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JUST Rapport du Comité

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Le 23 février 2016, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité) a décidé de procéder à une étude sur l’accès à la justice, en plusieurs phases; la première consistant à examiner le Programme de contestation judiciaire. Le rapport de cette première phase a été déposé en septembre 2016. Le Comité a ensuite amorcé la deuxième phase de son étude, consacrée à l’aide juridique[1]. Entre décembre 2016 et mai 2017, le Comité a tenu sept réunions au cours desquelles il a reçu les témoignages de représentants du ministère de la Justice, d’experts et d’organisations ayant un rôle dans la prestation de services d’aide juridique[2].

Durant l’étude, des témoins ont informé le Comité que l’aide juridique ne consiste plus simplement en la prestation de services complets de représentation juridique aux personnes admissibles. Étant donné le coût de tels services et le nombre de personnes qui n’y sont pas admissibles tout en n’ayant pas les moyens d’embaucher un avocat, les programmes d’aide juridique[3] et les gouvernements ont dû trouver des solutions novatrices pour répondre aux besoins variés de la population en matière d’aide juridique et offrent désormais d’autres formes d’aide axées notamment sur la vulgarisation de l’information.

Des témoins se sont dits soucieux de la disparité des services offerts au Canada, phénomène attribuable au fait que la prestation et l’administration des services d’aide juridique constituent une compétence provinciale et territoriale. Plusieurs témoins rencontrés estiment que l’aide juridique contribue grandement à rendre la justice accessible à tous, peu importe leur situation financière, ce qui est essentiel pour respecter le principe de démocratie qui est indissociable de la primauté du droit[4]. Ils ont également expliqué que l’aide juridique contribue à protéger les droits des minorités. Outre les bienfaits pour la démocratie canadienne, de nombreux témoins ont indiqué que les sommes judicieusement investies dans les régimes d’aide juridique s’accompagnent de retombées considérables – elles peuvent augmenter l’efficacité des tribunaux en réduisant le nombre de justiciables non représentés ou encore réduire le coût des services sociaux ou des soins de santé. Selon des témoins, chaque dollar investi dans l’aide juridique peut en faire économiser jusqu’à 6 ou 7[5].

Dans les pages qui suivent, nous expliquerons en quoi consiste le rôle du gouvernement fédéral en ce qui a trait à l’aide juridique et au financement des régimes provinciaux et territoriaux d’aide juridique. Nous traiterons ensuite des mesures qui pourraient permettre d’étendre l’accès à l’aide juridique afin de maximiser l’impact du financement existant. Enfin, nous verrons comment améliorer les données et la recherche en la matière. Conscient du partage des compétences, le Comité s’est efforcé, en formulant ses observations et recommandations, de cibler les champs d’action qui permettraient au gouvernement fédéral d’améliorer concrètement le réseau canadien des régimes d’aide juridique tout en respectant la compétence des provinces et des territoires.

LA CONTRIBUTION FÉDÉRALE AUX SERVICES D’AIDE JURIDIQUE

Il n’y a pas qu’un système d’aide juridique au Canada. Comme l’a dit Mark Benton de la Legal Services Society lors de son témoignage : « Nous avons en fait un ensemble de 13 programmes provinciaux et territoriaux qui souffrent d’un manque criant de cohésion[6] ». Chaque province ou territoire établit ses propres critères d’admissibilité financière à l’aide juridique et les domaines du droit qui sont pris en charge[7].

Le rôle du gouvernement fédéral en matière d’aide juridique consiste essentiellement à fournir une aide financière aux provinces et aux territoires pour soutenir leurs programmes d’aide juridique, ce qu’il fait depuis plus de 40 ans. Comme l’a expliqué Donald Piragoff du ministère de la Justice : « Il a commencé par des projets pilotes d’aide juridique lancés par le ministère de la Santé et du Bien-être de l’époque, en 1972[8]. » Comme nous le verrons plus loin, cette formule reflète le partage constitutionnel des compétences au Canada. Celui-ci confère aux provinces la compétence sur l’administration de la justice, ce qui comprend la prestation des services d’aide juridique.

A. La compétence sur l’aide juridique

« En ce qui concerne l’aide juridique en matière criminelle, la responsabilité de la justice pénale, d’après la Constitution [les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867], est partagée entre le Parlement fédéral, conformément à son pouvoir de promulguer des lois pénales et au droit en matière de procédure criminelle, et les provinces, conformément à leurs pouvoirs pour l’administration de la justice[9]. » Par conséquent, les provinces (et les territoires conformément aux pouvoirs qui leur sont délégués[10]) sont responsables de l’administration et de la prestation des services d’aide juridique sur leur territoire. Le gouvernement fédéral ne tient aucun rôle dans la prestation des services d’aide juridique.

La contribution fédérale à l’aide juridique en matière pénale suit la même formule dans toutes les provinces et territoires. En revanche, ce n’est pas le cas de l’aide juridique en matière civile. Comme l’a expliqué M. Piragoff, « [d]ans les territoires, le Parlement fédéral possède, d’après la Constitution, la responsabilité du droit civil et criminel […][11] » En revanche, le droit civil relève exclusivement de la compétence des provinces.

Le gouvernement fédéral a par ailleurs compétence sur le droit de l’immigration et des réfugiés, les tribunaux de l’immigration et le système judiciaire fédéral. Pour citer M. Piragoff :

L’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés appuie la Loi fédérale sur l’immigration et la protection des réfugiés en assurant aux personnes admissibles un traitement équitable et rapide de leur dossier concernant leur statut. Elle aide à répondre à la situation particulière des demandeurs d’asile […][12]

B. La structure de la contribution fédérale au financement de l’aide juridique

À l’heure actuelle, la contribution du gouvernement fédéral à l’aide juridique revêt deux formes : des paiements directs faits par le ministère de la Justice dans le cadre du Programme d’aide juridique (PAJ) et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS), administré par le ministère des Finances du Canada. Les paragraphes qui suivent en fournissent une brève description.

1. Le Programme d’aide juridique

Le PAJ du ministère de la Justice se décline en cinq volets. Comme on peut le lire dans le rapport d’évaluation du programme publié en 2012 par le ministère de la Justice : « Le PAJ est intentionnellement organisé de façon à respecter le rôle du gouvernement fédéral en vertu de la Constitution, c’est-à-dire la compétence partagée de l’aide juridique en matière criminelle, dans les affaires relatives aux immigrants et aux réfugiés et en matière civile dans les territoires[13]. »

Le premier volet du PAJ prévoit une contribution au financement, d’une part, des services d’aide juridique en matière pénale offerts dans les provinces et territoires aux adolescents qui font l’objet d’une poursuite en application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et aux adultes économiquement défavorisés accusés d’avoir commis une infraction grave ou complexe[14] et, d’autre part, des services d’aide juridique en matière civile offerts dans les territoires. Les fonds sont distribués aux provinces conformément aux ententes de contribution conclues avec elles. Dans les territoires, les fonds sont alloués conformément aux ententes sur les services d’accès à la justice[15]. Ces ententes prévoient, en sus du financement de l’aide juridique en matière pénale et civile dans les territoires, le financement du Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones et de services d’information et de vulgarisation juridiques[16]. En 2017-2018, le PAJ transférera 119,73 millions de dollars aux provinces pour la prestation de services d’aide juridique en matière pénale et 4,66 millions de dollars aux  territoires pour la prestation de services d’aide juridique en matière pénale et civile[17].

Le deuxième volet du PAJ prévoit une contribution au financement des services d’aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés dans les provinces participantes. Depuis que le gouvernement fédéral a institué ce volet en 2001, le PAJ a versé des contributions annuelles aux six provinces suivantes : la Colombie‑Britannique, l’Alberta, le Manitoba, l’Ontario, le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador. En 2017-2018, le PAJ transférera 14,2 millions de dollars aux provinces participantes pour la prestation de services d’aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés[18]. Le Comité a aussi appris que les provinces qui n’offrent pas actuellement de services de représentation juridique en droit de l’immigration et des réfugiés peuvent participer à ce volet du PAJ et solliciter une aide financière fédérale. Comme l’a expliqué Hana Hruska du ministère de la Justice :

Les provinces et les territoires peuvent recevoir du financement concernant la prestation de services d’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés en communiquant avec nous et se partageront ensuite les fonds disponibles. Le financement devra être renouvelé au cours du prochain exercice financier. Donc, selon le niveau de financement, d’autres provinces décideront peut‑être d’emboîter le pas. Évidemment, si des provinces commencent à offrir des services d’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés, elles constateront la demande qu’il y a en ce sens, et cela exercera peut-être aussi des pressions sur le financement provincial. Il faut peut-être aussi en tenir compte[19].

Le troisième volet du PAJ entre en jeu lorsque le tribunal ordonne qu’un avocat soit fourni à l’accusé dans une poursuite fédérale (ordonnance de type Rowbotham[20]). Comme l’a indiqué M. Piragoff, il s’agit là de « cas où une ordonnance oblige le procureur général du Canada à en désigner un [avocat] pour les personnes accusées d’infractions graves, qui n’ont ni les ressources pour s’en payer un ou qui ne se sont pas révélées admissibles à l’aide juridique en matière criminelle conformément à un programme d’une province ou d’un territoire[21] ». Bien que la Constitution ne garantisse pas le droit automatique d’être représenté gratuitement, ne pas fournir à l’accusé un avocat payé par l’État pourrait être considéré comme une atteinte à ses droits constitutionnels dans certaines circonstances[22].

Le quatrième volet du PAJ prévoit une contribution au financement des services d’aide juridique offerts aux personnes économiquement défavorisées faisant l’objet d’une poursuite pour terrorisme, d’un certificat de sécurité délivré en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou d’une procédure intentée sous le régime de la Loi sur l’extradition relativement à un acte de terrorisme. Ce volet repose sur la prémisse selon laquelle « la défense en cas d’accusations dans des affaires de [sécurité publique et de terrorisme] coûte cher [aux provinces et aux territoires] et que de tels services ne devraient pas être offerts par les régimes d’aide juridique à même le financement fédéral [de base][23] ». En 2017-2018, le PAJ fournira 4,15 millions de dollars aux avocats payés par l’État dans le cadre de ses troisième et quatrième volets[24].

Enfin, le cinquième volet du PAJ est consacré à l’administration du Groupe de travail permanent fédéral‑provincial-territorial de l’aide juridique (Groupe de travail FPT)[25]. Celui-ci « comprend des représentants du gouvernement et du régime d’aide juridique de chaque province et territoire[26] ». Il relève directement des sous-ministres FPT responsables de la justice et de la sécurité publique. Le groupe tient lieu de tribune pour la diffusion nationale d’information, la recherche et l’élaboration conjointe de politiques sur des questions d’intérêt commun liées à l’aide juridique. Pour citer M. Piragoff :

Le groupe de travail permanent, entre autres choses, donne des conseils sur les questions de partage des coûts de l’aide juridique et son avis sur les répercussions éventuelles des projets de politique ou de loi visant les services d’aide juridique et leur clientèle et il élabore des moyens pour appuyer la prestation d’une aide juridique accessible, efficace et de qualité […] Le [groupe] est également engagé dans une discussion sur la mesure du rendement et l’innovation dans l’aide juridique[27].

Lors de son étude, le Comité a appris que le Groupe de travail FPT élabore et négocie actuellement « une nouvelle formule de répartition des montants fédéraux destinés à l’aide juridique[28] ».

2. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux

La contribution fédérale à l’aide juridique en matière civile dans les provinces est assurée par le TCPS[29]. Le TCPS, administré par le ministère des Finances du Canada, est un transfert global aux provinces et aux territoires pour soutenir la prestation de services sociaux tels l’enseignement postsecondaire, l’aide sociale et, dans le cas des provinces, l’aide juridique en matière civile. Comme l’a expliqué Mme Hruska, les fonds versés dans le cadre du TCPS ne sont affectés à aucune fin particulière. « Ce sont les provinces et les territoires qui déterminent le pourcentage qu’ils consacrent à l’aide juridique en matière civile[30]. » Des témoins ont dit au Comité que la structure de financement actuelle ne comporte aucun mécanisme prévoyant la communication des montants consacrés à l’aide juridique dans une optique de reddition de comptes.

Plusieurs témoins ont recommandé d’affecter obligatoirement une partie du TCPS à l’aide juridique en matière civile ou encore d’instaurer un nouveau transfert exclusivement à cette fin par souci d’accroître la transparence et la responsabilisation[31]. Kasari Govender du West Coast Women’s Legal Education and Action Fund (West Coast LEAF) a fait remarquer qu’une recommandation semblable avait été formulée par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) dans ses observations de 2016 sur le Canada[32].

Le Comité convient avec les témoins qu’il est nécessaire, pour accroître la transparence et la responsabilisation, de financer l’aide juridique en matière civile dans les provinces indépendamment du TCPS. Le Comité estime par ailleurs souhaitable que l’ensemble du financement fédéral soit administré par un seul ministère fédéral plutôt que deux. Le ministère responsable pourrait ainsi dresser plus facilement le portrait complet des services d’aide juridique et établir un mécanisme plus rigoureux pour en faire le suivi dans tout le pays.

À la lumière de ce qui précède, le Comité formule les recommandations suivantes :

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral cesse de financer l’aide juridique par l’intermédiaire du TCPS comme il le fait actuellement et qu’il établisse plutôt un fonds voué spécialement au financement de l’aide juridique en matière civile dans les provinces, qui sera administré dans le cadre du Programme d’aide juridique du ministère de la Justice du Canada.

RECOMMANDATION 2

Pour accroître la transparence et la responsabilisation, le Comité recommande que les ententes sur l’aide juridique signées avec les provinces et les territoires exigent de ceux‑ci qu’ils rendent compte chaque année au ministère de la Justice du Canada des résultats de leur programme d’aide juridique respectif. Le rapport devrait notamment faire état de la manière dont les fonds fédéraux ont été utilisés et de toute amélioration ou modification consécutive des services d’aide juridique. Ce rapport devrait être publié.

L’AIDE JURIDIQUE : UN BON INVESTISSEMENT

Le Comité a constaté que les dépenses d’aide juridique sont vues d’un très bon œil au Canada. De nombreux témoins les considèrent comme un bon investissement. Citons à ce propos Doug Ferguson de l’Association du Barreau canadien :

[…] des études effectuées aux É.-U., au Royaume-Uni et en Australie montrent qu’en moyenne, pour chaque dollar investi dans l’aide juridique, le retour social sur l’investissement est de 6 $, soit un rapport de six à un. La plus grande partie de ces 6 $ comprend les dépenses gouvernementales touchant d’autres domaines comme une diminution des prestations de revenu, une augmentation des recettes fiscales ou une diminution des dépenses judiciaires[33].

Richard Fowler du Conseil canadien des avocats de la défense a pour sa part affirmé : « Les études ont régulièrement démontré […] que chaque dollar investi dans l’aide juridique entraînait des économies qui se situent entre 2 et 7 $[34]. »

Des témoins ont également dit au Comité que le sous-financement de l’aide juridique pouvait coûter très cher[35]. Plusieurs ont fait valoir que les justiciables non représentés encombrent et ralentissent le système judiciaire. M. Ferguson a affirmé ce qui suit dans le contexte du droit de la famille :

Pendant des années en Ontario, les personnes qui gagnaient le salaire minimum gagnaient trop d’argent pour avoir droit à l’aide juridique. Elles étaient réputées capables de verser des milliers de dollars à un avocat pour qu’il les représente. Le droit de la famille est un domaine qui a beaucoup souffert de ces restrictions. En Ontario, et je crois que la situation est la même dans les autres provinces, entre 50 et 70 % des parties dans les affaires familiales ne sont pas représentées. Ce sont des gens qui demandent des aliments pour les enfants, ils demandent la garde ou l’accès à leurs enfants et ils ne peuvent s’orienter dans le système. Celui-ci est trop compliqué et étant donné que personne ne les aide et qu’ils ne comprennent pas le fonctionnement du tribunal de la famille, les parties non représentées encombrent le système judiciaire. Les dossiers sont retardés, les coûts s’élèvent et justice n’est pas rendue[36].

Beaucoup de témoins ont également rappelé au Comité que le droit est une matière complexe. M. Fowler a déclaré : « Pour ceux qui n’ont pas d’avocat pour les aider à s’y retrouver dans les méandres de la justice, pour ceux qui assurent leur propre représentation devant les tribunaux pénaux, la situation peut très rapidement se détériorer[37]. »

Mme Govender a pour sa part émis les observations suivantes :

Le Rise Women’s Legal Centre accueille des clientes qui ont des valises pleines de documents accumulés au cours de la décennie pendant laquelle elles n’avaient pas d’avocat. Cela signifie que même si on avait pu facilement résoudre leurs problèmes liés au droit de la famille au début du processus si ces personnes avaient eu accès à des conseils juridiques généraux ou même à une représentation minimale dès le départ, aucun avocat du secteur privé n’osera maintenant s’attaquer à ces piles de documents. Ces cas ont tourné au cauchemar et leur résolution coûtera beaucoup plus cher au secteur public ou aux organismes communautaires à but non lucratif que si on avait été en mesure de faire progresser les choses plus rapidement, car ils sont maintenant beaucoup plus complexes.
Cela signifie également que la violence conjugale peut s’aggraver. On m’a récemment communiqué un cas – encore une fois, mon bureau n’offre pas des services directs, mais nous entendons tout de même parler des cas les plus désespérés. On m’a envoyé le dossier d’une femme qui cherche désespérément à obtenir une protection contre son conjoint violent. Elle a reçu des services complémentaires de l’aide juridique, mais tout ce qu’elle a obtenu, ce sont des ordonnances de non-communication temporaires et des ordonnances de protection qui viennent toujours à échéance. Elle est donc revenue pour demander des fonds supplémentaires, afin de présenter une demande d’ordonnance de garde à long terme. Elle reçoit des menaces de mort. La police a été alertée. Sa sécurité et celle de ses enfants est grandement à risque, mais on lui refuse l’aide juridique, car elle a utilisé toutes les heures auxquelles elle avait droit[38].

Comme l’illustre cet exemple, l’impossibilité d’obtenir de l’aide rapidement peut avoir de lourdes conséquences pour les femmes et leurs enfants.

Mme Govender a aussi cité des études ayant révélé que le sous-financement de l’aide juridique pouvait se répercuter sur l’ensemble de la société :

Les recherches effectuées sur les coûts engendrés par le sous-financement de l’aide juridique vont du système judiciaire jusqu’aux heures de travail manquées, en passant par les coûts liés au logement et à l’aide sociale et les besoins des gens qui se retrouvent sans emploi. Cela peut sembler exagéré, mais dans les faits, de nombreuses recherches économiques démontrent que ces coûts sont très réels[39].

Ces coûts sont mentionnés également dans un rapport de 2014 commandé par le ministère de la Justice, intitulé Optimisation de l’investissement fédéral dans l’aide juridique en matière criminelle. On y lit que, «  selon les données de recherche, l’investissement dans l’aide juridique peut diminuer les dépenses publiques dans divers secteurs, dont ceux de la santé et des services sociaux[40] ». Comme l’a rappelé au Comité Antoine Aylwin du Barreau du Québec, il existe aussi un risque que des personnes plaident coupables parce qu’elles n’ont pas d’avocat, même si elles ont une défense[41].

Dans le domaine du droit de l’immigration et des réfugiés, le sous-financement peut coûter très cher au gouvernement fédéral, a expliqué Mitchell J. Goldberg de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés : « [D]e nombreuses personnes restent plus longtemps en détention, alors qu’elles auraient pu être mises en liberté si elles avaient été représentées comme il se doit. Cela a un prix pour le gouvernement fédéral puisque la détention relève de sa compétence. C’est un coût énorme parce que la détention coûte extrêmement cher[42]. »

Le Comité convient que l’impact du financement de l’aide juridique doit être évalué dans un contexte plus large qui tienne compte des économies dans le système de justice pénale et ailleurs. Considéré sous cet angle, le financement de l’aide juridique pourrait devenir une plus grande priorité pour les gouvernements vu les économies qui en découleront si l’on en croit les témoins.

LES PROBLÈMES LIÉS AU SOUS-FINANCEMENT

Plusieurs témoins ont exprimé des inquiétudes relativement au financement insuffisant de l’aide juridique[43]. Comme l’a indiqué Yvan Clermont du Centre canadien de la statistique juridique, les programmes d’aide juridique provinciaux et territoriaux reçoivent des fonds de sources multiples. Les programmes d’aide juridique ont rapporté dans l’Enquête sur l’aide juridique[44] les montants des contributions financières reçues en 2014‑2015 pour l’aide juridique en matière pénale et civile. Le total s’élève à 856 millions de dollars, dont 92 % proviennent de sources gouvernementales. Au cours de cet exercice, 666 millions de dollars ont été investis par les gouvernements provinciaux et territoriaux. « Le reste, 8 %, provient des contributions des bénéficiaires, du recouvrement de coûts grâce aux règlements judiciaires et de contributions des avocats et d’autres sources[45]. »

Dans son témoignage, M. Piragoff a donné les précisions qui suivent au sujet des contributions fédérales à l’aide juridique :

  • « L’allocation fédérale continue pour les services d’aide juridique en matière criminelle accordés aux adultes et aux jeunes dans les provinces et aux services d’aide juridique en matières criminelle et civile dans les territoires s’est maintenue à 112,4 millions de dollars par année de 2003 jusqu’en 2015-2016. Cependant, le budget de 2016 y a ajouté 88 millions sur cinq ans, de 2016-2017 à 2020‑2021, puis 30 millions de plus par année à compter de 2021-2022[46]. »
  • Pour ce qui est des services d’aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés, le PAJ verse depuis 2001 une contribution annuelle de 11,5 millions de dollars aux six provinces participantes. Le budget de 2017 propose de réserver 62,9 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2017-2018, et 11,5 millions de dollars par année par la suite, pour améliorer la prestation des services d’aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés[47].
  • Le gouvernement fédéral affecte par ailleurs « 1,65 million de dollars par année [au financement des avocats désignés par le tribunal] dans le cas des poursuites fédérales, et 2 millions dans celui des affaires de sécurité nationale[48] ».

Comme nous l’avons déjà indiqué, le montant des contributions fédérales à l’aide juridique en matière civile dans les provinces n’est pas communiqué au public.

Les témoignages et mémoires présentés au Comité font ressortir la nécessité d’accroître le financement de l’aide juridique pour promouvoir l’accès à la justice. Tous sont d’accord sur un point : la demande excède les services que les ressources actuelles permettent d’offrir. Des témoins ont aussi dit au Comité que les coûts sont en hausse. Lors de son témoignage, M. Fowler a illustré cette tendance par l’exemple suivant : « Lorsque j’ai commencé ma carrière en 1994-1995, le stationnement au Palais de justice de Vancouver coûtait 3,5 $; il coûte maintenant 16 $. Les tarifs de l’aide juridique n’ont pas changé[49]. »

Un autre des problèmes soulevés par plusieurs témoins tient au fait que la contribution fédérale à l’aide juridique n’a pas suivi la hausse des contributions provinciales[50]. M. Clermont a fait remarquer que la contribution fédérale à l’aide juridique en matière pénale (et en matière civile dans les territoires) entre 2004–2005 et 2014–2015 « a augmenté de 20 millions pour atteindre 112 millions de dollars, soit une augmentation de 22 % pour l’ensemble de la période. Dans le même temps, la contribution des provinces et des territoires a constamment augmenté, passant de 430 à 666 millions, soit une augmentation de 55 %[51]. » Des témoins ont recommandé de rajuster ce déséquilibre en augmentant considérablement la contribution fédérale.

Dans son mémoire, Avvy Yao-Yao Go de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic a écrit :

Malgré l’augmentation récente du financement de l’aide juridique en Ontario, l’accès à la justice pour de nombreuses personnes vulnérables, notamment les membres des communautés racialisées, les immigrants et les réfugiés, demeure nettement inadéquat en Ontario. Cela est particulièrement vrai dans les domaines du droit de la famille et du droit civil, contrairement au droit pénal, où la représentation juridique est garantie par la Constitution[52].

Lorsqu’elle a témoigné devant le Comité, Mme Go a affirmé que le programme d’aide juridique de l’Ontario traverse actuellement « une crise de financement en raison du manque de certificats accordés pour le droit des réfugiés ». Elle a expliqué que « [l]es dépenses de l’aide juridique dans les dossiers de réfugiés sont passées de 17,6 millions de dollars en 2013 à 22 millions de dollars l’année dernière, mais la contribution fédérale est demeurée au même niveau, soit 7 millions de dollars[53] ». L’insuffisance du financement (un manque à gagner de 40 %) a des conséquences tangibles. Elle est à l’origine de la décision d’Aide juridique Ontario, annoncée en mai 2017, de retirer certains services aux réfugiés à compter du 1er juillet 2017. Or le 26 juin 2017, après avoir consulté les intervenants, Aide juridique Ontario a fait savoir que les services seraient maintenus pendant qu’elle cherche une solution avec le gouvernement fédéral[54]. Le même jour, la Legal Services Society de la Colombie‑Britannique annonçait qu’à compter du 1er août 2017 les avocats ne seraient plus rémunérés pour la prestation de services d’aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés en raison du manque de fonds[55]. Des informations plus récentes laissent entendre que le financement est assuré jusqu’en novembre[56].

Le Comité a appris que le gouvernement fédéral est en train de renégocier l’entente sur le financement de l’aide juridique en matière pénale avec les provinces et les territoires. Comme l’ont expliqué les représentants du ministère de la Justice :

Nous [le Groupe de travail FPT sur l’aide juridique] sommes en train d’élaborer une formule de répartition qui tiendra de plus en plus compte de facteurs comme les caractéristiques démographiques de la population du territoire ou de la province pour la répartition des fonds d’aide juridique. Par exemple, nous examinons la proportion de gens dont les revenus sont inférieurs à la MFR — mesure de faible revenu —, le pourcentage de la population autochtone, le taux de criminalité, et le pourcentage d’hommes de 12 à 35 ans[57].

Le Comité salue la récente augmentation du financement fédéral de l’aide juridique. Cependant, il y a trop de Canadiens qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique sans pour autant avoir les moyens d’embaucher un avocat. Le Comité trouve cet état de fait fort inquiétant. Étant donné qu’« un programme d’aide juridique bien financé est la meilleure façon d’assurer l’accès à la justice[58] » et que certains aspects de la contribution fédérale font actuellement l’objet de négociations :

RECOMMANDATION 3

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral augmente l’aide financière versée aux provinces et aux territoires pour la prestation de services d’aide juridique.

LES PROBLÈMES LIÉS À L’ADMISSIBILITÉ

Outre le financement, les témoins ont soulevé un autre facteur pesant lourdement sur l’accès à la justice : les disparités entre les provinces et territoires quant à la nature des affaires prises en charge par l’aide juridique et les critères d’admissibilité financière. Les honoraires versés aux avocats peuvent aussi jouer sur la qualité des services[59]. Par exemple, M. Ferguson a déclaré :

Les Canadiens possèdent des droits à l’égalité, mais avec le système d’aide juridique actuel, ils n’ont pas accès à ces droits […] Les seuils d’admissibilité financière varient d’une province à l’autre et la couverture varie également. Ce qui est couvert dans une province ne l’est pas toujours dans une autre. Par exemple, un locataire menacé d’expulsion par son propriétaire et qui risque même de devenir un itinérant peut se faire représenter au Québec, mais pas en Ontario. La personne accusée de vol à l’étalage peut obtenir de l’aide juridique en Alberta, mais pas en Colombie-Britannique[60].

A. Les affaires prises en charge

Les témoins ont relevé d’importantes différences entre les affaires prises en charge par l’aide juridique dans chaque province et territoire. Ils ont dit que l’aide juridique n’était pas accordée dans tous les domaines du droit et que même dans les domaines admissibles, certains services sont exclus. De plus, il semble que la gamme des services pris en charge ait été réduite au fil du temps dans certaines provinces[61].

C’est en droit pénal que le droit à un avocat payé par l’État est le plus solidement ancré et, par conséquent, que la prise en charge par l’aide juridique est la plus complète. Bien que l’alinéa 10b) de la Charte, qui garantit le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat, ne garantisse pas le droit à un avocat payé par l’État, l’interprétation donnée à l’alinéa 11d) par les tribunaux exige du gouvernement qu’il assume le coût d’un avocat dans les situations où l’aide juridique est essentielle pour garantir l’équité du procès, compte tenu des ressources financières de l’inculpé, de la durée et de la complexité des procédures et de la capacité ou non de l’inculpé à participer au procès et à se défendre, comme nous l’avons vu plus haut[62].

Cependant, même en droit pénal, tous les types d’affaires ne sont pas pris en charge par l’aide juridique. Celle-ci est généralement octroyée en cas d’infraction grave, lorsque l’accusé risque l’emprisonnement[63]. Ces restrictions ne sont pas sans conséquence, comme l’a expliqué M. Ferguson :

Voilà ce qui m’inquiète. Si quelqu’un est accusé de vol à l’étalage, cela va avoir des répercussions sur tous les aspects de sa vie. Il est possible qu’il puisse invoquer un moyen de défense, mais il devrait connaître ses droits et être traité en conséquence. S’il a un moyen de défense, il devrait pouvoir l’invoquer. Ce genre de problème a des conséquences très importantes pour l’accusé. Il faut qu’il puisse agir en connaissance de cause[64].

Le droit de la famille est le domaine du droit où les témoins ont le plus décrié les restrictions en matière d’aide juridique. Bien que le droit des parents à un avocat payé par l’État ait été reconnu en vertu de l’article 7 de la Charte lorsque l’État réclame la garde d’un enfant, ce droit ne s’étend généralement pas aux autres types de causes en droit de la famille[65]. Pourtant, les affaires en droit de la famille peuvent avoir pour les parties des conséquences aussi importantes que les affaires pénales, surtout lorsque des enfants sont concernés.

Mme  Govender a évoqué l’état des choses en Colombie-Britannique, où l’aide juridique en droit de la famille se limite essentiellement aux affaires de violence familiale. Elle a signalé que pour l’aide juridique octroyée, le plafond est généralement fixé à 25 heures de service, ce qui peut suffire pour obtenir une ordonnance de protection, mais pas pour régler des questions relatives à la garde ou au droit de visite, par exemple. Ce plafond pose surtout problème dans les cas de violence familiale, puisque l’autre partie peut simplement épuiser les heures en multipliant les requêtes, pratique dite de harcèlement procédural[66].

David McKillop d’Aide juridique Ontario a expliqué pourquoi l’aide juridique en droit de la famille est à ce point limitée :

De nombreux services en matière de droit criminel sont protégés par la Constitution, de sorte que lorsque les régimes d’aide juridique tentent d’économiser ou de réduire les services, ils se tournent naturellement vers les programmes familiaux parce qu’il y a très peu de choses dans ce volet, au-delà des services de protection de l’enfance, qui [sont] protégées par la Constitution[67].

Cet état de fait touche d’autant plus les femmes qu’elles présentent 70 % des requêtes en droit de la famille[68].

Les programmes d’aide juridique varient également entre les provinces et territoires pour ce qui est de la prise en charge d’autres domaines du droit privé, outre le droit de la famille. Ceux-ci sont souvent regroupés sous l’expression « droit des pauvres » (droit du logement, questions relatives à l’aide sociale ou à d’autres prestations, etc.)[69].

Enfin, comme nous l’avons vu plus haut, seules six provinces fournissent actuellement une aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés et certaines d’entre elles ont annoncé qu’elles n’auraient plus de fonds à y consacrer dès novembre 2017. Dans les autres provinces, les immigrants et les réfugiés doivent trouver un avocat bénévole ou solliciter l’aide d’une ONG lorsqu’il y en a une[70]. Cette situation a cours en dépit des périls pour la liberté et la sécurité des immigrants et des réfugiés, qui risquent la détention ou l’expulsion.

Le Comité partage les préoccupations de nombreux témoins quant à la prise en charge limitée de divers types d’affaires judiciaires. Toutefois, étant donné les difficultés considérables que nous venons d’évoquer relativement aux champs d’application essentiels de l’aide juridique, c’est-à-dire le droit pénal, le droit de la famille et le droit de l’immigration et des réfugiés, nous croyons que la priorité doit être accordée à la prestation d’une aide juridique adéquate dans ces domaines du droit. Les ressources financières étant limitées, il apparaît primordial, avant de recommander d’étendre l’aide juridique à de nouveaux domaines du droit, d’apporter des solutions aux problèmes qui pèsent sur les éléments essentiels du système. Cela dit, le Comité reconnaît que le gouvernement fédéral n’a qu’un rôle très limité dans l’établissement des priorités à ce chapitre.

B. L’admissibilité financière

À supposer qu’une affaire juridique tombe dans l’un des domaines pris en charge, la prestation de l’aide juridique est de surcroît subordonnée à des critères d’admissibilité financière. Beaucoup de témoins ont soulevé le cas des nombreuses personnes qui n’ont pas les moyens d’embaucher un avocat, mais qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique. Cette question avait auparavant été soulevée dans le rapport de 2016 sur le Canada du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination envers les femmes, dans lequel on pouvait lire ceci : «  Les critères de revenu appliqués limitent l’octroi de l’aide juridictionnelle en matière civile aux femmes vivant bien en dessous du seuil de pauvreté, ce qui empêche les femmes à faible revenu d’accéder à la représentation en justice et aux services juridiques[71]. »

Comme nous l’avons vu plus haut, chaque régime provincial ou territorial d’aide juridique établit ses propres critères d’admissibilité financière[72]. M. Clermont a dit au Comité qu’en 2014-2015, à l’échelle du pays, 35 % des demandes de services complets d’aide juridique ont été rejetées. Dans un peu plus de la moitié des cas, le motif du rejet était l’inadmissibilité financière et dans environ 25 % des cas, le motif était l’inadmissibilité en raison de la nature de l’affaire[73]. Les critères  d’admissibilité et restrictions relatives au programme d’aide juridique de chaque province et territoire sont présentées à l’annexe C.

David Field d’Aide juridique Ontario a fait savoir au Comité que le nombre d’Ontariens à faible revenu admissibles à un certificat d’aide juridique avait diminué entre 1996 et 2011. Il a dit :

[U]ne étude indépendante commandée par AJO a mis en lumière qu’en 2011, un million d’Ontariens à faible revenu de moins qu’en 1996 étaient admissibles à un certificat d’aide juridique. On a constaté que parmi les Ontariens à faible revenu non admissibles, il y avait surreprésentation des familles, des enfants, des travailleurs à faible revenu, des Autochtones et des membres des minorités visibles[74].

Josh Paterson de la British Colombia Civil Liberties Association a pour sa part indiqué que les gens pouvant être qualifiés de « travailleurs pauvres » qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique devraient pouvoir y être admissibles moyennant une contribution basée sur leur revenu. Ainsi, l’accès à l’aide juridique serait étendu à une plus grande partie de la population. À l’heure actuelle, de telles contributions sont permises en Ontario, notamment, mais pas en Colombie-Britannique. Mme Go a affirmé qu’étendre cette formule à la classe moyenne pourrait également rehausser la valeur de l’aide juridique aux yeux de la population :

C’est, d’après moi, en partie parce que, à moins d’avoir à y recourir, les gens n’attachent en général guère d’importance à l’aide juridique. Des ententes de contribution et divers autres types de programmes permettraient peut-être d’étendre l’aide juridique aux gens de la classe moyenne. Cela permettrait sans doute de faire comprendre à une plus grande partie de la population l’importance de ces programmes. Un appui plus fort de la part du public porterait vraisemblablement le gouvernement à accroître le financement actuel[75].

De l’avis du Comité, il serait judicieux d’envisager d’étendre l’accès à l’aide juridique par la généralisation d’une formule prévoyant une contribution des clients aux frais juridiques basée sur leur revenu.

À la lumière de ce qui précède :

RECOMMANDATION 4

Le Comité recommande que le ministère de la Justice du Canada travaille avec les provinces et les territoires en vue d’accroître l’admissibilité à l’aide juridique et, de ce fait, l’accès à la justice en envisageant le recours à une formule où les clients contribueraient aux frais juridiques dans une mesure établie selon une échelle mobile en fonction de leur revenu.

MAXIMISER L’IMPACT DU FINANCEMENT FÉDÉRAL DE L’AIDE JURIDIQUE

Vu les difficultés susmentionnées en ce qui a trait au financement, à la prise en charge limitée et à l’admissibilité, l’adoption de mesures additionnelles est indispensable pour accroître l’efficacité des programmes et étendre l’accès à l’aide juridique. Le Comité reconnaît que le gouvernement fédéral n’a qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de mesures novatrices pour la prestation de services en la matière puisque les programmes d’aide juridique relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Cependant, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle considérable dans la promotion de l’innovation et la mise en commun des pratiques exemplaires. D’ailleurs, il agit déjà en ce sens, comme en témoigne la publication du rapport Optimisation de l’investissement fédéral dans l’aide juridique en matière criminelle, susmentionné, et du Rapport du Comité consultatif du sous-ministre sur l’aide juridique en matière criminelle, qui énoncent tous deux des pratiques exemplaires et des moyens d’accroître l’efficacité des programmes d’aide juridique à l’échelle nationale[76].

Dans les lignes qui suivent, nous traiterons des mesures novatrices qui sont mises en œuvre pour mieux répondre aux besoins en matière d’aide juridique. Le gouvernement fédéral voudra peut-être en tenir compte lorsqu’il déterminera la manière dont seront affectés les 2 millions de dollars annoncés au cours des cinq prochaines années pour l’innovation en matière d’aide juridique[77]. Il convient également de noter qu’il pourrait être nécessaire de varier les services pour les adapter à certaines réalités locales. Toutes les innovations et pratiques exemplaires ne conviennent pas nécessairement à toutes les situations ni à l’ensemble des provinces et territoires.

A. L’importance de diversifier et de coordonner les services

Beaucoup de témoins ont fait valoir auprès du Comité la nécessité d’une approche holistique pour subvenir aux besoins complexes des clients de l’aide juridique[78]. Pensons, par exemple, aux « personnes ayant des problèmes de santé mentale qui sont constamment à risque d’expulsion et de harcèlement par les organismes d’application de la loi[79] » ou encore aux « femmes immigrantes et réfugiées qui sont victimes de violence conjugale ou qui tentent de fuir une situation de violence conjugale, et dont le statut d’immigrant et le revenu dépendent du maintien de leur relation avec leur conjoint violent[80] ». Kerri Froc de l’Association du Barreau canadien a souligné l’importance de mieux coordonner l’aide juridique avec d’autres types de services, notamment sociaux et sanitaires[81]. Albert Currie du Forum canadien sur la justice civile a parlé de deux projets concrets visant à combiner des services :

Le Legal Health Check-up Project qui comporte la création de partenariats entre les cliniques d’aide juridique, d’une part, et les organismes communautaires, les services sociaux, les cliniques communautaires de soins de santé et d’autres entités, d’autre part. Les organismes communautaires dressent un bilan de santé juridique normalisé avec les utilisateurs ou les clients de leurs services et dirigent ensuite les personnes vers la clinique d’aide juridique. Les relations entre les cliniques et les organismes communautaires sont des « voies » qui mènent à l’aide juridique.
Secondary Legal Consultation (Consultation juridique secondaire) : Dans ce contexte, la clinique d’aide juridique fournit des conseils professionnels aux fournisseurs de services d’autres organismes qui peuvent ensuite mieux prêter assistance à leurs propres clients. Citons, par exemple, le cas d’un agent de traitement des cas, à l’Association canadienne pour la santé mentale, qui essaie d’aider un client à remplir une demande destinée au Programme de prestations d’invalidité du RPC [Prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada]. De cette façon, le client bénéficie d’une aide plus compétente de la part du fournisseur de services formé et il obtient aussi un peu d’appui d’un avocat d’une clinique d’aide juridique sans devoir s’adresser à celle‑ci[82].

Des témoins ont aussi dit au Comité qu’il fallait diversifier les services d’aide juridique et les points d’entrée[83]. Beaucoup ont rappelé que l’aide juridique ne consiste pas seulement à représenter un client tout au long d’un procès. M. Piragoff, par exemple, a dit :

[L]'aide juridique ne consiste plus simplement à fournir un avocat à un accusé indigent ou une partie à un procès. Elle revêt maintenant diverses formes, qui vont de la sensibilisation du public en matière juridique, par exemple par les portails en ligne qui peuvent fournir des conseils spécialisés, aux services spécialisés offerts aux clientèles mal desservies[84].

Les gens qui plaident devant les tribunaux n’ont pas tous les mêmes besoins et certains parviennent à se représenter mieux que d’autres. Tous n’ont pas besoin d’une représentation complète dispendieuse.

En diversifiant les modes de prestation des services, les régimes provinciaux et territoriaux d’aide juridique peuvent venir en aide non seulement aux personnes admissibles à la représentation juridique, mais également fournir certains services à celles qui n’ont pas les moyens d’embaucher un avocat, mais qui ne sont pas admissibles à une représentation dans le cadre du programme[85]. Pour citer M. Thomas, « un programme d’aide juridique bien pensé doit offrir quelques services destinés à tout le monde[86] ».

La prestation d’information juridique, par exemple, est cruciale pour mettre la population au courant de ses droits et recours. Elle peut revêtir diverses formes allant de la conception de portails en ligne à la tenue de consultations individuelles[87]. À ce titre, l’initiative « MyLawBC » a été donnée en exemple. On voit aussi poindre des services de consultation téléphonique pour tous qui permettent à un plus grand nombre de personnes de recevoir une aide, peu importe leur revenu[88].

M. Piragoff a fait l’éloge d’une initiative qui permet aux clients de conserver le même avocat de service pour de multiples comparutions (pour beaucoup de gens, l’assistance d’un avocat de service peut être plus facile à obtenir que des services de représentation complète) :

[L]a Colombie-Britannique a lancé un projet pilote qui fournit à l’accusé un accès constant au même avocat de service. Cela a permis de réduire le nombre de comparutions, dans certains cas de huit à deux. Bien sûr, cela procure des économies au contribuable et cela permet de comprimer les délais judiciaires[89].

Des témoins ont aussi suggéré de miser davantage sur les cliniques d’aide juridique des facultés de droit dans les situations qui s’y prêtent. Par exemple, West Coast LEAF a mis sur pied une nouvelle clinique d’aide juridique, le Rise Women’s Legal Centre, en partenariat avec la faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique. Des avocats à l’interne supervisent le travail des étudiants en droit de la famille, en protection de l’enfance et en rédaction testamentaire. La clinique a le double mandat de promouvoir l’accès à la justice tout en initiant les nouveaux avocats aux besoins juridiques de la communauté, à l’exercice du droit de la famille et aux problématiques hommes-femmes, comme la violence fondée sur le sexe[90]. Les cliniques de ce type mettent à profit la contribution d’étudiants qui travaillent en échange de crédits scolaires ou moyennant des honoraires inférieurs à ceux d’un avocat, ce qui réduit les coûts. Julie Chamagne de la Halifax Refugee Clinic a aussi souligné l’importance de prévoir des fonds fédéraux pour l’embauche d’étudiants dans les cliniques comme la sienne[91].

Cela dit, il y aura toujours des clients qui auront besoin d’être représentés du début à la fin de leur procès par un avocat d’expérience. Il pourrait être judicieux d’augmenter les honoraires des avocats chevronnés pour qu’ils acceptent des dossiers complexes et d’investir dans la formation et le mentorat des avocats juniors et des parajuristes. M. Fowler a indiqué qu’il était possible dans certains cas d’améliorer l’efficacité des programmes en affectant les fonds différemment :

J’estime, en effet, que de nombreux problèmes dus aux retards et à l’inefficacité des procès pénaux pourraient être réglés par une meilleure répartition des crédits, afin de donner aux avocats chevronnés les moyens de former leurs jeunes confrères. Les jeunes avocats pourraient ainsi se perfectionner et apprendre à discerner, si, dans telle ou telle affaire, il y a lieu ou non d’aller en procès, et de savoir quels sont les arguments qui pourraient être le plus utilement invoqués. C’est cela qui permettra d’accroître l’efficacité du système. Il suffirait d’assurer aux avocats pénalistes la meilleure formation possible[92].

Pour sa part, M. Goldberg a soulevé l’importance d’affecter des fonds aux causes types afin d’établir une jurisprudence et d’éviter les situations coûteuses où une multitude de dossiers portant sur une question systémique doivent être résolus séparément[93].

Mentionnons également au chapitre des innovations l’établissement de cliniques spécialisées comme la South Asian Legal Clinic of Ontario, la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, le Centre for Spanish Speaking Peoples et l’Aboriginal Legal Services of Toronto. Ces cliniques sont à même de répondre aux besoins uniques de leur clientèle spécifique. Selon les témoins, elles jouent un rôle primordial pour assurer l’accès à la justice des communautés qu’elles desservent. Comme l’a indiqué M. Aylwin, il importe que ces services soient dispensés par « des gens qui comprennent la réalité de ces personnes [celles appartenant à des groupes ethniques et marginalisés] et pas seulement des gens qui peuvent offrir les services[94] ». Mme Chamagne a aussi fait savoir que ces cliniques contribuent considérablement à accroître l’accès à la justice grâce à leur savoir linguistique et culturel qui met les gens suffisamment en confiance pour solliciter leurs services[95]. Certaines cliniques spécialisées sont financées par l’aide juridique, tandis que d’autres (la Halifax Refugee Clinic, par exemple) dépendent d’un financement privé[96].

Selon M. Aylwin, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer auprès des cliniques spécialisées :

Pour ce qui est des cliniques spécialisées, il existe dans le domaine de la santé des cliniques spécialisées qui tiennent compte des besoins culturels propres à la clientèle. Une telle approche dans le domaine juridique ne pourrait être que bénéfique. Il en va de même lorsqu’il s’agit de la réalité multiculturelle et autochtone qui existe au Canada. Il faut une aide fédérale qui vise particulièrement des communautés souvent marginalisées, au moyen de la bonification du financement en matière d’aide juridique. En ce qui concerne les cliniques spécialisées privées, nous croyons que cela demande l’engagement du gouvernement fédéral. L’objectif de ces centres spécialisés est d’assurer une représentation à des groupes précis à l’aide d’experts qui s’intéressent non seulement aux clients démunis, mais aussi à ceux qui sont marginalisés[97].

Au sujet de l’importance de la compétence culturelle pour aider les groupes marginalisés à cheminer dans le système judiciaire, M. Benton a affirmé :

Un financement est nécessaire pour la mise en place et le maintien d’un réseau de ressources communautaires pour aider les gens qui ont recours au système judiciaire. Il ne s’agit pas ici d’avocats ni même de travailleurs auprès des tribunaux. Ce sont des gens de la collectivité qui savent de quoi il en retourne. Il y a des intervenants qui aident les gens à s’y retrouver dans le réseau de la santé, et il devrait en être de même dans le système judiciaire[98].

À titre d’explication, il a ajouté :

Notre analyse […] a révélé que, malgré les programmes de sensibilisation aux réalités culturelles et les autres mesures que nous prenons pour jeter des ponts entre nos collectivités, nos services sont considérés comme étant inhospitaliers, inaccessibles et insuffisamment mis en valeur. C’est attribuable au fait que les régimes d’aide juridique sont généralement administrés par des avocats. Le plus souvent, on cherche à mettre l’accent sur les valeurs du système judiciaire, plutôt que sur les besoins des gens qui s’adressent à nous. Bien que cette situation ne touche pas uniquement les collectivités autochtones, celles-ci subissent des préjudices extrêmes[99].

À la lumière de ce qui précède :

RECOMMANDATION 5

Le Comité recommande que le ministère de la Justice du Canada facilite la diffusion dans les provinces et les territoires des pratiques exemplaires pour l’administration et la prestation des services d’aide juridique en mettant l’accent sur le rôle des facultés de droit et des cliniques spécialisées dans l’optique d’accroître l’accès à la justice.

B. L’utilisation de la technologie

Plusieurs témoins ont dit au Comité que l’utilisation de la technologie peut accroître l’efficacité des programmes d’aide juridique et ainsi libérer des ressources pour aider un plus grand nombre de clients. Comme l’a résumé l’avocat britanno-colombien Thomas Spraggs dans le mémoire qu’il a présenté au Comité :

Permettre l’accès à la justice requiert de l’argent, mais cela nous demande aussi de penser différemment à la vraie nature des obstacles et à la façon dont nous pouvons les surmonter. En misant sur la technologie pour accroître l’efficacité des avocats, ils épargneront du temps autrement consacré à des activités de faible valeur, tirant sur des budgets d’aide juridique limités. Les avocats pourront également adopter le dégroupage des services en ne compromettant pas la viabilité financière des cabinets pour lesquels ils travaillent. L’utilisation des technologies de la vidéoconférence et d’autres technologies collaboratives a la capacité de révolutionner la prestation de services gratuits, d’inciter les avocats à contribuer de leur temps d’une manière qui soit plus viable pour eux et meilleure pour les personnes qu’ils aident. Intégrer la vidéoconférence, le clavardage, l’établissement de rendez-vous et les paiements mobiles dans les relations entre le client et l’avocat lèvera bon nombre des obstacles non financiers qui gênent l’accès à la justice et accélérera l’adoption de salles d’audience virtuelles. La technologie améliorera considérablement l’accès à la justice au Canada; mais cette capacité potentielle ne peut se concrétiser que grâce à des actions coordonnées focalisées des gouvernements, des autorités de réglementation, des cabinets et des avocats eux‑mêmes[100].

Lors de son témoignage, M. Piragoff a cité en exemple l’Ontario, où « les applications en ligne avaient permis de comprimer la durée moyenne du traitement des demandes de 62 %[101] ». Créer des feuilles de travail électroniques pour faciliter la tâche des avocats de service et améliorer les ressources documentaires en ligne figurent parmi les autres suggestions reçues[102].

M. Aylwin a indiqué que la technologie peut être mise à contribution pour augmenter l’efficacité du système et réduire la quantité de papier utilisée dans les procédures judiciaires[103]. Dans le même ordre d’idée, Mme Chamagne a signalé que de réelles économies pourraient être faites dans l’impression et l’expédition de documents si les règles des tribunaux étaient plus souples et permettaient davantage l’utilisation de documents électroniques[104]. M. Aylwin et Mme Chamagne ont rappelé cependant que les personnes marginalisées nécessitant une aide juridique sont souvent dépourvues de moyens technologiques, ce dont il faut toujours tenir compte même à l’ère de la technologie[105].

Tout au long de l’étude, les témoins ont suggéré des applications concrètes de la technologie pour améliorer le système et réduire les coûts qui méritent un examen plus approfondi. Bien que le changement soit chose difficile, le Comité croit que les intervenants du système judiciaire doivent être disposés à adapter leurs méthodes de travail pour mettre l’innovation à leur service.

À la lumière de ce qui précède :

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande que le ministère de la Justice du Canada travaille avec les provinces et les territoires pour promouvoir l’utilisation de la technologie afin d’améliorer l’accès aux services d’aide juridique et de maximiser l’impact du financement disponible.

C. Les services aux communautés de langue officielle en situation minoritaire

Les obligations relatives à la prestation de services aux communautés de langue officielle en situation minoritaire varient d’une province/territoire à l’autre au Canada. Par exemple, des témoins de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse ont entretenu le Comité au sujet de la difficulté pour les francophones d’obtenir des services dans leur langue dans ces provinces. La rareté du personnel judiciaire et des juges bilingues fait augmenter le coût et la durée des procédures pour ces personnes. De plus, le Comité a appris qu’en Nouvelle-Écosse des certificats d’aide juridique pour l’obtention de services en français ne peuvent être délivrés qu’en cas de poursuite pénale, ce qui signifie, en théorie, que tout autre type de procès doit se dérouler en anglais[106].

Quant à l’Ontario, M. Field a dit au Comité que la prestation de services d’aide juridique en français y est obligatoire en vertu de la Loi sur les services en français, mais que, en pratique, certains problèmes subsistent. Parfois, a-t-il expliqué, le personnel parle français, mais pas nécessairement au niveau requis pour offrir des services juridiques. Il peut être difficile également d’assurer un service en français dans les petites localités[107]. De plus, la plupart des outils juridiques comme les modèles de testaments ne sont offerts qu’en anglais dans les provinces de common law. Les clients doivent alors soit payer pour obtenir une traduction soit accepter de recevoir d’importants documents dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Comme l’a expliqué Andrée-Anne Martel de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) :

Je conclus en indiquant que l’accès à la justice constitue un enjeu pour l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes. L’accès égal à la justice en français constitue encore un défi supplémentaire pour les francophones vivant en situation minoritaire. Nous réitérons les statistiques : les Canadiens de la classe moyenne et issus de milieux marginalisés souffrent particulièrement d’un accès inadéquat à la justice. La souffrance est doublée lorsque le justiciable fait face à un choix : agir en français, payer des frais supplémentaires et subir des délais, ou agir en anglais[108].

Pour compenser l’insuffisance des services offerts en français en Ontario, l’AJEFO fournit de l’information juridique dans les deux langues officielles par l’entremise de son Centre d’information juridique d’Ottawa et administre un portail Web pour renseigner la population sur ses droits et obligations juridiques, ainsi qu’un site Web rassemblant des outils et des modèles d’actes en français à l’intention des juristes[109].

À la lumière de ce qui précède :

RECOMMANDATION 7

Le Comité recommande que le ministère de la Justice du Canada travaille avec les provinces et les territoires pour assurer aux francophones et aux anglophones en situation minoritaire l’accès à des services d’aide juridique dans leur langue, y compris des services de représentation et d’information juridique, et pour élaborer des outils et des modèles d’actes dans les deux langues officielles.

AMÉLIORER LA COLLECTE DE DONNÉES

Le Centre canadien de la statistique juridique recueille chaque année des données cumulatives sur l’aide juridique depuis 1983-1984. Pour ce faire, il invite les programmes d’aide juridique de chaque province et territoire à remplir un questionnaire électronique – l’Enquête sur l’aide juridique[110]. Comme l’a expliqué M. Clermont lors de son témoignage, l’enquête fournit des renseignements sur les recettes, les dépenses et les effectifs de même que des statistiques sur les demandes (p. ex. le volume traité et le nombre de demandes approuvées et rejetées). Malheureusement, l’Enquête sur l’aide juridique ne recueille ni données démographiques (sexe, origine ethnique, profil linguistique, etc.) sur les clients de l’aide juridique ni renseignements sur le financement fédéral de l’aide juridique en matière civile dans les provinces[111].

D’après la plus récente Enquête sur l’aide juridique, environ 718 000 demandes d’aide juridique ont été faites à la grandeur du Canada en 2014-2015 (42 % concernaient des affaires pénales, 23 % des affaires familiales, 33 % d’autres affaires civiles et 2 % des infractions provinciales ou territoriales[112]).

Pendant l’étude du Comité, plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations quant à l’insuffisance des données amassées à l’échelle nationale. Par exemple, M. Field a souligné la nécessité d’améliorer la collecte de données concernant la prestation des services d’aide juridique :

[J]e crois que nous devons recueillir de meilleures données sur la prestation de services dans les domaines liés au droit criminel et au droit de la famille, et sur la façon dont ces domaines sont touchés par la diversité présente dans la province. Je crois que nous avons beaucoup de travail à faire à cet égard[113].

Étant donné que l’amélioration des services ne peut se faire sans des données adéquates, il a recommandé que le gouvernement fédéral facilite la collecte de données à l’échelle nationale :

Le gouvernement fédéral pourrait également offrir de l’aide aux provinces en matière de collecte de données et de présentation des résultats. Les régimes d’aide juridique du Canada en sont encore à leurs premiers balbutiements dans ce domaine. Grâce à sa question sur l’auto-identification, AJO sait que 15 % de tous les certificats d’aide juridique délivrés en Ontario concernent des clients qui se définissent comme des Autochtones. Plus nous en savons sur nos clients, plus nous pouvons améliorer nos services[114].

Le Comité convient de la nécessité d’améliorer la collecte de données sur l’aide juridique afin de faciliter la recherche en la matière et d’évaluer l’évolution et l’efficacité des programmes.

M. Clermont a par ailleurs dit au Comité que le Centre canadien de la statistique juridique procède actuellement à une refonte de l’Enquête sur l’aide juridique afin de dresser un portrait plus exhaustif de l’administration et de la prestation des services d’aide juridique à la grandeur du pays. On envisage d’améliorer l’enquête notamment en compilant des données sociodémographiques sur la clientèle, en ajoutant des questions sur les types de services offerts et le nombre de parajuristes et d’étudiants en droit employés par l’aide juridique ainsi qu’en recueillant des renseignements sur les ordonnances de protections rendues à l’égard d’enfants et sur les services d’aide juridique en droit de l’immigration et des réfugiés[115].

Le Comité trouve de bon augure les améliorations envisagées et considère la refonte de l’Enquête sur l’aide juridique comme une occasion de promouvoir l’importance de compiler des données qui permettront d’effectuer une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) des services d’aide juridique[116]. Comme l’ont expliqué des témoins, il ne faut pas négliger la dimension hommes-femmes ni les autres aspects démographiques de la pauvreté et, donc, de l’aide juridique. Par exemple, certains types de problèmes juridiques concernent davantage un genre que l’autre. C’est notamment le cas des accusations au pénal, plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes. Malheureusement, l’impact sur les différents groupes des choix de chaque province et territoire quant à la nature des affaires prises en charge et à l’admissibilité financière ne semble pas pleinement compris. Lors de son témoignage, Mme Go a suggéré de soumettre obligatoirement les programmes d’aide juridique à une analyse comparative entre les sexes et une analyse comparative entre les origines ethniques, qui s’étendraient à la distribution du financement[117]. Elizabeth Hendy du ministère de la Justice a indiqué que les résultats d’une telle analyse seraient utiles à son ministère :

Cela fait partie de la liste des renseignements que nous aimerions recevoir, mais que nous ne recevons pas nécessairement actuellement. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec nos collègues du Centre canadien de la statistique juridique, afin qu’une enquête plus robuste soit lancée et de produire des données plus étoffées pour que nous puissions comprendre qui sont les clients qui reçoivent le service[118].

De telles données et analyses faciliteraient l’établissement des priorités par les programmes provinciaux et territoriaux d’aide juridique et leur permettraient de mieux répondre aux besoins de leur clientèle diversifiée. Le gouvernement fédéral préconise déjà le concept ACS+ au sein de l’administration publique.

Vu l’importance de comprendre la jonction entre les divers facteurs d’identité et le fait qu’une telle démarche améliorerait les décisions relatives aux priorités et aux services en matière d’aide juridique :

RECOMMANDATION 8

Le Comité recommande que le ministère de la Justice du Canada travaille avec les provinces et les territoires, en collaboration avec le Centre canadien de la statistique juridique en vue, d’une part, d’améliorer la cueillette de données nationales sur l’administration et la prestation de l’aide juridique au Canada et, d’autre part, de recommander des modifications à l’Enquête sur l’aide juridique.

RECOMMENDATION 9

Le Comité recommande que la ministre de la Justice et procureure générale du Canada encourage fortement le Centre canadien de la statistique juridique à améliorer l’Enquête sur l’aide juridique et à y inclure l’ensemble des variables nécessaires à la conduite d’une étude comparative entre les sexes plus (ACS+) des services d’aide juridique.

RECOMMANDATION 10

Le Comité recommande que le ministère de la Justice du Canada procède à intervalle régulier à une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) de l’administration et de la prestation des services d’aide juridique au Canada afin d’évaluer l’impact des choix en matière de politique et de financement sur les divers groupes clients, notamment les femmes, les personnes souffrant de maladie mentale, les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les Autochtones et les membres de communautés racialisées. Les résultats de l’analyse devraient être publiés.

CONCLUSION

Les programmes d’aide juridique de tout le pays doivent relever d’importants défis à l’heure où ils tentent de répondre à des besoins juridiques de plus en plus complexes avec le financement dont ils disposent. Des témoignages qu’il a reçus, le Comité conclut que l’aide financière doit être augmentée, de même que le nombre d’initiatives visant à satisfaire des besoins particuliers tels ceux des francophones et anglophones en situation minoritaire. Parallèlement à cela, les intervenants à tous les niveaux doivent maximiser l’utilisation des ressources financières en misant sur la technologie et d’autres mesures pour accroître l’efficacité des programmes. Garantir l’accès à la justice est un objectif commun et la collaboration sera indispensable pour l’atteindre.

Le gouvernement fédéral peut prendre des mesures concrètes qui auront un véritable impact, comme financer l’aide juridique en matière civile indépendamment du TCPS, améliorer la cueillette de données, procéder à des ACS+ et améliorer les mécanismes de reddition de comptes. La mise en œuvre des recommandations du présent rapport peut accroître considérablement la responsabilisation et la transparence et permettre un débat public plus éclairé sur l’aide juridique. Le Comité est convaincu que les investissements dans l’aide juridique s’accompagneront de retombées positives telles une célérité accrue de la justice, une réduction des coûts à supporter par le système judiciaire et un recours moindre à d’autres services tels les soins de santé et l’aide sociale.

Pour reprendre le conseil donné par de nombreux témoins : il faut agir maintenant.


[1]                     La troisième phase de l’étude du Comité sur l’accès à la justice sera consacrée aux lenteurs du système judiciaire et la quatrième, à l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, qui traite de l’examen des projets de loi d’initiative ministérielle par le ministère de la Justice au regard de la Charte canadienne des droits et libertés.

[2]              La liste des témoins et la liste des mémoires figurent aux annexes A et B respectivement.

[3]              Les témoins ont employé les termes « programme d’aide juridique », « système d’aide juridique » et « régime d’aide juridique » de manière interchangeable. Le Comité les considère comme équivalents.

[4]              Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des droits de la personne (JUST), Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Richard Fowler, représentant, Colombie-Britannique, Conseil canadien des avocats de la défense) et (Avvy Yao-Yao Go, directrice de clinique, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic).

[5]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Doug Ferguson, membre, Comité de l’accès à la justice, Association du Barreau canadien) et (Richard Fowler). M. Fowler a affirmé que chaque dollar investi dans l’aide juridique pouvait faire économiser entre deux et sept dollars dans d’autres services.

[6]                     JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mai 2017 (Mark Benton, chef de la direction, Legal Services Society).

[7]                     JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska, directrice, Administration d’aide juridique, Direction générale des programmes, Secteur des politiques, ministère de la Justice). Il convient toutefois de noter que Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal du Secteur des politiques du ministère de la Justice, a dit au Comité que le financement fédéral est subordonné à certaines conditions. Il a déclaré : « Nous [le ministère de la Justice] essayons d’influencer les provinces dans leurs décisions constitutionnelles relatives à l’administration de la justice. Cependant, nous ne pouvons pas le faire directement, car l’administration de la justice est une responsabilité constitutionnelle des provinces. »

[8]                     JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques, ministère de la Justice).

[9]              Ibid.

[10]           Le gouvernement fédéral délègue aux territoires, par des ententes, des pouvoirs semblables à ceux des provinces. Le site Web des Affaires intergouvernementales donne de plus amples renseignements sur les différences entre les provinces et les territoires.

[11]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[12]           Ibid.

[13]           Ministère de la Justice, Évaluation du Programme d’aide juridique – Rapport final, 2012, p. 63.

[14]           Ibid., p. iii.

[15]                 Les ententes sur les services d’accès à la justice constituent un fonds consolidé pour chaque territoire; elles remplacent les ententes individuelles conclues auparavant pour la prestation d’aide juridique (civile et pénale), le Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones et les services d’information et de vulgarisation juridiques. Voir ministère de la Justice, Évaluation du Programme d’aide juridique – Rapport final, 2012.

[16]           Le Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones prévoit une aide financière pour les Autochtones dans le système de justice pénale. Les services d’information et de vulgarisation juridiques visent à « communiquer aux citoyens l’information juridique dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées en vue de participer efficacement au système de justice », ministère de la Justice, Rapport sur les plans et les priorités 2014-2015 – Tableaux de renseignements supplémentaires.

[17]           Ministère de la Justice, renseignements fournis au Comité en octobre 2017.

[18]           Ibid.

[19]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[20]           R. c. Rowbotham [disponible en anglais seulement], 1988 CanLII 147 (ON CA).

[21]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[22]           Dans le contexte provincial, le droit des parents à un avocat payé par l’État lorsque ce dernier réclame la garde d’un enfant est reconnu au titre de l’article 7 (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne). Nouveau‑Brunswick (ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 RCS 46.

[23]           Ministère de la Justice, Évaluation du Programme d’aide juridique – Rapport final, 2012, p. iii.

[24]           Ministère de la Justice, renseignements fournis au Comité en octobre 2017.

[25]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[26]           Ministère de la Justice, Programme d’aide juridique.

[27]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[28]           Ibid.

[29]                 L’aide juridique en matière civile dans les provinces était autrefois financée par le Régime d’assistance publique du Canada, qui a été remplacé par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Celui-ci a été scindé pour devenir le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et le Transfert canadien en matière de santé.

[30]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[31]                 Voir, par exemple : JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David Field, président et directeur général, Aide juridique Ontario), (David McKillop, vice-président, Aide juridique Ontario) et (Kasari Govender, directrice exécutive, West Coast Women’s Legal Education and Action Fund); JUST, 1re session, 42e législature, Association du Barreau canadien, Étude sur l’accès au système de justice – aide juridique, mémoire, décembre 2016, p. 2.

[32]                 Plus précisément, le CEDAW recommandait au Canada « [d’] accroître le financement de l’aide juridictionnelle en matière civile et, plus particulièrement, de réserver des fonds à cette aide dans le Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour garantir l’accès des femmes, en particulier les femmes victimes de la violence, les femmes autochtones et les femmes handicapées, à une aide juridictionnelle adaptée dans toutes les juridictions ». Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques du Canada, 25 novembre 2016, paragr. 14-15.

[33]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Doug Ferguson).

[34]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016  (Richard Fowler).

[35]           Voir, par exemple, JUST, Témoignages, 1re  session, 42e législature, 2 février 2017 (Kasari Govender); Témoignages, 7 février 2017 (Ryan Fritsch, à titre personnel).

[36]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Doug Ferguson).

[37]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Richard Fowler).

[38]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (Kasari Govender).

[39]                 Ibid.

[40]                 Prairie Research Associates, Optimisation de l’investissement fédéral dans l’aide juridique en matière criminelle, Direction de l’aide juridique, ministère de la Justice Canada, 2014, p. 6. Ryan Fritsch a fait allusion aux conclusions de ce rapport dans son témoignage. Voir JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 février 2017 (Ryan Fritsch).

[41]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Antoine Aylwin, vice-président, Barreau du Québec).

[42]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017 (Mitchell J. Goldberg, président, Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés).

[43]           Voir, par exemple, JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Kerri Froc, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien) et (Avvy Yao-Yao Go); Témoignages, 16 mai 2017 (Julie Chamagne, directrice générale, Halifax Refugee Clinic).

[44]                 L’enquête sur l’aide juridique est financée par la Direction de l’aide juridique du ministère de la Justice du Canada. Pour plus d’information sur l’enquête, voir le site Web de Statistique Canada.

[45]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Yvan Clermont, directeur, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada). Mme Hruska du ministère de la Justice a précisé : « Elle était de 112 millions de dollars pendant une certaine période. Cette année, elle a augmenté de 9 millions de dollars. L’an prochain, elle augmentera de 12 millions, et par la suite, de 15, 20 et 32 millions de dollars respectivement, par rapport à ce montant initial. » Voir JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[46]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[47]           Gouvernement du Canada, Budget 2017 : Bâtir une classe moyenne forte, 22 mars 2017, p. 213.

[48]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[49]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Richard Fowler).

[50]           Voir, par exemple, JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David Field); Témoignages, 7 février 2017 (Josh Paterson, directeur général, British Columbia Civil Liberties Association).

[51]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Yvan Clermont).

[52]                 JUST, 1re Session, 42législature, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, Mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur l’accès à la justice et accessibilité à l’aide juridique, mémoire, décembre 2016, p. 8.

[53]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Avvy Yao-Yao Go).

[54]           Legal Aid Ontario, « Tous les services en droit de l’immigration et des réfugiés d’AJO seront maintenus le 1er juillet 2017, » communiqué, 26 juin 2017.

[55]           Ian Mulgrew, « Legal aid for refugees in B.C. being cut Aug.1 », The Vancouver Sun, 26 juin 2017.

[56]           Katie Derosa, « Legal aid for immigrants, refugees saved by last-minute cash », Times Colonist (Victoria), 25 juillet 2017.

[57]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[58]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Avvy Yao-Yao Go).

[59]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017 (Mitchell J. Goldberg).

[60]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Doug Ferguson).

[61]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (Kasari Govender); Témoignages, 16 mai 2017 (Antoine Aylwin).

[62]                 R. c. Rowbotham [disponible en anglais seulement], 1988 CanLII 147 (ON CA). L’alinéa 11(d) garantit à l’inculpé le droit « d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable ».

[63]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[64]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Doug Ferguson).

[66]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (Kasari Govender).

[67]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David McKillop).

[68]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Doug Ferguson).

[69]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (Kasari Govender); Témoignages, 7 février 2017 (Joshua Paterson).

[70]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[71]                 Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination envers les femmes, Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Canada, 25 novembre 2016, paragr. 14.

[72]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[73]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Yvan Clermont). Autres motifs invoqués : irrecevabilité au fonds (6 %), non-respect des conditions ou recours abusif (2 %) et « autres » (15 %). Ne sont pas comprises dans ces statistiques les personnes qui, bien que n’ayant pas les moyens d’embaucher un avocat, n’ont pas fait de demande d’aide juridique parce qu’elles se savaient inadmissibles.

[74]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David Field).

[75]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 février 2017 (Joshua Paterson); Témoignages, 13 décembre 2016 (Richard Fowler), (Avvy Yao-Yao Go) et (Doug Ferguson).

[76]           Prairie Research Associates, Optimisation de l’investissement fédéral dans l’aide juridique en matière criminelle, rapport présenté à la Direction de l’aide juridique du ministère de la Justice du Canada, 2014; Administration d'aide juridique, Rapport du Comité consultatif du sous-ministre sur l’aide juridique en matière criminelle, ministère de la Justice Canada, 2014.

[77]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[78]           Voir, par exemple, JUST, Témoignages, 1re  session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Richard Fowler) et (Kerri Froc); JUST, 1re  session, 42e législature, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, Mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur l’accès à la justice et accessibilité à l’aide juridique, mémoire, décembre 2016, p. 4.

[79]           JUST, 1re  session, 42e législature, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, mémoire.

[80]           Ibid.

[81]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Kerri Froc).

[82]                 JUST, 1re session, 42e législature, Albert Currie, Agrégé supérieur de recherche, Forum canadien sur la justice civile, notes d’allocution, 2 février 2017.

[83]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Kerri Froc).

[84]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[85]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[86]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017 (Aneurin Thomas, directeur exécutif, Commission du droit de l’Ontario).

[87]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[88]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Hana Hruska).

[89]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016  (Donald Piragoff).

[90]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (Kasari Govender); Rise Women’s Legal Centre, « Our Services ».

[91]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Julie Chamagne).

[92]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Richard Fowler).

[93]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017 (Mitchell J. Goldberg).

[94]                 JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Avvy Yao-Yao Go); Témoignages, 16 mai 2017 (Antoine Aylwin).

[95]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Julie Chamagne).

[96]           Le financement privé peut être plus précaire que le financement public. Mme Chamagne a indiqué que l’Halifax Refugee Clinic est confrontée à « un financement insuffisant et irrégulier, qui exige du personnel qu'il s'occupe de collecte de fonds, en plus de fournir les services directs pour simplement conserver [les] programmes ». Elle conclut : « C'est notre réalité. Notre situation n'est pas unique, mais c'est celle de nombreux organismes sans but lucratif qui existent au Canada. » Voir également JUST, Témoignages, 2 février 2017 (Kasari Govender).

[97]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Antoine Aylwin).

[98]           JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mai 2017 (Mark Benton).

[99]           Ibid.

[100]         JUST, 1re session, 42e législature, Thomas Spraggs, Permettre l’accès à la justice grâce à la technologie, mémoire, 31 mai 2017, p. 4.

[101]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Donald Piragoff).

[102]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David Field).

[103]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Antoine Aylwin); JUST, 1re session, 42e législature, Barreau du Québec, Comparution du Barreau du Québec devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, 16 mai 2017 – renseignements additionnels,  26 mai 2017, p. 2.

[104]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Julie Chamagne).

[105]              Ibid., (voir également Antoine Aylwin); JUST, 1re session, 42e législature, Barreau du Québec, Comparution du Barreau du Québec devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, 16 mai 2017 – renseignements additionnels, 26 mai 2017, p. 2.

[106]         JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017 (Réjean Aucoin, président, Association des juristes d’expression française de la Nouvelle-Écosse).

[107]         JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David Field).

[108]         JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 mai 2017 (Andrée-Anne Martel, directrice générale, Association des juristes d'expression française de l'Ontario).

[109]         Ibid.

[110]              L’Enquête sur l'aide juridique est financée par la Direction de l’aide juridique du ministère de la Justice du Canada. Pour de plus amples renseignements sur l’enquête, voir le site Web de Statistique Canada.

[111]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Yvan Clermont).

[112]              Ibid.

[113]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 février 2017 (David Field).

[114]              Ibid.

[115]              JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Yvan Clermont).

[116]         Condition féminine Canada donne de l’ACS+ l’explication suivante : « L’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) sert à évaluer les répercussions potentielles des politiques, des programmes ou des initiatives sur divers ensembles de personnes — femmes, hommes ou autres. L’identité individuelle est déterminée par une multitude de facteurs en plus du sexe, par exemple la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge ou le fait de vivre avec un handicap de nature physique ou intellectuelle. D’où l’ajout du mot « plus », signifiant que l’analyse ne se limite pas au sexe (différences biologiques) ou au genre (la construction sociale du sexe), mais considère aussi les autres facteurs qui les recoupent. » Condition féminine Canada, Qu’est-ce que L’ACS+?

[117]         JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016 (Avvy Yao-Yao Go).

[118]         JUST, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 décembre 2016 (Elizabeth Hendy, directrice générale, Direction générale des programmes, Secteurs des politiques, ministère de la Justice).