ou pour arrêter ceux qui soulèvent la colère et la haine envers les musulmans, en particulier envers les Rohingyas. Le Sous-comité espère que Daw Aung San Suu Kyi et son gouvernement trouveront le courage de tenir tête à ces groupes et à leurs discours haineux, tout en soutenant ceux qui militent en faveur de la tolérance religieuse et de la réconciliation.

Le Myanmar a certes beaucoup progressé dans la voie de la démocratisation, mais l’attitude du nouveau gouvernement à l’égard des Rohingyas n’est guère encourageante jusqu’à maintenant. La Déclaration universelle des droits de l’homme et les traités internationaux des droits de la personne exigent que les États accordent protection et respect aux droits de tous les peuples sur leur territoire, et non seulement aux personnes officiellement reconnues comme citoyens. En outre, M. Hasim nous a rappelé que, à l’époque où elle et ses confrères de la Ligue nationale pour la démocratie étaient prisonniers politiques, Daw Aung San Suu Kyi exhortait, comme on le sait, la communauté internationale à intervenir en disant : « Utilisez votre liberté pour promouvoir la nôtre[123]. » Le Sous-comité exhorte maintenant Daw Aung San Suu Kyi à utiliser sa liberté pour promouvoir, protéger et respecter les droits des Rohingyas.

Comme l’a fait remarquer M. Bahar, le respect des droits de la personne des minorités est une condition préalable pour la démocratie[124]. En fait, le Sous-comité croit fermement que le gouvernement du Canada et la communauté internationale devraient juger du processus du Myanmar d’après le traitement que réserve le gouvernement aux minorités ethniques et religieuses, en particulier les Rohingyas. Le Sous-comité sait pertinemment que les réformes obligées ne se feront pas en un jour. C’est pourquoi il ne manquera pas de surveiller la situation des droits de la personne de la minorité rohingya du Myanmar et réexaminera plus tard cette question de même que l’engagement diplomatique et l’aide au développement du gouvernement du Canada au Myanmar.


[1]              Lors de sa comparution devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international le 14 avril 2016, Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, a expliqué que la Ligue nationale pour la démocratie avait accepté d’utiliser le nom Myanmar au lieu de Birmanie. On retrouve cependant le nom Birmanie dans maints sites Web du gouvernement du Canada.

[2]              Bien qu’une constitution qui remonte à l’époque de la junte interdise à Aung San Suu Kyi la présidence, elle a été désignée ministre des Affaires étrangères et « conseillère d’État », poste qui lui confère des pouvoirs semblables à ceux d’un premier ministre. Htin Kyaw, nouveau président du Myanmar, serait un de ses proches alliés, ce qui amène certains, dont le ministre Dion, à conclure que, dans les faits, c’est elle qui dirige le pays.

[3]              Chambre des communes, Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères, Réalités en conflit : réformes, répression et droits humains en Birmanie, 1re session, 41e législature (juin 2013), p. 79.

[5]              Chambre des communes, Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères, Réalités en conflit : réformes, répression et droits humains en Birmanie, 1re session, 41e législature (juin 2013), p. 1.

[6]             International Crisis Group, Myanmar: The Politics of Rakhine State, Asia Report No. 261, 22 octobre 2014.

[7]              Ibid. [traduction].

[8]              Chambre des communes, Sous-comité des droits internationaux de la personne (SDIR), Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[9]              SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[10]           Chapter VIII, « Citizen, Fundamental Rights and Duties of the Citizens », Constitution of the Republic of the Union of Myanmar (2008).

[11]           International Crisis Group, Myanmar: The Politics of Rakhine State, Asia Report No. 261, 22 octobre 2014.

[12]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Rebecca Wolsak).

[13]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[14]           U Shwe Maung, Notes d’allocution sur la situation actuelle des droits de la personne des Rohingyas au Myanmar, 3 mai 2016. En raison de la longueur de ses observations préliminaires, le témoin n’a pu achever la lecture de ses notes d’allocution figurant au dossier. Le Sous-comité a adopté le reste des notes d’allocution comme si elles avaient été lues.

[15]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[16]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Rebecca Wolsak).

[17]           Ibid.

[18]           Human Rights Watch, World Report 2012.

[19]           Chambre des communes, Sous-comité des droits internationaux de la personne, Réalités en conflit : réformes, répression et droits humains en Birmanie, 1re session, 41e législature (juin 2013).

[20]           Human Rights Watch, World Report 2012.

[21]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[22]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Abid Bahar).

[23]           International Crisis Group, Myanmar: The Politics of Rakhine State, Asia Report No. 261, 22 octobre 2014 [traduction].

[24]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[25]           Human Rights Watch, World Report 2011.

[26]           Selon Mme Lewa, la politique des deux enfants n’est plus appliquée depuis 2013. Elle n’a toutefois jamais été abolie.

[27]           Nur Hasim (Canadian Burmese Rohingya Organization), mémoire présenté au Sous-comité des droits internationaux de la personne, 19 mai 2016.

[28]           Ibid.

[29]           International Crisis Group, Myanmar: The Politics of Rakhine State, Asia Report No. 261, 22 octobre 2014.

[30]           Ibid.

[31]           Il semblerait que le Bangladesh se montre peu accueillant envers les réfugiés rohingyas du Myanmar en raison de 1) l’incapacité du gouvernement, 2) la relation difficile avec le Myanmar au sujet du contrôle de la frontière commune poreuse, exploitée par les traficants de stupéfiants et par les membres de l’armée d’Arakan.

[32]           Human Rights Watch, World Report 2012 [traduction].

[33]           Antônio Augusto Cançado Trindade, La Déclaration universelle des droits de l’homme, Médiathèque de droit international des Nations Unies.

[34]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[35]           SDIR, Témoignages, réunion no 04, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016 (U Shwe Maung).

[36]           Kevin Malseed et Rebecca Wolsak (Inter Pares), Autres commentaires et réponses aux questions du Sous‑comité des droits internationaux de la personne, mai 2016.

[37]           Ibid.

[38]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[39]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[40]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[41]           En 2014, Human Rights Watch a mentionné un document du gouvernement qui a fait l’objet d’une fuite et qui a pour titre Rakhine State Action Plan for long-term development. Ce document contient des « dispositions concernant la réinstallation forcée des camps de Rohingyas, qui accueillent environ 130 000 personnes, vers des sites non indiqués, ainsi qu’un processus de vérification de la nationalité visant à déterminer l’admissibilité à la citoyenneté en vertu de la loi discriminatoire sur la citoyenneté de 1982. Selon ce document, les personnes jugées non admissibles seraient envoyées dans des camps de détention et pourraient être expulsées. » [traduction]

[42]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[43]           Kevin Malseed et Rebecca Wolsak (Inter Pares), Autres commentaires et réponses aux questions du Sous‑comité des droits internationaux de la personne, mai 2016.

[44]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[45]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[46]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[47]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[48]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[49]           SDIR, Témoignages, réunion no 04, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016 (U Shwe Maung).

[50]           Ibid.

[51]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[52]           International Crisis Group, Myanmar: The Politics of Rakhine State, Asia Report No. 261, 22 octobre 2014.

[53]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[54]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[55]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[56]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[57]           Ibid.

[58]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Alex Neve).

[59]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[60]           Ibid.

[61]           Ibid.

[62]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[63]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[64]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[65]           Voir : U.N. rights envoy says mob attacked his car in Myanmar, Reuters, 22 août 2013; U.N. rights chief slams Myanmar monk for 'sexist' remarks, Reuters, 21 janvier 2015.

[66]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[67]           Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel – Myanmar - Additif, Observations sur les conclusions et/ou recommandations, engagements et réponses de l'État examiné, 10 mars 2016.

[68]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[69]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[70]           Ibid.

[71]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[72]           SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[73]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[74]           SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[75]           Ibid.

[76]           Le Processus de Bali sur le trafic de migrants, la traite des êtres humains et la criminalité internationale s’y rapportant [en anglais seulement] est une tribune de concertation politique. Actuellement présidé par l’Indonésie et par l’Australie, le Processus de Bali regroupe 45 États membres et 3 organismes des Nations Unies. Le Canada n’en est pas membre, mais en est un « pays participant ». Un bureau d’appui régional a été établi en 2012 pour faciliter la coopération dans le dossier de la migration dans la région de l’Asie-Pacifique.

[77]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[78]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[79]           SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[80]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[81]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Alex Neve).

[82]           International Crisis Group, Myanmar: The Politics of Rakhine State, Asia Report No. 261, 22 octobre 2014 [traduction].

[83]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[84]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Rebecca Wolsak).

[85]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[86]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Kevin Malseed).

[87]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Alex Neve).

[88]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[89]           SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Alex Neve).

[90]           SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[91]           SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[92]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[93]           SDIR, Témoignages, réunion no 04, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016 (U Shwe Maung).

[94]           Ibid.

[95]           Nur Hasim (Canadian Burmese Rohingya Organization), mémoire présenté au Sous-comité des droits internationaux de la personne, 19 mai 2016.

[96]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[97]           SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[98]           SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[99]           SDIR, Témoignages, réunion no 04, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016 (U Shwe Maung).

[100]         Ibid.

[101]         Nur Hasim (Canadian Burmese Rohingya Organization), mémoire présenté au Sous-comité des droits internationaux de la personne, 19 mai 2016.

[102]         SDIR, Témoignages, réunion no 04, 1re session, 42e législature, 3 mai 20166 (U Shwe Maung).

[103]         Ibid.

[104]         SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[105]         SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[106]         SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[107]         Ibid.

[108]         SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[109]         SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[110]         Ibid.

[111]         SDIR, Témoignages, réunion no 05, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016 (John Sifton).

[112]         Kevin Malseed et Rebecca Wolsak (Inter Pares), Autres commentaires et réponses aux questions du Sous‑comité des droits internationaux de la personne, mai 2016.

[113]         Ibid.

[114]         Ibid.

[115]         SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[116]         Kevin Malseed et Rebecca Wolsak (Inter Pares), Autres commentaires et réponses aux questions du Sous‑comité des droits internationaux de la personne, mai 2016.

[117]         Affaires mondiales Canada, Birmanie – Projets de développement international.

[118]         SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[119]         Affaires mondiales Canada, Birmanie – Projets de développement international.

[120]         SDIR, Témoignages, réunion no 03, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016 (Evelyn Puxley).

[121]         Ibid.

[122]         SDIR, Témoignages, réunion no 06, 1re session, 42e législature, 5 mai 2016 (Chris Lewa).

[123]         Nur Hasim (Canadian Burmese Rohingya Organization), mémoire présenté au Sous-comité des droits internationaux de la personne, 19 mai 2016.

[124]         SDIR, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 42e législature, 19 mai 2016 (Abid Bahar).