HUMA Rapport du Comité
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ANNEXE A : LE MODÈLE SOCIAL DE L’INCAPACITÉ ET L’ÉVOLUTION DES DONNÉES SUR L’INCAPACITÉ
La notion d’incapacité a grandement évolué depuis trois décennies. Il y a 30 ans, quand Statistique Canada a commencé à recueillir des données en la matière, dans son enquête sur la santé et l’invalidité au Canada lancée en 1983, la notion d’incapacité se fondait sur des critères médicaux. Depuis lors, il y a eu un profond changement de paradigme que décrit très bien la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH)[1]. La CNUDPH ne se contente pas de définir le handicap en fonction d’un état pathologique ou d’une déficience sous-jacents. Elle met également l'accent sur l'environnement et sur la façon dont il contribue à ce que les personnes handicapées soient exclues de la pleine participation à la société. Par personnes handicapées, on entend des personnes qui souffrent d’incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres[2].
De 2010 à 2012, Statistique Canada, en collaboration avec des chercheurs d’EDSC, a élaboré de nouvelles questions d’identification des incapacités (QII). Ces questions se fondent sur le modèle social de l’incapacité et définissent l’incapacité comme étant la relation entre une fonction et une structure de l’organisme, les activités quotidiennes et la participation à la société, tout en tenant compte des facteurs environnementaux. Conformément au cadre établi, l’Enquête canadienne sur l’incapacité (ECI) cible, avec les QII, les répondants qui ont non seulement une difficulté ou une déficience causées par un état ou un problème de santé à long terme, mais aussi des limitations dans leur vie quotidienne.
Dans l’ECI, le terme « incapacité » désigne les personnes indiquant être « parfois », « souvent » ou « toujours » limitées dans leurs activités quotidiennes en raison d’une maladie ou d’un problème de santé de longue durée, ainsi que les répondants pouvant être « rarement » limités s’ils étaient aussi incapables d’accomplir certaines tâches ou pouvaient seulement les accomplir avec beaucoup de difficulté. Bien que les nouvelles QII et l’ECI qui a suivi ont permis d’avoir une meilleure compréhension des personnes atteintes d’une incapacité au Canada, en 2012, l’enquête ne comportait pas de questions précises sur les incapacités épisodiques.
COMMENT MESURER LES INCAPACITÉS ÉPISODIQUES
Avant 2017, la méthodologie utilisée pour faire une estimation de la prévalence des incapacités épisodiques chez les personnes handicapées reposait sur une combinaison de questions de l’ECI concernant l’état de santé sous-jacent des répondants ayant déclaré que leur incapacité les limitait parfois dans le type et le nombre d’activités qu’ils pouvaient faire. Le tableau A1 donne la liste des affections sous-jacentes de l’ECI permettant de conclure que les personnes atteintes d’une incapacité épisodique. Les personnes ayant indiqué d’un trouble mental ou d’une douleur les limitant « parfois » ou « souvent »[3] dans leurs activités ont également été incluses dans les estimations.
Même si les données disponibles étaient utilisées de manière optimale, cette approche présentait des limites pour le recensement des personnes ayant une incapacité épisodique. En plus d’être trop large, elle ne mettait pas suffisamment l’accent sur la compréhension de l’interaction entre l’état de santé ou la déficience sous-jacents, l’environnement des personnes ou la façon dont ces dernières vivaient leur incapacité.
Tableau A1 — Maladies épisodiques
Source : Figure réalisée par l’auteure à partir de tableaux adaptés de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2012 produits par Adele Furrie et coll. dans Episodic Disabilities in Canada, 2016 [disponible en anglais seulement].
Selon les données de 2012, on estime à plus de 1,8 million le nombre de Canadiens en âge de travailler ayant déclaré au moins une des 21 maladies et pathologies pouvant entraîner une incapacité épisodique[4]. Cela représente plus de la moitié des 2,3 millions de Canadiens en âge de travailler qui ont un handicap[5]. Selon cette méthodologie, la population en âge de travailler ayant un handicap, mais ne vivant pas d’une incapacité épisodique, forme une minorité. (Voir la figure A1.)
Figure A1 — Population en âge de travailler ayant une incapacité en 2012
Source : Figure réalisée par l’auteure à partir de tableaux adaptés de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2012 produits par Adele Furrie dans Episodic Disabilities in Canada, 2016 [disponible en anglais seulement].
D’après les estimations de l’ECI de 2012, sur les 1,8 million de personnes ayant rapporté avoir une incapacité épisodique, quelque 600 000 (soit environ un tiers) peuvent travailler, mais leur incapacité les limite dans le type et la quantité de travail qu’elles peuvent effectuer. De plus, près de 500 000 personnes ayant au moins une pathologie ou maladie pouvant entraîner une incapacité épisodique ont déclaré que leur handicap les empêche totalement de travailler[6].
En plus de ratisser très large, les estimations tirées de l’ECI de 2012 ne permettent pas de savoir qui, parmi les personnes handicapées, atteint uniquement d’une incapacité épisodique. Plus précisément, par personnes atteintes d’une incapacité épisodique, on entend celles qui connaissent des périodes de bien-être leur permettant de travailler et de vaquer à d’autres occupations quotidiennes importantes, mais dont les périodes de bien-être et d’incapacité sont souvent imprévisibles. Ces distinctions ont toute leur importance. Étant donné que souvent, pour bénéficier d’un soutien du revenu, il faut être atteint d’une incapacité grave et prolongée et être inapte au travail, les personnes ayant une incapacité épisodique sont doublement pénalisées. Souvent, elles sont exclues du marché du travail en raison de leur incapacité épisodique imprévisible, et elles ne sont pas non plus admissibles aux mesures de soutien du revenu fédérales qui exigent que l’incapacité soit à la fois grave et prolongée. Par ailleurs, les données de 2012 ne peuvent pas non plus être utilisées pour élaborer des politiques et des programmes susceptibles d’aider les personnes ayant une incapacité épisodique à rester sur le marché du travail et à recevoir une aide au revenu pendant les épisodes d’incapacité.
NOUVEAU MODULE CONCERNANT LES INCAPACITÉS ÉPISODIQUES
Dans l’ECI de 2017, il y avait un nouveau module contenant des questions qui visaient justement à recueillir des informations sur les incapacités épisodiques. Après avoir répondu aux QII, les répondants ayant déclaré être atteints d’une incapacité devaient répondre à des questions précises concernant une incapacité épisodique. Les questions de présélection portant sur les incapacités épisodiques sont indiquées ci-dessous. Cette nouvelle méthodologie ne repose pas sur un état pathologique ou une déficience sous-jacents; elle se concentre davantage sur ce que vivent les personnes atteintes, et en quoi leur incapacité les empêche de faire des activités de la vie quotidienne.
Incapacités épisodiques (EPD)
INCAPACITÉS ÉPISODIQUES (EPD) — Identifiant de la question : EPD_R05
Les prochaines questions portent sur les changements que vous avez peut-être expérimentés, ou pas, avec l’impact de votre condition au cours du temps. Tenez compte de l’impact de toutes vos limitations actuelles.
INCAPACITÉS ÉPISODIQUES (EPD) — Identifiant de la question : EPD_Q05
Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des périodes d’un mois ou plus où vous ne vous [sentez] pas limité dans vos activités à cause de votre condition générale?
- 1 : Oui
- 2 : Non
INCAPACITÉS ÉPISODIQUES (EPD) — Identifiant de la question : EPD_Q10
Est-ce que votre capacité à accomplir vos activités
- s’améliore?
- se détériore?
- reste à peu près la même?
- vous êtes capable de faire plus d’activités durant certaines périodes, mais moins durant d’autres périodes.
INCAPACITÉS ÉPISODIQUES (EPD) — Identifiant de la question : EPD_Q15
Pendant combien de temps pensez-vous que vos limitations dureront?
- Moins d’un an
- Un an, mais moins de deux ans.
- Deux ans ou plus, mais les limitations ne sont probablement pas permanentes.
- Les limitations sont probablement permanentes.
- La durée des limitations est inconnue.
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017.
Les estimations relatives aux incapacités épisodiques tirées de l’enquête de 2017 se trouvent dans la section Aperçu statistique du présent rapport.
[1] Adele Furrie, L’évolution des données sur l’incapacité au Canada : rester en phase avec un Canada plus inclusif, 28 novembre 2018.
[2] Convention relative aux droits des personnes handicapées, article premier – Objet.
[3] Adele Furrie et coll. dans Episodic Disabilities in Canada, 2016 [disponible en anglais seulement].
[4] Adele Furrie et coll. dans Episodic Disabilities in Canada, 2016 [disponible en anglais seulement].
[5] Ibid.
[6] Ibid.