FAAE Rapport du Comité
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PENSER AU LENDEMAIN : PLANIFIER LA PROTECTION DES MINORITÉS RELIGIEUSES ET ETHNIQUES APRÈS LA DÉFAITE DE DAECH EN IRAQINTRODUCTIONEn octobre et en novembre 2016, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous-comité), a étudié la situation des droits de la personne des yézidis et d’autres minorités ethniques et religieuses en Syrie et en Iraq[1]. Il s’est concentré sur le gouvernorat de Ninive dans le nord-ouest de l’Iraq, dont la capitale est Mossoul. La région de Ninive a été envahie par Daech, un groupe sunnite extrémiste, en août 2014[2]. Cette région, qui présente une diversité sans équivalent ailleurs en Iraq[3], abrite des yézidis, des Assyro-Chaldéens, des Turkmènes de souche, ainsi que des Shabaks, des Sabéens-Mandéens et des Kakaï[4] depuis plus d’un millénaire[5]. Aux mains de Daech, les minorités ethniques et religieuses de Ninive ont été victimes de violations des droits de la personne équivalant à des actes de génocide, à des crimes contre l’humanité et à des crimes de guerre[6]. Dans leur rapport sur les yézidis qui ont été transférés de force de l’Iraq vers la Syrie[7], les Nations Unies ont reconnu que Daech commettait un génocide contre les yézidis et que ce génocide se poursuivait[8]. Le 16 juin 2016, à la Chambre des communes, le gouvernement du Canada a aussi reconnu qu’un génocide était en train de se produire[9]. Les témoignages présentés au Sous-Comité ont porté pour la plupart sur les yézidis et les chrétiens[10]. Le Sous-comité a toutefois appris que, sous l’emprise de Daech, « [a]ucun groupe n’a été épargné » et qu’établir une distinction entre ces groupes reviendrait à établir une distinction entre des « degrés d’horreur[11] ». La campagne de Daech à Ninive diffère de ses activités en Syrie, qui visaient beaucoup moins les minorités ethniques et religieuses[12]. Pour cette raison, la portée du présent rapport est limitée à Ninive. Des représentantes d’Affaires mondiales Canada, Mme Emmanuelle Lamoureux, directrice des Relations avec les pays du Golfe, et Mme Giuliana Natale, directrice de l’Inclusion et de la liberté de religion, au Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion, ont témoigné devant le Sous-comité. D’autres témoins se trouvaient sur le terrain en Iraq, ou s’y étaient rendus récemment, dont M. David Romano, professeur de politique du Moyen-Orient, et Mme Naomi Kikoler, directrice adjointe du « Simon-Skjodt Center for the Prevention of Genocide ». Mme Kikoler a produit deux rapports sur le sort des minorités en Iraq, à partir d’entrevues approfondies avec des membres de ces communautés. Le Sous-comité a également reçu le témoignage de M. William Wiley, directeur exécutif de la « Commission for International Justice and Accountability » (CIJA), un organisme sans but lucratif qui s’emploie à recueillir des preuves au sujet de crimes graves ayant une portée internationale, en vue d’accroître les probabilités que leurs auteurs aient à répondre de leurs actes. Enfin, le Sous-comité a entendu M. Mirza Ismail, président de « Yezidi Human Rights Organization-International », qui a relaté l’expérience des yézidis en Iraq. Le Sous-comité a entrepris son étude alors que des yézidis et des chrétiens commençaient à réintégrer les secteurs libérés de Ninive[13], tandis que la Coalition mondiale contre Daech – à laquelle participe le Canada[14] – se trouvait en plein cœur de sa campagne pour reprendre Mossoul[15]. On a dit au Sous-comité que, même si la défaite militaire de Daech « abolira une menace très grave », les minorités ethniques et religieuses en Iraq continuent d’entretenir des craintes au sujet de leur protection physique et de leur sécurité sur le plan politique[16]. Pour reprendre les mots de Mme Lamoureux, la défaite de Daech marquera le début d’une autre étape « qui sera tout aussi complexe et difficile que celle que nous traversons actuellement[17] ». Au dire de témoins, la protection des civils nécessite « une planification du lendemain » en vue de la stabilisation et de la reconstruction des communautés[18]. Selon eux, faute de consensus notamment, l’élaboration de plans de reconstruction n’a pas vraiment avancé[19]. Des témoins ont indiqué que l’absence d’une stratégie claire pour assurer la sécurité et l’administration politique risque d’exacerber les tensions qui existaient avant l’invasion de Daech[20]. Mme Kikoler a indiqué qu’une telle stratégie devrait éliminer les conditions qui ont permis à Daech de s’implanter [21]. Les analyses présentées par les témoins portaient sur trois facteurs distincts mais interreliés qui favoriseraient la sécurité physique et politique des communautés minoritaires de Ninive. Premièrement, des témoins ont affirmé qu’il faut chercher avant tout à établir un dialogue entre les communautés, d’une part, pour promouvoir la réconciliation entre les victimes et les auteurs des atrocités, lesquels étaient souvent des combattants locaux et, d’autre part, pour régler les griefs entre les communautés qui existaient peut-être avant l’invasion de Daech ou qui peuvent avoir surgi par la suite[22]. Ensuite, des témoins ont mentionné qu’il fallait en venir à un accord politique viable au sujet de la gouvernance; cet accord devrait prévoir la représentation des communautés minoritaires de Ninive et des mesures visant à protéger leur sécurité physique[23]. Enfin, on a souligné qu’il importe d’établir un mécanisme d’imputabilité fondé sur la primauté du droit, tout en répondant aux appels de la communauté locale pour que justice soit rendue à l’égard des crimes atroces et haineux commis par Daech[24]. Malgré la complémentarité de ces objectifs, il pourrait s’avérer « difficile de trouver un juste équilibre[25] » en vue de les atteindre. Le présent rapport a trois objectifs. Le premier consiste à exposer le contexte dans lequel Daech s’est développé et de rapporter les témoignages relatant les atrocités commises par Daech contre les minorités ethniques et religieuses de Ninive. Le deuxième objectif consiste à décrire le contexte local dans lequel se fera la reconstruction après le passage de Daech, de même que les efforts faits pour favoriser la réconciliation, l’entente politique et l’imputabilité à l’égard des crimes commis contre les minorités ethniques et religieuses de Ninive. À cet égard, il sera question en particulier des initiatives canadiennes en cours et des moyens de rendre plus efficaces les programmes liés à la gouvernance et à l’imputabilité. Enfin, compte tenu des conclusions du rapport, des recommandations sont présentées à l’intention du gouvernement du Canada au sujet des futures activités de stabilisation destinées à reconstituer les communautés et à assurer la sécurité physique et politique des minorités ethniques et religieuses en Iraq. Le Sous‑comité prend acte de l’importance des témoignages portant sur la protection des réfugiés, mais il s’abstiendra de tout commentaire sur ce sujet dans le présent rapport. Il s’attend qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada donne suite à la motion adoptée par la Chambre des communes le 25 octobre 2016 dans laquelle il lui est demandé d’exercer ses pleins pouvoirs pour que des femmes et des filles yézidies puissent trouver asile au Canada[26]. LES MINORITÉS RELIGIEUSES ET ETHNIQUES DE NINIVE DANS LE CONTEXTE IRAQUIENLes yézidis sont un groupe ethnoreligieux ancien qui vit principalement dans les districts de Sinjar et de Shekhan ainsi que dans la région de la plaine de Ninive[27]. Le yézidisme est une religion monothéiste vieille de 4 000 ans qui intègre des éléments du zoroastrisme, du judaïsme, du christianisme et de l’Islam[28]. Avant juin 2014, la communauté yézidie comprenait environ 500 000 membres[29]. Les chrétiens chaldo-assyriens, dans le nord de l’Iraq, habitent principalement dans la région de la plaine de Ninive et dans le district de Mossoul. En 2014, on évaluait leur population à près de 350 000 personnes[30]. Bien que les données démographiques varient considérablement, une proportion importante de chrétiens iraquiens a fui le pays sous le régime de Saddam Hussein ainsi que pendant les années qui ont suivies, lors de l’essor de groupes extrémistes, incluant Al-Qaïda en Iraq.[31] Parmi les autres minorités ethniques et religieuses de Ninive, mentionnons les Turkmènes, les Shabaks, les Kakaï et les Sabéens-Mandéens. Considérés comme le troisième groupe ethnique en importance, les Turkmènes regroupent de 500 000 à 3 millions de personnes, soit des musulmans sunnites et chiites, ainsi que des chrétiens[32]. Ils sont concentrés dans la ville de Tal Afar à Ninive[33]. Entre 200 000 et 500 000 Shabaks sont établis près de Mossoul et dans la plaine de Ninive. La majorité d’entre eux sont chiites et, 30 à 40 %, sunnites; ils ont tous des pratiques religieuses distinctes[34]. Les Kakaï regroupent environ 200 000 Kurdes qui pratiquent une religion considérée comme un amalgame du chiisme et du zoroastrisme[35]. Enfin, les Sabéens-Mandéens, qui comptent de 3 000 à 5 000 membres, sont établis un peu partout en Iraq et pratiquent la religion gnostique[36]. Malgré sa composition démographique unique, la sécurité des yézidis, des chrétiens et des communautés ethniques et religieuses minoritaires de Ninive est étroitement liée au contexte politique et interconfessionnel plus vaste de l’Iraq. La sécurité des groupes minoritaires est menacée par les tensions qui opposent sunnites et chiites, lesquels représentent respectivement le tiers et les deux tiers de la population musulmane iraquienne[37]. Sous le régime de Saddam Hussein, les minorités ont été grandement affectées par la politique d’« arabisation » mise en œuvre. Cette politique a modifié la composition démographique de Ninive, et d’autres régions, où des sunnites ont été installés[38], alors que les minorités résidentes étaient expulsées de force[39]. En 2006, trois ans après la chute de Saddam Hussein, sunnite, un nouveau gouvernement a été mis en place, dirigé par un premier ministre chiite, Nouri Al-Maliki, et dominé par des chiites. La préférence de plus en plus marquée du nouveau gouvernement en faveur de la communauté chiite a intensifié les tensions entre communautés chiites et sunnites. Cette polarisation, conjuguée à l’extrême fragilité des institutions de l’État ainsi qu’à l’affaiblissement des forces de sécurité et à la culture de l’impunité, a favorisé l’essor de groupes extrémistes, incluant Al-Qaïda en Iraq, qui s’en sont pris aux minorités[40]. Devant les actes de violence extrémistes d’une intensité grandissante, des centaines de milliers de personnes appartenant à des minorités religieuses ont fui l’Iraq entre 2003 et l’invasion de Daech en 2014. Selon des rapports de la United States « Commission on International Religious Freedom », l’Iraq comptait de 800 000 à 1,4 million de chrétiens avant 2003; les dirigeants des communautés estimaient que ce nombre est passé à 350 000–500 000 tout juste avant l’invasion de Daech. Des milliers de yézidis ont aussi fui l’Iraq pendant cette période; leur population est passée de 700 000 en 2005 à 500 000 avant l’invasion de Daech. De plus petites communautés ont également subi un déclin démographique. C’est le cas des Sabéens-Mandéens, dont le nombre oscillait entre 50 000 et 60 000 en 2003, et qui ne sont plus maintenant que 3 000 à 5 000[41]. Les conflits armés dans la région donnent lieu à des violations des droits de la personne des minorités ethniques et religieuses, mais, quelles que soient leurs origines ethniques et leur religion, tous les Iraquiens et les Syriens voient leur sécurité gravement menacée. À la fin de 2014, Daech avait pris le contrôle d’une grande partie du territoire en Iraq et en Syrie, en tirant avantage de la détérioration de la situation sur les plans politique et de la sécurité dans les deux pays. Même si Daech semble avoir ralenti sur sa lancée en 2016, alors que les forces locales appuyées par la Coalition mondiale ont repris d’importantes parties de territoire qui étaient sous son contrôle[42], les civils demeurent victimes de violations des droits de la personne. M. Wiley a fait observer que la majorité des victimes de Daech en Iraq et en Syrie sont des Arabes sunnites[43]. Au dire de Mme Lamoureux, sous l’effet de la menace, des membres des communautés sunnites se sont faits complices des atrocités et des violations des droits de la personne commises par Daech[44]. Daech a toujours la haute main sur des territoires, et les personnes qui cherchent à revenir chez elles en sont dissuadées en raison des tirs de mortier et de la présence d’engins explosifs[45]. Depuis des décennies, le gouvernement iraquien et les Kurdes se disputent le contrôle du nord de l’Iraq sur le plan politique, ce qui avive le sentiment d’insécurité des minorités dans la région[46]. Le groupe ethnique kurde représente de 17 à 20 % de la population iraquienne[47]. La région autonome kurde, qui est située dans le nord de l’Iraq et dont la capitale est Erbil, a été créée en vertu de la Constitution fédérale iraquienne de 2005. Elle est dirigée par le gouvernement de la région du Kurdistan et elle est protégée par la force de sécurité peshmerga[48]. Les Kurdes contrôlent également de fait le territoire à l’extérieur des frontières officielles de la région autonome, incluant Ninive[49]. De nombreuses factions kurdes sont actives dans la région de Sinjar dans la province de Ninive, notamment le Parti des travailleurs du Kurdistan, qui est en « compétition politique » avec le parti au pouvoir dans la région autonome kurde, le Parti démocratique du Kurdistan[50]. La lutte pour le contrôle du nord de l’Iraq à laquelle se livrent les multiples factions kurdes et le gouvernement central iraquien a jeté « une certaine confusion en ce qui a trait à la prestation des services de sécurité physique, et l’on constate une défection » envers les communautés minoritaires de Ninive. C’est ce qui explique le manque chronique de ressources à Ninive et l’absence de services de base[51]. Bien que les groupes minoritaires à Ninive, incluant les Turkmènes et les chrétiens chaldo-assyriens, aient rivalisé pour obtenir plus d’autonomie dans le passé[52], leurs tentatives ont été supplantées par la lutte de pouvoir entre le gouvernement central iraquien et les nombreuses factions kurdes. Des membres des communautés minoritaires ont indiqué à Mme Kikoler qu’« ils recevaient de l’attention uniquement dans la mesure où ils appuyaient les revendications concurrentes portant sur les territoires et l’influence politique » entre les factions kurdes et le gouvernement central iraquien[53]. Des pressions considérables pèsent sur les membres des groupes minoritaires pour qu’ils s’assimilent à un groupe ou l’autre[54]. L’actuel gouvernement iraquien, qui a commencé son mandat juste avant que Daech n’envahisse le nord de l’Iraq au printemps 2014, doit tenir des élections avant 2018. Mme Lamoureux a indiqué que le « gouvernement iraquien ne peut pas être qualifié de stable, mais il ne demeure pas moins remarquablement résilient » face aux crises financière et de sécurité et aux tensions interconfessionnelles grandissantes[55]. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement est aux prises avec des divisions ethniques et confessionnelles, comme en témoignent la division par religion ou par tribu des 31 principaux partis politiques qui le composent. Par conséquent, le gouvernement central ne peut échapper aux pressions exercées par les différents groupes que représentent ces partis[56]. Mme Lamoureux a fait observer que le combat contre Daech est « [l]a colle qui les tient […] ensemble » et qu’une fois Daech disparu, l’unité « va se dissoudre tranquillement et la situation risque de s’aggraver[57] ». M. Romano a exprimé des préoccupations semblables dans son témoignage[58]. Ces sources d’insécurité sont exacerbées par la fragilité des institutions étatiques, l’affaiblissement des forces de sécurité et une culture de l’impunité, autant de facteurs qui ont facilité l’essor de groupes extrémistes, dont Al-Qaïda en Iraq, qui allait devenir plus tard Daech[59]. ATROCITÉS ET VIOLATIONS DES DROITS DE LA PERSONNE COMMISES CONTRE DES MINORITÉS RELIGIEUSES ET ETHNIQUES EN IRAQ DEPUIS 2014Depuis l’offensive de Daech dans le nord du pays en juin 2014, incluant la prise de Mossoul et des environs[60], les minorités ethniques et religieuses de Ninive sont victimes de diverses violations : assassinats, esclavage sexuel, torture, transferts forcés et conversions forcées[61]. Le district de Ninive appelé Sinjar, qui abrite un très grand nombre de yézidis, a été envahi le 3 août 2014 : des combattants de Daech ont envahi la région depuis leurs bases en Syrie et à Mossoul. Les forces peshmerga se sont retirées de la région devant l’avancée de Daech. L’attaque a entraîné le déplacement massif de civils : près de 200 000 personnes ont fui pour se réfugier dans les régions sous le contrôle du gouvernement de la région du Kurdistan, et des dizaines de milliers de personnes ont cherché à trouver refuge sur le mont Sinjar, déclenchant ainsi une crise humanitaire. Jusqu’à 6 300 yézidis ont été enlevés ou tués par Daech avant même de pouvoir s’enfuir[62]. Selon M. Ismail, depuis l’invasion de Daech, plus de 5 000 yézidis ont été tués, des centaines par décapitation[63]. Le Sous-comité a également appris que des femmes et des filles yézidies ont été victimes de violence et d’esclavage sexuels[64]. Les rapports des Nations Unies indiquent que des femmes et des filles âgées de neuf ans et plus qui ont été enlevées par Daech ont été transférées de force en Syrie, où elles ont été vendues comme esclaves à des combattants de Daech et où elles ont subi des actes brutaux de violence sexuelle, physique et mentale[65]. M. Ismail a affirmé que des filles et des femmes yézidies avaient été transférées de force vers des pays voisins[66]. De jeunes enfants ont été enlevés et vendus avec leurs mères. Bien que des femmes et des filles aient pu s’enfuir, plus de 3 200 demeurent captives[67]. Des garçons yézidis âgés de sept ans et plus ont été convertis de force et envoyés dans des camps d’entraînement de Daech pour devenir des combattants[68]. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide renferme une définition étroite des actes de génocide. Les actes haineux indiqués dans la Convention doivent avoir été commis dans l’« intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux[69] ». Constatant que les yézidis avaient subi un génocide, Mme Kikoler a indiqué : « [C]haque geste posé par les membres de l’État islamique révélait une intention de détruire la communauté yézidie[70] ». Selon elle, toutefois, l’accent mis sur le terme « génocide » et la politisation du terme, ont indûment détourné la communauté internationale des autres crimes méritant son attention, y compris les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et d’autres violations des droits de la personne[71]. L’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Statut de Rome) définit les crimes contre l’humanité comme étant la commission systématique d’actes, tels que le meurtre, le transfert forcé de population, la torture et l’esclavage sexuel, commis «dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile »[72]. Les crimes de guerre sont définis à l’article 8 du Statut de Rome comme étant les infractions et les violations graves aux Conventions de Genève, ainsi que les autres infractions et violations graves des lois ou et coutumes applicables aux conflits armés internationaux et non internationaux[73]. La Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur la République arabe syrienne conclut à l’intention génocidaire de Daech en raison de l’interprétation radicale qu’il fait de l’Islam et qui établit une distinction entre les « Peuples du Livre » – musulmans, chrétiens et juifs – et d’autres personnes[74]. Les « Peuples du Livre » peuvent éviter la mort ou la conversion si elles paient la jizya, une taxe prévue depuis longtemps dans la loi islamique. Des témoins voient dans cette taxe une forme d’extorsion[75]. Les communautés qui ne sont pas considérées comme des « Peuples du Livre », notamment les yézidis, ne sont pas autorisées à vivre dans les territoires occupés par Daech[76], et selon M. Ismail, elles n’ont qu’un seul choix : « se convertir ou mourir ». Il faut signaler que le paiement de la jizya par les membres des communautés chrétiennes ne garantit pas leur sécurité. M. Ismail a décrit le sort des minorités chrétiennes, le comparant à celui des yézidis : « une campagne génocidaire […] contre les yézidis et les chrétiens assyro-chaldéens[77] ». Les législatures des États‑Unis, du Royaume-Uni et du Parlement européen reconnaissent que les communautés chrétiennes dans le nord de l’Iraq subissent aussi un génocide[78]. Selon la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne des Nations Unies, les minorités chrétiennes qui demeurent dans le territoire contrôlé par Daech « vivent dans des conditions difficiles et souvent précaires, sont regardées avec suspicion et sont vulnérables aux attaques si Daech considère qu’elles cherchent protection auprès de forces non alignées[79] ». D’autres rapports de l’ONU font état d’attaques et de violations des droits de la personne contre les minorités chrétiennes : déplacements forcés, meurtres, esclavage, arrestations et enlèvements, destruction de sites religieux et de maisons[80]. Les membres des minorités ethniques et religieuses qui n’ont pas été tués ou enlevés par Daech ont en grande partie trouvé refuge dans des régions sous contrôle kurde[81]. Environ 40 % de la population de la région du Kurdistan en Iraq se compose d’Iraquiens déplacés. Selon M. Romano, les camps de personnes déplacées dans la région sont « remplis à craquer[82] ». Parmi ces personnes, environ 430 000 sont des yézidis, dont 3 953 orphelins se trouvant dans des camps pour personnes déplacées[83]. ASSURER LA SÉCURITÉ PHYSIQUE ET POLITIQUE À LONG TERME DES MINORITÉS RELIGIEUSES ET ETHNIQUESDes témoins ont mentionné à quel point les minorités ethniques et religieuses d’Iraq craignent encore pour leur sécurité physique et politique[84]. Mme Kikoler a indiqué que les yézidis et les chrétiens qu’elle a rencontrés « disent très souvent qu’ils doivent se sentir en sécurité avant de retourner vivre chez eux »; la seule façon de leur garantir cette sécurité est de tenir les auteurs des atrocités responsables de leurs actes et de veiller à ce que leurs voisins « ne recommencent pas à appuyer un groupe extrémiste ou à participer à d’autres crimes[85] ». Même si des yézidis et des chrétiens ont commencé à revenir dans les zones libérées[86] et que d’autres groupes, dont les sunnites, ont exprimé le désir d’y revenir[87], d’importantes questions restent à régler au sujet de l’avenir politique de la région, par exemple à savoir qui aura le contrôle sur la région après la défaite de Daech[88]. Dans son témoignage, M. Romano a indiqué que les acteurs concernés n’ont « pu obtenir aucun résultat concret, ne serait-ce qu’un consensus suffisant pour aller de l’avant[89] ». À mesure que d’autres membres des communautés ethniques et religieuses retourneront chez eux, les griefs qui existaient jadis pourraient refaire surface, exacerbés par les atrocités de Daech[90]. Jusqu’à maintenant, l’incertitude et l’insécurité ont entraîné la prolifération de milices confessionnelles échappant à tout contrôle[91]. Ces groupes, qui n’ont pas de structure de commandement précise et qui embrassent diverses allégeances, profitent de l’afflux d’armes[92]. M. Ismail a informé le Sous-comité au sujet d’une force de 5 000 yézidis à Ninive et au sein du gouvernorat d’Erbil dans la région autonome kurde. Une milice composée de chrétiens assyriens est également active dans le nord de l’Iraq[93]. Des témoins ont souligné les liens qui existent entre la sécurité physique à long terme et la réconciliation entre voisins, la conclusion d’un accord politique viable concernant l’administration de Ninive et l’imputabilité[94]. Par exemple, un accord relatif à l’administration politique pourrait attribuer la responsabilité du maintien de la sécurité physique[95] et rassurer les parties quant au règlement de leurs griefs respectifs par des moyens légitimes et non violents[96]. La conclusion d’un tel accord repose sur la confiance des différentes communautés les unes envers les autres. M. Romano a toutefois souligné la nature circulaire de la dynamique en question : plus les gens éprouvent de l’insécurité, plus ils sont susceptibles de s’en remettre à leur identité ethnique ou religieuse plutôt qu’à l’identité régionale, nationale ou civique[97]. Il a résumé en ces termes le défi fondamental : Il faut regrouper des membres raisonnables de chaque communauté touchée, les laisser s’exprimer sur les manières de répondre à chacune de leurs préoccupations et nous en servir pour élaborer un processus qui fera la promotion de la justice, de la réconciliation et de la primauté du droit dans les territoires libérés. C’est un défi de taille[98]. Sources d’insécurité potentiellesPour assurer la protection physique des minorités à court et à long terme, Mme Kikoler a souligné qu’il importe de recenser les communautés vulnérables qui cherchent à rentrer chez elles et à enrayer les sources de tension possibles[99]. Au dire de témoins, les yézidis et les chrétiens établis dans la région se sentent profondément marginalisés et exclus de la vie politique[100]. Pour citer Mme Kikoler, les minorités « se sentent profondément trahies » par les forces de sécurité iraquiennes et les forces peshmerga[101]. Cette méfiance qu’éprouvent les minorités est bien illustrée dans le témoignage de M. Ismail, qui a affirmé que les forces peshmerga ont de plein gré empêché les yézidis de fuir vers Sinjar avant l’arrivée de Daech et ont refusé de leur fournir des armes pour qu’ils puissent se protéger après avoir quitté la région[102]. Les minorités religieuses craignent donc « beaucoup que leurs voix ne soient étouffées[103] ». Mme Kikoler a dit : « L’opinion la plus répandue chez les minorités religieuses est que [Daech] n’est que la dernière manifestation de ce phénomène et que, après sa disparition, un nouveau groupe extrémiste apparaîtra[104]. » Elle a ajouté que les groupes minoritaires « comprennent que leur sécurité dépend de la réponse donnée par les acteurs politiques nationaux aux griefs sous-jacents, particulièrement ceux des Arabes sunnites, ainsi que de l’insécurité politique et de la culture de l’impunité qui est omniprésente en Iraq ».[105] Elle a fait observer que les communautés minoritaires ethniques et religieuses d’Iraq ont « très peu confiance » dans la volonté ou la capacité du gouvernement iraquien ou du gouvernement de la région du Kurdistan d’éliminer les conditions qui ont permis l’essor de Daech ou de réprimer la culture de l’impunité en Iraq[106]. Au milieu de l’incertitude que crée le vide politique, le désir de vengeance contre certains membres des communautés sunnites, qui se sont faits complices des abus perpétrés par Daech par conviction ou sous le coup de la menace, risque de susciter un conflit[107]. Mme Lamoureux a mentionné que le « risque est de mettre tous les membres d’une même communauté dans le même panier » après des incidents individuels d’abus[108]. Mme Kikoler a indiqué qu’au cours de 2015-2016, les Arabes sunnites de Ninive ont subi des attaques et ont vu leurs biens détruits. En particulier, ils subissent des menaces de la part de milices chiites qui sont déployées pour libérer Mossoul du joug de Daech[109]. Dans son rapport pour le « Simon-Skjodt Center », Our Generation is Gone, Mme Kikoler a indiqué que « la culture de l’impunité qui a cours en Iraq depuis des décennies est un puissant déclencheur des conflits violents et des atrocités de masse qu’on connaît aujourd’hui[110] ». Des organismes comme la CIJA recueillent et conservent des preuves importantes, et un petit nombre d’agresseurs font déjà l’objet de poursuites. En dépit de ces efforts, Mme Kikoler a affirmé que les enquêtes manquent d’envergure et d’efficacité; elles ajoutent au sentiment d’impunité[111] et encouragent les groupes minoritaires à chercher vengeance par les armes[112]. Des témoins ont signalé que la concurrence dans la sphère économique et politique augmentera les risques de conflits violents entre communautés minoritaires et à l’intérieur de celles-ci. Mme Kikoler a donné un exemple des tensions qui existaient déjà à cause de litiges liés à des biens immobiliers entre communautés chrétiennes et shabakes; ces tensions pourraient dégénérer avec le retour à Ninive de personnes déplacées à l’intérieur du pays[113]. Des conflits peuvent également surgir au sein de certains groupes religieux, comme les chrétiens, dont les diverses factions se sont organisées en milices[114]. Même si des yézidis et des chrétiens reviennent peu à peu chez eux à mesure que les régions sont libérées du joug de Daech, leurs communautés sont dévastées par les combats[115]. De l’avis de M. Romano, « [c]e sera un défi de longue haleine de rebâtir ces communautés[116] » et il est difficile de prédire comment évoluera la situation de la sécurité à long terme. Il faudra « un investissement dans la stabilisation, la reconstruction et la réconciliation pour […] assurer la primauté du droit sur les armes[117] ». Initiatives canadiennes en IraqLe 8 février 2016, le premier ministre du Canada a annoncé une stratégie triennale assortie d’une contribution de 1,6 milliard de dollars pour la stabilisation, l’aide humanitaire et l’aide au développement nécessaires à la suite des crises qui ont sévi en Iraq et en Syrie et compte tenu de leurs répercussions sur la Jordanie et le Liban. Outre la contribution militaire accordée à la Coalition mondiale contre Daech, le premier ministre a promis de jeter « les fondements d’une meilleure gouvernance, de la croissance économique et de la stabilité à long terme[118] ». En juillet 2016, dans le cadre de la stratégie triennale, le Canada s’est engagé à verser 158 millions de dollars sur trois ans pour soutenir les efforts humanitaires et de stabilisation en Iraq. De ce montant, 150 millions de dollars appuieront l’intervention humanitaire internationale pour répondre aux besoins essentiels des Iraquiens touchés par les conflits; 4 millions de dollars permettront de soutenir la neutralisation d’engins explosifs de fabrication artisanale dans les zones libérées et 4 autres millions de dollars seront affectés au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour aider les Iraquiens à retourner chez eux dans les zones libérées de Daech[119]. Les initiatives du PNUD auxquelles le gouvernement du Canada affecte des fonds visent entre autres à renforcer la capacité des autorités iraquiennes de fournir les services essentiels dans les zones libérées de Daech, ce qui inclut la restauration de l’infrastructure publique et la prestation de services de santé[120]. En octobre 2016, 63 millions de dollars avaient été versés pour des programmes en Iraq[121]. Le Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion cherche des occasions d’appuyer les partenaires travaillant à « des projets inclusifs qui tentent de réunir des groupes religieux », notamment des chefs religieux et des jeunes[122]. À cette fin, des groupes religieux canadiens prêtent main-forte au Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion[123]. Le Canada cherche également à élargir les programmes de développement existants qui pourraient s’appliquer à la gouvernance en Iraq. Mme Lamoureux a fait état de la valeur possible du modèle fédéral canadien dans le contexte iraquien, compte tenu de sa résilience face à la diversité[124]. En mai et en juin 2016, le ministre des Affaires étrangères du Canada a écrit au président du Conseil de sécurité des Nations Unies pour lui demander d’établir un mécanisme international pour faire enquête sur les rapports de violation du droit international par Daech en Iraq et en Syrie, afin d’identifier les auteurs des violations et de les en tenir responsables[125]. Affaires mondiales Canada continue d’examiner les différents moyens possibles afin que Daech réponde de ses actes : Cour pénale internationale, tribunaux hybrides fonctionnant avec le soutien international à l’intérieur du système de justice local et tribunaux locaux[126]. Aucun programme complet portant sur le système de justice iraquien n’a encore été élaboré, mais « ce secteur fait partie de la planification en cours[127] ». Le Canada examine la demande présentée par le ministre iraquien des Affaires étrangères, sollicitant de l’aide pour renforcer les capacités de recueillir et de conserver des éléments de preuve, notamment dans le domaine de la technologie judiciaire, en vue de traduire les criminels de Daech devant des tribunaux locaux[128]. Le Canada a également fourni des fonds à la CIJA « pour préparer la procédure pénale contre Daech pour violations du droit international humanitaire et pénal » dans le cadre du Programme pour la stabilisation et les opérations de paix (PSOP) d’Affaires mondiales Canada[129]. Le Canada est parmi les plus généreux donateurs de la CIJA et, selon M. Wiley, il « est d’une aide précieuse », car il met en rapport la CIJA avec d’autres États donateurs. Il a également fourni un soutien politique et diplomatique pour les activités de la CIJA, en particulier avec le gouvernement central iraquien[130]. Mme Lamoureux a indiqué au Sous-comité que le Canada, dont la présence en Iraq a toujours été limitée, y augmentera sa présence, notamment à Erbil[131]. Le 12 janvier 2017, le Canada a annoncé son intention de nommer son premier ambassadeur résident en Iraq depuis 26 ans, ainsi que 24 nouveaux membres du personnel qui seront « en poste dans la région[132] ». Mme Lamoureux a souligné l’importance de la participation du gouvernement iraquien aux efforts déployés pour améliorer la gouvernance du pays, en renforcer les institutions et atténuer les tensions ethniques et religieuses; elle a indiqué que le Canada soutiendra les efforts du gouvernement iraquien à cet égard[133]. Considérant que le Canada s’est engagé à appuyer sur une période de trois ans des programmes de développement en Iraq (incluant des programmes portant sur la gouvernance, la justice et le dialogue interconfessionnel), la section qui suit donne un aperçu des principaux enjeux et facteurs mis en lumière dans les témoignages, dont il faut tenir compte pour assurer de façon durable la sécurité physique et politique des minorités ethniques et religieuses vivant dans les territoires du nord de l’Iraq qui ont été libérés de l’emprise de Daech. RECOMMANDATION 1 Que le gouvernement du Canada, en élaborant son plan stratégique triennal visant l’Iraq et la Syrie, n’oublie pas les mesures d’intervention immédiate pour protéger les personnes les plus vulnérables, en particulier les minorités ethniques et religieuses. Planification de la stabilisation et de la reconstructionRéconciliation entre voisinsComme il a été mentionné précédemment, Mme Kikoler a indiqué que « neuf fois sur dix », les combattants de Daech qui ont commis des atrocités contre des minorités étaient des résidents de Ninive et qu’ils « devront recommencer à vivre ensemble[134] ». Les griefs qui existaient entre les communautés avant l’invasion de Daech referont surface et de nouvelles tensions se feront sentir[135]. La réconciliation entre voisins est donc un aspect important à cibler en vue de la reconstruction[136]. Mme Kikoler estime que nous avons « de nombreuses occasions » d’entamer un dialogue et de bâtir la confiance entre les communautés, mais cela « ne se produit pas, et lorsque cela se produit, ce n’est pas à grande échelle ». Elle suggère d’amorcer le dialogue entre les communautés déplacées qui vivent dans les villes et dans les camps pour personnes déplacées, ce qui inclut les Arabes sunnites[137]. Des témoins jugent important de recourir à des médiateurs locaux et d’éduquer les enfants et les jeunes[138]. M. Wiley est d’avis que des mécanismes de justice alternative ou transitionnelle devront être instaurés, comme des commissions de vérité et de réconciliation. Il a mentionné que les éléments de preuve recueillis par la CIJA pourraient alors être utilisés[139]. Outre les exercices visant à rétablir la confiance, Mme Kikoler a indiqué que les forces de police locales doivent représenter les collectivités qu’elles servent, car c’est à elles qu’il incombera en premier lieu de maintenir l’ordre. Il s’agit selon elle d’un besoin urgent parce qu’il n’y a pas assez de policiers qualifiés dans la région[140]. Élaboration d’une solution politique durableLe Sous-comité a appris que, pour assurer la sécurité physique à long terme des minorités ethniques et religieuses, il est crucial de trouver une solution politique durable en Iraq[141]. Des témoins ont mentionné qu’une décentralisation politique et un partage des pouvoirs s’imposent dorénavant, et que les minorités doivent acquérir une certaine autonomie par rapport au gouvernement central. Mme Lamoureux a indiqué que la décentralisation est souvent la meilleure option dans une région comme celle du nord de l’Iraq, où il existe depuis longtemps des problèmes de violence et de discrimination[142]. M. Romano a indiqué qu’« une forte décentralisation et un grand partage des pouvoirs », tant sur le plan administratif que financier, contribueraient à réduire les tensions ethniques et interconfessionnelles dans la région et à prévenir de futurs conflits[143]. Des témoins ont fourni des pistes de solution politique qui pourraient s’appliquer aux territoires contestés du nord de l’Iraq et qui garantiraient le maintien de la sécurité des minorités. « Yezidi Human Rights-International » préconise l’instauration d’une région autonome dans le nord de l’Iraq pour les yézidis et les chrétiens chaldo‑assyriens de Ninive, région qui bénéficierait de la protection internationale. M. Ismail a indiqué que l’organisme qu’il représente travaille actuellement avec de législateurs américains pour créer cette région autonome[144]. En vertu de l’article 125 de la Constitution iraquienne, un ou plusieurs gouvernorats peuvent former une région autonome par suite d’une demande soumise à un vote ou lors d’un référendum[145]. Or, la question de l’autonomie ne semble pas faire consensus parmi les habitants du nord de l’Iraq. À ce propos, M. Romano a indiqué que l’ancien gouverneur de Ninive est favorable à la création d’une région autonome alors que le gouverneur actuel refuse d’assister aux réunions sur la question[146]. RECOMMANDATION 2 Que le gouvernement du Canada continue à travailler avec ses partenaires étrangers pour appuyer les efforts visant à établir un consensus local au sujet de la protection et de la sécurité des Yézidis, des chrétiens chaldo‑assyriens et d’autres minorités ethniques et religieuses de Ninive. Des témoins ont affirmé qu’une autre solution consisterait à créer des « zones sécurisées » pour les minorités ethniques. Dans le contexte iraquien, cela signifie que la sécurité serait assurée par certains groupes. La chancelière allemande Angela Merkel s’est prononcée en faveur de cette proposition[147]. Selon Mme Lamoureux, cette proposition comporte deux inconvénients. D’abord, des zones sécurisées sont plus vulnérables aux attaques car ils créent des cibles. Ensuite, les questions de compétence risquent de créer des complications imprévues[148]. M. Wiley est d’avis que la création d’une zone sécurisée n’augmentera pas la capacité de la CIJA de recueillir des preuves à Ninive[149]. Le Sous-comité a appris qu’une solution politique à la situation dans le nord de l’Iraq viendra non seulement rehausser le sentiment de sécurité parmi les minorités, mais aussi contribuer à l’efficacité des mécanismes établis pour que les auteurs des crimes commis contre les minorités aient à rendre compte de leurs actes. Faute d’un accord sur le contrôle politique de la région, certains groupes pourraient refuser la légitimité des mécanismes, comme les tribunaux locaux[150]. C’est pourquoi l’obtention d’une solution politique est intimement liée à la réussite des mesures d’imputabilité, dont il est question dans les lignes qui suivent. Imputabilité et justiceDes témoins ont indiqué que, pour que les minorités puissent se sentir en sécurité, il est essentiel d’assurer l’imputabilité par les voies judiciaires. Mme Kikoler a interviewé des gens qui estimaient que « s’il y avait une quelconque forme de justice par les tribunaux, elle l’emporterait sur les autres options qu’ils pourraient envisager pour se faire justice de façon plus violente ». Les gens doivent savoir que justice a été faite pour que les choses se règlent[151]. Les procès doivent être perçus comme équitables, selon M. Wiley, qui a souligné l’important caractère symbolique de la justice en ce qui concerne les grands crimes internationaux[152]. M. Wiley a également indiqué que le « Canada est l’un des très rares États à contribuer concrètement aux efforts qui rendent possible la justice pénale pour les crimes de droit international », en facilitant le déroulement des poursuites engagées tout en jetant les bases sur lesquelles s’appuieront les futures poursuites pénales internationales contre les hauts dirigeants de Daech[153]. Des témoins ont affirmé que le premier défi pour traduire en justice les responsables des crimes commis contre les minorités consiste à recueillir et à conserver des éléments de preuve[154]. La CIJA, qui joue un rôle important dans ce domaine, exerce des activités en Iraq depuis 2014[155]. Elle y a ouvert des enquêtes conformément à un protocole d’entente avec le gouvernement de la région du Kurdistan. Aux termes du protocole conclu avec le gouvernement de la région du Kurdistan, la CIJA est en mesure d’obtenir un soutien logistique et sécuritaire essentiel[156]. Elle s’applique à recueillir une « preuve permettant d’établir des liens » entre les acteurs des très hautes sphères de la politique, des forces armées et des services du renseignement et les crimes commis par des personnes de niveaux inférieurs[157]. Œuvrant à partir de divers endroits dans le nord de l’Iraq, la CIJA recueille des preuves des atrocités commises par Daech contre des minorités grâce à des sources confidentielles au sein de Daech, de même que du matériel sécurisé au moyen de processus de cyberexploitation et de renseignements de source ouverte communiqués par Daech dans les médias sociaux[158]. La CIJA a complété en 2016 son premier dossier de poursuite axé sur l’Iraq, dans lequel elle identifie deux douzaines de suspects impliqués dans l’organisation du réseau d’esclavage sexuel de Daech[159]. En Iraq, l’équipe de M. Wiley a pu éviter le danger en travaillant qu’au nord et à l’ouest de la ligne de confrontation[160]. D’autres organisations s’occupent de recueillir et de conserver des preuves dans le nord de l’Iraq, telles que Yazda et la Commission internationale pour les personnes disparues (CIPD). Mme Kikoler a signalé que Yazda tente de recenser les crimes perpétrés contre les yézidis[161]. M. Wiley et Mme Kikoler reconnaissent les efforts cruciaux que déploie la CIPD pour recueillir et conserver une preuve des fosses communes dans le nord de l’Iraq[162]. Malgré ces efforts, Mme Kikoler a signalé que les preuves ne sont pas recueillies partout dans la province de Ninive, car on a tendance à se concentrer sur les crimes commis contre les yézidis beaucoup plus que sur ceux qui sont commis contre les chrétiens, les Shabaks, les Turkmènes et autres minorités. Elle a souligné le besoin de procéder à une collecte complète des éléments de preuve et de renforcer les capacités de communiquer l’information pertinente aux intervenants qui souhaitent favoriser l’exercice de la justice[163]. Mme Kikoler a également indiqué qu’une abondance de preuves risque de se perdre, ce qui compromet les chances de poursuivre les criminels. Au cours de sa mission en septembre 2015 dans le nord de l’Iraq, elle a constaté que des charniers demeuraient exposés et que la plupart des éléments de preuve recueillis ne sont ni conservés ni analysés conformément aux normes internationales[164]. Étant donné le coût élevé de la collecte et de la conservation des preuves conformément à ces normes, Mme Kikoler et M. Wiley convenaient que les autorités locales et la communauté internationale devaient contribuer davantage aux efforts faits pour recueillir et conserver des preuves en vue de traduire en justice les criminels[165]. Des témoins ont exposé les avantages et les inconvénients des diverses structures législatives et instances internationales auxquelles il serait possible de recourir afin que Daech réponde de ses actes, dont la Cour pénale internationale (CPI), les tribunaux hybrides fonctionnant avec le soutien international à l’intérieur du système de justice local et les tribunaux locaux existants[166]. Mmes Lamoureux et Kikoler ont fait mention de la CPI en tant que mécanisme permettant de traduire en justice des individus[167] pour crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre[168]. Comme l’a signalé Mme Lamoureux, la CPI présente l’avantage d’être un tribunal légitime au niveau international et elle a le pouvoir de faire passer ses poursuites au premier rang des priorités internationales[169]. En vertu du Statut de Rome, la CPI peut exercer sa compétence lorsqu’une situation lui est soumise par un État partie ou par le Conseil de sécurité des Nations Unies agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies[170]. L’Iraq n’est pas partie au Statut de Rome[171] et, à ce jour, le Conseil de sécurité n’a pas déféré le dossier à la CPI[172]. Toutefois, même en ayant compétence, la CPI pourrait autoriser des poursuites seulement dans le cas de petits groupes de hauts dirigeants responsables de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. D’après Mme Kikoler, au mieux, seulement deux ou trois grands dirigeants de Daech pourraient être traduits devant la CPI[173]. Des témoins ont également pesé les avantages et les inconvénients du recours aux tribunaux locaux pour traduire en justice les responsables. Selon Mme Kikoler, il importe de soutenir les efforts locaux, car la majorité des crimes ont été commis par des combattants locaux[174]. Pour que « justice soit faite », les victimes doivent voir qu’on tient les auteurs des crimes responsables de leurs actes[175]. Des témoins ont cependant fait part des difficultés importantes associées à la législation et aux systèmes judiciaires du gouvernement central et du gouvernement de la région du Kurdistan. Au dire de Mmes Lamoureux et Kikoler, le système de justice iraquien a grandement besoin de soutien pour bien fonctionner et pour satisfaire aux normes internationales[176]. À l’heure actuelle, tant le gouvernement central iraquien que le gouvernement de la région du Kurdistan ont intenté des poursuites en vertu de lois afférentes au terrorisme[177]. La CIJA refuse de prêter main-forte aux autorités chargées des poursuites, que ce soit celle du gouvernement central ou de l’autorité régionale du Kurdistan, pour deux raisons : d’abord, M. Wiley a affirmé que la loi antiterroriste existante est « profondément lacunaire » parce qu’elle ne procure pas de garanties suffisantes à l’accusé quant à l’équité de la procédure[178]; ensuite, elle prévoit la peine de mort, et les donateurs de la CIJA refusent de soutenir les procès pouvant déboucher sur le prononcé d’une peine capitale[179]. RECOMMANDATION 3 Que le gouvernement du Canada accorde la priorité à l’identification des groupes exposés à de la violence dans le futur et, en collaboration avec les partenaires au niveau international, qu’il élabore des stratégies de protection après‑conflit pour ces groupes. M. Wiley propose une nouvelle option pour « une avenue menant à une justice à grande échelle, en Iraq, pour les victimes des crimes de Daech[180], soit la création d’une « chambre spécialisée dans les crimes de guerre » au sein du système de justice local existant dans le nord de l’Iraq. Pour des raisons de sécurité et de logistique, cette chambre serait établie dans le nord de l’Iraq, idéalement à Erbil[181]. À l’heure actuelle, ni l’Iraq ni le gouvernement de la région du Kurdistan n’ont adopté de lois permettant d’intenter des poursuites pour génocides, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre[182]. Pour instaurer une telle chambre, il faudrait que le parlement régional du Kurdistan adopte une loi pour éliminer la possibilité de la peine capitale[183] et assurer le droit à une procédure régulière, conformément aux normes occidentales[184]. La proposition de la CIJA recueille l’appui du gouvernement de la région du Kurdistan, et la CIJA a bon espoir que le gouvernement central iraquien l’acceptera ou fera preuve à tout le moins d’une « bienveillante indifférence[185] ». M. Wiley a fait savoir au Sous-comité que l’Union européenne adhère pour l’instant à l’idée d’une chambre spécialisée[186]. RECOMMANDATION 4 Comme mesure visant à empêcher la résurgence du terrorisme inspiré de Daech, que le gouvernement du Canada appuie la capacité des organismes judiciaires de poursuivre les auteurs de crimes non pas pour des infractions liées au terrorisme, mais pour des infractions criminelles (meurtre, vol, viol et destruction de biens) et qu’il facilite la création d’une « chambre spécialisée dans les crimes de guerre » au sein du système judiciaire iraquien, mieux équipée pour juger les affaires de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Pour M. Wiley, le recours au système de justice pénal pour poursuivre les responsables de crimes contre les minorités (au lieu d’invoquer une loi antiterroriste) pourrait envoyer aux éventuelles recrues de Daech le message que les combattants sont bel et bien des criminels, et non des « soldats du califat[187] ». Mme Kikoler a également indiqué que les responsables des viols et de l’esclavage sexuel devraient faire l’objet de poursuites en vertu du droit pénal[188]. Qu’on cherche à obtenir justice à l’aide du système judiciaire local ou d’une chambre spécialisée dans les crimes de guerre, comme l’a décrit M. Wiley, Mmes Lamoureux et Kikoler ont affirmé que toute initiative de justice locale exigera le soutien de la communauté internationale[189]. Premièrement, ce soutien est essentiel pour l’instauration d’un système de justice relativement nouveau qui, après des années de guerre, doit surmonter des obstacles considérables sur le plan des capacités, des ressources et de l’exécution des sentences[190]. Deuxièmement, selon Mme Kikoler, si ces initiatives sont perçues comme étant dirigées strictement par le gouvernement iraquien ou par le gouvernement de la région du Kurdistan, les minorités ne les jugeront pas nécessairement crédibles étant donné la grande méfiance qu’elles éprouvent envers les autorités gouvernementales. Mme Kikoler a recommandé que la communauté internationale appuie une enquête indépendante internationale, mise sur pied par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ferait appel à la coopération entre l’Iraq et le gouvernement de la région du Kurdistan. Cette approche, a-t-elle dit, est essentielle pour rendre le processus crédible[191]. CONCLUSIONSDepuis 2014, les communautés ethniques et religieuses minoritaires de Ninive sont victimes d’un génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis par Daech. À mesure que la campagne contre Daech continue de progresser et que les minorités déplacées reviennent dans les zones libérées à Ninive, il est nécessaire de penser au lendemain pour assurer la sécurité physique et politique des minorités et leur protection à long terme. Des témoins ont fait état de la persécution que subissent depuis longtemps les minorités dans la région, du caractère sectaire des politiques iraquiennes et de l’incidence, sur les communautés minoritaires, des conflits territoriaux entre les autorités iraquiennes et kurdes. Ils ont précisé qu’un manque de planification aurait pour effet de déstabiliser encore davantage Ninive, en venant perpétuer la prolifération des milices confessionnelles formées dans le but d’assurer une protection contre d’éventuels groupes extrémistes qui pourraient apparaître dans l’avenir, d’exercer une vengeance contre les responsables des atrocités ou leurs complices ou, encore, de rivaliser pour le pouvoir économique et politique, et ce, alors que la région sera en pleine reconstruction. Le Sous-comité est d’avis que l’engagement pris par le Canada de contribuer à la stabilisation de l’Iraq en y affectant du financement et du personnel offre l’occasion d’apporter une contribution constructive. Le Sous‑comité constate que des éléments des programmes sont toujours en voie d’élaboration. Des témoins ont signalé trois facteurs interreliés qui contribueront à la sécurité physique et politique durable des communautés minoritaires de Ninive : la réconciliation entre voisins; une solution politique viable incluant la représentation des minorités; et le fait que les auteurs des atrocités aient véritablement à répondre de leurs actes, ce qui exigera l’appui de la communauté internationale. Bien que le présent rapport se concentre sur Ninive, les analyses présentées par les témoins pourraient aussi s’appliquer à d’autres territoires libérés de Daech en Iraq, en particulier ceux qui sont occupés par des minorités vulnérables et où reviennent des populations qui avaient été déplacées. Compte tenu de ses constatations, le Sous-comité recommande : RECOMMANDATION 5 Que le gouvernement du Canada, par l’entremise de son plan stratégique triennal visant l’Iraq et la Syrie et d’autres initiatives, cherche à prévenir de futures atrocités et violations des droits de la personne des minorités ethniques et religieuses de l’Iraq, en s’employant de façon systématique à favoriser et à renforcer la capacité d’assurer la sécurité à long terme des communautés les plus vulnérables de ce pays. Le gouvernement du Canada devrait adopter une démarche à long terme et collaborer avec les communautés touchées ainsi qu’avec les autorités compétentes pour favoriser la primauté du droit et la bonne gouvernance, afin de lutter contre l’extrémisme, notamment par les mesures suivantes :
[1] Chambre des communes, Sous-comité des droits internationaux de la personne, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international [SDIR], Procès-verbal, 1re session, 42e législature, 16 juin 2016. [2] Daech est un groupe djihadiste sunnite qui cherche à semer l’instabilité civile en Iraq et au Levant dans le but d’établir un seul État islamique transnational fondé sur la charia, qui remplacerait les gouvernements iraquien et syrien. Daech est le sigle arabe du groupe appelé État islamique, État islamique en Iraq et en Syrie (EIIS) ou État islamique en Iraq et au Levant (EIIL). Voir Sécurité publique Canada, Processus d’inscription des entités et Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada. [3] Naomi Kikoler, Our Generation is Gone: The Islamic State’s Targeting of Iraqi Minorities in Ninewa, « Simon‑Skjodt Center for the Prevention of Genocide », novembre 2015, p. 8 [Kikoler (2015)]. [4] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1330 et 1335. Sauf indication contraire, l’information historique et géographique concernant les minorités ethniques et religieuses qui est présentée dans ce document est fondée sur les rapports suivants : Kikoler (2015), p. 4 et p. 6 à 7; « Institute for International Law and Human Rights », et coll., No Way Home: Iraq’s minorities on the verge of disappearance, juillet 2016, p. 10 [Institute for International Law and Human Rights (2016)]; Parlement européen, Minorities in Iraq, Pushed to the brink of existence, compte rendu, février 2015, p. 3 à 4 [Parlement européen (2015)]. [5] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315. [6] SDIR, Procès-verbal, 16 juin 2016. [7] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, “They came to destroy” : ISIS Crimes Against the Yazidis, A/HRC/32/CRP.2, 15 juin 2016, par. 7 à 8 [CDHNU (2016)]. [8] CDHNU (2016), par. 201. [9] Stéphane Dion, alors ministre des Affaires étrangères, a déclaré à la Chambre des communes que « [d]evant cette évidence, notre gouvernement croit qu’un génocide contre les yézidis est en train de se produire ». Voir Chambre des communes, Débats, 1re session, 42e législature, 16 juin 2016, p. 1420 (hon. Stéphane Dion (ministre des Affaires étrangères)). [10] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1335; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305. [11] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1310. [12] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1325. [13] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315. [14] La Coalition mondiale contre Daech est un groupe de 68 États partenaires et d’organismes internationaux, résolus à affaiblir et à vaincre Daech, notamment au moyen d’une campagne militaire en Iraq et en Syrie : Coalition mondiale, Notre mission. [15] “Battle for Mosul: Operation to retake Iraqi city from IS begins,” BBC News, 17 octobre 2016. [16] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [17] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1325. [18] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1320; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [19] Ibid. [20] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1320; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1310. [21] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1310. [22] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1340; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1330. [23] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1325; SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1345; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [24] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315; SDIR, Témoignages,15 novembre 2016, 1325; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1310-1330; SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1305-1315, 1330. [25] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1325. [26] Chambre des communes, Journaux, no 97, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016; Chambre des communes, Hansard, no 97, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016. [27] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1305; SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1325; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1310. [28] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305. [29] « Institute for International Law and Human Rights » (2016), p. 12; « United States Commission on International Religious Freedom », Annual Report 2013, avril 2013, p. 88 à 89. [30] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1355. [31] « United States Commission on International Religious Freedom », Annual Report 2013, avril 2013, p. 88‑89. [32] Kikoler (2015), p. 4; Parlement européen (2015), p. 3. [33] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1355. [34] « Institute for International Law and Human Rights », 2016, p. 10–11. [35] Kikoler (2015), p. 4. [36] Parlement européen (2015), p. 3. [38] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [39] « Human Rights Watch », On Vulnerable Ground: Violence against Minority Communities in Nineveh Province’s Disputed Territories, 10 novembre 2009. [40] Kikoler (2015), p. 5; BBC News, « Iraq profile – leaders », 11 août 2015; « Human Rights Watch », Irak : Les autorités doivent protéger les minorités enclavées, 10 novembre 2009. Voir : « Human Rights Watch », On Vulnerable Ground: Violence against Minority Communities in Nineveh Province’s Disputed Territories, 10 novembre 2009. [41] « United States Commission on International Religious Freedom », Annual Report 2013, avril 2013, p. 88 à 89; SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1355. [42] Coalition mondiale, État de la progression militaire, 29 juillet 2016; « Council on Foreign Relations », CFR Backgrounders, The Islamic State, 10 août 2016. [43] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1325. [44] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1340. [45] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1310. [46] Ibid., 1320; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1350. [47] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1340; BBC News, « Iraqi Kurdistan profile », 5 février 2016. [48] BBC News, « Iraqi Kurdistan profile », 5 février 2016. [49] BBC News, « Who are the Peshmerga? », 14 août 2014. On trouve sur ce site une carte des territoires contestés. [50] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1320. [51] Kikoler (2015), p. 10 [traduction]. [52] Unrepresented Peoples and Nations Organization, « Iraqi Turkmen: Hopes For A Better Future », 17 février 2009. [53] Kikoler (2015), p. 10 [traduction]. [55] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1350. [56] Ibid., 1305. [57] Ibid. [58] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1340. [59] Kikoler (2015), p. 5. [60] Cameron Glenn, Timeline: Rise and Spread of the Islamic State, Wilson Center, 5 juillet 2016. [61] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1305 et 1315. [62] Voir CDHNU (2016), par. 23 à 31 et Haut-Commissariat des droits de l’homme des Nations Unies-Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq, A Call for Accountability and Protection: Yezidi Survivors of Atrocities Committed by ISIL, August 2016, [HCDH (2016)], p. 6. [63] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305. Selon les Nations Unies, des lieux de culte et des sites ayant une valeur culturelle pour les yézidis ont été délibérément et systématiquement détruits. Voir HCDH (2016), p. 18. [64] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1305-1310; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1335; SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1310-1315; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305-1310. [65] CDHNU (2016), par. 42 à 70 et HCDH (2016), p. 14 à 17. [66] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1315 [67] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1310; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1310; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305 et 1325. [68] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1335; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305. [69] Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 1948, article IV. Cette définition est reprise à l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui définit également les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et en fait des catégories distinctes. [70] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1335. [71] Ibid. [72] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 7. [73] Ibid., article 8. [74] CDHNU (2016), par. 154. [75] SDIR, Evidence27 octobre 2016, 1305 et 1345; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1330. Voir aussi CDHNU (2016), par. 154 et 162. [76] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1330. [77] Ibid., 1305. [78] Voir Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 4 février 2016 sur le massacre systématique des minorités religieuses par le soi-disant groupe "EIIL/DAECH" (2016/2529(RSP)), 4 février 2016; États-Unis, Chambre des représentants, Expressing the sense of Congress that the atrocities perpetrated by ISIL against religious and ethnic minorities in Iraq and Syria include war crimes, crimes against humanity, and genocide, H.Con.Res.75 – 114th Congress (2015-2016), 14 mars 2016; Royaume-Uni, Chambre des communes, Debates, 20 avril 2016. [79] CDHNU (2016), par. 162 [traduction]. [80] Voir, par exemple, CDHNU (2016); Commission des droits de l’homme, Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, 11 août 2016. [81] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1310. Voir aussi : Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, Réponse du Canada à l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), 8e Rapport, 2e session, 41e législature, mars 2015, p. 17 à 19. [82] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1310. [83] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305. Selon les Nations Unies, des lieux de culte et des sites ayant une valeur culturelle pour les yézidis ont été délibérément et systématiquement détruits. Voir HCDH (2016), p. 18. [84] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305-1310. [85] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [86] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315. [87] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [88] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315. [89] Ibid., 1345. [90] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325. [91] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1345; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1350. [92] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [93] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1350. [94] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1305-1310. [95] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [96] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315. [97] Ibid., 1335. [98] Ibid., 1325. [99] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [100] Ibid., 1345; SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1310. [101] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [102] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1310. [103] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [104] Ibid., 1315. [105] Ibid. [106] Ibid. [107] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1340. [108] Ibid. [109] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1310; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1315. [110] Kikoler (2015), p. 28 [traduction]. [111] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [112] Ibid., 1345. [113] Ibid., 1330. [114] Ibid., 1315. [115] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1315. [116] Ibid. [117] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [118] Premier ministre du Canada, « Le premier ministre établit les nouvelles orientations pour faire face aux crises en Irak et en Syrie et atténuer les répercussions sur la région », communiqué de presse, 8 février 2016. [119] Gouvernement du Canada, Le Canada s’engage à fournir une aide humanitaire et un soutien à la stabilisation en Irak – Centre des nouvelles du Canada, communiqué de presse, 19 juillet 2016. Le gouvernement du Canada a également annoncé 200 millions de dollars supplémentaires pour le gouvernement iraquien à l’appui de la réforme économique. [120] Affaires mondiales Canada, Rapport ministériel sur le rendement de 2015-2016, p. 58 à 59. [121] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1330. [122] Ibid., 1340. [123] Ibid., 1325. [124] Ibid., 1325. [125] Ibid., 1310. [126] Ibid., 1315. [127] Ibid., 1330. [128] Ibid., 1310. [129] Ibid.. En août 2016, le PSOP a remplacé le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction. Il a pour mandat d’aider « à traiter les facteurs qui ont créé le conflit ou la violence au départ. Il aide également les gouvernements locaux à se pencher sur les besoins de leur propre population ». Voir : gouvernement du Canada, Le programme pour la stabilisation et les opérations de paix. [130] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1340. [131] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1320. [132] Michelle Zilio, « Ottawa to appoint first resident ambassador to Iraq in 26 years », The Globe and Mail, 12 janvier 2017. [133] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315. [134] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325. [135] Ibid., 1310 et 1330. [136] Ibid., 1325. [137] Ibid., 1330. [138] Ibid.; SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1340. [139] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1330. [140] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320,1325 et 1350. [141] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1325. [142] Ibid. [143] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1325. [144] SDIR, Témoignages, 24 novembre 2016, 1350. [145] Ibid. [146] SDIR, Témoignages, 15 novembre 2016, 1345. [147] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1355. [148] Ibid. [149] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1350. [150] Naomi Kikoler et Sean Langberg, Communities at Risk: Protecting Civilians in the Fight Against Islamic State, « Simon-Skjodt Center for the Prevention of Genocide », octobre 2016. [151] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1345. [152] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1340. [153] Ibid., 1315. [154] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1320. [155] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1305. [156] Ibid., 1310. [157] Ibid., 1305. [158] Ibid., 1325. [159] Ibid., 1310. [160] Ibid., 1350. En revanche, les investigateurs de CIJA travaillant en Syrie sont exposés à un danger extraordinaire, notamment en raison de la possibilité d’une attaque dans le cadre des hostilités sans rapport avec leur travail ainsi que l’opposition par le régime et les jihadistes radicalaux à leur travaux. M. Wiley a expliqué que l’extraction de la preuve « a toujours été le plus dangereux ». [161] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1330. [162] Ibid.; SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1320. [163] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325. [164] Ibid., 1320. [165] Ibid.; SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1330. [166] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315-1330; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325; SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1340. [167] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325. [168] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 5. [169] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315. [170] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 13. En vertu de l’alinéa 13c) et de l’article 15 du Statut de Rome, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) peut ouvrir une enquête de sa propre initiative. Toutefois, comme la CPI n’est pas habilitée à juger des crimes commis sur le territoire iraquien, une telle enquête se limiterait aux présumés auteurs des crimes qui sont ressortissants d’un État partie (selon sa compétence personnelle). Cependant, le Bureau du Procureur a annoncé, dans un communiqué, qu’il en était venu à la conclusion qu’« au stade actuel, le fondement juridique nécessaire pour procéder à un examen préliminaire était trop étriqué ». Voir CPI, Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, à propos des crimes qui auraient été commis par l’EIIS, communiqué, 8 avril 2015. [171] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1330. [172] Ibid., 1325. [173] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325. [174] Ibid., 1345. [175] Ibid., 1325. [176] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1315; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1340. [177] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1340. [178] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1340. [179] Ibid. [180] Ibid., 1315. [181] Ibid., 1320. [182] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1340. [183] SDIR, Témoignages, 22 novembre 2016, 1340. [184] Ibid., 1345. [185] Ibid., 1320. [186] Ibid. [187] Ibid., 1355. [188] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1340. [189] SDIR, Témoignages, 27 octobre 2016, 1310; SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1325, 1340. [190] Ibid. [191] SDIR, Témoignages, 17 novembre 2016, 1355. |