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HESA Rapport du Comité

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RAPPORT SUR LES EFFETS DE SANTÉ PUBLIQUE LIÉS À LA FACILITÉ DE TROUVER ET DE VISIONNER EN LIGNE DU CONTENU VIOLENT ET SEXUELLEMENT EXPLICITE AVILISSANT SUR LES ENFANTS, LES FEMMES ET LES HOMMES

INTRODUCTION

Le 8 décembre 2016, la Chambre des communes a adopté la motion M-47 des Affaires émanant des députés:

Que le Comité permanent de la santé reçoive instruction d’étudier les effets de santé publique liés à la facilité de trouver et de visionner en ligne du contenu violent et sexuellement explicite avilissant sur les enfants, les femmes et les hommes, en reconnaissant et en respectant la compétence des provinces et des territoires à cet égard et que ledit Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre au plus tard en juillet 2017[1].

Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (le Comité) a convenu de tenir quatre réunions pour cette étude. À la première, le Comité a reçu M. Arnold Viersen, député et parrain de la motion M-47, qui a fait un survol de sa motion et suggéré des orientations pour l’étude du Comité. Aux trois autres réunions, le Comité a entendu 11 témoins, dont des chercheurs universitaires, des professionnels du secteur médical et d’autres intervenants. En outre, le Comité a reçu 23 mémoires de personnes intéressées, de chercheurs, de représentants de l'industrie du divertissement pour adultes, de professionnels du secteur médical et d’organismes communautaires.

Le présent rapport résume les témoignages et mémoires dont le Comité a pris connaissance sur les effets de santé publique liés à la facilité de trouver et de visionner en ligne du contenu violent et sexuellement explicite avilissant sur les enfants, les femmes et les hommes, en se concentrant en particulier sur la recherche scientifique examinée par les pairs que les témoins ont présentée. À la lumière des propos et des recommandations véhiculés par les témoins et dans les mémoires, le présent rapport trace aussi les grandes lignes des domaines généraux où le gouvernement fédéral pourrait prendre des mesures en collaboration avec les provinces et les territoires ainsi que d’autres intervenants pour s’attaquer à la facilité de trouver en ligne du contenu sexuellement explicite violent et avilissant.

A. Définition de l’obscénité

Bien que l’accès à du matériel sexuellement explicite soit légal au Canada, son contenu est réglementé en vertu des dispositions du Code criminel. En vertu de l’alinéa 163(1)a) du Code criminel[2], il est illégal de produire, d’imprimer, de publier, de distribuer ou de mettre en circulation « quelque écrit, image, modèle, disque de phonographe ou autre chose obscène ». Le fait de posséder du matériel en vue de le publier, le distribuer ou le mettre en circulation constitue également une infraction. Une publication est réputée « obscène » si la caractéristique principale est « l’exploitation indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles et de l’un ou plusieurs des sujets suivants, savoir : le crime, l’horreur, la cruauté et la violence » (paragraphe 163(8) du Code criminel). Il est en outre illégal, aux termes de l’article 163.1 du Code criminel, de produire, publier et avoir en sa possession de la pornographie juvénile.

B. Obscénité et liberté d’expression

En 1992, dans l’arrêt R. c. Butler[3], la Cour suprême du Canada a statué sur la question de savoir si la définition du terme obscénité au paragraphe 163(8) du Code criminel enfreignait le droit à la liberté d’expression en vertu de l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour a jugé que le paragraphe 163(8) contrevenait à l’alinéa 2b) de la Charte, mais que l’empiétement était justifiable en vertu de l’article 1 de la Charte. Écrivant au nom de la majorité, le juge Sopinka a signalé qu’il y a trois critères à remplir pour déterminer si l’exploitation sexuelle est « excessive » : le critère de la « norme sociale », le critère de « dégradation et de déshumanisation » et le critère des « nécessités internes » ou de la « défense artistique ». Il a également divisé la pornographie en trois catégories : 1) des représentations sexuelles explicites empreintes de violence, 2) des représentations sexuelles explicites sans violence, mais dégradantes et déshumanisantes et 3) des représentations sexuelles sans violence, qui ne sont ni dégradantes ni déshumanisantes.

C. Préjudice et pornographie

En matière de préjudice et de pornographie, le juge Sopinka ajoute :

Pour certains segments de la société, ces trois catégories de pornographie seraient nocives à la société parce qu’elles ont tendance à en ébranler la force morale. Pour d’autres, aucune de ces catégories de pornographie n’est nocive. Par ailleurs, il existe tout un éventail d’opinions quant à savoir ce qui constitue un traitement dégradant ou déshumanisant.
[…]
Les tribunaux doivent déterminer du mieux qu’ils peuvent ce que la société tolérerait que les autres voient en fonction du degré de préjudice qui peut en résulter. Dans ce contexte, le préjudice signifie qu’il prédispose une personne à agir de façon antisociale, comme, par exemple, le fait pour un homme de maltraiter physiquement ou mentalement une femme ou vice versa, ce qui peut être discutable. Le comportement antisocial en ce sens est celui que la société reconnaît officiellement comme incompatible avec son bon fonctionnement. Plus forte sera la conclusion à l’existence d’un risque de préjudice, moins grandes seront les chances de tolérance. Cette conclusion peut être tirée à partir du matériel même ou à partir du matériel et d’autres éléments de preuve. En outre, la preuve des normes sociales est souhaitable, mais non essentielle.
Dans la classification des choses sexuelles en fonction des trois catégories de pornographie susmentionnées, la représentation des choses sexuelles accompagnées de violence constitue presque toujours une exploitation indue des choses sexuelles. Les choses sexuelles explicites qui constituent un traitement dégradant ou déshumanisant peuvent constituer une exploitation indue si le risque de préjudice est important. Enfin, les choses sexuelles explicites qui ne comportent pas de violence et qui ne sont ni dégradantes ni déshumanisantes sont généralement tolérées dans notre société et ne constituent pas une exploitation indue des choses sexuelles, sauf si leur production comporte la participation d’enfants.

A. Définition de « contenu violent et sexuellement explicite avilissant »

Le Comité a convenu que, conformément à la teneur de la motion M-47, il concentrerait son étude sur le « contenu violent et sexuellement explicite avilissant ». Toutefois, des témoins ont fait remarquer qu’on ne s’entendait pas, déjà, sur une définition commune de la pornographie elle-même[4] et qu’il ne semble pas y avoir une distinction nette entre le contenu violent et sexuellement explicite avilissant et d’autre contenu sexuellement explicite. Comme le fait remarquer Mme Kathleen Hare, étudiante au doctorat au Département de l'enseignement des langues et littératie de l'Université de la Colombie-Britannique, « [l]a façon de définir la pornographie ainsi que la santé et la violence sexuelles aux fins de ce type de conversation fait l'objet d'un débat dans le domaine de la recherche sur ce sujet[5] ». Elle poursuit :

Je pense que la distinction entre pornographie et pornographie violente est nette, tant dans les publications que d'après les jeunes sujets de mon étude. Ils parlaient souvent des genres dans la pornographie ordinaire, où on trouve de tout, de l'érotisme aux couples qui téléchargent des vidéos d'amateurs d'eux-mêmes dans Hentai, une sorte de dessin animé. La diversité est grande. Il y a ensuite les types de pornographie qu'on peut décrire d'après leur violence.
D'après moi, la pornographie violente est faite d'actes non consensuels de violence, de dégradation ou de déshumanisation. La notion clé est « non consensuel », ce qui reconnaît l'existence, aussi, d'une pornographie consensuelle, produite par des groupes aux goûts particuliers, qui représente des activités qui pourraient sembler violentes[6].

La définition de ce qui est « violent et avilissant » peut varier d’une personne à l’autre selon leur degré d’exposition à du contenu « violent et avilissant[7] ».

B. Aperçu de la facilité de trouver en ligne du contenu violent et sexuellement explicite avilissant

Lors de sa comparution devant le Comité, Mme Gail Dines, professeure et titulaire de la chaire en études des femmes au Wheelock College et présidente de Culture Reframed, a expliqué que l’avènement d’Internet a facilité plus que jamais l’accès à la pornographie ou au contenu sexuellement explicite pour les hommes, les femmes et les enfants[8]. Autrefois, la pornographie circulait uniquement dans les vidéos, les magazines et les livres, mais maintenant, selon ce que le Comité a appris, des entreprises telles que MindGeek ont créé des sites de pornographie auxquels on peut accéder anonymement sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Selon Mme Dines, les trois sites pornographiques gratuits les plus populaires de MindGeek attirent environ 100 millions de visiteurs et leurs pages sont vues plus de 488 millions de fois par jour[9].

Comme il n’est pas nécessaire d’avoir une carte de crédit pour voir ces sites et qu’ils n’exigent aucune preuve d’âge, les enfants peuvent y accéder facilement; selon un témoin, les enfants ont en moyenne 11 ans lorsqu’ils voient de la pornographie pour la première fois[10]. Dans son mémoire, Joseph Deschambault, âgé de 14 ans, explique que les enfants peuvent accéder à des sites pornographiques par accident, lui-même y ayant été exposé pour la première fois lorsqu’une fenêtre est apparue à son écran pendant qu’il jouait sur un site de jeux. Il avait huit ans[11]. Il a aussi avancé que les sites Web de pornographie se servaient de mots clés que les jeunes utilisent souvent.

Toutefois, les avis des témoins sont partagés quant à la mesure dans laquelle les hommes, les femmes et les enfants accèdent à des images sexuellement explicites violentes et avilissantes par rapport à des images sexuellement explicites non violentes et non avilissantes. Des témoins font valoir que ce qu’une personne qualifie de violent et d’avilissant est très subjectif. Par exemple, Mme Kathleen Hare explique : « La distinction, à première vue, est très difficile, parce que la violence est subjective[12]. » De même, Mme Mary Anne Layden, du programme des traumatismes sexuels et de psychopathologie au Département de psychiatrie de l'Université de la Pennsylvanie, déclare : « Il est parfois difficile d'en juger d'après le spectateur et l'évaluateur. Selon qui en est le juge, ça vient compliquer la recherche[13]. » Mme Layden explique aussi qu’il arrive que les gens se désensibilisent : le contenu sexuellement explicite qu’ils jugeaient violent et avilissant au premier abord ne l’est plus après une exposition répétée[14]. »

C. Comprendre le contenu sexuellement explicite violent et avilissant en tant que problème de santé publique

Lors de sa comparution, M. Arnold Viersen a expliqué que l’objet de sa motion était d’étudier le contenu sexuellement explicite violent et dégradant sous l’angle de la santé publique, en s’inspirant du modèle de santé publique adopté aux États-Unis par les centres pour le contrôle et la prévention des maladies, soit : définir le problème; circonscrire les risques et les facteurs de protection; élaborer des initiatives et des programmes; et investir dans l’application généralisée de mesures efficaces[15]. Selon Mme Dines, la facilité d’accès à du contenu sexuellement explicite violent et dégradant devrait être considérée comme une question de santé publique, parce que ses effets ne concernent pas uniquement la personne exposée; ils se répercutent à grande échelle et touchent les relations, la culture, les relations hommes-femmes ainsi que le milieu de travail.

Toutefois, Mme Jacqueline Gahagan, directrice intérimaire et vice-doyenne de la Faculté des professions de la santé à l'Université Dalhousie, a déclaré que « [b]ien que nous sachions que la pornographie à l'ère d'Internet est clairement un problème important de santé et de société, le rôle de la santé publique à l'égard de ce problème est beaucoup moins clair[16] ». Mme Gahagan avance que la santé publique cherche surtout à maintenir les gens en santé et à prévenir les maladies, les blessures et les décès prématurés en s’attaquant à leurs causes sous-jacentes, que l’on découvre grâce à la recherche et aux données de surveillance épidémiologiques. Elle ajoute que la recherche concernant les causes et les effets exacts de la pornographie en ce qui a trait à la violence sexuelle et à la mauvaise santé font encore l’objet « d’un débat animé ». C’est pour cette raison qu’il est difficile de comprendre et de traiter le phénomène en tant que problème de santé publique au même titre qu’on le ferait pour d’autres types de problèmes de santé publique, comme les maladies contagieuses[17].

D. Survol de la preuve scientifique quant aux effets de santé publique liés au contenu en ligne sexuellement explicite violent et avilissant

Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont déclaré qu’il y avait de grands débats concernant la recherche scientifique sur les effets de santé publique liés au contenu sexuellement explicite ou à la pornographie en général, de même qu’au sujet de la recherche sur les effets du contenu sexuellement explicite violent et dégradant en particulier[18].

1.    Impact sur les attitudes et les comportements sexuels

Mme Cordelia Anderson, fondatrice de Sensibilities Prevention Services, suggère qu’il y a un lien entre le fait de regarder du contenu sexuel violent et le fait d’avoir des comportements sexuels problématiques chez les jeunes. Elle explique :

Une étude menée auprès de jeunes de 14 à 21 ans montre que 9 % d'entre eux ont adopté une certaine forme de comportement sexuellement violent et que ces 9 % avaient consommé beaucoup plus de matériel sexuel violent. Une étude australienne a montré que, parmi des enfants de 7 à 11 ans qui recevaient un traitement pour un comportement sexuel problématique, 75 % des garçons et 67 % des filles avaient été orientés par l'intermédiaire de la pornographie[19].

Les recherches de M. Neil Malamuth, professeur à l’Université de la Californie à Los Angeles, l’ont amené à conclure que l’agressivité sexuelle des hommes pouvait s’expliquer à la fois par des facteurs primaires et secondaires[20]. Si un individu présente déjà un risque élevé de commettre des agressions sexuelles, alors l'exposition intensive à la pornographie non consensuelle « peut augmenter considérablement la propension à adopter des attitudes de tolérance à la violence envers les femmes, voire des comportements sexuels agressifs dans certaines situations[21] ».

E. Comment remédier à la facilité de trouver en ligne du contenu sexuellement explicite violent et avilissant

Même si l’on est loin de s’entendre sur les conclusions des recherches scientifiques relatives aux effets de santé publique du contenu sexuellement explicite violent et avilissant qu’on trouve en ligne, les témoins s’entendent généralement sur les façons de remédier à la facilité d’accéder à ce contenu. Les témoins ont en effet évoqué deux grands domaines où le gouvernement fédéral pourrait prendre des mesures pour remédier au problème : promouvoir la santé sexuelle et restreindre l’accès des enfants au contenu en question, notamment par la vérification de l’âge.

1. Promouvoir la santé sexuelle

Selon Mme Hare, voir du contenu sexuellement explicite peut avoir un impact positif pour ce qui est de promouvoir la communication sur la sexualité au sein des couples, et donner aux jeunes la possibilité de découvrir le spectre de l’expression sexuelle, tout en permettant aux lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, transsexuels, intersexués, queers, en questionnement et bispirituels (LGBTQ2+) d’explorer des pratiques sexuelles qui sortent du cadre de l’hétéronormativité[22].

Dans sa propre recherche sur l’impact du contenu en ligne sexuellement explicite sur la santé sexuelle des jeunes adultes, Mme Hare a trouvé qu’il y avait des impacts à la fois positifs et négatifs, mais qu’on ne pouvait séparer ces impacts de la façon dont on traite de la sexualité en général dans d’autres types de médias, de même que des discours social et politique en général sur la sexualité. Sa recherche a également révélé que les jeunes se servent activement de la pornographie comme ressource pour en savoir plus sur les aspects positifs de la sexualité, déplorant le manque de ressources éducatives à ce sujet et leur accès limité à de telles ressources dans les médias grand public et les cours d’éducation sexuelle. De son point de vue, les résultats de sa recherche montrent à quel point il serait important d’inclure des cours d’éducation sexuelle plus complets dans les mesures générales visant à promouvoir la santé sexuelle au Canada.

Selon Mme Gahagan, le gouvernement fédéral pourrait remédier aux préoccupations sociales et de santé que soulève le contenu en ligne sexuellement explicite violent et avilissant en élaborant une stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle qui pourrait être incluse dans les cours d’éducation sexuelle à l’école, diffusée par des organismes partenaires en ligne et d’autres tribunes médicales. La stratégie viserait à doter les jeunes et leurs parents des outils nécessaires pour appuyer la santé sexuelle et les comportements sains à l’ère d’Internet. Mme Gahagan explique que la stratégie servirait « à transmettre de l'information sur des sujets comme les relations saines, les infections transmissibles sexuellement et par le sang, la prévention et les tests, ainsi que de l'information sur les répercussions potentielles de la pornographie violente sur les jeunes et les jeunes adultes, y compris de possibles sanctions pénales pour ceux qui produisent ou diffusent du matériel pornographique sans consentement[23] ».

Mme Cooper, première dirigeante, Developmental and Forensic Pediatrics et Mmes Anderson et Dines ont aussi souligné l’importance de cours détaillés sur la saine sexualité pour remédier aux images négatives de la sexualité et des relations qui sont véhiculées dans la pornographie[24]. Mme Anderson et M. Fisher, professeur au Département de psychologie de l'Université Western Ontario, ont expliqué que les technologies interactives en ligne pouvaient aussi jouer un rôle de premier plan comme ressource et comme soutien en éducation sexuelle. Par exemple, le Comité a appris que la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada avait créé le site Web « Le sexe et moi » (SexualityandU.ca) pour donner aux jeunes la possibilité de faire des choix éclairés en ce qui concerne le sexe, promouvoir les pratiques sexuelles sans risque et consensuelles[25]. Le Comité a appris que ce type d’outils interactifs en ligne était d’une valeur inestimable, car les enfants et les jeunes, pour diverses raisons, n’ont pas toujours accès à l’éducation sexuelle à l’école. De même, l’aisance de l’éducateur par rapport à la matière serait essentielle[26].

Par ailleurs, les témoins ont insisté sur le fait que les mesures de promotion de la santé sexuelle devaient aussi englober les questions de société plus générales comme l’égalité hommes-femmes et la violence fondée sur le sexe, et promouvoir la discussion sur le consentement sexuel. Mme Kim Roberts, professeure et chef du Child Memory Lab, Département de psychologie de l’Université Wilfred Laurier, a précisé que cette approche avait donné de bons résultats au Royaume-Uni, où une campagne publicitaire utilisait la symbolique de la tasse de thé pour faire passer le message sur le consentement sexuel :

Essentiellement, il y est expliqué que si vous offrez une tasse de thé à une autre personne qui la refuse, il ne faut pas lui en donner. Si vous invitez une personne à prendre le thé et que celle-ci accepte, mais qu'elle a changé d'idée une fois à la maison, il ne faut pas non plus lui donner de thé[27].

Selon Mme Gahagan, on pourrait aborder les questions de l’égalité hommes-femmes et de la violence fondée sur le sexe à l’aide de « l’analyse comparative entre les sexes plus[28] » dans le but de créer et d’évaluer des programmes et de la documentation sur la promotion de la santé sexuelle destinés à la jeunesse et aux femmes[29].

2.   Restreindre l’accès des enfants à la pornographie en ligne par la vérification de l’âge et d’autres mesures

Les témoins ont indiqué au Comité qu’il serait possible de restreindre l’accès des enfants à du contenu en ligne sexuellement explicite violent et avilissant à l’aide de divers procédés technologiques. En particulier, le Comité a appris que le Royaume-Uni envisageait d’instaurer des procédés qui exigeraient une carte de crédit pour accéder à des sites Web pornographiques, ce qui empêcherait les jeunes enfants d’y accéder[30]. Le Comité a aussi appris que le Royaume-Uni envisageait d’instaurer un mécanisme de consentement ou d’abstention, par lequel les personnes qui veulent accéder à de la pornographie sur leurs appareils numériques doivent appeler leur fournisseur de service Internet, prouver leur âge et donner un numéro de carte de crédit, à défaut de quoi le fournisseur Internet bloque automatiquement l’accès aux sites Web pornographiques.

L’étude de la motion M-47 révèle que les effets de santé publique liés à la facilité de trouver et de visionner du contenu en ligne sexuellement explicite violent et avilissant suscitent énormément de débats. Les témoins ont présenté des preuves d’impacts positifs et négatifs de la pornographie sur les attitudes et les comportements sexuels des enfants, des femmes et des hommes. Toutefois, même s’il y a preuve de corrélation entre les attitudes et les comportements sexuels négatifs et la consommation de pornographie, la recherche n’a pas, jusqu’ici, établi de lien causal dans la population générale[31]. En outre, étant donné l’absence de consensus sur ce qui constitue du « contenu sexuellement explicite » et du « contenu sexuellement explicite violent et avilissant » dans la littérature scientifique, le Comité a appris qu’il était difficile de distinguer les impacts du contenu sexuellement explicite violent et avilissant de ceux du contenu sexuellement explicite non violent et avilissant[32]. Enfin, les impacts du contenu sexuellement explicite sur la santé et les comportements sexuels ne peuvent non plus être séparés de la façon dont on traite en général de la sexualité dans la société, dans les structures éducatives, politiques et sociales ainsi que dans les médias en général[33].

En revanche, l’étude du Comité fait ressortir la nécessité d’offrir aux enfants, aux jeunes et aux parents de meilleures sources d’information concernant la santé sexuelle et les comportements sexuels. Si aucun adulte responsable n’offre aux jeunes de l’information transparente et complète, c’est souvent la Toile qui viendra combler le vide. S’ils étaient mieux informés et mieux outillés, il leur serait plus facile de remédier à la facilité d’accès toujours plus grande à du contenu en ligne sexuellement explicite violent et dégradant, et de répondre à d’autres questions de santé sexuelle, comme la prévention et le dépistage des infections transmises sexuellement et par le sang, les relations saines et le consentement sexuel. Les témoins s’accordent pour dire qu’il serait possible d’atteindre pareil objectif au moyen de mesures générales de promotion de la santé sexuelle, comme l’éducation sexuelle à l’école, des programmes interactifs en ligne et des campagnes publicitaires. En outre, ils estiment que ces mesures de promotion de la santé sexuelle devraient aussi viser à remédier aux problèmes systémiques liés à l’égalité hommes-femmes et à la violence fondée sur le sexe.

Enfin, le Comité s’est fait dire qu’il fallait aider davantage les parents à protéger leurs enfants de l’exposition involontaire à du contenu sexuellement explicite. En effet, comme l’a souligné le Centre canadien de protection de l'enfance, 60 % des parents interrogés craignaient fortement que leurs enfants soient exposés à du contenu inapproprié et 53 % ont avoué avoir besoin d’aide pour mieux comprendre l’environnement en ligne afin d’éduquer et de protéger leurs enfants[34]. Pour remédier à ce problème, les témoins ont suggéré que les entreprises de technologie mettent au point de meilleurs filtres pour le contenu en ligne et de meilleurs outils de contrôle parental pour protéger les enfants lorsqu’ils vont en ligne.

Pour donner suite à ces préoccupations et tenir compte des recommandations formulées dans les témoignages et les mémoires, le Comité recommande ce qui suit :

1.    Que l’Agence de santé publique du Canada mette à jour les Lignes directrices canadiennes pour l'éducation en matière de santé sexuelle, qui datent de 2008, afin d’aborder la question de la santé sexuelle à l’ère d’Internet, de la violence fondée sur le sexe et du consentement, et d’y ajouter à l’intention des jeunes de l’information supplémentaire sur le spectre des expressions et des identités sexuelles, y compris pour les lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, transsexuels, intersexués, queers, en questionnement et bispirituels (LGBTQ2+), et qu’elle en appuie l’application. 12

2.    Que l’Agence de santé publique du Canada, en collaboration avec les provinces et les territoires, les fournisseurs de soins de santé, les spécialistes de la santé publique et de l’éducation ainsi que d’autres intéressés, élabore une stratégie canadienne de promotion de la santé sexuelle donnant de l’information exhaustive sur la sexualité et la santé sexuelle, notamment sur l’identité sexuelle, l’identité de genre, la violence fondée sur le sexe, le consentement et les comportements sexuels à l’ère d’Internet, ainsi que sur les risques d’exposition à du contenu en ligne sexuellement explicite violent et avilissant, et qu’elle en encourage l’inclusion dans les programmes scolaires. 12

3.    Que l’Agence de santé publique du Canada applique l’Analyse comparative entre les sexes plus lors de l’élaboration de la stratégie canadienne de promotion de la santé sexuelle et de la mise à jour des Lignes directrices canadiennes pour l’éducation en matière de santé sexuelle. 12

4.    a. Que l’Agence de santé publique du Canada compile et publie une liste des pratiques exemplaires, de l’information et des outils dont pourraient se servir les parents et les familles pour protéger les enfants de l’exposition à du contenu en ligne sexuellement explicite. 12

b.   Que les entreprises de technologie, les fabricants d’appareils électroniques ainsi que les concepteurs de logiciels et de fureteurs travaillent en vue de créer de meilleurs filtres pour le contenu en ligne ainsi que des outils qui respectent le droit à la vie privée de chacun tout en donnant aux parents le pouvoir de protéger les enfants lorsqu’ils vont en ligne. 12


[1]              Chambre des communes, Parlement du Canada, « Motion », Journaux, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016.

[2]              Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46.

[3]                     R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452.

[4]              Chambre des communes, Comité permanent de la santé (HESA), Témoignages, 4 avril 2017, 1145 (M. William Fisher, professeur, Département de psychologie de l’Université Western Ontario, à titre personnel); 1200 (Mme Kim Roberts, professeure et chef du Child Memory Lab, Département de psychologie, Université Wilfred Laurier, à titre personnel).

[5]              HESA, Témoignages, 23 mars 2017, 1100 (Mme Kathleen Hare, étudiante au doctorat au Département de l'enseignement des langues et littératie de l'Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel).

[6]              Ibid., 1230 (Mme Hare).

[7]              Ibid., 1230 (Mme Mary Anne Layden, directrice du Sexual Trauma and Psychopathology Program, Université de la Pennsylvanie, à titre personnel).

[8]              HESA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1110 (Mme Gail Dines, présidente, Culture Reframed).

[9]              Ibid.

[10]           Ibid.

[11]           Joseph Deschambault, « Objet : Motion M-47 », mémoire au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, 3 mars 2017.

[12]           HESA, Témoignages, 23 mars 2017, 1225 (MmeHare).

[13]           Ibid., 1225 (MmeLayden).

[14]           Ibid.

[15]           HESA, Témoignages, 7 février 2017, 1105 (M. Arnold Viersen, député de Peace River-Westlock, PCC).

[16]           HESA, Témoignages, 23 mars 2017, 1110 (Mme Jacqueline Gahagan, directrice intérimaire et vice-doyenne de la Faculté des professions de la santé à l'Université Dalhousie, à titre personnel).

[17]           Ibid.

[18]           Ibid. (Mme Gahagan, Mme Hare).

[19]           HESA, Témoignages, 11 avril 2017, 1135 (Mme Cordelia Anderson, fondatrice des Sensibilities Prevention Services, à titre personnel).

[20]           HESA, Témoignages, 4 avril 2017, 1115 (M. Neil Malamuth, professeur, Université de la Californie, Los Angeles, à titre personnel).

[21]           Ibid.

[22]           HESA, Témoignages, 23 mars 2017,1100 (MmeHare).

[23]           Ibid., 1110 (Mme Gahagan).

[24]           HESA, Témoignages, 11 avril 2017 (Mme Sharon Cooper, première dirigeante, Developmental and Forensic Pediatrics, Mme Anderson,Mme Dines).

[25]           HESA, Témoignages, 4 avril 2017, 1225 (M. Fisher).

[26]           Ibid.

[27]           Ibid., 1215 (Mme Roberts).

[28]           Selon Condition féminine Canada, « L’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) sert à évaluer les répercussions potentielles des politiques, des programmes ou des initiatives sur divers ensembles de personnes — femmes, hommes ou autres. L’identité individuelle est déterminée par une multitude de facteurs en plus du sexe, par exemple la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge ou le fait de vivre avec un handicap de nature physique ou intellectuelle. D’où l’ajout du mot « plus », signifiant que l’analyse ne se limite pas au sexe (différences biologiques) ou au genre (la construction sociale du sexe), mais considère aussi les autres facteurs qui les recoupent ». Condition féminine Canada, Qu’est-ce que l’ACS+?.

[29]           HESA, Témoignages, 23 mars 2017, 1245 (Mme Gahagan).

[30]           HESA, Témoignages, 11 avril 2017, 1145 (Mme Dines).

[31]           HESA, Témoignages, 4 avril 2017, 1115 (M. Malamuth).

[32]           Ibid. (M. Malamuth, M. Fisher).

[33]           HESA, Témoignages, 23 mars 2017, 1100 (Mme Hare).

[34]           HESA, Témoignages, 11 avril 2017, 1100 (Mme Lianna McDonald, directrice générale, Centre Canadien de protection de l’enfance).