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FEWO Rapport du Comité

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BESOIN DE LEADERSHIP FÉDÉRAL POUR RÉFORMER LE TRAITEMENT DES FEMMES AUTOCHTONES DANS LA JUSTICE ET LES SYSTÈMES CORRECTIONNELS DU CANADA

Rapport complémentaire présenté par le

Nouveau Parti démocratique du Canada au gouvernement du Canada

Le 8 juin 2018

« Les femmes autochtones se retrouvent dans les profondeurs du système carcéral, où elles continuent de subir les pratiques les plus sévères en matière de restrictions pénales. Je parle de classements au niveau de sécurité maximale, de mise en isolement, de transfèrements involontaires, de contraintes physiques, de fouilles à nu, d’isolement cellulaire, de recours à la force, de cellules nues, d’accusations d’infraction disciplinaire, de manque de soins médicaux et de taux élevés de mutilation et de suicide. Lorsqu’une personne se retrouve au plus profond du système pénal [...] elle n’en ressort généralement pas en vie[1]. »

Le racisme, les pensionnats, le réseau de protection de l’enfance, la pauvreté, le sexisme et l’accès inégal à la justice sont tous des facteurs qui expliquent la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons du Canada.

Les femmes autochtones représentent 2 % de la population du Canada. Pourtant, elles comptent pour 38 % de la population carcérale féminine du pays. Ce déséquilibre grotesque est une condamnation du système de justice et des prisons du Canada.

  • « Entre 2001-2002 et 2011-2012, la population autochtone incarcérée a augmenté de 37,3 %, tandis que le nombre de femmes autochtones incarcérées a augmenté de 109 %[2]. »

Depuis le début des années 1990, le Parlement est au courant de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons. Pourtant, les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé n’ont rien fait.

Cette année, la porte-parole du NPD pour l’égalité des femmes, Sheila Malcolmson (Nanaimo–Ladysmith), a participé à la 62e séance de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, à New York, où les panélistes ont réitéré des demandes faites depuis des années au gouvernement du Canada, l’exhortant de tenir compte des ordonnances internationales et juridiques, et de réformer immédiatement le traitement des femmes autochtones au Canada dans les systèmes judiciaire et correctionnel.

Nous sommes d’avis que les recommandations du Comité ne font pas état du cycle d’injustice, de pauvreté et de violence physique, psychologique et sexuelle que vivent les femmes autochtones de façon disproportionnée ni du manque de logement, de services de garde, de services de santé mentale et d’aide sociale qui peut les pousser vers le système de justice criminelle et l’incarcération.

NON-RESPECT DES ENGAGEMENTS DES NATIONS UNIES ET DES APPELS À L’ACTION DE LA COMMISSION DE VÉRITÉ ET DE RÉCONCILIATION

Le Canada a reçu des recommandations du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2016. Toutefois, lorsque nous avons demandé à chaque témoin devant le Comité si le gouvernement tenait compte de leurs recommandations à l’égard des femmes autochtones dans le système judiciaire, ils nous ont tous répondu non. Sur les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation, 17 portent précisément sur l’expérience des Autochtones au sein du système judiciaire. Encore une fois, les témoins devant le Comité ont dit que les choses ne s’améliorent pas vraiment.

CYCLE DE LA VIOLENCE

Le 23 avril 2018, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, dans le cadre de sa première visite officielle au Canada, a interpellé le gouvernement pour avoir échoué dans la lutte à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones ainsi que pour son inaction concernant leur sécurité et leur bien-être.

« Les femmes autochtones sont confrontées à la marginalisation, à l’exclusion et à la pauvreté en raison de formes institutionnelles, systémiques, multiples et croisées de discrimination qui n’ont pas été convenablement prises en compte par l’État[3]. »

  • Les niveaux de violence envers les femmes et les filles autochtones continuent d’être critiques au Canada.
    • Les femmes autochtones sont trois fois plus victimes d’agressions sexuelles que les non-autochtones.
    • Les femmes autochtones sont sept fois plus susceptibles d’être assassinées que les non-autochtones.
  • La majorité des détenues ont déjà subi de la violence physique ou sexuelle.
    • En 2010, le groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale a découvert que « 85,7 % des délinquantes ont déclaré avoir été victimes de violence physique et 68,2 %, de violence sexuelle[4] ».
    • « [S]ouvent, les délinquantes ayant été victimes de violence présentent des symptômes de détresse psychologique et souffrent d’un trouble de stress post-traumatique, et […] environ 75 % des délinquantes ayant une maladie mentale grave sont également dépendantes de l’alcool ou de drogues[5]. »

Témoignages :

  • « Il s’agit d’une population qui souffre de pauvreté, de violence conjugale, de problèmes de santé mentale et de déplacements forcés, et, en raison de ces problèmes, elles se retrouvent dans le système de justice. Ces femmes sont incarcérées, elles sont placées en isolement, leurs lésions cérébrales ou leurs problèmes de santé mentale ne sont pas traités, les familles sont séparées, et ces femmes sont encore davantage poussées vers la grande pauvreté et l’isolement. Pour parler franchement, je ne vois aucune guérison ni aucun mécanisme de prévention[6]. »
  • « [L]e problème [mettre fin au cycle de la violence] repose sur le peu de ressources et de financement alloués[7]. »
  • Il y a « tout de même des mesures de soutien holistiques qui s’attaquent à toute la violence, la violence sexuelle, et tous les autres problèmes rencontrés par les femmes[8] ».

Recommandation faite par la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes :

  • « Le gouvernement devrait également prendre des mesures concrètes pour éliminer la surreprésentation des peuples autochtones en détention au cours de la prochaine décennie et publier des rapports annuels détaillés qui permettront de suivre et d’évaluer les progrès réalisés à cet égard, en particulier la façon dont il met en œuvre l’appel à l’action no 30 de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada[9]. »

Recommandations :

  • Que le gouvernement du Canada exerce un rôle de leadership et coordonne les initiatives fédérales, provinciales, territoriales et municipales destinées à protéger les femmes et les filles contre la violence, au moyen d’un plan d’action national, en veillant à ce que les politiques, les lois et les établissements d’enseignement garantissent l’accès aux services partout au pays, ainsi qu’à prévenir et combattre la violence envers les femmes et les filles, et qu’il élabore un plan d’action national en collaboration avec les peuples et les communautés autochtones.
  • Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les provinces et les territoires et avec les peuples et les communautés autochtones, assure le leadership de la coordination nationale des services de police et des systèmes de justice afin de garantir un accès égal à la protection et à la justice, dans tout le pays, aux jeunes femmes et les filles victimes de violence et, notamment l’uniformité des services, des politiques et des lois entre les différents ordres de gouvernement et au sein de ces derniers.

PROSTITUTION, TRAITE DES PERSONNES ET COMMERCE DU SEXE

Le fait que le Comité n’a pas convoqué de témoins sur la participation des femmes autochtones à la prostitution, à la traite des personnes et au commerce du sexe était un oubli et laisse un trou dans l’examen du Comité. Il est important de comprendre le lien entre les pensionnats, les traumatismes intergénérationnels, le réseau de protection de l’enfance, la prostitution et l’incarcération.

PRESSION POUR PLAIDER COUPABLE, MÊME SI INNOCENTE

Dans ses recommandations, le Comité n’a pas expliqué pourquoi les femmes autochtones font l’objet d’un plus grand nombre d’accusations et sont plus susceptibles de plaider coupable pour des crimes qu’elles n’ont pas commis et qu’elles ont commis en légitime défense.

Témoignages :

  • « Les Autochtones ont tendance à faire l’objet d’accusations excessives et à plaider plus souvent coupables que les non-Autochtones[10]. »
  • « Les Autochtones sont plus susceptibles, en particulier les femmes autochtones, de plaider coupable à une accusation d’homicide involontaire ou même de meurtre au deuxième degré pour obtenir la peine la plus clémente qu’ils peuvent espérer avoir en négociant un plaidoyer, même lorsqu’ils ont une défense très valide et très solide. Cela découle du manque de confiance à l’égard du système de justice. Cela s’explique, parce que les personnes ne veulent pas faire témoigner leurs enfants lors d’un procès pour homicide dans le contexte d’une relation conjugale. J’ai entendu très souvent des femmes en prison me dire qu’elles ont plaidé coupable, parce qu’elles ne voulaient pas que leurs enfants soient appelés à témoigner lors du procès. Diverses raisons poussent des mères et des femmes à plaider coupable[11]. »
  • « Chaque jour, des innocents — un nombre disproportionné de membres des Premières nations, d’Inuits et de Métis — plaident coupables de crimes qu’ils n’ont pas commis (et parfois de crimes qui n’ont pas eu lieu). Les Autochtones ne comprennent parfois pas ce qui leur arrive ou quelles sont leurs options, même s’ils parlent couramment l’anglais. Il est malheureusement courant pour les avocats de la défense d’entamer une conversation trop souvent trop brève avec le client au sujet d’une entente quant à son plaidoyer, avant même de lui demander sa version des faits. Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses façons dont les peuples autochtones et d’autres groupes vulnérables subissent des pressions pour plaider lorsqu’ils sont innocents. Les gouvernements connaissent depuis longtemps le vilain secret de la négociation de plaidoyers et de faux plaidoyers de culpabilité[12]. »

Voici un témoignage poignant décrivant le cercle vicieux dans lequel certaines femmes autochtones sont prises :

  • « L’histoire commence avec leur père qui les maltraitait. Elles vivaient dans une famille où il y avait beaucoup de mauvais traitements. La mère buvait beaucoup. Elle a le cancer maintenant, alors elles risquent de perdre leur mère. Sa sœur boit aussi, et son conjoint est aussi violent envers elle. À un moment donné, on lui enlève la garde de ses deux enfants, ce qui exacerbe son alcoolisme. Une nuit, alors qu’ils sont sortis boire et peut-être prendre de la drogue, une dispute éclate. Ce qui devait arriver arriva... Elle avait un couteau de poche avec elle et elle... pardon, elle avait une connaissance avec elle, et son conjoint a été poignardé. Elle s’est fait arrêter. Elle n’a pas voulu parler à un avocat, parce qu’elle ne voulait pas avoir à penser à tout cela, à revivre cette soirée. Elle n’a donc pas pu se défendre en disant que c’était de l’autodéfense, qu’elle avait été provoquée ou quelque chose du genre. Elle va passer le reste de sa vie en prison. Le juge va la condamner à perpétuité. Tout cela s’est passé très vite, mais c’est très commun[13]. »

REFUGES POUR FEMMES, SERVICES DE GARDE ET LOGEMENT

Témoignages :

  • Les financements récemment annoncés pour des refuges de femmes victimes de violence familiale sont extrêmement inadéquats pour les femmes autochtones et ne répondent pas à des besoins qui existent depuis déjà trop longtemps :
    • 70 % des communautés inuites n’ont pas accès à un refuge : on dénombre actuellement environ 15 refuges pour 53 communautés inuites dans l’ensemble de l’Inuit Nunangat;
    • un seul réseau, comptant désormais 41 refuges en réserve, pour l’ensemble des 600 communautés du Canada, et le nouvel investissement ne vise que la création de cinq nouveaux refuges au cours des cinq prochaines années.
  • Les femmes autochtones ont besoin :
    • d’une collectivité qui va « leur offrir des programmes de prévention, des cercles de guérison et des maisons d’hébergement[14] »;
    • que l’on investisse « dans des logements sécuritaires et appropriés, des emplois stables, l’accès à des services de garde, des services de soutien en santé mentale, l’accès à la justice en ce qui concerne les services de soutien juridique et des services de soutien communautaire[15] »;
    • de « logement, ce dont certaines communautés sont totalement dépourvues[16] ».
  • « Un gros manque de structure et de filet de sécurité existe une fois ces femmes remises en liberté[17]. »

Recommandations :

  • Que le gouvernement du Canada joue immédiatement un rôle de premier plan dans la création d’un système national universel qui offre des services de garde abordables et de qualité à toutes les familles du Canada, y compris aux familles et aux femmes autochtones qui vivent à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves.
  • Que le gouvernement du Canada présente immédiatement une loi reconnaissant le logement comme un droit humain fondamental et que la Stratégie nationale de logement investisse sans délai dans le logement abordable, dans les centres d’hébergement pour femmes, pour résoudre la crise de l’abordabilité du logement qui touche les familles et les femmes autochtones qui vivent à l’intérieur ou à extérieur des réserves.

DÉFAUT D’ABROGER LES PEINES MINIMALES OBLIGATOIRES

Les peines minimales obligatoires sont toujours en vigueur au Canada. Le gouvernement libéral a promis de les éliminer. Il ne l’a toujours pas fait et, parce que les juges ne peuvent plus user de leur pouvoir discrétionnaire, des femmes autochtones se retrouvent en prison pour des crimes dont elles sont peut-être seulement complices et cela force l’État à envoyer leurs enfants dans des familles d’accueil, perpétuant ainsi la tendance tragique et destructrice de séparation des enfants de leurs parents au Canada. Le NPD ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne l’a pas fait dès le premier jour de son mandat.

Selon les libéraux, le projet de loi C-75 constitue une réforme audacieuse de la justice criminelle. Pourtant, il n’élimine pas entièrement le régime de peines minimales obligatoires instauré par Harper, malgré les promesses faites et les engagements dans les lettres de mandat. Les libéraux ont échoué sur toute la ligne dans ce dossier.

Témoignages :

  • « [L]es peines minimales obligatoires vont à l’encontre de ce que le juge qui prononce les peines devrait faire. Elles nuisent à l’application du Code criminel[18]. »
  • « [L]a peine minimale obligatoire empêche l’imposition d’une peine d’emprisonnement avec sursis. […] Ce qui se passe ensuite, c’est que la personne va en prison, et, si elle n’a personne pour s’occuper de ses enfants, vous avez tout à fait raison, elle va les perdre. […] Même si la personne reprend ses enfants, ceux-ci auront été retirés de leur famille. […] [L]’expérience d’avoir été séparé de votre famille et placé en foyer d’accueil […] est incroyablement dommageable[19] ».

Nous sommes d’accord avec les recommandations du Comité pour ce qui est du dépôt d’une loi pour mettre fin aux peines minimales sauf pour les crimes majeurs; le rapport du NPD explique pourquoi il est important que le gouvernement libéral tienne ses promesses.

Jonathan Rudin, directeur de programme pour les Aboriginal Legal Services a dit :

  • « La première chose que nous implorons votre comité de recommander ou encore de faire, c’est d’amener le gouvernement actuel à adopter la loi qu’il avait promis d’adopter pour redonner aux juges leur pouvoir discrétionnaire de façon qu’ils puissent déterminer une peine sans avoir à se charger du fardeau des peines minimales obligatoires et des restrictions relatives aux peines avec sursis[20]. »

Étant donné l’inaction du gouvernement fédéral, la députée néo-démocrate Sheri Benson (Saskatoon-Ouest) et la sénatrice Kim Pate ont toutes deux déposé, ce mois-ci, un projet de loi[21] visant à abroger les peines minimales obligatoires néfastes imposées par les conservateurs. Le tout donne suite à l’appel à l’action no32 de la Commission de vérité et de réconciliation.

METTRE FIN IMMÉDIATEMENT À L’ISOLEMENT CELLULAIRE D’UNE DURÉE INDÉFINIE ET METTRE UN TERME À l’APPEL DU GOUVERNEMENT DE LA DÉCISION DE LA COUR

Témoignages :

  • Ivan Zinger, l’enquêteur correctionnel du Canada, a dit :
    • « Je suis fermement convaincu qu’on peut abandonner cette pratique [l’isolement cellulaire] de facto dans les établissements pour femmes si on utilise les unités de garde en milieu fermé avec la même rigueur comme mesure de dernier ressort, et qu’on les utilise pour séparer, et non pas pour isoler, les quelques cas dont il faut s’occuper pendant un court laps de temps[22]. »
  • Dubravka Šimonović, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, a dit :
    • « J’aimerais réclamer une interdiction absolue de l’isolement cellulaire, de la ségrégation, des soins psychiatriques intensifs, de l’observation médicale et de toutes les autres formes d’isolement des détenues ayant des problèmes de santé mentale[23]. »

Il est choquant qu’au lieu de procéder à une réforme, le gouvernement libéral ait porté en appel la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique contre l’isolement cellulaire, choisissant ainsi de dépenser l’argent des contribuables pour lutter contre la B.C. Civil Liberties Association en cour plutôt que de mettre en place des réformes pour aider les femmes autochtones en prison.

L’incarcération de masse des femmes autochtones est tout à fait incohérente avec les promesses répétées du gouvernement canadien de soutenir les peuples autochtones et les femmes. Il doit rectifier le tir et agir immédiatement. Il est temps que le Canada aide les Autochtones, qu’ils soient des détenus, des femmes ou des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Le Canada devrait montrer la voie à suivre, et non lutter en cour contre des décisions interdisant l’isolement cellulaire.

Recommandation :

  • Que le gouvernement du Canada, par l’entremise de la procureure générale du Canada, renonce immédiatement à appel, qu’il a interjeté en janvier 2018, de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique mettant fin à l’isolement cellulaire dans les prisons du Canada, et qu’il reconnaisse que cette pratique est inconstitutionnelle et constitue une peine cruelle et inusitée qui peut entraîner des souffrances ou la mort des prisonniers, notamment des femmes autochtones incarcérées dans les prisons fédérales.

ARTICLES 81 (PRESTATION DE SERVICES CORRECTIONNELS PAR LES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES) ET 84 (LIBÉRATION DANS UNE COLLECTIVITÉ AUTOCHTONE)

Nous sommes d’avis que les recommandations du Comité ne traduisent pas l’urgence pour le Service correctionnel du Canada (SCC) de respecter l’intention de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Témoignages

  • « [L]es pavillons de ressourcement (prévu par l’article 81) n’acceptent que des femmes autochtones qui ont une cote de sécurité minimale, alors qu’elles représentent une plus faible proportion[24] ».
  • « [O]n observe […] une sous-utilisation des mises en liberté faites aux termes des articles 81 et 84[25] ».
  • Même si la loi existe depuis plus de 25 ans, ces dispositions législations sont méconnues ou mal comprises dans les collectivités autochtones[26].
  • L’honorable sénatrice Kim Pate a dit :
    • « Je vous recommande d’examiner la loi ainsi que l’intention du législateur et de reconnaître que la mise en œuvre incomplète de ces dispositions tient en partie au fait, à mon avis, que très peu de collectivités autochtones au cours des deux dernières décennies — cela fait 25 ans que la loi a été adoptée — étaient au courant de ces dispositions. De toute façon, même celles qui l’étaient se sont fait dire qu’elles devaient construire des établissements si elles voulaient que les dispositions soient mises en œuvre [27]. »
  • « La somme annuelle de 220 000 $ qui est dépensée pourrait être donnée aux communautés autochtones, afin qu’elles puissent établir et gérer des centres de ressourcement. Ces communautés pourraient utiliser cet argent pour aider leurs membres[28]. »

GOUVERNEMENT QUI TRAVAILLE EN VASE CLOS

Dans son rapport, le Comité ne mentionne pas l’absence de collaboration entre Affaires autochtones et le Service correctionnel du Canada. Le NPD est déçu de la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et de la ministre des Services aux Autochtones qui ont échoué toutes deux à leur mandat « d’être à la tête d’une démarche pangouvernementale » et « d’améliorer la prestation des services à l’aide d’approches globales et communautaires qui accordent la priorité à la personne d’abord ».

Témoignages :

  • « Pour ce faire, les gens dans cette salle, et vos collègues et homologues à la Chambre et au Sénat, devront travailler dans l’ensemble des ministères et des administrations et, fait plus important encore, avec les femmes autochtones elles-mêmes[29]. »
  • « Deuxièmement, il faut fournir un soutien et une aide là où il y a des femmes autochtones. Les services doivent aller jusqu’à elles : dans leur collectivité, dans un centre urbain, au poste de police, devant un juge, dans un centre de détention provisoire, dans un établissement fédéral et au moment de leur mise en liberté[30]. »

Recommandation :

  • Que la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et la ministre des Services aux Autochtones comblent immédiatement les écarts dans la façon dont les femmes autochtones du système correctionnel fédéral « reçoivent leurs services du gouvernement au quotidien », trouvent « des moyens d’améliorer la prestation des services à l’aide d’approches globales et communautaires qui accordent la priorité à la personne d’abord », tel que le réclame la lettre de mandat des ministres, et s’engagent à améliorer leur collaboration avec Service correctionnel Canada.

FAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA UN VÉRITABLE MILIEU AXÉ SUR LES FEMMES

Les recommandations du Comité ne tiennent pas compte des témoins[31] ayant affirmé que les programmes correctionnels offerts par le Service correctionnel du Canada ne sont pas axés sur les femmes autochtones.

Le SCC dit avoir un « modèle de programme holistique, adapté à la culture et axé sur les femmes », mais cet énoncé a été réfuté par un grand nombre de témoins.

Témoignages :

  • « [Il y a] un certain nombre d’endroits où ils n’ont pas encore réussi » à fournir des services adaptés sur le plan culturel aux délinquantes autochtones[32].
  • « [I]l y a eu une diminution réelle dans l’approche axée sur les femmes dès le début de l’EVF [Établissement de la vallée du Fraser pour femmes] et d’autres prisons pour femmes[33]. »
  • « [A]u fil du temps, on constate la grande résistance du Service correctionnel du Canada à toutes les recommandations, à compter du rapport Arbour, en 1996[34]. »
  • « [R]éduire la participation du Service correctionnel et à accroître celle de la collectivité, parce que la méthode actuelle ne fonctionne pas, même après tout ce temps[35] ».
  • « En fait, ce dont on a besoin, c’est d’un important changement de paradigme, ce à quoi le SCC s’est fréquemment et manifestement opposé[36]. »
  • « [L]e SCC n’a pas mis en œuvre les recommandations qui auraient pu entraîner un changement important dans notre capacité à traiter la santé mentale dans la collectivité[37]. »

RÉFORME DES RAPPORTS GLADUE

Nous sommes d’accord avec les recommandations du Comité concernant les rapports Gladue, mais, selon nous, le gouvernement fédéral doit immédiatement diriger un effort de coordination nationale afin de surveiller efficacement la mise en œuvre d’un plan sexospécifique pour les rapports Gladue.

Témoignages :

  • « [L]a plupart du temps, les avocats de la défense ne renseignent pas les femmes métisses sur l’objectif d’un rapport Gladue ni sur les avantages qu’il pourrait leur apporter[38] ».
  • « Si une personne ne ressemble pas visiblement à un Autochtone, l’avocat essaiera de s’en sortir sans préparer aucun rapport Gladue ni faire participer la personne à ce processus[39]. »
  • « Malgré l’obligation juridique selon laquelle les facteurs Gladue ou les antécédents sociaux des Autochtones doivent être pris en considération par les tribunaux et la Commission des libérations conditionnelles, les Autochtones, et tout particulièrement les femmes autochtones, sont davantage incarcérés selon des niveaux de sécurité supérieurs et pour de plus longues parties de leur peine que d’autres Canadiens[40]. »
  • « [L]’expérience de nos clients, je sais que peu d’entre eux possèdent les rapports Gladue du moment de leur condamnation[41] ».
  • « Il existe […] une grave pénurie de bons rédacteurs compétents pour ces rapports. » Ou les rédacteurs ne sont pas assez bien formés pour que les femmes se sentent à l’aise de leur raconter leurs expériences personnelles, ce qui mène à des peines incomplètes[42].
  • L’Association des femmes autochtones du Canada a recommandé un plan sexospécifique pour les rapports Gladue (mai 2015).

Recommandation :

  • Que le gouvernement du Canada coordonne, en collaboration avec les peuples et les communautés autochtones, le suivi de la mise en œuvre des mesures sexospécifiques en ce qui concerne les rapports Gladue.

Conclusion

« Il ne fait absolument aucun doute que les peuples autochtones ont les solutions aux problèmes qui les assaillent dans la société. Il nous faut absolument leur donner le pouvoir[43]. »

« [N]os efforts, en tant que pays, doivent viser à sortir les femmes autochtones des prisons[44]. »

Il est temps que le Canada aide les Autochtones, qu’ils soient des détenus, des femmes ou des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Le Canada devrait montrer la voie à suivre, et non lutter en cour contre des décisions interdisant l’isolement cellulaire. Ce gouvernement devrait mener la réforme du traitement des femmes autochtones dans les systèmes judiciaire et correctionnel du Canada.

Respectueusement soumis au nom du Nouveau Parti démocratique, le 8 juin 2018.


[1] Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes [FEWO], Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1135 (Vicki Chartrand, professeure agrégée, Département de sociologie, Université Bishop’s, à titre personnel).

[2] Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, « End of mission statement - Official visit to Canada », 23 avril 2018, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22981&LangID=E [traduction].

[3] Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, « End of mission statement - Official visit to Canada », 23 avril 2018, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22981&LangID=E [traduction].

[4] Meredith Robeson Barrett, Kim Allenby & Kelly Taylor, « Vingt ans plus tard : Retour sur le rapport du groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale », Service correctionnel du Canada, juillet 2010, http://www.csc-scc.gc.ca/recherche/005008-0222-01-fra.shtml#_Toc276046055.

[5] Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, « End of mission statement - Official visit to Canada », 23 avril 2018, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22981&LangID=E [traduction].

[6] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018, 1605 (Lowell Carroll, gestionnaire, Calgary, Red Deer, et Siksika Legal Services Centre, Legal Aid Alberta, à titre personnel).

[7] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1130 (Véronique Picard, coordonnatrice de la justice, Québec Inc.).

[8] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018, 1720 (Teresa Edwards, membre du conseil d’administration, Association du Barreau autochtone au Canada).

[9] Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, « End of mission statement - Official visit to Canada », 23 avril 2018, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22981&LangID=E [traduction].

[10] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018, 1720 (Debra Parkes, professeure et titulaire de la Chaire d’études juridiques féministes, École de droit Peter A. Allard Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel).

[11] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018, 1705 (Debra Parkes, professeure et titulaire de la Chaire d’études juridiques féministes, École de droit Peter A. Allard Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel).

[12] Amanda Carling, « Pleading guilty when innocent: A truth for too many Indigenous people », The Globe and Mail, 23 mai 2018, https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-pleading-guilty-when-innocent-a-truth-for-too-many-Indigenous-people/?utm_medium=Referrer:+Social+Network+/+Media&utm_campaign=Shared+Web+Article+Links, [traduction].

[13] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1150 (Vicki Chartrand, professeure agrégée, Département de sociologie, Univsertité Bishop’s, à titre personnel).

[14] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 février 2018, 1700 (Ruth ScalpLock, à titre personnel).

[15] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1105 (Raji Mangat, directrice du litige, West Coast Women’s Legal Education and Action Fund).

[16] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1125 (Véronique Picard, coordonnatrice de la justice, Québec Inc.).

[17] Femmes autochtones du Québec inc., « Recommandations pour le Comité permanent de la condition féminine soumises par Femmes Autochtones du Québec (FAQ) », Mémoire au Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, 22 décembre 2017.

[18] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1145 (Rajwant Mangat, directrice du litige, West Coast Women's Legal Education and Action Fund).

[19] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1240 (Jonathan Rudin, directeur de programme, Aboriginal Legal Services).

[20] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1200 (Jonathan Rudin, directeur de programme, Aboriginal Legal Services).

[21] Parlement du Canada : LegisInfo, Projet de loi émanant d’un député : C-407, 42e législature, 1re session et Parlement du Canada : LegisInfo, Projet de loi d’intérêt public du Sénat : S-251, 42e législature, 1re session.

[22] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 février 2018, 1610 (Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[23] Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, « End of mission statement - Official visit to Canada », 23 avril 2018, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22981&LangID=E [traduction].

[24] Femmes autochtones du Québec inc., « Recommandations pour le Comité permanent de la condition féminine soumises par Femmes Autochtones du Québec (FAQ) », Mémoire au Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, 22 décembre 2017; FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1105 (Jennifer Metcalfe, directrice générale, West Coast Prison Justice Society/Prisoners' Legal Services.

[25] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018, 1535 (Kathryn Ferreira, directrice, Queen's Prison Law Clinic).

[26] Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des Communes [SECU], Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 novembre 2017, 0915 (hon. Kim Pate, sénatrice).

[27] Ibid.

[28] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 février 2018, 1555 (Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[29] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1105 (Raji Mangat, directrice du litige, West Coast Women’s Legal Education and Action Fund).

[30] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018, 1655 (Marie-Claude Landry, présidente, Commission canadienne des droits de la personne).

[31] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1245 (Melanie Omeniho, présidente, Les Femmes Michif Otipemisiwak); FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1245 (Felice Yuen, professeure agrégée, Université Concordia, à titre personnel); FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1245 (Jonathan Rudin, directeur de programme, Aboriginal Legal Services), FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 décembre 2017, 1205 (Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général), FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1105 (Jennifer Metcalfe, directrice générale, West Coast Prison Justice Society/Prisoners' Legal Services), FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1155 (Rajwant Mangat, directrice du litige, West Coast Women's Legal Education and Action Fund), FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er février 2018, 1620 (Virginia Lomax, conseillère juridique, Association des femmes autochtones du Canada), FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er février 2018, 1615 (Savannah Gentile, directrice, Mobilisation et affaires juridiques, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry).

[32] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 décembre 2017, 1205 (Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général).

[33] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1100 and 1130 (Jennifer Metcalfe, directrice générale, West Coast Prison Justice Society/Prisoners' Legal Services).

[34] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er février 2018, 1615 (Savannah Gentile, directrice, Mobilisation et affaires juridiques, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry).

[35] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018, 1555 (Kathryn Ferreira, directrice, Queen’s Prison Law Clinic).

[36] SECU, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 novembre 2017, 0845 (Savannah Gentile, directrice, Mobilisation et affaires juridiques, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry).

[37] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er février 2018, 1615 (Savannah Gentile, directrice, Mobilisation et affaires juridiques, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry).

[38] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1240 (Melanie Omeniho, présidente, Les Femmes Michif Otipemisiwak).

39 FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 décembre 2017, 1240 (Melanie Omeniho, présidente, Les Femmes Michif Otipemisiwak).

[40] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 décembre 2017, 1100 and 1130 (Jennifer Metcalfe, directrice générale, West Coast Prison Justice Society/Prisoners' Legal Services).

[41] Ibid.

[42] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er février 2018, 1610 (Kassandra Churcher, directrice générale, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry).

[43] FEWO, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er février 2018, 1625 (Denise Peterson, conseillère municipale, Ville de Strathmore, à titre personnel).

[44] SECU, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 novembre 2017, 0845 (Savannah Gentile, directrice, Mobilisation et affaires juridiques, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry).