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FAAE Rapport du Comité

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APPUYER LA PAIX ET LE DÉVELOPPEMENT À LONG TERME AU GUATEMALA ET EN COLOMBIE

INTRODUCTION

Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) s’est rendu au Guatemala et en Colombie du 28 août au 8 septembre 2016. Cette première mission d’étude internationale du Comité depuis le début de la 42e législature s’est déroulée dans le cadre des études qu’a entreprises ce dernier sur le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, ainsi que sur les pays ciblés pour recevoir une aide bilatérale au développement[1].

L’objet de ce déplacement du Comité était double. Premièrement, il lui offrait l’occasion d’examiner l’application du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité dans deux pays d’Amérique qui ont tous deux connu des conflits armés internes. Deuxièmement, il permettait au Comité d’entreprendre une analyse comparative de l’un des pays ciblés par le Canada pour une aide bilatérale au développement, la Colombie, et de l’un de ses pays partenaires pour le développement, le Guatemala[2]. Si ces deux thèmes d’étude ont motivé le programme du déplacement du Comité, les membres de ce dernier ont également eu l’occasion, durant ce déplacement, de s’informer sur différents autres enjeux importants, comme les initiatives de consolidation de la paix entreprises dans les deux pays.

Cela fait près de 20 ans que les accords de paix ont été signés au Guatemala pour mettre un terme à une guerre interne longue de 36 ans. Le Guatemala poursuit désormais depuis des années un processus de consolidation de la paix, mais continue d’être confronté à des problèmes de sécurité des citoyens, d’inégalité et de fragilité institutionnelle. L’impunité constitue une préoccupation générale, comme le sont également la violence et la discrimination envers les femmes. Cependant, d’importants progrès ont été observés au cours des dernières années en matière de lutte contre la corruption et d’efforts accomplis afin de faire la lumière sur le lourd passé du pays en matière d’atteintes aux droits de la personne et d’injustices. Les rencontres du Comité dans la capitale, la ville de Guatemala, de même qu’à Rabinal et Cobán, deux lieux où ont été commises certaines des pires atrocités durant le conflit armé, ont permis de confirmer la lutte que le pays ne cesse de mener pour la justice, la paix et un développement durable.

La mission du Comité en Colombie s’est déroulée quelques jours à peine après que le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) eurent annoncé qu’ils en étaient arrivés à un accord de paix global visant à mettre fin à plus de 50 années de conflit armé. Le 2 octobre 2016, cet accord a été soumis au peuple colombien lors d’un plébiscite national où il a été rejeté de justesse, avec 50,2 % des voix contre l’accord et 49,8 % en sa faveur. À la suite de pourparlers intensifs avec les FARC, au cours desquels les principales préoccupations des opposants à l’accord ont été prises en considération, un accord révisé a été annoncé le 12 novembre 2016. Cet accord ne sera pas soumis à un nouveau plébiscite, mais plutôt présenté au Congrès colombien aux fins de sa ratification. Même si le processus se poursuivait au moment où le Comité mettait la dernière main au présent rapport, il importe de souligner que le rapport ne porte pas sur les détails particuliers de l’accord de paix. Il témoigne plutôt des observations générales du Comité à l’égard de l’aide au développement dont la Colombie aura besoin à long terme dans ses efforts de rétablissement et de maintien de la paix.

Tant au Guatemala qu’en Colombie, le Comité a rencontré différents experts et acteurs, de même que des citoyens qui ont été victimes des violences qui ont sévi dans leur pays. Ces rencontres et les visites de divers lieux ont permis de mettre en évidence un vaste éventail de perspectives, dont celles des représentants et des agences du gouvernement, des organisations internationales, des membres de la communauté des donateurs, des organisations non gouvernementales (ONGs) locales et nationales, des défenseurs des droits de la personne et des militants des droits des femmes. Dans le cadre de ses travaux, le Comité a eu l’occasion de visiter un certain nombre de projets de développement en région rurale.

Le rapport qui suit présente les constatations faites par le Comité dans le cadre de sa mission au Guatemala et en Colombie. Il est divisé en trois chapitres. Les deux premiers portent sur les thèmes qui sont ressortis des rencontres et des visites sur le terrain du Comité dans chacun des pays. Ces deux chapitres comprennent des recommandations particulières dans des domaines pour lesquels le Comité juge que le gouvernement du Canada peut fournir une aide ciblée au Guatemala et à la Colombie dans le cadre de son aide au développement et d’autres politiques internationales. Le troisième chapitre réunit les observations et les conclusions plus générales du Comité relativement aux programmes canadiens de coopération en matière de développement dans les deux pays.

Rencontre avec le Groupe de travail interinstitutionnel pour les femmes, la paix et la sécurité, la ville de Guatemala, Guatemala, 31 août 2016.

Rencontre avec le Groupe de travail interinstitutionnel pour les femmes, la paix et la sécurité, la ville de Guatemala, Guatemala, 31 août 2016.

MISSION DU COMITÉ AU GUATEMALA : PRINCIPALES CONSTATATIONS

En 1996, le gouvernement du Guatemala et les groupes de guérilla ont signé des accords de paix définitifs qui ont mis fin à 36 ans (1960–1996) de conflits armés internes. Parmi les nombreuses dispositions de ces accords de paix, certaines prévoyaient un cessez-le-feu officiel, définissaient un cadre pour une réforme politique, sociale et économique, et renfermaient des engagements quant au règlement des causes sous‑jacentes du conflit, telles que la marginalisation des communautés autochtones. Une Commission de clarification historique appuyée par les Nations Unies a également été créée pour enquêter sur les atteintes aux droits de la personne, promouvoir la tolérance et préserver la mémoire des victimes du conflit[3].

Nombreux sont ceux pour qui la signature des accords de paix a représenté un instant historique pour le Guatemala qui laissait espérer un avenir plus démocratique, plus pacifique et plus inclusif. Cependant, si les accords ont réussi à éviter le déclenchement d’un nouveau conflit de grande ampleur, ils n’ont pas permis la transformation plus élargie de la société guatémaltèque que beaucoup espéraient. Les violences, c’est l’exemple le plus visible, demeurent bien trop courantes au Guatemala. Dans les années qui ont suivi la signature des accords de paix, la criminalité est devenue la première source d’insécurité pour les citoyens, notamment en raison des violences liées à la drogue et aux gangs.

Les préoccupations que suscite la sécurité des citoyens ont été abordées à de nombreuses reprises durant la visite du Comité au Guatemala, comme l’ont été également les enjeux liés au développement, aux droits de la personne, à la justice transitionnelle, à l’impunité et la corruption, et aux femmes, à la paix et à la sécurité. Les rencontres du Comité dans la capitale et ses visites sur le terrain dans les régions rurales ont mis en lumière l’important travail entrepris par les acteurs locaux et internationaux pour relever les défis internes et bâtir un pays plus sûr et plus prospère. Le chapitre qui suit expose plus en détail ces enjeux et les constatations faites.

A. Enjeux en matière de développement

Le Guatemala est, à bien des égards, un pays de contraste. C’est le pays le plus peuplé d’Amérique centrale et la première économie de la région. C’est également l’un des pays de l’Amérique latine ayant obtenu le meilleur rendement économique au cours des cinq dernières années. Cependant, le Guatemala se doit également de relever un certain nombre de défis économiques et sociaux tels qu’une pauvreté généralisée et un très haut degré d’inégalité. Bien que la Banque mondiale le classe dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, les représentants d’Affaires mondiales Canada ont indiqué au Comité que, « près de 60 % de [la] population [du Guatemala] vit dans la pauvreté et près d’un quart dans l’extrême pauvreté. De plus, de grandes inégalités sociales et économiques persistent[4]. »

La pauvreté est la plus prononcée dans les régions rurales et atteint des sommets chez les peuples autochtones, comme le Comité a pu le constater lors de sa visite des villes de Cobán et Rabinal. Le Guatemala est l’un des pays les plus inégalitaires d’Amérique latine lorsqu’il s’agit de la distribution des revenus. Selon des représentants canadiens, environ 80 % des terres arables du Guatemala sont détenues par seulement 2 % de la population[5].

La malnutrition et la mortalité maternelle sont deux exemples caractéristiques des défis en matière de développement que connaît le pays. Le Guatemala a le 4e taux de malnutrition chronique le plus élevé au monde et le plus élevé en Amérique. Environ 49 % des enfants guatémaltèques de moins de cinq ans souffrent de malnutrition[6]. Là encore, ce sont les populations rurales et autochtones qui sont les plus touchées, et ce, de façon disproportionnée. Bien que quelques progrès aient été accomplis au niveau national, le taux de malnutrition chronique a empiré dans la plupart des communautés autochtones[7].

La mortalité maternelle est une autre source de préoccupations. Le Comité s’est rendu dans la communauté de Santa Inés Chicar, située au sud de Cobán, dans le département d’Alta Verapaz. Il y a rencontré de jeunes femmes qui travaillent comme agentes de santé communautaire pour une ONG appelée TulaSalud[8]. De ses discussions avec ces agentes de santé communautaire, le Comité a appris que le Guatemala a l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés d’Amérique latine, et qu’Alta Verapaz est l’un des départements les plus touchés du pays[9]. De façon générale, on estime que le Guatemala a le troisième plus important taux de mortalité maternelle de l’Amérique latine, avec 88 décès pour 100 000 naissances vivantes[10].

Le taux de mortalité maternelle élevé dans l’Alta Verapaz est en partie dû aux inégalités d’accès aux services de santé. Les membres du Comité ont appris que les femmes autochtones sont exposées à des risques particulièrement élevés du fait que nombre d’entre elles vivent dans des régions éloignées, loin de tout hôpital ou de toute clinique. Lors de sa discussion avec les intervenants de la clinique de Santa Inés Chicar, le Comité s’est vu expliquer les efforts déployés par TulaSalud pour améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants dans le pays, en renforçant les systèmes de santé dans les lieux où les ressources sont limitées. Elle fait cela en formant des infirmières et des agentes de santé communautaire et en les dotant de technologies de l’information et de communication qui leur permettent d’assurer de meilleurs suivis, de meilleurs diagnostics et de meilleurs rapports sur les enjeux en matière de santé.

TulaSalud et d’autres organisations de la société civile comblent les lacunes de l’État dans les régions rurales du pays. Les dépenses publiques en services sociaux, y compris les soins de santé, sont, au Guatemala, inférieures à la moyenne régionale pour l’Amérique latine et à la moyenne mondiale pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Les revenus publics ne représentent qu’une part très faible du produit national brut du Guatemala. En fait, le Guatemala perçoit la plus faible part de recettes fiscales dans le monde relativement à la taille de son économie[11]. Non seulement le taux d’imposition du pays est faible, mais l’évasion fiscale est généralisée, autre facteur qui réduit les revenus publics et les investissements dans les services sociaux[12]. Un certain nombre de personnes que le Comité a rencontrées, dont des Autochtones, ont souligné le manque d’investissements publics dans les services de santé, l’eau potable, l’électricité et les infrastructures dans les régions rurales du Guatemala.

B. Préoccupations au sujet des droits de la personne

La situation des droits de la personne au Guatemala est apparue comme une préoccupation récurrente durant le voyage du Comité. Ce dernier a rencontré un certain nombre de personnes et d’organisations travaillant dans le domaine des droits de la personne, et notamment des militants des droits des femmes, des Autochtones et des avocats spécialisés dans les droits de la personne. Le sentiment général qui s’en est dégagé est qu’il s’agit d’un combat permanent pour assurer la justice et les droits pour tous, et ce, bien que deux décennies se soient écoulées depuis la fin officielle du conflit armé interne dans le pays.

La situation que connaissent les défenseurs des droits de la personne au Guatemala est particulièrement préoccupante, une constatation qui fait écho aux audiences que le Comité a tenues à Ottawa sur les femmes, la paix et la sécurité. La liberté de parole est protégée par la constitution guatémaltèque, mais le Comité a appris que les défenseurs des droits de la personne font régulièrement l’objet de menaces et d’intimidations en raison de leur travail. Les militants écologistes, et tout particulièrement ceux qui s’opposent aux grands projets agricoles, hydroélectriques ou relatifs à d’autres ressources, sont particulièrement exposés à des risques d’arrestation et de violence. Le nombre de militants écologistes détenus illégalement par la police a augmenté au cours des dernières années.

Les enjeux liés au développement des ressources et aux droits fonciers constituent des préoccupations importantes pour les communautés autochtones. Le Comité a appris qu’il n’existe pas de protection juridique, ou de reconnaissance, des droits fonciers des groupes autochtones. Qui plus est, les différends juridiques relatifs au développement agricole et aux projets relatifs aux ressources dans les régions où se trouvent des communautés autochtones ne sont pas résolus. La production d’huile de palme en est un exemple représentatif. Le Comité a été informé qu’un nombre croissant de sociétés de production d’huile de palme exploitent des régions principalement habitées par des populations autochtones. Un groupe de femmes autochtones vivant à proximité d’une plantation de palmiers à huile a expliqué que la production d’huile de palme a des répercussions négatives sur l’environnement local[13].

La violence envers les femmes a également été portée à l’attention du Comité. Le Guatemala est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les femmes et les filles. Elles y sont exposées à des taux élevés de meurtre, de violence sexuelle, de violence domestique et de traite à des fins sexuelles. De fait, le Guatemala se classe au troisième rang mondial pour le nombre de meurtres de femmes, avec une moyenne de 9,7 meurtres pour 100 000 femmes[14]. Bien que la législation guatémaltèque criminalise le viol, y compris le viol conjugal, la capacité de la police à enquêter sur les crimes de violence sexuelle et d’aider les survivantes est faible et la loi n’est pas toujours efficacement appliquée. Les statistiques sont, on le constate, aussi parlantes qu’inquiétantes : selon les estimations, sur 3 000 femmes assassinées au Guatemala depuis 2012, seuls 381 cas ont fait l’objet d’une décision judiciaire[15].

La fréquence horrifiante des violences contre les femmes a atteint un point tel que, en 2008, le Congrès guatémaltèque a adopté, à ce sujet, une Loi contre les féminicides et autres formes de violences contre les femmes. Aux termes de cette loi, le féminicide est désormais passible d’une peine de prison de 25 à 50 ans[16]. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, on a observé un nombre croissant de jugements se fondant sur cette dernière[17]. Cependant, le bureau des droits de l’homme des Nations Unies au Guatemala a découvert que les femmes vivant dans les régions rurales du pays n’ont pas bénéficié de la protection et des recours offerts par les tribunaux spécialisés mis sur pied, contrairement aux tribunaux ordinaires, car les femmes « n’ont pas accès aux juridictions spécialisées[18] ». Bien que des tribunaux spécialisés aient été créés dans des régions autres que celle de la capitale, les femmes vivant dans des régions éloignées n’y ont pas accès.

La faiblesse de la primauté du droit semble exacerber les taux de violences contre les femmes et contribuer au faible nombre d’enquêtes et de poursuites. Le Comité a visité le Bureau juridique des droits de la personne de Rabinal, où il a rencontré des avocats spécialisés en droits de la personne et des victimes du conflit armé interne au pays[19]. Cette clinique juridique a été créée pour aider les victimes d’atteintes aux droits de la personne à obtenir justice et s’assurer qu’elles soient efficacement représentées devant les tribunaux nationaux ou internationaux. Bon nombre des cas qu’a traités la clinique, y compris des cas de massacres, remontent au début du conflit interne au Guatemala, fait qui souligne à quel point la justice est lente dans ce pays. Lors de sa visite de la clinique, le Comité a appris que les violences sexuelles envers les femmes demeurent fréquentes au Guatemala[20]. De nombreuses femmes n’osent pas porter plainte de peur d’être victimisées à nouveau. Les femmes qui osent porter plainte subissent souvent un déni de justice ou des discriminations dans le système judiciaire et, de surcroît, de nombreux agresseurs tirent parti d’une culture de l’impunité. De tels problèmes systémiques ont donné naissance à une situation où les groupes vulnérables, et notamment les Autochtones et les femmes, sont dans l’incapacité de faire valoir leurs droits ou d’obtenir réparation pour ce qu’ils ont subi.

C. La lutte contre l’impunité

L’impunité est un problème qui affecte de nombreux aspects de la société guatémaltèque. Une violence endémique, la faiblesse des institutions étatiques et le manque de volonté politique sont autant de facteurs contributifs. Cependant, on a affirmé au Comité qu’il y avait quelques raisons d’espérer. Au cours des dernières années, plusieurs enquêtes et poursuites judiciaires très médiatisées se sont directement attaquées à la corruption au sein du gouvernement, au crime organisé et aux abus dans le secteur de la sécurité, ainsi qu’aux séquelles de la longue guerre qu’a connue le Guatemala.

En 2015, le président d’alors, Pérez Molina, et une ancienne vice-présidente, Roxana Baldetti, ont été impliqués dans le scandale de corruption dit de « La Linea » (la ligne), nom donné à une arnaque dans laquelle les importateurs payaient des pots‑de‑vin aux fonctionnaires pour éviter de payer des droits de douane. En mai 2015, après des manifestations de masse et des preuves reliant M. Molina et d’autres membres de son administration au système de fraude douanière, Mme Baldetti a démissionné de son poste de vice-présidente. Elle a par la suite été arrêtée. Le 1er septembre 2015, à la suite de la divulgation d’autres détails sur la fraude, le Congrès du Guatemala a convenu de retirer à M. Molina l’immunité le protégeant contre des poursuites. Deux jours plus tard, celui-ci a démissionné de la présidence et a été mis en détention[21].

Le Comité s’est vu exposer ce cas par des représentants de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), qui lui ont aussi expliqué le rôle plus large de la Commission dans les efforts entrepris pour lutter contre l’impunité et la corruption dans le pays. La CICIG est une entité indépendante créée en 2006 en vertu d’un accord entre les Nations Unies et le gouvernement du Guatemala[22]. Son mandat est d’établir l’existence d’organisations illégales et clandestines, de collaborer avec le gouvernement guatémaltèque à démanteler de telles organisations et de promouvoir enquêtes, poursuites et condamnations de ces organisations[23].

Dans le cadre de l’enquête sur « La Linea », les agents de la CICIG ont analysé plus d’un demi-million de documents, sans compter des milliers d’écoutes. Lors de leur rencontre avec le Comité, ils ont résumé le cas en déclarant qu’il constituait l’un des évènements les plus importants au Guatemala depuis la signature des accords de paix. Ils ont, en particulier, fait mention des manifestations de masse contre le gouvernement guatémaltèque qui se sont déroulées quotidiennement aux plus chaudes heures du scandale. Selon eux, cette mobilisation publique de grande ampleur constitue un « éveil politique » au sein d’une société guatémaltèque qui rejette la perniciosité de la corruption.

« La Linea » n’est que l’un des nombreux cas récents qui renforcent graduellement et cumulativement l’intégrité et la légitimité des systèmes et des institutions politiques, de sécurité et judiciaires du Guatemala. L’objectif global de ces cas, et d’autres initiatives nationales et internationales visant à renforcer les institutions du Guatemala, est de substituer à l’héritage d’impunité du pays une primauté du droit ancrée dans une gouvernance démocratique et responsable, ainsi que dans la protection des droits de la personne. On a observé une forte augmentation du nombre de cas axés sur les atteintes aux droits de la personne commis durant le conflit armé. Beaucoup de ces cas ont été plaidés par des organisations de la société civile guatémaltèque qui recherchent des occasions de « litiges stratégiques ». L’objectif de ces litiges stratégiques, comme l’a expliqué le Bureau juridique des droits de la personne de Rabinal, est d’amener certains cas particuliers de crimes contre les droits devant les tribunaux afin d’établir une jurisprudence qui mette un terme à l’impunité[24].

Le procès de l’ancien président guatémaltèque et général Efraín Ríos Montt, qui a occupé le pouvoir en 1982 et 1983, l’une des périodes les plus violentes du conflit armé[25], est un exemple de ces litiges stratégiques. En 2013, un tribunal guatémaltèque est parvenu à une décision historique en condamnant le général Montt pour génocides contre les populations autochtones mayas et pour crimes contre l’humanité. C’était la première fois qu’un ancien chef d’État était condamné pour de tels chefs d’accusation par un tribunal national. Dix jours seulement après que le verdict eut été prononcé, ce dernier a été invalidé par la Cour constitutionnelle du Guatemala pour des questions de procédure dans une décision de trois juges contre deux. Les recours en deuxième instance contre Ríos Montt ont été rétablis en juillet 2015. Cependant, en juin 2016, après de nombreuses interruptions, la première cour d’appel du Guatemala a suspendu son procès indéfiniment[26].

Bien qu’il ait finalement été invalidé, le premier verdict du procès Ríos Montt est considéré comme une victoire majeure pour la cause de la justice transitionnelle au Guatemala. Il en est de même pour le jugement du cas emblématique de Sepur Zarco. En février 2016, deux anciens officiers de l’armée ont été condamnés pour crimes contre l’humanité sous la forme d’esclavage sexuel et domestique, de même que pour plusieurs chefs d’homicide et de disparition forcée. Le cas de Sepur Zarco portait sur 15 femmes mayas q’eqchi’. C’était le premier procès pénal portant spécifiquement sur des violences sexuelles perpétrées durant le conflit armé guatémaltèque et le premier cas d’esclavage sexuel à jamais avoir été jugé par un tribunal national[27]. Les crimes ont été perpétrés à Sepur Zarco, qui est une petite communauté rurale dans le Nord-Est du Guatemala, au début des années 1980.

Les défendeurs étaient le lieutenant-colonel Esteelmer Reyes Girón, ancien commandant de la base militaire de Sepur Zarco, et Heriberto Valdez Asig, ancien commissaire militaire. Durant les quatre semaines de témoignages, les survivants et les témoins experts ont décrit en détail le type de répressions militaires menées à Sepur Zarco et dans la région, ainsi que les conséquences à long terme des violences subies par les victimes[28]. Le Tribunal à risque élevé « A » a entendu des femmes raconter comment elles ont été systématiquement violées, leurs maris victimes de disparitions forcées et leurs maisons et leurs biens détruits, de nombreuses familles étant contraintes de s’enfuir et de trouver refuge dans les montagnes, où beaucoup sont mortes de faim et de froid[29]. Les défendeurs ont été reconnus coupables de tous les chefs d’accusation et condamnés respectivement à 120 et 240 ans de prison.

À Cobán, le Comité a rencontré cinq femmes mayas q’eqchi de la communauté de Sepur Zarco ayant survécu à ces violences sexuelles. Ont participé aux discussions de nombreux groupes de la société civile ayant soutenu ces femmes, et notamment le Project Counselling Service, Mujeres Transformando el Mundo et l’Unión Nacional de Mujeres de Guatemala. Ces femmes, qui ont partagé leurs témoignages individuels avec le Comité, ont décrit les injustices horribles qu’elles-mêmes et leurs communautés ont subies. Elles ont décrit l’exploitation sexuelle, la violence, les mauvais traitements psychologiques et l’esclavage. Beaucoup de femmes ont perdu leur mari, leurs frères et d’autres membres de leur famille[30].

Rencontre avec des femmes mayas q’eqchi de la communauté de Sepur Zarco, Cobán, Guatemala, 30 août 2016.

Rencontre avec des femmes mayas q’eqchi de la communauté de Sepur Zarco, Cobán, Guatemala, 30 août 2016.

Les femmes qui ont participé au procès de Sepur Zarco ont eu à prendre la décision difficile de demander justice après tant d’années. Le Comité a appris qu’elles avaient fait l’objet d’intimidations et de menaces et avaient trouvé pénible de revenir sur cette expérience horrible. Mais, finalement, ces femmes ont ressenti le besoin impérieux de « mettre un visage sur les injustices du passé » et de faire tomber les barrières juridiques afin que d’autres victimes de violences puissent se manifester et s’exprimer[31]. Leur courage permettra également d’établir une importante jurisprudence au Guatemala.

Le procès de Sepur Zarco constitue donc une victoire à la fois symbolique, juridique, politique et personnelle. Ses ramifications, pour la société guatémaltèque, pourraient être majeures à long terme. Les demandes de réparations sont de plus en plus nombreuses, comme le sont également les attentes à l’égard du gouvernement en matière d’aide aux survivants de tels crimes. Au-delà des considérations juridiques, les femmes avec qui le Comité a discuté ont également souligné l’importance d’une plus grande sensibilisation à l’état actuel de leurs communautés. Elles ont évoqué des conditions de pauvreté et de négligence, et notamment le manque d’investissement dans les écoles, les hôpitaux et l’infrastructure de base.

Malgré les cas très médiatisés abordés dans la présente section du rapport, le Guatemala, dans sa lutte contre l’impunité, a encore de grands défis à relever. La présence de l’État dans les régions éloignées est limitée et les institutions étatiques sont incapables d’y faire respecter la primauté du droit. Selon les représentants de la CICIG, le Bureau du procureur général n’assure une présence que dans 10 % du pays[32]. Le Comité s’est également vu déclarer que la police éprouve des difficultés à assurer une présence dans les régions éloignées du pays, comme dans le département de Petén, en raison de la présence du crime organisé.

Le Guatemala, comme cela a déjà été souligné, est l’un des plus violents pays d’Amérique latine[33]. Bon nombre des groupes qui alimentent la violence et l’instabilité qui ravagent le pays tirent parti de la corruption. Assurer la sécurité des personnes et, notamment, des lanceurs d’alerte qui dénoncent les crimes et les activités illicites, de même que la sécurité des personnes qui enquêtent, poursuivent et jugent ces cas, constitue donc une préoccupation primordiale. L’actuel procureur général du Guatemala, de même que le précédent, a fait l’objet de menaces et de harcèlement. Les membres du Comité ont appris cet état de fait de la bouche même du juge Miguel Ángel Gálvez, président du Tribunal à risque élevé « B » du Guatemala, qui a également reçu des menaces de mort[34].

Le Comité est fermement convaincu que le Canada doit continuer d’appuyer le Guatemala dans ses efforts pour s’attaquer à l’impunité et bâtir une société juste pour toute la population guatémaltèque. Le Guatemala est sur la bonne voie et doit poursuivre ses efforts. La CICIG est, à cet égard, une partenaire essentielle. Depuis 2008, le Canada a accordé 18 millions de dollars en appui à la CICIG et le Comité est d’avis que cet appui devrait se poursuivre[35]. Néanmoins, le Comité est pleinement conscient que, si le mandat de la CICIG a été prolongé jusqu’en 2019, et pourrait l’être à nouveau, il ne le sera pas indéfiniment.

Le rôle de la CICIG au sein de la société guatémaltèque doit être vu en perspective. Prenant la pleine mesure de toutes les préoccupations qui lui ont été exprimées, le Comité est désormais conscient, comme il l’a été tout au long de son étude sur les femmes, la paix et la sécurité, que des résultats durables et des changements réels nécessitent une action locale. L’éradication de l’impunité et l’établissement d’une paix et d’une justice solides dépendent en dernier ressort des efforts, de l’engagement et du sens de l’initiative des organisations et des acteurs locaux. Des progrès en la matière requièrent également une assise institutionnelle : des partis politiques et des organisations de la société civile fonctionnels disposant de ressources suffisantes, des systèmes de santé et d’éducation de grande qualité accessibles à tous et un système judiciaire indépendant, le tout assorti d’une gouvernance responsable et imputable. Renforcer la capacité de tels acteurs et institutions afin de répondre aux besoins et de mener à bien le travail mis de l’avant dans le présent rapport devrait donc constituer une composante intrinsèque de la coopération en matière de développement du Canada avec le Guatemala.

RECOMMANDATION 1

Le gouvernement du Canada devrait continuer d’appuyer la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala.

RECOMMANDATION 2

Le gouvernement du Canada devrait fournir un appui direct aux organisations de la société civile locales – ainsi qu’à leurs partenaires de la société civile canadienne – qui œuvrent à la lutte contre l’impunité, au renforcement de la primauté du droit, à l’avancement des droits et de l’autonomisation des femmes, à la lutte contre les violences sexuelles et fondées sur le sexe, à la reconnaissance des droits des Autochtones et à leur inclusion, ainsi qu’à la poursuite de la justice transitionnelle au Guatemala.

D. Les femmes, la paix et la sécurité

Évaluer la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité[36] dans un contexte d’après-conflit était l’une des principales raisons de ce déplacement du Comité au Guatemala. Une telle étude de cas était importante pour plusieurs raisons. Le conflit qu’a connu le pays durant 36 années a eu des répercussions dévastatrices et disproportionnées pour les femmes. Ce conflit s’est achevé au terme d’un processus de paix auquel ont participé, bien que non uniformément, des femmes. Après 20 ans, la mise en œuvre des accords de paix demeure incomplète et les femmes continuent de subir des violences et l’exclusion. Le déplacement du Comité lui a permis d’examiner ces enjeux avec plus de détail et du point de vue des femmes guatémaltèques et des dirigeants de la société civile. Même si la présente section du rapport porte sur le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, certaines des constatations du Comité s’y rapportant ont déjà été abordées ci-dessus, notamment l’héritage de violence sociétale au Guatemala et la nécessité permanente d’y juguler la corruption, d’y réduire les inégalités et d’y garantir la primauté du droit.

La situation du Guatemala, pour ce qui est des femmes, de la paix et de la sécurité, est souvent examinée du point de vue de la participation des femmes au processus de paix de 1991‑1996, qui a culminé par la signature des accords de paix. Des organisations de la société civile et des mouvements populaires dirigés par des femmes se sont engagés dans le processus de paix au Guatemala par l’intermédiaire d’une entité de la société civile créée pour faire des propositions et des recommandations non contraignantes aux équipes de négociation officielles du gouvernement du Guatemala et de l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque. Cependant, seules deux femmes faisaient partie des équipes de négociation proprement dites[37].

En fin de compte, certaines, mais non toutes les questions jugées prioritaires par des femmes de la société civile ont été traitées dans les accords de paix. L’Accord sur les aspects socio-économiques et la situation agraire (1996), par exemple,  mettait l’accent sur l’importance de la participation active des femmes dans le développement économique et social du Guatemala et la nécessité, pour l’État, de promouvoir l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes et de reconnaître l’égalité des droits entre hommes et femmes au foyer, dans les milieux de travail et les secteurs productifs, ainsi que dans la sphère sociale et politique[38]. D’autres questions et propositions que des femmes de la société civile jugeaient prioritaires, cependant, ont été soit éludées soit vidées de leur substance dans les accords de paix. Par exemple, l’Accord relatif à l’identité et aux droits des populations autochtones ne dit rien d’explicite sur les violences sexuelles attribuables au conflit ni sur les problèmes d’accès à la justice pour les victimes, dont beaucoup sont des femmes autochtones[39].

Durant son séjour au Guatemala, le Comité a rencontré plusieurs organisations et militants des droits des femmes qui lui ont exposé tout un éventail de points de vue sur la question. Certains ont mentionné les aspects positifs des accords. Le Comité a par exemple appris que le Guatemala se distingue par l’importance du contenu axé sur l’égalité des sexes qui a été inclus dans les accords de paix. La participation des organisations de la société civile dirigées par des femmes au processus de paix a également été soulignée. Sans la contribution de ces groupes, il est fort probable que les accords finaux auraient été beaucoup moins inclusifs et soucieux de l’égalité des sexes.

Un certain nombre de personnes, cependant, ont déclaré au Comité que les promesses des accords de paix ne se sont pas encore totalement concrétisées. Bien que les accords, par exemple, criminalisent les violences sexuelles et le harcèlement, les violences fondées sur le sexe sont encore endémiques dans le pays. Comme indiqué plus haut, le Guatemala a l’un des taux de féminicide les plus élevés au monde. Qui plus est, bien que les accords promettent de promouvoir la participation des femmes au gouvernement et à l’administration publique, le Comité a appris que les femmes continuent d’être sous‑représentées aux postes de pouvoir. Seules 22 des 158 membres du Congrès élu lors des dernières élections sont des femmes, et seule une femme siège parmi les 14 membres du Cabinet[40].

À Guatemala, le Comité a rencontré le groupe responsable de l’établissement, au Guatemala, d’un plan national d’action relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Le Groupe de travail interinstitutionnel pour les femmes, la paix et la sécurité est composé de représentants des organismes, ministères et institutions de sécurité du gouvernement, de même que de représentants de la société civile et d’organisations internationales. ONU Femmes, le ministère des Affaires étrangères, le ministère public et l’Institut d’éducation et de développement durable (une organisation de la société civile ayant pour mandat de promouvoir la recherche et d’appuyer la mise en œuvre d’activités de consolidation de la paix au Guatemala) comptent parmi les représentants qui ont rencontré le Comité[41].

Le Guatemala est sur le point d’achever ce plan national d’action. Bien que le plan ne soit pas encore finalisé, le Comité a appris que ce dernier s’appuiera sur des piliers qui répondent aux besoins des femmes en matière d’autonomisation et de pouvoirs, de droits de la personne et de participation à la consolidation de la paix. Le plan devrait également traiter de la nécessité de garantir des réparations aux femmes qui ont subi des violences durant le conflit armé interne et d’appuyer la justice transitionnelle. Il comprendra également des mécanismes de suivi et d’évaluation afin de garantir sa mise en œuvre.

Il n’est pas sûr que le plan national d’action du Guatemala bénéficie d’un budget propre. On a expliqué au Comité qu’allouer un budget au plan nécessiterait l’approbation du Congrès guatémaltèque. Les contraintes budgétaires nationales et une impasse législative au Congrès, cependant, pourraient rendre difficile l’approbation d’un tel budget. Certains membres du Groupe de travail interinstitutionnel ont néanmoins souligné l’importance de disposer d’un budget propre. D’autres sont d’un avis différent, affirmant que chaque ministère ou organisme du gouvernement ayant des responsabilités en vertu du plan d’action devrait allouer une partie de son propre budget aux programmes relatifs aux femmes, à la paix et à la sécurité.

De façon générale, tous s’entendent plus ou moins sur le fait qu’un type différent d’investissement serait utile au succès de tout plan d’action national adopté par le pays. Plusieurs acteurs ont souligné que le gouvernement guatémaltèque se doit de faire preuve de volonté et d’initiatives politiques au regard du programme relatif aux femmes, à la paix et la sécurité pour que ce dernier soit mis en œuvre de manière efficace et uniforme. Le Comité s’est vu déclarer que le gouvernement guatémaltèque, qui a exprimé internationalement son appui au programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, doit encore traduire ses engagements internationaux en des politiques nationales. D’aucuns affirment qu’un aval présidentiel au plan d’action national constituerait un geste décisif pour réaffirmer l’appui du gouvernement au programme.

Reprenant en cela les recommandations de son récent rapport sur les femmes, la paix et la sécurité, le Comité est d’avis que la volonté politique et des initiatives de haut niveau sont essentielles au succès des plans d’action nationaux, comme le sont un financement ciblé et un engagement à long terme en matière de mise en œuvre. Les témoins ont souligné beaucoup de ces mêmes enjeux durant les audiences tenues à Ottawa par le Comité[42]. Bien que chaque plan d’action national doive être adapté au contexte local, les pays peuvent apprendre de leurs expériences réciproques et s’entraider dans le cadre du processus d’institutionnalisation des normes et des engagements que le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité met de l’avant. À cet égard, le Comité croit que le gouvernement du Canada devrait rechercher les occasions d’établir un dialogue avec le Guatemala sur l’établissement et la mise en œuvre de son plan national d’action. Étant donné que le Canada est sur le point de renouveler son propre plan d’action, c’est l’occasion d’une telle coopération.

RECOMMANDATION 3

Le gouvernement du Canada devrait rechercher les occasions d’établir un dialogue avec le gouvernement et les organisations de la société civile du Guatemala sur le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité et, notamment, en appuyant l’établissement et la mise en œuvre du plan d’action national guatémaltèque.

MISSION DU COMITÉ EN COLOMBIE : PRINCIPALES CONSTATATIONS

Le Comité a effectué sa mission en Colombie à un moment important de l’histoire du pays. En effet, quelques jours à peine avant la visite du Comité, le gouvernement de la Colombie et les FARC ont annoncé la conclusion d’un accord de paix global en vue de mettre fin à plus de 50 ans de conflit armé[43]. L’annonce était historique, en ce sens que le conflit déchirant la Colombie était le dernier conflit non résolu en cours dans les Amériques qui datait du XXe siècle, époque où les insurrections et la violence politique régnaient dans l’hémisphère. L’accord était l’aboutissement de quatre années de négociations intenses tenues à La Havane, à Cuba. Au titre des dispositions de mise en œuvre, les deux parties ont accepté que l’accord de paix définitif fasse l’objet d’un plébiscite national. Le plébiscite a eu lieu le 2 octobre 2016 après une cérémonie de signature tenue à Cartagena le 26 septembre 2016. Le Comité avait alors quitté le pays quelques semaines plus tôt.

Les campagnes nationales pour et contre l’accord de La Havane battaient leur plein lors du passage du Comité en Colombie. Bon nombre des réunions du Comité ont d’ailleurs porté sur les rouages du processus de paix et les prochaines étapes de la mise en œuvre de cet accord qui a rallié des appuis partout dans le monde, notamment aux Nations Unies, aux États-Unis et au Canada. Or, à l’issue d’un vote serré de 50,2 % contre 49,8 %, les Colombiens l’ont rejeté. Ses opposants ont tout particulièrement décrié ses dispositions sur la justice transitionnelle et la participation des FARC au système politique colombien[44]. La participation au scrutin n’a pas été très élevée : moins de 38 % de l’électorat s’est rendu aux urnes.

À la suite de nouvelles discussions, le gouvernement de la Colombie et les FARC ont annoncé le 12 novembre 2016 qu’ils s’étaient entendus sur un accord de paix révisé[45] qui semble répondre à certaines des préoccupations soulevées par les opposants à l’égard de l’accord rejeté lors du plébiscite d’octobre 2016[46]. Le nouvel accord sera présenté au Congrès aux fins de sa ratification et non pas soumis à un autre vote populaire. Même si les dispositions particulières de ce nouvel accord continueront de faire l’objet de débats, la visite du Comité a permis de faire la lumière sur les importants défis que devra tout de même relever la Colombie en matière de consolidation de la paix et de développement. Le présent chapitre du rapport porte d’ailleurs sur ces défis.

Le Comité a surtout tenu ses réunions dans la capitale, Bogotá, mais il s’est aussi rendu sur le terrain, à Villavicencio, petite ville du département de Meta et ancien fief des FARC. À Bogotá, le Comité a rencontré des représentants du gouvernement, notamment le ministre-conseiller pour les Situations d’après-conflit, les Droits de la personne et la Sécurité, et le ministre des Affaires étrangères, ainsi que des représentants de l’Agence présidentielle de coopération internationale. Il a aussi eu des discussions avec des représentants d’organismes internationaux, comme ONU Femmes, et d’organisations de la société civile présentes sur le terrain au sujet de questions liées à l’égalité des sexes et à la consolidation de la paix. Lors de son déplacement de deux jours à Villavicencio et dans les environs, le Comité a visité des projets financés par le Canada portant sur le développement économique rural et il a rencontré des représentants d’organismes de mise en œuvre et des intervenants locaux. Les membres du Comité ont aussi pris connaissance du processus de réinsertion en discutant avec des anciens combattants dans un centre de réinsertion. Dans l’ensemble, le Comité s’est penché sur ses deux domaines prioritaires, soit l’aide canadienne au développement et le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, sous l’angle du processus de paix de la Colombie.

A. Le paradoxe des « deux Colombie »

La Colombie est une démocratie bien établie et un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure dont l’économie est en pleine croissance et les institutions, stables, et qui a des aspirations régionales et mondiales. Or, elle est aussi un pays touché par un conflit et affligé par la pauvreté, l’inégalité des revenus, les disparités en matière de développement, le trafic des stupéfiants et les déplacements internes. Voilà l’essence même de sa contradiction. En fait, le Comité a découvert qu’il existe « deux Colombie ». Le pays est un amalgame complexe d’expériences, de réalités et de géographie. De nos jours, la Colombie n’est plus dominée par le conflit et le sous-développement, mais, n’ayant pas encore rétabli la paix et la prospérité à grande échelle, elle n’en est pas libérée pour autant.

La Colombie est généralement considérée comme étant une réussite économique. Au cours de la dernière décennie, elle a affiché l’un des meilleurs rendements économiques en Amérique latine et représente désormais la quatrième économie en importance dans la région après le Brésil, le Mexique et l’Argentine. La mise en œuvre de politiques macroéconomiques saines, l’amélioration du contexte de sécurité et l’accroissement des investissements directs étrangers ont tous contribué à la forte performance économique de la Colombie. La pauvreté a également perdu beaucoup de terrain dans le pays. Près de 6,7 millions de personnes en auraient sorti de 2002 à 2014[47].

De l’autre côté de ce portrait économique se trouve l’autre Colombie. Selon des représentants canadiens, près de 28 % de la population colombienne, soit près de 13 millions de personnes, vit sous le seuil de pauvreté[48]. Les disparités n’en sont que plus frappantes lorsqu’on les ventile par région rurale et par région urbaine. Selon la Banque mondiale, près de 41 % de la population vivant dans les régions rurales de la Colombie vit sous le seuil de pauvreté, par rapport à près de 24 % de la population vivant dans les centres urbains[49]. L’inégalité des revenus est généralement prononcée. D’après des données de la Banque mondiale disponibles pour 2013, la Colombie se classe parmi les quatre pays les plus fortement touchés par les inégalités dans le monde, derrière l’Afrique du Sud, Haïti et le Honduras[50]. C’est dans les régions et les villes pauvres du pays que le conflit a fait le plus de ravages.

La violence, la criminalité et les violations des droits de la personne, qui ont notamment pris la forme d’assassinats et d’enlèvements ciblés, ont été omniprésentes dans le pays durant les 50 années qu’a duré le conflit. Bon nombre de femmes et de filles ont aussi été victimes de violence sexuelle et fondée sur le sexe. Cette question est d’ailleurs traitée en détail dans la dernière section du présent chapitre sur les femmes, la paix et la sécurité. Il n’est pas facile de résumer l’incidence de décennies de conflit armé en quelques chiffres. Néanmoins, plusieurs données se démarquent et permettent de faire comprendre le mal et la destruction causés par le conflit. Ce dernier aurait fait 220 000 morts, dont 80 % sont des civils. La Colombie, qui compte plus de six millions de personnes déplacées, occupe le deuxième rang mondial des pays ayant la plus forte population déplacée, après la Syrie. Elle compte également le plus grand nombre de victimes de mines terrestres du monde après l’Afghanistan[51].

La violence découle non seulement du conflit entre le gouvernement de la Colombie et les FARC, mais aussi d’autres conflits qui se chevauchent, notamment ceux opposant les groupes armés illégaux, comme les groupes paramilitaires et les autres forces de guérilla, et ceux opposant des organisations de narcotrafiquants et l’État. Le trafic de stupéfiants auquel se livrent les organisations criminelles et les opérations de lutte contre les stupéfiants organisées par l’armée colombienne ont fait beaucoup de victimes dans certaines des régions les plus pauvres du pays.

B. Les perspectives de paix

Au moment où le Comité a effectué son déplacement, les « deux Colombie » venaient en tête de liste des priorités de la population. Plusieurs ont souligné la nécessité d’instaurer une paix durable pour atténuer les disparités et apaiser les divisions dans le pays. Il est nécessaire de rapprocher le centre de la Colombie et les régions rurales se trouvant en périphérie.

Le Comité a appris, lors de ses réunions et de ses visites sur le terrain, que la paix, une fois réalisée, pourrait créer des possibilités économiques importantes pour la Colombie. C’est ce qu’on appelle le « dividende économique » de la paix. Selon l’Agence présidentielle de coopération internationale, l’agence gouvernementale chargée de gérer l’aide internationale, le dividende économique de la paix pourrait se traduire par une croissance annuelle du produit intérieur brut du pays de 1,1 à 1,9 points de pourcentage[52]. On estime qu’un règlement de paix définitif augmenterait la confiance des consommateurs, des entreprises et des investisseurs, ce qui favoriserait la croissance économique, les échanges commerciaux et l’investissement direct étranger.

Plus particulièrement, la paix permettrait de s’attaquer aux problèmes de développement dans les régions rurales du pays. Des entreprises de ressources naturelles du secteur privé ont confié au Comité que les régions rurales de la Colombie recèlent un « potentiel inexploité »[53]. D’autres ont dit la même chose des secteurs de l’agriculture et des infrastructures. L’accroissement du tourisme pourrait aussi contribuer à la croissance économique dans un scénario d’après-conflit. La Colombie est le deuxième pays du monde après le Brésil pour ce qui est de la biodiversité. La paix pourrait ouvrir les régions rurales du pays auparavant trop dangereuses à visiter, notamment les parcs nationaux, à l’écotourisme et au tourisme faunique.

Générer et maintenir une croissance économique dans les régions rurales du pays, une croissance dont profiteraient les pauvres et les personnes marginalisées, représente toutefois un défi de taille. Le sous‑développement rural est l’un des plus grands héritages du conflit armé en Colombie. De vastes étendues de la Colombie rurale ont pendant longtemps été inaccessibles à l’État et n’ont pas profité de la croissance économique observée dans d’autres régions du pays. La durée prolongée du conflit armé, combinée à l’absence de débouchés économiques, a incité bon nombre d’habitants de ces régions à se tourner vers des activités économiques illicites, comme la culture du coca, pour survivre. Comme l’a appris le Comité, bon nombre des personnes vivant dans les régions rurales de la Colombie n’ont pas accès à des services de base, comme l’eau, l’assainissement, les hôpitaux et les écoles. En outre, plus on s’éloigne des principaux centres urbains, moins il est possible d’avoir d’accès à des services de justice et de police de qualité.

L’inclusion financière est un autre enjeu touchant les régions rurales de la Colombie auquel il faut s’attaquer, surtout pour les femmes et les jeunes. Le thème est ressorti des discussions du Comité avec des représentants d’organismes chargés de mettre en œuvre des projets de développement financés par le Canada. Par exemple, selon Développement international Desjardins, il faut officialiser le système financier dans les régions rurales et mieux l’adapter aux besoins des personnes qui y vivent[54]. À cet égard, le Comité a appris que l’accès à des services de microcrédit responsable pourrait être un outil très utile en vue de réduire la pauvreté et de favoriser le développement économique durable dans les régions rurales.

L’ampleur des défis du pays en matière de développement rural a été soulignée lors de la rencontre du Comité avec Rafael Pardo, ministre-conseiller de la Colombie pour les Situations d’après-conflit, les Droits de la personne et la Sécurité. Selon ce dernier, il pourrait falloir jusqu’à 20 ans et des ressources considérables pour élever le niveau de vie des personnes vivant dans les régions rurales à celui de celles vivant dans les régions urbaines du pays. Parallèlement, le ministre-conseiller Pardo a exprimé, au nom du gouvernement de la Colombie, le désir clair d’investir dans l’infrastructure rurale, d’offrir les services de l’État dans les campagnes et d’aider les habitants de ces régions à sortir de la pauvreté. Il a aussi fait observer que le gouvernement de la Colombie souhaitait conclure des partenariats avec des entreprises locales et internationales du secteur privé afin de bâtir les économies rurales, notamment en offrant des incitatifs fiscaux aux entreprises faisant la promotion du développement commercial dans les régions rurales[55].

Le Comité a été à même de constater en quoi les conditions de paix peuvent avoir un effet positif sur le développement économique rural. À San Martin de Los Llanos, petite ville située tout juste au sud de Villavicencio, dans le département de Meta, le Comité a visité une exploitation agricole de melons d’eau financée par le gouvernement du Canada par le truchement de son partenariat avec Socodevi, une ONG canadienne. Socodevi finance un projet appelé Procompite qui vise à améliorer les conditions de vie des habitants des régions rurales en renforçant la compétitivité des associations rurales[56].

L’une de ces associations, Asosandia, s’efforce de favoriser le développement social par l’intermédiaire de la production et de la vente de melons d’eau. Les membres d’Asosandia ont indiqué que leur entreprise avait connu un essor important au cours de la dernière année grâce en partie au soutien du projet Procompite. L’association Asosandia est dans les faits devenue la plus importante productrice de melons d’eau de la Colombie et envisage actuellement la possibilité d’exporter sur les marchés internationaux[57].

Visite d’une exploitation agricole de melons d’eau financée par le Canada par le truchement du projet <em>Procompite</em>, San Martin de Los Llanos, Colombie, 2 septembre 2016.

Visite d’une exploitation agricole de melons d’eau financée par le Canada par le truchement du projet Procompite, San Martin de Los Llanos, Colombie, 2 septembre 2016.

Comme le Comité l’a appris, la réussite d’Asosandia n’aurait pas été au rendez‑vous il y a quelques années à peine. Meta est l’un des départements les plus touchés par le conflit en Colombie, et ce sont dans les régions situées près de San Martin de los Llanos que les FARC et d’autres groupes armés se sont toujours établis[58]. Au cours des dernières années, toutefois, la sécurité s’y est grandement améliorée, et la région commence à profiter des investissements accrus effectués dans les terrains, les immobilisations et les technologies. Les membres d’Asosandia ont confié au Comité que l’amélioration des conditions de sécurité avait permis à leur organisation de réussir et de créer des emplois pour des centaines de personnes vivant dans la région de San Martin de los Llanos.

C. Le défi de la paix

Comme il est indiqué dans la section précédente, la mission du Comité a fait ressortir l’immense potentiel de la paix. Parallèlement, le Comité a appris que, si les conditions de sécurité se sont améliorées dans certaines régions du pays, il ne faut pas oublier que le conflit continue de faire sentir ses effets dans bon nombre d’autres régions. La section suivante porte sur deux des défis que devra relever la Colombie pour passer à une ère d’après-conflit. Le premier est la sécurité dans les régions rurales, le deuxième, la réinsertion des anciens combattants. Le Comité croit que le Canada peut fournir une aide ciblée dans ces deux domaines.

1. Le déficit de sécurité dans les régions rurales

L’un des défis à relever dans la Colombie de l’après-conflit sera d’assurer la sécurité dans les régions rurales. La Colombie rurale a été, comme il est mentionné, l’épicentre du conflit armé. C’est là que les FARC et les autres groupes de guérilla, ainsi que les organisations paramilitaires, ont établi leur base politique et où la vaste majorité de la culture de coca se pratique. Le Comité a appris que la situation relative à la sécurité dans les régions rurales de la Colombie est toujours précaire en dépit de l’amélioration des conditions ces dernières années.

Si un accord de paix est ratifié, la démobilisation des FARC pourrait entraîner le réalignement des acteurs criminels dans les régions rurales de la Colombie. Par exemple, le deuxième groupe de guérilla en importance dans le pays, l’Armée de libération nationale (ELN), pourrait voir dans la démobilisation des FARC l’occasion de mettre la main sur les terres et les biens traditionnellement détenus par ce groupe rebelle. L’ELN mène des pourparlers avec le gouvernement de la Colombie en vue de conclure un accord de paix distinct, mais les chances qu’elle en arrive à un règlement négocié sont incertaines[59]. Si les pourparlers échouent, l’ELN pourrait vouloir prendre le contrôle du lucratif commerce de la drogue dans le pays, une activité à laquelle les FARC s’adonnent depuis longtemps[60]. D’autres acteurs armés, notamment les groupes criminels qu’on appelle BACRIM (de l’espagnol bandas criminales), voudront peut-être aussi se placer en position de combler le vide en matière de sécurité créé par la démobilisation des FARC.

La sécurité des citoyens dans les régions rurales de la Colombie est aussi compromise par la prolifération des mines terrestres, autre héritage du conflit. La Colombie est le deuxième pays du monde le plus miné. Depuis 1990, 11 000 personnes ont été victimes des mines[61]. Ces dernières sont présentes dans quelque 65 % des 1 123 municipalités du pays[62]. À Villavicencio, le Comité a rencontré le HALO Trust, une ONG spécialisée dans la destruction des mines terrestres antipersonnel et des munitions non explosées. Son personnel a expliqué au Comité que les mines continuent de détruire une bonne partie des régions rurales de la Colombie, dévastant les communautés locales, freinant le développement agricole et économique, et empêchant le retour de bon nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il est clairement ressorti de cette rencontre que les régions récemment sorties du conflit ou étant toujours touchées par celui-ci ont grandement besoin d’être déminées, ce qu’on arrive difficilement à faire pour le moment[63].

Plusieurs spécialistes ont insisté sur le fait que les forces policières de Colombie doivent jouer un rôle beaucoup plus important dans l’établissement et le maintien de la paix dans les régions rurales du pays. Le Comité s’est rendu dans le troisième poste de police en importance de Bogotá, où il a rencontré des agents de la Force nationale de police de Colombie de même qu’un représentant de la Fundación Ideas para la Paz, un centre de recherche indépendant dont les travaux portent essentiellement sur la consolidation de la paix. Pendant la rencontre, le Comité a appris que les forces policières de Colombie opèrent actuellement une transition : au lieu de se préparer au conflit, elles se préparent à la paix[64]. Dans le cadre du passage du pays de la gestion du conflit à l’application de la loi, les forces policières cherchent à accroître leur présence dans les régions du pays touchées par le conflit où elles ont toujours été absentes.

Une étape clé pour les agents d’application de la loi consistera à gagner la confiance des populations locales. Le représentant de la Fundación Ideas para la Paz a insisté auprès du Comité sur le fait que bon nombre des personnes vivant dans les régions rurales et les régions touchées par le conflit s’étaient pendant longtemps senties négligées par l’État. Voilà pourquoi les forces policières de la Colombie entendent lancer une campagne de recrutement afin d’accroître leur présence dans les régions rurales. Le Comité a appris que 40 000 nouveaux policiers doivent être embauchés à l’échelle du pays. Dans le cadre de cette campagne, la police cherchera à recruter dans les régions, notamment des femmes et des membres de minorités ethniques. Des anciens combattants pourraient aussi être embauchés, à condition qu’ils suivent les programmes de réinsertion et la formation nécessaires.

Le Comité a appris que le Canada pourrait jouer un rôle dans les efforts de la Colombie visant à assurer la sécurité dans les régions rurales. Le ministre-conseiller Pardo a dit souhaiter conclure un partenariat avec le Canada sur la question de la police rurale. Il a fait allusion au travail de la Gendarmerie royale du Canada et à la possibilité d’envisager des occasions de formation et d’aide au renforcement des capacités.

Le Comité croit que la résorption du déficit de sécurité dans les régions rurales de la Colombie sera essentielle au processus de paix à long terme du pays et que le Canada a une importante expertise à offrir à cet égard. Il souhaite ainsi que le Canada offre une aide ciblée à ces initiatives.

RECOMMANDATION 4

Le gouvernement du Canada devrait envisager d’aider la Police nationale de Colombie dans ses efforts en vue de renforcer les services de police dans les régions rurales, notamment par l’intermédiaire d’initiatives de formation.

2. La réinsertion des anciens combattants

Le Comité a entendu parler en détail de la réinsertion des anciens combattants dans la vie civile. Le processus général ne se limite pas seulement aux FARC ni n’est lié exclusivement aux négociations de paix de La Havane. En fait, la Colombie a mis en place un processus de réinsertion des anciens combattants appartenant à un certain nombre de groupes armés, notamment les FARC, l’ELN et d’autres organisations de guérilla et paramilitaires, il y a de nombreuses années.

Lors de sa visite sur le terrain à Villavicencio, le Comité a rencontré l’Agence colombienne pour la réinsertion (ACR), l’agence gouvernementale chargée de concevoir et de coordonner la politique de l’État sur la réinsertion sociale et économique des membres démobilisés, que ce soit à titre individuel ou collectif, des groupes armés illégaux. L’ACR collabore avec le ministère de la Défense, qui assume la responsabilité générale du désarmement et de la démobilisation des anciens combattants. Depuis 2003, quelque 58 000 combattants de groupes paramilitaires, des FARC, de l’ELN et d’autres groupes armés se sont démobilisés[65]. Pour bon nombre d’entre eux, la réinsertion dans la vie sociale et économique normale est d’autant plus décourageante qu’ils se sont engagés dans le conflit vers l’âge de 13 ans en moyenne.

Le programme de réinsertion de l’ACR est un processus en plusieurs étapes s’enclenchant dès que les combattants déposent les armes et que le Comité opérationnel pour le dépôt des armes de la Colombie les juge « démobilisés »[66]. Il leur faut parfois jusqu’à six ans pour réussir le programme. Pendant cette période, les anciens combattants reçoivent de l’aide et du soutien dans un certain nombre de domaines, notamment du soutien psychosocial, des soins de santé, des services d’éducation et de la formation professionnelle. Aux dernières étapes du processus, ils ont aussi droit à un incitatif économique afin d’améliorer leur employabilité et de toucher un revenu. On dit des participants réussissant le processus qu’ils sont « diplômés ». Ils reçoivent d’ailleurs un diplôme. Le Comité a appris qu’au cours des 13 dernières années, l’ACR a aidé plus de 32 000 anciens combattants; de ce nombre, plus de 13 000 ont réussi son programme. Selon elle, 80 % de ces diplômés occupent actuellement un emploi[67].

Le Comité a eu l’occasion de visiter une « maison de la paix », soit l’un des premiers endroits où les participants au processus entament leur réinsertion sociale. Les membres du Comité ont rencontré directement des anciens combattants des FARC et de l’ELN, ainsi que des anciens combattants de deux plus petits groupes armés. Les expériences dont ces derniers leur ont fait part se sont avérées enrichissantes et pleines d’émotions. Les membres ont appris ce qui avait amené ces personnes à se joindre aux groupes armés et les circonstances qui leur avaient permis d’en sortir. Certains anciens combattants étaient impliqués dans le conflit depuis aussi peu que six mois ou un an, tandis qu’un d’entre eux avait fait partie d’un groupe armé pendant plus de 21 ans. Certaines personnes ont confié au Comité qu’elles avaient l’impression d’avoir subi un lavage de cerveau de la part des groupes de guérilla, qui les empêchaient d’obtenir de l’information et d’entretenir des liens avec des personnes de l’extérieur. Certaines d’entre elles ont avoué craindre l’avenir et se repentir du passé. D’autres étaient optimistes et ont dit souhaiter une meilleure vie et un meilleur avenir pour leurs enfants et leur famille.

Le Comité a aussi rencontré des anciens combattants au bureau de l’ACR à Villavicencio, qui étaient rendus plus loin dans le processus de réinsertion. Il a alors pris connaissance des défis pratiques associés à la réinsertion dans la vie civile, notamment les problèmes liés à l’obtention d’un emploi. Une femme a décrit ses 13 années passées dans la jungle à lutter au sein des FARC. Lorsqu’elle a entrepris le processus de démobilisation et de réinsertion, elle avait très peur du système de justice colombien. Elle était toutefois reconnaissante d’avoir pu réintégrer la société, car elle a pu recevoir une éducation et participer à un programme d’apprentissage national. D’autres ont soulevé la question de la stigmatisation. Être un ancien combattant assombrit les perspectives d’emploi et complique les relations sociales. Plusieurs personnes ont révélé ne pas avoir dévoilé leur passé à leurs amis et à leur employeur.

Le Comité a également entendu parler de la question de la récidive, c’est-à-dire les personnes qui retournent au sein de la guérilla. Selon l’ACR, ses programmes visent à empêcher la récidive en encourageant les anciens combattants à poursuivre des études, à entreprendre une formation et à profiter des possibilités économiques. Le taux de récidive des anciens combattants réussissant le programme de l’ACR est bien inférieur à celui de tous les prisonniers libérés de prison en Colombie. Selon les données de l’ACR, moins de 1 % des anciens combattants ayant réussi le programme reprennent les armes et de 9 à 14 % d’entre eux commettent des crimes. Ces chiffres se comparent au taux de récidive de 70 % des personnes libérées de prison[68]. Les représentants de l’ACR croient que leur réussite s’explique par le soutien continu offert aux participants à la fin du programme.

Les représentants de l’ACR ont confié au Comité qu’ils s’attendaient à recevoir un grand nombre de combattants démobilisés dans un proche avenir. Ces observations s’inscrivent dans le contexte de l’accord de paix de La Havane annoncé en août 2016, qui présente un cadre pour la démobilisation totale des FARC et la réinsertion de leurs membres dans la vie civile. Les besoins en services de réinsertion s’accroîtront si le gouvernement de la Colombie conclut un accord de paix avec l’ELN et met en œuvre l’accord subséquent[69].

Pour le Comité, il existe un lien évident entre la réussite des programmes de réinsertion et la durabilité de la paix et de la prospérité, en particulier dans les régions du pays qui ont été les plus touchées par le conflit. Compte tenu de l’ampleur de la démobilisation qu’on espère voir en Colombie et des ressources dont les programmes de réinsertion auront besoin pour être efficaces, le Comité estime que le Canada devrait soutenir en priorité de tels programmes.

RECOMMANDATION 5

Le gouvernement du Canada devrait, au titre de son aide au développement à la Colombie, fournir une aide ciblée aux programmes axés sur la réinsertion des anciens combattants.

D. Les femmes, la paix et la sécurité

L’un des principaux objectifs de la visite du Comité en Colombie était, comme au Guatemala, d’examiner la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité dans un État touché par le conflit. Au cours de ses nombreuses réunions, le Comité a pris connaissance des défis auxquels se heurtent les femmes en Colombie et il a déterminé la mesure dans laquelle les principes du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité sont pris en compte dans le cadre du processus de paix et, de façon plus générale, du système politique du pays[70].

Le Comité a appris qu’on l’on a fait progresser les droits et l’autonomisation des femmes par l’intermédiaire des systèmes politiques et juridiques en Colombie et qu’il existe des mesures législatives en vue de protéger et de promouvoir l’égalité des sexes. Il a rencontré la Commission juridique du Congrès sur l’égalité des sexes, créée en 2011 en vue de rédiger et d’examiner des mesures législatives de façon à garantir les droits humains, civils, politiques, économiques et culturels des femmes. Des membres de la Commission ont discuté de plusieurs initiatives visant à réduire la discrimination fondée sur le sexe en Colombie. Ils ont attiré l’attention du Comité sur la loi sur les victimes et la restitution des terres adoptée en 2011, qui renferme des dispositions portant sur la restitution des terres à des requérantes, notamment une mesure donnant priorité aux femmes, surtout celles qui sont chefs de famille[71]. Ils ont aussi fait observer que les femmes devaient, en Colombie, représenter au moins 30 % des candidats figurant sur les listes électorales des partis politiques[72].

En dépit de ces initiatives, et d’autres, il existe un écart entre le cadre juridique mis en place et les résultats liés à l’égalité des sexes et les droits des femmes. Par exemple, comme le Comité l’a appris, le nombre de femmes élues au Congrès colombien est bien en deçà du seuil minimum de candidates devant figurer sur les listes des partis. Lors de l’élection de 2014, seulement 23 des 102 membres élus au Sénat (22,5 %) et seulement 33 des 166 membres élus à la Chambre des représentants (19,9 %) étaient des femmes[73]. Le Comité a aussi appris que le taux de chômage est plus élevé chez les femmes que chez les hommes, tout comme l’incidence de la pauvreté.

Des décennies de conflit armé ont eu un effet dévastateur sur les femmes en Colombie. Depuis 1985, quelque 7,8 millions de personnes auraient été victimes du conflit armé, la vaste majorité d’entre elles étant déplacées à l’intérieur du pays. Selon ONU Femmes, près de 49,5 % des victimes sont des femmes[74]. Ces dernières ont aussi participé au conflit : on estime qu’elles représentent de 30 à 40 % des membres des FARC. Comme l’a indiqué le Centre national de la mémoire historique, les femmes ont aussi joué un rôle important dans la défense des droits des victimes et des survivantes, et le catalogage de leurs expériences[75].

La violence sexuelle a été utilisée comme arme de guerre tant par les acteurs étatiques que non étatiques. Les femmes ont été réduites à l’esclavage sexuel, violées, mises enceinte contre leur gré et obligées d’avorter[76]. Règle générale, la violence faite aux femmes en Colombie est constante. Il a été fait rapport au Comité que la violence fondée sur le sexe est répandue dans la société colombienne et que peu d’auteurs d’actes violents sont traduits devant les tribunaux. Selon un examen réalisé en 2014 par la Cour constitutionnelle du pays, près de 97 % de cas de violence sexuelle restent impunis[77]. Quant à la situation en 2015, ONU Femmes indique que plus de 21 000 cas allégués de violence fondée sur le sexe et plus de 75 000 cas allégués de violence conjugale ont été signalés dans le pays[78]. Le Comité a aussi appris des organisations de la société civile que les menaces contre les défenseurs des droits des femmes sont monnaie courante et que la fréquence de la violence contre les membres de la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre est inquiétante[79].

Une bonne partie de ce que le Comité a appris au sujet des femmes, de la paix et de la sécurité concernait le processus de paix entre le gouvernement de la Colombie et les FARC. Selon ce qu’a appris le Comité, les femmes ont dû faire des efforts considérables pour se tailler une place à la table de négociations. Au début des pourparlers de paix en 2012, les plénipotentiaires – le nombre limité de personnes parlant au nom de leur délégation – étaient tous des hommes, comme la vaste majorité des négociateurs du gouvernement et des FARC. Les préoccupations liées à l’égalité des sexes n’étaient alors pas prioritaires.

La situation a toutefois changé grâce à l’action des organisations de la société civile et des militants des droits des femmes. Mme Belén Sanz, représentante d’ONU Femmes en Colombie, a expliqué au Comité qu’en 2013, près de 450 femmes des quatre coins de la Colombie se sont rassemblées à Bogotá en vue du Sommet national sur les femmes et la paix. Elles demandaient à être reconnues et entendues dans le processus de paix[80]. Quelques semaines à peine après le sommet, une entente survenait en vue d’accroître la participation des femmes aux négociations de paix[81]. En novembre de la même année, le président Juan Manuel Santos a annoncé la nomination de deux femmes à titre de négociatrices plénipotentiaires aux discussions de La Havane. Lors de rencontres subséquentes à La Havane, des délégations de victimes du conflit, dont 60 % seraient des femmes, ont aussi été invitées à venir témoigner devant les équipes de négociations.

D’autres changements ont suivi. Mme Sanz a expliqué comment, en 2014, le gouvernement de la Colombie et les FARC ont convenu de créer une sous-commission sur l’égalité des sexes chargée de voir à l’inclusion de dispositions relatives à l’égalité des sexes et aux droits des femmes dans tous les accords de paix. C’était la première fois que l’on créait une telle sous-commission dans le cadre d’un processus de résolution des conflits[82]. En juillet 2016, la sous-commission a annoncé le résultat de ses travaux, notamment des propositions sur l’accès des femmes aux terres et aux biens, la participation politique, les mesures de protection spéciales et le soutien psychosocial aux victimes de violence sexuelle[83].

Au cours de la mission du Comité en Colombie, la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité a été qualifiée à maintes reprises de préoccupation clé. La Colombie n’a pas de plan d’action national pour les femmes, la paix et la sécurité. Certaines organisations de la société civile du pays poussent le gouvernement à adopter un tel plan et à mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Cela dit, même sans plan d’action, il est clair que le gouvernement de la Colombie respecte le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. La conception du processus de paix de La Havane et le contenu de l’accord subséquent en sont des exemples concrets.

Parallèlement, le rejet de l’accord de paix à la suite du plébiscite national tenu au début d’octobre 2016 a soulevé des préoccupations quant à la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité en Colombie, notamment le maintien des gains faits par les organisations de femmes et les militants pendant le processus de paix de La Havane dans un texte révisé[84]. Le Comité croit qu’il est essentiel de respecter et de mettre à profit les réalisations accomplies jusqu’à maintenant à l’égard de la reconnaissance des aspects de la dynamique du conflit et des besoins de l’après‑conflit axés sur l’égalité des sexes en Colombie. À ce moment-ci de l’histoire de la Colombie, il est plus important que jamais de réaffirmer le rôle indispensable des femmes dans l’établissement et le maintien de la paix. Comme le Comité le mentionne dans son récent rapport sur les femmes, la paix et la sécurité, la participation des femmes aux processus de paix rend la paix plus durable[85]. Les femmes doivent donc continuer de jouer un rôle de chef de file dans toutes les initiatives visant à réaliser une paix durable en Colombie.

RECOMMANDATION 6

Le gouvernement du Canada devrait assurer sur le terrain le soutien des efforts des organisations de femmes et des militants des droits des femmes de la Colombie, y compris dans les régions rurales, en vue de conclure et de mettre en œuvre des accords de paix soucieux de l’égalité des sexes.

PARTENARIAT À LONG TERME AVEC LE GUATEMALA ET LA COLOMBIE

L’un des principaux objectifs de ce déplacement du Comité au Guatemala et en Colombie était d’examiner plus en détail, et sur le terrain, les résultats de la coopération bilatérale en matière de développement du Canada avec ces pays. Cet exercice ne visait pas à se prononcer sur le statut de « partenaire pour le développement », plutôt que de « pays ciblé » du Guatemala au regard de l’aide bilatérale du Canada, ni de formuler des recommandations quant au fait que la Colombie devrait demeurer sur la liste des 25 pays ciblés ou en être retirée. Formuler de tels jugements aurait réclamé une analyse comparative d’une beaucoup plus grande ampleur, assortie de déplacements dans un plus vaste éventail de pays ciblés et partenaires, ou qui ne figurent sur aucune de ces listes.

Il est apparu évident, après les audiences tenues par le Comité à Ottawa[86], que les critères actuellement utilisés pour établir les listes des pays ciblés et partenaires doivent être clarifiés[87]. Il serait difficile, d’un point de vue méthodologique, d’utiliser les trois critères définis – besoins en développement, capacité à tirer profit de l’aide au développement et alignement sur les priorités de la politique étrangère du Canada – pour évaluer si le Guatemala ou la Colombie devrait se voir accorder une priorité sur d’autres pays en tant que bénéficiaire d’une aide canadienne au développement. Il est difficile de s’expliquer, par exemple, pourquoi le Honduras est un pays ciblé et le Guatemala un partenaire pour le développement, mais que l’El Salvador n’est ni l’un, ni l’autre. En 2014‑2015, l’aide internationale bilatérale totale versée par le Canada en El Salvador s’élevait à 2,4 millions de dollars contre 8,16 millions de dollars pour le Guatemala et 29,25 millions de dollars pour le Honduras[88]. Or, ces trois pays voisins ont un niveau de développement similaire, partagent bien des enjeux communs, dont des niveaux de pauvreté, d’inégalité et de violence criminelle élevés. Il semblerait donc que ces trois pays aient des besoins qui justifient une aide bilatérale canadienne au développement. En matière de capacité, les trois pays ont été aux prises avec des problèmes de mauvaise gouvernance et de primauté du droit.

De même, il est difficile de comprendre quels facteurs Affaires mondiales Canada prend en compte pour établir combien il alloue à chacun de ces pays. D’un point de vue comparatif, les seuls pays partenaires pour le développement, dans le monde, à avoir reçu moins d’aide bilatérale canadienne que le Guatemala en 2014-2015 sont l’Afrique du Sud (6,22 millions de dollars) et Cuba (2,42 millions de dollars[89]). Il aurait pu être très tentant pour le Comité de recommander, en se fondant sur les besoins réels que ses membres ont pu observer de leurs yeux au Guatemala, que le programme de coopération en matière de développement du Canada avec ce pays soit élargi. Certains des plus grand défis, pour le Guatemala – renforcer la primauté du droit, garantir une gouvernance responsable et faire respecter les droits des femmes et des populations autochtones – relèvent précisément des domaines de politique où le Canada possèdent une longue expertise à offrir, ainsi que sa propre expérience nationale dont tirer parti. Cependant, le Comité souhaite demeurer en cohérence avec les principaux messages de son récent rapport sur les pays ciblés par le Canada, où il soulignait que le budget total de l’aide canadienne déterminerait, en dernier ressort, le nombre de pays ciblés et l’étendue des secteurs dans lesquels le Canada peut jouer un rôle de chef de file. Sans pour autant résoudre ce problème plus vaste, une recommandation du Comité voulant que le Canada doive devenir l’un des principaux donateurs dans un pays donné ne ferait qu’amener le Canada à jouer un rôle moindre dans un autre pays, où les besoins peuvent être tout aussi importants.

Ces questions de montants budgétaires et de méthodologie mises de côté, de façon générale, tant le Guatemala que la Colombie ont des besoins qui justifient indéniablement une aide canadienne. Comme expliqué plus haut, si le Guatemala et la Colombie sont, techniquement, des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, cette classification dissimule d’énormes disparités dans les niveaux de vie[90]. On a souligné au Comité que les deux capitales, Guatemala et Bogotá, ne sont pas représentatives de la plupart des régions du Guatemala et de la Colombie. Dans les deux pays, ce sont les populations vivant en régions rurales, et notamment les populations autochtones, qui sont le plus dans le besoin mais se sentent aussi les plus négligées par l’État.

D’un point de vue comparatif, la mission du Comité dans ces deux pays a mis en évidence un certain nombre de domaines thématiques qui méritent l’attention du Canada. S’assurer que le progrès économique atteint les communautés en régions rurales, et que ces dernières en bénéficient, est l’une des principales choses que le Comité a retenues de son déplacement. Il en est de même de la nécessité d’améliorer la capacité de l’État dans ces régions rurales, notamment pour ce qui est d’assurer la sécurité des citoyens, mais aussi leur accès à la justice, aux soins de santé, à des services financiers et à l’éducation. Un autre message clé de ce déplacement a été l’importance d’appuyer les acteurs locaux, institutionnels ou individuels, qui se consacrent à renforcer la primauté du droit, à protéger les droits de la personne et à lutter contre l’impunité. Comme les membres du Comité ont pu le constater par eux-mêmes, de nombreux partenaires locaux au Guatemala et en Colombie travaillent au changement et obtiennent des résultats dans ces secteurs et, pour eux, un financement canadien, même d’un faible montant, ferait toute la différence.

Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité justifie également de façon indéniable un engagement canadien au Guatemala et en Colombie. Dans les deux pays, des femmes ont assumé des rôles de chef de file dans les processus de paix et de sécurité. Au Guatemala, leurs efforts ont notamment porté sur l’établissement d’un plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité. En Colombie, les femmes ont joué un rôle important en veillant à ce que la question de l’égalité des sexes soit abordée lors des pourparlers de paix avec les FARC. Parallèlement, cependant, le Comité a appris que d’importants défis demeurent à relever pour que les droits des femmes deviennent une réalité dans ces deux pays, car on y observe des taux alarmants de violences sexuelles et fondées sur le sexe. Des progrès doivent également être accomplis afin que les femmes soient incluses plus systématiquement dans les institutions politiques et dans l’économie officielle.

Ces constatations permettent d’esquisser quelques priorités pour l’aide canadienne au développement au Guatemala et en Colombie. Le Comité a eu l’occasion, durant son déplacement, de visiter un certain nombre de projets pertinents et a déjà traité des thèmes abordés dans le présent chapitre dans les précédentes recommandations du présent rapport. Le Comité est également conscient que le Canada finance, dans ces deux pays, de nombreux autres projets, notamment axés sur la protection des enfants et la résilience des collectivités aux changements climatiques. Bien que le Comité n’ait pas eu l’occasion de visiter de tels projets durant son déplacement, il juge qu’ils méritent de continuer à être appuyés.

Le Comité croit que, pour tous les programmes de coopération en matière de développement du Canada, la prédictibilité des partenariats et un engagement à long terme sont autant de facteurs essentiels au succès. Ces facteurs sont ressortis au premier plan durant la mission du Comité au Guatemala et en Colombie, de même que dans les rapports et les recommandations récents du Comité sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que sur les pays ciblés pour l’aide canadienne au développement.

L’appui du Canada à la Fédération des coopératives de Las Verapaces (Fedecovera), au Guatemala, est un bon exemple des retombées que peut avoir un engagement durable avec des partenaires locaux dans le cadre d’une vision à long terme. Fedecovera est une fédération de coopératives agricoles spécialisée dans la production de cardamome biologique (épice tirée de graines), de café, de thé, de cacao, d’huiles essentielles, de céréales de base, de poivre noir et de curcuma. Le gouvernement du Canada appuie Fedecovera depuis 23 ans. Sur cette durée, le plus gros et le dernier projet financé par le Canada a été un programme de 6,85 millions de dollars intitulé Programme de développement de l’entrepreneuriat de fédérations de coopératives au Guatemala (Prodef) qui a été mise en œuvre de 2002 à 2011.

Lors de sa visite des installations de production de la Fedecovera à Cobán, le Comité a appris que, lorsque le projet Prodef a débuté, la Fedecovera n’avait aucune capacité d’exportation, mais que, à la fin du projet, la Fedecovera était devenue le plus gros producteur et le plus gros exportateur de cardamome biologique au monde[91]. La Fedecovera, qui avait été presque détruite durant le conflit armé interne au Guatemala, compte désormais parmi ses membres plus de 25 000 familles de producteurs, soit quelque 140 000 personnes. Elle a des clients sur les cinq continents et des portefeuilles auprès de 150 sociétés.

Visite d’une coopérative agricole de la Fedecovera, Cobán, Guatemala, 30 août 2016.

Visite d’une coopérative agricole de la Fedecovera, Cobán, Guatemala, 30 août 2016.

La Fedecovera est un exemple remarquable de la façon dont un appui canadien à long terme à des initiatives locales peut se traduire par d’importantes retombées en matière de développement. C’est aussi un bon exemple de la façon dont une aide au développement ciblée peut avoir des retombées plus larges, car non seulement la croissance de la Fedecovera a d’importantes retombées économiques, mais elle a également permis aux populations autochtones, et notamment aux femmes autochtones, d’obtenir un pouvoir. Le Comité a appris que tous les producteurs de la Fedecovera sont des Autochtones, mayas q’eqchi ou poqomchi, populations qui sont parmi les plus touchées par l’extrême pauvreté au Guatemala. Le Comité a également appris que le nombre de femmes participant aux coopératives locales de la Fedecovera, et notamment à des postes de décision, avait augmenté grâce au projet Prodef.

Le succès de la Fedecovera souligne également l’importance de la prédictibilité. Le projet Prodef a duré plus de huit ans. Cette durée a permis au partenaire chargé de sa mise en œuvre, la Socodevi, et à son bénéficiaire, la Fedecovera, de disposer du temps nécessaire pour mener le projet à bon terme et tirer les leçons des défis et des succès rencontrés durant son déroulement. Ce long cycle de vie du projet a également permis à la Fedecovera de se préparer à la fin du projet et d’organiser son financement, son fonctionnement et ses partenariats en conséquence.

Le Comité croit que ces principes – engagement à long terme, prédictibilité et partenariats avec des acteurs locaux – permettent d’accroître les possibilités de retombées positives et durables résultant des sommes que le Canada dépense en projets de développement. Bien que l’on puisse observer que le Guatemala et la Colombie sont sur la bonne voie, les gains résultant du développement qui ont été obtenus au cours des dernières années doivent être consolidés et pérennisés. C’est particulièrement vrai pour les régions rurales. Le Comité souhaiterait donc voir l’aide canadienne au développement dans ces deux pays se concentrer, dans toute la mesure du possible, sur des initiatives de développement rural et sur des projets qui permettent de donner du pouvoir aux organisations sur le terrain, de même qu’aux entreprises et institutions étatiques qui œuvrent au progrès des communautés rurales.

Le cas du Guatemala souligne également l’importance de leçons tirées des défis que connaissent les pays qui sont aux prises avec les transitions d’après-conflit. Vingt ans après la signature d’un accord de paix, le Guatemala n’a toujours pas réglé les problèmes sociétaux liés au rôle des institutions de l’État en matière de sécurité, à la discrimination et à l’exclusion subies par les groupes vulnérables et marginalisés, ou à la soif de justice qu’éprouvent les citoyens en réaction aux crimes commis, aujourd’hui comme par le passé. Et, pourtant, l’appui de la communauté internationale semble inévitablement décliner dans de tels pays avant que l’objectif ultime de tout accord de paix, à savoir la présence de la justice et l’absence de peur, ne soit atteint[92]. Même si le Guatemala et la Colombie ont des particularités et une histoire qui leur sont propres, ces leçons d’ordre général s’appliquent à tous les pays qui essayent d’aller de l’avant après une période de violence armée. Même si la Colombie réussit à conclure des accords de paix permanents avec les différents groupes de guérilla, cela ne sera que le début d’un long processus de consolidation de la paix. Le Comité est convaincu que le Canada devra donc continuer à jouer, dans les années à venir, un rôle d’appui actif dans ces deux pays.


[1]              Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (FAAE) a récemment présenté ses rapports sur les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que sur les pays ciblés par le Canada pour recevoir une aide bilatérale au développement. Voir : Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité : Une occasion pour le Canada de devenir un chef de file mondial et La coopération en matière de développement pour un monde plus stable, plus inclusif et plus prospère : une ambition collective.

[2]              En 2009, la Colombie a été désignée comme l’un des 20 pays ciblés pour une aide bilatérale canadienne au développement. En 2014, la Colombie a de nouveau été sélectionnée comme l’un des pays ciblés, sur une liste élargie qui en comptait 25, où le Canada dépensera 90 % de son aide bilatérale au développement. En 2014, le Guatemala a été désigné comme l’un des 12 pays partenaires pour le développement où le Canada maintiendra un programme d’aide bilatéral au développement de moindre ampleur.

[3]              La Commission de clarification historique a mené ses travaux de 1997 à 1999, période durant laquelle elle a entendu 11 000 personnes. Dans son rapport final, publié en 1999, la Commission a conclu qu’environ 200 0000 personnes sont mortes durant la guerre, dont 83 % de Mayas et 17 % de Ladinos. La Commission a établi que les forces de l’État et les groupes paramilitaires associés étaient responsables de 93 % des violations documentées par elle. Guatemala Memory of Silence, Report of the Commission for Historical Clarification Conclusions and Recommendations, 1999, disponible en anglais sur le site Web de l’American Association for the Advancement of Science.

[4]                    FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 juin 2016.

[5]              Séance d’information de l’Ambassade du Canada au Guatemala, la ville de Guatemala, 28 août 2016.

[6]              La malnutrition chronique peut entraîner des retards de croissance. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le Guatemala est l’un des 36 pays qui, réunis, représentent 90 % des retards de croissance dans le monde. PAM, Guatemala [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[7]              Note d’information fournie au FAAE par Affaires mondiales Canada et intitulée Situation des droits de la personne au Guatemala, août 2016.

[8]              TulaSalud est une organisation non gouvernementale guatémaltèque qui travaille avec le ministère guatémaltèque de la Santé à réduire la mortalité maternelle et la morbidité juvénile. TulaSalud est appuyé par la Tula Foundation, une organisation canadienne axée sur le Guatemala. En mars 2016, Affaires mondiales Canada a signé avec la Tula Foundation un accord de contribution de 7,6 millions de dollars pour la période 2016-2020. Ce financement a pour objet d’augmenter les initiatives de la Tula Foundation pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants guatémaltèques, notamment en renforçant et en modernisant les systèmes de santé. Pour de plus amples renseignements, voir : Tula Foundation, « Tula Receives $7.6 Million for Work in Guatemala », TulaSalud News [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[9]              Visite d’une clinique appuyée par TulaSalud, Santa Inés Chicar, 29 août 2016.

[10]           La Banque mondiale définit le taux de mortalité maternelle comme le nombre de femmes qui décèdent de causes liées à la grossesse durant leur grossesse ou dans les 42 jours suivant la fin de la grossesse pour 100 000 naissances vivantes. La Banque mondiale, Ratio de décès maternel (estimation par modèle, pour 100 000 naissances vivantes).

[11]                 Séance d’information de l’Ambassade du Canada au Guatemala, la ville de Guatemala, 28 août 2016.

[12]           Rencontre avec la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), la ville de Guatemala, 31 août 2016.

[13]           En octobre 2015, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a tenu une audience sur les répercussions de la production d’huile de palme sur la santé, l’environnement, la culture autochtone et l’économie du Guatemala. Pour de plus amples renseignements, voir : Human Rights Brief, Human Rights Situation of Indigenous Peoples in the Context of the Activities of the Palm Oil Industry in Guatemala, 26 octobre 2015 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[14]           Séance d’information de l’Ambassade du Canada au Guatemala, la ville de Guatemala, 28 août 2016.

[15]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 juin 2016.

[16]           Le féminicide est défini comme l’assassinat délibéré d’une femme en raison de son sexe. Guatemala Human Rights Commission/USA, Guatemala’s Femicide Law: Progress Against Impunity?, Washington (D.C.), mai 2009, p. 9 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[17]                 CIDH, Situation of Human Rights in Guatemala: Diversity, Inequality and Exclusion, Organisation des États américains, OEA/Ser.L/V/II, doc. 43/15, 31 décembre 2015, p. 108 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[18]                 Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les activités de son bureau au Guatemala, Annexe, Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), A/HRC/28/3/Add.1, 12 janvier 2015, paragr. 52.

[19]           Le Bureau juridique des droits de la personne de Rabinal a bénéficié de fonds du gouvernement canadien dans le cadre de son partenariat avec Avocats sans frontières Canada. Le Canada a appuyé Avocats sans frontières Canada dans ses projets au Guatemala en plusieurs étapes : 2,75 millions de dollars de 2011 à 2013, puis 857 003 $ pour 2015 et 2016. Un montant additionnel de 25 000 $ a été accordé en 2014 dans le cadre du Fonds canadien d’initiatives locales.

[20]           Visite du Bureau juridique des droits de la personne de Rabinal, Rabinal, 29 août 2016.

[21]                 Le procès pour corruption contre l’ancien président Pérez Molina et l’ancienne vice-présidente Roxana Baldetti sont toujours en cours. Ils sont tous deux en détention préventive.

[22]           La CICIG fonctionne selon le droit guatémaltèque et dans des tribunaux guatémaltèques. Elle emploie tant des Guatémaltèques que des étrangers et travaille en étroite collaboration avec les autres entités guatémaltèques et, notamment, le Bureau du procureur public et la Police civile nationale. Pour de plus amples renseignements, voir : CICIG, About CICIG [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[23]                 La CICIG a aussi participé à la mise en œuvre de mesures législatives visant à créer un programme de protection des témoins, à resserrer le contrôle des armes à feu, à établir des règles régissant les saisies de biens et les dispositifs d’écoute ordonnés par un tribunal, et à instaurer des tribunaux à risque élevé pour le procès d’accusés particulièrement dangereux. Pour de plus amples renseignements, voir : CICIG, Mandate [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Le Comité a été informé que, de 2008 à 2015, la CICIG a participé à 222 enquêtes judiciaires qui ont donné lieu à la mise en accusation de 73 fonctionnaires et au démantèlement de 41 structures criminelles. Rencontre avec la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, la ville de Guatemala, 31 août 2016.

[24]           Visite du Bureau juridique des droits de la personne de Rabinal, Rabinal, 29 août 2016.

[25]           Dans son rapport final, la Commission de clarification historique conclut que des agents de l’État guatémaltèque, dans le cadre des opérations de contre-insurrection menées de 1981 à 1983, ont commis des actes de génocide contre des groupes de population mayas. Guatemala: Memory of Silence, Report of the Commission for Historical Clarification: Conclusions and Recommendations, 1999, paragr. 122 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[26]           Pour de plus amples renseignements, voir : Trial International, « Efrain Rios-Montt » [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[27]                 FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016 (Bill Fairbairn); FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 juin 2016.

[28]                 Jo-Marie Burt, « Military Officers Convicted in Landmark Sepur Zarco Sexual Violence Case », International Justice Monitor, 4 mars 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[29]           Ibid. En 2009, la Cour suprême du Guatemala a créé des tribunaux spéciaux à risque élevé pour traiter les cas les plus sensibles et les plus complexes de poursuite pour génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité, corruption et trafic de drogues. Ces tribunaux ont le pouvoir d’entendre les cas qui présentent un risque sérieux pour les juges, les procureurs, les avocats et les témoins. Les tribunaux à risque élevé bénéficient de ressources et d’une sécurité additionnelles afin de garantir leur autonomie et leur indépendance, ainsi que de protéger les personnes qui participent au cas. Pour de plus amples renseignements sur les tribunaux à risque élevé du Guatemala, voir : The Center for Justice and Accountability, Guatemalan Court for High Risk Crimes [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[30]           Rencontre avec les femmes victimes de violences, Cobán, 30 août 2016.

[31]           Ibid.

[32]           Rencontre avec la CICIG, la ville de Guatemala, 31 août 2016.

[33]           En 2014, le taux d’homicide était de 31,2 pour 100 000 personnes au Guatemala, le nombre total d’homicides étant estimé à 4 998, une baisse par rapport au sommet de 45,1 homicides pour 100 000 personnes et de 6 498 homicides en 2009. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Statistics.

[34]           Réception avec des membres du Congrès du Guatemala et d’autres dignitaires officiels, la ville de Guatemala, 30 août 2016.

[35]           Le Canada, dans le cadre d’un partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a accordé 4 millions de dollars à la CICIG de 2015 à 2019. Affaires mondiales Canada, Profil de projet : Appui à la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), Numéro de projet D002778-001.

[36]           Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité est en grande partie défini par huit résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, à savoir les résolutions 1325 (2000); 1820 (2008); 1888 (2009); 1889 (2009); 1960 (2010); 2106 (2013); 2122 (2013) et 2242 (2015).

[37]           Women Leading Peace: A close examination of women’s political participation in peace processes in Northern Ireland, Guatemala, Kenya, and the Philippines, Georgetown Institute for Women, Peace and Security, 2015 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[39]           Accord relatif à l’identité et aux droits des populations autochtones, Annexe au Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) et à l’AGNU, S/1995/256, A/49/882, 10 avril 1995.

[40]           Note d’information fournie au FAAE par Affaires mondiales Canada et intitulée Mise en œuvre du programme sur les femmes, la paix et la sécurité au Guatemala, août 2016.

[41]           Rencontre avec le Groupe de travail interinstitutionnel pour les femmes, la paix et la sécurité, la ville de Guatemala, 31 août 2016.

[43]           L’accord de paix qui à été signé à Cartagena en septembre 2016 comprenait des accords sur six sujets : le développement rural et la réforme agraire; la participation politique des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC); le cessez-le-feu et les garanties en matière de sécurité; les cultures illégales et le trafic de stupéfiants; la justice transitionnelle et les mesures réparatrices; et les mécanismes de vérification et de mise en application de la paix. Pour l’accord de paix dans son intégralité – en espagnol seulement – voir : Acuerdo Final Para la Terminación del Conflicto y la Construcción de una Paz Estable y Duradera. Plusieurs communiqués et documents conjoints des FARC et du gouvernement de la Colombie sont disponibles en anglais sur le site Web.

[44]           Au titre de l’accord sur la justice transitionnelle, une « juridiction d’exception pour la paix » aurait été créée en vue d’enquêter sur les « graves violations des droits de la personne et du droit international » et d’intenter des poursuites contre les auteurs de ces violations. D’ailleurs, les auteurs qui auraient avoué avoir commis des atrocités auraient été exemptés d’une peine d’emprisonnement. On leur aurait plutôt imposé des « sanctions » à des fins de « réparation », qui auraient pu comprendre l’exécution de projets visant à aider les victimes du conflit. Pour des renseignements contextuels et une analyse plus poussée, voir Human Rights Watch, Human Rights Watch Analysis of Colombia-FARC Agreement, 21 décembre 2015 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Dans le cadre de l’accord sur la participation politique, les FARC auraient obtenu cinq sièges dans chaque chambre du Congrès jusqu’en 2026 et des fonds en vue de créer un parti politique. Pour de plus amples renseignements, voir Virginia M. Bouvier, The Accord : Colombia’s Commitment to Peace, United States Institute of Peace, 1er octobre 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[45]           L’accord de paix annoncé le 12 novembre 2016 n’est actuellement disponible qu’en espagnol. Voir : Acuerdo Final Para la Terminación del Conflicto y la Construcción de una Paz Estable y Duradera, 12 novembre 2016.

[46]           M. Humberto de la Calle, négociateur en chef du gouvernement de la Colombie lors des pourparlers de paix de La Havane, aurait déclaré que l’accord de paix révisé « désamorce bon nombre des critiques » formulées sur l’ancien accord. BBC News, « Colombia peace deal: Government and Farc reach new agreement », 13 novembre 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Par exemple, l’accord semble exiger que les FARC dressent une liste de leurs biens, qui servira à indemniser les victimes du conflit. Selon les médias, si les FARC échouent à remettre leurs biens, ils perdront les avantages que leur confèrent les dispositions sur la justice transitionnelle de l’accord de paix révisé. Au titre de ce dernier, les guérilleros des FARC qui confessent des crimes devant la juridiction d’exception pour la paix feraient toujours l’objet d’une « liberté restreinte » et seraient toujours exemptés de prison. Ils devraient toutefois purger leur peine dans des régions pas plus grandes que les zones de démobilisation dans lesquelles les FARC seront concentrées après la ratification de l’accord. Une fois qu’ils seront désarmés et démobilisés, les membres des FARC pourront toujours se porter candidat à une fonction politique. Le nouvel accord interdit aux magistrats étrangers de siéger au tribunal de juridiction d’exception pour la paix, qui serait dissous dans 10 ans. De manière plus générale, la période de mise en œuvre de l’accord intégral passerait de 10 à 15 ans. L’accord ne ferait pas partie de la Constitution de la Colombie. Source : The Economist, « Deal or no deal? Colombia and the FARC strike a new peace agreement », 13 novembre 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Voir aussi : Stephanie Nolen, « Future of Colombia’s new peace deal with FARC rests with No campaign », The Globe and Mail, 14 novembre 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[47]           Groupe de la Banque mondiale, Country Partnership Framework for the Republic of Colombia for the Period FY16‑21, 23 février 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[48]           Séance d’information de l’ambassade du Canada en Colombie, Villavicencio, 1er septembre 2016. En 2014, le seuil de pauvreté s’élevait à 4,15 $US par jour en Colombie (en fonction de la parité des pouvoirs d’achat). Groupe de la Banque mondiale, Country Partnership Framework for the Republic of Colombia for the Period FY16-21, 23 février 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[49]                 Groupe de la Banque mondiale, Country Partnership Framework for the Republic of Colombia for the Period FY16‑21, 23 février 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[50]           Groupe de la Banque mondiale, Poverty and Shared Prosperity 2016, Taking on Inequality, 2016, p. 84 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[51]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 juin 2016. Un autre héritage du conflit en Colombie est le nombre de personnes « disparues ». Lors d’une séance d’information tenue à Villavicencio, le Comité international de la Croix-Rouge a confié au Comité que quelque 117 000 personnes étaient portées disparues.

[52]           Rencontre avec l’Agence présidentielle de coopération internationale, Bogotá, 1er septembre 2016.

[53]           Rencontre avec des entreprises du secteur privé, Bogotá, 7 septembre 2016.

[54]           Rencontre avec des partenaires et des bénéficiaires du développement rural, Guamal, 2 septembre 2016.

[55]           Rencontre avec Rafael Pardo, ministre-conseiller pour les Situations d’après-conflit, les Droits de la personne et la Sécurité, Bogotá, 1er septembre 2016.

[56]           Pour de plus amples renseignements sur le projet Procompite, voir : Affaires mondiales Canada, Profil de projet : Renforcement de la compétitivité économique des associations rurales – PROCOMPITE, Numéro de projet : D000165-001.

[57]           Visite de l’association Asosandia, San Martin de Los Llanos, 2 septembre 2016.

[58]           Document fourni au FAAE par l’Agence colombienne de réinsertion, septembre 2016. Pour de plus amples renseignements sur la présence d’acteurs armés dans le département de Meta, voir : Instituto de Estudios para el Desarrollo y la Paz, Reconquering and dispossession in the Altillanura: The case of Poligrow in Colombia [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], novembre 2015.

[59]           L’Armée de libération nationale (ELN) se compose d’environ 1 500 membres. Après trois ans de négociations préliminaires, l’ELN et le gouvernement de la Colombie se sont entendus pour entreprendre des pourparlers de paix en Équateur en octobre 2016.

[60]           Depuis des décennies, les FARC sont impliquées dans le commerce de la drogue en Colombie. Cependant, dans le cadre de l’accord de La Havane signé en septembre 2016, elles ont accepté d’abandonner ce commerce. Rencontre avec des pays et des organismes donateurs, Bogotá, 7 septembre 2016.

[61]           HALO Trust, « Colombia », Where we work [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[62]           Note d’information fournie au FAAE par Affaires mondiales Canada et intitulée La situation politique et sur le plan de la sécurité en Colombie, août 2016.

[63]           Rencontre avec le HALO Trust, Villavicencio, 3 septembre 2016. En juillet 2016, Affaires mondiales Canada a annoncé qu’il s’engageait à verser 12,5 millions de dollars sur cinq ans (2016–2021) au HALO Trust pour des activités de déminage en Colombie.

[64]           Visite d’un poste de police de Bogotá, Bogotá, 6 septembre 2016.

[65]           Séance d’information et visite de l’Agence colombienne de réinsertion, Villavicencio, 3 septembre 2016.

[66]           Le Comité opérationnel pour le dépôt des armes vérifie les circonstances de la démobilisation volontaire et délivre des certifications aux fins des avantages et des services de réinsertion.

[67]           Séance d’information et visite de l’Agence colombienne de réinsertion, Villavicencio, 3 septembre 2016.

[68]           Ibid.

[69]           Le nombre estimé de membres des FARC varie. Selon les plus récentes données, les FARC compteraient près de 7 000 membres. L’ELN en compterait quant à elle 1 500. Source : Washington Office on Latin America (WOLA), « Colombia’s 52-Year Old Conflict with the FARC Comes to an End », déclaration du WOLA, 24 août 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[70]           Pour plus de contexte, voir : Virginia M. Bouvier, Gender and the Role of Women in Colombia’s Peace Process, document d’information d’ONU Femmes, ONU Femmes et United States Institute of Peace, 4 mars 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[71]           Rencontre avec la Commission juridique du Congrès sur l’égalité des sexes, Bogotá, 5 septembre 2016.

[72]           En outre, la loi 581 (2000) de la Colombie, la Loi sur les quotas, énonce que les femmes devraient occuper 30 % des postes de haut niveau au sein de l’administration publique. Pour de plus amples renseignements, voir : PNUD, Gender Equality and Women’s Economic Empowerment in Public Administration, Colombia Case Study, juin 2014 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[73]           Document fourni au Comité par le bureau d’ONU Femmes en Colombie, 1er septembre 2016.

[74]           Ibid.

[75]           Rencontre avec le Centre national de la mémoire historique, Bogotá, 5 septembre 2016.

[76]           Séance d’information de l’ambassade du Canada en Colombie, Villavicencio, 1er septembre 2016.

[77]           Ibid.

[78]           Rencontre avec la représentante d’ONU Femmes en Colombie, Bogotá, 1er septembre 2016.

[79]           Table ronde avec des organisations de la société civile sur des questions liées à l’égalité des sexes et à la consolidation de la paix, Bogotá, 5 septembre 2016.

[80]           Le Sommet national sur les femmes et la paix est un processus soutenu par ONU Femmes qui rassemble les Colombiennes jouant un rôle actif dans la consolidation de la paix. Le deuxième sommet national a eu lieu à Bogotá en septembre 2016. Voir : ONU Femmes, UN Women supports the Second National Summit of Women and Peace in Bogota highlighting Colombian women’s participation in peacebuilding, 20 septembre 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[81]           Rencontre avec la représentante d’ONU Femmes en Colombie, Bogotá, 1er septembre 2016.

[82]           Rencontre avec des pays et des organismes donateurs, Bogotá, 7 septembre 2016.

[83]           Document fourni au Comité par ONU Femmes et intitulé Key data about women’s participation in the Colombian peace negotiations, septembre 2016.

[84]           Certains segments de la population colombienne ont exprimé leur opposition aux dispositions de l’accord de paix de septembre 2016 portant sur l’égalité des sexes et les droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres. Voir : Gimena Sánchez-Garzoli, « Debunking the myths about “Gender Ideology” in Colombia », The Washington Office on Latin America, 25 octobre 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[87]           Selon Affaires mondiales Canada, les 25 pays ciblés ont été choisis en 2014 selon une évaluation de leurs besoins, de leur capacité à tirer profit de l’aide au développement et de leur alignement sur les priorités de la politique étrangère du Canada. FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 mai 2016.

[88]           Affaires mondiales Canada, Rapport statistique sur l’aide internationale 2014-2015, 2016; document fourni au FAAE par Affaires mondiales Canada et intitulé Aide internationale du Canada aux pays ciblés et aux partenaires de développement, juin 2016.

[89]           Ibid.

[90]           Selon la Banque mondiale, et pour l’exercice 2017 en cours, les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure sont définis comme ceux dont le revenu national brut (RNB) par habitant était de 1 026 $ US à 4 035 $ US en 2015. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure sont ceux dont le RNB par habitant était de 4 036 $ US à 12 475 $ US en 2015. Le RNB par habitant du Guatemala était, en 2015, de 3 590 $ US. La même année, le RNB par habitant de la Colombie était de 7 130 $ US. Pour de plus amples renseignements sur la méthodologie de la Banque mondiale, voir : La Banque mondiale, World Bank Country and Lending Groups [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].

[91]           Visite à la Fédération des coopératives de Las Verapaces (Fedecovera), Cobán, 30 août 2016.

[92]           Cette phrase est bien sûr inspirée de la célèbre citation de la professeure Ursula Franklin, scientifique, féministe et pacifiste canadienne.