HUMA Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CHAPITRE 6 : NORMES DE SERVICES DE L’ASSURANCE-EMPLOIA. Traitement des demandes de prestationService Canada est responsable de traiter les demandes d’AE. Pour présenter une demande de prestations d’AE, une demande en ligne doit être remplie. Une fois la demande présentée et acceptée, le premier paiement devrait être effectué dans les 28 jours suivant la date où la demande et tous les documents exigés ont été reçus[123]. Cependant, quelques témoins travaillant auprès des chômeurs ont mentionné au Comité que, dans les faits, les chômeurs ont souvent des difficultés à entrer en contact avec le personnel de Service Canada au sujet de leur demande, surtout par téléphone, et que plusieurs font face à des délais beaucoup plus importants que 28 jours lorsqu’ils font des demandes de prestations. Le document de référence partagé par la Commissaire des travailleurs et travailleuses de la CAEC indique que « l’une des plaintes les plus fréquentes que nous entendons quotidiennement, mes partenaires et moi, c’est sans doute la frustration qu’éprouvent les travailleurs lorsqu’ils essaient de parler à un agent de Service Canada[124] ». De même, le mémoire déposé par l’Alliance de la Fonction publique du Canada rapporte des statistiques qui indiquent que, durant la période d’avril à décembre 2015, le temps d’attente moyen pour 297 586 demandeurs d’AE a été de 39 jours[125]. Sandra Guevara-Holguin, intervenante au Community Unemployment Help Centre, a pour sa part fait la déclaration suivante devant le Comité à propos du délai de traitement des demandes: J'ai maintenant au moins 70 dossiers actifs, et ils sont tous retardés: quatre mois — pour avoir des nouvelles de l'AE, pour obtenir une décision — dans tous les cas[126]. La Commissaire des travailleurs et travailleuses de la CAEC stipule également que la perte des agents de liaison régionaux de l’AE, qui, il y a quelques années à peine, étaient à la disposition des représentants syndicaux et des intervenants qui aident les prestataires avec leurs demandes d’AE, arrive aussi en tête de liste des plaintes et des frustrations pour les représentants des prestataires[127]. Bien que certains témoins aient souligné apprécier les efforts annoncés dans le Budget 2016 afin d’améliorer la prestation des services de l’AE, plusieurs se demandent si ces efforts seront suffisants pour atteindre les résultats escomptés, et suggèrent que des ressources additionnelles devront être investies à cet égard[128]. Parmi les recommandations qui ont été émises par les témoins qui réclament une meilleure prestations des services d’AE, on retrouve des façons d’améliorer les normes de services, notamment en augmentant le nombre et l’accès à des agents qualifiés de Service Canada, en améliorant la rapidité du traitement des demandes de prestations, et en réintégrant des agents de liaison régionaux. Le Comité reconnait qu’il est très important pour les demandeurs d’AE d’être en mesure d’obtenir rapidement l’aide dont ils ont besoin pour compléter leur demande. Il est également primordial que leurs demandes de prestations puissent être traitées dans des délais raisonnables afin que ceux qui sont admissibles soient payés le plus rapidement possible, et que ceux qui ne sont pas admissibles soient informés le plus rapidement possible et puissent ajuster leurs plans. Le Comité énonce donc les recommandations suivantes : RECOMMANDATION 11 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral fournisse à Service Canada les ressources nécessaires de sorte :
RECOMMANDATION 12 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral réinstaure le système des agents de liaison régionaux de l’assurance-emploi afin d’améliorer le soutien aux chômeurs qui veulent ou font des demandes de prestations. B. Traitement des plaintesLes personnes pour qui la demande de prestation d’AE est refusée sont informées par Service Canada, soit par la poste ou par téléphone, de leur inadmissibilité au programme et des raisons qui l’expliquent. Ceux qui ne sont pas d’accord avec la décision rendue peuvent ensuite faire une demande de révision. Ce processus est obligatoire avant de faire appel auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale. En plus du refus de prestations d’AE, les autres raisons qui peuvent motiver une demande de révision par un chômeur comprennent :
1. Création du nouveau Tribunal de la sécurité socialeLe 1er avril 2013, le nouveau Tribunal de la sécurité sociale (TSS) a été créé afin de s’occuper des demandes d’appels concernant les décisions relatives au programme d’AE, en plus de celles liées au Régime de pension du Canada (RPC) et au programme de la Sécurité de la vieillesse (SV). Le TSS est composé d’une division générale et d’une division d’appel. La division générale est composée de deux sections : l’une s’occupe du RPC et de la SV, alors que l’autre s’occupe des plaintes concernant les décisions du programme d’AE[130]. Auparavant, les décisions contestées liées aux dossiers d’AE étaient d’abord revues par le Conseil arbitral et, en cas d’appel du jugement du Conseil arbitral, pouvaient être revues par un juge-arbitre[131]. Paul Thompson d’ESDC, a expliqué au Comité que le principal changement à la procédure d'appel pour l’AE a été l'introduction d'un processus de révision des demandes avant que les clients ne puissent faire un appel officiel au Tribunal. Un autre représentant d’ESDC, Benoit Long, a ajouté que, grâce à cette procédure de révision, le nombre d'appels a diminué de 85 % : Il y a moins d'appels tout simplement parce que nous appelons directement le requérant avant de rejeter sa demande, afin de nous assurer qu'il comprend bien la décision et au cas où sa situation ait changé. Le fait d'intervenir au début du processus a eu des résultats très positifs[132]. Dans son témoignage, Marie-Hélène Arruda du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi du Québec, a interprété différemment cette diminution du nombre d’appels de 85 % : Nous avons constaté aussi que le nombre d'appels a chuté de 85 %. En fait, seuls 15 % des chômeurs dont le dossier fait l'objet d'une révision administrative et qui obtiennent un résultat négatif passent à l'étape suivante, soit le Tribunal de la sécurité sociale. Selon nous, cela défavorise les chômeurs et les décourage de faire valoir leur droit aux prestations. C'est donc problématique[133]. En fait, la majorité des témoins entendus ont relevé certains enjeux quant au traitement des demandes d’appels par le nouveau TSS. Entre autres, ils ont mentionné certaines préoccupations par rapport :
Des témoins, tels que le Syndicat canadien de la fonction publique, ont fortement recommandé que l’on retourne à l’ancien système du conseil arbitral[134], qui pouvait développer une expertise locale et qui, conséquemment, fonctionnait beaucoup mieux. Cependant, d’autres témoins ont reconnu que cette solution serait peut-être trop draconienne et coûteuse, et ont plutôt fait des recommandations afin d’améliorer le TSS. Par exemple, le document de référence remis au Comité par la Commissaire des travailleurs et travailleuses de la CAEC mentionne, entre autres que, « les acteurs savent généralement que le retour au conseil arbitral entraînerait des coûts importants (temps, argent et administration)[135] », mais estiment qu’il faut tout de même « améliorer grandement le système et le processus du Tribunal de la sécurité sociale[136] ». Du point de vue de la Saskatchewan Federation of Labour, « le seul moyen de restaurer la confiance dans le mécanisme d’appel en matière d’AE consiste à rétablir le modèle du Conseil arbitral[137]. » Cependant, « si le modèle du TSS doit être conservé, il faudrait alors envisager le retour des appels provinciaux « en personne » devant des tribunaux de trois personnes composés d’intervenants qui représentent la collectivité, les employés, et les employeurs[138]. » Pour le Centre d’action pour la sécurité du revenu, « le Tribunal de la sécurité sociale devrait recevoir les ressources dont il a besoin pour instruire et trancher les dossiers d’AE de manière plus rapide et équitable[139] », alors que pour l’Alliance de la Fonction publique, « si le Conseil arbitral n’est pas rétabli, le TSS doit, à tout le moins :
Dans son témoignage, Judith Andrew a aussi laissé entendre que le TSS a remplacé un système d’appel bien ancré et bien rodé. Selon ses dires, l’ancien système entendait les appels dans un délai de quelques jours. Il rendait ses décisions très rapidement, ce qui, suggère-t-elle, n’est pas le cas avec le TSS. On pensait certainement que la réorganisation des systèmes d’appel serait plus efficace d’un point de vue des coûts et autres, un peu comme le regroupement, au sein d’une seule instance, des divers services offerts aux Canadiens ou des services d’approvisionnement des ministères. Il me semble qu’au lieu d’accepter aveuglément les soi-disant avantages de telles mesures, les gouvernements auraient intérêt à analyser soigneusement la situation avant et après les améliorations attendues[141]. Ian MacPherson, du PEI Fishermen’s Association, a aussi indiqué au Comité que, puisque le TSS est maintenant en place depuis quelques années, le moment est peut-être bien choisi pour évaluer son efficacité[142]. Le Comité estime qu’il est primordial qu’un processus efficace d’appel en matière d’AE soit en place afin que les clients du régime puissent faire valoir leurs droits de la manière la plus juste et appropriée possible. Malheureusement, les témoignages entendus au cours de l’étude ont soulevés des doutes quant à l’efficacité du nouveau Tribunal de la sécurité sociale à traiter les plaintes par rapport au système qui prévalait avant 2013. En conséquence, le Comité fait la recommandation qui suit : RECOMMANDATION 13 Le Comité recommande qu’Emploi et Développement social Canada entreprenne un examen du nouveau Tribunal de la sécurité sociale (TSS) afin de déterminer :
[123] Gouvernement du Canada, Assurance-emploi et prestations régulières - Une fois votre demande présentée. [124] Document de référence remis par Mary-Lou Donnelly, p. 2. [125] Mémoire déposé par l’AFPC, Mai 2016, p. 3. [126] HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mai 2016, 1750 (Sandra Guevara-Holguin, avocate, Community Unemployed Help Centre). [127] Document de référence remis par Mary-Lou Donnelly, p. 2. [128] Mémoire déposé par le Community Unemployed Help Centre, p. 5; sommaire du mémoire déposé par la Saskatchewan Federation of Labour, p. 3; mémoire déposé par la Toronto East Employment Law Services, p. 4. [129] Gouvernement du Canada, Demande de révision d’assurance-emploi. [130] Tribunal de la sécurité sociale, À propos du Tribunal de la sécurité sociale. [131] André Léonard, L’assurance-emploi : dix changements apportés en 2012-2013, publication no 2013-03-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaire, Bibliothèque du parlement, 23 janvier 2013, p. 9. [132] HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 mai 2016, 1800 (Benoît Long, sous-ministre adjoint principal, Direction générale des services de traitement et de paiement, Service Canada, ministère de l'Emploi et du Développement social). [133] HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mai 2016, 1650 (Marie-Hélène Arruda). [134] Mémoire déposé par le SCFP, p. 8. [135] Document de référence remis par Mary-Lou Donnelly, p. 2. [136] Ibid. [137] Sommaire du mémoire déposé par la Saskatchewan Federation of Labour, mémoire, p. 5. [138] Ibid. [139] Mémoire déposé par Centre d’action pour la sécurité du revenu, 13 mai 2016, p. 11. [140] Mémoire déposé par l’AFPC, Mai 2016, p. 5. [141] HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 mai 2016, 1640 (Judith Andrew). [142] Ibid., 1625 (Ian MacPherson). |