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FAAE Rapport du Comité

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ANNEXE A : LE CADRE LÉGISLATIF AU CANADA

La présente annexe donne un aperçu des lois sur les sanctions du Canada et des mesures actuellement en place. Pour expliquer comment ces lois fonctionnent dans la pratique, l’annexe contient des renseignements plus détaillés sur les régimes en place contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie. Elle traite aussi de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et d’autres lois touchant la lutte contre la corruption transnationale et le recouvrement des avoirs.

A. La Loi sur les mesures économiques spéciales

La Loi sur les mesures économiques spéciales est une loi habilitante qui permet au gouverneur en conseil de prendre des décrets et des règlements afin de restreindre ou d’interdire certaines activités à l’égard d’un État étranger, d’une personne (particulier ou entité) qui s’y trouve ou d’un de ses nationaux qui ne réside pas habituellement au Canada, ou encore de saisir ou de bloquer des biens leur appartenant[1]. Le ministre des Affaires étrangères est chargé de l’application de la Loi, et les règlements pris en vertu de celle-ci peuvent être modifiés ou annulés par le Parlement[2]. La Loi érige également en infraction le fait de contrevenir volontairement à un règlement pris sous son régime[3].

Le paragraphe 4(1) définit les deux conditions en vertu desquelles un règlement peut être adopté :

  • afin de mettre en œuvre une décision, une résolution ou une recommandation d’une organisation internationale d’États ou d’une association d’États, dont le Canada est membre, appelant à la prise de mesures économiques contre un État étranger;
  • si le gouverneur en conseil juge qu’une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale.

Tous les régimes de sanctions actuellement établis en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales invoquent cette deuxième condition (« rupture sérieuse »).

Si l’une ou l’autre de ces conditions est remplie, le gouverneur en conseil peut, par décret, bloquer, saisir ou mettre sous séquestre des biens ou encore restreindre ou interdire toute activité énumérée au paragraphe 4(2) à l’égard d’une cible désignée. Ces activités appartiennent à cinq catégories :

  • opération portant sur un bien;
  • importation et exportation de biens;
  • transfert de données techniques;
  • prestation de services financiers;
  • transport : amarrage ou atterrissage d’un navire ou d’un aéronef canadien dans l’État ciblé ou encore passage, amarrage ou atterrissage d’un navire ou d’un aéronef de l’État ciblé au Canada.

Les biens situés au Canada qui sont saisis, bloqués ou mis sous séquestre par décret doivent être détenus par un État étranger, une personne qui s’y trouve, un de ses nationaux qui ne réside pas habituellement au Canada ou en leur nom.

Les décrets et règlements pris en vertu de l’article 4 peuvent aussi prévoir des exceptions aux restrictions mises en place. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères peut délivrer des permis permettant à des personnes ou à des entités de mener des activités qui seraient autrement interdites[4].

1. Règlements

Les règlements contiennent tous les détails propres aux pays visés, ce qui explique en partie pourquoi il est difficile de comprendre et de surveiller les sanctions au Canada. Autrement dit, ce sont les règlements qui établissent les « régimes » de sanctions mentionnés dans le présent rapport.

Non seulement les règlements pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales définissent les mesures qui doivent être mises en œuvre, mais ils établissent aussi les dispositions connexes relatives à leur administration. Ces dispositions varient, mais tous les règlements en vigueur ont certains éléments en commun, ce qui montre une façon de faire normalisée dans l’adoption de ces mesures[5].

Les règlements ciblant des personnes ou entités précises contiennent une disposition générale, qui énonce les critères dont le gouvernement se sert pour décider des noms à inscrire sur les listes. De façon générale, la personne ou l’entité doit être impliquée dans des activités interdites ou détenir un certain poste au sein d’un gouvernement ou d’un groupe. Les règlements comportent aussi une ou plusieurs annexes dressant la liste des personnes ou entités visées par des interdictions et des restrictions. Les interdictions imposées à des personnes et entités englobent habituellement un ensemble de mesures visant à interdire des opérations et à geler des actifs[6]. Ces interdictions sont généralement assorties d’exclusions pour permettre, par exemple, les opérations liées à des missions diplomatiques, les opérations humanitaires ou les activités nécessaires au respect d’obligations contractuelles prises avant l’imposition des sanctions.

Habituellement, les règlements imposent à certaines institutions financières une « obligation de vérification », qui les contraint de s’assurer, de façon continue, qu’ils n’ont pas en leur possession ou sous leur contrôle des biens qui appartiennent à une personne ou une entité désignée. Ils prévoient également une obligation de communication : toute personne au Canada est tenue de communiquer à la Gendarmerie royale du Canada l’existence de biens ou tout renseignement sur une opération mettant en cause ces biens.

Les personnes et entités désignées en vertu des règlements peuvent demander par écrit au ministre des Affaires étrangères que leur nom soit radié des annexes applicables. Le cas échéant, le ministre doit alors décider s’il existe des motifs raisonnables de recommander la radiation au gouverneur en conseil et donner avis au demandeur de sa décision[7]. La personne visée peut présenter une nouvelle demande si sa situation « a évolué de manière importante[8] ».

2. Lois connexes

Outre la Loi sur les mesures économiques spéciales, le gouvernement du Canada se sert de deux autres instruments législatifs pour imposer des régimes de sanctions : la Loi sur les Nations Unies et la Loi sur les licences d’exportation et d’importation[9]. Ces trois textes de loi sont souvent utilisés de façon complémentaire, permettant au gouvernement du Canada d’adopter tout un éventail de sanctions en réponse à des événements internationaux.

La Loi sur les Nations Unies est la loi habilitante par laquelle le gouvernement du Canada donne effet aux sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU, conformément à ses obligations en vertu de la Charte des Nations Unies[10]. Elle permet au gouverneur en conseil d’adopter des règlements visant à mettre en œuvre les sanctions onusiennes et érige en infraction le fait de contrevenir à ces règlements[11]. Les règlements pris en vertu de cette loi varient en fonction des régimes établis par le Conseil de sécurité, mais contiennent souvent des dispositions semblables à celles que l’on trouve dans les règlements découlant de la Loi sur les mesures économiques spéciales[12].

Les règlements pris en vertu de la Loi sur les Nations Unies, contrairement à ceux découlant de la Loi sur les mesures économiques spéciales, ne comportent pas d’annexes dressant une liste des personnes et entités visées par les sanctions. Les mesures prescrites sont plutôt automatiquement imposées à tous ceux qui sont désignés par le Conseil de sécurité de l’ONU et ses organes subsidiaires[13]. Dès que le Conseil de sécurité impose des sanctions, un comité est créé afin d’en surveiller l’application. En général, ce comité a le pouvoir délégué de désigner des personnes ou des entités ou de les radier d’une liste, en s’appuyant sur les critères énoncés dans les résolutions applicables du Conseil de sécurité. Ces comités onusiens ont habituellement l’appui d’un groupe d’experts ou de surveillance[14].

Conformément à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, le gouvernement du Canada tient une liste des biens dont il doit, à son avis, contrôler l’importation et l’exportation, ce qui comprend l’exportation de biens et de technologies militaires « à une destination où leur emploi pourrait être préjudiciable à la sécurité du Canada[15] ». Affaires mondiales Canada peut fournir aux exportateurs potentiels des informations sur la façon dont ce pouvoir sera exercé à l’égard de certains pays, comme il le fait actuellement pour l’Iran[16]. De plus, le gouvernement peut contrôler l’exportation ou le transfert de biens et de technologies vers certains pays par l’entremise de la Liste des pays visés établie en application de la Loi[17]. Les résidents du Canada qui souhaitent exporter ou transférer des biens et des technologies vers des pays figurant sur cette liste doivent obtenir une licence du ministre des Affaires étrangères, lequel doit déterminer si l’octroi d’une telle licence pourrait nuire « à la sécurité et aux intérêts de l’État » ou « à la paix, à la sécurité ou à la stabilité de n’importe quelle région du monde ou à l’intérieur des frontières de n’importe quel pays[18] ».

3. Régimes de sanctions du Canada

À l’heure actuelle, le Canada a en place des régimes de sanctions contre 20 États, en application de l’une ou de plusieurs des trois lois susmentionnées :

  • Loi sur les mesures économiques spéciales (5) : Birmanie, Russie, Syrie, Ukraine et Zimbabwe;
  • Loi sur les Nations Unies (10) : Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Iraq, Érythrée, Liban, Yémen, Libéria, Somalie, République centrafricaine et Soudan;
  • Loi sur les mesures économiques spéciales et Loi sur les Nations Unies (3) : Iran, Libye et Soudan du Sud;
  • Loi sur les mesures économiques spéciales, Loi sur les Nations Unies et Loi sur les licences d’exportation et d’importation (1) : Corée du Nord;
  • Loi sur les licences d’exportation et d’importation (1) : Bélarus[19].

En plus de ces régimes ciblant un pays en particulier, la Loi sur les Nations Unies et des dispositions connexes du Code criminel établissent un régime de sanctions transnationales pour lutter contre le terrorisme. Le Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban impose des interdictions et un gel des avoirs aux personnes et entités désignées en vertu des deux régimes de sanctions antiterroristes de l’ONU. En outre, des dispositions du Code criminel autorisent le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à tenir à jour une liste des entités qui sont impliquées dans des activités terroristes et dont les biens peuvent être saisis, bloqués ou confisqués[20].

Selon des documents remis au Comité par Affaires mondiales Canada, 992 personnes et entités font l’objet de mesures de blocage des actifs et d’interdictions relatives aux opérations en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales, et 12 entités russes sont assujetties à des restrictions en matière de prestation de services de financement par emprunt ou par actions[21]. La Liste récapitulative des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui s’étend à tous les régimes de sanctions prévus par des résolutions du Conseil, contient les noms de 640 personnes et 379 entités assujetties à des restrictions ou des interdictions[22]. Ces sanctions sont mises en œuvre par le Canada par le truchement de la Loi sur les Nations Unies.

Les sections ci-dessous décrivent plus en détail les régimes de sanctions contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord et expliquent comment le gouvernement du Canada a adopté des régimes de sanctions au cours des 10 dernières années en application des cadres législatifs susmentionnés.

a. Sanctions contre la Russie

Le 17 mars 2014, en réponse à la violation, par la Russie, de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, y compris l’annexion de la Crimée, , le Canada a imposé des sanctions contre la Russie et ses alliés en Ukraine. Pour ce faire, il a adopté deux règlements en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales, invoquant « une rupture sérieuse » de la paix (alinéa 4(1)b) de la Loi)[23]. Au départ, ces règlements venaient interdire d’effectuer certaines activités et imposer un gel des avoirs à l’égard de sept personnes en Russie et de trois personnes en Ukraine[24].

Le règlement visant la Russie a été modifié 14 fois depuis, dont deux fois dans la semaine suivant son adoption, et 10 fois au cours de sa première année d’application[25]. À l’heure actuelle, 93 personnes et 53 entités sont assujetties à des interdictions relatives aux opérations et à un blocage des biens, et 12 entités sont visées par des restrictions en matière d’émissions de titres de créance et d’actions. Ce règlement prévoit aussi une interdiction en ce qui concerne les biens et les services financiers, techniques et autres ayant trait à l’exploration et à la production pétrolière dans certaines zones extracôtières et à certaines profondeurs, ainsi que dans l’Arctique, de même qu’au schiste[26].

Le règlement visant des personnes et des entités en Ukraine a été modifié à 12 reprises, dont 8 fois au cours de sa première année d’application[27]. Le règlement actuel dresse une liste de 107 personnes et de 39 entités assujetties à des interdictions relatives aux opérations et à un gel des avoirs. Il comporte aussi une interdiction concernant les opérations et activités économiques et financières dans la région de la Crimée, notamment en ce qui concerne les investissements et les exportations[28].

b. Sanctions contre l’Iran

En réponse au programme nucléaire iranien et aux risques de prolifération cernés par l’Agence internationale de l’énergie atomique, le Conseil de sécurité de l’ONU a commencé à imposer des mesures contre l’Iran en décembre 2006[29]. Conformément à ses obligations, le Canada a adopté des règlements correspondants en vertu de la Loi sur les Nations Unies afin d’imposer des interdictions applicables aux produits ainsi qu’aux personnes et entités mentionnées dans la résolution[30]. Le Canada a durci à trois reprises les sanctions contre l’Iran prises en vertu de cette loi, afin de donner suite à de nouvelles résolutions du Conseil de sécurité. En 2010, ces mesures ont eu pour effet d’élargir considérablement les interdictions en place et d’en imposer de nouvelles touchant le matériel militaire et les missiles balistiques[31].

Une fois le Plan d’action global commun approuvé, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution afin de mettre fin aux sanctions en place et d’en imposer de nouvelles, moins sévères, conformément à l’entente convenue[32]. Le règlement actuel pris en application de la Loi sur les Nations Unies du Canada impose ces nouvelles restrictions relatives aux produits nucléaires, militaires et balistiques ainsi que celles applicables aux 23 personnes et 61 entités désignées par le Conseil de sécurité[33].

Peu après le dernier renforcement des sanctions onusiennes en 2010, le Canada a commencé à imposer d’autres sanctions contre l’Iran en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales en invoquant « une rupture sérieuse de la paix »[34]. Prenant appui sur les sanctions déjà en place en vertu de la Loi sur les Nations Unies, le règlement adopté imposait des restrictions à 42 personnes et 279 entités additionnelles et élargissait les interdictions sectorielles de façon à inclure les activités pétrolières et gazières et les services financiers[35]. Le règlement a fait l’objet de modifications importantes à la suite de l’entrée en vigueur du Plan d’action global commun, ce qui a mené à l’élimination des interdictions sectorielles et réduit la liste des personnes (41) et entités (161) désignées[36].

c. Sanctions contre la Corée du Nord

Le Canada a prononcé des sanctions contre la Corée du Nord en 2006 après que l’ONU a imposé des sanctions en réponse à l’essai nucléaire mené par ce pays en violation du Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires[37]. Le Canada a mis en œuvre les mesures onusiennes en adoptant en novembre 2006 un règlement en vertu de la Loi sur les Nations Unies. Ce règlement interdit l’envoi de matériel militaire, d’articles de luxe et de ressources contribuant aux programmes d’armement nucléaire et balistique. Il impose aussi des interdictions à des personnes et entités désignées[38].

Le Conseil de sécurité de l’ONU a renforcé ses sanctions en réaction aux essais nucléaires subséquents réalisés par la Corée du Nord en 2009, 2013 et 2016[39]. Le règlement actuel découlant de la Loi sur les Nations Unies durcit les mesures déjà en place, prévoit de nouvelles interdictions relatives aux services financiers, aux ressources naturelles, au carburant aviation et aux transports[40]. Des restrictions s’appliquent également aux 39 personnes et 42 entités désignées par le Conseil de sécurité de l’ONU[41].

En 2010, le Canada a modifié la Liste des pays visés en application de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation afin d’ajouter la Corée du Nord après qu’un sous-marin nord-coréen ait coulé le Cheonan, un navire militaire de la Corée du Sud[42]. À la lumière des résultats d’une enquête internationale, qui exposait le rôle de la Corée du Nord dans cet incident, le Canada a aussi imposé en 2011 des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, en invoquant une « rupture sérieuse » de la paix et de la sécurité. Ces nouvelles sanctions, mises en place dans le but de « compléter et étendre » les mesures appliquées en vertu de la Loi sur les Nations Unies, interdisent de façon générale les opérations sur des marchandises, des biens, des services financiers, de l’aide technique et des transports[43].

B. La Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus

La Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus est structurée de manière semblable à la Loi sur les mesures économiques spéciales, mais les pouvoirs que cette première loi confère sont beaucoup plus limités. Elle établit les conditions permettant au gouverneur en conseil de prendre un décret ou un règlement visant à bloquer ou à saisir des biens ou à restreindre ou à interdire certaines activités à l’égard de personnes désignées, en plus de créer une infraction en cas de violation de la loi[44]. Elle prévoit également des pouvoirs en matière d’exclusion et d’octroi de permis, comme le fait la Loi sur les mesures économiques spéciales, et contient des dispositions créant une obligation de vérification et de communication comme celles que l’on trouve dans les règlements découlant de cette deuxième loi[45].

Conformément à l’article 4 de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, le gouverneur en conseil peut prendre un décret ou un règlement si un État étranger déclare, par écrit au gouvernement du Canada, qu’une personne a détourné des biens de l’État ou a acquis des biens « de façon inappropriée en raison de sa charge ou de liens personnels ou d’affaires » et si l’État demande au gouvernement du Canada de bloquer ces biens. Le cas échéant, le gouverneur en conseil doit être convaincu que :

  • la personne est « un étranger politiquement vulnérable » relativement à l’État en question;
  • l’État fait face à « des troubles internes » ou à « une situation politique incertaine »;
  • la prise du décret ou du règlement est dans « l’intérêt des relations internationales »[46].

La Loi définit l’expression « étranger politiquement vulnérable » comme une personne qui occupe ou a occupé l’un des postes de haut niveau énuméré ou toute personne qui lui est étroitement liée pour des raisons personnelles ou d’affaires, ce qui comprend les membres de la famille[47].

En plus de prévoir le blocage ou la saisie de biens, la Loi autorise la prise de décrets visant à restreindre ou à interdire des opérations financières ou la prestation de services[48]. Les décrets cessent d’avoir effet cinq ans après leur date d’entrée en vigueur à moins que le gouverneur en conseil ne les prolonge[49].

La Loi permet également à une personne de demander de cesser d’être visée par le décret ou règlement. La personne visée peut présenter une demande au ministre des Affaires étrangères, qui doit déterminer s’il existe des motifs raisonnables de formuler une telle recommandation, ce qui est possible seulement si le demandeur ne répond pas à la définition d’« étranger politiquement vulnérable[50] ».

1. Lois connexes

La Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus a pour but de mettre en place des mesures temporaires pour protéger des actifs qui sont considérés comme des produits de la corruption étrangère et ainsi permettre aux États concernés de demander leur recouvrement en vertu de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle. Cette deuxième loi donne effet aux obligations du gouvernement du Canada découlant de traités d’entraide juridique et permet aux autorités canadiennes d’aider des organismes d’application de la loi étrangers dans le cadre d’enquêtes et de poursuites[51]. Si le traité ou l’accord administratif applicable le permet, cette loi autorise le gouvernement à exécuter une ordonnance de blocage, de saisie ou de confiscation de biens situés au Canada rendue par un tribunal compétent étranger[52]. Avant d’homologuer le blocage ou la saisie de biens, le procureur général du Canada doit être convaincu que la personne a été accusée d’une infraction relevant de la compétence de l’État étranger et que l’infraction en question constituerait un acte criminel si elle avait été commise au Canada[53]. Pour ce qui est des ordonnances de confiscation, il doit s’assurer que la condamnation n’est pas susceptible d’un appel et que la demande ne peut être refusée pour l’un ou l’autre des motifs énumérés[54]. Les biens confisqués peuvent être retournés à l’État étranger seulement aux termes d’un accord bilatéral permettant aux parties contractantes d’échanger des biens saisis parce qu’ils constituent des produits de la criminalité ou des biens infractionnels. Le Canada a en place 16 accords de partage des biens[55].

Par ailleurs, il est possible de porter au Canada des accusations criminelles relativement aux produits de la corruption transnationale situés en territoire canadien. Les dispositions sur le blanchiment d’argent et la possession de biens criminellement obtenus (paragraphes 462.3(1) et 354(1) du Code criminel) prévoient que la loi s’applique même si ces infractions sont commises à l’étranger, dans la mesure où elles auraient constitué une infraction punissable sur acte d’accusation si elles avaient été commises au Canada[56]. Si la personne est trouvée coupable, il est possible de saisir les biens en question, qui sont alors considérés comme des produits de la criminalité[57]. Un État étranger peut aussi demander le recouvrement de biens détournés à un tribunal civil lorsque cela est prévu dans les lois sur la confiscation des biens en droit civil de la province où sont situés les biens en question[58]. La Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus permet au gouvernement du Canada d’agir rapidement pour préserver des biens qui seraient le produit de la corruption transnationale, tout en donnant le temps de mener des actions judiciaires complémentaires.

2. Règlements

Deux règlements ont été pris en vertu de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus depuis son entrée en vigueur en 2011. Le premier vise la Tunisie et l’Égypte (mars 2011), le deuxième, l’Ukraine (mars 2014)[59]. Le premier, qui a été modifié à cinq reprises, dressait au départ une liste de 48 personnes politiquement vulnérables pour la Tunisie et de 21 personnes pour l’Égypte[60]. Au total, 123 personnes de la Tunisie et 148 de l’Égypte ont été désignées au fil du temps[61]. Le règlement actuel ne vise plus que huit personnes politiquement vulnérables pour la Tunisie[62], et ne s’applique plus à l’Égypte. Il a été prolongé pour une période de cinq ans en mars 2016.[63] Le règlement visant l’Ukraine n’a jamais été modifié et désigne actuellement 18 personnes[64].


[1]              L’expression « personnes et entités » est utilisée tout au long du présent rapport conformément à l’interprétation contenue dans la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, laquelle est essentiellement la même. Les deux lois parlent souvent de « personnes », un terme qui est défini comme une « personne physique ou entité ». « Entité » est défini dans la Loi sur les mesures économiques spéciales comme suit : « personne morale, fiducie, société de personnes, fonds, organisation ou association non dotée de la personnalité morale ainsi qu’un État étranger ».

[2]              Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17, par. 6(1) et 7(2).

[3]              Ibid., art. 8.

[4]              Ibid., par. 4(3) et 4(4).

[5]              Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la République populaire démocratique de Corée, DORS/2011-167 est actuellement le seul règlement pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales qui ne prévoit pas l’imposition de sanctions ciblées contre des personnes ou entités désignées (liste figurant en annexe). Tous les autres règlements en place contiennent les dispositions mentionnées dans la présente section : Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie, DORS/2007‑285; Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, DORS/2010-165; Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2014-58; Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Soudan du Sud, DORS/2014-235; Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Syrie, DORS/2011-114; Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine, DORS /2014-60; et Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Zimbabwe, DORS/2008-248.

[6]              Pour un exemple d’interdictions ciblées normalisées ayant été adoptées, voir Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine, DORS/2014-60, art. 3.

[7]              Tous les règlements, à l’exception de ceux visant la Birmanie et le Zimbabwe, obligent le ministre à rendre une décision dans un délai de 90 jours. Dans le règlement visant la Birmanie, le ministre est présumé avoir donné son approbation s’il ne rend pas de décision dans un délai 90 jours, et ce délai est de 60 jours dans le Règlement visant le Zimbabwe.

[8]              L’expression « si la situation du demandeur a évolué de manière importante » est reprise dans tous les règlements.

[9]              Loi sur les Nations Unies, L.R.C., 1985, ch. U-2; Loi sur les licences d’exportation et d’importation, L.R.C., 1985, ch. E-19. Des sanctions visant à lutter contre le terrorisme sont également mises en œuvre en vertu du Code criminel. Ce point est abordé dans la prochaine section.

[10]           Loi sur les Nations Unies, art. 2.

[11]           Ibid., art. 2 et 3.

[12]           Les règlements établissent les interdictions qui sont mises en place, de même que les exclusions. Ils peuvent aussi prévoir des obligations (p. ex. vérification et divulgation) comme celles contenues dans la Loi sur les mesures économiques spéciales.

[13]           Voir, par exemple, la définition de « personne désignée » dans le Règlement sur l’application des résolutions des Nations Unies sur la Libye, DORS/2011-51, art. 1 et par. 7(2).

[14]           Conseil de sécurité des Nations Unies, Organes subsidiaires, Sanctions.

[18]           Ibid., par. 7(1) et 7(1.01)

[19]           Affaires mondiales Canada, Régimes de sanctions imposés par le Canada. En mai 2016, le gouvernement du Canada a indiqué qu’il amorcerait « le processus réglementaire en vue de retirer le Bélarus de la Liste des pays visés, ce qui se traduira par la levée des sanctions imposées depuis le 14 décembre 2006 ».

[20]           Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban, DORS/99-444; Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46, art. 83.05, 83.08, 83.13 et 83.14.

[21]           Cette liste a été remise au Comité à titre d’information dans le cadre de son examen de la loi. De nature administrative, elle est représentative des règlements en place en date du 29 novembre 2016.

[22]           Conseil de sécurité des Nations Unies, Organes subsidiaires, Liste récapitulative des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies, consultée le 13 décembre 2016.

[23]           Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2014-58 (du 2014-03-17 au 2014‑03-18); Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine, DORS/2014-60 (du 2014‑03‑17 au 2014-03-18).

[24]           Ibid.

[25]           Site Web de la législation (Justice), « Texte complet des versions antérieures », Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (DORS/2014-60), 2 décembre 2016.

[27]           Site Web de la législation (Justice), « Texte complet des versions antérieures », Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine (DORS/2014-60), 2 décembre 2016.

[29]           Conseil de sécurité de l’ONU, S/RES/1737 (2006), 27 décembre 2006.

[30]           Règlement d’application de la résolution des Nations Unies sur l’Iran, DORS/2007-44 (du 2007-02-22 au 2007‑05‑16).

[31]           Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur l’Iran, DORS/2007-44 (du 2010-06-17 au 2016‑11-21); et Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1929 (2010), S/RES/1929(2010).

[32]           Conseil de sécurité de l’ONU, S/RES/2231 (2015), 20 juillet 2015.

[33]           Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur l’Iran, DORS/2007-44; et Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 2231(2015) : Liste établie en application de la résolution 2231, consultée le 14 décembre 2016.

[34]           Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, DORS/2010-165 (du 2010-07-22 au 2011‑10‑16).

[35]           Ibid.

[37]           Conseil de sécurité de l’ONU, S/RES/1718 (2006), 14 octobre 2006.

[39]           Les résolutions applicables du Conseil de sécurité de l’ONU sont les suivantes : 1874 (2009); 2087 (2013); 2094 (2013); 2270 (2016); et 2321 (2016).

[41]           Conseil de sécurité des Nations Unies, Organes subsidiaires, Matériaux relatifs à la liste de sanctions : Liste des sanctions 1718, consultée le 15 décembre 2016.

[42]           Liste des pays visés, DORS/81-543 (du 2010-07-13 au 2012-04-23).

[43]           Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la République populaire démocratique de Corée, DORS/2011-167; et FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 21 novembre 2016.

[44]           Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, L.C. 2011, ch. 10, art. 4 et 10.

[45]           Ibid., par. 4(4), et art. 5, 8 et 9.

[46]           Ibid., par. 4(2).

[47]           Ibid., art. 2.

[48]           Ibid., par. 4(3).

[49]           Ibid., art. 6.

[50]           Ibid., par. 5(1). Les règlements pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales ne limitent pas les motifs sur lesquels le ministre peut s’appuyer pour recommander la radiation d’un nom de la liste.

[51]           Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, L.R.C., 1985, ch. 30 (4e supplément). Pour la liste des traités d’entraide juridique conclus par le Canada, Voir Affaires mondiales Canada, Liste des traités – recherche.

[52]           Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, art. 9.3 et 9.4.

[53]           Ibid., par. 9.3(3).

[54]           Ibid., par. 9.4. Parmi les motifs de refus de la demande énumérés au paragraphe 9.4(2) figurent des raisons liées à la politique publique, par exemple si la demande est présentée à des fins de discrimination ou peut nuire à la sécurité nationale, à l’intérêt national ou à la souveraineté du Canada.

[55]           Réponse du ministère de la Justice à une lettre, datée du 15 novembre 2016, envoyée par le président du FAAE, Robert Nault, à la ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Jody Wilson-Raybould.

[56]           Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46.

[57]           Ibid., art. 462.37.

[58]           Par exemple, dans la Loi de 2001 sur les recours civils, (L.O. 2001, ch. 28) de l’Ontario, la définition d’« activité illégale » englobe les actes commis à l’étranger, tout comme les dispositions du Code criminel mentionnées; cette loi permet de confisquer les produits de ces activités.

[60]           Règlement sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus (Tunisie et Égypte), DORS/2011-78 (du 2011-03-23 au 2011-12-15).

[61]           Pour une liste complète des noms, voir Règlement sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus (Tunisie et Égypte), DORS/2011-78 (du 2011-12-16 au 2012-12-13); et Règlement sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus (Tunisie et Égypte), DORS/2011-78 (du 2012-12-14 au 2014-02-27).