HUMA Rapport du Comité
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CHAPITRE 4 : VOIES D’ACCÈS VERS LA RÉSIDENCE PERMANENTE POUR TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTSLes travailleurs étrangers temporaires peuvent être en mesure d’utiliser l’expérience acquise au Canada pour présenter une demande de résidence permanente dans l’une des nombreuses catégories de l’immigration économique. Les travailleurs peuvent présenter leur demande selon les critères du gouvernement fédéral à l’aide du système de demandes d’Entrée express. Dans le cadre de celui-ci, les candidats doivent d’abord satisfaire les exigences d’admissibilité de l’un des programmes de l’immigration économique (comme le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), le Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) ou la catégorie de l’expérience canadienne) pour pouvoir être inscrits dans une liste, où tous les candidats sont soumis à un classement[70]. Les candidats au classement le plus élevé sont invités à présenter une demande complète d’immigration. Une autre voie vers la résidence permanente consiste à ce que les travailleurs présentent leur demande selon les critères d’une province dans le cadre du Programme des candidats des provinces. Chaque province et territoire, sauf le Québec et le Nunavut, ont défini des critères de candidature selon leurs priorités économiques régionales. Pendant l’étude, plusieurs témoins ont décrit au Comité les divers obstacles aux voies d’accès vers la résidence permanente, notamment : la « période cumulative » qui rend les travailleurs inadmissibles à un nouveau permis de travail s’ils ont travaillé au Canada pendant quatre ans et les empêche d’en demander un nouveau pendant encore quatre autres années. Il s’agit souvent de travailleurs qui sont déjà intégrés à la société canadienne, ont comblé un besoin de main-d’œuvre permanente et ont même fondé une famille, ont-ils fait remarquer. En plus des retards de traitement qui accompagnent toujours les divers programmes d’immigration, les lacunes de conception du programme Entrée express et les récents changements en ce qui a trait aux aides familiaux, la mesure réglementaire relative à la « période cumulative » a contribué à l’exode de travailleurs étrangers temporaires dont le permis de travail venait à échéance avant qu’ils ne puissent obtenir le statut de résident permanent[71]. Les témoins ont expliqué que, conçu pour avantager ceux qui possèdent le plus de compétences, le programme Entrée express représente un obstacle pour les personnes hautement qualifiées possédant des contrats d’emploi de durée déterminée ainsi que pour les étudiants internationaux. Comme les représentants de Technicolor l’ont indiqué, il est vrai que le secteur de l’animation et des effets visuels fonctionne par contrats d’emploi de durée déterminée, mais la pénurie de main-d’œuvre qu’il connaît signifie que les travailleurs migrants ont presque toujours la garantie d’avoir un nouveau contrat de la part de leur employeur actuel. Pourtant, soulignent-ils, le programme Entrée express n’accorde pas autant de points aux contrats d’emploi de durée déterminée qu’aux emplois permanents[72]. Les représentants de la Vancouver Economic Commission ont exprimé les mêmes préoccupations[73]. De même, Vincent Wong, avocat-conseil à la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, a indiqué qu’il arrivait souvent que les étudiants internationaux ne puissent atteindre le minimum de points requis par le programme Entrée express, tout simplement parce qu’ils viennent d’obtenir leur diplôme et qu’ils n’ont que très peu d’années d’expérience de travail. Selon les témoins, cette façon d’accorder les points a fait subir une perte de talents à divers secteurs de l’économie canadienne[74]. Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont également désigné des obstacles à la résidence permanente pour les aides familiaux, un groupe de travailleurs migrants qui profitaient auparavant de leur propre voie à la résidence permanente. Notamment, Mme Tungohan a parlé de l’introduction de la limite du nombre de demandes d’aides familiaux par année ainsi que de l’arriéré de 38 000 demandes en attente d’une décision, dans un contexte bureaucratique où le traitement d’une demande prend en moyenne 49 mois. On a aussi mentionné que les aides familiaux étaient soumis à des « critères incohérents » : d’une part, ils doivent prouver leur intention de quitter le pays après quatre ans, mais, d’autre part, on leur demande de démontrer leur aptitude à s’intégrer au Canada à long terme lorsqu’ils demandent la résidence permanente. Un autre problème soulevé est celui de la tendance croissante à déclarer la « non-admissibilité pour des raisons médicales » comme raison pour refuser les demandes de résidence permanente des aides familiaux[75], même en présence de preuves du contraire. Devant l’existence de ce que Mme Tungohan a qualifié de « crise de soins aux enfants et aux personnes âgées », les témoins ont laissé entendre que le retrait de la voie d’accès privilégiée aux aides familiaux à la résidence permanente aura de sérieuses conséquences sur la capacité du pays à offrir des soins adéquats aux enfants et aux personnes âgées[76]. En ce qui a trait aux travailleurs étrangers temporaires qui ont des postes à bas salaires, les témoins ont dit au Comité que les voies actuelles vers la résidence permanente favorisaient les travailleurs de compétences élevées, une pratique qualifiée de « discriminatoire » par le Conseil canadien pour les réfugiés[77]. Selon ce dernier, offrir aux travailleurs migrants à bas salaires de meilleures possibilités d’obtenir la résidence permanente résoudrait en bonne partie la cause sous-jacente à leur position précaire et serait plus conforme aux évidences qui suggèrent que plusieurs des besoins en emploi qu’ils occupent ne sont pas « temporaires », en réalité. Sur ce plan, la professeure Jamie Liew a déclaré ceci : Dans notre société, ce sont souvent des travailleurs étrangers temporaires qui font les travaux parmi les plus difficiles, mais essentiels au bon fonctionnement des collectivités, comme la cueillette des fruits que nous mangeons, le nettoyage de nos toilettes et les soins à nos enfants, à nos personnes âgées et à nos personnes en fin de vie. Il faudra toujours quelqu’un pour exécuter ces tâches. Avoir recours à de la main-d’œuvre jetable à court terme pour résoudre des besoins de main-d’œuvre à long terme ne fait que créer une société à deux étages, dont l’un est constitué d’une population croissante de travailleurs qui a accès à moins de droits que les autres et à qui on refuse de s’intégrer et de contribuer à la société canadienne[78]. Pendant l’étude, le Comité a également entendu les témoignages d’employeurs, de syndicats et de travailleurs étrangers temporaires sur les effets positifs qu’ont les travailleurs migrants qui ont réussi à devenir résidents permanents sur les conditions du marché du travail et sur la croissance économique[79]. À ce sujet, M. McAlpine des Aliments Maple Leaf inc. a affirmé ceci : Dans notre utilisation réussie du programme et de la transition vers la résidence permanente pour les travailleurs étrangers, nous avons observé que le maintien en poste est bien plus élevé maintenant qu'il ne l'a jamais été dans notre industrie, dans nos usines. Une fois que les travailleurs obtiennent leur résidence permanente, ils peuvent certainement changer d'emploi et travailler pour n'importe quel employeur, mais ils sont très loyaux et savent que l'on a beaucoup investi pour les aider. Ils prennent rapidement leur place dans leur milieu grâce au travail de rayonnement que nous effectuons auprès des communautés et de nos partenaires avec l'aide du syndicat, pour nous assurer qu'ils réussissent leur établissement[80]. En général, les témoins ont demandé, d’abord, que la « période cumulative » soit abolie, et, ensuite, qu’il y ait de meilleures possibilités d’obtenir la résidence permanente. Au sujet du programme de l’Entrée express, les témoins ont recommandé d’accorder le même nombre de points aux contrats d’emploi à durée déterminée qu’aux contrats de travail permanent, et que la catégorie de l’expérience canadienne soit retirée de l’Entrée express pour qu’ainsi, la résidence permanente soit plus accessible aux étudiants internationaux. Quant au cas des aides familiaux, les témoins ont suggéré de supprimer la limite du nombre de demandes de résidence permanente. En outre, puisque les travailleurs migrants à bas salaire n’ont que les programmes des candidats des provinces comme voies d’accès vers la résidence permanente, les témoins ont recommandé que ce programme soit étendu à toutes les provinces et territoires. Enfin, il a été proposé d’augmenter les ressources pour accélérer le traitement des demandes. [70] Le système de classement global comporte un maximum de 1 200 points. Une étude d’impact sur le marché du travail favorable ou une désignation comme candidat d’une province vaut 600 points. Les autres critères de points sont, entre autres, l’âge, l’expérience de travail et la scolarité. [71] Mémoire présenté par les travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada, « Une nouvelle vision pour un système d’immigration durable – réformer le système d’immigration du Canada », 1er juin 2016. Voir aussi le mémoire présenté par Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, mai 2016; le mémoire présenté par le Congrès du travail du Canada, 31 mai 2016; et HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Francisco Mootoo, membre de l’Association des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires). [72] Mémoire présenté par Technicolor, mai 2016. [75] Selon l’énoncé de l’article 38 Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. [76] Mémoire présenté par Ethel Tungohan, « Exposé de politique : Changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires et au Programme des aides familiaux », 16 mai 2016. Voir aussi HUMA, Témoignages 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Ericson Santos de Leon, à titre personnel). [77] Mémoire présenté par le Conseil canadien pour les réfugiés, mai 2016, p. 5. [78] Mémoire présenté par Jamie Liew, « Rendre visible ce qui ne l’est pas », 30 mai 2016, p. 3. [79] HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Rory McAlpine). Voir également HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er juin 2016 (Naveen Mehta, conseiller juridique principal, directeur du Service des droits de la personne, Équité et Diversité, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada; Claudia Colocho, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada). [80] HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Rory McAlpine). |